Docsity
Docsity

Prepara tus exámenes
Prepara tus exámenes

Prepara tus exámenes y mejora tus resultados gracias a la gran cantidad de recursos disponibles en Docsity


Consigue puntos base para descargar
Consigue puntos base para descargar

Gana puntos ayudando a otros estudiantes o consíguelos activando un Plan Premium


Orientación Universidad
Orientación Universidad

lettres allemand, Apuntes de Idioma Francés

Asignatura: CULTURA FRANCESA CONTEMPORÁNEA, Profesor: Anne Marie Reboul, Carrera: Lenguas Modernas y sus Literaturas, Universidad: UCM

Tipo: Apuntes

2016/2017

Subido el 06/09/2017

judit_6908
judit_6908 🇪🇸

2.4

(16)

7 documentos

1 / 39

Toggle sidebar

Documentos relacionados


Vista previa parcial del texto

¡Descarga lettres allemand y más Apuntes en PDF de Idioma Francés solo en Docsity! Albert CAMUS philosophe et écrivain français [1913-1960] (1943-1944) Lettres à un ami allemand Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: jean-marie_tremblay@uqac.ca Site web pédagogique : http://www.uqac.ca/jmt-sociologue/ Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales" Une bibliothèque numérique fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://classiques.uqac.ca/ Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/ Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 2 Politique d'utilisation de la bibliothèque des Classiques Toute reproduction et rediffusion de nos fichiers est interdite, même avec la mention de leur provenance, sans l’autorisation for- melle, écrite, du fondateur des Classiques des sciences sociales, Jean-Marie Tremblay, sociologue. Les fichiers des Classiques des sciences sociales ne peuvent sans autorisation formelle: - être hébergés (en fichier ou page web, en totalité ou en partie) sur un serveur autre que celui des Classiques. - servir de base de travail à un autre fichier modifié ensuite par tout autre moyen (couleur, police, mise en page, extraits, support, etc...), Les fichiers (.html, .doc, .pdf, .rtf, .jpg, .gif) disponibles sur le site Les Classiques des sciences sociales sont la propriété des Classiques des sciences sociales, un organisme à but non lucratif composé exclu- sivement de bénévoles. Ils sont disponibles pour une utilisation intellectuelle et personnel- le et, en aucun cas, commerciale. Toute utilisation à des fins com- merciales des fichiers sur ce site est strictement interdite et toute rediffusion est également strictement interdite. L'accès à notre travail est libre et gratuit à tous les utilisa- teurs. C'est notre mission. Jean-Marie Tremblay, sociologue Fondateur et Président-directeur général, LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 5 Cahiers Albert Camus I. La mort heureuse. Roman. II. Paul Viallaneiz : Le premier Camus, suivi d’Écrits de jeunesse d’Albert Camus. III. Fragments d’un combat (1938-1940) – Articles d’Alger Répu- blicain. IV. Caligula (version de 1941), théâtre. V. Albert Camus : œuvre fermée, œuvre ouverte ? Actes du collo- que de Cerisy (juin 1982) VI. Albert Camus éditorialiste à L’Express (mai 1955-février 1958). Aux Calman-Lévy Réflexions sur la guillotine, in Réflexions sur la peine de mort, de Camus et Koestler, essai. À l’Avant-scène Un cas intéressant. Adaptation de Dino Buzzati. Théâtre. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 6 Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bé- névole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi et fondateur des Classiques des sciences sociales, à partir de : Albert CAMUS [1913-1960] Lettres à un ami allemand. [Juillet 1944] Paris : Les Éditions Gallimard, 1re édition, 1948. Édition renouvelée en 1972, 84 pp. Collection Folio Texte intégral. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Comic Sans, 12 points. Pour les citations : Comic Sans, 12 points. Pour les notes de bas de page : Comic Sans, 12 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Micro- soft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 30 mars 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, province de Québec, Canada. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 7 Albert CAMUS philosophe et écrivain français [1913-1960] Lettres à un ami allemand. (juillet 1944) Paris : Les Éditions Gallimard, 1re édition, 1948. Édition renouvelée en 1972, 84 pp. Collection Folio Texte intégral. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 10 Lettres à un ami allemand (1944) Biographie de l’auteur Retour à la table des matières [7] Albert Camus est né en 1913 en Algérie de parents modestes d'origine alsacienne et espagnole. Son père est tué à la bataille de la Marne. Boursier au lycée d'Alger, il fait une licence de philosophie et présente son diplôme d'études supérieures sur les rapports de l'hellé- nisme et du christianisme à travers Plotin et saint Augustin. La maladie et la nécessité de gagner sa vie le détournent de l'agrégation. Il s'oriente vers le journalisme aptes avoir publié deux essais, L'envers et l'endroit (1937) et Noces (1938). Pendant la guerre, il participe à la résistance dans le groupe Com- bat qui publie un journal clandestin. En 1942, il fait paraître un roman, L'étranger, dont il dégage la signification philosophique dans un essai, Le mythe de Sisyphe. À la Libération, il devient éditorialiste et rédac- teur en chef de Combat, la même année sont représentées deux piè- ces, Caligula et Le malentendu. Il part en 1946 faire une tournée de conférences aux États-Unis. Après l'éclatant succès de La peste (1947), il abandonne le journalisme pour se consacrer à son œuvre littéraire : romans, nouvelles, essais, pièces de théâtre. Il adapte des œuvres de Faulkner, Calderón, Lope de Vega, Dostoïevski. Le prix Nobel de littérature, qui lui est décerné en 1957, couronne une œuvre tout entière tournée vers la condition de l'homme et qui, partant de l'absurde, trouve une issue dans la révolte. Le 4 janvier 1960, Albert Camus, âgé de quarante-six ans, trouve la mort dans un accident de voiture. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 11 [9] On ne montre pas sa grandeur pour être à une extrémité, mais bien en touchant les deux à la fois. PASCAL. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 12 Lettres à un ami allemand (1944) Note de l’éditeur Retour à la table des matières La première de ces lettres a paru dans le no 2 de la Revue Libre, en 1943 ; la seconde dans le no 3 des Cahiers de Libération au début de 1944. Les deux autres, écrites pour la Revue Libre, sont restées inédi- tes jusqu'à la Libération. La troisième a été publiée, au début de 1945, par l'hebdomadaire Libertés. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 15 se, non deux nations, même si, à un moment de l'histoire, ces deux na- tions ont pu incarner deux attitudes ennemies. Pour reprendre un mot qui ne m'appartient pas, j'aime trop mon pays pour être nationaliste. Et je sais que la France, ni l'Italie, ne perdraient rien, au contraire, à s'ouvrir sur une société plus large. Mais nous sommes encore loin de compte et l'Europe est toujours [17] déchirée. C'est Pourquoi j'aurais honte aujourd'hui si je laissais croire qu'un écrivain français puisse être l'ennemi d'une seule nation. Je ne déteste que les bourreaux. Tout lecteur qui voudra bien lire les Lettres à un ami allemand dans cette perspective, c'est-à-dire comme un document de la lutte contre la violence, admettra que je puisse dire maintenant que je n'en renie pas un seul mot. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 16 [19] Lettres à un ami allemand (1944) Première lettre Juillet 1943 Retour à la table des matières [21] Vous me disiez : « La grandeur de mon pays n'a pas de prix. Tout est bon qui la consomme. Et dans un monde où plus rien n'a de sens, ceux qui, comme nous, jeunes Allemands, ont la chance d'en trou- ver un au destin de leur nation doivent tout lui sacrifier. » Je vous ai- mais alors, mais c'est là que, déjà, je me séparais de vous. « Non, vous disais-je, je ne puis croire qu'il faille tout asservir au but que l'on poursuit. Il est des moyens qui ne s'excusent pas. Et je voudrais pou- voir aimer mon pays tout en aimant la justice. Je ne veux pas pour lui de n'importe quelle grandeur, fût-ce celle du [22] sang et du menson- ge. C'est en faisant vivre la justice que je veux le faire vivre. » Vous m'avez dit : « Allons, vous n'aimez pas votre pays. » Il y a cinq ans de cela, nous sommes séparés depuis ce temps et je puis dire qu'il n'est pas un jour de ces longues années (si brèves, si fulgurantes pour vous !) où je n'aie eu votre phrase à l'esprit. « Vous n'aimez pas votre pays ! » Quand je pense aujourd'hui à ces mots, j'ai dans la gorge quelque chose qui se serre. Non, je ne l'aimais pas, si Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 17 c'est ne pas aimer que de dénoncer ce qui n'est pas juste dans ce que nous aimons, si c'est ne pas aimer que d'exiger que l'être aimé s'égale à la plus belle image que nous avons de lui. Il y a cinq ans de cela, beau- coup d'hommes pensaient comme