Analyse linéaire partie 1, scène 9 de juste la fin du monde, Study notes of French

Download Analyse linéaire partie 1, scène 9 de juste la fin du monde and more Study notes French in PDF only on Docsity! FICHE 11 LECTURE LINÉAIRE: Partie 1, scène 9 : « le conflit familial » Juste la fin du monde, Jean-luc LAGARCE, 1990 INTRODUCTION: Jean-Luc Lagarce est un dramaturge, comédien, metteur en scène et directeur de troupe qui connaît ses premiers succès en adaptant des pièces classiques et ses propres textes. Alors que les thèmes de la maladie et de la disparition sont déjà présents dans son œuvre, il apprend en 1988 sa séropositivité. Il meurt en pleines répétitions théâtrales après avoir achevé un dernier texte dramatique, Le Pays lointain. La pièce Juste la fin du monde est écrite à Berlin et elle ne sera jamais jouée de son vivant. C’est un huis-clos familial qui met en scène cinq personnages d’une même famille. Le titre Juste la fin du monde est explosif, lapidaire comme une apocalypse qui s’annonce. Dans ce passage, la famille est rassemblée autour d’un repas. PROJET DE LECTURE: Mon projet de lecture sera de montrer : - En quoi cette scène à la fois tragique et comique révèle un dysfonctionnement familial? - Comment cette scène de conflit familial montre que les tentatives de réconciliation sont impossibles Mouvements: 1. (l1-6): Le premier mouvement représente en apparence un repas de famille 2. (l7-25): Le deuxième mouvement se concentre sur la dispute entre Suzanne et Antoine 3. (l26-37): Le conflit qui débute entre antoine et suzanne est contagieux et s’étend à l’ensemble de la famille 4. (l38-43): Dans le 4 eme mouvement, nous assistons à la réaction absurde et comique de la mère 1. LA MÈRE.– C’est l’après-midi, toujours été ainsi : 2. le repas dure plus longtemps, 3. on n’a rien à faire, on étend ses jambes. 4. CATHERINE.– Vous voulez encore du café ? 5. SUZANNE.– Tu vas le vouvoyer toute la vie, ils vont se vouvoyer toujours ? 6. ANTOINE.– Suzanne, ils font comme ils veulent ! 7. SUZANNE.– Mais merde, toi, à la fin ! 8. Je ne te cause pas, je ne te parle pas, ce n’est pas à toi que je parle ! 9. Il a fini de s’occuper de moi, comme ça, tout le temps, 10. tu ne vas pas t’occuper de moi tout le temps, 11. je ne te demande rien, 12.qu’est-ce que j’ai dit ? 13.ANTOINE.– Comment est-ce que tu me parles ? 14.Tu me parles comme ça, 15. jamais je ne t’ai entendue. 16.Elle veut avoir l’air, 17.c’est parce que Louis est là, c’est parce que tu es là, 18. tu es là et elle veut avoir l’air. 19.SUZANNE.– Qu’est-ce que ça à voir avec Louis, 20.qu’est-ce que tu racontes ? 21.Ce n’est pas parce que Louis est là, 22.qu’est-ce que tu dis ? 23.Merde, merde et merde encore ! 24.Compris ? Entendu ? Saisi ? 25.Et bras d’honneur si nécessaire ! Voilà, bras d’honneur ! 26.LA MÈRE.– Suzanne ! 27.Ne la laisse pas partir, 28.qu’est-ce que c’est que ces histoires ? 29.Tu devrais la rattraper ! 30.ANTOINE.– Elle reviendra. 31.LOUIS.– Oui, je veux bien un peu de café, je veux bien. 32.ANTOINE.– « Oui, je veux bien un peu de café, je veux bien. » 33.CATHERINE.– Antoine ! 34.ANTOINE.– Quoi ? 35.LOUIS.– Tu te payais ma tête, tu essayais. 36.ANTOINE.– Tous les mêmes, vous êtes tous les mêmes ! 37.Suzanne ! 38.CATHERINE.– Antoine ! Où est-ce que tu vas ? 39.LA MÈRE.– Ils reviendront. 40. Ils reviennent toujours. 41.Je suis contente, je ne l’ai pas dit, je suis contente que nous soyons tous là, tous réunis. 42.Où est-ce que tu vas ? 