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Liberté d'expression, Cheat Sheet of Civil Law

Liberté d'expression et responsabilité civile

Typology: Cheat Sheet

2022/2023

Uploaded on 11/11/2023

jebari-mohammed-moatez
jebari-mohammed-moatez 🇹🇳

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Download Liberté d'expression and more Cheat Sheet Civil Law in PDF only on Docsity! LES LIENS ENTRE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET LES AUTRES DROITS DE L’HOMME FRA La liberté d’expression, qui est protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, fait partie intégrante des sociétés ouvertes et inclusives. En effet, il s’agit de la pierre angulaire de sociétés pluralistes culturellement diverses. Il ne s’agit toutefois pas d’un droit absolu et peut faire l’objet de restrictions conformément à l’article 10 (2) de la Convention. Ce Guide répond au souhait du Comité des Ministres de disposer d’un outil pratique pouvant être utilisé par les Etats membres pour concilier le droit à la liberté d’expression et d’autres droits de l’homme, en particulier : le droit au respect de la vie privée ; le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; la liberté de réunion et d’association ; et l’interdiction de la discrimination. À cet égard, les bonnes pratiques prometteuses présentées dans le Guide détaillent les approches et les méthodes utilisées par les États et servent d’exemple pour l’élaboration et l’incorporation de nouvelles mesures et l’amélioration de la coopération. Ce Guide a été préparé par le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) et s’appuie sur les normes, principes et recommandations émanant d’instances juridiques internationales, régionales et nationales. En outre, le Guide fournit des résumés succincts des principes établis dans la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme. Bien que le Guide s’adresse principalement aux décideurs politiques et aux autorités publiques, il constitue un outil utile pour un public plus large. Le lecteur trouvera dans ce Guide : un exposé approfondi sur l’étendue et le contenu du droit à la liberté d’expression ; la relation d’acteurs spécifiques à la liberté d’expression ; son importance pour le discours politique ; la relation entre la liberté d’expression et les autres droits de l’homme. Le Guide attire l’attention sur les problèmes contemporains en interaction avec la liberté d’expression, tels que les désordres de l’information (« fake news ») et le discours de haine. Il mentionne également le développement de l’intelligence artificielle (IA) qui aura probablement des incidences sur l’exercice de la liberté d’expression, engendrant à la fois défis et opportunités. PR EM S 13 87 19 Le Conseil de l’Europe est la principale organisation de défense des droits de l’homme du continent. Il comprend 47 États membres, dont l’ensemble des membres de l’Union européenne. Tous les États membres du Conseil de l’Europe ont signé la Convention européenne des droits de l’homme, un traité visant à protéger les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit. La Cour européenne des droits de l’homme contrôle la mise en œuvre de la Convention dans les États membres. www.coe.int 3Guide de bonnes et prometteuses pratiques sur la manière de concilier la liberté d’expression avec d’autres droits et libertés, notamment dans les sociétés culturellement diverses 3Analyse de la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme et d’autres instruments du Conseil de l’Europe Domaines d’intérêt spécifique: 3 La liberté d’expression dans le discours politique 3 Les désordres de l’information (« fake news ») 3 Le discours de haine LE S LI EN S EN TR E LA L IB ER TÉ D ’E XP RE SS IO N E T LE S AU TR ES D RO IT S D E L’H O M M E 3 Guide de bonnes et prometteuses pratiques sur la manière de concilier la liberté d’expression avec d’autres droits et libertés, notamment dans les sociétés culturellement diverses Table des matières I. CONTEXTE ................................................................................................................................. 6 II. INTRODUCTION ......................................................................................................................... 7 III. ÉTENDUE ET CONTENU DU DROIT À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ................................... 9 A. Protection de la liberté d’expression ............................................................................................. 9 Au niveau régional et international ................................................................................ 9 Au niveau national ....................................................................................................... 10 Article 10 de la CEDH ................................................................................................. 11 Étendue................................................................................................................ 11 Restrictions autorisées ........................................................................................ 11 Obligations des États ........................................................................................... 14 Accès à l’information en ligne et hors ligne ......................................................... 14 B. Acteurs spécifiques et leur relation à la liberté d’expression ...................................................... 17 Médias ................................................................................................................. 17 Acteurs de la société civile .................................................................................. 20 Intermédiaires d’Internet ...................................................................................... 21 i. Domaine d’intérêt spécifique : la liberté d’expression dans le discours politique ................................................................................................................... 23 Libre jeu du débat politique ................................................................................. 24 Responsabilité des dirigeants politiques et des partis politiques ........................ 25 Mesures visant à combattre les déclarations politiques qui incitent à la violence ou à la haine ........................................................................................................ 26 a. Autorégulation................................................................................................. 27 b. Retrait du soutien financier et d’autres formes de soutien public................... 29 c. Interdiction et dissolution de partis politiques et d’organisations dans des cas exceptionnels ........................................................................................... 30 Tolérance accrue des personnalités politiques à l’égard des critiques ............... 32 ii. Domaine d’intérêt spécifique : les désordres de l’information (« fake news ») .. 34 Réglementation au niveau national ..................................................................... 35 Approche multidimensionnelle ............................................................................. 37 Initiatives de vérification des faits et de renforcement de la confiance ............... 37 Promotion du pluralisme et de la diversité des médias ....................................... 40 Sensibilisation et éducation aux médias .............................................................. 41 Réponses coordonnées et poursuite de la recherche ......................................... 44 IV. Domaine d’interet specifique : LE DISCOURS DE HAINE ....................................................... 47 La difficulté de définir le « discours de haine » ................................................... 47 Élaboration de stratégies nationales complètes .................................................. 48 4 Adoption d’une législation conforme aux obligations régionales et internationales .................................................................................................... 51 Renforcement des poursuites en cas d’infractions de discours de haine ........... 56 Autorégulation par les institutions publiques et privées ...................................... 58 Renforcement du signalement du discours de haine .......................................... 59 Aide aux victimes de discours de haine .............................................................. 62 Amélioration de la recherche et du suivi, y compris par la collecte de données . 62 Éducation et sensibilisation, y compris dialogue interculturel ............................. 64 Dialogue avec les médias au sens large et notamment les plateformes de médias sociaux, la société civile et les autres parties prenantes ........................ 67 Contre-discours ................................................................................................... 69 V. RAPPORT ENTRE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’AUTRES DROITS DE L’HOMME ... 70 A. Liberté d’expression et droit au respect de la vie privée ............................................................. 70 B. Liberté d’expression et liberté de pensée, de conscience et de religion ..................................... 73 Intérêts concurrents de la liberté d’expression et de la liberté de pensée, de conscience et de religion ..................................................................................... 74 Symboles religieux dans l’espace public ............................................................. 75 Lanceurs d’alerte ................................................................................................. 76 Blasphème, insultes à caractère religieux et incitation à la haine religieuse ...... 79 C. Liberté d’expression et liberté de réunion et d’association ......................................................... 80 D. Liberté d’expression et interdiction de la discrimination .............................................................. 82 VI. CONCLUSIONS ........................................................................................................................ 85 ANNEXE ……………………………………………………………………………………………………….93 Analyse de la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l'homme et d'autres instruments du Conseil de l'Europe en vue de fournir des orientations complémentaires sur la manière de concilier la liberté d'expression avec d'autres droits et libertés, notamment dans les sociétés culturellement diverses. 5 Acronymes et abréviations utilisés dans ce guide APCE Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe BIDDH/OSCE Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe CDDH Comité directeur pour les droits de l’homme CDMSI Comité directeur sur les médias et la société de l’information CEDH Convention européenne des droits de l’homme CERD Comité pour l’élimination de la discrimination raciale CIEDR Convention internationale sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale Commission de Commission européenne pour la démocratie par le droit Venise La Cour Cour européenne des droits de l’homme ECRI Commission européenne contre le racisme et l’intolérance FRA Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ICCPR Pacte international relatif aux droits civils et politiques ONG Organisations non gouvernementales ONU Organisation des Nations Unies OSCE Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe UE Union européenne 8 mondial, notamment en raison de l’exercice de cette liberté sur Internet, les bonnes et prometteuses pratiques mises en place en Europe peuvent également servir d’inspiration pour d’autres régions du monde confrontées à des problèmes similaires. 13. Le CDDH s’occupe de la protection et de la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses depuis 2003. Il a coorganisé plusieurs conférences et séminaires4 et a produit des manuels sur le discours de haine et le port de symboles religieux dans les lieux publics5, ainsi qu’une Déclaration du Comité des Ministres sur la nécessité d’intensifier les efforts en matière de prévention et d’élimination des mutilations génitales féminines et du mariage forcé en Europe, accompagnée d’un Guide de bonnes et prometteuses pratiques visant à prévenir et à combattre les mutilations génitales féminines et le mariage forcé6. En 2016, il a préparé les Lignes directrices du Comité des Ministres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses7. En 2018, il a préparé la Recommandation CM/Rec(2018)11 du Comité des Ministres aux États membres sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l'espace dévolu à la société civile en Europe8. Le présent Guide sur les bonnes et prometteuses pratiques en matière de protection et de promotion de la liberté d’expression est axé plus particulièrement sur les sociétés culturellement diverses en Europe. 4 Conférence internationale sur « Les droits de l'homme dans une société pluraliste » (La Haye, 20–21 novembre 2003) coorganisée par la présidence néerlandaise du Comité des Ministres ; Conférence sur « Les droits de l'homme dans les sociétés culturellement diverses : défis et perspectives » (La Haye, 12–13 novembre 2008), organisée en coopération avec le gouvernement des Pays-Bas ; Séminaire de haut niveau « Protection et promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses » (Strasbourg, 13–14 juin 2016), organisé dans le cadre de la présidence estonienne du Comité des Ministres. 5 Manuel sur le discours de haine, par le Dr Anne Weber et Manuel sur le port des symboles religieux dans les lieux publics, par le Professeur Malcolm D. Evans. 6 Déclaration du Comité des Ministres sur la nécessité d’intensifier les efforts en matière de prévention et d'élimination des mutilations génitales féminines et du mariage forcé en Europe, adoptée lors de la 1293e réunion des Délégués des Ministres le 13 septembre 2017. 7 Les Lignes directrices du Comité des Ministres ont été élaborées sur la base d’une Compilation des normes du Conseil de l’Europe relatives aux principes de liberté de pensée, de conscience et de religion et liens avec d'autres droits de l'homme, adoptée par le CDDH le 19 juin 2015, qui comporte en annexe une sélection de bonnes pratiques pertinentes reçues d’États membres. 8 Recommandation CM/Rec(2018)11 du Comité des Ministres aux États membres sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l'Espace dévolu à la société civile en Europe, adoptée par le Comité des Ministres lors de la 1330e réunion des Délégués des Ministres, le 28 novembre 2018. Dans ce contexte, voir également la Compilation des mesures et pratiques en place dans les États membres du Conseil de l'Europe, tel qu’il apparaît dans le document CM(2018)149. 9 III. ÉTENDUE ET CONTENU DU DROIT À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION 14. Toute personne, quelles que soient son origine et ses convictions, a le droit de s’exprimer, même si ses opinions sont offensantes ou choquantes, à condition de ne pas inciter à la violence ni à la haine9. Le débat public permet à nos sociétés d’évoluer et de relever de nouveaux défis. La liberté d’expression, portée par des médias diversifiés et indépendants, permet aux citoyens de prendre des décisions éclairées et d’exiger des groupes d’intérêts puissants qu’ils rendent des comptes10. A. Protection de la liberté d’expression Au niveau régional et international 15. La liberté d’expression est protégée par un certain nombre d’instruments internationaux comme l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR) et l’article 5.d.viii de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD). 16. Certains de ces instruments reconnaissent que le droit à la liberté d’expression n’est pas absolu dans toutes ses formes (les articles 20(1) et (2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, par exemple, interdisent toute propagande en faveur de la guerre et tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence ; de la même manière, l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale interdit toute propagande et toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale ainsi que toute incitation à la discrimination raciale, en demandant aux États parties de poursuivre en justice ce type de comportement). 17. Par ailleurs, la Déclaration universelle sur la diversité culturelle souligne l’importance d’assurer la libre circulation des idées par le mot et par l’image en veillant à ce que toutes les cultures puissent s’exprimer et se faire connaître. La liberté d’expression, le pluralisme des médias, le multilinguisme, l’égalité d’accès aux expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique – y compris sous la forme numérique – et la possibilité, pour toutes les cultures, d’être présentes dans les moyens d’expression et de diffusion, sont les garants de la diversité culturelle11. 18. La liberté d’expression et d’information est protégée par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Par ailleurs, les Orientations de l’UE dans le domaine des droits de l’homme, relatives à la liberté d’expression en ligne et hors ligne12 expliquent en quoi consistent les normes du droit international des droits de l’homme qui portent sur la liberté d’opinion et d’expression et donnent aux fonctionnaires et agents des institutions de l’UE et de ses États membres des orientations politiques et opérationnelles pour les guider dans leur travail dans les pays tiers et les enceintes internationales ainsi que dans leurs contacts avec des organisations internationales, la société civile et d’autres parties prenantes. 19. Au niveau du Conseil de l’Europe, la liberté d’expression est protégée spécifiquement par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Charte sociale européenne mentionne également des aspects spécifiques de cette liberté (par exemple le droit d’être informé de risques sanitaires, le droit des travailleurs à l’information, le droit des travailleurs migrants de recevoir une formation dans leur propre langue), tandis que les articles 7 et 9 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales garantissent aux personnes appartenant aux minorités nationales le droit à la liberté d’expression et la jouissance de cette liberté dans la langue minoritaire. 9 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, adoptées par le Comité des Ministres le 2 mars 2016 lors de la 1249e réunion des Délégués des Ministres, II.B. 10 Quatrième rapport annuel du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit en Europe, Populisme – Le système de contre-pouvoirs est-il suffisamment puissant en Europe ? présenté lors de la 127e session du Comité des Ministres, Nicosie,19 mai 2017, Préface. 11 Déclaration universelle sur la diversité culturelle adoptée par la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à sa 31e session le 2 novembre 2001, article 6. Voir également la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée par l’UNESCO le 20 octobre 2005. 12 Orientations de l’UE dans le domaine des droits de l’homme, relatives à la liberté d’expression en ligne et hors ligne, adoptées par le Conseil de l’Union européenne le 12 mai 2014. 10 20. Parmi les autres instruments juridiques pertinents, on peut citer les recommandations et lignes directrices adoptées par d’autres instances du Conseil de l’Europe qui, bien que n’étant pas juridiquement contraignantes, font partie intégrante des normes du Conseil de l’Europe13. Deux d’entre elles présentent un intérêt tout particulier dans ce contexte : il s’agit des Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses et de la Déclaration du Comité des Ministres sur la liberté de communication sur l'Internet14 réaffirmant l'importance de la liberté d'expression et de la libre circulation de l'information sur l'Internet. Au niveau national 21. La liberté d’expression est considérée comme ayant une importance « constitutionnelle »15 car elle est non seulement un droit en soi, mais aussi le fondement d’autres droits et libertés inscrits dans la Convention, comme la liberté de pensée, de conscience et de religion et la liberté de réunion et d’association. 22. Dans l’ordre juridique de la plupart des États membres du Conseil de l’Europe, la liberté d’expression est protégée au niveau constitutionnel, c’est-à-dire qu’elle est garantie par la Constitution, par la loi fondamentale ou par une charte des droits et libertés fondamentaux ayant un rang constitutionnel. La formulation des dispositions en question est souvent similaire à celle de l’article 10 de la Convention. En conséquence, la liberté d’expression peut être invoquée notamment devant les cours constitutionnelles, qui interprètent son champ d’application et ses limites en tenant compte du fait qu’elle constitue un élément fondamental d’une société démocratique. Les principes constitutionnels sont souvent approfondis dans des instruments législatifs portant sur la liberté d’expression, les médias, la communication audiovisuelle, les services de la société de l’information, etc. 23. Fin 2017, le gouvernement danois a créé une commission sur la liberté d’expression pour évaluer le cadre et les conditions générales d’exercice de la liberté d’expression au Danemark. Les travaux de la Commission ont pour but d’ouvrir un débat politique à grande échelle sur le statut de la liberté d’expression dans la société danoise actuelle. Elle devrait remettre son rapport avant la fin de l’année 2019. 24. En Géorgie, l’article 17 de la Constitution de 2018 porte sur la « liberté de pensée, l’information, les médias de masse et Internet ». L’indépendance du radiodiffuseur public vis-à-vis des organes de l’État, des influences politiques et de toute emprise commerciale importante est garantie par la loi. 25. En Espagne, l’article 20 de la Constitution (1978) reconnaît et protège : (i) le droit d’exprimer et de diffuser librement des pensées, des idées et des opinions par les mots, par l’écrit ou par tout autre moyen de communication ; (Ii) le droit à la production et à la création littéraire, artistique, scientifique et technique ; (iii) le droit à la liberté académique et (iv) le droit de communiquer et de recevoir librement des informations fiables par tout moyen de diffusion. Par ailleurs, l’article 5 de la loi 7/2010 générale relative à la communication audiovisuelle réglemente le droit à la diversité culturelle et linguistique dans le secteur audiovisuel. 13 Voir document SG(2014)1 Final. Rapport du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit en Europe, Résumé, point « Élaboration de normes ». 14 Déclaration sur la liberté de communication sur l'Internet, adoptée par le Comité des Ministres le 28 mai 2003, lors de la 840e réunion des Délégués des Ministres. 15 Harris, O’Boyle et Warbick, Law of the European Convention on Human Rights, troisième édition, Oxford University Press 2014, p. 613. 13 36. Bien que les avocats ne puissent à juste titre être tenus responsables des actes des médias, ils ne sont pas déchargés de leur devoir de prudence à l’égard du secret de l’instruction en cours lorsqu’ils s’expriment publiquement. Ils ne peuvent tenir des propos d’une gravité dépassant le commentaire admissible sans solide base factuelle, proférer des injures ou tenir des propos pouvant passer comme une attaque gratuite24. 37. Plusieurs États membres25 punissent l’exercice d’une influence illicite sur les procédures pénales, les atteintes à l’ordre lors d’une audience, la violation du secret et la diffamation ou l’outrage au tribunal. 38. En Croatie, la loi sur les tribunaux, la loi sur les procureurs et la loi sur la profession d’avocat, ainsi que les codes de déontologie respectifs énoncent des règles spécifiques applicables aux personnes qui participent à la procédure judiciaire. En République de Moldova, un nouveau code d’éthique et de conduite professionnelle du juge a été adopté en 2015 ; il contient également des règles en matière de communication avec les médias de masse. En Serbie, le Code de déontologie des journalistes énonce l’obligation des journalistes de protéger la vie privée, l’identité et la présomption d’innocence des individus. 39. Les juges norvégiens ont constitué un « groupe médias » composé de juges ayant accepté de se mettre à la disposition des journalistes pour accroître la transparence des tribunaux et mieux les faire connaître au grand public. Ses membres n’expriment pas les opinions des tribunaux norvégiens en général, d’un tribunal en particulier ou d’autres juges, mais uniquement leurs opinions personnelles. L’association des juges a publié un manuel intitulé « les juges et les médias » portant sur les règles et bonnes pratiques applicables en matière de relations entre les juges et les médias. Les recommandations et principes qu’il contient ne sont pas contraignants. 40. En Espagne, et plus particulièrement en Andalousie, le Conseil de l’audiovisuel, le « Tribunal Superior de Justicia » et l’association des journalistes ont publié en 2013 un Guide pour le traitement de l’information lors des procédures judiciaires : le droit à l’information et à la justice qui présente la jurisprudence existante sur l’accès des médias aux informations judiciaires et les codes et protocoles en vigueur en Espagne et en Europe pour réglementer la relation entre les professionnels de l’information et la sphère judiciaire. 41. En Suisse, les journalistes qui désirent tenir la chronique de l’activité judiciaire du Tribunal fédéral et de nombreux tribunaux cantonaux doivent demander une accréditation spéciale. Sous réserve de respecter certaines obligations, les journalistes accrédités reçoivent des informations plus détaillées que le grand public et peuvent être autorisés à assister à des audiences à huis clos. 42. Au Royaume-Uni, la loi de réforme constitutionnelle de 2005 (Constitutional Reform Act) a créé l’institution de l’Ombudsman des nominations judiciaires et de la conduite des juges. En 2016, le Judicial College a publié des directives actualisées sur les restrictions en matière de couverture des affaires pénales en cours, établissant des exceptions au principe général d’une justice ouverte. 43. En considération de la règle générale relative à l’impartialité du juge énoncée à l’article 61 de la loi du Danemark sur l’administration de la justice (« retsplejeloven ») et à la lumière de la Recommandation CM/Rec (2010)12 du Comité des Ministres aux États membres « Les juges : indépendance, efficacité et responsabilités », l’Association danoise des juges a décidé d’élaborer des lignes directrices sur les principes déontologiques applicables aux juges, dont une section est consacrée à la question de l’impartialité. Par ailleurs, l’article 56 de la loi sur l’administration de la justice dispose qu’un juge ne peut se présenter devant un tribunal d’une manière susceptible d’indiquer ses affiliations politiques ou religieuses ou sa position à l’égard de questions politiques ou religieuses. Cette disposition a été adoptée en 2009 pour codifier l’usage qui prévalait au sein du système judiciaire, d’adopter une apparence neutre sur le plan politique et religieux. Une autre restriction à la liberté d’expression concernant le port de symboles religieux est contenue dans l’article 168(2) de la même loi. La disposition en question, adoptée en 2010, interdit aux témoins de porter une tenue masquant leur visage, sauf décision contraire du tribunal. Le non-respect de cette disposition est passible de sanctions au titre de l’article 178 de la loi. 24 Ibid., § 136-139. 25 Par exemple, Autriche, Croatie, Danemark, Estonie, République de Moldova, Pologne, Serbie, Espagne et Suisse. 14 • Obligations des États 44. Compte tenu de ce qui précède, les États ont une obligation positive de protéger et de garantir les droits individuels inhérents à la liberté d’expression. En effet, l’exercice réel et effectif de la liberté d’expression ne dépend pas simplement du devoir de l’État de s’abstenir de toute ingérence disproportionnée dans les droits garantis par la Convention, mais peut exiger des mesures positives de protection jusque dans les relations des individus entre eux26. 45. En Espagne, le Conseil de l’audiovisuel d’Andalousie emploie différents moyens (plaintes, rapports, recommandations) pour mettre en œuvre les obligations positives et négatives prévues par la loi en ce qui concerne les communications diffusées par les médias (dans le domaine de la protection de l’enfance, des mineurs, des contenus discriminatoires, de la violence sexiste, etc.). 46. Les États membres jouissent d’une marge d’appréciation dans la mise en œuvre de leurs obligations positives et négatives à l’égard de la liberté d’expression27. Cette marge d’appréciation dépend du contexte et notamment de facteurs historiques, démographiques et culturels28 ainsi que des circonstances de l’espèce et des droits et libertés en cause29 • Accès à l’information en ligne et hors ligne 47. L’accès à l’information est un élément central de la liberté d’expression. Les innovations dans le domaine des technologies de l’information et de la communication créent de nouvelles possibilités de diffuser l’information à un large public et ont des incidences notables sur la participation et la contribution des citoyens aux processus de prise de décisions30. Ces innovations s’accompagnent également de nouveaux défis31. Comme souligné dans la Recommandation CM/Rec(2016)5 du Comité des Ministres aux États membres sur la liberté d’Internet, la Convention s'applique aussi bien en ligne que hors ligne, notamment concernant le droit à la liberté d’opinion et d’expression et le droit au respect de la vie privée, qui inclut la protection des données à caractère personnel32. Les Etats membres devraient rechercher des mesures propres à promouvoir une offre pluraliste de services via l’Internet répondant aux différents besoins des utilisateurs et des groupes sociaux33. Pour protéger le droit au respect de la vie privée à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, le Conseil de l’Europe a élaboré la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel34. Grâce à leur accessibilité et à leur capacité à conserver et à diffuser de grandes quantités de données, les sites Internet contribuent grandement à améliorer l’accès du public à l’actualité et, de manière générale, à faciliter la communication de l’information35. L’accès à l’information en général, et notamment à l’information publique et aux documents publics, que ce soit hors ligne ou en ligne, doit être assuré et financièrement abordable pour tous sans discrimination. 26 Palomo Sánchez et autres c. Espagne (requêtes n° 28955/06, 28957/06, 28959/06 et 28964/06), arrêt de la Grande Chambre du 12 septembre 2011, § 58-59. Khadija Ismayilova c. Azerbaïdjan, (requêtes n° 65286/13 et 57270/15), arrêt du 10 janvier 2019, § 164-166. 27 Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni (requêtes n° 9214/80, 9473/81 et 9474/81), arrêt du 28 mai 1985, § 67. 28 Soulas et autres c. France (requête n° 15948/03), arrêt du 10 juillet 2008, § 38. 29 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, op. cit., principe 6. 30 Rapport du Secrétaire Général pour la Session ministérielle d'Helsinki, 16–17 mai 2019, Relever les défis à venir – Renforcer le Conseil de l’Europe, p. 31 31 Voir par exemple Maja Brkan, Freedom of expression and Artificial Intelligence: on personalisation, disinformation and (lack of) horizontal effect of the Charter, posted on 9 Apr 2019, available at https://ssrn.com/abstract=3354180, pp. 2-3. 32 Recommandation CM/Rec(2016)5 du Comité des Ministres aux États membres sur la liberté d’Internet, adoptée par le Comité des Ministres le 13 avril 2016 lors de la 1253e réunion des Délégués des Ministres, § 1 ; Orientations de l’UE dans le domaine des droits de l’homme, relatives à la liberté d’expression en ligne et hors ligne, § 6 ; Résolution 20/8 du Conseil des droits de l’homme, La promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur l’Internet, 16 juillet 2012, document A/HRC/RES/20/8, § 1 ; Résolution 32/13 du Conseil des droits de l’homme, La promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur Internet, 1er juillet 2016, document A/HRC/RES/32/13, § 1. 33 Déclaration sur la liberté de communication sur l'Internet, citée ci-dessus, principe 5. 34 Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE n° 108), ouverte à la signature à Strasbourg le 28 janvier 1981. Un Protocole d’amendement à la Convention a été adopté lors de la 128e session du Comité des Ministres (Elsinore, Danemark, 17-18 mai 2018). Le Protocole reconnait la nécessité de promouvoir les valeurs fondamentales du respect de la vie privée et de la protection des données à caractère personnel à l’échelle mondiale, favorisant ainsi la libre circulation de l’information entre les peuples. Les principes de transparence, de proportionnalité, de responsabilité, de minimisation des données, de respect de la vie privée dès la conception (« privacy by design »), entre autres, sont aujourd’hui reconnus comme des éléments centraux du mécanisme de protection et ont été intégrés à l’instrument modernisé. 