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Le Dernier Jour d'un condamné : Hugo et la peine de mort, Lecture notes of Astronomy

Ce document analyse le roman Le Dernier Jour d'un condamné de Victor Hugo, publié en 1829, qui se présente comme un journal intime d'un condamné à mort. Le texte est placé dans le contexte historique de l'abolition de la peine de mort en France et dans l'Europe, et l'auteur examine les stratégies employées par Hugo pour répondre aux partisans de la peine de mort. Le document aborde également les choix narratifs et les registres tragiques et pathétiques du roman.

Typology: Lecture notes

2018/2019

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Download Le Dernier Jour d'un condamné : Hugo et la peine de mort and more Lecture notes Astronomy in PDF only on Docsity! 186 Lire et analyser un récit à visée argumentative. 7 Le Dernier Jour d’un condamné (1829), de Victor Hugo OBJEcTIFS – Victor Hugo et la peine de mort  188REPÈRES – La préface (extrait 1)  190 – L’incipit ou le début du récit (extrait 2)  192 – Écrire pour dénoncer (extrait 3)  194 – Une scène tragique (extrait 4)  196 – Le récit de la dernière heure (extrait 5)  198 –  Leçon  Le récit à visée argumentative  201 TEXTES –  grAMMAire : valeurs du présent ; caractérisations ;  sujets et compléments de verbe ; ordre des actions ;  progression du texte ; types de phrases  202 –  ortHogrAPHe : marques du pluriel ; dictée préparée  203 –  conJugAison : conditionnel, subjonctif  203 –  VocABuLAire, Figures de stYLe : suffi xes ; vocabulaire de la justice ;  étymologie ; champs lexicaux ; fi gures de style : comparaison,  métaphore, personnifi cation, antithèse…  204 OUTILS DE LA LANGUE –  Le Dernier Jour d’un condamné (chapitre XXVI)  206ÉVALUATION –  ActiVités d’écriture : écrire une page du journal du condamné ;  écrire une lettre ; rédiger une plaidoirie ; écrire un récit à visée  argumentative  205 EXPRESSION ÉCRITE Pour commencer 1.  Citez  des  œuvres  de  Victor  Hugo  que  vous  connaissez.  À  quels  genres  appartiennent-elles  (poésie, roman, théâtre…) ? 2.  À quelle date la peine de mort a-t-elle été abo- lie en France ? 1.  Identifi ez l’auteur du tableau, son époque, la tech- nique utilisée. 2. Quel lieu est représenté ? Que font les personna- ges ? 3.  Décrivez  la  tenue  et  l’attitude  des  prisonniers.  Lequel se détache des autres ? de quelle manière ? 4.  Comment  l’impression  d’enfermement  est-elle  rendue ? Appuyez-vous sur la composition, le cadrage,  la perspective. LIRE L’IMAGE y Vincent Van Gogh (1853-1890), La Ronde des prisonniers (Saint-Rémy, février 1890), d’après Gustave Doré, huile sur toile, 80 x 64 cm (musée Pouchkine, Moscou, Russie). 187Le Dernier Jour D’un conDamné 190 La préface Victor Hugo (1802-1885) eXtrAit 1 « Pas de bourreau1 où le geôlier2 suffi t » En 1829, Hugo publie Le Dernier Jour d’un condamné sans nom d’auteur : le texte est précédé d’une courte préface, reproduite dans les lignes 3 à 9. En 1832, Hugo l’intègre dans une seconde préface, plus explicite, dont voici un extrait. Il n’y avait en tête des premières éditions de cet ouvrage, publié d’abord sans nom d’auteur, que les quelques lignes qu’on va lire : « Il y a deux manières de se rendre compte de l’existence de ce livre. Ou il y a eu, en effet, une liasse de papiers jaunes et inégaux, sur lesquels on a trouvé, enre- gistrées une à une, les dernières pensées d’un misérable ; ou il s’est rencontré un homme, un rêveur, occupé à observer la nature au profi t de l’art, un philosophe, un poète, que sais-je ? dont cette idée a été la fantaisie, qui l’a prise ou plutôt s’est laissé prendre par elle, et n’a pu s’en débarrasser qu’en la jetant dans un livre. De ces deux explications, le lecteur choisira celle qu’il voudra. » […] Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire, d’abord : – parce qu’il importe de retrancher3 de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire4 encore. – S’il ne s’agissait que de cela, la prison perpétuelle suffi rait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu’on peut s’échapper d’une prison ; faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la solidité des bar- reaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries5 ? Pas de bourreau où le geôlier suffi t. Mais, reprend-on, – il faut que la société se venge, que la société punisse. – Ni l’un ni l’autre. Se venger est de l’individu, punir est de Dieu. La société est entre deux. Le châtiment6 est au-dessus d’elle, la vengeance au- dessous. Rien de si grand et de si petit ne lui sied7. Elle ne doit pas « punir pour se venger » ; elle doit corriger pour améliorer. Transformez de cette façon la formule des criminalistes8, nous la comprenons et nous y adhérons. Reste la troisième et dernière raison, la théorie de l’exemple. – Il faut faire des exemples ! il faut épouvanter par le spectacle du sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter ! – Voilà bien à peu près textuellement la phrase éter- nelle dont tous les réquisitoires9 des cinq cents parquets10 de France ne sont que des variations plus ou moins sonores. Eh quoi ! nous nions d’abord qu’il y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices11 produise l’effet qu’on en attend. Loin d’édifi er12 le peuple, il le démoralise et ruine en lui toute sensibilité, partant13 toute vertu. Les preuves abondent et encombreraient notre raisonnement si nous vou- lions en citer. Nous signalerons pourtant un fait entre mille, parce qu’il est le plus récent : au moment où nous écrivons, il n’a que dix jours de date. Il est du 5 mars, dernier jour du carnaval. À Saint-Pol, immédiatement après l’exécution d’un incen- diaire nommé Louis Camus, une troupe de masques est venue danser autour de l’échafaud encore fumant. Faites donc des exemples ! le Mardi gras vous rit au nez. Victor Hugo, Le Dernier Jour d’un condamné (1829), extrait de la préface (1832). 