43.Louis ! Catherine reste seule. répand, touchant maintenant Louis. La parole génère la crise elle-même, et notamment par ce “tu” qui tue. Antoine refuse d’entendre la douleur de Suzanne, parce qu’elle s’est exprimé par la colère. Il y a crise de langage car il échoue dans sa mission, qui est de permettre la communication, la compréhension, l’expression des sentiments. Qu’est-ce que ça à voir avec Louis, qu’est-ce que tu racontes ? Ce n’est pas parce que Louis est là, qu’est-ce que tu dis ? Merde, merde et merde encore ! Compris ? Entendu ? Saisi ? Et bras d’honneur si nécessaire ! Voilà, bras d’honneur ! Il y a une montée en tension marquée par de fortes ponctuations. Ce qui fait monter la colère chez Suzanne, c’est qu’elle n’est pas comprise, ni entendue. La stratégie d’introduire Louis dans la discussion aggrave la réaction de Suzanne. Il y a plusieurs éléments qui marquent la crise du langage: l’insulte/ la vulgarité “ Merde, merde et merde encore ! “ le rythme ternaire révèle toute l’ampleur de la colère et l'échec dans sa tentative de communication. De nouveau se trouve un rythme ternaire par 3 interogations, qui font écho au “merde” Mais également les gestes marquent la crise du langage avec le “bras d’honneur”. Le corps parle et signe l’échec du langage, cette réplique est donc aussi une didascalie qui informe qu’elle sort. Ce rythme ternaire Compris ? Entendu ? Saisi ? dissimuler son souhait le plus profond: celui d'être comprise par son frère. Elle tente aussi maladroitement d’inverser le rapport de force, elle aussi est insolente et placé anto dans une situation d’infériorité. Elle lui parle comme s’il était idiot. Derrière ces accusations et toute cette violence, Suzanne cherche à entrer en lien, à être considéré mais par l’emploi d’un langage violent et efficace. Nous assistons dans le 3 mouv à la dislocation totale de ce repas de famille, où chaque membre va finir par quitter la table. Premièrement la mère accuse anto d’être responsable du départ de Suzanne. On a une double injonction (impérative présent + conditionnel présent) Ne la laisse pas partir, Tu devrais la rattraper ! La mère a toujours l’espoir d’une famille soudée, ici c’est son échec en tant que mère à relier sa famille, ses enfants. La réponse d’anto est une désobéissance. Cette réponse Elle reviendra. avec le futur de certitude témoigne de la récurrence de ces disputes où Suzanne finit toujours par revenir. La réplique de Louis, au milieu de cette tragédie familiale, semble comique voire absurde, il cherche maladroitement à apaiser le conflit. Mais on assiste à un deuxième échec de langage: puisque anto se moque de louis. La réplique de Louis, au lieu d’apaiser, ne fait qu’attiser la colère d’anto. On se rend compte que les répliques sont de + en + courtes, s’apparentant à des stichomythies (étant caractéristiques du conflit au théâtre). Donc la encore, ce raccourcissement des répliques est une nouvelle forme d'échec de langage. Anto imite Louis, c’est une fois de plus, une attitude méprisante, puisque imiter quelqu’un en sa présence est humiliant. Catherine tente de calmer son mari, ce n’est pas la mère qui le reprend. Catherine se substitue au rôle de la mère, on peut donc se demander si la mère n’est pas à l’origine de ce conflit. La réplique de Louis est certe + posée mais malgré tout est provocatrice par l’emploi du verbe “essayer”, anto n’a pas réussi. Louis va provoquer le départ d’antoine, puisqu’il sous-entend qu’il n’est pas à la hauteur pour se disputer avec lui. Suite au départ d’anto, ne reste à table que Catherine et la mère, qui commente à nouveau la situation. Les paroles conclusives sont absurdes et en décalage complet avec la scène à laquelle elle vient d’assister. La mère semble s’aveugler elle-même, elle est “contente”. Le “ils reviendront” sonnent faux, elle assiste à son échec de garder ses enfants unis. De façon assez ironique, la scène s'achève avec Catherine qui reste seule en scène comme “punie” d’avoir proposer du café. Conclusion: Cette scène de repas au lieu de fonctionner comme une scène conviviale marque une fracture entre les membres de la famille. La présence de Louis semble avoir cristallisé les tensions et le départ de chaque membre de la famille prouve qu'ils étouffent dans cette ambiance dysharmonieuse. On peut ouvrir sur l’adaptation film de xavier dolan qui par le biais de gros plans, permet d’exprimer la gêne de louis et son mal être face à sa famille réunie.