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54LunevilleLBichat1ann42005.pdf, Slides de Poésie

New-York » de Léopold Sedar Senghor (Ethiopiques, 1956) ... Analyse comparée des textes de Sartre (« New-York, ville coloniale »), d'Albert Camus.

Typologie: Slides

2021/2022

Téléchargé le 08/06/2022

Celestine92
Celestine92 🇫🇷

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Télécharge 54LunevilleLBichat1ann42005.pdf et plus Slides au format PDF de Poésie sur Docsity uniquement! _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 1/ ANNEXE 4 Sensibilisation au développement durable Académie de Nancy Metz Lycée Bichat, 4, avenue du docteur Paul Kahn 54300 Lunéville Le développement durable et le programme de lettres SEQUENCE n°3 : Dans les rues de la ville moderne… Programme de Lettres Dans le cadre du projet de Première ES : sensibilisation au développement durable, j’ai proposé aux élèves une séquence sur la Ville en poésie. Cette séquence permettait de traiter l’objet d’étude « poésie » mais offrait également la possibilité de travailler sur la perception de la ville moderne de certains poètes du XIXème et du XXème siècle. La ville paraissait se modifier considérablement avec la révolution industrielle et les techniques modernes et elle offrait déjà une image polluée, grise, quasiment monstrueuse. Les élèves ont pu ainsi étudier l’évolution du paysage urbain à travers les regards aiguisés de poètes aux sensibilités diverses : Rimbaud, en poète visionnaire, Verhaeren, cynique et sans illusions, Apollinaire, en chantre de la modernité et Senghor interrogeant modernité et négritude. La séquence a amené un questionnement sur l’homme, son besoin de construire un monde urbain, en collectivité mais aussi hiérarchisé qui omet sa liberté individuelle. Seul bémol à ce projet, la complexité de certains poèmes a empêché la compréhension approfondie et les impressions de première lecture de quelques élèves. Objet d’étude : La poésie (groupement de textes) Perspectives : Genres et registres Histoire littéraire et culturelle Problématique : Comment la poésie urbaine peut-elle représenter un espace de la modernité ? Extraits : (les textes en gras sont inscrits sur la liste de bac) - « Villes II» d’Arthur Rimbaud (Illuminations, 1875) - « La ville » de Emile Verhaeren (Les campagnes hallucinées, 1883) - « Zone » de Guillaume Apollinaire (Alcools, 1912) - « New-York » de Léopold Sedar Senghor (Ethiopiques, 1956) Etudes complémentaires : - Biographies de Rimbaud, Apollinaire, Senghor - Différents extraits de poèmes sur la ville - Lecture de « Villes I » et de « Ville » de Rimbaud (comparaison avec « Villes II ») - Analyse comparée des textes de Sartre (« New-York, ville coloniale »), d’Albert Camus (« Pluies de New-York »), de dessins de Tardi illustrant Céline avec le poème de Senghor. _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 2/ Synthèse (étude d’ensemble) : - Paysage urbain et modernité. Evaluations : - Ecriture d’invention. Villes II L'acropole officielle outre les conceptions de la barbarie moderne les plus colossales. Impossible d'exprimer le jour mat produit par le ciel immuablement gris, l'éclat impérial des bâtisses, et la neige éternelle du sol. On a reproduit dans un goût d'énormité singulier toutes les merveilles classiques de l'architecture. J'assiste à des expositions de peinture dans les locaux vingt fois plus vastes qu'Hampton Court. Quelle peinture ! Un Nabuchodonosor norvégien a fait construire les escaliers des ministères ; les subalternes que j'ai pu voir sont déjà plus fiers que des Brahmans et j'ai tremblé à l'aspect de colosses des gardiens et officiers de constructions. Par le groupement des bâtiments en squares, cours et terrasses fermées, on a évincé les clochers. Les parcs représentent la nature primitive travaillée par un art superbe. Le haut quartier a des parties inexplicables : un bras de mer, sans bateaux, roule sa nappe de grésil bleu entre des quais chargés de candélabres géants. Un pont court conduit à une poterne immédiatement sous le dôme de la Sainte-Chapelle. Ce dôme est une armature d'acier artistique de quinze mille pieds de diamètre