35 Times Newspapers Ltd c. Royaume-Uni (n° 1 et 2) (requêtes n° 3002/03 et 23676/03), arrêt du 10 mars 2009, § 27. 15 48. La nouvelle Constitution de Géorgie garantit dans son article 17 § 4 la liberté d’accès à Internet et la liberté d’utilisation d’Internet. En France, le Conseil constitutionnel a considéré que le droit de connexion à Internet relevait de l’exercice du droit à la liberté de communication et d’expression et qu’il bénéficiait à ce titre de la protection constitutionnelle relative à ces libertés (décision 2009-580 du 10 juin 2009). 49. Dans les États membres de l’UE, le Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établit des mesures relatives à l’accès à un Internet ouvert. Conformément aux obligations prévues par ce Règlement, l’autorité de régulation compétente en Autriche a publié en 2017 son premier rapport sur la neutralité du réseau, relatif à l’Internet ouvert. 50. La Finlande est le premier pays à avoir fait de l’accès à Internet à haut débit un droit reconnu par la loi en 2009. 51. Le ministère finlandais de l’Éducation et de la Culture agit en faveur de l’accessibilité des données et documents de recherche et de la science ouverte par le biais de son Open Science and Research Initiative dont les objectifs sont les suivants : - faire en sorte que la science ouverte soit largement utilisée au sein de la société, - promouvoir la fiabilité de la science et de la recherche, - soutenir la culture de la science ouverte dans le milieu de la recherche ; - accroître l’impact social et sociétal de la recherche et de la science. Cette initiative prévoit un accès généralisé aux publications ouvertes, données de recherche ouvertes et méthodes et outils de recherche ouverts, ainsi qu’un renforcement des compétences, des connaissances et des aides. Elle met à contribution les établissements d’enseignement supérieur comme les universités et les instituts polytechniques, qui font l’objet d’une évaluation portant sur l’ouverture de la culture opérationnelle des organismes de recherche. Les bibliothèques ont également un grand rôle à jouer dans la promotion de l’ouverture au sein des établissements d’enseignement supérieur au niveau local. 52. La transparence des organes de l’État est l’un des éléments clés de la bonne gouvernance et l’un des aspects qui révèle le mieux l’existence ou non d’une société véritablement démocratique et pluraliste36. Le droit d’accès aux documents publics est essentiel pour l’épanouissement des personnes et pour l’exercice des droits de l’homme fondamentaux. Cela renforce également la légitimité des autorités publiques aux yeux du public et la confiance que celui-ci place en elles. Pour toutes ces raisons, les systèmes juridiques nationaux devraient reconnaître et mettre en œuvre de manière efficace un droit d’accès pour tous aux documents publics produits et détenus par les autorités publiques37. 53. La Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics38 est le premier instrument juridique international contraignant qui reconnaît un droit général d’accès aux documents publics détenus par les autorités publiques. Elle s’inspire principalement de la Recommandation Rec(2002)2 du Comité des Ministres aux États membres sur l’accès aux documents publics qui garantit à toute personne le droit d’accéder, à sa demande, à des documents publics détenus par les autorités publiques39. Par ailleurs, les autorités publiques devraient, de leur propre initiative et lorsque cela s’avère approprié, prendre les mesures nécessaires pour mettre à disposition les documents publics qu’elles détiennent, dans l’intérêt de promouvoir la transparence et l’efficacité de l’administration et pour encourager la participation éclairée du public à des questions d’intérêt général40. 36 Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics (STCE n° 205), ouverte à la signature le 18 juin 2009, Rapport explicatif, II.1. 37 Ibid. 38 La Convention entrera en vigueur lorsqu’elle aura été ratifiée par 10 États membres. Au 1er mars 2019, elle avait été ratifiée par les 9 États membres suivants : Bosnie-Herzégovine, Estonie, Finlande, Hongrie, Lituanie, Monténégro, Macédoine du Nord, Norvège, République de Moldova et Suède. La Belgique, la Géorgie, la Serbie, la Slovénie et l’Ukraine l’ont signée, mais pas encore ratifiée. 39 Recommandation Rec(2002)2 du Comité des Ministres aux États membres sur l’accès aux documents publics, adoptée par le Comité des Ministres le 21 février 2002 lors de la 784e réunion des Délégués des Ministres, section II ; Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics, article 2.1. 40 Recommandation Rec(2002)2 du Comité des Ministres aux États membres sur l’accès aux documents publics, section XI ; Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics, article 10. 18 67. En Autriche et en Pologne, l’indépendance des médias et de la radiodiffusion est garantie au niveau constitutionnel. La loi fondamentale hongroise dispose à l’article 9, paragraphe (2) que « la Hongrie reconnaît et protège la liberté et la diversité de la presse et met en place les conditions nécessaires dans une société démocratique pour garantir la liberté de recevoir et de communiquer des informations ». 68. Plusieurs États membres ont adopté une législation prévoyant que la radiodiffusion doit proposer des programmes de nature à satisfaire les besoins en matière de médias des différentes minorités ou groupes, dans leurs langues respectives. 69. En Macédoine du Nord, plusieurs chaînes de télévision et stations de radio diffusent des programmes dans les langues des communautés ethniques (minoritaires) du pays, en plus de celles qui ne diffusent qu’en macédonien. 29 chaînes de télévision et 15 stations de radio diffusent dans les langues minoritaires. 70. En Géorgie, la loi sur la radiodiffusion impose au radiodiffuseur de service public géorgien de refléter dans les émissions la diversité de la société sur le plan ethnique, culturel, linguistique et religieux, ainsi qu’en termes d’âge et de diversité des genres, et à diffuser un certain pourcentage de programmes préparés par les minorités, sur les groupes minoritaires et dans les langues des minorités. 71. En Pologne, l’article 18(4) de la loi du 6 janvier 2005 sur les langues régionales et les minorités nationales et ethniques prévoit « un soutien aux programmes télévisés réalisés par les minorités » et l’article 24 de la loi sur la radiodiffusion oblige les radiodiffuseurs de service public à prêter dûment attention aux besoins des minorités nationales et ethniques et des communautés parlant des langues régionales, notamment en diffusant des actualités dans leurs langues respectives. 72. La Cour européenne des droits de l’homme note que « la garantie que l’article 10 offre aux journalistes, en ce qui concerne les comptes rendus sur des questions d’intérêt général, est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi sur la base de faits exacts et fournissent des informations fiables et précises dans le respect de la déontologie journalistique »49. 73. Dans plusieurs États membres, des mesures d’autorégulation des médias ont été mises en place parallèlement aux mesures réglementaires. Elles offrent en particulier la possibilité de saisir un organisme ou un conseil spécifique. Les États devraient inviter les médias traditionnels et les nouveaux médias à échanger des bonnes pratiques et, le cas échéant, à se consulter pour l’élaboration d’outils d’autorégulation, notamment de codes de conduite, qui prennent en compte ou incluent sous une formée adaptée les normes généralement admises dans le domaine du journalisme et des médias50. 74. En Finlande, en Géorgie, en Irlande et en Lettonie, la responsabilité civile des médias est renforcée par des codes ou des chartes de déontologie journalistique, souvent soutenus par des associations de journalistes. 75. Au Danemark, la loi sur la responsabilité des médias énonce les normes relatives aux activités des médias de masse. Dans une décision de septembre 2013, le Conseil danois de la presse a déclaré que les articles publiés sur les blogs professionnels étaient une composante des médias de masse et qu’ils devaient à ce titre respecter les exigences générales d’éthique de la presse applicables aux contenus médiatiques. En outre, l’article 34(1) de la loi précitée dispose que le contenu et la conduite des médias doivent respecter l’éthique de la presse. Pour déterminer si la conduite des médias est contraire à l’éthique de la presse, le Conseil de la presse s’appuie sur les règles d’éthique de la presse qui faisaient partie du projet de loi sur la responsabilité des médias de 1991. La norme tient toutefois compte des évolutions survenues depuis et des nouvelles situations qui se présentent, sur lesquelles des points de vue sont adoptés. Les règles en matière d’éthique de la presse ont été révisées le 22 mai 201351. 49 Stoll c. Suisse (requête n° 69698/01), arrêt de la Grande Chambre du 10 décembre 2007, § 103-104. 50 Recommandation CM/Rec(2011)7 du Comité des Ministres aux États membres sur une nouvelle conception des médias, op. cit., § 7. 51 Pour plus de précisions, voir le site web en anglais du Conseil danois de la presse : http://www.pressenaevnet.dk/press-ethical- rules/. 19 76. En Norvège, le Code de déontologie de la presse s’applique aussi bien à la presse écrite qu’à la radio, à la télévision et aux publications sur Internet et a été adapté pour tenir compte des problématiques spécifiques liées à la publication web. L’article 4.3 du Code de déontologie est rédigé comme suit : « chacun a droit au respect de sa personne et de son identité, de sa vie privée, de son origine ethnique, de sa nationalité et de ses convictions. Certaines expressions peuvent être source de stigmatisation et sont à éviter ». La dernière phrase, ainsi que l’expression « origine ethnique », ont été ajoutés en 2013. 77. En Macédoine du Nord, le Conseil de l’éthique des médias, organisme d'autorégulation non gouvernementale, apolitique et à but non lucratif vise à atteindre les objectifs statutaires suivants : - de protéger la liberté des médias et le droit du public d’être informé ; - d’éviter toute emprise de l’État, des partis politiques et d’autres centres de pouvoir sur les médias ; - de protéger les intérêts publics grâce à un processus indépendant, efficace et équitable de traitement des plaintes relatives au contenu des médias ; - de sensibiliser le public aux normes professionnelles et éthiques à respecter par les médias ; - de mettre en avant le Code des journalistes et de faire reculer toutes les formes de censure et d’autocensure dans le journalisme. 78. La législation sur la radiodiffusion peut interdire les propos ou contenus incitant à la haine ou à la discrimination (voir ci-après, partie II – Domaine d’intérêt spécifique : LE DISCOURS DE HAINE). Dans plusieurs États membres, les codes d’autorégulation du journalisme incluent des lignes directrices sur la discrimination ; par ailleurs, des campagnes contre le racisme et le discours de haine sont menées non seulement dans les médias traditionnels, mais également sur Internet et dans les médias sociaux. 79. En Belgique, le gouvernement flamand a organisé en 2016–2017 le concours « De Clichékillers » qui invitait des étudiants en journalisme à préparer des reportages nuancés, sans tomber dans les clichés, sur la pauvreté, l’égalité hommes-femmes, le handicap, l’origine ou l’identité sexuelle52. Il a également créé une base de données en ligne à l’usage des journalistes, de plus de 1 000 experts issus de groupes moins visibles dans les médias (femmes, immigrés, personnes handicapées, personnes transgenres, personnes pauvres). 80. En 2015, le radiodiffuseur public norvégien NRK a mis en place un « plan pour la diversité » sur cinq ans pour encourager le recrutement d’employés ayant des connaissances et des compétences multiculturelles. Il vise à accroître la compréhension des différentes cultures et groupes minoritaires par le personnel et à contribuer ainsi à améliorer la couverture des questions relatives aux minorités. 81. Au Royaume-Uni, les éditeurs et les organismes indépendants d’autorégulation de la presse ont publié des codes comportant des lignes directrices sur la discrimination, dans lesquels il est dit expressément que les diffuseurs de publications doivent s’abstenir de toute référence préjudiciable ou prérogative à un groupe et ne pas inciter à la haine contre ce groupe sur la base d’une caractéristique qui expose ce dernier à la discrimination. Les régulateurs indépendants de la presse ont engagé leurs propres initiatives pour améliorer la qualité de leur travail concernant les groupes vulnérables à la discrimination. L’Organisation des normes de la presse indépendante (IPSO), qui régule 95 % des journaux nationaux en circulation, rencontre régulièrement les représentants de chaque communauté pour évoquer les normes de présentation de l’information sur cette communauté et les meilleurs moyens d’aider les journalistes à réaliser leurs reportages dans le respect des normes journalistiques les plus strictes. 52 Pour plus de précisions, voir http://declichekillers.be 20 82. Des rapports d'évaluation récents ont démontré que la violence à l'encontre des journalistes a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie53. En conséquence, le Conseil de l’Europe a créé en 2015 la « Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes » en coopération avec des ONG internationales de premier plan intervenant dans le domaine de la liberté d’expression et des associations de journalistes, en vue de fournir des informations pouvant servir de base à un dialogue avec les États membres sur les mesures de protection ou actions correctives possibles54. La plateforme transmet des alertes quotidiennes sur les atteintes à la sécurité et à l’intégrité physiques des journalistes, la détention et l’emprisonnement de journalistes, le harcèlement et l’intimidation de journalistes, ainsi que l’impunité et d’autres actes ayant des effets dissuasifs sur les médias55. 83. Les journalistes et les autres acteurs des médias sont souvent spécifiquement visés en raison de leur travail, mais aussi de leur sexe, de leur identité de genre, de leur orientation sexuelle, de leur identité ethnique, de leur appartenance à un groupe minoritaire, de leur religion ou d’autres caractéristiques, réelles ou perçues, qui les exposent à la discrimination et à des risques dans le cadre de leur travail56. Ces violations sont de plus en plus souvent commises en ligne57. Les violations et crimes en question, qui dans la pratique sont commis par des acteurs étatiques et non étatiques, ont un effet dissuasif grave sur la liberté d’expression, ainsi que sur le rôle de « chien de garde » que jouent les journalistes et les autres acteurs des médias58. La Recommandation CM/Rec(2016)4 du Comité des Ministres aux États membres sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias fournit des directives spécifiques aux États membres pour agir dans les domaines de la prévention, de la protection, des poursuites, de la promotion de l’information, de l’éducation et de la sensibilisation. 84. En mars 2016, le Conseil des médias de masse de Finlande a adopté et publié une déclaration dans laquelle il affirme que les réactions inadaptées et les menaces directes risquent de limiter, voire d’empêcher totalement le traitement de certaines questions dans les médias. « L’autocensure, qu’elle soit consciente ou non, est une menace pour la liberté d’expression, pour le débat social et donc pour l’ordre social démocratique dans son ensemble ». Il a demandé à la police et aux procureurs d’adopter une attitude plus active face à de telles menaces pour la liberté d’expression. • Acteurs de la société civile 85. Les acteurs de la société civile et notamment les défenseurs des droits de l’homme jouent un rôle important dans la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses59. 86. La Cour européenne a conclu que l’ouverture d’espaces de débat public est une mission qui ne se limite pas aux médias. Cette mission peut également être exercée par des ONG, dont les activités contribuent de manière essentielle à un débat public éclairé ; dans pareille situation, l’ONG joue un rôle de « chien de garde » social d’importance similaire à celui de la presse60. Eu égard aux principes généraux établis par la Cour concernant l’article 10, et en particulier la protection élevée de la liberté de recevoir et de communiquer des informations sur les sujets d’importance générale et la marge 53 Rapport du Secrétaire Général, Relever les défis à venir – Renforcer le Conseil de l’Europe, cité ci-dessus, p. 16. 54 Voir le Rapport annuel 2019 des organisations partenaires de la Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes « La démocratie en danger : menaces et attaques contre la liberté des médias en Europe », publié le 12 février 2019, disponible à l’adresse https://rm.coe.int/annual-report-2018-democracy-in-danger-threats-and-attacks-media- freed/1680926453 55 Rapport du Secrétaire Général pour la session ministérielle d’Helsinki, 16–17 mai 2019, Relever les défis à venir – renforcer le Conseil de l’Europe, cité ci-dessus, p. 16 : En 2018, le nombre de menaces signalées – y compris des menaces de mort – a doublé, et la majorité des incidents violents serait le fait d’acteurs inconnus ou non étatiques. Les meurtres d’au moins deux journalistes commis en Europe en 2018 pour des motifs liés à leur métier soulignent le prix que les professionnels des médias continuent de payer pour leurs enquêtes sur la corruption et le crime organisé. 56 Recommandation CM/Rec(2016)4 du Comité des Ministres aux États membres sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias, adoptée par le Comité des Ministres le 13 avril 2016 lors de la 1253e réunion des Délégués des Ministres, § 2 ; Résolution 2035 (2015) sur la protection de la sécurité des journalistes et de la liberté des médias en Europe, adoptée par l’APCE le 29 janvier 2015 ; Résolution 2141 (2017) sur les attaques contre les journalistes et la liberté des médias en Europe, adoptée par l’APCE le 24 janvier 2017 ; Étude du Conseil de l’Europe, Journalists under pressure –Unwarranted interference, fear and self-censorship in Europe (2017), Marilyn Clark et Anna Grech ; Rapport annuel 2019 des organisations partenaires de la Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, « La démocratie en danger : menaces et attaques contre la liberté des médias en Europe », cité ci-dessus. 57 Recommandation CM/Rec(2016)4 du Comité des Ministres aux États membres sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias, cité ci-dessus, § 2. 58 Ibid., § 3. 59 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, op. cit., principe 69. 60 Guseva c. Bulgarie (requête n° 6987/07), arrêt du 17 février 2015, § 38. 23 96. En mai 2016, la Commission européenne a convenu avec Facebook, YouTube, Twitter et Microsoft d’un Code de conduite visant à combattre les discours de haine illégaux en ligne qui impose à ces sociétés de mettre en place un mécanisme simple permettant aux utilisateurs de signaler les contenus hébergés sur leurs plateformes dont ils considèrent qu’ils relèvent du discours de haine, d’examiner ces contenus dans un délai de 24 heures et de les retirer s’il s’agit effectivement de propos haineux78. 97. En Allemagne, la loi visant à renforcer l’application de la loi sur les réseaux (NetzDG) mentionne expressément les contenus illicites (incitation à la haine, injures ou diffamation) non protégés par la liberté d’expression79. 98. En Estonie, la Direction de la police et des gardes-frontières a mis en place en 2011 des « gendarmes du web » chargés de donner suite aux signalements et courriers transmis par les usagers via Internet et d’assurer la formation des enfants et des jeunes aux questions relatives à la sécurité d’Internet. 99. En République de Moldova, plusieurs textes législatifs et plans d’action ont été adoptés récemment pour protéger la sécurité des enfants et des adolescents sur Internet et créer un service d’autorégulation qui filtre les contenus potentiellement préjudiciables pour eux. Aux Pays-Bas, le ministère de l’Education, de la Culture et des Sciences soutient Mediawijzer.net, centre d’expertise en éducation aux médias qui aide les enfants, les parents, les personnes qui s’occupent d’enfants et les éducateurs à faire un usage sûr et responsable des médias. 100. En Norvège, l’Association des éditeurs norvégiens a publié en 2017, des lignes directrices sur la gestion des contenus générés par les utilisateurs dans les espaces dédiés aux commentaires et les forums de discussion en ligne. Le guide présente brièvement le cadre juridique applicable ainsi que les normes éthiques et la pratique de la Commission des plaintes contre la presse (PFU) dans ce domaine et propose aux éditeurs des recommandations et des conseils sur des questions telles que l’enregistrement, la modération du contenu et l’utilisation de systèmes de filtrage et de signalement. L’article 4.17 du Code de déontologie de la presse dispose que « si le personnel éditorial choisit de ne pas modérer à priori les discussions en ligne, il doit en informer clairement les utilisateurs. La rédaction a une responsabilité particulière de procéder au retrait immédiat des écrits qui ne respectent pas le code d’éthique ». 101. En Suisse, certains réseaux sociaux donnent un statut spécial aux « signaleurs de confiance » (trusted flaggers) (comme l’Office fédéral de la police) et retirent très rapidement les contenus signalés par ces derniers qui violent manifestement les conditions d’utilisation de la plateforme. L’Office fédéral de la police a également établi une liste noire de sites web illégaux consacrés à la pornographie enfantine ; leur contenu est bloqué sur une base volontaire, sans aucune obligation légale, par les fournisseurs d’accès Internet suisses. 102. Au Danemark, certains utilisateurs des plateformes d’intermédiaires d’Internet comme les réseaux d’information danois DR et TV2 ont mis en place leurs propres politiques et mesures de réglementation du contenu en ligne, sur leurs pages Facebook entre autres. Leurs directives concernant les discussions tenues sur leurs pages Facebook sont rédigées comme suit : « les commentaires haineux, les commentaires condescendants ou les attaques personnelles ne sont pas les bienvenus » (DR) et « nous n’autorisons pas les propos injurieux, les attaques personnelles, le harcèlement et les appels à la violence » (TV2). i. Domaine d’intérêt spécifique : la liberté d’expression dans le discours politique 103. La liberté d’expression revêt une importance cruciale pour le débat politique dans une société pluraliste. L’activité politique démocratique et pluraliste est garantie par la Convention européenne des droits de l’homme dans son article 10 sur la liberté d’expression et son article 11 sur la liberté de réunion et d’association, toutes deux essentielles pour le travail des partis politiques. En période électorale, la liberté d’expression est l’une des conditions nécessaires pour assurer la libre expression du peuple dans le choix de son corps législatif (article 3 du protocole additionnel)80. Cependant, les articles 10 et 11 ne sont pas des droits absolus mais des droits dont l’exercice peut être limité par des 78 Voir également partie II ci-dessous. Domaine d’intérêt spécifique : le discours de haine – Autorégulation par les institutions publiques et privées, p. 68–70. 79 Voir aussi le § 170 du présent guide. 80 Rapport de l’APCE adopté le 11 septembre 2003 sur « le discours raciste, xénophobe et intolérant en politique ». Voir aussi la fiche thématique du Conseil de l’Europe « Freedom of expression and elections », disponible à l’adresse https://rm.coe.int/factsheet-on-media-and-elections-july2018-pdf/16808c5ee0 24 intérêts publics concurrents et notamment la défense de l’ordre et la prévention du crime, ainsi que la protection des droits d’autrui. Par ailleurs, la prévention du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance est un facteur d’intérêt public que les libertés d’expression et d’association ne peuvent compromettre à l’excès81. Cela apparaît clairement dans les articles 14 et 17 du Protocole n° 12 à la Convention. • Libre jeu du débat politique 104. Le libre jeu du débat politique se trouve au cœur même de la notion de société démocratique82. Cela laisse peu de marge aux restrictions au discours politique ou aux débats sur des questions d’intérêt général83. La Cour européenne des droits de l’homme a conclu que si tout individu qui s’engage dans un débat public d’intérêt général est tenu de ne pas dépasser certaines limites, notamment quant au respect des droits d’autrui, il lui est permis de recourir à une certaine dose d’exagération, voire de provocation, c’est-à-dire d’être quelque peu immodéré dans ses propos84. 105. En Norvège, le discours politique bénéficie d’une protection particulièrement élevée dans l’article de la Constitution qui établit le droit à la liberté d’expression. Conformément à l’article 100, troisième paragraphe de la Constitution, les restrictions aux expressions politiques doivent être clairement définies et ne peuvent être imposées que lorsque des considérations particulièrement importantes le justifient au regard des fondements de la liberté d’expression. 106. La Cour constitutionnelle de Pologne a considéré dans son arrêt du 21 septembre 201585 que les droits énoncés à l’article 54, paragraphe 1 de la Constitution comprennent un droit au débat politique en tant qu’élément matériel du système juridique démocratique. Le libre jeu du débat public dans un État démocratique est l’une des garanties les plus importantes de la liberté et des libertés civiles, et la mise en place de garanties protégeant l’exercice de la liberté d’expression dans un débat est « nécessaire tant en raison des aspects politiques que personnels de l’individu ». Cependant, le libre échange d’opinions exclut les propos clairement injurieux. La Cour constitutionnelle a également souligné que le débat public se caractérise par une tension émotionnelle élevée et fait souvent intervenir les opinions et croyances subjectives de ceux qui s’expriment. Cela va de pair avec le recours à des concepts et des termes extrêmes, délibérément exagérés. Il n’y aurait de débat démocratique libre si le niveau des émotions et la truculence (soczystość) du langage employé étaient une norme imposée et définie officiellement, de manière bureaucratique, par les pouvoirs publics. 107. La Cour européenne des droits de l’homme a également souligné la nécessité d’assurer un exercice transparent et responsable des fonctions des fonctionnaires86. Pour déterminer s’il existe une obligation positive d’agir dans une situation donnée, il faut prendre en compte le juste équilibre à ménager entre l’intérêt général et les intérêts de l’individu87. Dans un système démocratique, les actions ou omissions du gouvernement doivent se trouver placées sous le contrôle attentif non seulement des pouvoirs législatif et judiciaire, mais aussi de l’opinion publique88. Les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard du gouvernement que d’un simple particulier, ou même d’un homme politique89. De plus, la position dominante que le gouvernement occupe lui commande de témoigner de la retenue dans l’usage de la voie pénale, surtout s’il y a d’autres moyens de répondre aux attaques et critiques injustifiées de ses adversaires90. 81 Rapport de l’APCE adopté le 11 septembre 2003 sur « le discours raciste, xénophobe et intolérant en politique », II. Exposé des motifs. 82 Bowman c. Royaume-Uni (requête n° 24839/94), arrêt de la Grande Chambre du 19 février 1998, § 42 ; Lingens c. Autriche (requête n° 9815/82), arrêt du 8 juillet 1986, § 41. 83 Dichand et autres c. Autriche (requête n° 29271/95), arrêt du 26 février 2002, § 38 ; Savva Terentyev c. Russie (requête n° 10692/09), arrêt du 28 août 2018, § 62. 84 Willem c. France (requête n° 10883), arrêt du 16 juillet 2009, § 33. 85 Arrêt du 21 septembre 2015 de la Cour constitutionnelle de Pologne, affaire n° K 28/13. 86 OOO Ivpress et autres c. Russie (requêtes n° 33501/04, 38608/04, 35258/05 et 35618/05), arrêt du 22 janvier 2013, § 55. Voir également Conseil de l’Europe, Comité des Ministres, Déclaration sur la liberté du discours politique dans les médias, adoptée par le Comité des Ministres le 12 février 2004 lors de la 872e réunion des Délégués des Ministres, IV. 87 Ozgur Gundem c. Turquie, requête n° 23144/93, 16 mars 2000, § 43. 88 Sürek c. Turquie (n° 1) (requête n° 26682/95), arrêt de la Grande Chambre du 8 juillet 1999, § 61. 89 Ibid., § 61. 90 Ibid. 25 108. Dans les sociétés démocratiques, les partis politiques contribuent au pluralisme et au bon fonctionnement de la démocratie91. La formation d’entités collectives par des personnes physiques à toutes fins licites est protégée par la liberté de réunion et d’association à l’article 11 de la Convention. La liberté d’expression étant particulièrement importante pour les partis politiques et leurs membres actifs, l’article 11 doit également être interprété à la lumière de l’article 1092. Comme l’a indiqué la Cour, le lien entre ces deux libertés s’explique par le fait que les activités des partis politiques participent d’un exercice collectif de la liberté d’expression93. 109. À titre d’exemple, les articles 10 et 11 de la Convention se retrouvent dans plusieurs dispositions de la Constitution de Croatie qui prévoit des conditions claires pour l’exercice de ces droits. En vertu de la loi de 1999 sur les rassemblements publics, les rassemblements pacifiques et manifestations publiques peuvent être interdits lorsqu’ils ont pour but d’appeler ou d’inciter à la haine nationale, raciale ou religieuse ou à toute forme d’intolérance. • Responsabilité des dirigeants politiques et des partis politiques 110. Le discours politique comporte des responsabilités et des devoirs spéciaux. Il peut donc être soumis à des restrictions dans certaines conditions. Les responsables politiques, en leur qualité de leaders d’opinion, ont des responsabilités particulières inhérentes à la liberté d’expression dans les sociétés culturellement diverses94. Ils devraient s’exprimer et agir avec détermination pour favoriser l’émergence d’un climat de compréhension mutuelle, de respect et de diversité, fondé sur les droits de l’homme universellement reconnus95. Dans ce contexte, la Recommandation n° R97(20) du Comité des Ministres aux États membres sur le discours de haine appelle les autorités nationales et les fonctionnaires à « s’abstenir d’effectuer des déclarations, en particulier à travers les médias, pouvant raisonnablement être prises pour un discours de haine ou un discours pouvant faire l’effet d’accréditer, de propager ou de promouvoir la haine raciale, la xénophobie, l’antisémitisme ou d’autres formes de discrimination ou de haine fondées sur l’intolérance. Ces expressions doivent être prohibées et condamnées publiquement en toute occasion »96. 111. En Europe, on observe depuis quelques années une progression du discours raciste en politique, non seulement chez les partis que l’on pourrait qualifier d’extrême-droite, mais aussi de la part de représentants des courants politiques dominants97. Dans un nombre croissant de pays européens, les partis nationalistes et xénophobes exploitent les craintes des citoyens vis-à-vis de la question migratoire et expriment des avis populistes qui cherchent à exclure d’autres voix98. Ces partis contribuent conjointement à nourrir l’intolérance et à dégrader les relations entre les communautés, avec le risque d’éloigner encore plus les sociétés d’une culture politique consensuelle et inclusive, dans laquelle toutes les parties respectent les normes démocratiques99. Les membres des groupes minoritaires ont le sentiment que le climat social actuel cautionne le racisme, la xénophobie et 91 Parti communiste unifié de Turquie c. Turquie (requête n° 19392/92), arrêt de la Grande Chambre du 30 janvier 1998. § 43. 92 Ibid. 93 Ibid. 94 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, cité ci-dessus, principe 21. Voir également les Lignes directrices sur la réglementation des partis politiques par l’OSCE/BIDDH et la Commission de Venise concernant « Engagement à respecter le principe de non-violence », p. 15 « Dans les systèmes démocratiques, les partis doivent rejeter l’usage de la violence et ne pas prôner ou employer la violence, entretenir leur propre milice ou recourir au discours de haine en tant qu’outil politique. Les partis ne devraient pas essayer de perturber les réunions des partis concurrents ou de gêner l’exercice par les personnes opposées à leurs idées de leur droit à la liberté d’expression. » https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2010)024-f 95 Ibid., principe 70. Voir aussi la Déclaration du Comité des Ministres sur les droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, adoptée par le Comité des Ministres le 1er juillet 2009 lors de la 1062e réunion des Délégués des Ministres et les Lignes directrices de Ljubljana sur l’intégration dans des sociétés marquées par la diversité, principe 27. Voir aussi OSCE, 14e Conseil ministériel, Bruxelles, 4- 5 décembre 2006, Décision n° 13/06 « Lutte contre l’intolérance et la discrimination et promotion du respect et de la compréhension mutuels », § 8. 