Download analyse du texte les fleurs du mal and more Schemes and Mind Maps Design in PDF only on Docsity! LXXVI - Spleen J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans. Un gros meuble à tiroirs encombrés de bilans, De vers, de billets doux, de procès, de romances, Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances, Cache moins de secrets que mon triste cerveau. C'est une pyramide, un immense caveau, Qui contient plus de morts que la fosse commune. - Je suis un cimetière abhorré de la lune, Où comme des remords se traînent de longs vers Qui s'acharnent toujours sur mes morts les plus chers. Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées, Où gît tout un fouillis de modes surannées, Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher Seuls, respirent l'odeur d'un flacon débouché. Rien n'égale en longueur les boiteuses journées, Quand sous les lourds flocons des neigeuses années L'ennui, fruit de la morne incuriosité Prend les proportions de l'immortalité. - Désormais tu n'es plus, ô matière vivante ! Qu'un granit entouré d'une vague épouvante, Assoupi dans le fond d'un Sahara brumeux ; Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux, Oublié sur la carte, et dont l'humeur farouche Ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche. Charles Baudelaire Les Fleurs du mal, section Spleen et idéal Projet Après avoir étudié la mise en page et le fonctionnement général du texte, nous étudierons le texte en suivant son mouvement. Le vers 1 : le poète annonce son bilan. Les vers 2 à 24 : il fait un inventaire chaotique de ses souvenirs. Les vers 15 à 18 : il ne connaît plus que l'ennui. Les vers 19 à 24 : passage à la deuxième personne. Il est étranger à lui-même et au monde. Mise en page et fonctionnement Le poème a une forme irrégulière, il n'est pas régulièrement disposé en strophe comme par exemple le LXXVIII. - Il est fragmenté en ensemble inégaux 1 vers - 13 vers - 10 vers, si on tient compte du blanc, des tirets (vers 8-18). Cela fragmente encore ces ensembles de 13 vers et 10 vers ; ces blancs et ces tirets découpent des ensembles qui ont leur unité. L'ensemble donne une impression d'irrégularité. - Le poème fonctionne par accumulation d'images apparemment disparates, le cerveau du poète est successivement un meuble (vers 1-4), une pyramide (vers 5-6), un cimetière (vers 7-8), un vieux boudoir (= salon)(vers 11-14), un granit (vers 19-21) et un sphinx (vers 22-24). - Le spleen c'est le contraire de l'harmonie, c'est le chaos de l'âme. => La mise en page d'une part et le fonctionnement d'une autre part donnent une impression de chaos. Analyse linéaire du poème I. L'annonce son bilan - Vers 1 - Le vers se prononce d'un seul tenant -> cela donne une impression d'immensité. - Dans ce vers, Baudelaire donne l'impression d'être une immense mémoire, las, il a tout vu ; il utilise une hyperbole très expressive. - Ce vers est une ouverture, annonçant la suite, la tonalité : la lassitude. II. Un inventaire chaotique de ses souvenirs - Vers 2 à 14 Baudelaire fait l'inventaire de ses souvenirs à l'aide de métaphores. A) Quelles métaphores ? - Difficultés matérielles ; bilan (vers 2), procès (vers 3), quittances (vers 4) : écho de Baudelaire qui dilapidait l'héritage paternel, plein de dettes => souvenirs humiliants, douloureux. - Souvenir d'amours ; romances (vers 3), billets doux (vers 3). - Souvenir du poète : vers (vers 3), romances (vers 3). - Souvenir d'art : les pastels, les pâles Boucher (vers 13) => Baudelaire a vécu sa petite enfance dans les œuvres d'art de son père et est devenu critique d'art. - Tout ses souvenirs sont dévalorisés car ils sont accumulés, mélangés dans un bric à brac (vers 2 à 4). B) Vers 6 à 8 - Le cerveau du poète devient une pyramide, un caveau, un cimetière, la métaphore transforme ses souvenirs en ossements. Sa mémoire devient champ de cadavres. - La lune n'éclaire même plus sa mémoire devenue cimetière (abhorré = tenue en horreur) (vers 8) C) Vers 9 à 10 - Des remords importants le condamnent. - Sa mémoire est comme un cadavre rongé par les vers (= remords qui hantent le poète). Il a le sentiment qu'il a échoué en tant que poète. => Le spleen s'attaque au poète et non à l'homme. D) Vers 11 à 14 Sa mémoire est successivement un meuble, un cimetière, puis ici un vieux boudoir : - On y trouve des fleurs, des modes (= dentelles), des objets d'art, des Bouchers. - Il y règne le désordre, les objets sont proches du néant, anciens, démodés (roses fanées, modes surannées, parfums éventés). - Les sensations auditives (pastels plaintifs (vers 12)) rendent compte de l'impression visuelle ; il y a correspondance.