environ. Sur quelques points des passerelles de cuivre, des plates-formes, des escaliers qui contournent les halles et les piliers, j'ai cru pouvoir juger la profondeur de la ville ! C'est le prodige dont je n'ai pu me rendre compte : quels sont les niveaux des autres quartiers sur ou sous l'acropole ? Pour l'étranger de notre temps la reconnaissance est impossible. Le quartier commerçant est un circus d'un seul style, avec galeries à arcades. On ne voit pas de boutiques. Mais la neige de la chaussée est écrasée ; quelques nababs aussi rares que les promeneurs d'un matin de dimanche à Londres, se dirigent vers une diligence de diamants. Quelques divans de velours rouge : on sert des boissons polaires dont le prix varie de huit cents à huit mille roupies. A l'idée de chercher des théâtres sur ce circus, je me réponds que les boutiques doivent contenir des drames assez sombres. Je pense qu'il y a une police, mais la loi doit être tellement étrange, que je renonce à me faire une idée des aventuriers d'ici. Le faubourg aussi élégant qu'une belle rue de Paris est favorisé d'un air de lumière. L'élément démocratique compte quelques cent âmes. Là encore les maisons ne se suivent pas ; le faubourg se perd bizarrement dans la campagne, le "Comté" qui remplit l'occident éternel des forêts et des plantations prodigieuses où les gentilshommes sauvages chassent leurs chroniques sous la lumière qu'on a créée. Rimbaud, Illuminations, 1875 Vocabulaire Villes visitées par Rimbaud en 1875 Londres, Stuttgart, Bruxelles, Paris. Acropole Partie la plus élevée des cités grecques, comportant une citadelle et des lieux de culte (l'Acropole d'Athènes). Hampton Court Château, résidence royale d'Henri VIII au sud-ouest de Londres. Henri VIII roi d'Angleterre, 1509-1547, un des princes de la Renaissance, créateur de la religion anglicane car le pape refusait d'annuler son mariage avec Catherine d'Aragon. Il _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 5/ - Les matériaux utilisés révèlent l’artifice : « armature d’acier artistique », « des passerelles de cuivre », « diligence de diamants », « velours rouge ». III/ La place de l’homme dans les villes modernes A/ Une ville stratifiée - Hiérarchisation de la ville en fonction du niveau social par couches et zones - Stratagème d’exclusion à la périphérie - Les hommes dans les hauts quartiers : - Les hommes dans les bas quartiers - Les hommes dans les faubourgs B/ La place du poète - il se perd - il n’a pas sa place - il est un observateur privilégié - il reste seul BILAN La Ville Tous les chemins vont vers la ville. Du fond des brumes, Là-bas, avec tous ses étages Et ses grands escaliers et leurs voyages Jusques au ciel, vers de plus hauts étages, Comme d'un rêve, elle s'exhume. Là-bas, Ce sont des ponts tressés en fer Jetés, par bonds, à travers l'air ; Ce sont des blocs et des colonnes Que dominent des faces de gorgonnes ; Ce sont des tours sur des faubourgs, Ce sont des toits et des pignons, En vols pliés, sur les maisons ; C'est la ville tentaculaire, Debout, Au bout des plaines et des domaines. Des clartés rouges Qui bougent Sur des poteaux et des grands mâts, Même à midi, brûlent encor Comme des oeufs monstrueux d'or, Le soleil clair ne se voit pas : Bouche qu'il est de lumière, fermée Par le charbon et la fumée, Un fleuve de naphte et de poix Bat les môles de pierre et les pontons de bois ; Les sifflets crus des navires qui passent Hurlent la peur dans le brouillard : _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 6/ Un fanal vert est leur regard Vers l'océan et les espaces. Des quais sonnent aux entrechocs de leurs fourgons, Des tombereaux grincent comme des gonds, Des balances de fer font choir des cubes d'ombre Et les glissent soudain en des sous-sols de feu ; Des ponts s'ouvrant par le milieu, Entre les mâts touffus dressent un gibet sombre Et des lettres de cuivre inscrivent l'univers, Immensément, par à travers Les toits, les corniches et les murailles, Face à face, comme en bataille. Par au-dessus, passent les cabs, filent les roues, Roulent les trains, vole l'effort, Jusqu'aux gares, dressant, telles des proues Immobiles, de mille en mille, un