moi en France. Quelques-uns parmi eux, pourtant, se sont déjà trouvés devant les douze petits yeux noirs du destin allemand. Et ces hommes, qui selon vous [23] n'aimaient pas leur pays, ont plus fait pour lui que vous ne ferez jamais pour le vôtre, même s'il vous était possible de donner cent fois votre vie pour lui. Car ils ont eu à se vaincre d'abord et c'est leur héroïsme. Mais je parle ici de deux sortes de grandeur et d'une contradiction sur laquelle je vous dois de vous éclairer. Nous nous reverrons bientôt si cela est possible. Mais alors, notre amitié sera finie. Vous serez plein de votre défaite et vous n'aurez pas honte de votre ancienne victoire, la regrettant plutôt de toutes vos forces écrasées. Aujourd'hui, je suis encore près de vous par l'esprit - votre ennemi, il est vrai, mais encore un peu votre ami puisque je vous livre ici toute ma pensée. Demain, ce sera fini. Ce que votre victoire n'aura pu entamer, votre défaite l'achèvera. Mais du moins, avant que nous fassions l'épreuve de l'indifférence, je veux vous laisser une idée claire [24] de ce que ni la paix ni la guerre ne vous ont appris à connaî- tre dans le destin de mon pays. Je veux vous dire tout de suite quelle sorte de grandeur nous met en marche. Mais c'est vous dire quel est le courage que nous applaudis- sons et qui n'est pas le vôtre. Car c'est peu de chose que de savoir courir au feu quand on s'y prépare depuis toujours et quand la course vous est plus naturelle que la pensée. C'est beaucoup au contraire que d'avancer vers la torture et vers la mort, quand on sait de science certaine que la haine et la violence sont choses vaines par elles-mêmes. C'est beaucoup que de se battre en méprisant la guerre, d'accepter de tout perdre en gardant le goût du bonheur, de courir à la destruction avec l'idée d'une civilisation supérieure. C'est en cela que nous faisons plus que vous parce que nous avons à prendre sur nous-mêmes. Vous n'avez rien eu à vaincre dans votre [25] cœur, ni dans votre intelligen- Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 20 Je n'ai jamais cru au pouvoir de la vérité par elle-même. Mais c'est déjà beaucoup de savoir qu'à énergie égale, la vérité l'emporte sur le mensonge. C'est à ce difficile équilibre que nous sommes parvenus. C'est appuyés sur cette nuance qu'aujourd'hui nous combattons. Et je serais tenté de vous dire que nous luttons justement pour des nuances, mais des nuances qui ont l'importance de l'homme même. Nous luttons pour cette nuance qui sépare le sacrifice de la mystique, l'énergie de la violence, la force de la cruauté, pour cette plus faible nuance encore qui sépare le faux du vrai et l'homme que nous espérons des dieux lâ- ches que vous révérez. Voilà ce que je voulais vous dire, non par-dessus la mêlée, mais dans la mêlée elle-même. Voilà ce que je voulais répondre à ce « vous n'ai- mez pas votre pays » [31] qui me poursuit encore. Mais je veux être clair avec vous. Je crois que la France a perdu sa puissance et son rè- gne pour longtemps et qu'il lui faudra pendant longtemps une patience désespérée, une révolte attentive pour retrouver la part de prestige nécessaire à toute culture. Mais je crois qu'elle a perdu tout cela pour des raisons pures. Et c'est pourquoi l'espoir ne me quitte pas. Voilà tout le sens de ma lettre. Cet homme que vous avez plaint, il y a cinq ans, d'être si réticent à l'égard de son pays, c'est le même qui veut vous dire aujourd'hui, à vous et à tous ceux de notre âge en Europe et dans le monde : « J'appartiens à une nation admirable et persévérante qui, par-dessus son lot d'erreurs et de faiblesses, n'a pas laissé per- dre l'idée qui fait toute sa grandeur et que son peuple toujours, ses élites quelquefois, cherchent sans cesse à formuler de mieux en mieux. J'appartiens à une nation qui depuis quatre ans a recommencé [32] le parcours de toute son histoire et qui, dans les décombres, se prépare tranquillement, sûrement, à en refaire une autre et à courir sa chance dans un jeu où elle part sans atouts. Ce pays vaut que je l'aime du dif- ficile et exigeant amour qui est le mien. Et je crois qu'il vaut bien maintenant qu'on lutte pour lui puisqu'il est digne d'un amour supé- rieur. Et je dis qu'au contraire votre nation n'a eu de ses fils que l'amour qu'elle méritait, et qui était aveugle. On n’est pas justifié par n'importe quel amour. C'est cela qui vous perd. Et vous qui étiez déjà Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 21 vaincus dans vos plus grandes victoires, que sera-ce dans la défaite qui s'avance ? » Juillet 1943. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 22 [33] Lettres à un ami allemand (1944) Deuxième lettre Décembre 1943 Retour à la table des matières [35] Je vous ai déjà écrit et je vous ai écrit sur le ton de la certi- tude. Par-dessus cinq ans de séparation, je vous ai dit pourquoi nous étions les plus forts ; à cause de ce détour où nous sommes allés cher- cher nos raisons, de ce retard où nous a mis l'inquiétude de notre droit, à cause de cette folie où nous étions de vouloir concilier tout ce que nous aimions. Mais cela vaut qu'on y revienne. Je vous l'ai déjà dit, nous avons payé chèrement ce détour. Plutôt que de risquer l'injustice, nous avons préféré le désordre. Mais en même temps, c'est ce détour qui fait [36] aujourd'hui notre force et c'est par lui que nous touchons à la victoire. Oui, je vous ai dit tout cela et sur le ton de la certitude, sans une rature, au courant de la plume. C'est aussi que j'ai eu le temps d'y penser. La méditation se fait dans la nuit. Depuis trois ans, il est une nuit que vous avez faite sur nos villes et dans nos cœurs. Depuis trois ans, nous poursuivons dans les ténèbres la pensée qui, aujourd'hui, sort en armes devant vous. Maintenant, je puis vous parler de l'intelligence. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 25 Parmi eux, un enfant de seize ans. Vous connaissez le visage de nos adolescents, je ne veux pas en parler. Celui-là est en proie à la peur, il s'y abandonne sans honte. Ne prenez pas votre sourire méprisant, il claque des dents. Mais vous avez mis près de lui un aumônier dont la tâche est de rendre moins pesante à ces hommes [42] l'heure atroce où l'on attend. Je crois pouvoir dire que pour des hommes que l'on va tuer, une conversation sur la vie future n'arrange rien. Il est trop dif- ficile de croire que la fosse commune ne termine pas tout : les prison- niers sont muets dans le camion. L'aumônier s'est retourné vers l'en- fant, tassé dans son coin. Celui-ci le comprendra mieux. L'enfant ré- pond, se raccroche à cette voix, l'espoir revient. Dans la plus muette des horreurs, il suffit parfois qu'un homme parle, peut-être va-t-il tout arranger. « Je n'ai rien fait », dit l'enfant. « Oui, dit l'aumônier, mais ce n'est plus la question. Il faut te préparer à bien mourir. » « Ce n'est pas possible qu'on ne me comprenne pas. » « Je suis ton ami, et, peut-être, je te comprends. Mais il est tard. Je serai près de toi et le Bon Dieu aussi. Tu verras, ce sera facile. » L'enfant s'est détourné. L'aumônier parle de Dieu. Est-ce que l'enfant y croit ? Oui, il y croit. Alors il sait que rien [43] n'a d'importance auprès de la paix qui l'at- tend. Mais c'est cette paix qui fait peur à l'enfant. « Je suis ton ami », répète l'aumônier. Les autres se taisent. Il faut penser à eux. L'aumônier se rappro- che de leur masse silencieuse, tourne le dos pour un moment à l'en- fant. Le camion roule doucement avec un petit bruit de déglutition sur la route humide de rosée. Imaginez cette heure grise, l'odeur matinale des hommes, la campagne que l'on devine sans la voir, à des bruits d'attelage, à un cri d'oiseau. L'enfant se blottit contre la bâche qui cède un peu. Il découvre un passage étroit entre elle et la carrosserie. Il pourrait sauter, s'il voulait. L'autre a le dos tourné, et sur le de- vant, les soldats sont attentifs à se reconnaître dans le matin sombre. Il ne réfléchit pas, il arrache la bâche, se glisse dans l'ouverture, sau- te. On entend à peine sa chute, un bruit de pas précipités sur la route, puis [44] plus rien. Il est dans les terres qui étouffent le bruit de sa course. Mais le claquement de la bâche, l'air humide et violent du ma- Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 26 tin qui fait irruption dans le camion ont fait se détourner l'aumônier et les condamnés. Une seconde, le prêtre dévisage ces hommes qui le re- gardent en silence. Une seconde où l'homme de Dieu doit décider s'il est avec les bourreaux ou avec les martyrs, selon sa vocation. Mais il a déjà frappé contre la cloison qui le sépare de ses camarades. « Ach- tung ». L'alerte est donnée. Deux soldats se jettent dans le camion et tiennent les prisonniers en respect. Deux autres sautent à terre et courent à travers champs. L'aumônier, à quelques pas du camion, planté sur le bitume, essaie de les suivre du regard à travers les brumes. Dans le camion, les hommes écoutent seulement les bruits de cette chasse, les interjections