5 10 15 20 25 30 35 1. Qu’est-ce qu’une préface ? 2. Cherchez au moins un argument que vous pourriez opposer  à un partisan de la peine de mort. PRéPAREZ VOTRE LEcTuRE 1. le bourreau : la personne qui exécute un prisonnier. 2. le geôlier : le gardien de prison. 3. retrancher : enlever. 4. nuire : faire le mal. 5. des ménageries : cages de fer où sont enfermés des animaux. 6. le châtiment : la punition. 7. ne lui sied : ne lui convient. 8. criminalistes : juristes spécialistes dans le droit criminel. 9. réquisitoires : discours prononcés par le procureur pour demander une peine. 10. parquets : groupes de magistrats qui représentent les intérêts de la société (l’accusation). 11. supplices : peines physiques données par la justice à un prisonnier, tortures. 12. édifi er : conduire à faire le bien. 13. partant : par conséquent. 191Le Dernier Jour D’un conDamné Le contrat de lecture 1. a. Quelles  sont  les  deux  hypothèses  proposées  par  l’auteur concernant les conditions d’écriture de l’œuvre  (l. 3 à 9) ? b. Vers quelle lecture Victor Hugo veut-il orienter le lec- teur ? c. Quelle image de l’écrivain donne-t-il ? 2.  Par  quel  pronom  l’auteur  s’implique-t-il  dans  la  seconde  préface  (l. 1-2  et  l. 10  à  35) ?  Quelle  nouvelle  dimension donne-t-il à son œuvre ? La stratégie argumentative (l. 10 à 35) 3. a. Quelles sont les deux thèses en présence ? b. Qui le pronom vous (l. 13) désigne-t-il ? Quelle forme  Hugo choisit-il pour présenter les arguments des deux  parties ? 4. a. Dans un tableau, mettez en regard les arguments  plaidant pour la peine de mort et ceux plaidant contre. b. Identifiez la stratégie mise en œuvre par Hugo pour  répondre  aux  partisans  de  la  peine  de  mort :  types  de  phrases, exemples, formules frappantes, raisonnement  par  analogie  (expliquez  notamment  l’analogie  établie  avec les ménageries, l. 14-15). La visée de l’auteur 5. corriger (l. 21), améliorer (l. 21), sensibilité (l. 29), vertu  (l. 30) :  quelle  vision  des  hommes  et  de  la  société  ces  termes traduisent-ils ? 6. Par quels procédés Hugo donne-t-il à son propos une  valeur universelle ? Appuyez-vous sur les temps verbaux  et sur les déterminants utilisés. LIRE ET ANALYSER w La  préface  est  un  texte  dans  lequel  un  écrivain  présente son livre au lecteur : il situe l’ouvrage dans  le contexte qui l’a vu naître et en précise les enjeux. w La  préface  du  Dernier Jour d’un condamné  ins- crit le récit dans le cadre d’un débat sur la peine de mort : aux arguments avancés pour justifier la peine  de mort, Hugo oppose des contre-arguments et des  exemples. w La démonstration prend appui sur des valeurs hu- manistes : Hugo croit à la perfectibilité de l’homme. L’ESSENTIEL La visée de la préface < Le Châtiment, représentation allégorique d’un référendum pour le maintien de la peine de mort, parue dans Le Petit Parisien, supplément littéraire illustré (1907) (archives F. Kunst & Geschichte, Berlin, Allemagne). 192 L’incipit ou le début du récit eXtrAit 2 « Condamné à mort ! » Bicêtre1. Condamné à mort ! Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids ! Autrefois, car il me semble qu’il y a plutôt des années que des semaines, j’étais un homme comme un autre homme. Chaque jour, chaque heure, chaque minute, avait son idée. Mon esprit, jeune et riche, était plein de fantaisies. Il s’amusait à me les dérouler les unes après les autres, sans ordre et sans fi n, brodant d’iné- puisables arabesques2 cette rude et mince étoffe de la vie. C’étaient des jeunes fi lles, de splendides chapes3 d’évêques, des batailles gagnées, des théâtres pleins de bruit et de lumières, et puis encore des jeunes fi lles et de sombres promenades la nuit sous les larges bras des marronniers. C’était toujours fête dans mon ima- gination. Je pouvais penser à ce que je voulais, j’étais libre. Maintenant je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée. Une horrible, une sanglante, une implacable idée ! Je n’ai plus qu’une pensée, qu’une conviction, qu’une certitude : – Condamné à mort ! Quoi que je fasse, elle est toujours là, cette pensée infernale, comme un spectre de plomb à mes côtés, seule et jalouse, chassant toute distraction, face à face avec moi misérable, et me secouant de ses deux mains de glace, quand je veux détour- ner la tête ou fermer les yeux. Elle se glisse sous toutes les formes où mon esprit voudrait la fuir, se mêle comme un refrain horrible à toutes les paroles qu’on m’adresse, se colle avec moi aux grilles hideuses de mon cachot4, m’obsède éveillé, épie mon sommeil convulsif, et reparaît dans mes rêves sous la forme d’un couteau. Je viens de m’éveiller en sursaut, poursuivi par elle et me disant : – Ah ! ce n’est qu’un rêve ! – Hé bien ! avant même que mes yeux lourds aient eu le temps de s’entr’ouvrir assez pour voir cette fatale pensée écrite dans l’horrible réalité qui m’entoure, sur la dalle mouillée et suante de ma cellule, dans les rayons pâles de ma lampe de nuit, dans la trame grossière de la toile de mes vêtements, sur la sombre fi gure du soldat de garde dont la giberne5 reluit à travers la grille du cachot, il me semble que déjà une voix a murmuré à mon oreille : – Condamné à mort ! Victor Hugo, Le Dernier Jour d’un condamné (1829), chapitre I. 5 10 15 20 1. Cherchez cinq mots appartenant au champ lexical de la prison. 