96 Recommandation n° R97(20) du Comité des Ministres aux États membres sur le discours de haine, adoptée par le Comité des Ministres le 30 octobre 1997 lors de la 607e réunion des Délégués des Ministres, Annexe. 97 Rapport de l’APCE « le discours raciste, xénophobe et intolérant en politique », adopté le 11 septembre 2003, Résumé. 98 Quatrième rapport annuel du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit en Europe, Populisme – Le système de contre-pouvoirs est-il suffisamment puissant en Europe ? présenté lors de la 127e session du Comité des Ministres, Nicosie,19 mai 2017, Préface ; ECRI, Recommandation de politique générale n° 15 sur la lutte contre le discours de haine (RPG n° 15) adoptée le 8 décembre 2015, Exposé des motifs § 158. Voir aussi la Déclaration de l’ECRI sur l’utilisation d’éléments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique, adoptée le 17 mars 2005. 99 Quatrième rapport annuel du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit en Europe, Populisme – Le système de contre-pouvoirs est-il suffisamment puissant en Europe ? Préface. Voir aussi Agence des droits fondamentaux de l’UE (FRA), Incitement in media content and political discourse in EU Member States, Contribution au deuxième colloque annuel sur les droits fondamentaux, novembre 2016. 28 122. Ces codes doivent non seulement être diffusés auprès de ceux à qui ils s’appliquent et portés à leur connaissance, mais également être mis à la disposition du public pour que quiconque ayant un intérêt à faire respecter leurs dispositions puisse agir en conséquence112. 123. En Grèce, par exemple, le Code de déontologie des membres du Parlement grec (articles 2 et 8 § 1) contient des mesures de prévention du discours de haine fondé sur l’origine raciale ou ethnique, les convictions politiques ou religieuses, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle (Journal officiel, A67/18.4.2016). Par ailleurs, le décret présidentiel 77/2003 a ratifié le Code de conduite relatif aux journaux télévisés et autres émissions journalistiques et politiques rédigé par le Conseil national de la radio et de la télévision, autorité indépendante, conformément à la loi (article 15, § 2 de la Constitution). 124. En Hongrie, la loi XXXVI de 2012 sur « le maintien du bon ordre des débats et le pouvoir disciplinaire » à l’Assemblée nationale traite des limites de la liberté d’expression. En application de cette loi, le président de séance adresse un blâme à tout orateur qui, dans son discours, emploie des termes ouvertement insultants ou portant atteinte à la réputation d’une personne ou d’un groupe. Si l’orateur persiste à employer les termes en question après cet avertissement, le président de séance lui retire son droit de parole. Des mesures supplémentaires peuvent être prises pour exclure le membre concerné de la fin de la journée de session, et ses indemnités peuvent être réduites. 125. Le Parlement de Lettonie est doté d’une commission permanente « des mandats, de l’éthique et des communications » chargée de contrôler le respect du Code de déontologie des membres du Parlement113 qui fait partie intégrante du Règlement du Parlement. Les décisions de la Commission sont publiques114. Le Code dispose que « les membres du Parlement s’abstiennent de tout acte, geste ou expression pouvant être insultant et ne tiennent pas des propos injurieux ou inappropriés de nature à déshonorer le [Parlement]. Les membres du Parlement fondent leurs décisions sur des faits et leur juste interprétation, ainsi que sur des arguments logiques ». Le Code ajoute qu’il est interdit aux membres du Parlement de faire des déclarations ou de soutenir des actions pouvant être considérées comme une incitation à commettre une activité illégale. Ils doivent respecter les principes des droits de l’homme et ne fondent pas leur argumentation sur la race, le sexe, la couleur de peau, la nationalité, la langue, les convictions religieuses, l’origine sociale ou l’état de santé. 126. Si l’adoption de codes illustre en soi un attachement aux valeurs qu’ils consacrent, le meilleur moyen d’assurer leur mise en œuvre effective consiste souvent en une combinaison de mécanismes de suivi et de recours115. L’efficacité de la mise en œuvre des codes dépend très largement de la mise à disposition d’une formation appropriée aux personnes qui assument des responsabilités à cet égard mais aussi de fonds suffisants pour assurer le fonctionnement des divers mécanismes de suivi et de recours116. 127. Si les mécanismes de recours internes ne suffisent pas pour répondre efficacement à l’usage du discours de haine, notamment en offrant dûment réparation aux personnes visées, il doit être possible d’utiliser d’autres formes de réparation prévues par la loi, comme les sanctions pénales117. 128. Pour combattre le racisme en Croatie, la législation nationale interdit le discours de haine au motif que les droits d’autrui doivent être protégés dans une société démocratique. Sur cette base, la « loi sur la responsabilité des personnes morales en matière pénale » de 2003 instaure une responsabilité pénale, et donc des amendes, pour les partis politiques qui ont recours au discours de haine. 112 Ibid. 113 Pour plus de précisions, voir le site web : http://www.saeima.lv/en/legislation/rules-of-procedure/8 114 Pour plus de précisions, voir le site web : http://mandati.saeima.lv/lemuma-projekti/par-saeimas-deputtu-tikas-kodeksa- prkpumiem 115 RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation 6.c, et Exposé des motifs § 122–123. 116 RPG n° 15 de l’ECRI, Exposé des motifs, § 126–127. 117 Ibid., § 129. 29 b. Retrait du soutien financier et d’autres formes de soutien public 129. Dans le contexte de la diversité culturelle des sociétés européennes, il conviendrait de mettre en place des mesures pour exclure de tout financement public les partis politiques et autres organisations qui prônent la haine, l’intolérance et la xénophobie118. Il est particulièrement important de veiller à ce que ces dispositions soient appliquées de manière effective119. L’ECRI recommande de supprimer tout soutien financier et autre des organismes publics aux partis politiques et aux organisations qui ont recours au discours de haine ou ne sanctionnent pas ceux de leurs membres qui le pratiquent120. 130. La suppression de tout soutien par les organismes publics devrait concerner non seulement les subventions, les prêts et d’autres formes de financement des activités des partis politiques et des autres organisations concernés, mais aussi l’assistance pratique comme la mise à disposition d’installations ou de locaux publics. Ces mesures doivent être prises à l’égard des partis politiques et des organisations dotés tant d’un statut juridique formel que d’un statut plus informel ou de facto121. 131. Cependant, lesdites mesures doivent toujours être appliquées conformément aux exigences du droit à la liberté d’association en vertu de l’article 11 de la Convention. La suppression de différentes formes de soutien aux partis politiques et aux organisations qui utilisent le discours de haine ou ne sanctionnent pas ceux de leurs membres qui le pratiquent constitue en principe une restriction compatible avec le droit à la liberté d’association. Toutefois, il est peu probable qu’elle soit considérée comme une mesure proportionnée, à moins que l’institution se consacre clairement au discours de haine, comme c’est indubitablement le cas dès lors que celui-ci se retrouve dans les documents politiques ou les déclarations de personnalités phares du parti politique ou de l’organisation concerné(e), mais aussi dès lors qu’il est utilisé de manière répétée par des membres de ce parti politique ou de cette organisation, sans que personne ne s’y oppose. Cet « engagement institutionnel » est cependant moins évident dans le cas de propos isolés tenus par un membre122. 132. La suppression de toute forme de soutien à un parti politique ou autre organisation doit toujours pouvoir être contestée devant un tribunal indépendant et impartial123. 133. En Allemagne, l’article 20 (3) de la Loi fondamentale allemande a été modifié en 2017 pour retirer tout financement public aux partis politiques qui n’ont pas été interdits par la Cour constitutionnelle fédérale mais sont tout de même hostiles à la démocratie. Cette disposition s’applique indépendamment du fait qu’il soit possible ou non pour le parti en question d’atteindre son objectif d’abolir l’ordre démocratique fondamental libre existant124. L’exclusion du financement public est limitée à une période de six ans mais peut être étendue125. 134. Aux Pays-Bas, lorsqu’un parti politique est reconnu coupable de discrimination, il perd son droit aux subventions conformément à la loi sur le financement des partis politiques (Wet financiering politieke partijen). Cela ne concerne que les situations dans lesquelles il est condamné en tant que personne morale, et non sur la base des agissements de ses membres. En 2005, les aides au parti politique réformé (Staatkundig Gereformeerde Partij – SGP) ont été suspendues suite à son refus d’accepter des femmes en tant que membres à part entière. Cette décision a été annulée en 2007 lorsque le parti a décidé d’admettre des femmes en son sein. 118 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, citées ci-dessus, principe 38. 119 L’article 4 (a) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques oblige les États parties, en tenant dûment compte des principes inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et des droits expressément énoncés à l’article 5 du Pacte, à ériger en infraction pénale le discours de haine, les infractions motivées par la haine et le financement d’activités racistes. 120 RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation 9. Voir aussi la Recommandation de politique générale n° 7 sur la législation nationale pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale, partie III, § 16–17. 121 RPG n° 15 de l’ECRI, Exposé des motifs § 157. 122 Ibid., § 168. 123 Recommandation CM/Rec(2007)14 du Comité des Ministres aux États membres sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe, § 10. 124 Le nouvel article 20 (3) de la loi fondamentale peut être consulté à l’adresse https://www.gesetze-im-internet.de/gg/art_21.html. La version modifiée fait suite à l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale du 17 janvier 2017 concernant le parti d’extrême-droite NPD (parti national-démocrate), voir N. 91. La Cour a rejeté la demande d’interdiction du NPD car elle ne le considérait pas comme une menace réelle pour l’ordre démocratique fondamental mais elle a indiqué que des mesures moins restrictives qu’une interdiction pouvaient être prises à l’encontre de partis hostiles à la démocratie. Le législateur constitutionnel allemand a modifié la Constitution en conséquence, peu après que l’arrêt a été rendu. 125 Voir également le § 31 du guide ci-dessus. 30 c. Interdiction et dissolution de partis politiques et d’organisations dans des cas exceptionnels 135. La dissolution d’un parti politique qui cherche à ouvrir un débat politique, qu’il mette en cause ou non l’idéologie et la structure de l’État, est une mesure radicale dans une démocratie pluraliste126. D’après la Cour européenne des droits de l’homme, les exceptions visées à l’article 11 de la Convention appellent à l’égard des partis politiques une interprétation stricte ; seules des raisons convaincantes et impératives peuvent justifier des restrictions à leur liberté d’association127. 136. Cependant, dans les sociétés de plus en plus culturellement diverses en Europe, des mesures appropriées devront être prises contre les partis politiques et les organisations qui prônent la haine, l’intolérance et la xénophobie128. En cas de propos racistes, xénophobes ou intolérants d’une exceptionnelle gravité, ces mesures devraient en dernier recours conduire à la dissolution des partis politiques et des organisations qui incitent à la haine raciale129. 137. Au niveau mondial, la CIERD oblige les États parties, en tenant dûment compte des principes inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et des droits énoncés expressément à l’article 5 la Convention, à déclarer illégales en vertu de l’article 4(b) et à interdire les organisations qui incitent à la discrimination raciale et qui l’encouragent. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) rappelle l’obligation positive des États de déclarer illégales et d’interdire les organisations qui incitent à la discrimination raciale ou qui l’encouragent130. Dans ses observations finales sur les rapports périodiques présentés par les États parties au Pacte, le Comité des droits de l’homme appelle à l’adoption d’une législation spécifique incriminant les organisations racistes131. 138. De même, l’ECRI souligne qu’il devrait être prévu d’interdire ou de dissoudre les partis politiques et autres organisations lorsqu’ils utilisent le discours de haine dans des cas plus graves, c’est-à-dire lorsqu’il vise à inciter à des actes de violence, d’intimidation, d’hostilité ou de discrimination ou lorsque l’on peut raisonnablement penser qu’il incitera à de tels actes132. 139. Il est important que toute mesure d’interdiction ou de dissolution de partis politiques ou d’organisations soit appliquée conformément aux exigences du droit à la liberté d’association en vertu de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. Pour juger de l’existence d’une nécessité au sens de l’article 11(2), les États contractants ne disposent que d’une marge d’appréciation réduite133. Cette approche devrait se traduire par une obligation d’adopter également une approche stricte lorsqu’ils font usage de telles sanctions, en justifiant la nécessité de leur application134 et en ne les appliquant qu’en dernier recours135 et conformément aux procédures qui offrent toutes les garanties nécessaires à un procès équitable136. L’interdiction ou la dissolution de partis politiques ne peuvent se justifier que dans le cas où ces derniers prônent la violence, notamment par des manifestations concrètes comme le racisme, la xénophobie et l’intolérance, ou sont clairement impliqués dans des activités terroristes ou autres activités subversives137. En outre, l’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme permet à un État d’imposer des restrictions au programme qu’un parti politique pourrait défendre138. Il est ainsi libellé : « aucune disposition de la présente Convention 126 Parti communiste unifié de Turquie c. Turquie, cité ci-dessus., § 46. 127 Ibid., § 31. Voir également le document de l'OSCE sur Copenhague. Réunion de la Conférence sur la dimension humaine de la CSCE, § 24. 128 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, cité ci-dessus, principe 38. 129 Association nouvelle des Boulogne Boys c. France (requête n° 6468/09), décision sur la recevabilité du 22 février 2011. 130 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation n° 35, Lutte contre les discours de haine raciale, adoptée par le Comité à sa 83e session (12-30 août 2013), CERD/C/GC/35. 131 Par exemple Observations finales du Comité des droits de l’homme sur le rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine, 2017, CCPR/C/BIH/CO/3, § 22 ; Observations finales du Comité des droits de l’homme sur le rapport périodique de la Slovénie, 2016, CCPR/C/SVN/CO/3, § 8 ; Observations finales du Comité des droits de l’homme sur le rapport périodique de la Pologne, 2016, CCPR/C/POL/CO/7, § 16 ; Observations finales du Comité des droits de l’homme sur le rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord 2015, CCPR/C/GBR/CO/7, § 10. 132 RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation 6. Voir aussi la Recommandation de politique générale n° 7 sur la législation nationale pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale, partie III, § 16-17. 133 Parti communiste unifié de Turquie c. Turquie, op. cit., § 46. 134 Tebieti Mühafize Cemiyyeti and Israfilov c. Azerbaïdjan (requête n° 37083/03), arrêt du 8 octobre 2009. 135 Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et BIDDH/OSCE, Lignes directrices conjointes sur la liberté d’association (2014), § 248. Résolution 1308(2002) de l'APCE sur les restrictions concernant les partis politiques dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, adoptée le 18 novembre 2002, § 11. 136 Résolution 1308(2002) de l'APCE citée ci-dessus, § 11. 137 Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) Lignes directrices sur l’interdiction et la dissolution des partis politiques et les mesures analogues, adoptées par la Commission de Venise lors de sa 41e session plénière (Venise, 10-11 décembre 1999), § 3, Exposé des motifs § 15. 138 Ibid., § 5. 33 152. En Autriche, lorsqu’elles examinent les demandes de dommages et intérêts dans le cas de plaintes pour injures à l’égard de personnalités politiques en vertu de l’article 6 de la loi sur les médias, les juridictions civiles tiennent compte, entre autres, de la question de savoir si et dans quelle mesure les propos litigieux ont contribué à un débat d’intérêt général, ainsi que de la position et de la conduite de la personnalité politique concernée150. 153. En Serbie, conformément à l’article 8 de la loi de 2014 sur « l’information publique et les médias », une personne élue ou nommée doit accepter l’expression d’opinions critiques concernant les résultats de son action, c’est-à-dire des politiques qu’elle met en œuvre, mais aussi la manière dont elle exerce ses fonctions, qu’elle ait ou non le sentiment d’être personnellement affectée par l’expression de ces opinions. Par conséquent, dans la pratique, les personnalités publiques devraient faire preuve d’une plus grande tolérance à l’égard de la critique publique. Cela dit, il ressort d’un jugement de 2017 de la Cour suprême de cassation qu’il n’est pas attendu des personnalités publiques qu’elles subissent des injures, notamment lorsque les propos visent à porter atteinte à leur personnalité et qu’elles en ont souffert151. 154. En 2016, à l’occasion des élections présidentielles en République de Moldova, la Commission électorale centrale a adopté un règlement interdisant expressément les atteintes à la sécurité des personnes et des biens, l’incitation à la haine ou à la discrimination, l’incitation à la guerre, à la haine interethnique ou au séparatisme territorial, les atteintes à la dignité ou à la réputation des personnes, les infractions publiques et les expressions verbales, écrites ou non verbales qui ne respectent pas les normes de comportement généralement acceptables dans le débat politique. 155. Cependant, l’établissement des conditions propices au libre échange d’opinions n’inclut pas, en principe, les propos clairement injurieux. Par ailleurs, la vie privée et familiale des personnalités publiques et des fonctionnaires est protégée en vertu de l’article 8 de la Convention, sauf si les informations qui s’y rapportent constituent un sujet d’intérêt public directement lié à la manière dont ils exercent leurs fonctions. Cependant, lorsque des personnalités politiques et des fonctionnaires attirent eux-mêmes l’attention sur des éléments de leur vie privée, ils doivent accepter que ces derniers fassent l’objet d’un examen attentif et de critiques152. 156. En tout état de cause, les personnalités politiques ne sont pas supposées cautionner la discrimination fondée sur les motifs interdits par l’article 14 de la Convention, ni tolérer des discours racistes ou haineux. Cela est d'autant plus vrai si le harcèlement vise ou a pour effet de limiter ou d'enfreindre leur liberté d'expression153. 157. En octobre 2014, le ministre estonien des Finances a tenu des propos injurieux à l’égard du ministre de l’Éducation en raison de son origine ethnique. Ces propos ont été condamnés et critiqués à plusieurs niveaux au sein des institutions nationales et notamment par le président de l’Estonie. Ils ont conduit à la démission du ministre des Finances. 158. Aux Pays-Bas en 2018, dans une affaire pénale relative à une femme politique de couleur, le tribunal a déclaré 21 personnes coupables d’agression en réunion et d’incitation à la discrimination. 159. Au Danemark, plusieurs cas de menaces contre des personnalités politiques ont été observés ces dernières années. Une personne de 73 ans a par exemple écopé d’une peine de 40 jours d’emprisonnement pour avoir menacé deux personnalités politiques sur Facebook154. 150 Voir par exemple, Haupt c. Autriche (requête n° 55537/10), décision sur la recevabilité du 2 mai 2017. 151 Jugement de la Cour suprême de cassation Rev 605/2017 du 6 avril 2017. 152 Déclaration sur la liberté du discours politique dans les médias, op. cit., IV et VII. 153 Par exemple, voir l'étude Sexisme, harcèlement et violence à l'égard des femmes dans les parlements d'Europe, de l'Union Inter-parlementaire 'UIP) et de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), octobre 2018. L'étude comporte également une section contenant des solutions et de bonnes pratiques. Disponible à : https://www.ipu.org/fr/ressources/publications/rapports/2018-10/sexisme-harcelement-et-violence-legard-des-femmes-dans-les- parlements-deurope 154 Voir « Ugeskrift for Retsvæsen » 2017, p. 2246. 34 ii. Domaine d’intérêt spécifique : les désordres de l’information (« fake news ») 160. La progression récente des désordres de l’information crée de nouveaux défis pour la liberté de l’expression partout dans le monde. Ce phénomène concerne des informations de nature à induire en erreur, qui interfèrent avec le droit de savoir du public et le droit de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations et des idées de tous types155. 161. Il n’y a pas encore de définition communément admise du phénomène156 ni même de consensus sur l’utilisation du terme « fausses nouvelles » (« fake news »)157. Certains types de désordre de l’information peuvent nuire à la réputation et à la vie privée d’individus, ou inciter à la violence, à la discrimination ou à l’hostilité à l’égard de tel ou tel groupe de la société158. Leur influence sur les processus politiques et les valeurs démocratiques est sujette à débat. Les campagnes ciblées de désinformation, conçues spécifiquement pour susciter la méfiance et semer la confusion, peuvent aggraver les clivages socio-culturels qui existent au sein de la société, en exploitant les tensions nationalistes, ethniques, raciales et religieuses159. 162. Bien que les fausses informations, les rumeurs et la propagande aient toujours existé et aient toujours été particulièrement répandues dans les périodes politiques denses, par exemple avant les élections, ces informations peuvent aujourd’hui être produites et diffusées rapidement sur Internet, notamment par l’intermédiaire des plateformes de médias sociaux, souvent sans vérification préalable de leur exactitude ou de leur fiabilité et sans contrôle éditorial160. La désinformation est l’une des formes d’attaque plus importante : elle est diffusée au moyen de sites internet qui publient délibérément des canulars, de la propagande et des informations trompeuses ou inexactes se présentant comme des nouvelles authentiques - souvent en utilisant abusivement les médias sociaux pour accroître le trafic web et amplifier leur impact. Il est encore trop tôt pour connaître quelle est l'efficacité de ces techniques censées influencer le comportement des électeurs ; cependant il existe de bonnes raisons de penser que leur impact va devenir de plus en plus important161. 155 Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression et d’opinion, Représentant pour la liberté des médias de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Rapporteur spécial pour la liberté d’expression de l’Organisation des États américains (OAS) et Rapporteur spécial sur la liberté d’expression et l’accès à l’information de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Joint Declaration on the freedom of expression and “Fake news”, Disinformation and Propaganda, 3 mars 2017, quatrième paragraphe du préambule. 156 Le sens de ce terme a été clarifié dans les deux rapports suivants : - Wardle, C. & Derakhshan, H. (2017) Information Disorder: Toward an Interdisciplinary Framework for Research and Policy Making, rapport pour le Conseil de l’Europe : « les désordres de l’information englobent les trois types de contenus différents suivants : la fausse information (diffusion d’une information fausse sans intention de nuire), la désinformation (contenus faux, trompeurs ou manipulés dans l’intention de nuire) et l’information malveillante (pas nécessairement fausse, mais fuites, harcèlement, discours de haine) » ; disponible à l’adresse https://shorensteincenter.org/information-disorder-framework-for- research-and-policymaking/ - Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Plan d’action contre la désinformation, 2018 JOIN(2018) 36 final, adopté le 5 décembre 2018, Introduction : « On entend par désinformation les informations dont on peut vérifier qu’elles sont fausses ou trompeuses, qui sont créées, présentées et diffusées dans un but lucratif ou dans l’intention délibérée de tromper le public et qui sont susceptibles de causer un préjudice public. Par préjudice public, on entend les menaces pesant sur les processus démocratiques ainsi que sur les biens publics, tels que la protection de la santé des citoyens de l’Union, l’environnement ou la sécurité. La désinformation ne comprend pas les erreurs commises de bonne foi, la satire, la parodie, ni les informations et commentaires partisans clairement identifiés. Les actions figurant dans le présent plan d’action ne visent que la désinformation dont le contenu est licite au regard du droit national ou de l’Union ». 157 Rapport pour le Conseil de l’Europe, Information Disorder : Toward an Interdisciplinary Framework for Research and Policy Making, op. cit. Les auteurs du rapport se sont délibérément abstenus d’utiliser l’expression « fake news (fausses nouvelles/informations) », car elle échoue à rendre compte efficacement de la complexité du phénomène de pollution de l’information qui revêt en outre un caractère de plus en plus politique, p. 5. La Commission européenne tend également à ne plus employer le terme « fake news », voir Rapport final du groupe d’experts de haut niveau de la Commission européenne sur les « fake news », A Multi-Dimensional Approach to Disinformation, publié le 13 mars 2018. Voir aussi How did the news go ‘fake’? When the media went social, Claire Wardle et Hossein Derakhshan, The Guardian, 10 novembre 2017. https://www.theguardian.com/commentisfree/2017/nov/10/fake-news-social-media-current-affairs-approval 158 Joint Declaration on the freedom of expression and “Fake news”, Disinformation and Propaganda, op. cit., préambule. 159 Recommandation CM/Rec(2018)2 du Comité des Ministres aux États membres sur les rôles et les responsabilités des intermédiaires d’Internet, Préambule. Voir aussi le rapport pour le Conseil de l’Europe, Information Disorder : Toward an Interdisciplinary Framework for Research and Policy Making, op. cit., p. 4. 160 Rapport du Secrétaire Général Thorbjørn Jagland : Populisme – le système de contre-pouvoirs est-il suffisamment puissant en Europe ? présenté lors de la 127e session du Comité des Ministres, Nicosie, 19 mai 2017, p. 37. 161 Cinquième rapport annuel du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe sur la situation de la démocratie, des droits de l'homme et de l'état de droit en Europe, Le rôle des institutions et les menaces dont elles sont l’objet, présenté lors de la 128e session du Comité des Ministres, Elsinore, 18 mai 2018, chapitre 4, p. 70. 35 163. L’effet préjudiciable des fake news a été au centre d’un procès au Danemark, dans lequel un homme politique a été indemnisé d’un montant de 10 000 EUR après qu’une page web a publié un article affirmant qu’il avait été retrouvé mort. • Réglementation au niveau national 164. Dans de nombreux États membres, des discussions sont en cours sur la nécessité de réglementer les désordres de l’information pour préserver un discours pluraliste fondé sur des informations objectives et le journalisme professionnel, essentiel à une prise de décision démocratique. 165. Toute initiative visant à combattre les désordres de l’information doit partir d’une approche fondée sur les droits de l’homme garantissant d’une part la liberté d’expression et la liberté de recevoir et de communiquer des information et d’autre part, la protection de l’ordre public et des droits d’autrui, et notamment du droit à la réputation162. 166. Selon l'article 3 du Protocole à la Convention européenne des droits de l'homme, les États membres s'engagent à garantir des élections libres et démocratiques. La liberté et l’impartialité des élections, en tant qu’élément central du processus démocratique, sont compromises par d'importantes attaques de plus en plus agressives à l'encontre de tous les acteurs de la société, depuis les gouvernements jusqu'aux particuliers163. Une attention particulière devrait être accordée à la protection de l'intégrité du processus démocratique en identifiant et en mettant en œuvre des réponses efficaces aux multiples menaces qui interfèrent avec les processus électoraux et manipulent le comportement des électeurs, notamment par l'utilisation de technologies et des réseaux sociaux164. 167. En Autriche, la diffusion d’informations fausses ou visant à manipuler n’est considérée comme illégale que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la diffusion de fake news concerne les élections générales. Conformément à l’article 264 de la loi pénale, la diffusion publique de fausses informations de nature à empêcher le vote ou à influencer le comportement de vote de personnes en âge de voter est considérée comme une infraction pénale, si la diffusion a lieu à un moment où il n’est plus possible de publier à temps un droit de réponse165. 168. En Pologne, la diffusion d’informations fausses ou visant à manipuler est également réglementée en période d’élections et de référendums. Conformément à la loi sur le Code électoral, la diffusion de matériel électoral (et notamment d’affiches, de tracts et de mots de passe), de communiqués ou d’autres moyens de faire campagne électorale contenant des informations fausses, donne au candidat ou au représentant électoral du comité concerné le droit de saisir un tribunal pour une procédure particulièrement rapide : • la requête est examinée sous 24 heures dans les procédures non litigieuses. • la décision du tribunal peut être contestée devant la Cour d’appel dans un délai de 24 heures, laquelle se prononce également dans les 24 heures. • la décision de la Cour d’appel ne peut faire l’objet d’un recours en cassation ; elle est immédiatement applicable. • la publication d’un correctif, d’une réponse ou d’excuses a lieu dans les 48 heures aux frais de l’obligé. 162 Rapport final du groupe d’experts de haut niveau de la Commission européenne sur les « fake news », A Multi-Dimensional Approach to Disinformation, op. cit. 163 Cinquième rapport annuel du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe sur la situation de la démocratie, des droits de l'homme et de l'état de droit en Europe, Le rôle des institutions et les menaces dont elles sont l’objet, cité ci-dessus, p. 70. 164 Ibid. p. 7. Le projet de rapport conjoint de la Commission de Venise et de la Direction de la société de l'information et de la lutte contre la criminalité de la Direction générale Droits de l'homme et Etat de droit sur les technologies numériques et les élections traite la question du désordre de l'information comme un défi à la démocratie délibérative, mais estime également que la législation visant à la combattre peut constituer une menace pour le droit fondamental à la liberté d'expression et d'information. Il conclut que, si les États ont une obligation positive de prévenir toute ingérence indue dans les droits civils et politiques par des tierces parties, une intervention indue de l'État peut entraîner une atteinte aux droits mêmes qu'il est censé protéger. Des moyens alternatifs doivent être utilisés pour lutter contre les dysfonctionnements de l’information, tels que la vérification des faits, des programmes d’éducation aux médias visant à sensibiliser le public au problème, à la reconnaissance des faux contenus et aux investissements dans un journalisme de qualité. Toute mesure visant à remédier au trouble de l’information doit être conçue avec le plus grand soin, afin de ne pas porter atteinte au principe de « neutralité du Net » 165 Conformément à l’article 264 de la loi pénale, la diffusion publique de fausses informations de nature à empêcher le vote ou à influencer le comportement de vote de personnes en âge de voter est considérée comme une infraction pénale, si la diffusion a lieu à un moment où il n’est plus possible de publier à temps un droit de réponse. 