étouffées, un coup de feu, le silence, puis encore des voix de plus en plus proches, [45] un sourd piétinement en- fin. L'enfant est ramené. Il n'a pas été touché, mais il s'est arrêté, cerné dans cette vapeur ennemie, soudain sans courage, abandonné de lui-même. Il est porté plutôt que conduit par ses gardiens. On l'a battu un peu, mais pas beaucoup. Le plus important reste à faire. Il n'a pas un regard pour l'aumônier ni pour personne. Le prêtre est monté près du chauffeur. Un soldat armé l'a remplacé dans le camion. Jeté dans un des coins du véhicule, l'enfant ne pleure pas. Il regarde entre la bâche et le plancher filer à nouveau la route où le jour se lève. Je vous connais, vous imaginerez très bien le reste. Mais vous de- vez savoir qui m'a raconté cette histoire. C'est un prêtre français. Il me disait : « J'ai honte pour cet homme, et je suis content de penser que pas un prêtre français n'aurait accepté de mettre son Dieu au service du meurtre. » [46] Cela était vrai. Simplement, cet aumônier pensait comme vous. Il n'était pas jusqu'à sa foi qu'il ne lui parût na- turel de faire servir à son pays. Les dieux eux-mêmes chez vous sont mobilisés. Ils sont avec vous, comme vous dites, mais de force. Vous ne distinguez plus rien, vous n'êtes plus qu'un élan. Et vous combattez maintenant avec les seules ressources de la colère aveugle, attentifs aux armes et aux coups d'éclat plutôt qu'à l'ordre des idées, entêtés à tout brouiller, à suivre votre pensée fixe. Nous, nous sommes partis de l'intelligence et de ses hésitations. En face de la colère, nous Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 27 n'étions pas de force. Mais voici que maintenant le détour est achevé. Il a suffi d'un enfant mort pour qu'à l'intelligence, nous ajoutions la colère et désormais nous sommes deux contre un. Je veux vous parler de la colère. Souvenez-vous. À mon étonnement devant le brusque éclat d'un de vos supérieurs, [47] vous m'avez dit : « Cela aussi est bien. Mais vous ne comprenez pas. Les Français manquent d'une vertu, celle de la colè- re. » Non, ce n'est pas cela, mais les Français sont difficiles sur les vertus. Et ils ne les assument que quand il faut. Cela donne à leur colè- re le silence et la force que vous commencez seulement a éprouver. Et c'est avec cette sorte de colère, la seule que je me connaisse, que pour finir je vais vous parler. Car je vous l'ai dit, la certitude n'est pas la gaieté du cœur. Nous savons ce que nous avons perdu à ce long détour, nous connaissons le prix dont nous payons cette âpre joie de combattre en accord avec nous-mêmes. Et c'est parce que nous avons un sentiment aigu de ce qui est irréparable que notre lutte garde autant d'amertume que de confiance. La guerre ne nous satisfaisait pas. Nos raisons n'étaient pas prêtes. C'est la guerre civile, la lutte obstinée et collective, le [48] sacrifice sans commentaire que notre peuple a choisi. C'est la guerre qu'il s'est donnée à lui-même, qu'il n'a pas reçue de gouvernements imbéciles ou lâches, celle où il s'est retrouvé et où il lutte pour une certaine idée qu'il s'est faite de lui-même. Mais ce luxe qu'il s'est donné lui coûte un prix terrible. Là encore, ce peuple a plus de mérite que le vôtre. Car ce sont les meilleurs de ses fils qui tombent : voilà ma plus cruelle pensée. Il y a dans la dérision de la guerre le bénéfice de la dérision. La mort frappe un peu partout et au hasard. Dans la guerre que nous menons, le courage se désigne lui-même, c'est notre plus pur esprit que vous fusillez tous les jours. Car votre naïveté ne va pas sans prescience. Vous n'avez jamais su ce qu'il fallait élire, mais vous connaissez ce qu'il faut détruire. Et nous, qui nous disons défenseurs de l'esprit, nous savons pourtant que l'esprit peut mourir quand la for- ce qui l'écrase est suffisante. [49] Mais nous avons foi en une autre force. Dans ces figures silencieuses, déjà détournées de ce monde, Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 30 l'Europe. Il est vrai que depuis cinq ans nous n'en avons pas parlé. Mais c'est que vous-même en parliez trop fort. Là encore nous ne parlions pas le même langage, notre Europe n'est pas la vôtre. Mais avant de vous dire ce qu'elle est, je veux vous affirmer au moins que parmi les raisons que nous avons de vous combattre (ce sont les mêmes que nous avons de vous vaincre) il n'en est pas, peut-être, [55] de plus profonde que la conscience où nous sommes d'avoir été non seulement mutilés dans notre pays, frappés dans