2. Quel est le sens du mot fers au pluriel ? Que signifi ent les  expressions mettre aux fers, être aux fers ? PRéPAREZ VOTRE LEcTuRE 1. Bicêtre : hôpital-prison parisien renfermant, au début du xixe siècle, à la fois des aliénés, des prisonniers condamnés à de lourdes peines, des forçats en attente de transfert au bagne. 2. arabesques : motifs décoratifs faits de lignes, de lettres et de feuillages. 3. chapes : capes. 4. cachot : cellule du prisonnier. 5. la giberne : cartouchière 25 30 35 x L. A. Humbert de Molard (1800- 1874), Louis Dodier, intendant de L. A. Humbert de Molard, en prisonnier (vers 1847), stéréoscopie, 11,5 x 15,5 cm (musée d’Orsay, Paris). 195Le Dernier Jour D’un conDamné Ces feuilles les détromperont. Publiées peut-être un jour, elles arrêteront quel- ques moments leur esprit sur les souffrances de l’esprit ; car ce sont celles-là qu’ils ne soupçonnent pas. Ils sont triomphants de pouvoir tuer sans presque faire souf- frir le corps. Eh ! c’est bien de cela qu’il s’agit ! qu’est-ce que la douleur physique près de la douleur morale ? Horreur et pitié, des lois faites ainsi ! Un jour viendra, et peut- être ces mémoires, derniers confidents d’un misérable, y auront-ils contribué… À moins qu’après ma mort le vent ne joue dans le préau avec ces morceaux de papier souillés de boue, ou qu’ils n’aillent pourrir à la pluie, collés en étoiles à la vitre cassée d’un guichetier. Victor Hugo, Le Dernier Jour d’un condamné (1829), chapitre VI. Pensez-vous que l’on puisse trouver refuge dans l’écriture ou dans une autre forme  d’art ? Vous rédigerez un paragraphe argumenté. Consignes d’écriture : • vous présenterez un ou deux arguments pour justifier votre propos ; • vous développerez un exemple. ExERcIcE d’écRITuRE La délibération 1. a. Quelle question principale le narrateur se pose-t-il  dans les lignes 2 à 10 ? b. Dans  les  lignes  11  à  37,  relevez  les  connecteurs  et  identifiez les types de phrases qui permettent au narra- teur de construire progressivement une réponse. c. En  quoi  le  narrateur  se  livre-t-il  à  une  délibération  intérieure ? La visée du narrateur 2. a. Quel genre d’écrit le narrateur choisit-il ? b. Quel en sera le contenu ? c.  À  qui  s’adressera-t-il  (l. 14  à  40) ?  Montrez  que  la  visée du projet résidera aussi bien dans l’acte d’écriture  que l’acte de lecture. d. Quelle sera la double visée du texte ? 3. Relevez les verbes au futur (l. 17 à 19 et l. 29 à 43). À  quels différents moments renvoient-ils ? La visée de l’auteur 4. Quel est l’intérêt de mettre en scène un personnage  en  train  d’écrire  l’œuvre  dont  il  est  le  héros ?  En  quoi  le projet du condamné se confond-il avec celui de Hugo  (> Préface, p. 190) ? LIRE ET ANALYSER w Le  monologue délibératif permet  de  confronter  différents points de vue à propos d’une question que  l’on se pose à soi-même. w Le  journal du condamné a, pour  le narrateur, une  double visée : exposer la souffrance pour la mettre à distance et en témoigner auprès des juges afin de tou- cher leur sensibilité. w En  confiant  au  condamné  les  préoccupations  qui  sont  les  siennes,  Hugo  crée  un  effet  de  miroir,  une  mise en abyme, qui donne au récit une double visée  pour  l’auteur  : raconter une histoire pour émouvoir,  écrire un essai pour convaincre. L’ESSENTIEL Le journal, un artifice littéraire 40 45 196 eXtrAit 4 « La Grève1 est sœur de Toulon » Durant sa détention à Bicêtre, le narrateur assiste, d’une fenêtre, au ferrement des forçats avant leur départ pour le bagne de Toulon. L’opération consiste à leur poser un collier de fer et à les relier les uns aux autres par une chaîne. On fi t asseoir les galériens2 dans la boue, sur les pavés inondés ; on leur essaya les colliers ; puis deux forgerons de la chiourme3, armés d’enclumes4 portatives, les leur rivèrent à froid à grands coups de masses de fer. C’est un moment af- freux, où les plus hardis pâlissent. Chaque coup de marteau, asséné sur l’enclume appuyée à leur dos, fait rebondir le menton du patient ; le moindre mouvement d’avant en arrière lui ferait sauter le crâne comme une coquille de noix. […] Ainsi5, après la visite des médecins, la visite des geôliers ; après la visite des geôliers, le ferrage. Trois actes à ce spectacle. Un rayon de soleil reparut. On eût dit qu’il mettait le feu à tous ces cerveaux. Les forçats se levèrent à la fois, comme par un mouvement convulsif. Les cinq cordons6 se rattachèrent par les mains, et tout à coup se formèrent en ronde im- mense autour de la branche de la lanterne. Ils tournaient à fatiguer les yeux. Ils chantaient une chanson du bagne, une romance d’argot7, sur un air tantôt plaintif, tantôt furieux et gai ; on entendait par