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Analyse scène 3, partie 2 de Juste la fin du monde : Antoine et culpabilité, High school final essays of French

Théâtre françaisLittérature comparéeThéorie du théâtre

Dans cette analyse, nous examinons la scène trois de la deuxième partie de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, où Antoine tente de s'affranchir de la culpabilité en accusant son frère Louis. Nous explorons comment le thème de la famille, la culpabilité et la révolte sont mis en évidence par le personnage d'Antoine et comment la parole est utilisée pour affirmer son autorité et imposer des rôles. Nous soulignons également comment cette scène illustre la distribution des rôles dans la famille et comment elle peut être interprétée comme un théâtre permanent.

What you will learn

  • Comment utilise Antoine la parole pour affirmer son autorité et imposer des rôles?
  • Comment la scène trois de la deuxième partie de Juste la fin du monde illustre le thème de la culpabilité?
  • Quel est le rôle d'Antoine dans la distribution des rôles dans la famille de Juste la fin du monde?

Typology: High school final essays

2021/2022

Uploaded on 02/23/2022

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Download Analyse scène 3, partie 2 de Juste la fin du monde : Antoine et culpabilité and more High school final essays French in PDF only on Docsity! Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce (1990 ; création en 1999) Lecture analytique de la tirade du frère deuxième partie, scène 3 (« Tu me persuadais … à t'attendre. ») Introduction : le thème de la famille est un lieu de prédilection de la tragédie antique et classique, parce qu'elle est un creuset inépuisable d'histoires puisées dans la mythologie notamment. Mais ce thème est également investi par le théâtre contemporain. Son caractère tragique est beaucoup moins visible, puisque la parole est dépourvue de tout caractère fatidique – le drame même semble souvent s'être absenté, amenuisé. Cette scène de Juste la fin du monde est proche de la fin de la pièce : Louis n'a rien dit, mais sa présence cristallise les tensions, fait ressurgir les failles de cette famille. La tirade d'Antoine est celle d'un règlement de compte. On peut s'interroger ici sur l'impact de sa tentative. La parole peut-elle encore avoir un pouvoir quelconque dans une telle situation ? I- Un règlement de comptes. 1. La question de l'amour. • Le manque d'amour est au centre du discours d'Antoine et constitue le nœud crucial de son propos. Le verbe est ainsi employé à sept reprises ; le nom « amour » ouvre le passage, complétant le verbe « manquer » ; Antoine emploie aussi les synonymes « prendre soin de toi » ; « m'inquiéter de toi ». De façon significative, le verbe est souvent à la forme négative, marqué par une insuffisance : « que personne ne t'aime jamais »l.6 ; « nous ne t'aimions pas assez » l. 28, « ne pas t'aimer assez »l.33 « on ne t'aimait pas assez »l.106; l'amour semble toujours nécessiter une « preuve » l.49. Le sentiment est sans cesse mesuré, évalué ou dévalué, ce qui engendre un ressentiment, résumé par la formule l.106 « On devait m'aimer trop puisque on ne t'aimait pas assez » : le parallélisme souligne le nécessaire partage et l'injustice, la rancune qui s'ensuit. Antoine fait une sorte de bilan et affirme que lui-même n'a pas eu son compte : « on voulut me reprendre alors ce qu'on ne me donnait pas et ne me donna plus rien ». La référence à la « mémoire » l. 60 est révélatrice, comme si l'injuste partage ne pouvait s'effacer, laissant une trace indélébile, une dette. La reprise du verbe « donner » à la forme négative insiste sur le manque d'équité ressenti. • La conséquence de cette insuffisance est le « malheur » ou le « mal » : ces deux termes saturent le passage, répétés à quatorze reprises. Le « malheur » de Louis lié à ce manque semble être contagieux, provoquant la «peur » et la « culpabilité » de son entourage : anaphore du mot « peur » l.4, 6 et 7 et du mot « coupable » l. 11, 12, 14 et « responsable » l.19, 69, 102, 121 ; l.104 « c'était de ma faute, ce ne pouvait être que de ma faute ». Louis, en s'arrogeant le rôle du mal-aimé et de son corollaire, le malheureux, fait peser sur son entourage une culpabilité elle-même synonyme de malaise et de mal-être. 2. Un discours de révolte. • Face à cette omniprésence de la culpabilité, Antoine tente une rébellion, refusant désormais d'en assumer le poids. Cette volonté de rupture est portée par l'emploi des temps du passé : « je te croyais et je te plaignais » : l'imparfait marque la durée mais aussi une période que le personnage désire révolue. « Nous pensions que tu n'avais pas tort » l. 25 : l'emploi de cette expression au passé et à la forme négative peut sous-entendre l'imposture de Louis. Ce qui provoque la révolte surtout est le caractère pesant du « devoir », de la nécessité insidieuse provoquée par cette configuration familiale. Le verbe modal « devoir » est employé onze fois dans ce sens et il concerne la plupart du temps Antoine ; on peut également relever les verbes « se croient obligés » l.8 « nous nous donnions l'ordre » l.45 qui marquent une gradation