fronton d'or. Les rails raméfiés rampent sous terre En des tunnels et des cratères Pour reparaître en réseaux clairs d'éclairs Dans le vacarme et la poussière. C'est la ville tentaculaire. […] Emile Verhaeren, Les Campagnes hallucinées, 1893 Lecture analytique Emile Verhaeren, « Les villes » (vers 1 à 50), Les Campagnes hallucinées, 1893. Voir le site weblettres.fr SEQUENCE n°3 : Dans les rues de la ville moderne… Séance 3 : Lecture analytique de « Zone », Apollinaire (1911) OBJECTIF : analyser la modernité du poème. Zone À la fin tu es las de ce monde ancien Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes La religion seule est restée toute neuve la religion Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X Et toi que les fenêtres observent la honte te retient D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventures policières Portraits des grands hommes et mille titres divers J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom Neuve et propre du soleil elle était le clairon Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent Le matin par trois fois la sirène y gémit _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 7/ Une cloche rageuse y aboie vers midi Les inscriptions des enseignes et des murailles Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent J'aime la grâce de cette rue industrielle Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l'avenue des Ternes […] Apollinaire, Alcools, 1912 INTRODUCTION : • Guillaume Apollinaire (1880-1918) développe son intérêt pour le cubisme. Il anticipe le futur mouvement surréaliste. Il est attaché au monde moderne, à la ville. En 1913, il publie Alcools. On lui doit entre autres : Calligrammes ; L’enchanteur pourrissant ; Le guetteur mélancolique ; Les mamelles de Tirésias (théâtre) ; Le poète assassiné (récits en prose)... Le recueil Alcools se compose comme une marqueterie. C’est un ensemble composite, révélateur des différentes facettes de la vie du poète. Les poèmes correspondent à des périodes d’écriture très variées puisqu’il y a environ 10 ans d’intervalle entre le premier et le dernier poème écrit. A l’origine, le recueil devait s’intituler Eau de vie. Ce n’est qu’au dernier moment que le titre sera changé, en même temps que seront ajoutés les deux textes les plus récents « Zone », placé au début du recueil et « Vendémiaire » placé en dernier. Même s’il règne un désordre apparent et si l’on ne note pas d’unité de ton, on remarque que ce recueil est composé de façon cohérente autour du symbole du phœnix. • Il est intéressant de remarquer qu’Apollinaire choisit de commencer son recueil avec le poème « Zone ». C’est un texte fondamentalement novateur : par son thème (la ville, la tour Eiffel, les affiches publicitaires...), par son écriture (vers libres et absence de ponctuation), par sa longueur inusitée, par son propos (qui mêle le récit de 24 heures dans une vie et les souvenirs de toute une vie). En fait « Zone » est une sorte de manifeste à tonalité pessimiste. Il est l’expression d’obsessions non résolues qui ne trouveront de solution que dans le dernier texte du recueil « Vendémiaire » (cf. La résurrection du Phoenix). Le poème « Zone » a été écrit en 1911. Il est le dernier texte sur le plan chronologique et le premier dans le recueil. Cela montre qu’il joue un rôle clé de « poème manifeste ». Il est une vision du travail de création du poète. En écho « Vendémiaire » à la fin du recueil possède le même thème et la même fonction. C’est un poème sur la modernité. L’apparence est décousue et surprenante. On y note de nombreux éléments autobiographiques. Il raconte l’échec de la transformation du poète dans l’expérience de la création. Le poème se compose de vers libres et d’images surprenantes. Problématique : Comment se traduit la modernité dans ce poème ? • Axes de lecture I) Le rejet des valeurs passées II) Un appel à la modernité I) Le rejet des valeurs passées 1) Un désir de changement, la lassitude du passé • Le poème commence par un vers qui est une véritable provocation. En effet, il discrédite le « monde ancien » et en même temps compose ce vers de la façon la plus traditionnelle : C’est un