notre chair la plus vive, mais encore dépouillés de nos plus belles images dont vous avez offert au monde une version odieuse et ridicule. Ce qu'on souffre le plus durement, c'est de voir travestir ce qu'on aime. Et cette idée de l'Europe que vous avez prise aux meilleurs d'entre nous pour lui donner le sens révoltant que vous aviez choisi, il nous faut toute la force de l'amour réfléchi pour lui garder en nous sa jeunesse et ses pouvoirs. Il y a ainsi un adjectif que nous n'écrivons plus depuis que vous avez appelé européenne l'armée de la servitude, mais c'est pour lui garder jalousement le sens pur qu'il ne cesse pas d'avoir pour nous et que je veux vous dire. Vous parlez de l'Europe mais la différence est que l'Europe, pour vous, est une propriété tandis que nous nous sentons [56] dans sa dé- pendance. Vous n'avez parlé ainsi de l'Europe qu'à partir du jour où vous avez perdu l'Afrique. Cette sorte d'amour n'est pas la bonne. Cette terre où tant de siècles ont laissé leurs exemples n'est pour vous qu'une retraite forcée tandis qu'elle a toujours été notre meil- leur espoir. Votre trop soudaine passion est faite de dépit et de né- cessité. C'est un sentiment qui n'honore personne et vous compren- drez alors pourquoi aucun Européen digne de ce nom n'en a plus voulu. Vous dites Europe, mais vous pensez terre à soldats, grenier à blé, industries domestiquées, intelligence dirigée. Vais-je trop loin ? Mais du moins je sais que lorsque vous dites Europe, même à vos meilleurs moments, lorsque vous vous laissez entraîner par vos propres menson- ges, vous ne pouvez vous empêcher de penser à une cohorte de nations dociles menée par une Allemagne de seigneurs, [57] vers un avenir fa- buleux et ensanglanté. je voudrais que vous sentiez bien cette diffé- Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 31 rence, l'Europe est pour vous cet espace cerclé de mers et de monta- gnes, coupé de barrages, fouillé de mines, couvert de moissons, où l'Al- lemagne joue une partie, dont son seul destin est l'enjeu. Mais elle est pour nous cette terre de l'esprit où depuis vingt siècles se poursuit la plus étonnante aventure de l'esprit humain. Elle est cette arène privi- légiée où la lutte de l'homme d'Occident contre le monde, contre les dieux, contre lui-même, atteint aujourd'hui son moment le plus boule- versé. Vous le voyez, il n'y a pas de commune mesure. Ne craignez pas que je reprenne contre vous les thèmes d'une vieil- le propagande : je ne revendiquerai pas la tradition chrétienne. C'est un autre problème. Vous en avez trop parlé aussi, et jouant les défen- seurs de Rome, vous n'avez pas craint de faire au Christ une publicité [58] dont il a commencé de prendre l'habitude le jour où il reçut le baiser qui le désignait au supplice. Mais aussi bien, la tradition chré- tienne n'est qu'une de celles qui ont fait cette Europe et je n'ai pas qualité pour la défendre devant vous. Il y faudrait le goût et la pente d'un cœur abandonné à Dieu. Vous savez qu'il n'en est rien pour moi. Mais lorsque je me laisse aller à penser que mon pays parle au nom de l'Europe et qu'en défendant l'un nous les défendons ensemble, moi aussi, j'ai alors ma tradition. Elle est en même temps celle de quelques grands individus et d'un peuple inépuisable. Ma tradition a deux élites, celle de l'intelligence et celle du courage, elle a ses princes de l'esprit et son peuple innombrable. Jugez si cette Europe, dont les frontières sont le génie de quelques-uns, et le cœur profond de tous ses peuples, diffère de cette tache colorée que vous avez annexée sur des cartes provisoires. [59] Souvenez-vous : vous m'avez dit, un jour où vous vous moquiez de mes indignations : « Don Quichotte n'est pas de force si Faust veut le vaincre. » Je vous ai dit alors que ni Faust ni Don Quichotte n'étaient faits pour se vaincre l'un l'autre, et que l'art n'était pas in- venté pour apporter du mal au monde. Vous aimiez alors les images un peu chargées et vous avez continué. Il fallait selon vous choisir entre Hamlet ou Siegfried. À l'époque, je ne voulais pas choisir et surtout il ne me paraissait pas que l'Occident fût ailleurs que dans cet équilibre Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 32 entre la force et la connaissance. Mais vous vous moquiez de la connaissance, vous parliez seulement de puissance. Aujourd'hui, je me comprends mieux et je sais que même Faust ne vous servira de rien. Car nous avons en effet admis que l'idée que, dans certains cas, le choix est nécessaire. Mais