38 177. Les médias sociaux ont également commencé à utiliser des « indicateurs de confiance » pour donner davantage d’éléments sur la fiabilité des sources et des contenus, la propriété des médias et/ou l’identité vérifiée, afin que les utilisateurs aient plus d’outils pour déterminer si les informations proviennent d’une source crédible177. 178. En République tchèque, un certain nombre d’initiatives non gouvernementales sont axées sur la vérification de faits, comme www.demagog.cz, www.factczech.cz, www.manipulatori.cz et www.hatefree.cz. Un projet de vérification des faits dans les médias, mis en œuvre par des ONG, a également été développé en Macédoine du Nord178. En Norvège, « Faktisk.no AS » est une organisation de journalistes indépendante, à but non lucratif, pour la vérification des faits dans le débat public. Elle fait partie du réseau international de vérification des faits (IFCN) et des signataires confirmés du Code des principes en matière de vérification des faits. Faktisk.no est la propriété des sociétés de médias VG, Dagbladet, NRK et TV 2. 179. En Estonie, lors des élections locales de septembre/octobre 2017, l’ONG « Estonian Debating Society », en collaboration avec le service d’information en ligne « Delfi » et le quotidien « Eesti Päevaleht », ont conduit une initiative de vérification des faits intitulée « Faktikontroll » dans le cadre de laquelle les membres de l’ONG ont vérifié les déclarations des hommes politiques durant la période électorale. Le but du projet était de lutter contre les fausses affirmations et les faits erronés. Les articles exposant les résultats de cette initiative ont rencontré un fort succès chez les lecteurs. 180. Aux Pays-Bas, dans le cadre d’un accord de coopération entre Facebook, le site web d’information NU.nl et l’Université de Leyde, les rédacteurs de NU.nl et de l’Université de Leyde ont accès à un tableau de bord spécial de Facebook dans lequel des articles peuvent être marqués comme étant des « fausses nouvelles » par les utilisateurs. Les articles sont signalés lorsqu’ils se révèlent être factuellement incorrects. 181. Les représentants des plateformes en ligne, des principaux réseaux sociaux, des annonceurs et de l’industrie de la publicité ont convenu d’un Code de pratiques d’autorégulation contre la désinformation179 dans le cadre du Groupe de haut niveau de la Commission européenne sur les « fake news » et la désinformation en ligne. La Commission européenne suivra de près la mise en œuvre de ce Code grâce à des contrôles effectués par des tiers – vérificateurs de faits, universitaires, médias et organisations de la société civile180. 182. Les organisations de la presse écrite et les radiodiffuseurs s’attachent à mettre en œuvre des pratiques pour accroître la confiance. Certains médias d’information, des organisations internationales comme la Fédération internationale des journalistes181 et des instances nationales ont publié des lignes directrices sur le journalisme. Celles-ci incluent des codes de déontologie et des normes visant à garantir la qualité des méthodes utilisées pour produire des informations182. La majeure partie des organes de la presse écrite et des radiodiffuseurs disposent de codes de conduite. Par ailleurs, dans la plupart des pays, les radiodiffuseurs doivent faire preuve de transparence quant à la propriété des médias et assurer l’impartialité des informations183. 177 En novembre 2017, Facebook, Twitter et Google ont annoncé être parvenus à un compromis sur l’utilisation d’« indicateurs de confiance » pour accroître la transparence et la crédibilité de l’information, http://money.cnn.com/2017/11/16/technology/tech- trust-indicators/index.html 178 Pour plus de précisions, voir www.proverkanafakti.mk 179 Code européen de bonnes pratiques contre la désinformation, disponible à l’adresse https://ec.europa.eu/digital-single- market/en/news/code-practice-disinformation. Le Code comporte une annexe qui recense les bonnes pratiques disponibles à https://ec.europa.eu/newsroom/dae/document.cfm?doc_id=54455 180 Disponible à l’adresse https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/code-practice-disinformation 181 Fédération internationale des journalistes (FIJ), Code de principes de la FIJ sur la conduite des journalistes, adopté en 1954 par le Congrès mondial de la FIJ et modifié en 1986. Les principes représentent le fondement du positionnement inconditionnel de la FIJ en faveur d’un journalisme éthique et de qualité. https://www.ifj.org/who/rules-and-policy/principles-on-conduct-of-journalism.html Voir aussi UNESCO, Journalism, « Fake News » and Disinformation : A Handbook for Journalism Education and Training, publié en 2018, disponible à l’adresse https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000265552/PDF/265552eng.pdf.multi 182 Rapport final du Groupe d’experts de haut niveau de la Commission européenne sur les fake news, « A Multi-Dimensional Approach to Disinformation » cité ci-dessus., 2 (ii). 183 Ibid. 39 183. En Finlande, 21 rédacteurs en chef des plus grands médias ont publié en mars 2016 une déclaration conjointe pour défendre le « journalisme digne de confiance » par opposition aux nouveaux magazines en ligne adoptant le format des actualités. L’Union finlandaise des journalistes a salué cet engagement et affirmé qu’il devrait concerner également les pigistes et temporaires. 184. En Serbie, conformément au Code de déontologie des journalistes : • les médias sont tenus de publier sans délai des informations correctes et complètes, s’ils ont diffusé des informations qui se sont par la suite révélées être de fausses accusations, des rumeurs, des injures ou de la diffamation, même de manière non intentionnelle (chapitre IV, paragraphe 6), • un journaliste ne doit pas se fier aveuglement aux sources d’information et garder à l’esprit que ces sources ont souvent leurs propres intérêts ou qu’elles défendent les intérêts des groupes sociaux auxquels elles appartiennent et ajustent leurs déclarations en fonction de ces derniers (chapitre V, paragraphe 2). • les lecteurs/téléspectateurs/auditeurs doivent être informés des bénéfices directs que la source peut tirer de la publication de ces informations (chapitre V, paragraphe 2). • taire des faits qui pourraient affecter de manière significative la perception d’un événement par le public équivaut à les déformer de manière délibérée ou à proférer un mensonge (chapitre V, paragraphe 3). • par ailleurs, si les sources d’information sont des porte-parole de partis politiques, des personnes physiques ou des sociétés, il y a lieu de le préciser car cela peut avoir un impact direct ou indirect sur l’objectivité de la présentation des informations (chapitre V, paragraphe 3). 185. Les éditeurs de médias d’information ont recours au journalisme de données basé sur l’analyse de données pour améliorer l’exactitude des informations diffusées. Dans le même esprit, des systèmes automatisés reposant sur des logiciels d’intelligence artificielle (IA) sont de plus en plus utilisés pour fournir des services d’information plus rapidement et plus largement184. Améliorer la transparence des processus algorithmiques utilisés pour produire de l’information est essentiel pour établir un climat de confiance et garantir une protection adéquate des droits185. Les Principes éthiques pour une IA digne de confiance (Ethics Guidelines For Trustworthy AI), préparés par le groupe d’experts de haut niveau de la Commission européenne sur l’intelligence artificielle, définissent les principales exigences que devraient remplir les systèmes d’IA pour être dignes de confiance, et notamment : le contrôle humain, la transparence, la responsabilisation, la diversité, la non-discrimination et l’équité186. 186. Pour lutter contre les désordres de l’information, l’Espagne encourage le développement du journalisme de données par différents moyens, dont : • la fondation « Civio » qui œuvre pour le libre accès à l’information et pour des politiques publiques reposant sur des informations factuelles, par le journalisme et l’innovation187 ; • le programme « Medialab Prado » qui promeut depuis 2011 le journalisme de données188. En coopération avec le conseil de la ville de Madrid, il a organisé deux compétitions dans ce domaine189 ; • l’initiative « Datadista » qui a été sélectionnée par le fonds d’innovation de la Digital News Initiative de Google pour produire un prototype (50 000 EUR)190 ; 184 Conseil de l’Europe, Algorithmes et droits humains : Étude sur les dimensions des droits humains dans les techniques de traitement automatisé des données et éventuelles implications réglementaires, Étude du Conseil de l’Europe, n° DGI (2017) 12, 2018. Disponible à l’adresse https://www.coe.int/en/web/freedom-expression/-/algorithms-and-human-rights-a-new-study-has- been-published, p. 5. 185 Conférence « Maîtriser les règles du jeu – l’impact du développement de l’intelligence artificielle sur les droits de l’homme, la démocratie et l’état de droit », organisée par le Conseil de l’Europe et la présidence finlandaise du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (Helsinki, 26-27 février 2019), Conclusion § 9, disponible à l’adresse https://rm.coe.int/conclusions-from-the- conference/168093368c 186 Ethics Guidelines For Trustworthy AI, préparées par le groupe d’experts de haut niveau de la Commission européenne sur l’intelligence artificielle et publiées le 8 avril 2019, à l’adresse https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/ethics-guidelines- trustworthy-ai. Un forum de discussion sera ensuite créé pour favoriser l’échange de bonnes pratiques. 187 Pour plus d’informations, voir https://civio.es/nosotros/ 188 Pour plus d’informations, voir http://medialab-prado.es/article/periodismo_de_datos_-_grupo_de_trabajo, également disponible en anglais. http://medialab-prado.es/article/v-taller-de-produccion-de-periodismo-de-datos-la-espana-vacia http://medialab-prado.es/article/jornadas-de-periodismo-de-datos-2017-jpd17-cada-dato-cuenta 189 Pour plus d’informations, voir http://medialab-prado.es/article/premio-periodismo-de-datos-ciudad-de-madrid-2017. 190 Pour plus d’informations, voir https://datadista.com/ 40 • le projet « Maldita.es » dont le but est de fournir aux lecteurs des outils « pour ne pas se faire piéger »191. Par l’intermédiaire de ses différentes branches, il surveille le discours politique et les informations diffusées sur les réseaux sociaux et analyse les messages en appliquant les techniques de vérification empruntées au journalisme de données. L’initiative « Maldita Hemeroteca » a obtenu le Prix de journalisme José Manuel Porquet en 2015 et a été finaliste du Prix de la presse européenne en 2016. Par ailleurs, l’Association des journalistes de Madrid a approuvé en 2017, un code de conduite pour lutter contre les « fake news » ou fausses informations192. 187. Bien que l’intelligence artificielle (IA) et les techniques automatisées puissent contribuer à détecter plus rapidement les désordres de l’information et à faire en sorte que les informations diffusées soient des contenus vérifiés et plus fiables, elles peuvent également être utilisées par ceux qui souhaitent créer et diffuser des fausses nouvelles193. Ces évolutions font courir le risque que les individus ne soient plus en mesure de se forger leur propre opinion et de prendre des décisions indépendamment des systèmes automatisés, voire qu’ils fassent l’objet de manipulations liées à l’utilisation des technologies numériques de pointe et en particulier des techniques de micro-ciblage194. Les États sont par conséquent encouragés à répondre à cette menace croissante par : ➢ l’adoption de mesures appropriées et proportionnées pour mettre en place des garanties juridiques efficaces contre les ingérences illégitimes et encourager l’acquisition par les utilisateurs des compétences clés dans la culture numérique195 ; ➢ l’évaluation des cadres réglementaires relatifs à la communication politique et aux processus électoraux pour préserver la régularité des élections et veiller à ce que les électeurs aient accès à des niveaux d’information comparables concernant l’ensemble de l’échiquier politique et soient protégés contre les pratiques déloyales et la manipulation196 ; ➢ la prise en compte de l’immense pouvoir que le progrès technologique confère à ceux – qu’il s’agisse d’entités publiques ou d’acteurs privés – susceptibles d’utiliser ces outils algorithmiques sans surveillance ou contrôle démocratique approprié, ainsi que du devoir de l’industrie d’agir avec équité, transparence et responsabilité sous la conduite des institutions publiques197. • Promotion du pluralisme et de la diversité des médias 188. L’accès à diverses sources d’informations sans discrimination permet à l’individu de se forger une opinion éclairée et contribue donc directement à des débats politiques pluralistes et à la constitution d’électorats informés198. Le problème grandissant des désordres de l’information renvoie à la nécessité de promouvoir le pluralisme des médias et de garantir un maximum de diversité dans l’environnement numérique199. Les pouvoirs publics devraient assurer un environnement favorable au pluralisme des médias par la protection des droits à la libre expression et à la diversité de l’information, notamment en apportant des formes de soutien appropriées aux médias du secteur privé et aux médias indépendants du service public pour contribuer à la production d’informations de qualité et lutter contre les désordres de l’information200. 191 Pour plus d’informations, voir https://maldita.es/ 192 http://www.apmadrid.es/decalogo-para-combatir-las-fake-news-o-noticias-falsas-en-la-era-de-la-posverdad/ 193 Brundage, M., Avin, S., Clark, J., Toner, H., Eckersley, P., Garfinkel, B., Dafoe, A., Scharre, P., Zeitzoff, T., Filar, B. et Anderson, H. (2018). The malicious use of artificial intelligence: Forecasting, prevention, and mitigation: « En plus d’accroître la diffusion d’informations trompeuses, les articles contenant des fausses nouvelles pourraient être rédigés et publiés de manière automatisée, comme cela se fait déjà aujourd’hui dans le journalisme financier ou sportif », p. 46. Disponible à l’adresse https://arxiv.org/ftp/arxiv/papers/1802/1802.07228.pdf. 194 Déclaration du Comité des Ministres sur les capacités de manipulation des processus algorithmiques, adoptée par le Comité des Ministres le 13 février 2019 lors de la 1337e réunion des Délégués des Ministres. 195 Ibid., § 9. 196 Ibid., § 9. 197 Ibid., § 8. 198 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, cité ci-dessus, principe 66. Voir également le Rapport du Secrétaire Général Thorbjørn Jagland : Populisme – le système de contre-pouvoirs est-il suffisamment puissant en Europe ? Cité ci-dessus, p. 37. 199 Rapport final du Groupe d’experts de haut niveau de la Commission européenne sur les fake news, « A Multi-Dimensional Approach to Disinformation » cité ci-dessus p. 14. 200 Joint Declaration on the freedom of expression and “Fake news”, Disinformation and Propaganda, op. cit., point n° 3. Cela inclut notamment (i) un cadre réglementaire clair protégeant les radiodiffuseurs contre toute ingérence politique ou commerciale ; (ii) des médias de service public indépendants et dotés de ressources adéquates ; (iii) des mesures pour favoriser la diversité des médias, et notamment (si cela est justifié) des subventions ou autres aides pour la production de contenus divers et de qualité ; (iv) des règles pour lutter contre la concentration des médias et favoriser la transparence de la propriété des médias et (v) des programmes pour favoriser l’éducation aux médias et au numérique. Voir également la Recommandation CM/Rec(2012)1 du Comité des Ministres aux États membres sur la gouvernance des médias de service public, cité ci-dessus. 43 199. En Suède, le Conseil des médias est une agence nationale chargée d’assurer l’éducation des enfants et des jeunes aux médias et à l’information. Depuis 2017, l’éducation aux médias et à l’information a également été intégrée au programme scolaire suédois, afin de développer l’esprit critique des élèves dès le plus jeune âge et de les doter des compétences nécessaires pour analyser les sources et distinguer les vraies informations des fausses210. 200. La Finlande a mis en place les initiatives suivantes pour promouvoir l’éducation aux médias des enfants et des jeunes : • de nombreuses écoles utilisent les journaux chaque jour comme support pédagogique ou outil d’enseignement. L’association finlandaise de la presse a également publié des ressources à l’intention des enseignants de différentes matières et à différents niveaux. Ils sont mis à disposition gratuitement. • en Finlande, plus de 100 journalistes ont participé à l’automne 2017 à une campagne visant à promouvoir le journalisme basé sur des faits dans les écoles de tout le pays. Les journalistes se sont rendus dans les écoles et y ont présenté le travail de journaliste dans le but de rendre les élèves plus responsables et de les encourager à évaluer l’information de manière indépendante. Des supports d’éducation aux médias élaborés par des éditeurs de journaux et de magazines ainsi que par l’organisme public de radiodiffusion ont été intégrés à la campagne qui a reçu le soutien de l’Union des journalistes, de plusieurs éditeurs et de l’Université de sciences appliquées Haaga-Helia. 201. En République tchèque, l’ONG tchèque « People in Need » assure une éducation progressive des élèves aux médias, www.jsns.cz. Un projet étudiant axé sur la vérification de faits et l’éducation aux médias a également été lancé ; voir www.zvolsi.cz. 202. L’éducation aux médias et à l’information ne doit pas se limiter aux enfants et aux jeunes : des efforts similaires devraient être déployés pour les citoyens de tous âges, et notamment les personnes âgées, ainsi que pour tous les groupes de population sans discrimination aucune. Des modules de formation devraient également être proposés aux enseignants, aux journalistes et aux autres professionnels des médias. Les bibliothèques ont également un rôle à jouer dans le développement de la connaissance des médias et le renforcement des compétences numériques211. 203. La loi suédoise sur les bibliothèques donne pour mission principale au système des bibliothèques publiques de promouvoir le développement d’une société démocratique en contribuant au transfert de connaissances et à la libre formation des opinions. Les bibliothèques publiques doivent s’efforcer d’approfondir les connaissances sur les moyens d’utiliser les technologies de l’information pour accéder au savoir, apprendre et participer à la vie culturelle. Cette disposition concerne la capacité à mettre à profit les technologies numériques pour obtenir des informations et les évaluer. Le projet de loi du gouvernement suédois souligne que, bien que de nombreuses personnes aient aujourd’hui une bonne connaissance de l’utilisation des technologies de l’information, cela n’est pas le cas de l’ensemble de la population. Il fait également observer que même celles et ceux qui maîtrisent les technologies ne savent pas toujours comment gérer les sources d’information numériques et comment adopter un regard critique sur l’information, y réfléchir et l’évaluer. Dans le projet de loi de finances pour 2018, le gouvernement propose que la Bibliothèque nationale soit chargée de renforcer les compétences numériques en Suède. La Bibliothèque nationale, parallèlement aux activités des bibliothèques régionales, coordonnera la formation des bibliothèques publiques du pays au renforcement des compétences numériques. 210 Swedish kids to learn computer coding and how to spot fake news in primary school, TheLocal.se, 13 mars 2017, disponible à l’adresse https://www.thelocal.se/20170313/swedish-kids-to-learn-computer-coding-and-how-to-spot-fake-news-in-primary-school 211 Rapport final du groupe d’experts de haut niveau de la Commission européenne sur les « fake news », A Multi-Dimensional Approach to Disinformation, cité ci-dessus., p. 27. 44 204. Le projet « Mind over Media in EU » est mis en œuvre en huit langues, dans six pays de l’Union européenne. Il s’inscrit dans le cadre du projet pilote « Media Literacy for All » financé par la DG CONNECT. Il a été lancé en janvier 2018 pour sensibiliser à la propagande contemporaine suscitée par le monde en perpétuel changement de l’information, du divertissement, de la publicité et des médias sociaux. Le projet est élaboré par la Fondation Evens en coopération avec le Centre pour l’éducation à la citoyenneté (Pologne), l’Association pour la culture de la communication et des médias (Croatie), la Société finlandaise d’éducation aux médias, IMEC/Mediawijs (Belgique), la société Mediawise (Romanie) et Media Maker/Citizen Press (France). Son but est de mettre en place un réseau européen d’éducateurs et de professionnels et de créer une plateforme en ligne éducative, participative et multilingue, « Mind over Media ». Des ressources éducatives contextualisées et des ateliers et séminaires en ligne et hors ligne à l’intention des enseignants, des bibliothécaires et des responsables des médias complèteront les actions de la plateforme212. • Réponses coordonnées et poursuite de la recherche 205. Ces dernières années, les désordres de l’information se sont développés rapidement dans le monde et on commence seulement à mieux comprendre aujourd’hui leurs incidences directes et indirectes. Toute action efficace contre ce phénomène nécessitera une coopération plus poussée entre les États au niveau national et international, notamment sur le plan du partage d’informations. Des travaux de recherche devront également être menés en continu sur la manière dont les désordres de l’information se créent et sont diffusés et sur l’impact des différentes formes qu’ils prennent. Une plus grande transparence, ainsi qu’un accès aux données pertinentes devront également être assurés, ainsi que des évaluations régulières des réponses apportées au problème213. Ce point est particulièrement important car les désordres de l’information sont un problème multifactoriel, évolutif et complexe, pour lequel il n’existe pas de solution unique214. 206. Au niveau international, une déclaration conjointe sur les « fake news », la désinformation et la propagande215 a été adoptée en 2017 par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression et d’opinion, le Représentant pour la liberté des médias de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Rapporteur spécial pour la liberté d’expression de l’Organisation des États américains (OAS) et le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression et l’accès à l’information de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (ACHPR). Cette déclaration appelle notamment à soutenir toutes les parties prenantes pour développer des initiatives participatives et transparentes permettant de mieux comprendre l’impact des désordres de l’information sur la démocratie, la liberté d’expression, le journalisme et l’espace civique, ainsi qu’à trouver des réponses appropriées à ces phénomènes216. Dans la Recommandation CM/Rec(2018)2 sur les rôles et les responsabilités des intermédiaires d’Internet, le Comité des Ministres recommande aux États membres du Conseil de l’Europe d’engager un dialogue régulier, inclusif et transparent avec tous les acteurs concernés en vue de partager et d’examiner des informations et de promouvoir l’utilisation responsable des dernières évolutions technologiques liées aux intermédiaires d’Internet217. 212 Pour plus de précisions, voir www.mindovermedia.eu.com. Version polonaise : Mind Over Media Polska. Szkoła krytycznego myślenia 213 Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Plan d’action contre la désinformation, cité ci-dessuscité ci-dessus, partie 3, Pilier 3. 214 Rapport final du Groupe d’experts de haut niveau de la Commission européenne sur les « fake news », « A Multi-Dimensional Approach to Disinformation » cité ci-dessus, p. 3. 215 Joint Declaration on the freedom of expression and “Fake news”, Disinformation and Propaganda, précité. 216 Ibid., 6.a. 217 Conseil de l’Europe, Recommandation CM/REC(2018)2 du Comité des Ministres aux États membres sur les rôles et les responsabilités des intermédiaires d’Internet, cité ci-dessus, § 12 ; Rapport au Conseil de l’Europe, Information Disorder : Toward an Interdisciplinary Framework for Research and Policy Making, cité ci-dessus, partie 6 : Conclusions 45 207. En Espagne, pour mieux comprendre le phénomène des « fake news », la Commission mixte sur la sécurité nationale a tenu fin 2017 une série de réunions avec des experts externes218, et notamment le Directeur du Centre d’excellence STRATCOM de l’OTAN, principalement sur les questions de cybersécurité219. 208. Le ministre danois de la Défense a annoncé avec son homologue suédois que leurs deux pays s’apprêtaient à renforcer leur coopération en matière de défense pour lutter contre la « menace croissante » de campagnes de fausses informations et de cyber-incidents « dangereux »220. Par ailleurs, l’une des missions de la Commission sur la liberté d’expression, créée fin 2017, est d’examiner la notion de fake news sous l’angle de la liberté d’expression. 209. Lors de l’édition 2018 du Sommet du numérique des Balkans occidentaux qui s’est tenu à Skopje, Macédoine du Nord en avril 2018, une session spéciale a été consacrée au phénomène des « fake news ». Elle a réuni des journalistes de haut rang et des représentants des médias régionaux et internationaux, ainsi que des représentants des gouvernements et de la Commission européenne. Son but était de sensibiliser au phénomène des « fake news » et de donner une vue d’ensemble de l’évolution du paysage médiatique. Elle visait également à définir les responsabilités des différents acteurs et les moyens de garantir par ailleurs la liberté d’expression, le pluralisme des médias et le droit des citoyens de recevoir des informations diversifiées et fiables. Les principaux intervenants du secteur ont pu recenser et hiérarchiser les principales menaces pour la démocratie et ont ouvert la voie à une stratégie multipartite de lutte contre les « fake news » dans les Balkans occidentaux. 210 Des travaux de recherche sont également menés au plan national pour examiner le problème dans chaque pays. Il est important que la méthodologie employée pour ce type d’études soit la même partout, afin de pouvoir réaliser des comparaisons entre pays221. 211. Par ailleurs, le lien étroit entre les désordres de l’information et le discours de haine, l’incitation à la violence et la perpétration d’infractions motivées par la haine, voire d’attaques terroristes, est une préoccupation croissante (voir ci-dessous chapitre IV. Domaine d’intérêt spécifique : le discours de haine). Dans certains cas, les désordres de l’information peuvent constituer la première étape d’un processus de radicalisation par une perte des repères habituels222. Il s’agit donc également d’un enjeu de sécurité pour la plupart des États. 212. Le gouvernement tchèque a mis en place deux instances spécialisées pour recenser et analyser les menaces actuelles pour la sécurité nationale : • L’Audit national de sécurité créé en 2016, traite tous les aspects des menaces extrémistes et évalue l’adéquation de la législation existante et la capacité de l’infrastructure de sécurité à y faire face. Pour l’Audit national de sécurité, des risques élevés sont attribuables en particulier à la capacité des extrémistes à diviser la société et à affaiblir l’État en générant des antagonismes fondés sur les identités ethniques, religieuses, de classe ou autres, à mesure que la population majoritaire se polarise autour d’animosités liées à des opinions divergentes. Il cite à ce propos les campagnes de désinformation menées à l’initiative de pouvoirs étrangers, notamment en se servant des plateformes de médias sociaux comme instruments de radicalisation de la société223. 218 Pour plus de précisions, voir http://www.congreso.es/portal/page/portal/Congreso/GenericPopUpAudiovisual?next_page=/wc/audiovisualdetalledisponible?codSesion= 10&codOrgano=319&fechaSesion=23/11/2017&mp4=mp4&idLegislaturaElegida=12 et http://www.realinstitutoelcano.org/wps/portal/rielcano_en/contenido?WCM_GLOBAL_CONTEXT=/elcano/elcano_in/zonas_in/defense+sec urity/ari92-2017-milosevichjuaristi-combination-instrument-russia-information-war-catalonia 219 Voir aussi http://www.congreso.es/portal/page/portal/Congreso/GenericPopUpAudiovisual?next_page=/wc/audiovisualdetalledisponible? codSesion=12&codOrgano=319&fechaSesion=14/12/2017&mp4=mp4&idLegislaturaElegida=12 220 Lien vers l’article en anglais : https://www.theguardian.com/world/2017/aug/31/denmark-and-sweden-boost-defence-ties-to-fight- russian-cyber-attacks 221 Rapport au Conseil de l’Europe, Information Disorder : Toward an Interdisciplinary Framework for Research and Policy Making, op. cit. Les auteurs recommandent d’utiliser la carte mentale fournie dans le rapport, partie 6. 222 Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Plan d’action contre la désinformation, cité ci-dessus, Introduction : « les campagnes de désinformation, en particulier celles menées par des pays tiers, font souvent partie d’une guerre hybride comprenant des cyber-attaques et le piratage de réseaux. Divers éléments montrent que des acteurs étatiques étrangers déploient de plus en plus des stratégies de désinformation visant à influencer des débats sociétaux, à introduire des clivages et à interférer avec les processus de prise de décision démocratiques ». 223 Pour plus d’informations (et un lien vers la traduction en anglais de l’Audit national de sécurité), voir http://www.mvcr.cz/cthh/clanek/audit-narodni-bezpecnosti. 48 Conseil de l’Europe 217. Au niveau du Conseil de l’Europe, aux fins de la Recommandation No. R (97) 20 du Comité des Ministres aux États membres sur le discours de haine, « le discours de haine » doit être compris comme « couvrant toutes formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’antisémitisme ou d’autres formes de haine fondées sur l’intolérance, y compris l’intolérance qui s’exprime sous forme de nationalisme agressif et d’ethnocentrisme, de discrimination et d’hostilité à l’encontre des minorités, des immigrés et des personnes issues de l’immigration »233. 218. En ce qui concerne la diffusion de propagande raciste et xénophobe par le biais de systèmes informatiques, l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité définit le matériel raciste et xénophobe comme « tout matériel écrit, toute image ou toute autre représentation d’idées ou de théories qui préconise ou encourage la haine, la discrimination ou la violence, contre une personne ou un groupe de personnes, en raison de la race, de la couleur, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique, ou de la religion, dans la mesure où cette dernière sert de prétexte à l’un ou l’autre de ces éléments, ou qui incite à de tels actes ». 219. Dans sa Recommandation de politique générale n° 15 sur la lutte contre le discours de haine (RPG n° 15), l’ECRI précise que par « discours de haine » on entend « le fait de prôner, de promouvoir ou d’encourager sous quelque forme que ce soit, le dénigrement, la haine ou la diffamation d’une personne ou d’un groupe de personnes ainsi que le harcèlement, l’injure, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation ou la menace envers une personne ou un groupe de personnes et la justification de tous les types précédents d’expression au motif de la « race », de la couleur, de l’origine familiale, nationale ou ethnique, de l’âge, du handicap, de la langue, de la religion ou des convictions, du sexe, du genre, de l’identité de genre, de l’orientation sexuelle, d’autres caractéristiques personnelles ou de statut »234. 