alexandrin avec diérèse + assonance en [in] et allitération en [s] : « A/ la/ fin/ tu/ es/ las// de/ ce/ mon/de an/ci/en/ ». Ce paradoxe se justifie dans la mesure où il marque un désir qui n’est pas encore réalisé( la volonté de voir apparaître un monde nouveau qui n’existe pas encore) • Ce désir de voir changer le monde ramène le lecteur au titre Alcools qui évoque la fermentation, la transformation en autre chose (cf. thème du phœnix). • Ce premier vers crée aussi un effet de surprise (image choc) dans la mesure où ses premiers mots (et donc les premiers du recueil) sont « A la fin ». L’expression ne fait que renforcer le sentiment _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 10/ positive à un bruit intense « le clairon » et à une image éclatante « le soleil ». (le passage est facilité par la proximité sonore « clairon » / « éclairer »). • Un deuxième type d’expression écrite est évoqué aux v.13-14 « les livraisons à 25 centimes... », « mille titres divers » qui désignent cette fois « la prose » v.12. Ce sont les parutions dites à scandale « pleines d’aventures policières » [cf. Détective ; ces journaux à sensation sont très en vogue à l’époque]. Apollinaire y marque son goût pour des écrits ouverts sur l’infinie diversité du monde : « mille », « divers », « pleines ». • On note dans cet éloge de la presse la référence à l’argent « 25 centimes ». Ce qui est intéressant, c’est que ceci est valorisé par le poète alors que d’ordinaire on considère l’argent extrêmement prosaïque. 4) Une écriture originale, cubiste • Enonciation originale : repères brouillés de temps et de personne : poète est « je » v.15-23 et « tu » v.9-10-11. Il s’adresse à la tour Eiffel : « Tu es las… » v.1-3, au christianisme : « tu n’es pas antique… » v.7. Technique propre au cubisme : le personnage est tantôt destinataire tantôt énonciateur : dédoublement de la personnalité, ubiquité (cf. portraits cubistes) • Repères de temps et d’espace : poème se déroule sur 24h (du matin au matin) à Paris mais retour en arrière anarchiques : « Ce matin » v2-10 employé avec présent mais aussi verbe passé composé v.15 puis retour au présent. Indications spatiales précises et plus vastes : rue Aumont-Théville…, une jolie rue, une église… • Absence de ponctuation : le premier à supprimer la ponctuation : brouillage : représentation fragmentaire de la réalité. • Absence de rimes : assonances ou rimes pauvres, vers libres, vers très longs. • Enfin on remarque que la description des nouveaux modes d’expression écrite se fait dans un style prosaïque : « voilà »v.12 ; « il y a »v.12 et 13. Le ton volontairement simpliste est conforme lui aussi à l’annonce d’un art nouveau. • Une nouvelle écriture poétique est en train de naître : la poésie moderne, « Zone » en est le manifeste. CONCLUSION Explication du titre Zone : 1. cf. le grec "zônè" : la ceinture : image d'une boucle fermée, d'un voyage qui se termine par un retour au point de départ (le matin). 2. terrains vagues qui ceinturaient Paris : évocation de la misère des bidonvilles. 3. zone franche, dans le Jura, à Étival, où Apollinaire séjourna chez des amis : une contrée mal définie, qui n'appartient à aucun pays, dans laquelle on erre. • Le poète fait part dans ce premier poème de ses désillusions. L’art est vieux, la vie errante est difficile à supporter, l’amour est décevant et l’enfance est perdue à tout jamais. C’est pourquoi le poète cherche un renouvellement, une transformation, un « alcool » qui provoquera une ivresse nouvelle et redonnera l’émerveillement de la vie. C’est à la poésie d’explorer ces nouveautés. Le recueil Alcools apparaît comme l’objet de cette quête. • L’écriture renouvelée elle aussi, est fondée sur une association de burlesque, de saugrenu, les images mêlant impressions auditives et visuelles. • Apollinaire était lié au mouvement pictural cubiste et comme dans celui-ci, il cherchait à montrer la réalité sous plusieurs aspects en même temps. Il se rapproche aussi dans sa recherche esthétique de l’unanimisme (cf. Jules Romains : rendre compte de la réalité dans tous ses états concomitants). • [lire Blaise Cendrars « La Pâque à New York ». Grande