notre choix n'aurait pas plus d'importance que le vôtre s'il n'avait pas été fait [60] dans la conscience qu'il était inhumain et que les grandeurs spirituelles ne pouvaient se séparer. Nous saurons ensuite réunir, et vous ne l'avez jamais su. Vous le voyez, c'est toujours la même idée, nous revenons de loin. Mais nous l'avons payée assez cher pour avoir le droit d'y tenir. Cela me pousse à dire que votre Europe n'est pas la bonne. Elle n'a rien pour réunir ou enfié- vrer. La nôtre est une aventure commune que nous continuerons de faire, malgré vous, dans le vent de l'intelligence. Je n'irai pas beaucoup plus loin. Il m'arrive quelquefois, au détour d'une rue, dans ces courts répits que laissent les longues heures de la lutte commune, de penser à tous ces lieux d'Europe que je connais bien. C'est une terre magnifique faite de peine et d'histoire. je re- commence ces pèlerinages que j'ai faits avec tous les hommes d'Occi- dent : les roses dans les cloîtres de Florence, les bulbes [61] dorés de Cracovie, le Hradschin et ses palais morts, les statues contorsionnées du pont Charles sur l'Ultava, les jardins délicats de Salzbourg. Toutes ces fleurs et ces pierres, ces collines et ces paysages où le temps des hommes et le temps du monde ont mêlé les vieux arbres et les monu- ments ! Mon souvenir a fondu ces images superposées pour en faire un seul visage qui est celui de ma plus grande patrie. Quelque chose se serre en moi lorsque je pense alors que sur cette face énergique et tourmentée votre ombre, depuis des années, s'est posée. Il est pour- tant quelques-uns de ces lieux que vous et moi avons vus ensemble. Je n'avais pas l'idée en ce temps-là qu'un jour il nous faudrait les délivrer de vous. Et encore, a certaines heures de rage et de désespoir, il m'arrive de regretter que les roses puissent encore pousser dans le cloître de San Marco, les pigeons se détacher en grappes de la cathé- drale de [62] Salzbourg et les géraniums rouges pousser inlassable- ment sur les petits cimetières de Silésie. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 35 seule aube dont ils aient désormais envie. J'attends et je pense à vous : j'ai encore une chose à vous dire qui sera la dernière. Je veux vous dire comment il est possible que nous ayons été si semblables et que nous soyons aujourd'hui ennemis, comment j'aurais pu être à vos côtés et pourquoi maintenant tout est fini entre nous. . Nous avons longtemps cru ensemble que ce monde n'avait pas de raison supérieure et que nous étions frustrés. Je le crois encore d'une certaine manière. Mais j'en ai tiré d'autres conclusions que celles dont vous me parliez alors et que, depuis tant d'années, vous essayez de faire entrer dans l'Histoire. Je me dis aujourd'hui que si je vous avais réellement suivi dans ce que vous pensez, je devrais vous donner [69] raison dans ce que vous faites. Et cela est si grave qu'il faut bien que je m'y arrête, au cœur de cette nuit d'été si chargée de promesses pour nous et de menaces pour vous. Vous n'avez jamais cru au sens de ce monde et vous en avez tiré l'idée que tout était équivalent et que le bien et le mal se définissaient selon qu'on le voulait. Vous avez supposé qu'en l'absence de toute mo- rale humaine ou divine les seules valeurs étaient celles qui régissaient le monde animal, c'est-à-dire la violence et la ruse. Vous en avez conclu que l'homme n'était rien et qu'on pouvait tuer son âme, que dans la plus insensée des histoires la tâche d'un individu ne pouvait être que l'aventure de la puissance, et sa morale, le réalisme des conquêtes. Et à la vérité, moi qui croyais penser comme vous, je ne voyais guère d'argument à vous opposer, sinon un goût violent de la justice qui, pour finir, [70] me paraissait aussi peu raisonné que la plus soudaine des passions. Où était la différence ? C'est que vous acceptiez légèrement de désespérer et que je n'y ai jamais consenti. C'est que vous admettiez assez l'injustice de notre condition pour vous résoudre à y ajouter, tandis qu'il m'apparaissait au contraire que l'homme devait affirmer la justice pour lutter contre l'injustice éternelle, créer du bonheur pour protester contre l'univers du malheur. Parce que vous avez fait de vo- tre désespoir une ivresse, parce que vous vous en êtes délivré en l'éri- geant en principe, vous avez accepté de détruire les œuvres de l'hom- Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 36 me et de lutter contre lui pour achever sa misère essentielle. Et moi, refusant d'admettre