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1 Textes: Roberto Zucco, , Bernard-Marie Koltès, I. L'ÉVASION., Notes de Littérature

Textes: Roberto Zucco, , Bernard-Marie Koltès,. I. L'ÉVASION. Le chemin de ronde d'une prison, au ras des toits. Les toits de la prison, jusqu'à leur sommet ...

Typologie: Notes

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

Michel_Toulon
Michel_Toulon 🇫🇷

4.3

(47)

94 documents

Aperçu partiel du texte

Télécharge 1 Textes: Roberto Zucco, , Bernard-Marie Koltès, I. L'ÉVASION. et plus Notes au format PDF de Littérature sur Docsity uniquement! 1 Textes: Roberto Zucco, , Bernard-Marie Koltès, I. L'ÉVASION. Le chemin de ronde d’une prison, au ras des toits. Les toits de la prison, jusqu’à leur sommet. A l’heure où les gardiens, à force de silence et fatigués de fixer l'obscurité, sont parfois victimes d’hallucinations. PREMIER GARDIEN. - Tu as entendu quelque chose? DEUXIÈME GARDIEN. - Non, rien du tout. PREMIER GARDIEN. - Tu n'entends jamais rien. DEUXIÈME GARDIEN. - Tu as entendu quelque chose, toi? PREMIER GARDIEN. - Non, mais j'ai l'impression d'entendre quelque chose. DEUXIÈME GARDIEN. - Tu as entendu ou tu n'as pas entendu? PREMIER GARDIEN. - Je n'ai pas entendu par les oreilles, mais j'ai eu l'idée d'entendre quelque chose. DEUXIÈME GARDIEN. - L'idée? Sans les oreilles? PREMIER GARDIEN. - Toi, tu n'as jamais d'idée, c'est pour cela que tu n'entends jamais rien et que tu ne vois rien. DEUXIÈME GARDIEN. - Je n'entends rien parce qu'il n'y a rien à entendre et je ne vois rien parce qu'il n'y a rien à voir. Notre présence ici est inutile, c'est pour cela qu'on finit toujours par s'engueuler. Inutile, complètement; les fusils, les sirènes muettes, nos yeux ouverts alors qu'à cette heure tout le monde a les yeux fermés. Je trouve inutile d'avoir les yeux ouverts à ne fixer rien, et les oreilles tendues à ne guetter rien, alors qu'à cette heure nos oreilles devraient écouter le bruit de notre univers intérieur et nos yeux contempler nos paysages intérieurs. Est-ce que tu crois à l'univers intérieur? PREMIER GARDIEN. - Je crois qu'il n'est pas inutile qu'on soit là, pour empêcher les évasions. DEUXIÈME GARDIEN. - Mais il n'y a pas d'évasion ici. C'est impossible. La prison est trop moderne. Même un tout petit prisonnier ne pourrait pas s'évader. Même un prisonnier petit comme un rat. S'il passait les grandes grilles, il y en a, après, de plus fines, comme des passoires, et plus fines ensuite, comme un tamis. Il faudrait être liquide pour pouvoir passer à travers. Et une main qui a poignardé, un bras qui a étranglé ne peuvent pas être faits de liquide. ils doivent au contraire devenir lourds et encombrants. Comment crois-tu que quelqu'un peut avoir l'idée de poignarder ou d'étrangler, l'idée d'abord, et passer à l'action ensuite? PREMIER GARDIEN. - Pur vice. DEUXIÈME GARDIEN. - Moi qui suis gardien depuis six années, j'ai toujours regardé les meurtriers en cherchant où pouvait se trouver ce qui les différenciait de moi, gardien de prison, incapable de poignarder ni d'étrangler, incapable même d'en avoir l'idée. J'ai réfléchi, j'ai cherché, je les ai même regardés sous la douche, parce qu'on m’a dit que c'était dans le sexe que se logeait l'instinct meurtrier. J'en ai vu plus de six cents, eh bien, aucun point commun entre eux; il y en a des gros, il y en a des petits, il y en a des minces, il y en a des tout petits, il y en a des ronds, il y en a des pointus, il y en a des énormes, il n'y a rien à tirer de cela. PREMIER GARDIEN. - Pur vice, je te dis. Tu ne vois pas quelque chose? Apparaît Zucco, marchant sur le faîte du toit. DEUXIÈME GARDIEN. - Non, rien du tout. PREMIER GARDIEN. - Moi non plus, mais j'ai l'idée de voir