220. D’après une étude annuelle financée par l’UE en 2016, les cas de discours de haine se sont multipliés sur Internet ; la xénophobie en particulier (haine à l’encontre des immigrés, souvent associée à la haine contre les musulmans) est la forme la plus répandue de discours de haine sur les plateformes sociales235. Par ailleurs, on constate que l’expression d’opinions d’extrême-droite est en hausse constante236. Le discours de haine fondé sur le sexe est également très présent et vise plus souvent les femmes que les hommes237. Les propos haineux, les insultes et les menaces sur les espaces en ligne, dont les utilisateurs font couramment l’expérience, les font hésiter à participer à des débats sur différents thèmes dans les médias sociaux238. Par conséquent, de nombreux utilisateurs renoncent à leur liberté d’expression et ne participent pas au débat239. • Élaboration de stratégies nationales complètes 221. Dissuader et prévenir le recours au discours de haine et limiter et réparer le tort qu’il cause nécessite une multitude de mesures impliquant divers secteurs de la société ainsi que les autorités nationales à différents niveaux240. Pour que ces mesures soient pleinement efficaces, une coopération et une coordination devront être assurées entre les différents acteurs concernés241. 233 Recommandation n°R 97(20) du Comité des Ministres aux États membres sur le discours de haine, adoptée par le Comité des Ministres le 30 octobre 1997 lors de la 607e réunion des Délégués des Ministres. 234 Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, Recommandation de politique générale n° 15 (RPG n° 15) sur la lutte contre le discours de haine, préambule adopté le 8 décembre 2015. 235 Réseau d’excellence VOX-Pol, « Violent Extremism and Terrorism Online in 2016 : The Year in Rreview » ; disponible à l’adresse https://www.voxpol.eu/download/vox-pol_publication/Year-In-Review-WEB.pdf 235 Commission européenne, Eurobaromètre spécial – Pluralisme des médias et démocratie, publié en novembre 2016. 236 Commission européenne, Eurobaromètre spécial – Pluralisme des médias et démocratie, op. cit. 237 Institut danois des droits de l’homme, Hate Speech in the Public Online Debate, publié en 2017, résumé en anglais p. 12, disponible à l’adresse https://menneskeret.dk/sites/menneskeret.dk/files/media/dokumenter/udgivelser/ligebehandling_2017/rapport_hadefulde_ytringer _online_2017.pdf 238 Commission européenne, Eurobaromètre spécial - Pluralisme des médias et démocratie, résumé, publié en novembre 2016, disponible à l’adresse http://ec.europa.eu/information_society/newsroom/image/document/2016-47/sp452- summary_en_19666.pdf 239 Institut danois des droits de l’homme, Hate Speech in the Public Online Debate, publié en 2017, résumé en anglais p. 12, disponible à l’adresse https://menneskeret.dk/sites/menneskeret.dk/files/media/dokumenter/udgivelser/ligebehandling_2017/rapport_hadefulde_ytringer _online_2017.pdf 240 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, principes 77 et 78. 241 RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation 3.e. 49 222. Le problème du discours de haine devra également être examiné dans un contexte plus large pour traiter également les causes de son apparition et de sa propagation. À cette fin, il pourra être utile d’élaborer un ensemble de politiques coordonnées sur le discours de haine, qui pourraient prendre la forme d’un plan d’action ciblé de lutte contre le discours de haine ou s’inscrire dans une stratégie plus vaste de lutte contre l’extrémisme, le racisme et l’intolérance242. Ces plans et stratégies devraient être assortis de tâches concrètes pour les ministères, les communes et la police et être conçus et évalués sur une base annuelle. Il est primordial que ces efforts soient continus et que des plans d’action nationaux pluriannuels sur le discours de haine soient mis en place243. 223. Certains points importants à prendre en compte dans toute stratégie ou tout plan d’action national complet en matière de lutte contre le discours de haine sont présentés dans les paragraphes suivants. 224. Le gouvernement norvégien a adopté une stratégie contre le discours de haine pour 2016- 2020. Ses principaux axes sont les suivants : - faciliter les espaces de discussion, - combattre le discours de haine chez les enfants et les jeunes, - améliorer la réponse juridique au discours de haine, - combattre le discours de haine dans le secteur de l’emploi, - combattre le discours de haine dans le secteur des médias, - renforcer les connaissances et la recherche sur le discours de haine244. 225. Le ministère de l’Intérieur de la République tchèque publie chaque année un rapport sur l’extrémisme. En 2016, il a mis en place l’Audit national de sécurité (voir ci-dessus § 212) portant notamment sur la radicalisation de la population par l’incitation à la haine à l’égard de certaines communautés ethniques et religieuses. 226. En Croatie, le plan national de lutte contre la discrimination 2017-2022 contient plusieurs mesures visant à combattre le discours de haine, comme : • des campagnes de lutte contre le discours de haine dans le sport • des séminaires spécialisés pour les forces de l’ordre, les avocats, les procureurs, les juges et les ONG sur les dispositions du Code pénal relatives aux infractions motivées par la haine et au discours de haine • des tables rondes consacrées à la discrimination, aux infractions motivées par la haine et au discours de haine • une amélioration de la collecte de données sur les infractions motivées par la haine et le discours de haine pour le suivi du Code de conduite de l’UE sur la lutte contre les discours de haine illégaux en ligne • des campagnes de lutte contre la discrimination et les infractions motivées par la haine. 227. Le 24 novembre 2016, le gouvernement suédois a adopté un plan national de lutte contre le racisme, les formes similaires d’hostilité et les infractions motivées par la haine, dans les domaines stratégiques suivants : amélioration de la coordination et du suivi ; renforcement des connaissances, de l’éducation et de la recherche ; société civile : soutien accru et dialogue approfondi ; renforcement des mesures de prévention en ligne ; un système juridique plus actif. Par ailleurs, en juillet 2017, le gouvernement a présenté un plan d’action pour sauvegarder la liberté d’expression en protégeant les journalistes, les artistes et les personnalités politiques contre les menaces et la haine. 228. L’Espagne a adopté une stratégie globale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et d’autres formes d’intolérance avec la participation du pouvoir judiciaire, du ministère public, des ministères de la Justice, de l’Intérieur, de la Santé, des Services sociaux et de l’Égalité, du Travail et de la Sécurité sociale, ainsi que du Centre d’études juridiques. Le 8 juin 2016, la Commission de suivi de la Convention-cadre pour la coopération interinstitutionnelle a été créée pour mettre en œuvre les objectifs de la stratégie. 242 RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation 4 et son exposé des motifs § 103. 243 RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation 4 et Exposé des motifs § 103 ; Equinet, Réseau européen des organismes de promotion de l’égalité, The Equinet Perspective Extending the Agenda. Equality Bodies addressing Hate Speech, Conclusions and Looking Forward ; disponible à l’adresse http://www.equineteurope.org/IMG/pdf/hate_speech_perspective_-_web.pdf 244 Pour plus de précisions, voir https://www.regjeringen.no/en/dokumenter/the-governments-strategy-against-hate-speech- 20162020/id2520975/. 50 229. En Lettonie, la « Stratégie de cybersécurité lettone 2014-2018 » se penche sur la question de l’identification et de la lutte contre les crimes de haine et les cas de discours de haine dans l’environnement virtuel et leurs liens étroits avec la cybercriminalité, en partant du principe que les systèmes de traitement automatisé de données peuvent être utilisés comme moyen de diffusion d’informations illégales et d’informations portant atteinte à la réputation. 230. L’Allemagne a pris des mesures pour lutter contre le discours de haine dans un contexte plus large, pour en traiter également les causes profondes : ➢ en 2016, le gouvernement fédéral a pour la première fois adopté une stratégie harmonisée de prévention de l’extrémisme et de promotion de la démocratie, qui s’adresse par exemple au secteur social, aux autorités locales et aux districts administratifs, aux institutions, fédérations et associations, ainsi qu’aux écoles et aux prisons. Elle repose sur un travail en réseau systématique entre les différents acteurs au sein des autorités fédérales, régionales et locales et de la société civile, ainsi que sur leur coopération et leur coordination dans tous les domaines. Les approches qui feront leurs preuves seront étendues à toute l’Allemagne. Des efforts seront également déployés pour intensifier la coopération avec les entreprises. La stratégie s’attaque également au phénomène du discours de haine sur Internet et à cet égard, un schéma interministériel sera mis en place pour soutenir systématiquement ceux qui rejoignent le mouvement contre le discours de haine (No Hate Speech movement) en ligne et traduire systématiquement en justice ceux qui diffusent un discours de haine245. ➢ en 2017, le gouvernement fédéral a adopté un nouveau plan d’action national de lutte contre le racisme qui met l’accent sur les politiques de droits de l’homme ; la protection contre la discrimination et la poursuite des infractions pénales associées ; l’éducation sociale et politique ; l’engagement civique et politique pour la démocratie et l’égalité ; la diversité dans la vie professionnelle ; l’éducation, la formation et le renforcement des compétences interculturelles et sociales au travail ; le racisme et la haine sur Internet, ainsi que la recherche. Le chapitre consacré au racisme et à la haine sur Internet donne un aperçu des initiatives menées dans ce domaine246. 231. Dans le plan d’action national de la Finlande pour les droits fondamentaux et les droits de l’homme 2017-2019247, le volet prioritaire « droits fondamentaux et numérique » inclut la liberté d’expression et le discours de haine. Tous les autres chapitres du plan d’action contiennent également des mesures contre le discours de haine. Le plan d’action comporte au total 43 projets dont le Baromètre des droits fondamentaux qui complètera l’étude européenne sur les droits fondamentaux de l’UE en cours de préparation par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le baromètre mesurera par exemple la connaissance des droits fondamentaux au sein de différents groupes de population, la perception de l’importance des différents droits et leur réalisation dans la vie quotidienne des citoyens. 232. L’Institut danois des droits de l’homme a publié en 2017 un rapport sur « le discours de haine dans le débat public en ligne »248 qui reprend la définition large du discours de haine contenue dans la Recommandation de politique générale n° 15 de l’ECRI en la complétant par « le statut politique et social ». 245 Version anglaise de la stratégie du gouvernement fédéral disponible à l’adresse https://www.bmfsfj.de/blob/115448/cc142d640b37b7dd76e48b8fd9178cc5/strategie-der-bundesregierung-zur- extremismuspraevention-und-demokratiefoerderung-englisch-data.pdf 246 Plan d’action national pour la lutte contre le racisme disponible à l’adresse https://www.bmi.bund.de/SharedDocs/downloads/DE/publikationen/2017/nap.pdf 247 Pour plus d’informations, voir http://urn.fi/URN:ISBN:978-952-259-588-1 248 Rapport en danois : « Hadefulde Ytringer i den Offentlige Online Debat », 2.2 disponible à l’adresse https://menneskeret.dk/sites/menneskeret.dk/files/media/dokumenter/udgivelser/ligebehandling_2017/rapport_hadefulde_ytringer _online_2017.pdf 53 Conseil de l’Europe 240. La Cour européenne des droits de l’homme exclut le discours de haine du champ de protection de la Convention européenne des droits de l’homme en suivant une approche au cas par cas dans laquelle elle applique soit : ➢ l’article 17 [interdiction de l’abus de droit] lorsque le discours de haine est de nature à contester les principes fondamentaux d’une démocratie pluraliste et ne relève donc plus de la protection de l’article 10 [liberté d’expression]264. En principe, la Cour considère qu’il peut être nécessaire dans les sociétés démocratiques de sanctionner, voire de prévenir toutes les formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine fondée sur l’intolérance, si l’on veille à ce que les formalités, conditions, restrictions ou sanctions imposées soient proportionnées au but légitime poursuivi265. ➢ soit l’article 10(2) sur le droit à la liberté d’expression qui autorise certaines restrictions. Il ne fait aucun doute que les expressions concrètes constituant un discours de haine susceptible d’être insultant pour des individus ou groupes spécifiques ne bénéficient pas de la protection de l’article 10 de la Convention266. Il est également évident que le discours de haine qui fait l’apologie de la violence ne sera pas protégé267. Lorsque des sanctions pénales ont été prononcées par l’État, la Cour a conclu dans de nombreux cas que l’imposition d’une condamnation pénale constituait une violation du principe de proportionnalité268. 241. Le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques269 demande aux Parties d’ériger en infractions pénales, dans leur droit interne, lorsqu’ils sont commis intentionnellement et sans droit, les comportements suivants : ➢ diffusion de matériel raciste et xénophobe par le biais de systèmes informatiques (article 3) ➢ menace avec une motivation raciste et xénophobe (article 4) ➢ insulte avec une motivation raciste et xénophobe (article 5) ➢ aide et complicité à la perpétration des infractions précitées (article 7)270. 242. En République de Moldova, le bureau du procureur général a publié un plan d’action pour prévenir et combattre la cybercriminalité. Ce document a été approuvé par les douze institutions publiques chargées de sa mise en œuvre. Son but est de mettre en place les mesures nécessaires pour permettre au pays d’adhérer au Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité. 243. Le discours de haine sexiste, phénomène auquel une réponse commence seulement à être apportée, concerne les expressions qui propagent, promeuvent, justifient ou incitent à la haine fondée sur le sexe271. Certains groupes de femmes sont particulièrement visés par le discours de haine sexiste et notamment les jeunes femmes, les femmes dans les médias et les femmes politiques272 (voir ci- dessus domaine d’intérêt spécifique : la liberté d’expression dans le discours politique). La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) inclut des formes de violence à l’égard des femmes qui peuvent aussi être des manifestations du discours de haine sexiste en ligne et hors ligne : le harcèlement sexuel (article 40) et le harcèlement (article 34). Son article 12 (1) demande aux Parties de prendre les mesures – législatives ou autres - nécessaires pour promouvoir les changements dans les 264 Par exemple Seurot c. France (requête n° 57383/00), décision sur la recevabilité du 18 mai 2004 ; Delfi AS c. Estonie, op. cit. ; Leroy c. France (requête n° 36109/03), arrêt du 2 octobre 2008 ; M’Bala M’Bala c. France (requête n° 25239/13), décision sur la recevabilité du 20 octobre 2015. Voir également la Fiche thématique sur la jurisprudence de la Cour relative au discours de haine, à l’adresse https://www.echr.coe.int/Documents/FS_Hate_speech_ENG.pdf. 265 Voir par exemple Gündüz c. Turquie (requête n° 35071/97), arrêt du 4 décembre 2003, § 40 ; Erbakan c. Turquie (requête n° 59405/00), arrêt du 6 juillet 2006, § 56 ; Féret c. Belgique, arrêt du 16 juillet 2009, § 63. 266 Voir par exemple Jersild c. Danemark (requête n° 15890/89), arrêt du 23 septembre 1994, § 35. 267 Voir par exemple Sürek c. Turquie (n° 1) [GC], arrêt du 8 juillet 1999, § 62. 268 Jersild c. Danemark, cité ci-dessus, § 35. 269 Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE n° 189), adopté le 28 janvier 2003. 270 L’ECRI invite les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Protocole additionnel dans le cadre de leurs efforts de lutte contre le discours de haine, RPG n° 15 sur la lutte contre le discours de haine, Recommandation 1. 271 La Stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023 inclut la lutte contre le discours de haine sexiste (objectif stratégique 1) ; Stratégie pour la gouvernance de l’Internet 2016-2019 (§ 10.d) ; Recommandation CM/Rec(2016)4 du Comité des Ministres aux sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias, cité ci-dessus, § 17 et campagne de jeunesse Mouvement contre le discours de haine. 272 Pour plus d’informations sur le discours de haine sexiste, voir le Rapport du séminaire « Combattre le discours de haine sexiste » organisé du 10 au 12 février 2016 par le Centre européen de jeunesse, ainsi que la Fiche d’information « Combattre le discours de haine sexiste » et la note d’information sur le discours de haine sexiste (Background Note on Sexiste Hate Speech), préparées par l’Unité Égalité entre les femmes et les hommes le 1er février 2016, à l’adresse : https://www.coe.int/en/web/genderequality/sexist-hate-speech. 54 modes de comportement socioculturels des femmes et des hommes en vue d’éradiquer les préjugés, les coutumes, les traditions et toute autre pratique fondés sur l’idée de l’infériorité des femmes ou sur un rôle stéréotypé des femmes et des hommes. 244. En matière de droit pénal, l’ECRI souligne que les infractions pénales doivent être définies clairement en droit interne, mais également de manière à pouvoir être adaptées pour suivre les évolutions technologiques273. 245. Dans sa Recommandation de politique générale n° 15 sur la lutte contre le discours de haine274, l’ECRI fait un certain nombre de recommandations aux gouvernements des États membres : ➢ de s’employer à discerner les conditions propices au recours à la pratique du discours de haine et les différentes formes que cette pratique prend et de mesurer son ampleur et les dommages qu’elle provoque, en vue de décourager et de prévenir son usage ainsi que de réduire ces dommages et d’y remédier (Recommandation 3) ➢ d’adopter une démarche dynamique non seulement de sensibilisation du grand public à la nécessité de respecter le pluralisme et aux dangers que présente le discours de haine, mais aussi de démonstration de la nature mensongère de ses fondements et de son caractère inacceptable, de façon à en décourager et à en prévenir l’utilisation (Recommandation 4) ➢ d’apporter un soutien individuel et collectif aux personnes visées par le discours de haine (Recommandation 5) ➢ de favoriser l’autorégulation des institutions publiques et privées (dont les organes élus, les partis politiques, les institutions éducatives et les organisations culturelles et sportives) comme moyen de lutte contre le recours au discours de haine (Recommandation 6) ➢ d’utiliser les pouvoirs réglementaires à l’égard des médias (y compris les fournisseurs d’accès à Internet, les intermédiaires en ligne et les médias sociaux) pour promouvoir des mesures visant à lutter contre l’usage du discours de haine et à en souligner le caractère inacceptable, tout en s’assurant que ces mesures ne portent pas atteinte à la liberté d’expression et d’opinion (Recommandation 7) ➢ de clarifier l’étendue et l’applicabilité de la responsabilité en droit civil et administratif en cas de recours au discours de haine dans le but d’inciter à commettre des actes de violence, d’intimidation, d’hostilité ou de discrimination à l’encontre des personnes visées, ou dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il ait cet effet, tout en respectant le droit à la liberté d’expression et d’opinion (Recommandation 8) ➢ de supprimer tout soutien financier et autres des organismes publics aux partis politiques et aux organisations qui ont recours au discours de haine ou ne sanctionnent pas ceux de leurs membres qui le pratiquent, tout en respectant le droit à la liberté d’association, et de prévoir la possibilité d’interdire ou de dissoudre ces organisations, qu’elles reçoivent ou non un soutien quelconque de la part d’organismes publics lorsque leur recours au discours de haine a pour but d’inciter à commettre des actes de violence, d’intimidation, d’hostilité ou de discrimination à l’encontre des personnes visées, ou que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il ait cet effet (Recommandation 9) ➢ de prendre des mesures appropriées et efficaces en droit pénal contre le recours, dans un cadre public, au discours de haine lorsque celui-ci a pour but d’inciter à commettre des actes de violence, d’intimidation, d’hostilité ou de discrimination à l’encontre des personnes visées, ou lorsque l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il ait cet effet, pourvu qu’aucune autre mesure moins restrictive ne soit efficace et que le droit à la liberté d’expression et d’opinion soit respecté (Recommandation 10). 273 RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation 10. 274 Adoptée par l’ECRI le 8 décembre 2015. Voir également son Exposé des motifs. 55 Union européenne 246. Dans le prolongement de l’Action commune contre le racisme et la xénophobie275, la Décision- cadre sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal276 du Conseil européen demande aux États de sanctionner le racisme et la xénophobie au moyen de « sanctions effectives, proportionnées et dissuasives »277. La décision-cadre établit dans son article premier quatre catégories d’incitations à la violence ou à la haine que les États sont tenus d’ériger en infractions pénales punissables d’une peine maximale de trois ans d’emprisonnement. Les États peuvent choisir de ne punir que le comportement qui est soit « exercé d’une manière qui risque de perturber l’ordre public », soit « menaçant, injurieux ou insultant »278. 247. En Espagne, la loi organique 1/2015 du 30 mars a actualisé plusieurs dispositions du Code pénal pour le mettre en conformité avec la Décision-cadre 2008/913/JHA du Conseil sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal. Les amendements y inscrivent le rejet de tous les actes incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard de certains groupes ou minorités (définis par la race ou l’origine nationale, le sexe et l’orientation sexuelle, ainsi que ces actes lorsqu’ils sont commis pour des motifs politiques ou idéologiques). Le nouveau cadre juridique accroît l’efficacité de la réponse des tribunaux au discours de haine visant des groupes ou des minorités, notamment celui qui repose sur des motifs politiques ou idéologiques. 248. Le 1er mars 2018, la Commission européenne a adopté une Recommandation relative à des mesures visant à lutter efficacement contre le contenu illicite en ligne279. Elle contient une série de mesures opérationnelles, assorties des garanties nécessaires, devant être prises par les entreprises et les États membres de l’UE, et s’applique à toutes les formes de contenu illicite, dont l’incitation à la haine et à la violence raciste et xénophobe. 249. Bien que l’objectif de la Directive sur le commerce électronique280 ne soit pas d’harmoniser le domaine du droit pénal en tant que tel, mais de créer un cadre juridique pour assurer la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres281, elle prévoit à l’article 14 (1) que les États membres de l’UE veillent à ce que le prestataire ne soit pas tenu responsable des contenus illicites émanant de tiers, à condition qu’il n’ait pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites et qu’il agisse promptement pour retirer les contenus ou rendre l’accès à ceux-ci impossible dès le moment où il a de telles connaissances282. L’article 15 de la Directive interdit aux États membres de l’UE d’imposer aux intermédiaires une obligation générale de surveiller l’activité sur leurs services283. 250. En janvier 2018, la Cour suprême autrichienne a renvoyé devant la Cour européenne de justice une affaire284 concernant le discours de haine en ligne afin que celle-ci se prononce sur la question de savoir si une telle injonction serait contraire aux dispositions de l’article 15(1) de la Directive sur le commerce électronique. La procédure est en instance devant la Cour de justice de l’Union européenne au moment de la publication du présent guide, mais pourrait être déterminante pour les futures pratiques dans ce domaine. 275 Action commune du Conseil européen 96/443/JHA du 15 juillet 1996 concernant l’action contre le racisme et la xénophobie 276 Conseil européen, Décision-cadre 2008/913/JHA du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal ; disponible à l’adresse https://eur-lex.europa.eu/legal- content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A32008F0913 277 Ibid., préambule (13) ; Guidance note on the practical application of Council Framework Decision 2008/913/jha on combating certain forms and expressions of racism and xenophobia by means of criminal law, disponible à l’adresse https://ec.europa.eu/newsroom/just/document.cfm?doc_id=5560 ; voir également ci-dessus, note de bas de page 218. 278 Ibid. Article 1 (2). 279 Recommandation de la Commission sur les mesures destinées à lutter, de manière efficace, contre les contenus illicites en ligne, C(2018)1177 final. 280 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur. 281 Ibid., préambule (8) 282 Ibid., article 14(1). 283 Ibid., article 5. La Cour européenne des droits de l’homme s’est également penchée sur la responsabilité des intermédiaires à raison des contenus illicites de tiers : voir par exemple Delfi AS c. Estonie, cité ci-dessus ; Magyar Tartalomszolgáltatók Egyesülete and Index. hu Zrt c. Hongrie (requête n° 22947/13), arrêt du 2 février 2016 ; Pihl c. Suède, cité ci-dessus. 284 Glawischnig-Piesczek c. Facebook Ireland Limited. L’affaire concerne l’action engagée par l’ancienne chef du parti autrichien des Verts Eva Glawischnig, qui a subi les commentaires injurieux (qualifiés de « discours de haine ») d’un faux compte sur Facebook. Eva Glawischnig a intenté un premier procès à Facebook en 2016. Le tribunal de première instance a ordonné à la société de supprimer les messages et toutes les copies exactes, et une juridiction d’appel a décidé qu’elle était tenue d’appliquer ce jugement au niveau mondial. Eva Glawischnig a fait appel, affirmant que Facebook devait également retrouver et supprimer les messages similaires. 58 ➢ le Bureau du procureur général propose également des formations sur ces questions. Un séminaire sur le thème « Égalité et élimination de la discrimination » a ainsi eu lieu en 2012. En 2012 et 2013, plusieurs procureurs ont participé à des séminaires organisés par l’Académie de droit européen, par exemple sur l’égalité entre les femmes et les hommes et sur le droit de l’UE contre la discrimination. ➢ de même, les procureurs ont assisté en 2013 à une conférence organisée par l’École supérieure de droit de Riga et le ministère des Affaires étrangères sur le thème « promotion de la tolérance en Lettonie : législations, pratiques et politiques », ainsi qu’au séminaire de 2015 organisé par le Centre letton pour les droits de l’homme sur les approches en matière de prévention des crimes de haine et du discours de haine. 261. En Géorgie, avec le soutien du Conseil de l’Europe et dans le cadre du programme conjoint « les droits de l’homme pour tous » entre l’UE et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, une formation s’est tenue en juin 2017 sur la liberté d’expression, et notamment sur les questions relatives au discours de haine, à laquelle 17 juges des juridictions ordinaires ont participé293. Elle faisait suite à une formation à laquelle 20 juges avaient participé en octobre 2016294. 262. En Espagne, le Conseil général de la magistrature a proposé une formation de trois jours en février 2017 sur les crimes de haine et la discrimination, à l’intention du procureur assurant la coordination du service chargé des crimes de haine et de la discrimination du parquet provincial de Barcelone. L’Association du barreau espagnol a également organisé à Séville des sessions de formation sur les crimes de haine et la discrimination, afin de mettre en place un système de défenseurs commis d’office (justice gratuite) spécifique pour défendre les victimes de tels actes. 263. En France, les magistrats reçoivent une formation sur les instruments nationaux et internationaux existants, en particulier lors des sessions de formation sur la liberté d’expression qui traitent également du discours de haine. D’autres sessions spécifiques sur le discours de haine sont également proposées. Une formation initiale et continue est assurée aux agents de la Police nationale pour l’enregistrement des infractions à motivation raciste et/ou homo-/transphobe. Des outils pédagogiques de nature procédurale destinés aux enquêteurs sont mis en ligne. • Autorégulation par les institutions publiques et privées 264. Si l’usage du discours de haine est une question d’intérêt général et se produit dans une multitude d’espaces, très souvent, les auteurs de discours de haine ont des attaches particulières – notamment en tant qu’employés ou utilisateurs d’installations – avec un ou plusieurs organismes, institutions et organisations, qui peuvent être des entités publiques ou privées et peuvent englober les parlements et d’autres organes élus à l’échelle nationale, régionale et locale, les ministères et d’autres organismes publics, la fonction publique, les partis politiques, les associations professionnelles, les organismes d’affaires et les établissements scolaires, les universités et d’autres établissements éducatifs, ainsi que tout un éventail d’organisations culturelles et sportives. Ces organismes, institutions et organisations devraient affirmer sans équivoque que l’usage du discours de haine par leurs membres est totalement inacceptable et devraient prendre des mesures de prévention ou de sanction, le cas échéant295. 265. Pour plus de précisions sur l’autorégulation par les partis politiques, les organes élus et les institutions publiques, voir ci-dessus la section a. Autorégulation dans la partie « Mesures visant à combattre les déclarations politiques qui incitent à la violence ou à la haine ». 266. Un certain nombre de codes ou chartes régionaux ou internationaux s’appliquent également aux organismes, institutions et organisations qui opèrent dans les États membres, à l’instar du Code disciplinaire de la Fédération internationale de football association (FIFA) et le Règlement disciplinaire de l’Union des associations européennes de football (UEFA). Ces codes ont parfois une portée assez large, notamment lorsqu’ils concernent les activités sportives, car ils s’appliquent non seulement à ceux qui pratiquent le sport en question ou contribuent à son organisation et à sa gestion, mais aussi aux spectateurs et aux supporters de ces activités296. 293 Pour plus de précisions, voir http://www.hsoj.ge/eng/media_center/news/947-freedom-of-expression-including-issues-related 294 Pour plus de précisions, voir http://www.hsoj.ge/eng/media_center/news/746-gamoxatvis-tavisufleba-mat-shoris-sidzulvilis 295 RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation 6, Exposé des motifs § 114-115. 296 RPG n° 15 de l’ECRI, Exposé des motifs § 119. 59 267. En mai 2016, la Commission européenne a convenu avec Facebook, Twitter, YouTube et Microsoft d’un Code de conduite volontaire visant à combattre les discours de haine illégaux en ligne297 pour permettre aux usagers de signaler le discours de haine illicite sur ces plateformes sociales et améliorer le soutien à la société civile et la coordination avec les autorités nationales. Les sociétés des technologies de l’information se sont engagées à examiner la majorité des notifications des usagers dans un délai de 24 heures pour respecter la législation nationale et le droit de l’UE sur le discours de haine, ainsi qu’à procéder si nécessaire au retrait des messages jugés illicites. Elles sont également convenues de continuer à améliorer le retour d’information aux utilisateurs et à renforcer la transparence à l’égard de la société en général. Des évaluations sont régulièrement menées dans le cadre d’exercices de suivi réalisés selon une méthodologie commune reposant sur l’envoi de notifications par des organisations de la société civile. Les résultats de la troisième évaluation publiés en janvier 2018 font état d’importants progrès à différents niveaux298. 268. En Croatie, le Code de déontologie des fonctionnaires adopté en 2011 énonce les règles de conduite des fonctionnaires ainsi que les principes éthiques qui doivent les guider dans leurs agissements. Les fonctionnaires ont également le droit d’être protégés contre le harcèlement, c’est-à- dire contre tout comportement ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à leur dignité et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant ou offensant. Le chef de service de chaque organe gouvernemental nomme parmi les agents un commissaire aux questions d’éthique chargé du suivi de l’application du code de déontologie au sein de l’organe concerné. 