intervalles des cris grêles, des éclats de rire déchirés et haletants se mêler aux mystérieuses paroles ; puis des acclamations furibondes8, et les chaînes qui s’entrechoquaient en cadence servaient d’orchestre à ce chant plus rauque que leur bruit. Si je cherchais une image du sabbat, je ne la voudrais ni meilleure ni pire. On apporta dans le préau un large baquet9. Les gardes-chiourme rompirent la danse des forçats à coups de bâton, et les conduisirent à ce baquet, dans lequel on voyait nager je ne sais quelles herbes dans je ne sais quel liquide fumant et sale. Ils mangèrent. Puis, ayant mangé, ils jetèrent sur le pavé ce qui restait de leur soupe et de leur pain bis, et se remirent à danser et à chanter. Il paraît qu’on leur laisse cette liberté le jour du ferrage et la nuit qui le suit. J’observais ce spectacle étrange avec une curiosité si avide, si palpitante, si attentive, que je m’étais oublié moi-même. Un profond sentiment de pitié me remuait jusqu’aux entrailles, et leurs rires me faisaient pleurer. Tout à coup, à travers la rêverie profonde où j’étais tombé, je vis la ronde hur- lante s’arrêter et se taire. Puis tous les yeux se tournèrent vers la fenêtre que j’oc- cupais. – Le condamné ! le condamné ! crièrent-ils tous en me montrant du doigt ; et les explosions de joie redoublèrent. Je restai pétrifi é10. J’ignore d’où ils me connaissaient et comment ils m’avaient reconnu. – Bonjour ! bonsoir ! me crièrent-ils avec leur ricanement atroce. Un des plus jeunes, condamné aux galères perpétuelles, face luisante et plombée, me regarda 5 10 15 20 25 30 35 1. la Grève : place où avaient lieu, à Paris, les exécutions des condamnés à mort (actuellement place de l’Hôtel-de-Ville) > p. 199. 2. les galériens : nom donné aux forçats parce qu’ils étaient condamnés, jusqu’au xViiie siècle, à ramer sur des galères. 3. la chiourme : ensemble des forçats du bagne. 4. enclumes : masses de fer sur lesquelles on forge les métaux. 5. Le narrateur récapitule les différentes épreuves que les forçats subissent avant de partir pour le bagne. 6. cordons : fi les de forçats attachés les uns aux autres. 7. argot : langage familier, populaire. 8. furibondes : furieuses. 9. baquet : cuve en bois. 10. pétrifi é : incapable de bouger, immobile comme de la pierre. 11. rogné : décapité (terme familier). 12. perclus : qui a de la peine à bouger. Une scène tragique 1. Cherchez sur Internet des informations sur le bagne de Toulon. 2. Recherchez les différents sens du mot sabbat. PRéPAREZ VOTRE LEcTuRE 197Le Dernier Jour D’un conDamné d’un air d’envie en disant : – Il est heureux ! il sera rogné11 ! Adieu, camarade ! Je ne puis dire ce qui se passait en moi. J’étais leur camarade en effet. La Grève est sœur de Toulon. J’étais même placé plus bas qu’eux : ils me faisaient honneur. Je frissonnai. Oui, leur camarade ! et quelques jours plus tard, j’aurais pu aussi, moi, être un spectacle pour eux. J’étais demeuré à la fenêtre, immobile, perclus12, paralysé. Mais, quand je vis les cinq cordons s’avancer, se ruer vers moi avec des paroles d’une infernale cor- dialité ; quand j’entendis le tumultueux fracas de leurs chaînes, de leurs clameurs, de leurs pas, au pied du mur, il me sembla que cette nuée de démons escaladait ma misérable cellule ; je poussai un cri, je me jetai sur la porte d’une violence à la briser ; mais pas moyen de fuir : les verrous étaient tirés en dehors. Je heurtai, j’ap- pelai avec rage. Puis il me sembla entendre de plus près encore les effrayantes voix des forçats. Je crus voir leurs têtes hideuses paraître déjà au bord de ma fenêtre, je poussai un second cri d’angoisse et je tombai évanoui. Victor Hugo, Le Dernier Jour d’un condamné (1829), extrait du chapitre XIII. 40 45 50 55 Le ferrement des forçats 1. a. À  quelle  opération  les  forçats  sont-ils  soumis ?  Quelles humiliations subissent-ils ? b. Pour quelle raison envient-ils le narrateur ? Spectacle et jeux de regard 2. a. Où le narrateur se trouve-t-il pour regarder ? b. Montrez qu’il présente cette scène comme un spec- tacle. Où est  l’espace scénique ? Qui sont  les acteurs ?  les spectateurs ? Quels sont les trois actes (l. 7-8) ? c. À quel spectacle cette scène peut-elle faire penser ? 3. a. Quels sont les sentiments du narrateur (l. 26 à 28) ? b. À partir de quel moment se produit-il une  inversion  des rôles ? Prenez en compte les regards, la gestuelle,  les paroles. c. De quoi le narrateur prend-il alors conscience ? L’état du narrateur 4. Relevez des termes qui montrent l’évolution de l’état  intérieur du narrateur à partir de la ligne 29 jusqu’à la  crise finale. 5. Comment perd-il peu à peu le sens du réel ? Appuyez- vous : a. sur les illusions d’optique, les notations auditives ; b. sur la métaphore du sabbat et la vision de l’enfer ; c. sur  les  procédés  qui  marquent  la  progression  de  l’irra tionnel (rythme, répétitions et oxymore, l. 45 à 57). La visée du passage 6. Quelles pratiques Hugo condamne-t-il ? 7. a. Expliquez : La Grève est sœur de Toulon (l. 40) b. En quoi ce passage est-il tragique et annonciateur du  sort qui attend le condamné ? LIRE ET ANALYSER w Le récit dénonce le sort des prisonniers en mon- trant leur terrible condition. w La scène est présentée comme un spectacle tragi- que, avec son décor, ses acteurs, ses spectateurs. w Le condamné se retrouve lui-même objet de spec- tacle. Cette scène ressemble à une répétition générale  de ce qui l’attend ; elle préfigure sa mort prochaine. L’ESSENTIEL Un spectacle tragique y Gabriel Cloquemin (xixe siècle), Les Forçats à Bicêtre : le ferrement, aquarelle, (musée Carnavalet, Paris). 