quelque chose. DEUXIÈME GARDIEN. - Je vois un type marchant sur le toit. Ce doit être un effet de notre manque de sommeil. PREMIER GARDIEN. - Qu'est-ce qu'un type ferait sur le toit? Tu as raison. On devrait de temps en temps refermer les yeux sur notre univers intérieur. DEUXIÈME GARDIEN. - Je dirais même qu'on dirait Roberto Zucco, celui qui a été mis sous écrou cet après-midi pour le meurtre de son père. Une bête furieuse, une bête sauvage. PREMIER GARDIEN. - Roberto Zucco. Jamais entendu parler. DEUXIÈME GARDIEN. - Mais tu vois quelque chose, là, ou je suis seul à voir? Zucco avance toujours, tranquillement, sur le toit. PREMIER GARDIEN. - J'ai l'idée que je vois quelque chose. Mais qu'est-ce que c'est? Zucco commence à disparaître derrière une cheminée. DEUXIÈME GARDIEN. - C'est un prisonnier qui s'évade. Zucco a disparu. PREMIER GARDIEN. - Putain, tu as raison c'est une évasion. Coups de feu, projecteurs, sirènes. 2 Roberto Zucco, tableau 3, Zucco, La Gamine III SOUS LA TABLE Au bout d'un moment, La gamine sort de dessous la table, s'approche de la fenêtre, l'entrouvre, fait entrer Zucco. LA GAMINE. — Enlève tes chaussures. Comment t'appelles-tu ? ZUCCO. — Appelle-moi comme tu veux. Et toi? LA GAMINE. — Moi, je n'ai plus de nom. On m'appelle tout le temps de noms de petites bêtes, poussin, pinson, moineau, alouette, étourneau, colombe, rossignol. Je préférerais que l'on m'appelle rat, serpent à sonnette ou porcelet. Qu'est-ce que tu fais, dans la vie ? ZUCCO. — Dans la vie ? LA GAMINE. — Oui, dans la vie : ton métier, ton occupation, comment tu gagnes de l'argent, et toutes ces choses que tout le monde fait ? ZUCCO. — Je ne fais pas ce que fait tout le monde. LA GAMINE. — Alors justement, dis-moi ce que tu fais. ZUCCO. —- Je suis agent secret. Tu sais ce que c'est, un agent secret ? LA GAMINE. — Je sais ce que c'est qu'un secret. ZUCCO. — Un agent, en plus d'être secret, il voyage, il parcourt le monde, il a des armes. LA GAMINE. — Tu as une arme ? ZUCCO. — Bien sûr que oui. LA GAMINE. — Montre-moi. ZUCCO. — Non. LA GAMINE. — Alors, tu n'as pas d'arme. ZUCCO. — Regarde. (Il sort un poignard. ) LA GAMINE. — Ce n'est pas une arme, ça. ZUCCO. — Avec ça, tu peux tuer aussi bien qu'avec n'importe quelle autre arme. LA GAMINE. — En dehors de tuer, qu'est-ce qu'il fait d'autre, un agent secret ? ZUCCO. — II voyage, il va en Afrique. Tu connais l'Afrique ? LA GAMINE. — Très bien. ZUCCO. — Je connais des coins, en Afrique, des montagnes tellement hautes qu'il y neige tout le temps. Personne ne sait qu'il neige en Afrique. Moi,c'est ce que je préfère au monde : la neige en Afrique qui tombe sur des lacsgelés. LA GAMINE. — Je voudrais aller voir la neige en Afrique. Je voudrais faire du patin à glace sur les lacs gelés. ZUCCO. — II y a aussi des rhinocéros blancs qui traversent le lac, sous la neige. LA GAMINE. — Comment tu t'appelles ? Dis-moi ton nom. ZUCCO. — Jamais je ne dirai mon nom. LA GAMINE. — Pourquoi ? Je veux savoir ton nom. ZUCCO. — C'est un secret. LA GAMINE. — Je sais garder les secrets. Dis-moi ton nom. ZUCCO. — Je l'ai oublié. LA GAMINE. — Menteur. ZUCCO. —- Andréas. LA GAMINE. — Non. ZUCCO. — Angelo. LA GAMINE. — Ne te moque pas de moi ou je crie. Ce n'est aucun de ces noms-là. ZUCCO. — Et comment le sais-tu, puisque tu ne le sais pas ? LA GAMINE. — Impossible. Je le reconnaîtrai tout de suite. ZUCCO. — Je ne peux pas le dire. LA GAMINE. — Même si tu ne peux pas le dire, dis-le-moi quand même. ZUCCO. — Impossible. Il pourrait m'arriver un malheur. LA GAMINE. — Cela ne fait rien. Dis-le-moi quand même. ZUCCO. — Si je te le disais, je mourrais. LA GAMINE. — Même si tu dois mourir, dis-le-moi quand même.
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