269. Les statuts de l’Association de football de Serbie du 27 août 2017 prévoient à l’article 4 que toute forme de discrimination et notamment le discours de haine à l’encontre d’un pays, d’une personne ou d’un groupe de personnes, fondé sur leur origine ethnique, leur race, leur sexe, leur langue, leur opinion politique ou tout autre motif, est strictement interdite et passible de sanctions disciplinaires. Le Code de déontologie des journalistes de 2006 (complété en 2013) prévoit au chapitre IV, § 1, que tous les journalistes doivent s’opposer au discours de haine et à toute forme de violence. Comme mentionné au § 15 du Code prévoit également que la profession de journaliste est incompatible avec les stéréotypes, quels qu’ils soient. Par ailleurs, les allusions familières, injurieuses ou imprécises à un groupe sont interdites. Il stipule également en ce qui concerne la couverture des infractions pénales, que les informations comme la nationalité, la race, les convictions religieuses, les idéologies et l’appartenance politique, l’orientation sexuelle, le statut socio-professionnel et la situation matrimoniale ne peuvent être mentionnées dans les articles et reportages que si ces caractéristiques ont un lien direct avec l’acte qui a été commis. 270. En Finlande, toute personne qui considère qu’un média n’a pas respecté les bonnes pratiques professionnelles peut saisir le Conseil des médias, comité d’autorégulation créé en 1968 par des éditeurs et des journalistes dans le secteur de la communication de masse. Le Conseil des médias est chargé d’interpréter les bonnes pratiques professionnelles et de défendre la liberté d’expression et de publication. Lorsqu’il établit qu’il y a eu manquement aux bonnes pratiques professionnelles, le Conseil des médias rend un avis que la partie à l’origine du manquement est tenue de publier à bref délai. Dans certains cas touchant à des principes fondamentaux, il peut ouvrir une enquête. Il peut également publier des prises de position sur des questions de déontologie. Le Conseil des médias instruit les plaintes gratuitement, le délai d’instruction étant en moyenne de cinq mois. Le président peut formuler des résolutions indépendantes sur des questions de moindre importance, qui ne constituent pas une atteinte aux bonnes pratiques professionnelles. Le ministère de la Justice attribue chaque année une aide au Conseil des médias ; elle s’élevait à 80 000 EUR en 2017. • Renforcement du signalement du discours de haine 271. Il est important que les personnes qui ont subi un préjudice en raison de propos haineux soient informées de leur droit d’engager une action pénale, mais aussi civile et administrative en vue d’obtenir réparation. Diverses mesures peuvent être prises pour effectuer ce travail de sensibilisation, et notamment des campagnes de publicité dénonçant le caractère inacceptable du discours de haine et présentant les différents moyens dont disposent les victimes pour y réagir ou demander réparation. Dans certains cas, il peut être utile d’axer ces campagnes sur les personnes appartenant à des groupes particuliers comme les minorités ou les groupes vulnérables. Outre le gouvernement central, les autorités locales peuvent également diffuser des informations sur les différentes actions possibles299. 297 Pour plus de précisions, voir https://ec.europa.eu/newsroom/just/item-detail.cfm?item_id=54300. 298 Pour plus de précisions, voir https://merlin.obs.coe.int/iris/2018/3/article7.en.html. 299 RPG n° 15 de l'ECRI, Exposé des motifs, § 108-109. 60 272. D’autres facteurs peuvent être considérés comme des obstacles au signalement du discours de haine, tels que le sentiment que la procédure est trop complexe, onéreuse ou inutile, le fait de ne pas avoir la certitude que la plainte sera traitée sérieusement, voire la crainte de mesures de rétorsion de la part des auteurs des propos haineux. D’où la nécessité de mettre en place un mécanisme de plainte ou de signalement qui soit le plus simple, le plus accessible et le moins coûteux possible. La formation des personnes chargées de traiter les plaintes, que ce soit au sein des autorités publiques ou d’organisations privées, est essentielle pour assurer le bon déroulement de la procédure300. 273. En Finlande, le ministère de la Justice a mis en place le projet « Contre la haine », qui s’étend du 1er janvier 2017 au 30 novembre 2019 et vise à intensifier la lutte contre les crimes de haine et le discours de haine. Le projet met l’accent sur l’amélioration du signalement des crimes de haine, le renforcement des capacités d’action de la police, des procureurs et des juges contre les crimes de haine et le discours de haine, ainsi que le développement des services d’aide aux victimes de crimes de haine301. Dans le cadre du projet, une campagne de communication visant à lutter contre le discours de haine a été lancée en février 2019. Son but est de sensibiliser les internautes aux contenus qui constituent un discours de haine passible de sanctions et de les encourager à signaler ces contenus à la police. La campagne « Contre la haine » se compose de clips diffusés sur les chaînes de télévision du service public, d’une campagne sur les médias sociaux et de matériels en ligne pour aider les usagers à repérer les propos haineux pouvant être sanctionnés. Elle vise principalement à faire comprendre que le discours de haine peut être une infraction punissable et qu’Internet est soumis aux mêmes règles que tout autre espace. C’est sous l’angle de punissabilité de l’acte qu’elle entend contribuer au débat public sur le discours de haine. Elle a pour hashtag #againsthate302. 274. Aux Pays-Bas, les notifications de discrimination sur Internet peuvent être envoyées directement à la plateforme de médias sociaux concernée ou, depuis 2013, au bureau des plaintes pour discrimination en ligne « MiND » (Meldpunt internetdiscriminatie) qui examine si les propos en question constituent une infraction pénale. Lorsque cela est possible, la suppression des propos est demandée. Si la demande n’est pas satisfaite, la question est portée devant la société de médias sociaux concernée. Dans les cas où il n’est toujours pas donné suite à la notification, le dossier est transmis au ministère public. 275. En Allemagne, pour combattre le discours de haine sur Internet, le ministère fédéral de la Famille, des Personnes âgées, de la Femme et de la Jeunesse soutient depuis 2015 les activités du « jugendschutz.net » qui est le centre commun de compétences au niveau fédéral et des Länder pour la protection des mineurs sur Internet. Jugendschutz.net n’est pas un organisme public, mais son mandat est établi dans le traité inter-Länder pour la protection des mineurs sur Internet (JMStV). Il tient une permanence téléphonique pour le signalement des contenus préjudiciables sur Internet. Il examine les notifications qu’il reçoit, détermine l’origine probable du contenu et essaie d’en trouver le responsable. 276. En Autriche, plusieurs services d’assistance et bureaux de signalement ont été créés pour les personnes qui souhaitent réagir aux contenus illicites, dont le discours de haine, en les signalant. Ce sont, par exemple : • le bureau de signalement « ns-Wiederbetätigung » du ministère fédéral de l’Intérieur pour les sites web ou articles à contenu néonazi, raciste ou antisémite ; • le bureau de signalement « Stopline » mis en place par l’ISPA (Internet Service Providers Austria) pour les contenus national-socialistes ou pédopornographiques ; • le bureau de signalement « Gegen Hass im Netz » mis en place par la Chancellerie fédérale et l’institution non gouvernementale ZARA (Zivilcourage und Antirassismus-Arbeit) pour le discours de haine en ligne. Les employés de ZARA, formés en droit et en psychologie, donnent des informations et apportent un soutien et des conseils, notamment juridiques, aux victimes et témoins de discours de haine en ligne, de cyberharcèlement et d’autres formes de violence verbale et psychologique sur Internet. Les services sont gratuits et fournis par tchat, messenger, courrier électronique, téléphone ou contact direct. 300 RPG n° 15 de l’ECRI, Exposé des motifs, § 110-111. 301 Pour plus de précisions, voir https://oikeusministerio.fi/en/project?tunnus=OM005:00/2018 302 Pour plus de précisions, voir https://oikeusministerio.fi/en/article/-/asset_publisher/vihapuheen-vastainen-against-hate- kampanja-kaynnistyy. 63 289. Un rapport du ministère finlandais de la Justice a conclu que le discours de haine est devenu l’une des formes de comportement discriminatoire les plus courants à l’égard des minorités. Sur les 1 475 personnes interrogées pour le rapport, 61 % ont affirmé que le discours de haine avait affaibli leur sentiment général de sécurité au cours des 12 mois précédents, ce qui indique que le problème s’est aggravé sur une période relativement courte312. 290. Le projet de l’UE Research – Report – Remove : Countering Cyber Hate Phenomena (2016- 2017), élaboré par le Réseau international contre la haine en ligne (INACH), recueille des données auprès de tous les membres du projet dans différents pays (Autriche, Belgique, France, Allemagne, Pays-Bas et Espagne) pour obtenir une vision globale du phénomène de haine en ligne dans l’Europe du XXIe siècle. Dans le cadre de ce projet de l’UE, la Chancellerie fédérale autrichienne et le ministère de l’Europe, de l’Intégration et des Affaires étrangères sont chargés des missions suivantes : • recueillir des connaissances détaillées sur le phénomène, ses origines et ses sources, ainsi que ses formes et influences par la recherche comparative. • élaborer des normes pour rendre compte de la haine en ligne et l’analyser ; améliorer les procédures de retrait par l’élaboration de lignes directrices pour les prestataires de services Internet et les réseaux sociaux ; apporter soutien et conseils aux responsables politiques, aux professions juridiques et au secteur éducatif. • établir un point de contact central pour contribuer à la mise en place d’un mécanisme transfrontalier de plainte en ligne qui soit durable, efficace et accessible aux utilisateurs dans le monde entier depuis leur domicile ou leur appareil mobile. • mener des activités de suivi qui contribueront à la création d’un système d’alerte précoce par une observation et une analyse permanentes des contenus haineux sur Internet. En Autriche, le projet sera principalement axé sur la surveillance de l’antisémitisme, de la haine contre les Roms et les Sintis, de la haine à l’égard des musulmans et de l’homophobie. 291. En Espagne, grâce au système de statistiques pénales en vigueur, les forces de sécurité de l’État peuvent recenser les infractions liées aux actes d’extrémisme et de terrorisme, ce qui leur permet d’enregistrer, d’obtenir, d’évaluer et d’extraire des données statistiques sur le racisme et la xénophobie. L’une des principales modifications apportées au système a été l’adoption de la définition donnée par l’ECRI du racisme et de la xénophobie, afin d’assurer une vision large du racisme. 292. La France a adopté une approche consistant à mener des enquêtes dites de victimation auprès de personnes dont l’anonymat est garanti pour savoir si elles ont ou non été victimes d’infractions pénales. Au-delà des données quantifiées fournies par les services d’enquête ou les services judiciaires, ce système apporte des données quantitatives sur les victimes du discours de haine et leur prise en charge, afin de mieux cibler les politiques publiques dans ce domaine. Des enquêtes de ce type ont été conduites en 2016 par l’Institut national d’études démographiques (INED) ; l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en effectue également sur une base annuelle depuis 2007. 293. Le gouvernement du Royaume-Uni a soutenu le travail de l’Institute of Jewish Policy Research sur l’antisémitisme dans la Grande-Bretagne contemporaine. Ses recherches reposent sur l’enquête la plus vaste et la plus détaillée jamais réalisée dans le pays sur les attitudes à l’égard des Juifs et d’Israël, et ont conclu que 3 % des Britanniques peuvent être considérés comme des antisémites radicaux et que 30 % croient en un ou plusieurs tropes antisémites. L’organisation « Tell MAMA », qui lutte contre la haine à l’encontre des musulmans au Royaume-Uni, a par ailleurs établi un partenariat étroit avec la police. Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016, 3 694 incidents de haine à l’encontre des musulmans ont été signalés à Tell MAMA par des victimes, des témoins, des tiers ou par la police, contre 2 622 en 2015 et 729 en 2014. Cette augmentation s’explique par le fait que le signalement est de plus en plus encouragé et entouré d’un climat de confiance, ainsi que par une hausse du nombre d’accords de partage de données avec les forces de police. 312 « Survey on hate speech and harassment and their influence on different minority groups », disponible à l’adresse http://julkaisut.valtioneuvosto.fi/bitstream/handle/10024/76633/omso_7_2016_vipu-raportti_158_s.pdf 64 294. En Macédoine du Nord, l’Agence des services de médias audio et audiovisuels a publié un Guide de surveillance du discours de haine313 qui présente les normes et principes internationaux relatifs à la liberté d’expression et au discours de haine, ainsi que la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme et la législation nationale applicable. Le guide se veut un outil concret pour l’Agence et les radiodiffuseurs. Il a également été très bien accueilli au niveau régional. 295. Les Ombudsmen nordiques pour l’égalité et la non-discrimination travaillent en coopération pour lutter contre le discours de haine et la misogynie au sein d'un réseau nordique (partager de bonnes pratiques et des études sur le discours de haine et de tirer des enseignements des plans d’action nationaux des pays voisins en la matière etc.). • Éducation et sensibilisation, y compris dialogue interculturel 296. L’éducation – tant au sein du système d’éducation formelle qu’en dehors – et la sensibilisation aux dangers du recours au discours de haine, ainsi que la promotion du respect de la diversité dans la société, sont des outils importants pour la prévention et la lutte contre le discours de haine314. Éducation 297. Les écoles devraient intégrer les comportements en ligne dans leur travail d’éducation à la citoyenneté démocratique315. Ce travail nécessite de renforcer les capacités des enseignants et des éducateurs afin qu’ils puissent assurer l’enseignement nécessaire. Un soutien adéquat devra donc être apporté à la formation et à la production des matériels qui seront utilisés dans le cadre de ces programmes. 298. En Autriche, la liberté d’expression, y compris les restrictions à y apporter, est abordée dans le cadre de l’éducation aux droits de l’homme. Les mesures suivantes ont été prises : ➢ en 2017-2018, sous l’intitulé « Contre la radicalisation et la marginalisation : renforcer la culture démocratique et le courage numérique », le discours de haine en ligne a été abordé et des contre-stratégies ont été élaborées. Ce thème couvrait également le courage civique et les actions solidaires, ainsi que la participation sociale et politique316. ➢ en 2016, plusieurs matériels relatifs aux droits de l’homme (à usage scolaire et extrascolaire) ont été préparés, sur la prévention de la violence et les compétences numériques, ainsi que sur la lutte contre le discours de haine. Par ailleurs, un manuel sur le travail mené dans les écoles depuis 2014 dans le cadre de l’initiative du Conseil de l’Europe « Mouvement contre le discours de haine » a été traduit en allemand. ➢ les orientations « Aktiv gegen Hasspostings » de l’initiative « Safer Internet » ont reçu le soutien du ministère fédéral de l’Education et ont été largement diffusées auprès des écoles. L’un des faits marquants de 2017 a été la réunion du réseau « Prévention et intervention en cas de (cyber)harcèlement » en novembre. L’importance d’une stratégie scolaire globale axée sur le bien- être physique et psychologique ainsi que de l’adhésion à la « CHARTA pour une culture scolaire exempte de violence » y ont été soulignés. 299. L’Espagne a pris part au projet Google : « AGAINST HATE AND RADICALISM #WEAREMORE ». Le projet prévoit des formations pour plus de 28 000 jeunes âgés de 14 à 18 ans et plus de 600 animateurs de groupes de jeunes et éducateurs issus d’associations et d’établissements publics et privés317. 313 Disponible en macédonien, en albanais et en anglais. 314 RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation 4 et son Exposé des motifs §§ 91, 93 et 99 ; Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, principes 61, 73 -74. 315 Voir Connexions – Manuel pour la lutte contre le discours de haine en ligne par l’éducation aux droits de l’homme, publié en soutien au Mouvement contre le discours de haine, campagne de jeunesse du Conseil de l’Europe pour les droits de l’homme en ligne, les jeunes étant directement concernés en tant qu’acteurs et victimes d’atteintes aux droits de l’homme en ligne. Disponible à l’adresse http://www.theewc.org/Content/Library/Research-Development/Project-documents-and-reports/Bookmarks- Combating-hate-speech-online-through-human-rights-education. 316 Voir http://www.politik-lernen.at/site/praxis/workshopreihe2017. 317 Pour plus d’informations, voir http://www.somos-mas.es/. 65 300. En Grèce, un certain nombre de programmes éducatifs, de concours pour étudiants et d’activités d’information encourageant le respect mutuel et la liberté d’expression dans l’enseignement primaire et secondaire, sont menés ou approuvés par le ministère de l’Education. Des cours, notamment de sensibilisation, ont été mis en place à l’intention des enfants de la minorité musulmane de Thrace pour lutter contre le racisme, l’extrémisme et les brimades et promouvoir la tolérance et le respect de la diversité. 301. En Pologne, un site web comportant toutes les informations utiles sur le discours de haine a été créé dans le cadre du programme Citoyens pour la démocratie318. Par ailleurs, le projet « Hate – I'm against » est mis en œuvre en coopération avec le Centre européen Wergeland dans le cadre du programme Citoyens pour la démocratie financé par des fonds de l’Espace économique européen (EEE). Enfin, une campagne de jeunesse du Conseil de l’Europe visant à réduire le niveau d’acceptation du discours de haine a également été menée de 2012 à 2017. 302. La France a adopté plusieurs plans d’action pour sensibiliser les jeunes au discours de haine. La lutte contre le racisme et l’antisémitisme a été désignée « Grande cause nationale » en 2015. 303. Dans le cadre de l’objectif à long terme du gouvernement consistant à faire d’ici 2025 de la Finlande un pays où chacun peut se sentir chez soi, le ministère de l’Éducation et de la Culture a lancé les deux actions et campagnes suivantes : • un plan d’action (« Meaningful in Finland ») en 2016 pour prévenir le discours de haine et le racisme et favoriser l’inclusion sociale. L’un de ses objectifs est d’améliorer les compétences du personnel enseignant et des autres professionnels qui travaillent avec des enfants et des jeunes319. • une campagne « I say NO to hate speech » en octobre 2017320. 304. Pour promouvoir le bien-être et prévenir les brimades et le harcèlement sous toutes ses formes dans la culture scolaire en Finlande : ➢ le programme contre les brimades KiVa a été adopté par tous les établissements de formation d’enseignants. ➢ Kivakoulu (« belle école »), qui reçoit le soutien du ministère de l’Education et de la Culture et vise à réduire le harcèlement à l’école, est employé par près de 90 % des établissements d’enseignement secondaire général (environ 2 500 établissements) et donne de bons résultats. L’Université de Turku assure la coordination et le développement du programme. ➢ le programme Opintokamut (camarades d’étude) financé par le ministère de l’Éducation et de la Culture a pour but de réduire les brimades, d’améliorer les aptitudes personnelles et sociales et les capacités d’apprentissage les jeunes des établissements du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, tout en les motivant et en favorisant leur bien-être. Après une phase pilote en 2016-2017, le programme a été généralisé à tous les établissements du deuxième cycle de l’enseignement secondaire (y compris dans l’enseignement et la formation professionnels) en 2018. ➢ en 2017, l’Agence nationale pour l’éducation a publié un guide complet destiné aux écoles et aux éducateurs sur le renforcement de l’inclusion démocratique et la prévention du discours de haine et du radicalisme violent, qui tient compte des textes internationaux existants comme ceux de l’UNESCO et du Conseil de l’Europe321. Sensibilisation, y compris dialogue interculturel 305. Les initiatives de la société civile sont essentielles pour associer les jeunes à la lutte contre la haine en ligne. Le Mouvement du Conseil de l’Europe contre le discours de haine vise à mobiliser les jeunes pour défendre les droits de l’homme en ligne, par le biais de campagnes nationales contre les propos haineux en ligne. Cette initiative repose sur l’acquisition et le partage de compétences en vue de créer un effet multiplicateur, ainsi que sur l’idée qu’en mettant les jeunes en mesure de travailler ensemble, ils agiront de manière beaucoup plus efficace que chacun de leur côté. 318 Site web : http://www.mowanienawisci.info/. 319 Voir http://julkaisut.valtioneuvosto.fi/bitstream/handle/10024/75432/Meaningful_in_Finland.pdf 320 Voir http://minedu.fi/en/article/-/asset_publisher/sitoudun-torjumaan-vihapuhetta-haastekampanja-alkaa-2-10-. 321 Voir http://www.oph.fi/download/182479_rakentavaa_vuorovaikutusta.pdf. 68 317. En Finlande, le Conseil consultatif pour les relations ethniques (ETNO) est un organe consultatif créé par le gouvernement et placé sous la coordination du ministère de la Justice. Il est chargé des missions suivantes : (1) promouvoir le dialogue entre les minorités ethniques, les pouvoirs publics, les syndicats d’employeurs et de salariés, les ONG et les partis politiques représentés au Parlement, (2) suivre les relations interethniques, promouvoir la participation des migrants et des minorités ethniques, accroître leur sentiment de sécurité et favoriser une vision positive de la diversité, (3) fournir des services d’experts à tous les ministères sur les questions liées aux migrations, à l’intégration et à l’égalité, (4) participer aux travaux de recherche sur les moyens de favoriser l’instauration de bonnes relations, (5) diffuser des informations générales à la société sur les bonnes relations interethniques. Outre son conseil consultatif national, l’ETNO compte sept conseils consultatifs régionaux dans tout le pays, dont la coordination est assurée par les centres régionaux pour le développement économique, le transport et l’environnement. Afin d’encourager un dialogue constructif au niveau régional et local, les conseils régionaux font appel à l’expertise locale, notamment des communautés immigrées, ethniques et/ou religieuses en collaboration avec les acteurs locaux de la fonction publique, au sein des municipalités et de l’administration régionale. L’ETNO organise le forum ETNO, qui est l’un des principaux forums annuels sur les relations interethniques. Il donne des informations et participe au renforcement des capacités des organisations de migrants et organisations ethniques et religieuses. Il publie également des rapports sur les questions liées aux relations interethniques. Ses ambassadeurs de bonne volonté mettent à profit leurs compétences et leur notoriété pour promouvoir de bonnes relations interethniques dans le pays. Le thème annuel pour 2016 était le renforcement du dialogue culturel. L’ETNO s’apprête à reconduire pour un troisième mandat consécutif un groupe de travail sur le dialogue culturel et religieux, dont le but est de promouvoir le dialogue interreligieux et la coopération entre communautés religieuses. 318. Parmi les outils utiles pour mieux comprendre la notion de discours de haine, on peut citer la publication régionale « Autorités de régulation des médias et discours de haine » préparée dans le cadre du projet du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne intitulée « Renforcement de l’expertise judiciaire sur la liberté d’expression et les médias en Europe du Sud-Est (JUFREX) »333. Cette publication comporte des informations théoriques de base sur le discours de haine, la législation applicable dans les pays participants de la région et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que des cas concrets relevant du discours de haine examinés par les autorités de régulation d’Albanie, de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, du Monténégro, de Macédoine du Nord, de Serbie et du Kosovo334. 319. Les ONG, les organismes de promotion de l’égalité et les institutions nationales des droits de l’homme, individuellement ou en coopération les uns avec les autres, peuvent apporter une contribution particulière à la lutte contre le discours de haine335. Ils peuvent jouer un rôle de premier plan dans le développement et la mise en œuvre de politiques qui s’attaquent aux causes profondes de ce phénomène, telles que les inégalités et la discrimination336. 333 Plus de détails disponibles à : https://edoc.coe.int/en/media/7431-media-rgulatory-authorities-and-hate-speech.html 334 Toute référence au Kosovo, qu’il s’agisse de son territoire, de ses institutions ou de sa population, doit être entendue dans le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, sans préjuger du statut du Kosovo. 335 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, principes 67 et 68 ; RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation 4 et Exposé des motifs § 101. 336 European network of equality bodies, The Equinet Perspective ’Extending the Agenda. Equality Bodies addressing Hate Speech’ publié en 2018, Résumé. Peu d’organismes nationaux de promotion de l’égalité sont expressément chargés de couvrir le discours de haine mais bon nombre d’entre eux ont interprété leur mandat de manière à y inclure ces questions. http://www.equineteurope.org/IMG/pdf/hate_speech_perspective_-_web.pdf 69 320. En Lettonie, entre le 1er juillet et le 31 octobre 2014, l’ONG « Centre letton pour les droits de l’homme » a mis en œuvre un projet de renforcement des capacités des ONG à limiter l’incitation à la haine sur Internet, dans le cadre duquel ses experts ont examiné les contenus et commentaires publiés sur les portails d’information Internet, les versions en ligne des journaux et des magazines, ainsi que les réseaux sociaux, pour repérer les contenus haineux, les signaler et tester l’efficacité des différentes méthodes de signalement. 321. En 2017, l’Institut danois des droits de l’homme a préparé un rapport intitulé « Le discours de haine dans le débat public en ligne »337. Ce rapport contenait un certain nombre de recommandations, et notamment la proposition de préparer un plan d’action national axé sur le discours de haine licite et illicite. • Contre-discours 322. Le contre-discours, sous la forme de récits alternatifs, est de plus en plus considéré comme un élément essentiel de la réponse au discours de haine etdevrait notamment insister sur le fait que la diversité est une source d’enrichissement, appeler à la compréhension et au respect mutuels et démontrer à la fois la fausseté des fondements sur lesquels est basé le discours de haine et son inacceptabilité338. Les personnes visées par le discours de haine ont également le droit d’y réagir par un contre-discours339. 323. En Croatie, à l’occasion de la Journée des droits de l’homme 2017, le Bureau des droits de l’homme et des droits des minorités nationales a engagé une campagne de contre-discours en réaction aux autocollants apparus sur plusieurs arrêts de bus, portant un discours de haine ethnique. À la place de l’image d’un arbre du pendu qui y figurait, le Bureau a conçu un autocollant portant un message d’humanité dans la cime des arbres. 324. En République tchèque, le projet « Hate Free Culture » vise notamment à démonter les canulars et à contribuer au débat public par des récits positifs sur des communautés victimes de stéréotypes négatifs. Un autre projet, « Jsme to my » (C’est nous) a été engagé par le Open Society Fund pour améliorer l’image négative des migrants dans l’opinion publique340. 325. En Serbie, deux ONG, la Fédération de la jeunesse de Serbie (KOMS) et l’Institut pour les médias et la diversité – Balkans occidentaux ont organisé des formations à Belgrade en juillet 2017 sur le discours de haine et son rapport avec la liberté d’expression, sur les réactions appropriées à ce phénomène et sur l’élaboration de contre-discours et de récits alternatifs. Ces formations destinées aux éducateurs de jeunes s’inscrivaient dans le cadre de la campagne du Mouvement contre le discours de haine du Conseil de l’Europe. 326. Dans le cadre de la coopération entre les membres de l’Equinet (Réseau européen des organismes de promotion de l’égalité) pour combattre le discours de haine au niveau national et européen, l’accent est mis en particulier sur la communication contre le discours de haine (en l’occurrence sur les médias sociaux) et sur la création d’un contre-discours pour renforcer les valeurs d’égalité et de non-discrimination341. Les organismes de promotion de l’égalité travaillent également en coopération avec Facebook et Twitter pour l’élaboration de leurs politiques contre le discours de haine, le racisme et la misogynie. 337 Le rapport en danois comporte un résumé en anglais qui peut être consulté à l’adresse https://menneskeret.dk/sites/menneskeret.dk/files/media/dokumenter/udgivelser/ligebehandling_2017/rapport_hadefulde_ytringer _online_2017.pdf 338 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, préambule ; RPG n° 15 de l’ECRI, Recommandation et son Exposé des motifs §§ 88 et 90. 339 RPG n° 15 de l’ECRI, Exposé des motifs § 92. 340 Voir http://jsmetomy.cz/kdo-jsou-uprchlici-a-kdo-jsme-my-odpovedi-hledame-v-kampani-jsme-to-my/ 341 The Equinet Perspective Extending the Agenda. Equality Bodies addressing Hate Speech ; disponible à l’adresse http://www.equineteurope.org/IMG/pdf/hate_speech_perspective_-_web.pdf 70 V. RAPPORT ENTRE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’AUTRES DROITS DE L’HOMME 327. Nombre des paragraphes précédents énoncent des principes généraux concernant le champ d’application de la liberté d’expression et les restrictions dont elle peut faire l’objet. La partie qui suit examinera plus en détail les questions et problématiques qui se posent dans la relation entre la liberté d’expression et d’autres droits de l’homme, ainsi que le juste équilibre à ménager entre ces différents droits. 328. Les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés342 et toutes les personnes devraient en jouir sans discrimination343. Eu égard à la diversité croissante des sociétés européennes, il faut s’appliquer à trouver un juste équilibre entre les intérêts contradictoires qui peuvent découler de l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales344. En l’occurrence, la liberté d’expression est nécessaire à l’exercice et à la jouissance d’un large éventail d’autres droits de l’homme, et notamment le droit de participer à la vie culturelle, le droit de vote et tous les autres droits politiques ayant trait à la participation aux affaires publiques345. Cependant, l’exercice du droit à la liberté d’expression comporte des responsabilités et des devoirs spéciaux ; il peut donc être soumis à certaines restrictions. Une attention particulière devra être portée au lien entre la liberté d’expression et (1) le droit au respect de la vie privée, (2) la liberté de pensée, de conscience et de religion, (3) la liberté de réunion et d’association et (4) l’interdiction de la discrimination346. A. Liberté d’expression et droit au respect de la vie privée 329. L’une des situations les plus évidentes nécessitant de ménager un juste équilibre entre le droit à la liberté d’expression et d’autres droits s’observe lorsque l’exercice de cette liberté par une personne porte atteinte au droit d’une autre personne au respect de sa vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme347. 330. La protection de la réputation d’autrui reste l’un des motifs les plus courants de restriction de la liberté d’expression348. Le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire349 ont tous deux instamment invité les États membres à veiller à ce que les lois sur la diffamation soient assorties de garanties de la liberté d’expression, conformément au principe de proportionnalité et aux normes européennes et internationales en matière de droits de l’homme. Le Commissaire aux droits de l’homme a également souligné que la liberté d’expression doit être garantie de manière plus effective dans les poursuites pénales pour diffamation et s’est élevé contre la sanction de la diffamation par l’emprisonnement350. L’imposition de dommages-intérêts disproportionnés et de peines d’emprisonnement peut avoir un effet dissuasif important sur les journalistes351. 