200 C’est pour ce moment redouté que j’avais gardé mon courage. J’ai fait trois pas, et j’ai paru sur le seuil du guichet. – Le voilà ! le voilà ! a crié la foule. Il sort ! enfi n ! […] La charrette et son cortège se sont mis en mouvement, comme poussés en avant par un hurlement de la populace. On a franchi la grille. Au moment où la charrette a tourné vers le pont au Change5, la place a éclaté en bruits, du pavé aux toits, et les ponts et les quais ont répondu à faire un tremblement de terre. C’est là que le piquet6 qui attendait s’est rallié à l’escorte. – Chapeaux bas ! chapeaux bas ! criaient mille bouches ensemble. – Comme pour le roi. Alors j’ai ri horriblement aussi, moi, et j’ai dit au prêtre : – Eux les chapeaux, moi la tête. On allait au pas. Le quai aux Fleurs7 embaumait ; c’est jour de marché. Victor Hugo, Le Dernier Jour d’un condamné (1829), extrait du chapitre XLVIII. 60 65 70 La structure dramatique 1. a. Résumez  les  différentes  étapes  du  récit  en  vous  appuyant sur les organisateurs temporels. b. Quels sont les différents lieux, personnages, actions  qui se succèdent ? c. Quelle remarque faites-vous sur l’ordre des actions ? d. Montrez  que  chacun  de  ces  moments  se  présente  comme une anticipation de l’exécution. 2. Les  indications  temporelles  (l. 1  à  3)  se  succèdent  comme un compte à rebours. En quoi cette scène est- elle tragique ? 3. Montrez que  les apparitions de  la  foule rythment  le  passage et contribuent à la dramatisation. Le personnage du condamné 4. a. Relevez les pronoms personnels qui désignent les  geôliers et le condamné dans les lignes 4 à 7. b. Qui est en position d’agent (accomplissant l’action) ?  Qui est en position de patient (subissant l’action) ? Quelle  image le condamné donne-t-il de lui ? 5. a. Montrez  que  le  condamné  n’appréhende  plus  le  monde qu’à travers ses sensations. Lesquelles ? b. Quel contraste y a-t-il entre ce qu’il perçoit du monde  extérieur et ce qu’il est en train de vivre ? 6.  À quel moment le condamné fait-il preuve d’humour ?  Comment l’expliquez-vous ? La visée du récit 7. Quelle image le narrateur donne-t-il : a. du  bourreau ?  Appuyez-vous  sur  les  lignes  10  à  46.  Est-elle conforme à ce que l’on pouvait attendre ? b. de  la  foule ?  Appuyez-vous,  dans  les  lignes 50  à  69,  sur les expressions par lesquelles il la désigne et sur la  métaphore du spectacle  (préparation de  l’acteur avant  l’entrée  en  scène,  attente  des  spectateurs,  sortie  des  coulisses, ouverture du rideau…). 8.  En quoi cette image de la foule plaide-t-elle en faveur  de l’abolition de la peine de mort ? 9.  À qui le condamné est-il comparé dans les dernières  lignes de l’extrait ? Montrez que cette comparaison revêt  un double sens (prenez en compte le contexte historique). LIRE ET ANALYSER w La marche vers le supplice du condamné constitue  un temps fort du récit comme de l’argumentation. w Les rituels de la préparation du condamné en sou- lignent la solennité et l’atrocité. w Le  comportement  de  la  foule  impatiente  ruine l’idée de l’exemplarité du châtiment,  qui  est  perçu  comme un spectacle joyeux, contrastant avec la soli- tude et la terreur du condamné. L’ESSENTIEL La dernière heure 5. le pont au Change : pont qui relie l’île de la Cité à la rive droite de la Seine. 6. le piquet : petite troupe de soldats ou de gendarmes. 7. le quai aux Fleurs : quai situé en face de l’Hôtel de Ville, célèbre pour son marché aux fl eurs. 201Le Dernier Jour D’un conDamné Le Dernier Jour d’un condamné se présente comme un  récit à visée argumentative : la narration est au service  d’une thèse, à savoir l’abolition de la peine de mort. L’ARTIFICE DE LA PARUTION ET LES CHOIX NARRATIFS ●  Le Dernier Jour d’un condamné paraît en 1829, sans nom d’auteur. Hugo voulait donner au lecteur l’illusion  qu’il se trouvait en présence d’un vrai journal tenu par  un condamné, à quelques heures de sa mort. En 1832,  Hugo  ajoute  une  préface  dans  laquelle  il  revendique  l’ouvrage et en explicite la visée argumentative : un vio- lent réquisitoire contre les exécutions capitales. ●  La  forme  du  journal intime fi ctif,  et  plus  précisé- ment  du  monologue intérieur,  est  novatrice  en  1829.  Elle  permet  au  lecteur  de  s’identifi er  au  narrateur  qui  livre, instant par instant, les angoisses qui l’assaillent à  quelques heures de son exécution.  Cette  identifi cation  est favorisée par le fait que Victor Hugo ne dévoile pas la  nature du crime commis : il met en scène un condamné quelconque, exécuté un jour quelconque, pour un crime quelconque (préface). Le refus de toute dimension anec- dotique contribue à la force de l’argumentation. LES REGISTRES TRAGIQUE ET PATHÉTIQUE ●  Le Dernier Jour d’un condamné repose sur une tem- poralité tragique. Le narrateur est soumis à un compte à rebours :  le journal s’ouvre sur le réveil, dans la nuit  précédant la mort, avec un cri : Condamné à mort ! Il s’ar- rête le lendemain à seize heures, heure de la mort par  la guillotine, avec ces derniers mots : QUATRE HEURES.  