similitude]. _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 11/ SEQUENCE n°3 : Dans les rues de la ville moderne… Séance 4 : Lecture analytique de « New-York », Senghor(1956) OBJECTIF : analyser la modernité du poème NEW YORK New York ! d’abord j’ai été confondu par ta beauté, ces grandes filles d’or aux jambes longues. Si timide d’abord devant tes yeux de métal bleu, ton sourire de givre Si timide. Et l’angoisse au fond des rues à gratte-ciel Levant des yeux de chouette parmi l’éclipse du soleil. Sulfureuse ta lumière et les fûts livides, dont les têtes foudroient le ciel Les gratte-ciel qui défient les cyclones sur leurs muscles d’acier et leur peau patinée de pierres. Mais quinze jours sur les trottoirs chauves de Manhattan C’est au bout de la troisième semaine que vous saisit la fièvre en un bond de jaguar Quinze jours sans un puits ni pâturage, tous les oiseaux de l’air Tombant soudain et morts sous les hautes cendres des terrasses. Pas un rire d’enfant en fleur, sa main dans ma main fraîche Pas un sein maternel, des jambes de nylon, des jambes et des seins sans sueur ni odeur. Pas un mot tendre en l’absence de lèvres, rien que des cœurs artificiels payés en monnaie forte Et pas un livre où lire la sagesse. La palette du peintre fleurit des cristaux de corail. Nuits d’insomnie ô nuits de Manhattan ! si agitées de feux follets, tandis que les klaxons hurlent les heures vides Et que les eaux obscures charrient des amours hygiéniques, tels des fleuves en crue des cadavres d’enfants. […] Léopold Sedar Senghor : Éthiopiques. INTRODUCTION : Leopold Sedar Senghor (1906-2001), homme de la négritude, chantre de la culture africaine révèle dans son poème Ethiopiques (1956) les beautés et les spécificités de l’Afrique et de l’homme noir… Ce poème « New-York » au sein de ce recueil sonne presque comme exotique, il dénote par rapport au thème général. Présenter la description d’une des villes les plus modernes dans un recueil qui définit l’homme africain et met en avant sa proximité avec la terre et la nature n’est pas du tout une évidence. C’est justement sur ce point que va insister Senghor. Le poème est composé de 3 strophes (nous étudions la première uniquement) qui traduisent une évolution dans la découverte de la ville : 1. Manhattan : la modernité, 2. Harlem : la négritude, 3. la réconciliation de la modernité et de l’homme noir. Ce poème est prévu pour être joué par un orchestre de jazz…avec solo de trompette, écrit en versets. Problématique : Quel regard porte l’homme africain sur la ville moderne ? • Axes de lecture : - Une relation de séduction/répulsion - La modernité ou la négation de la négritude 1/ Une relation de séduction /répulsion A/ Un éblouissement initial, dû à l’attrait de la nouveauté a) Qui s’explique par le contexte des années 50 : les Etats-Unis séduisent et agacent en même temps. _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 12/ - Séduction : participation à la seconde guerre mondiale contre la barbarie, réalisations techniques (société de consommation). b) Il est donc séduit par la beauté blanche : attirance fascination. - Blondeur : « grandes filles d’or aux longues jambes longues » v.1. - Regard clair : « tes yeux de métal bleu » v.2, « ton sourire » v.2 : comparaison avec une femme. c) Ainsi que par l’architecture - Son gigantisme : « Les gratte-ciel qui défient les cyclones ». - La modernité des matériaux utilisés : « leurs muscles d’acier ». Le poète est d’abord « confondu », « timide », impressionné, captivé par la beauté et la grandeur de la ville. Mais l’éblouissement ne dure que quinze jours. B/ Un regard lucide et critique : « au bout de la troisième semaine » a) Un univers négatif : - Froid : métaphores qui renvoient à la froideur mortifère : yeux associés au « métal » et sourire associé au « givre », « muscles d’acier ». - Absence de sentiments : « pas un sein maternel », « pas un mot tendre », « pas un rire d’enfant en fleur ». - Répulsion : due à la guerre froide et à l’expansionnisme culturel des Etats-Unis. b) New York fait surgir l’angoisse : - Une angoisse liée à l’éclipse de la lumière: « et l’angoisse au fond des rues à gratte-ciel » v.3, « éclipse de soleil » v.4. - Lumière artificielle : « sulfureuse », « livides » connotent l’absence de vitalité, voire l’enfer. - D’où une nuit qui n’ouvre pas sur la paix, mais sur l’insomnie : « Nuits d’insomnie » v.15. c) absence de repères : - Perte de l’antique sagesse : « monnaie », « klaxons » , « amours hygiéniques » : plus de conception traditionnelle de la vie. - Ville pécheresse qui sacrifie ses propres enfants : v.17-18 : image qui clôt la première strophe - « et pas un livre où lire la sagesse ». A l’image de tout le recueil, le poème souligne l’inquiétude de Senghor devant la modernité. 