331. La Cour considère dans sa jurisprudence constante que le droit à la protection de la réputation et de l’honneur relève, en tant qu’élément de la vie privée, de l’article 8 de la Convention352. Elle a énoncé un certain nombre de principes pour la mise en balance du droit à la liberté d’expression et du droit au respect de la vie privée353. Tout d’abord, la Cour a noté que pour que l’État ait une obligation de 342 Organisation des Nations Unies, Déclaration et programme d’action de Vienne, adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme à Vienne le 25 juin 1993, I.5. 343 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, Préambule, considérant 4. 344 Ibid., principe 5. 345 Ibid., principe 19. 346 Ibid., principes 8 et 27. 347 Voir les Lignes directrices sur la protection de la vie privée dans les médias, approuvées conjointement en juin 2018 par le CDMSI et le Comité de la Convention 108 (Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des données à caractère personnel), disponibles à l’adresse https://rm.coe.int/guidelines-on-safeguarding-privacy-in-the-media-additions-after-adopti/16808d05a0 348 Étude sur l’harmonisation des lois relatives à la diffamation avec la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment sous l’angle de la dépénalisation de la diffamation (2005) ; Étude sur l’harmonisation des législations et pratiques relatives à la diffamation avec la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression, notamment sous l’angle du principe de la proportionnalité (2012), préparée par le CDMSI. 349 Résolution 1577 (2007) de l’APCE « Vers une dépénalisation de la diffamation » et Recommandation correspondante 1814 (2007), adoptées toutes deux le 4 octobre 2007. 350 Quatrième rapport annuel du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit en Europe, Populisme – Le système de contre-pouvoirs est-il suffisamment puissant en Europe ? p. 37. 351 Publication par le Conseil de l’Europe de l’étude « Liberté d’expression et diffamation. Étude de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme » (2016), Tarlach McGonagle en collaboration avec Marie McGonagle et Ronan Ó Fathaigh. 352 A. c. Norvège (requête n° 28070/06), arrêt du 9 avril 2009, § 64 ; Delfi AS c. Estonie, op. cit., § 137. 353 Voir aussi la Fiche thématique sur la protection de la réputation, disponible à l’adresse https://www.echr.coe.int/Documents/FS_Reputation_ENG.pdf 73 341. Dans la plupart des États membres, le droit à la protection de la réputation, de l’honneur et de la vie privée est protégé en droit civil et/ou pénal ; en général, les infractions pénales d’injure ou de diffamation sont passibles d’une amende. B. Liberté d’expression et liberté de pensée, de conscience et de religion 342. La diversité culturelle des sociétés modernes appelle une nouvelle éthique des relations interculturelles en Europe et dans le monde, impliquant l’exercice responsable du droit à la liberté d’expression guidé par le respect des convictions et croyances religieuses d’autrui368. L’exercice responsable du droit à la liberté d’expression ne doit pas dépasser les limites de la critique acceptable, telles qu’établies par la Cour européenne des droits de l’homme369. 343. Dans le cas d’attaques contre des croyances religieuses, les intérêts contradictoires en jeu seront d’une part, le droit du requérant de communiquer ses idées ou convictions religieuses au public et d’autre part, le droit d’autres personnes au respect de leur liberté de pensée, de conscience et de religion370. La question qui pourrait se poser ici serait de savoir dans quelle mesure les pouvoirs publics peuvent agir contre la liberté d’expression pour protéger la sensibilité religieuse des adeptes d’une confession donnée en empêchant ou en sanctionnant la diffusion de matériels injurieux ou offensants susceptibles de dissuader les adeptes de pratiquer ou de professer leur foi en les tournant en dérision371. Il ne faut pas oublier que la liberté d’expression garantie par l’article 10 vaut également pour les idées qui « heurtent, choquent ou inquiètent ». Par ailleurs, le maintien d’une société pluraliste exige des adeptes d’une confession qu’ils acceptent que leurs convictions puissent faire l’objet de critiques et que les idées qui contestent directement leurs croyances soient diffusées372. Il convient également de rappeler qu’historiquement, les débuts de la liberté d’expression ou même des droits de l’homme en général sont à trouver dans la critique des dogmes religieux. D’un autre côté, quiconque exerce son droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 10 a également des devoirs et des responsabilités, parmi lesquels l’obligation d’assurer la jouissance paisible des droits d’autrui, par exemple ceux garantis à l’article 9 de la Convention373. 344. Il n’appartient pas exclusivement ni même en premier lieu aux tribunaux de déterminer le juste équilibre entre la liberté de religion et la liberté d’expression ; c’est à la société dans son ensemble d’y parvenir, en organisant des débats fondés sur la raison et impliquant tous les groupes de la société, y compris les croyants et les non-croyants374. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne promeuvent le dialogue interculturel dans le cadre de leurs politiques et programmes du secteur de la jeunesse, ainsi que dans d’autres domaines comme l’éducation, le multilinguisme, la culture et l’intégration. Au Conseil de l’Europe, le dialogue interculturel est défini comme « un processus d’échange de vues ouvert et respectueux entre des personnes et des groupes de différentes origines et traditions ethniques, culturelles, religieuses et linguistiques, dans un esprit de compréhension et de respect mutuels. Il s’exerce à tous les niveaux – au sein des sociétés, entre les sociétés européennes et entre l’Europe et le reste du monde375 ». Le Livre blanc sur le dialogue interculturel « Vivre ensemble dans l’égale dignité », lancé par le Conseil de l’Europe en 2008, donne des orientations sur la manière de gérer la diversité culturelle grandissante en Europe – ancrée dans l’histoire de notre continent et amplifiée par la mondialisation. Il affirme que notre avenir commun dépend de notre capacité à protéger et développer les droits de l’homme, tels qu’entérinés dans la Convention européenne des droits de l’Homme, la démocratie et la primauté du droit et à promouvoir la compréhension mutuelle. 368 Rapport CDL-AD(2008)026 sur les relations entre liberté d’expression et liberté de religion : Réglementation et répression du blasphème, de l’injure à caractère religieux et de l’incitation à la haine religieuse, adopté par la Commission de Venise lors de sa 76e session plénière (Venise, 17-18 octobre 2008), § 95 369 Ibid. 370 Otto-Preminger-Institut c. Autriche (requête n° 13470/87), arrêt du 20 septembre 1994, § 55-56. 371 Ibid. ; Wingrove c. Royaume-Uni, arrêt du 25 novembre 1996, § 60. 372 Otto-Preminger-Institut c. Autriche, § 47 ; Klein c. Slovaquie, arrêt du 31 octobre 2006, § 47. 373 Otto-Preminger-Institut c. Autriche, § 47, 55-56 ; Klein c. Slovaquie, arrêt du 31 octobre 2006, § 47. 374 Commission de Venise, Rapport CDL-AD(2008)026 sur les relations entre liberté d’expression et liberté de religion : Réglementation et répression du blasphème, de l’injure à caractère religieux et de l’incitation à la haine religieuse, op. cit., § 94. 375 Livre blanc sur le dialogue interculturel « Vivre ensemble dans l’égale dignité » lancé par les ministres des Affaires étrangères du Conseil de l’Europe à leur 118e session ministérielle (Strasbourg, 7 mai 2008). 74 345. Depuis 2008, le Conseil de l’Europe organise des Échanges sur la dimension religieuse du dialogue interculturel avec la participation de représentants des communautés religieuses, de convictions non religieuses, d’ONG et d’autres acteurs de la société civile, ainsi que de représentants des gouvernements des États membres. En 2017, l’échange portait sur le thème « Migrants et réfugiés : défis et opportunités – quel rôle pour les groupes religieux et non religieux ? » 346. Conformément à sa mission publique principale, la société autrichienne de radiodiffusion doit prendre dûment en considération l’importance des églises et communautés religieuses reconnues par la loi. 347. En Macédoine du Nord, des conférences mondiales sur le dialogue interreligieux et intercivilisationnel sont organisées tous les trois ans depuis 2007 avec le soutien de l’UNESCO. En 2010, l’Échange du Conseil de l’Europe sur la dimension religieuse du dialogue interculturel consacré au rôle des médias dans la promotion du dialogue interculturel, de la tolérance et de la compréhension mutuelle : liberté d’expression des médias et respect de la diversité culturelle et religieuse s’est tenu à Ohrid. • Intérêts concurrents de la liberté d’expression et de la liberté de pensée, de conscience et de religion 348. La liberté d’expression et la liberté de pensée, de conscience et de religion sont des droits étroitement liés376. L’interaction entre elles apparaît en général dans deux situations : d’une part, lorsqu’il y a conflit entre ces deux libertés et que la protection des libertés consacrées par l’article 9 de la Convention entre dans le cadre de la « protection des droits d’autrui », qui constitue un but légitime de restriction de la liberté d’expression, et d’autre part, lorsque l’exercice de la liberté d’expression découle de la liberté de pensée, de conscience et de religion, par exemple quand une personne ou un groupe de personnes souhaitent transmettre leurs idées et opinions religieuses d’une manière qui ne relève pas de la « manifestation » de la conviction au sens de l’article 9 de la Convention. 349. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention, la liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui offensent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Cela dit, quiconque exerce les droits et libertés consacrés au premier paragraphe de cet article assume également des « devoirs et des responsabilités » au sens du second paragraphe. Parmi eux – dans le contexte des opinions et croyances religieuses – peut légitimement être comprise une obligation d’éviter autant que faire se peut des expressions qui sont gratuitement offensantes pour autrui et constituent donc une atteinte à ses droits et qui, dès lors, ne contribuent à aucune forme de débat public capable de favoriser le progrès dans les affaires du genre humain377. En effet, la Cour a considéré que pour protéger la paix religieuse, les États doivent empêcher que certains se sentent attaqués dans leurs sentiments religieux de manière injustifiée et offensante378. 350. La Cour a indiqué très clairement que le discours de haine, notamment à l’égard d’un groupe religieux379, ne bénéficie pas de la protection de l’article 10 de la Convention. Elle a également reconnu que « ceux qui choisissent d’exercer la liberté de manifester leur religion, qu’ils appartiennent à une majorité ou à une minorité religieuse, ne peuvent raisonnablement s’attendre à le faire à l’abri de toute critique. Ils doivent tolérer et accepter le rejet par autrui de leurs croyances religieuses et même la propagation par autrui de doctrines hostiles à leur foi »380. 351. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose à l’article 20(2), que tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi. 376 A/HRC/31/18 Rapport du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction (Deux droits étroitement liés : liberté de religion ou de conviction et liberté d’opinion et d’expression) 377 Otto-Preminger-Institut c. Autriche, op. cit., § 49. 378 Ibid., § 56. Voir aussi E.S. c. Autriche (requête n° 38450/12), arrêt de la Grande Chambre du 25 octobre 2018, § 53. 379 Norwood c. Royaume-Uni (requête n° 23131/03), décision sur la recevabilité du 16 novembre 2004. 380 Otto-Preminger-Institut c. Autriche, op. cit., § 47 ; Klein c. Slovaquie (requête n° 72208/01), arrêt du 21 octobre 2006. 75 352. En Espagne, le ministère de la Justice met en œuvre des actions spécifiques comme un concours sur les bonnes pratiques locales en matière de gestion de la diversité religieuse ou encore des formations et des activités de sensibilisation axées sur la lutte contre l’intolérance religieuse. • Symboles religieux dans l’espace public 353. La diversité culturelle accrue suscite d’intenses débats dans de nombreux pays européens sur l’affichage de symboles religieux en public381, comme la burqa et le niqab. La Cour européenne des droits de l’homme a rendu plusieurs arrêts dans des affaires portant sur des restrictions au port de tenues ou d’autres signes ostensibles d’appartenance religieuse. Elle y accorde une grande importance à la manière dont les autorités nationales ont pris leurs décisions. Leur adhésion réelle et de bonne foi aux principes inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme est un facteur significatif dans l’appréciation de la Cour. La compatibilité des restrictions avec l’article 9 dépendra des motifs invoqués pour les justifier, de la proportionnalité de l’ingérence et de la question de savoir si un juste équilibre a été ménagé. 354. L’appréciation des motifs de la restriction doit se faire dans chaque cas en tenant compte des circonstances particulières. Dans l’affaire Ahmet Arslan et autres c. Turquie382, la Cour a conclu à une violation de l’article 9, considérant en particulier que rien ne permettait de démontrer que les requérants représentaient une menace pour l’ordre public ou aient fait acte de prosélytisme en exerçant des pressions abusives sur les passants lors de leur rassemblement. La Cour a souligné que contrairement à d’autres affaires, celle-ci concernait une sanction pour le port d’une tenue vestimentaire particulière dans des lieux publics ouverts à tous, et non la réglementation du port de symboles religieux dans les établissements publics, où la neutralité religieuse peut primer sur le droit de manifester sa religion383. Dans S.A.S. c. France384, qui concernait l’interdiction du port du voile, la Cour a dit que la France disposait en l’espèce d’une ample marge d’appréciation, d’autant plus qu’il n’y avait pas de communauté de vues entre les États membres du Conseil de l’Europe sur la question du port du voile intégral dans l’espace public. La Cour a observé qu’il n’y avait pas de consensus européen contre l’interdiction. Par conséquent, l’interdiction litigieuse pouvait passer pour proportionnée au but poursuivi, à savoir la préservation des conditions du « vivre ensemble » en tant qu’élément de la « protection des droits et libertés d’autrui »385. 355. La Cour a également examiné un certain nombre d’affaires sur le port de symboles religieux dans les écoles et autres établissements d’enseignement, à la fois par les élèves et étudiants386 et par les enseignants387. Dans l’affaire Leyla Şahin c. Turquie388, la Grande Chambre a rappelé l’ample marge d’appréciation qu’elle accorde aux États en la matière389. 356. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt conjoint sur l’interprétation de la Directive de l’UE sur l’égalité de traitement390 dans deux affaires concernant391 une Française et une Belge qui avaient été licenciées pour avoir refusé de retirer leur voile. Dans les deux cas, la CJUE a adopté une interprétation large du critère de protection concernant la « religion ou [les] convictions » conformément à la liberté de pensée, de conscience et de religion consacrée par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de 381 Lautsi et autres c. Italy (requête n° 30814/06), Arrêt de Grande Chambre du 18 mars 2011 concernant la présence de crucifix en les écoles publiques. 382 Ahmet Arslan et autres c. Turquie (requête n° 41135/98), arrêt du 23 février 2010. 383 Ibid. § 50-52. 384 SAS c. France (requête n° 43835/11), arrêt de la Grande Chambre du 1er juillet 2014. 385 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, principe 7. Voir aussi le Manuel sur le port des symboles religieux dans les lieux publics, Malcolm D. Evans, op. cit. 386 Voir par exemple Kervanci c. France (requête n° 31645/04), arrêt du 4 décembre 2008 ; Aktas c. France (requête n° 43563/08), décision du 30 juin 2009 ; Ranjit Singh c. France (requête n° 27561/08), décision du 30 juin 2009. 387 Voir par exemple Dahlab c. Suisse (requête n° 42393/98), décision du 15 février 2001. 388 Leyla Şahin c. Turquie (requête n° 44774/98), arrêt de la Grande Chambre du 10 novembre 2005, § 115-116. Voir aussi Kose et autres c. Turquie (requête n° 26625/02), décision du 24 janvier 2006. 389 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, principe 15. Voir aussi Lautsi et autres c. Italie (requête n° 30814/06), arrêt de la Grande Chambre du 18 mars 2011. 390 Directive (2000/78/CE) du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000 L 303, p. 16). 391 Affaires C-157/15, Samira Achbita, Centrum voor gelijkheid van kansen en voor racismebestrijding c. G4S Secure Solutions NV et 188/15 Bougnaoui et Association de défense des droits de l’homme (ADDH) c. Micropole Univers, CJUE du 14 mars 2017. 78 366. La Recommandation CM/Rec(2014)7 du Comité des Ministres aux États membres sur la protection des lanceurs d’alerte400 énonce une série de principes destinés à guider les États membres lorsqu’ils passent en revue leurs législations nationales ou lorsqu’ils adoptent ou modifient les mesures législatives et réglementaires qui peuvent être nécessaires et appropriées dans le cadre de leur système juridique. Elle souligne que les cadres nationaux devraient favoriser un environnement qui encourage à faire ouvertement tout signalement ou toute révélation d’informations. Nu ne devrait éprouver de crainte de soulever librement des préoccupations d’intérêt général. 367. La Directive de l’Union européenne (UE) 2016/943401 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites souligne qu’il est essentiel que l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information – qui englobe la liberté et le pluralisme des médias – ne soit pas restreint, notamment en ce qui concerne le journalisme d’investigation et la protection des sources des journalistes. Les mesures, procédures et réparations prévues par la directive ne devraient pas entraver les activités des lanceurs d’alertes. La protection des secrets d’affaires ne devrait dès lors pas s’étendre aux cas où la divulgation d’un secret d’affaires sert l’intérêt public dans la mesure où elle permet de révéler une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale directement pertinents. 368. La proposition de Directive UE du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes dénonçant les infractions au droit de l’Union vise à garantir un niveau de protection élevé aux lanceurs d’alerte qui signalent des violations du droit de l’UE, en fixant de nouvelles normes applicables à l’échelle de l’Union. Le texte prévoit la mise en place de canaux sûrs permettant les signalements tant au sein d’une organisation qu’auprès des pouvoirs publics. Il protège également les lanceurs d’alerte contre le licenciement, la rétrogradation et d’autres formes de représailles et exige des autorités nationales qu’elles informent les citoyens et assurent la formation des pouvoirs publics à l’accompagnement des lanceurs d’alerte402. 369. Plusieurs États membres ont récemment adopté une législation spéciale ou d’autres dispositions visant à protéger les lanceurs d’alerte. La Géorgie, par exemple, a pris plusieurs mesures pour donner des garanties supplémentaires aux lanceurs d’alerte : les règles de protection des lanceurs d’alerte ne se limitent pas aux actuels ou anciens fonctionnaires : elles ont été étendues à toute personne ne relevant pas du secteur public. En Géorgie comme en Hongrie, le signalement peut également être fait par voie électronique ; en Hongrie, le Commissaire aux droits fondamentaux est chargé de protéger efficacement les lanceurs d’alerte. En 2016, les Pays-Bas ont créé par la voie législative une maison indépendante pour les lanceurs d’alerte. 370. Dans le cadre de la transposition de la Directive européenne 2016/943/UE, l’Allemagne introduira des amendements à sa législation nationale précisant que la divulgation de secrets d’affaires est légale si elle vise à révéler une faute professionnelle ou autre ou une activité illégale, dans le but de protéger l’intérêt public général. 371. En 2017, le gouvernement norvégien a adopté un Code d’éthique révisé pour la fonction publique. La restriction du droit à la liberté d’expression lorsque les fonctionnaires expriment des opinions personnelles dans leur domaine professionnel a suscité une intense polémique. Le Code révisé souligne le caractère fondamental de la liberté d’expression dans une démocratie et le fait que le devoir de loyauté des fonctionnaires vaut également à l’égard de la société dans son ensemble. La partie du Code consacrée à la protection des lanceurs d’alerte a été révisée pour renforcer la protection des salariés et souligner la complémentarité des règles générales relatives à la liberté d’expression et des règles spécifiques relatives à la protection des lanceurs d’alerte. 372. Faisant suite aux recommandations de la Commission danoise sur la liberté d’expression des employés publics et les systèmes d’alerte, le ministère de la Justice a publié en octobre 2016 un guide sur la liberté d’expression des employés publics, complété en octobre 2017 par une formation en ligne à ce sujet. Leur but est d’accroître la participation des employés publics au débat public et à promouvoir la transparence et le débat autour des conditions de travail dans le secteur public. 400 CM/Rec(2014)7 du Comité des Ministres aux États membres sur la protection des lanceurs d’alerte, adoptée par le Comité des Ministres le 30 avril 2014 lors de la 1198e réunion des Délégués des Ministres. 401 Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites, 15 juin 2016, JO L 157/1 (19) et (20). 402 La proposition de Directive peut être consultée à l’adresse https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/initiatives/com-2018-218_en. 79 373. En France, la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique403 – dite Loi Sapin II – a créé un statut général et protecteur des lanceurs d’alerte. L’article 8-III de cette même loi fait obligation aux employeurs personnes morales de droit public ou de droit privé d’au moins 50 salariés, les administrations de l’Etat, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale dont elles sont membres, les départements et les régions, de mettre en place des procédures de recueil des alertes émises par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs. • Blasphème, insultes à caractère religieux et incitation à la haine religieuse 374. Les expressions blasphématoires à l’égard d’objets de vénération peuvent être offensantes pour les croyances et convictions religieuses personnelles404. Cela dit, comme il n’est pas possible de discerner à travers l’Europe une conception uniforme de la signification de la religion dans la société, il n’est pas possible d’arriver à une définition exhaustive de ce qui constitue une atteinte admissible au droit à la liberté d’expression lorsque celui-ci s’exerce contre les sentiments religieux d’autrui. Dès lors, les autorités nationales doivent disposer d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer la nécessité et l’étendue de pareille ingérence405. 375. On peut légitimement estimer que le respect des sentiments religieux des croyants a été violé par des représentations provocatrices d’objets de vénération religieuse ou des attaques offensantes contre les principes et des dogmes religieux ; de telles représentations peuvent passer pour une violation malveillante de l’esprit de tolérance, qui doit aussi caractériser une société démocratique406. 376. Dans sa Recommandation 1805(2007) Blasphème, insultes à caractère religieux et incitation à la haine contre des personnes au motif de leur religion, l’APCE considère que les législations nationales ne doivent sanctionner que les discours sur les religions qui troublent intentionnellement et gravement l’ordre public, et appellent à la violence publique407. 377. Dans son Rapport sur les relations entre liberté d’expression et liberté de religion : réglementation et répression du blasphème, de l’injure à caractère religieux et de l’incitation à la haine religieuse, la Commission de Venise conclut en particulier que les sanctions pénales ne sont appropriées que pour que l’incitation à la haine, y compris la haine religieuse, qu’il n’est pas nécessaire ni souhaitable de créer une infraction d’injure religieuse en l’absence de l’élément essentiel de l’incitation à la haine, et que l’infraction de blasphème devrait être abolie408. 378. Dans la plupart des États membres, le blasphème n’est pas en tant que tel une infraction pénale. Contrairement aux attaques contre Dieu, la religion, l’Église ou les institutions religieuses, les attaques contre les croyants sont souvent érigées en infraction pénale pour protéger les droits d’autrui et préserver la paix religieuse et l’ordre public409. 379. La législation française donne la priorité à la liberté d’expression lorsqu’il s’agit de promouvoir le débat d’idées et d’opinions autour des religions. Elle protège néanmoins les croyants contre toute incitation à la haine, à la discrimination ou à la violence. Par conséquent, conformément à la jurisprudence de la Cour, la liberté d’expression n’est limitée dans ce domaine particulier que lorsqu’elle tend vers le discours de haine ou l’incitation à la discrimination. Des règles similaires existent en Norvège. 403 Loi « Sapin 2 » n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – Loi Sapin II. 404 Harris, O’Boyle et Warbick, Law of the European Convention on Human Rights, troisième édition, Oxford University Press 2014, p. 669. 405 Otto-Preminger-Institut c. Autriche, op. cit., § 50. Voir également les Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, principe 15. 406 Otto-Preminger-Institut c. Autriche, op. cit., § 47. Voir aussi E.S. c. Autriche, op. cit. 407 Recommandation 1805 (2007) de l’APCE, Blasphème, insultes à caractère religieux et incitation à la haine contre des personnes au motif de leur religion, adoptée le 29 juin 2007 408 Rapport CDL-AD(2008)026 sur les relations entre liberté d’expression et liberté de religion : Réglementation et répression du blasphème, de l’injure à caractère religieux et de l’incitation à la haine religieuse, adopté par la Commission de Venise lors de sa 76e session plénière (Venise, 17-18 octobre 2008), § 89-90. 409 Membres de la Congrégation des Témoins de Jéhovah de Gldani et autres c. Géorgie (requête n° 71156/01), arrêt du 3 mai 2007. 80 380. En Allemagne, outre la catégorie générale des crimes racistes et xénophobes, qui couvre également les infractions commises contre des personnes en raison de leur religion, le Code pénal contient des dispositions sur les infractions spécifiques de diffamation à l’encontre de religions, d’associations religieuses et idéologiques et de perturbation de l’exercice de la religion. Ces dispositions visent principalement à assurer la sécurité publique et la confiance de la population dans la sécurité juridique. 381. En Pologne, l’offense aux sentiments religieux d’autrui par l’outrage public à un objet du culte religieux ou à un lieu affecté à la célébration publique de cérémonies ou de rites religieux peut être sanctionnée pénalement. 382. En 2017, le Parlement danois a décidé de supprimer l’article 140 du Code pénal danois qui portait sur certaines formes d’outrage ou de moquerie à l’encontre de symboles religieux (blasphème). Cela dit, d’autres dispositions du Code pénal peuvent, selon les circonstances, s’appliquer à la diffamation des symboles religieux, par exemple : les dispositions sur les actes graves de vandalisme, le racisme, la diffamation, le discours de haine et la perturbation d’un service ou d’une autre cérémonie publique de l’église, etc. C. Liberté d’expression et liberté de réunion et d’association 383. Le but de la liberté de réunion pacifique et de la liberté d’association protégées par l’article 11 de la Convention est de permettre aux individus et aux groupes de se réunir pour affronter et résoudre collectivement les défis et les questions qui sont importants pour la société ; lorsque ces intérêts sont politiques au sens le plus large du terme, les libertés énoncées à l’article 11 sont essentielles au bon fonctionnement d’un système démocratique et pluraliste410. La Cour considère que la protection des opinions personnelles, assurée par l’article 10, compte parmi les objectifs de la liberté de réunion pacifique telle que la consacre l’article 11411. 384. Au Danemark, par exemple, les ONG jouent un rôle important dans le processus politique et contribuent par leur travail à donner plus de poids aux groupes et aux intérêts marginalisés. Lorsque des consultations sont organisées sur les projets de loi, elles y sont souvent associées et peuvent ainsi avoir une influence sur le contenu des réglementations. 385. Plusieurs documents officiels, déclarations et lignes directrices mettent en garde contre les restrictions injustifiées à l’exercice de la liberté d’expression et de réunion en situation de crise, notamment dans le cadre des mesures prises par les États pour lutter contre le terrorisme412. La Cour a jugé « inacceptable sous l’angle de l’article 11 de la Convention qu’une ingérence dans le droit à la liberté de réunion pacifique puisse être justifiée par le seul point de vue des autorités sur le bien-fondé d’une contestation donnée »413. Au contraire, les États sont tenus de créer un environnement favorable aux rassemblements pacifiques414. 386. Dans la plupart des États membres, les réunions, manifestations et rassemblements organisés dans les lieux publics doivent faire l’objet d’une déclaration ou d’un enregistrement préalable (et non d’une approbation) qui vise uniquement à assurer la protection (policière) nécessaire ; des exceptions sont possibles en cas de rassemblements spontanés. Ces événements ne peuvent être interdits que s’ils appellent, entre autres, à la désobéissance, à la guerre, à la violence, à la haine nationale, raciale ou religieuse, ou s’ils portent atteinte à la sûreté ou à la sécurité publique. L’ingérence d’un État dans le droit à la liberté de réunion peut généralement être contestée devant les tribunaux415. 410 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, principe 23. 411 Ezelin c. France (requête n° 11800/85), arrêt du 26 avril 1991, § 37. 412 Voir en particulier la Déclaration de Berlin de 2004 de la Commission internationale de juristes relative à la défense des droits de l’homme et de l’état de droit dans la lutte contre le terrorisme ; la Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU adoptée par les États membres le 8 septembre 2006 ; les Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la protection de la liberté d’expression et d’information en temps de crise, 26 septembre 2007 et le manuel de l’OSCE Lutte contre le terrorisme, protection des droits de l’homme, 2007. 413 Hyde Park et autres c. Moldova (n° 1) (requête n° 33482/06), arrêt du 31 mars 2009, § 26. 414 Quatrième rapport annuel du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe Populisme – le système de contre-pouvoirs est-il suffisamment puissant en Europe ? cité ci-dessus, Chapitre 3, Introduction 415 Voir BIDDH/OSCE – Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, adoptées le 4 juin 2010 ; BIDDH/OSCE, Handbook on Monitoring Freedom of Peaceful Assembly et Human Rights Training Guide to Policing Assemblies. 83 racistes430, La Cour a conclu à une non-violation de l’article 10. Par ailleurs, l’article 17 sur l’interdiction de l’abus de droit exclut de la protection de la Convention les commentaires et déclarations qui relèvent du discours de haine et nient les valeurs fondamentales de la Convention (voir Partie II ci-dessus - Domaine d'intérêt spécifique : LE DISCOURS DE HAINE, §240). 401. Pour aider les États membres à construire des sociétés inclusives qui respectent la différence tout en protégeant les droits et libertés fondamentaux, le Comité des Ministres a adopté les Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses. Celles-ci rappellent que le pluralisme repose sur la reconnaissance et le respect véritables de la diversité et de la dynamique des traditions culturelles, des identités ethniques et culturelles, des convictions religieuses et autres, et des idées, œuvres et concepts artistiques, littéraires et socio-économiques431. Le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture peuvent toutefois ne pas suffire : il convient de prendre des mesures proactives, structurées et largement partagées visant à gérer la diversité culturelle. Le dialogue interculturel est un instrument essentiel à cet égard, sans lequel il sera difficile de préserver la liberté et le bien-être de tous les individus vivant sur notre continent432 (sur la question du dialogue interculturel, voir également le point B. ci-dessus, « Liberté d’expression et liberté de pensée, de conscience et de religion »). 