crescendo. Cf. notamment la reprise presque obsessionnelle l.53 « Je devais céder. Toujours, j'ai dû céder. (…) Je devais me montrer, le mot qu'on me répète, je devais me montrer « raisonnable ». Je devais faire moins de bruit » Cette insistance traduit l'exaspération d'Antoine face à l'injonction permanente de la famille, représentée par un indéfini hostile, et d'autant plus tyrannique qu'il semble impersonnel et collectif. • La révolte se traduit par le caractère véhément du discours, adressé à Louis. Cf. énonciation et adresse directe : importance de la deuxième personne. Cette adresse s'apparente, au fil du discours, à une accusation, ce que montre le passage assez brusque au présent d'énonciation l. 73 « tu le sais comme moi je le sais et celles-là le savent aussi, et tout le monde aujourd'hui voit ce jeu clairement ». Antoine accuse explicitement son frère de « supercherie » avec une assurance affirmée « je suis certain de ne pas me tromper » l.78 : « tout ton soi-disant malheur n'est qu'une façon que tu as, que tu as toujours eue et que tu auras toujours (…) de tricher » : condamnation sans appel et caractère définitif marqué par l'emploi et la répétition de l'adverbe, appuyé par la déclinaison des temps. On peut noter aussi l'emploi réitéré de la locution restrictive « ne ...que » qui a pour effet de minimiser, de réduire à néant le malheur assigné à Louis l.80 : « tout ton malheur ne fut jamais qu'un malheur soi-disant » cf aussi l. 92. « Tu n'as pas mal » accusation dénonçant le mensonge de son frère. Ironie cinglante de certaines expressions : « tu suais le malheur » : la connotation péjorative tend à jeter le discrédit sur son frère. « jouir du spectacle apaisant enfin de ta survie légèrement prolongée » : l'hyperbole dénonce avec une certaine dérision le chantage qu'exerce Louis sur le cercle familial. 3. Une tentative pour rompre le silence. • La longueur de la tirade semble à la mesure de l'amertume, du ressentiment longuement accumulé par Antoine. cf. importance des « Et » l. 99 et 118 qui relancent la parole, l'accusation. Face au silence longtemps imposé, « je devais faire moins de bruit » l.64 « ne jamais devoir me plaindre » l.110, « je dus être silencieux (…) ne plus jamais oser dire un mot contre toi » l.122, le personnage se rebiffe et brise un tabou. • Le pouvoir de la parole est affirmé notamment au détour d'une parenthèse l.31 « (et ne pas te le dire, cela revient au même, ne pas te dire assez que nous t'aimions, ce doit être comme ne pas t'aimer assez )» : la parole est ainsi essentiellement performative. L'amour, dans la famille, ne semble exister que s'il est formulé. Or la parole familiale est foncièrement difficile, empêchée, empêtrée ce que montrent l'adverbe « jamais » et la répétition négative de l'adverbe « facilement » : « On ne se le disait pas si facilement, rien jamais ici ne se dit facilement ». L'informulé est profondément nocif parce qu'il engendre toutes sortes d'hypothèses, d'incertitudes à même d'alimenter la culpabilité et de peser sur le cercle familial : importance du verbe « croire » l.3, 8, 14 ; « penser » l.20, 21, 24, 25, 28. Le « silence » devient un « secret » (l. 14 / 18), un tabou qu'il faut « oser » briser (l. 18 et 124). La reprise du verbe « savoir » l.73 suggère que le secret de cette imposture est partagé, entretenu, assumé par tous. II- Le théâtre de la famille. 1. Des rôles bien distribués. • La famille est clairement désignée, dans la tirade d'Antoine, comme un théâtre ; le champ lexical émaille le discours du personnage : il évoque ainsi le « jeu » l.75 et le « spectacle » l.66 de son frère, dont la « survie » est désignée comme un artifice (ce que suggère l'hyperbole) ; il dénonce ensuite explicitement la « supercherie » de ce dernier, « pris à ce rôle » l.78/83. L'insistance sur la « façon » qu'emprunte Louis le montre comme un acteur l.92 et 93. Le « malheur sur le visage » fait penser à un masque l.96 ; « tu as choisi ça et cela t'a servi et tu l'as conservé » l.98. Ce « malheur » choisi, endossé par intérêt ressemble bien à un rôle d'emprunt et c'est en cela que Louis peut être accusé de « tricher », comme s'il se réfugiait derrière son rôle de victime pour « se protéger », pour « fuir » l.85 toute responsabilité et toute confrontation, opposant sans cesse « une façon (…) de répondre, d'être là devant les autres et de ne pas les laisser entrer. » l.94. • La distribution des rôles est donc décidée, de fait, par Louis : sa position de victime apparaît dans le discours d'Antoine comme privilégiée puisqu'elle lui donne paradoxalement une autorité, une aura particulière et a pour conséquence d'imposer aux autres un rôle contraint par sa fragilité, ce que marque le verbe « surveiller » répété l.68/69. L'anaphore du « et », le connecteur « puisque » l.106 qui marque la conséquence traduit bien le rôle de coupable que doit endosser Antoine l.107-109 : si Louis a le monopole du « malheur », Antoine doit être à la fois coupable et « comblé ». Cette autorité est redoublée par sa place réelle d'aîné de la fratrie, soulignée par Antoine l.8, obligé à se sacrifier, à « céder » l. 52, 53, 54, 61.
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