Aucune échappatoire n’est possible, ce qui est le propre du tragique. ●  Le passé  est  le  temps  du  souvenir,  empreint  de  la  nostalgie de ce qui n’est plus ; le présent fi gure le lieu  de  la  souffrance ;  le futur,  borné  par  la  guillotine,  est  envisagé avec horreur. ●  La solitude du condamné  est  tragique :  il ne  trouve  aucun réconfort, ni dans la religion, ni auprès des gens de justice (directeur de prison, geôliers…) qui ne mani- festent aucun sentiment, aucune compassion, ni même  auprès de sa fi lle qui ne le reconnaît pas lorsqu’elle va  le voir. Le condamné est un exclu. ●  Le texte revêt un registre pathétique par le sentiment  de compassion que suscite le condamné. Celui-ci traduit  sa souffrance et sa douleur par l’emploi de nombreuses  phrases  exclamatives  qui  résonnent  à  travers  le  récit  comme des cris de désespoir. Le recours au pathétique  sert la stratégie argumentative : il met en valeur le sup- plice insupportable auquel est soumis le condamné. L’ARGUMENTATION, LA VISÉE CRITIQUE ●  À travers le récit, Hugo se livre à de sévères critiques  et dénonciations : –  il réfute les arguments des partisans de la peine de mort. La peine de mort n’est pas dissuasive (les condam- nés se succèdent dans les prisons) ; la mort par la guillo- tine est un acte barbare équivalant à un assassinat ; –  il dénonce la justice et l’univers carcéral. La  justice  est  injuste  et  inhumaine,  elle  tue  et  humilie  les  hom- mes, et fait le malheur de leurs proches ; la prison, l’in- fi rmerie sont des lieux sinistres, des espaces de mort ;  quant au personnel de justice, il est indifférent ou d’une  gentillesse convenue ; – il met en cause la société et le peuple. La société doit éduquer les malheureux, faute de quoi ils se retrouve- ront en prison et sur l’échafaud. Le peuple se repaît du  spectacle de la guillotine, il se transforme en une foule sauvage et avide de sang. LEÇON Le récit à visée argumentative < Exécution de Fieschi, Pépin et Morey, coupables d’un attentat contre Louis-Philippe, le 17 février 1836 (xixe siècle), lithographie (musée Carnavalet, Paris). OuTILS dE LA LANGuE 1. a. Relevez le sujet des verbes en violet. Donnez leur classe grammaticale. À qui renvoient-ils ? Les désigna- tions sont-elles précises ? b. Quel verbe est impersonnel ? Combien a-t-il de sujet(s) ? Avec quel sujet s’accorde-t-il ? 2. Relevez les compléments de verbe direct et indirect. À qui renvoient-ils de façon dominante ? 3. Identifi ez les agents et le patient. 4   L’ORDRE DES ACTIONS Le narrateur du Dernier Jour d’un condamné restitue la chronologie des actions. 1. Indiquez l’ordre des actions et dites lesquelles sont simultanées. 2. Identifi ez les procédés (juxtaposition, subordination, coordination, phrase participiale, groupe nominal avec préposition, temps verbaux). a. Nous  montâmes  un  escalier  tournant  en  vis ;  nous  passâmes un corridor, puis un autre, puis un troisième ;  puis une porte basse s’ouvrit. (Chap. II.) b. Quand ils [les  forçats] eurent revêtu les habits de route, on les mena à  l’autre coin du préau. c. Ainsi, après la visite des méde- cins, la visite des geôliers ; après la visite des geôliers, le  ferrage. (Chap. XIII.) d. Pendant que j’écrivais tout ceci, la  lampe a pâli. (Chap. XVIII.) e. Le boulevard franchi, la car- riole s’est enfoncée au grand trot dans ces vieilles rues  tortueuses du faubourg Saint-Marceau. (Chap. XXII.) 5    LA PROGRESSION DU TEXTE > Leçon 35, p. 342 1. Comment les phrases s’enchaînent-elles dans ces extraits du Dernier Jour d’un condamné ? Appuyez-vous sur les reprises et le(s) premier(s) mot(s) de chaque phrase. 2. Quels sont les éléments que le narrateur met en valeur, en position de thème ? a. Un grand bruit me réveilla ; il faisait petit jour. Ce bruit venait du dehors : mon lit était à côté de la fenêtre, je me levai sur mon séant pour voir ce que c’était. La fenêtre donnait sur la grande cour de Bicêtre. Cette cour était pleine de monde. (Chap. XIV.) b. Une espèce de monsieur, en habit noir, accompa- gné du directeur de la prison, s’est présenté et m’a salué profondément. Cet homme avait sur le visage quelque chose de la tristesse offi cielle des employés des pompes funèbres. Il tenait un rouleau de papier à la main. (Chap. XXI.) 1    IDENTIFIER LES VALEURS DU PRÉSENT > Leçon 30, p. 330 Identifi ez les valeurs du présent : énonciation, durée, répétition, description, vérité générale, narration. a. Or, voilà cinq semaines, six peut-être, je n’ose comp- ter, que je suis dans ce cabanon de Bicêtre. b. Je suis calme  maintenant.  c. Ah !  qu’une  prison  est  quelque  chose d’infâme ! d. Tout autour de la cour, des bancs de  pierre s’adossent à la muraille. e. Tous les dimanches,  on me lâche dans le préau. f. Ma petite Marie ! Elle est  fraîche, elle est rose, elle est belle ! g. Les souvenirs de  ma  jeunesse me reviennent un à un. h. Les souvenirs  me revenaient un à un : il y a une jeune fi lle dans le jar- din. Elle s’appuie sur mon bras. Phrases extraites ou adaptées  du Dernier Jour d’un condamné, de V. Hugo. 2    LES CARACTÉRISATIONS > Leçons 11 et 14, p. 288 et p. 294 La caractérisation se fait par l’attribut ou par les expansions du nom. 1. Relevez les caractérisations des mots en violet. Pré- cisez leur classe et leur fonction grammaticale. 