ce désespoir et ce monde torturé, je voulais seu- lement que les hommes retrouvent leur solidarité pour entrer en lutte contre leur destin révoltant. Vous le voyez, d'un même principe nous avons tiré des morales dif- férentes. [71] C'est qu'en chemin vous avez abandonné la lucidité et trouvé plus commode (vous auriez dit indifférent) qu'un autre pensât pour vous et pour des millions d'Allemands. Parce que vous étiez las de lutter contre le ciel, vous vous êtes reposés dans cette épuisante aventure où votre tâche est de mutiler les âmes et de détruire la ter- re. Pour tout dire, vous avez choisi l'injustice, vous vous êtes mis avec les dieux. Votre logique n'était qu'apparente. J'ai choisi la justice au contraire, pour rester fidèle à la terre. Je continue à croire que ce monde n'a pas de sens supérieur. Mais je sais que quelque chose en lui a du sens et c'est l'homme, parce qu'il est le seul être à exiger d'en avoir. Ce monde a du moins la vérité de l'hom- me et notre tâche est de lui donner ses raisons contre le destin lui- même. Et il n'a pas d'autres raisons que l'homme et c'est celui-ci qu'il faut sauver si l'on veut sauver l'idée qu'on se fait de la vie. Votre [72] sourire et votre dédain me diront : qu'est-ce que sauver l'homme ? Mais je vous le crie de tout moi-même, c'est ne pas le mutiler et c'est donner ses chances à la justice qu'il est le seul à concevoir. Voilà pourquoi nous sommes en lutte. Voilà pourquoi nous avons dû vous suivre d'abord dans un chemin dont nous ne voulions pas et au bout duquel nous avons, pour finir, trouvé la défaite. Car votre déses- poir faisait votre force. Dès l'instant où il est seul, pur, sûr de lui, im- pitoyable dans ses conséquences, le désespoir a une puissance sans merci. C'est celle qui nous a écrasés pendant que nous hésitions et que nous avions encore un regard sur des images heureuses. Nous pensions que le bonheur est la plus grande des conquêtes, celle qu'on fait contre le destin qui nous est impose. Même dans la défaite, ce regret ne nous quittait pas. Albert Camus, Lettres à un ami allemand (1944) 37 Mais vous avez fait ce qu'il fallait, nous sommes entrés dans l'His- toire. Et pendant [73] cinq ans, il n'a plus été possible de jouir du cri des oiseaux dans la fraîcheur du soir. Il a fallu désespérer de force. Nous étions séparés du monde, parce qu'à chaque moment du monde s'attachait tout un peuple d'images mortelles. Depuis cinq ans, il n'est plus sur cette terre de matin sans agonies, de soir sans prisons, de midi sans carnages. Oui, il nous a fallu vous suivre. Mais notre exploit difficile revenait à vous suivre dans la guerre, sans oublier le bonheur. Et à travers les clameurs et la violence, nous tentions de garder au cœur le souvenir d'une mer heureuse, d'une colline jamais oubliée, le sourire d'un cher visage. Aussi bien, c'était notre meilleure arme, cel- le que nous n'abaisserons jamais. Car le jour où nous la perdrions, nous serions aussi morts que vous. Simplement, nous savons maintenant que les armes du bonheur demandent pour être forgées beaucoup de temps et trop de sang. [74] Il nous a fallu entrer dans votre philosophie, accepter de vous ressembler un peu. Vous aviez choisi l'héroïsme sans direction, parce que c'est la seule valeur qui reste dans un monde qui a perdu son sens. Et l'ayant choisi pour vous, vous l'avez choisi pour tout le monde et pour nous. Nous avons été obligés de vous imiter afin de ne pas mourir. Mais nous avons aperçu alors que notre supériorité sur vous était d'avoir une direction. Maintenant que cela va finir, nous pouvons vous dire ce que nous avons appris, c'est que l'héroïsme est peu de chose, le bonheur plus difficile. À présent, tout doit vous être clair, vous savez que nous sommes ennemis. Vous êtes l'homme de l'injustice et il n'est rien au monde que mon cœur puisse tant détester. Mais ce qui n'était qu'une passion, j'en connais maintenant les raisons. Je vous combats parce que votre logi- que est aussi criminelle que votre cœur. Et dans l'horreur que vous nous [75] avez prodiguée pendant quatre ans, votre raison a autant de part que votre instinct. C'est pourquoi ma condamnation sera totale, vous êtes déjà mort à mes yeux. Mais dans le temps même où je juge- rai votre atroce conduite, je me souviendrai que vous et nous sommes partis de la même solitude, que vous et nous sommes avec toute l'Eu-
Docsity logo



Copyright © 2024 Ladybird Srl - Via Leonardo da Vinci 16, 10126, Torino, Italy - VAT 10816460017 - All rights reserved