402. La plupart des États membres disposent d’une législation spéciale sur l’égalité de traitement ou sur la lutte contre la discrimination, qui interdit toute forme de discrimination ; parfois, cette législation établit une entité ou une institution étatique chargée de la lutte contre la discrimination (c’est le cas notamment en Allemagne, en République de Moldova et en Turquie). Des plans d’action ou stratégies nationaux de lutte contre le racisme et la discrimination ou de promotion de la diversité sont souvent adoptés (notamment en Croatie, en Allemagne, en Géorgie, en République de Moldova et aux Pays-Bas). Le suivi de la mise en œuvre de la législation anti-discrimination peut également être confié au défenseur public ou à l’ombudsman, habilités à examiner les plaintes individuelles (Géorgie, Grèce entre autres). 403. En Finlande, une nouvelle législation contre la discrimination est entrée en vigueur en 2015 ; elle renforce la protection juridique des victimes de discrimination, élargit le champ des interdictions de la discrimination et étend les obligations à la promotion de l’égalité433. Elle impose aux autorités, aux employeurs et aux prestataires de services éducatifs et de formation de mesurer et de promouvoir l’égalité. La loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes interdit la discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre et l’expression du genre. Les employeurs qui occupent régulièrement plus de 30 personnes, les organisateurs de formations et les autorités sont tenus de mettre en place un plan pour l’égalité couvrant tous les motifs de discrimination. Equality planning est une plateforme qui vise à promouvoir la diversité et les actions positives en faveur des groupes de la société qui ont besoin d’un traitement particulier. Le ministère de la Justice a publié des informations en ligne sur les études d’impact relatives à l’égalité et la planification de l’égalité, a organisé des formations et des ateliers sur la planification de l’égalité et a produit différents types de matériels de sensibilisation à l’égalité et à la non-discrimination434. 404. En Finlande, le ministère de la Justice gère un système national de surveillance de la discrimination qui consiste en : (1) la collecte de données et d’études récentes sur la discrimination, et leur publication sur un site web spécifique, (2) une étude annuelle sur la discrimination et (3) un rapport sur la discrimination en Finlande publié tous les 4 ans (durée d’une législature). Le dernier rapport en date sur la discrimination en Finlande a été publié en décembre 2017435. 430 Glimmerveen et Hagenbeek c. Pays-Bas (requêtes n° 8348/78 et 8406/78), décision de la Commission sur la recevabilité du 11 octobre 1979. 431 Gorzelik et autres c. Pologne [GC], n° 44158/98, 17 février 2004, § 92. 432 Livre blanc sur le dialogue interculturel « Vivre ensemble dans l’égale dignité » lancé par les ministres des Affaires étrangères du Conseil de l’Europe à leur 118e session ministérielle (Strasbourg, 7 mai 2008), 2.1. 433 www.syrjintatieto.fi en finlandais. 434 http://yhdenvertaisuus.finlex.fi/en/ 435 Les rapports sur la discrimination en Finlande peuvent être consultés à l’adresse www.dataondiscrimination.fi. 84 405. Dans la région flamande (Belgique), le projet « Pacte d’intégration » (2017-2019) est un partenariat entre un organisme représentant les organisations ethno-culturelles en Flandre et à Bruxelles et les pouvoirs publics, les employeurs, les syndicats, les acteurs de l’éducation et les médias, qui vise à mettre en place des initiatives et à obtenir un large soutien public en faveur de la lutte contre la discrimination et la promotion du respect mutuel. 406. La République de Moldova a introduit une nouvelle infraction administrative de violation de l’égalité au travail. 407. En Estonie, la Charte de la diversité mise en place par l’Université de technologie de Tallinn en 2012 est un engagement volontaire qui peut être signé par toute entreprise, institution publique ou organisation de la société civile favorisant un environnement de travail sans discrimination et œuvrant pour la diversité. Elle met à la disposition de ses membres (aujourd’hui au nombre de 80) une plateforme d’apprentissage par les experts et par les pairs, de partage de bonnes pratiques et de promotion de la diversité et de l’inclusion ; une collaboration dans le cadre d’autres chartes de la diversité est également assurée au sein de la plateforme de l’UE des chartes de la diversité. Un projet sur 5 ans, «la diversité, une richesse (Diversity enriches) », a été mené pour sensibiliser à l’égalité de traitement et à la lutte contre l’intolérance. 408. En France, un stage de citoyenneté peut être imposé aux auteurs d’infractions racistes ou antisémites. Ces stages diversifient les réponses judiciaires qui peuvent être apportées à ce type d’actes. Ils ont une visée éducative et rappellent les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine. Les questions du vivre ensemble, des relations avec autrui et des différences y sont abordées. 409. Il faut garantir l’égalité entre les femmes et les hommes dans les sociétés culturellement diverses et veiller à l’intégration systématique de la dimension d’égalité des genres dans le cadre de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales436. La recommandation CM/Rec(2019)1 du Comité des Ministres aux États membres sur la prévention et la lutte contre le sexisme souligne que le langage et la communication sont des composantes essentielles de l’égalité entre les femmes et les hommes et ne doivent pas consacrer l’hégémonie du modèle masculin437. Elle appelle à utiliser une communication non stéréotypée pour éduquer, sensibiliser et prévenir les comportements sexistes438. Elle recommande par exemple d’éliminer les expressions sexistes et d’utiliser un langage non sexiste439. La Recommandation souligne en outre qu’Internet et médias sociaux sont des vecteurs de liberté d’expression et de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais qu’ils permettent également aux auteur-e-s de violences d’exprimer leurs opinions injurieuses et d’avoir des comportements violents440. Les États sont encouragés à assumer la responsabilité de la lutte contre le discours de haine et à veiller à ce que les règles qui s’appliquent au discours de haine sexiste soient les mêmes que celles développées pour le discours de haine raciste concernant le recours aux sanctions pénales441. La Recommandation tient également compte de l’intelligence artificielle et du fait que l’utilisation d’algorithmes risque de diffuser et de renforcer les stéréotypes existants, contribuant ainsi à perpétuer le sexisme442. 436 Lignes directrices du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans les sociétés culturellement diverses, principe 32. La Stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023 inclut la lutte contre le discours de haine raciste (objectif stratégique 1). 437 Recommandation CM/Rec(2019)1 du Comité des Ministres aux États membres sur la prévention et la lutte contre le sexisme, adoptée par le Comité des Ministres le 27 mars 2019 lors de la 1342e réunion des Délégués des Ministres, II.A. Voir également la Recommandation Rec(2003)3 du Comité des Ministres sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique, adoptée par le Comité des Ministres le 12 mars 2003 lors de la 831e réunion des Délégués des Ministres, Exposé des motifs. 438 Recommandation CM/Rec(2019)1 du Comité des Ministres aux États membres sur la prévention et la lutte contre le sexisme, II.A. 439 Ibid. 440 Recommandation CM/Rec(2019)1 du Comité des Ministres aux États membres sur la prévention et la lutte contre le sexisme, II.B. 441 Ibid. 442 Ibid. 85 410. En Belgique, une nouvelle loi a été adoptée en 2014 pour combattre le sexisme et l’ériger en infraction pénale. Fin 2017, un chef d’accusation de sexisme dans l’espace public a été retenu et a abouti à une condamnation443. 411. En Espagne, une attention particulière est portée à l’égalité effective entre femmes et hommes dans les médias : la loi de 2007 et la loi générale sur la publicité contiennent des règles spécifiques en la matière. Par ailleurs, l’Institut espagnol pour les femmes et l’égalité des chances traite, par l’intermédiaire de l’Observatoire de l’image de la femme, les plaintes concernant les publicités ou les contenus jugés sexistes. VI. CONCLUSIONS Protection de la liberté d’expression 412. La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique. Ce droit n’est cependant pas absolu : il comporte des devoirs et des responsabilités et peut faire l’objet de restrictions, conformément à l’article 10, paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. 413. Les États membres jouissent d’une marge d’appréciation dans la mise en œuvre de leurs obligations positives et négatives à l’égard de la liberté d’expression. Cette marge d’appréciation dépend du contexte et notamment de facteurs historiques, démographiques et culturels. 414. Les bonnes et prometteuses pratiques reçues d’un certain nombre d’États membres montrent que la liberté d’expression bénéficie d’un degré de priorité élevé dans leurs systèmes juridiques et leurs politiques nationales. Plusieurs États ont récemment adopté une nouvelle législation ou révisé la législation en vigueur ; certains ont créé des commissions chargées d’évaluer la protection de la liberté d’expression au sein de la société, notamment dans le contexte du développement d’Internet. Il existe également des exemples de coopération au niveau régional et international pour la promotion de la diversité des expressions culturelles. Il est important que la liberté d’expression soit protégée de la même manière en ligne et hors ligne. Accès à l’information 415. L’accès à l’information est un élément central de la liberté d’expression. Les innovations dans le domaine des technologies de l’information et de la communication créent de nouvelles possibilités pour les individus de diffuser des informations mais posent aussi de nouvelles difficultés. C’est pourquoi il est souhaitable d’assurer à tous, sans discrimination, un accès à l’information en général, et notamment à l’information publique et aux documents publics, que ce soit hors ligne ou en ligne. 416. Une fois entrée en vigueur, la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents officiels aura un impact positif sur l’accès à l’information. Relation à la liberté d’expression des différentes parties prenantes Médias 417. Les médias sont le principal instrument de la liberté d’expression dans la sphère publique. Toute politique relative aux médias devrait donc tenir pleinement compte des évolutions actuelles et à venir des technologies de l’information et de la communication et reposer sur une conception des médias adaptée à cette réalité fluide et multidimensionnelle. Tous les acteurs – nouveaux ou traditionnels – doivent pouvoir s’appuyer sur un cadre d’action qui leur garantisse un niveau de protection adéquat de la liberté d’expression et leur indique clairement quels sont leurs devoirs et responsabilités. 443 https://igvm-iefh.belgium.be/fr/actualite/premiere_condamnation_pour_sexisme_dans_lespace_public 88 Liberté d’expression et intelligence artificielle 432. Le développement de l’intelligence artificielle (IA) aura probablement des incidences sur l’exercice de la liberté d’expression et présentera à la fois des défis et des opportunités. Il n’y a pas encore de réponse internationale complète à cette évolution, qui n’en est qu’à ses débuts. Domaine d’intérêt spécifique : le discours de haine 433. Les comités et organes de suivi intergouvernementaux soulignent la nécessité de combattre le discours de haine pour que la liberté d’expression n’encourage pas les comportements malfaisants et l’intolérance envers les autres. La lutte contre le discours de haine nécessite des efforts soutenus et de grande ampleur, et notamment l’adoption d’une législation et de politiques fermes en matière d’égalité et de non-discrimination. Législation 434. La législation nationale sur le discours de haine devra être renforcée en s’appuyant sur les normes régionales et internationales applicables, afin de couvrir tous les motifs pour lesquels des personnes pourraient être ciblées et de faire en sorte que des réponses pénales, mais aussi civiles et administratives, soient en place pour combattre le discours de haine. Dans ce contexte, il est important que les États membres s’appuient sur la Convention européenne des droits de l’homme, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Recommandation Rec(97)20 aux États membres sur le discours de haine et la Recommandation de politique générale n° 15 de l’ECRI sur la lutte contre le discours de haine. 435 Il importera d'améliorer la législation nationale en matière de discours de haine sur la base des normes internationales et régionales pertinentes existantes afin de s'assurer que tous les motifs de discrimination soient couverts, y compris le discours de haine sexiste, et que des procédures pénales ainsi que civiles et administratives soient prévues pour traiter le discours de haine. À cet égard, il est important que les États membres s'appuient sur la Convention européenne des droits de l'homme, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et la Recommandation Rec (97)20 du Comité des Ministres aux États membres sur le « discours de haine », la Recommandation Rec (2019)1 du Comité des Ministres aux États membres sur la prévention et la lutte contre le sexisme et la Recommandation de politique générale n° 15 de l'ECRI sur la lutte contre le discours de haine. Amélioration de la recherche et du suivi, y compris par la collecte de données 436. La collecte et l’analyse de données sur l’usage réel du discours de haine devraient être menées de manière systématique, cohérente et globale. Les travaux de recherche et de surveillance du discours de haine, qui sont essentiels pour élaborer des politiques adaptées, devraient être distincts de la collecte de données sur les crimes de haine, ces deux phénomènes pouvant nécessiter des réponses différentes. Réponses possibles 437. Des stratégies nationales complètes et une coopération entre les acteurs concernés contribueront à résoudre le problème efficacement. Les réponses possibles au discours de haine consistent à accroître l’efficacité des enquêtes, à former les acteurs concernés, à recourir au contre- discours et à apporter un soutien aux victimes. Discours de haine en ligne 438. Bien que le rôle positif des sociétés spécialisées dans la technologie numérique au sein de la société soit reconnu, les plateformes de médias sociaux et les intermédiaires d’Internet sont de plus en plus considérés comme des catalyseurs du discours de haine. De manière générale, les responsables politiques comme la société civile considèrent la lutte contre le discours de haine en ligne ou favorisé par les technologies numériques comme une priorité. 89 439. L’usage répandu du discours de haine, ainsi que les fréquents abus et menaces dans les espaces en ligne doivent être combattus pour que tous les citoyens se sentent libres de s’exprimer en toute sécurité dans la sphère en ligne. C’est pourquoi la réflexion doit se poursuivre, en se fondant sur la collecte de données et la recherche, afin d’instaurer une réglementation appropriée et de mettre au point de nouveaux moyens novateurs de lutter contre le discours de haine dans l’espace en ligne. Besoin de coopération 440. La problématique du discours de haine en ligne dépassant les frontières, le partage d’expériences et de bonnes pratiques entre les États constitue l’un des meilleurs moyens d’y faire face. Pour mieux comprendre le phénomène, une coopération et une coordination devront être assurées entre les États pour mener des recherches comparables en utilisant des définitions harmonisées du discours de haine. Cela signifie que les données sur l’usage réel du discours de haine devraient être collectées et analysées de manière systématique, cohérente et globale. Organisations non gouvernementales, organismes de promotion de l’égalité et institutions des droits de l’homme 441. Les organisations non gouvernementales, les organismes de promotion de l’égalité et les institutions des droits de l’homme pourraient apporter une contribution utile en étudiant et en élaborant des stratégies complètes et globales de lutte contre le discours de haine. Ils pourraient également développer leurs actions de communication en déployant des efforts soutenus et importants de promotion de récits alternatifs et construire les alliances et réseaux nécessaires à cette fin. Les États devront apporter un soutien à leur travail de lutte contre le discours de haine. Concilier la liberté d’expression avec d’autres droits de l’homme 442. La liberté d’expression, ainsi que d’autres droits de l’homme et libertés fondamentales, doivent être garantis de manière adéquate et effective dans les systèmes juridiques nationaux. Liberté d’expression et droit au respect de la vie privée 443. L’article 8 de la Convention, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, protège le droit à la vie privée qui inclut la protection de la réputation ou des droits d’autrui. Il convient de ménager un juste équilibre entre la liberté d’expression et la protection de la réputation d’autrui, conformément aux critères établis par la Cour européenne des droits de l’homme. De la même manière, un équilibre doit être trouvé entre la liberté de la presse et le droit des personnes concernées au respect de leur vie privée. Liberté d’expression et liberté de pensée, de conscience et de religion 444. Dans les sociétés culturellement diverses, l’exercice responsable du droit à la liberté d’expression devrait être guidé par le respect des convictions et croyances religieuses d’autrui. Il ne doit pas dépasser les limites de la critique acceptable, telles qu’établies par la Cour européenne des droits de l’homme. 445. L’organisation de débats fondés sur la raison et impliquant tous les groupes de la société, y compris les croyants et les non-croyants, sera l’un des principaux moyens de parvenir au juste équilibre entre la liberté de religion et la liberté d’expression. Le dialogue interculturel et plus précisément les échanges sur la dimension religieuse du dialogue interculturel, pourront jouer un rôle important dans ce contexte. Symboles religieux dans l’espace public 446. La Cour européenne des droits de l’homme a rendu plusieurs arrêts dans des affaires portant sur des restrictions au port de tenues ou autres signes ostensibles d’appartenance religieuse. Dans des décisions, la Cour accorde une grande importance à la manière dont les autorités nationales ont pris leurs décisions. La compatibilité des restrictions avec l’article 9 dépendra des motifs invoqués pour les justifier, de la proportionnalité de l’ingérence et de la question de savoir si un juste équilibre a été ménagé. 90 Lanceurs d’alerte 447. L’alerte est un aspect fondamental de la liberté d’expression et de la liberté de conscience, et joue un rôle important dans la lutte contre la corruption et les graves erreurs de gestion, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. La protection des lanceurs d’alerte devrait être conforme aux critères énoncés par la Cour européenne des droits de l’homme. Blasphème, insultes à caractère religieux et incitation à la haine religieuse 448. Les sanctions pénales ne sont appropriées que pour l’incitation à la haine, y compris la haine religieuse ; par ailleurs, il n’est pas nécessaire ni souhaitable de créer une infraction d’injure religieuse en l’absence de l’élément essentiel de l’incitation à la haine. Liberté d’expression et liberté de réunion et d’association 449. La liberté de réunion pacifique et la liberté d’association permettent aux individus et aux groupes de se réunir pour affronter et résoudre collectivement les défis et les questions qui sont importants pour la société. Ces libertés sont essentielles pour un système pluraliste et démocratique. 450. Plusieurs documents officiels, déclarations et lignes directrices mettent en garde contre les restrictions injustifiées à l’exercice de la liberté d’expression et de réunion en situation de crise, notamment dans le cadre des mesures prises par les États pour lutter contre le terrorisme. Au contraire, les États sont tenus de créer un environnement favorable aux rassemblements pacifiques. Liberté d’expression et interdiction de la discrimination 451. Le droit international relatif aux droits de l’homme demande aux États de protéger et promouvoir conjointement le droit à la liberté d’expression et le droit à l’égalité. Le discours de haine fondé sur le genre est fréquent et vise plus souvent et affecte différemment les femmes que les hommes. L'usage fréquent du discours de haine, des abus et des menaces, y compris dans les espaces en ligne, par les femmes, en particulier certains groupes de femmes (femmes jeunes, personnalités féminines) limite leur liberté d'expression et leur participation à différents types d'activités. Les aspects liés au genre doivent donc être pris en compte dans toutes les politiques liées à la liberté d'expression et à la prévention du discours de haine. 93 ANNEXE ANALYSE DE LA JURISPRUDENCE PERTINENTE DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ET D’AUTRES INSTRUMENTS DU CONSEIL DE L’EUROPE444 I. INTRODUCTION A. Brève présentation des points suivants i. Les développements récents en Europe 1. La liberté d’expression est un droit fondamental sur lequel sont basées un grand nombre d’autres libertés. Elle occupe une place essentielle dans les sociétés démocratiques, comme l’a indiqué la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour ») : « La liberté d’expression constitue un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10 (art. 10-2 de la CEDH), elle vaut non seulement pour les “informations” ou “idées” accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de “société démocratique”. » 2. La liberté d'expression est le fondement de sociétés ouvertes et inclusives, dans la mesure où elle permet de promouvoir la connaissance et la compréhension dans des sociétés culturellement diverses telles que les sociétés de l’Europe contemporaine. Toutefois, l'abus ou l'utilisation de la liberté d’expression à des fins inappropriées peut mettre ses sociétés en danger. Tel est également le cas lorsque cette liberté est censurée ou réduite au silence. 3. Les événements récents tels que le meurtre de journalistes de Charlie Hebdo commis à Paris le 7 janvier 2015 suscitent certaines questions liées à l’exercice de la liberté d’expression dans les sociétés démocratiques. Plusieurs problèmes sont soulevés dans ce contexte. Ces problèmes concernent non seulement la sécurité des journalistes, qui est nécessaire pour garantir la démocratie, mais également les messages de haine inacceptables que plusieurs organes du Conseil de l’Europe ont déjà fermement condamnés. Enfin, ces événements soulèvent également des questions en ce qui concerne les limites de la liberté d’expression dans les sociétés européennes contemporaines dans lesquelles la jouissance des libertés individuelles semble plus que jamais affecter la liberté d’autrui, en raison de la coexistence de sociétés culturellement diverses. La question centrale dans le cadre de cette analyse est celle du lien entre la liberté d’expression et d’autres droits de l’homme tels que le droit au respect de la vie privée, la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté de réunion et d’association et enfin l’interdiction de la discrimination. ii. Le mandat 4. Lors de leur 1241e réunion, tenue en novembre 2015, les Délégués des Ministres ont adopté les mandats des structures intergouvernementales pour la période 2016-2017. En ce qui concerne le Comité directeur pour les droits de l’homme (ci-après le « CDDH »), les délégués ont fixé le mandat suivant (voir « Développement et promotion des droits de l’homme ») : « Liberté d’expression et liens avec d’autres droits de l’homme (i) À la suite des travaux déjà menés par le CDDH pour promouvoir le pluralisme et la tolérance et contribuer à préserver des sociétés cohésives, mener une analyse de la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme et d’autres instruments du Conseil de l’Europe pour donner des orientations supplémentaires sur la manière de concilier la liberté d’expression et d’autres droits et libertés, en particulier dans des sociétés culturellement diverses (échéance : 31 décembre 2016). 444 Adoptée par le CDDH lors de sa 87e réunion (6-9 juin 2007). 94 (ii) Sur cette base, préparer un guide de bonnes pratiques nationales sur la manière de concilier les divers droits et libertés concernés (échéance : 30 juin 2017). Si nécessaire, un projet de recommandation du Comité des Ministres sur la cybersécurité et les droits de l’homme est préparé (échéance : 31 décembre 2017) ». 5. Mme Kristīne LĪCIS (Lettonie) a été désignée par le CDDH en qualité de rapporteur sur la liberté d’expression et liens avec d’autres droits de l’homme. Par ailleurs, le CDDH a défini la composition du Groupe de rédaction sur la liberté d'expression et liens avec d'autres droits de l'homme (CDDH-EXP) et désigné M. Hans-Jörg BEHRENS (Allemagne) en qualité de Président du Groupe. iii. Le contexte juridique international 6. Un certain nombre d’instruments internationaux protègent la liberté d’expression : l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme445, l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)446, l’article 5.d.viii de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR) 447, l’article 13 de la Convention américaine sur les droits de l’homme448, l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples449, l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne450, etc. Il convient d’y ajouter des textes spécifiques dont l’existence même souligne l’importance de cette liberté fondamentale dans les sociétés démocratiques : l’Observation générale n° 10 sur la liberté d’expression451, actualisée par l’Observation générale n° 34452 et l’Observation générale n° 11 sur l’interdiction de la propagande en faveur de la guerre et des appels à la haine nationale, raciale ou religieuse453 élaborées par l’Organisation des Nations Unies ; la Déclaration de principes sur la liberté d’expression adoptée en partie par l’Organisation des États américains et par l’Union africaine454, les Recommandations d’Amsterdam sur la liberté des médias et Internet455 élaborées par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et la Déclaration de Bishkek sur les médias dans une société multiethnique et multiculturelle456. 7. Certains instruments reconnaissent que le droit n'est pas absolu sous toutes ses formes. Les articles 20(1) et (2) du PIDCP interdisent toute propagande en faveur de la guerre et expression qui représenteraient un appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, hostilité ou violence. L'article 4 de l'ICERD interdit de la même façon la propagande, la diffusion d'idées basées sur la supériorité ou la haine raciale et l'incitation à la discrimination raciale. 8. Au niveau du Conseil de l’Europe, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après la « Convention »)457 protège spécifiquement la liberté d’expression. La Charte sociale européenne mentionne également des aspects spécifiques de cette liberté, par exemple le droit d’être informé des risques pour la santé, le droit des travailleurs à l’information et le droit des travailleurs migrants à bénéficier d’une formation dans leur propre langue (Charte de 1961, protocole additionnel à la Charte de 1961 et Charte révisée), tandis que les articles 7 et 9 de la Convention- cadre pour la protection des minorités nationales garantissent le droit à la liberté d'expression et la jouissance de cette liberté dans la langue minoritaire, pour ceux qui appartiennent à des minorités nationales458. 445 Adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948. 446 Adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966. 447 Adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 21 décembre 1965. 448 Adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains le 22 novembre 1969. 449 Adoptée par l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation de l’unité africaine le 28 juin 1981. 450 Adoptée par l’Union européenne le 7 décembre 2000. 451 Adoptée par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies le 29 juillet 1983. 452 Adoptée par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies le 29 juillet 2011. 453 Adoptée par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies le 29 juin 1983. 454 Adoptée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples le 23 octobre 2002. 455 Adoptées le 14 juin 2003. 456 Adoptée lors de la « Cinquième conférence de l’Asie centrale sur les médias », les médias dans les sociétés multiculturelles et multilingues, Bishkek, 17-18 septembre 2003. 457 Signée le 4 novembre 1950 et entrée en vigueur le 3 septembre 1953. 458 Adoptée par le Comité des Ministres le 10 novembre 1994. 95 9. D’autres instruments juridiques comprennent des déclarations, des recommandations et des lignes directrices adoptées par d’autres organes du Conseil de l’Europe459 et qui, même si elles sont dépourvues d’effet juridiquement contraignant, font néanmoins partie intégrante des normes du Conseil de l’Europe460. Il importe de mentionner les Lignes directrices du Comité des Ministres aux Etats membres sur la protection et la promotion des droits de l'homme dans les sociétés culturellement diverses461. La Déclaration sur la liberté de la communication sur l’Internet du 28 mai 2003 est pertinente également. 10. En outre, des juridictions internationales et des organes prévus par des mécanismes de contrôle ont traité la mise en œuvre de la liberté d’expression et de ses liens avec d’autres droits. De plus, des procédures spéciales ont été créés au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour faire rapport et donner des conseils sur les droits de l'homme à partir d'une perspective thématique ou relative à un pays, à savoir le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, mais également le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association. Par ailleurs, le représentant de l'OSCE sur la liberté des médias joue un rôle dans l'observation des développements des médias dans le cadre d'une fonction d'alerte précoce et aide les Etats participants à respecter leurs engagements en faveur de la liberté d'expression et des médias gratuits. 11. Les orientations dans le domaine des droits de l'homme relatives à la liberté d'expression en ligne et hors ligne462 de l'Union européenne expliquent les normes internationales en matière de droits de l'homme sur la liberté d'opinion et d'expression et fournissent des orientations politiques et opérationnelles aux agents et membres des institutions et Etats membres de l'Union Européenne pour leurs travaux dans les pays tiers et dans des instances multilatérales ainsi que dans le cadre de leurs contacts avec des organisations internationales, la société civile et d'autres parties prenantes. B. La méthode / l’approche 12. Le présent document fournit un aperçu des normes en vigueur au sein du Conseil de l’Europe et au-delà, ainsi que de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme- pas uniquement des arrêts dans lesquels la Cour a décelé une violation de l'article 10, mais également des exemples où aucune violation n'a été trouvée- et de la pratique décisionnelle des organes de contrôle en ce qui concerne la liberté d’expression et ses liens avec d’autres droits fondamentaux. 13. La lecture combinée des documents précités vise à préciser les liens entre la liberté d’expression et d’autres droits de l’homme et à fournir aux Etats des outils leur permettant de concilier les différents droits fondamentaux dans des sociétés culturellement diverses. II. Principes généraux et définitions 14. L’article 10 de la Convention est ainsi libellé : 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations. 459 Le Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire et d’autres institutions telles que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, le Commissaire aux droits de l’homme et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). 460 Voir le document SG (2014) finale. Rapport du Secrétaire général du Conseil de l’Europe sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit en Europe, Résumé, « Définir des normes ». 461 Adoptées par le Comité des Ministres le 2 mars 2016, par. 19-22. 462 Conseil de l'Union européenne, Affaires étrangères, Orientations dans le domaine des droits de l'homme relatives à la liberté d'expression en ligne et hors ligne, Bruxelles 12 mai 2014.
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