2. En quoi le lexique utilisé dans Le Dernier Jour d’un condamné contribue-t-il à l’argumentation ? a. Les  juges,  au  fond  de  la  salle,  avaient  l’air  satis- fait. b. Les jurés seuls paraissaient blêmes et abattus.  (Chap. II.)  c. Deux  ou  trois  portes  basses  vomirent  […]  des  nuées  d’hommes  hideux,  hurlants  et  déguenillés.  C’étaient les forçats. (Chap. XIII.) d. L’Hôtel de Ville est un  édifi ce sinistre. (Chap. XXXVII.) e. Le trajet exécrable est  fait. La place est là, et au-dessous de la fenêtre l’horri- ble peuple qui aboie, et m’attend, et rit. (Chap. XLVIII.) 3    SUJETS ET COMPLÉMENTS DE VERBE > Leçons 13 et 15, p. 292 et p. 296 L’agent est celui qui fait l’action, le patient celui qui la subit ou sur qui elle porte. À peine arrivé, des mains de fer s’emparèrent de moi. On multiplia les précautions : point de couteau, point de fourchette pour mes repas, la camisole de force, une espèce de sac de toile à voilure, emprisonna mes bras ; on répondait de ma vie. […] Il importait de me conserver sain et sauf à la place de Grève. Les premiers jours on me traita avec une douceur qui m’était horrible. V. Hugo, Le Dernier Jour d’un condamné, extrait du chap. V. Grammaire 202 5 5 5 ● Pour introduire le sujet n° 1 : J’ai fermé les yeux, et j’ai mis les mains dessus, et j’ai tâché d’oublier le présent dans le passé. Tandis que je rêve, les souvenirs de mon enfance et de ma jeunesse me reviennent un à un, doux, calmes, riants… (Le Dernier Jour d’un condamné,  chap. XXIII). ● Le souvenir et le retour à la réalité :  Je me revois… ;  ce soir-là ;  J’avais le paradis dans le cœur ;  Ma belle jeunesse ! Une heure vient de sonner, je ne sais laquelle ;  l’horrible réalité qui m’entoure ;  la dalle mouillée et suante de ma cellule (extraits du Dernier Jour d’un condamné). ● Pour introduire et conclure une plaidoirie : Mon- sieur le président, Mesdames et Messieurs les jurés ;  C’est pourquoi, je vous demande, Mesdames et Mes- sieurs les jurés, de… ● Exemple d’argument : Si vous condamnez à mort  mon  client,  vous  ne  condamnez  pas  seulement  un  homme, mais aussi une famille entière ! ● Expressions extraites du discours de Robert Badinter à l’Assemblée nationale française le 17 sep- tembre 1981 : la justice qui tue ; cette justice d’angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons ;  l’anti-justice ;  la passion et la peur triom- phant de la raison et de l’humanité. Quelques expressions et citations pour vous aider 205Le Dernier Jour D’un conDamné 1   ÉCRIRE UNE PAGE DU JOURNAL DU CONDAMNÉ Autrefois, car il me semble qu’il y a plutôt des années que des semaines, j’étais un homme comme un autre homme  (> Extrait 2, p. 192).  Le narrateur du Dernier Jour d’un condamné se souvient  d’un moment heureux de son passé. Rédigez la page de  son journal dans laquelle il évoque ce moment, puis son  retour à la réalité. Consignes d’écriture : • respectez la situation d’énonciation du journal intime  (1re personne) ; • employez  l’antithèse  pour  souligner  les  oppositions  entre autrefois et maintenant ; • utilisez un registre pathétique (> Leçon 47, p. 378). 2   ÉCRIRE UNE LETTRE Vous  faites  partie  de  la  foule  qui  a  suivi  le  condamné  dans  ses  derniers  déplacements  jusqu’à  la  place  de  Grève, où il a été conduit à la guillotine à quatre heures.  Vous  ne  partagez  pas  l’excitation  ambiante  et,  à  la  fi n  de la journée, vous écrivez une lettre à un ami pour lui  raconter ce que vous avez vu et ressenti. Consignes d’écriture : • respectez les codes de l’écriture épistolaire ; • décrivez le condamné, imaginez ce qu’il ressent ; • rendez compte de l’atmosphère qui règne dans la rue ; • exprimez vos sentiments et émotions. 3   RÉDIGER UNE PLAIDOIRIE Rédigez le discours de l’avocat de la défense qui plaide le  recours en grâce du condamné. Vous utiliserez les argu- ments  de  la  préface  (> Extrait 1, p. 190),  ainsi  que  ceux  de  Robert Badinter  cités  ci-dessous,  dans  la  rubrique  « pour vous aider ». Consignes d’écriture : • utilisez une formule d’entrée ; • exprimez-vous à la 1re personne (je / nous) ; • ordonnez et reformulez les arguments pour les adap- ter à la plaidoirie ; • utilisez quelques fi gures de style (adresses à l’audi- toire,  interrogations  rhétoriques,  anaphores,  grada- tions…) ; • terminez par une adresse aux jurés. 4   ÉCRIRE UN RÉCIT À VISÉE ARGUMENTATIVE Imaginez un récit à dimension argumentative, au servi- ce d’une cause que vous souhaitez défendre. Votre récit  doit  inciter à adopter un comportement  fondé sur des  valeurs (humaines, civiques…). Consignes d’écriture : • choisissez la cause que vous voulez défendre (respect  de l’environnement, méfaits du tabac, de la vitesse sur  la route, scolarisation des enfants dans le monde…) ; • imaginez  une  histoire  qui,  telle  une  fable,  porte  en  elle une leçon : le récit doit inciter ou dissuader d’adop- ter tel ou tel comportement. AcTIVITéS d’écRITuRE 25 30 35 1. amphithéâtres : salles de cours en gradins dans une université. Les étudiants en médecine y observent la dissection de cadavres. 2. une bière : un cercueil. 3. Clamart : commune (au sud-ouest de Paris) où étaient enterrés les condamnés à morts. 4. vile : méprisable. 5. cet autre homme aux mains rouges : le bourreau, chargé d’exécuter le condamné. 6. se meut (du verbe se mouvoir) : bouge. « Ô ma pauvre petite fi lle ! » Il est dix heures. Ô ma pauvre petite fi lle ! encore six heures, et je serai mort ! je serai quelque chose d’immonde qui traînera sur la table froide des amphithéâtres1 ; une tête qu’on moulera d’un côté, un tronc qu’on disséquera de l’autre ; puis de ce qui restera on en mettra plein une bière2, et le tout ira à Clamart3 ! Voilà ce qu’ils vont faire de ton père, ces hommes dont aucun ne me hait, qui tous me plaignent et tous pourraient me sauver. Ils vont me tuer. Comprends-tu cela, Marie ? me tuer de sang-froid, en cérémonie, pour le bien de la chose ! Ah ! grand Dieu ! Pauvre petite ! ton père qui t’aimait tant, ton père qui baisait ton petit cou blanc et parfumé, qui passait la main sans cesse dans les boucles de tes cheveux comme sur de la soie, qui pre- nait ton joli visage rond dans sa main, qui te faisait sauter sur ses genoux, et le soir joignait tes deux petites mains pour prier Dieu ! Qui est-ce qui te fera tout cela maintenant ? Qui est-ce qui t’aimera ? Tous les enfants de ton âge auront des pères, excepté toi. Comment te déshabitueras-tu, mon enfant, du jour de l’An, des étrennes, des beaux joujoux, des bonbons et des baisers ? – Comment te déshabitueras-tu, malheureuse orpheline, de boire et de manger ? éVALuATION 206 5 10 15 20 y William Fettes Douglas (1822-1891), Ce n’est pas toujours mai (1855), huile sur panneau, 27,5 x 19,5 cm (collection privée). Oh ! si ces jurés l’avaient vue, au moins, ma jolie petite Marie, ils auraient com- pris qu’il ne faut pas tuer le père d’un enfant de trois ans. Et quand elle sera grande, si elle va jusque-là, que deviendra-t-elle ? Son père sera un des souvenirs du peuple de Paris. Elle rougira de moi et de mon nom ; elle sera méprisée, repoussée, vile4, à cause de moi, de moi qui l’aime de toutes les tendresses de mon cœur. Ô ma petite Marie bien-aimée ! est-il bien vrai que tu auras honte et horreur de moi ? Misérable ! quel crime j’ai commis et quel crime je fais commettre à la société ! Oh ! est-il bien vrai que je vais mourir avant la fi n du jour ? Est-il bien vrai que c’est moi ? Ce bruit sourd de cris que j’entends au dehors, ce fl ot de peuple joyeux qui déjà se hâte sur les quais, ces gendarmes qui s’apprêtent dans leurs casernes, ce prêtre en robe noire, cet autre homme aux mains rouges5, c’est pour moi ! c’est moi qui vais mourir ! moi, le même qui est ici, qui vit, qui se meut6, qui respire, qui est assis à cette table, laquelle ressemble à une autre table, et pourrait bien être ailleurs ; moi, enfi n, ce moi que je touche et que je sens, et dont le vêtement fait les plis que voilà ! Victor Hugo, Le Dernier Jour d’un condamné (1829), chapitre XXVI. Le Dernier Jour D’un conDamné 207 Questions 32,5 points Le narrateur et le contexte spatio-temporel 5 POINTS 1. a. À quelle personne le narrateur mène-t-il le récit ?       0,5 POINT b. À quel sous-genre de texte autobiographique ce texte  s’apparente-t-il ?  0,5 POINT c. Relevez les indices de temps qui ponctuent le récit.     2 POINTS 2. a. Quel est le temps employé, lignes 2 à 6 ?   0,5 POINT b. Quel moment tragique le narrateur anticipe-t-il ?         0,5 POINT c. Quel est l’effet de l’emploi de ce temps sur le lecteur ?     1 POINT La petite fi lle du condamné 11 POINTS 3. a. Relevez les phrases qu’emploie le narrateur pour  s’adresser à sa fi lle.   3,5 POINTS b. Quel est le type de phrases dominant ?   0,5 POINT 4. a. Relevez  les  temps  dominants  du  quatrième  au  sixième paragraphe (l. 12 à 25).  1 POINT b. Quelle opposition cela marque-t-il ?  1 POINT 5. Quels sentiments le narrateur éprouve-t-il envers sa  fi lle ? Citez trois expressions.  2,5 POINTS 6. a. Quel avenir le narrateur imagine-t-il pour sa fi lle ?      1 POINT b. Quelles sont, selon lui, les futures réactions de Marie  à son égard, quand il aura été exécuté ?  1 POINT 7. En quoi ce passage est-il pathétique ?  0,5 POINT Les sentiments d’un condamné à mort 16,5 POINTS 8. a. Quelle image le condamné donne-t-il de son corps  (l. 2 à 6) ? Citez trois termes.  1,5 POINT b. Quelle image cela donne-t-il de cette exécution ?        1 POINT 9. Relisez les lignes 7 à 11. Comment le condamné consi- dère-t-il la peine de mort ? Relevez deux expressions.        1 POINT 10. Expliquez l’expression pour le bien de la chose (l. 10).        1 POINT 11. Quel argument le condamné oppose-t-il à la peine  de mort (l. 24-25) ?  1 POINT 12. a. Relevez,  lignes 31 à 38,  l’opposition entre  le con- damné (pronoms, subordonnées relatives) et les acteurs  de sa mort (groupes nominaux).   3 POINTS b. Expliquez l’expression quel crime je fais commettre à la société (l. 31).  1 POINT 13. Relevez, lignes 31 à 38, les phrases exclamatives et  les  phrases  interrogatives.  Pour  chacune  d’elles,  quel  est  le  type  de  sentiments  exprimés  (surprise,  amour,  compassion, colère, désespoir, résignation ou regret) ?     4 POINTS 14. Par quels procédés Victor Hugo dénonce-t-il la peine  de mort ? Citez-en au moins trois.  3 POINTS Réécriture 7,5 points Réécrivez  au  pluriel  le  passage  des  lignes  12  à  17  (Pauvre petite […] pour prier Dieu). Attention, la transfor- mation concerne à la fois la petite et son père.
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