2/ La modernité ou la négation de la négritude A/ Une nature détruite a) Dans Manhattan, la nature est détruite : - Univers de pierre et d’acier. - Aux « trottoirs chauves » v.7. - Univers qui contamine même les gens : métaphore qui qualifie les yeux de « métal bleu ». b) Dénonciation de l’artifice : - Cf. les métaphores qui sont presque des oxymores et qui révèlent une nature rendue artificielle : «peau patinée de pierre » v6 ou « muscles d’acier » v.6. - L’absence de la nature : non seulement sans puits ni pâturage, mais la vie même y est impossible (les oiseaux « tombant soudain et morts » v.10 : importance du zeugma). - L’homme même est devenu « artificiel » : femme gainée de nylon et « jambes et seins sans sueur ni odeur » v.12. c) Rivalité de la ville et de la nature : Dénonciation de l’hybris occidental : la technique est un défi à la divinité. - Les gratte-ciel éclipsent le soleil. - Ils foudroient le ciel. - Ils défient les cyclones. _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 15/ SEQUENCE n°3 : Dans les rues de la ville moderne… Images de New York A/ Extraits du texte de Sartre : « New York, ville coloniale » « La nature pèse si lourdement sur New York que la plus moderne des villes est aussi la plus sale. De ma fenêtre, je vois le vent jouer avec des papiers épais, boueux, qui voltigent sur le pavé. Quand je sors, je marche dans une neige noirâtre, sorte de croûte boursouflée de la même teinte que le trottoir, à croire que c'est le trottoir lui-même qui se gondole. Dès la fin de mai, la chaleur s'abat sur la ville comme une bombe atomique. C'est le Mal. Les gens s'abordent en se disant : "It's a murder". Les trains emportent des millions de citadins. Ce n'est pas la ville qu'ils fuient, c'est la Nature. Jusque dans les profondeurs de mon appartement, je subis les assauts d'une nature hostile, sourde, mystérieuse. Je crois camper au coeur d'une jungle grouillante d'insectes. Il y a le gémissement du vent, il y a des décharges électriques que je reçois chaque fois que je touche un bouton de porte ou que je serre la main d'un ami ; il y a les cafards qui courent dans ma cuisine, les ascenseurs qui me donnent la nausée, la soif inextinguible qui me brûle du matin au soir. (...) J'aime New York. J'ai appris à l'aimer. Je me suis habitué à ses ensembles massifs, à ses grandes perspectives. Mes regards ne s'attardent plus sur les façades en quête d'une maison qui, par impossible, ne serait pas identique aux autres maisons. (...) J'ai appris à aimer son ciel. Dans les villes d'Europe, où les toits sont bas, le ciel rampe au ras du sol et semble apprivoisé. Le ciel de New York est beau parce que les gratte-ciel le repoussent très loin au- dessus de nos têtes. (...) La beauté est présente à toutes, comme sont présents toute la nature et le ciel de toute l'Amérique. Nulle part vous ne sentirez mieux la simultanéité des vies humaines. » Sartre, "New York, ville coloniale", Situations III, Éd. Gallimard (1949). Elle porte le nom de son concepteur, Gustave EIFFEL (1832-1923) qui la créa pour l'Exposition universelle de 1889 qui eut lieu à Paris. Ingénieur de formation, Eiffel est à l'image de ces savants légués par le XIX° siècle finissant. A l'image de tant de protagonistes des romans de Jules VERNE, il est ce scientifique qui, par ses connaissances, peut concourir au bonheur de l'Humanité. L'ingénieur est en effet celui qui, loin de demeurer dans l'abstraction des sciences pures, s'applique à propager, pour le bonheur de l'Humanité, les connaissances, éloignant les affres de l'obscurantisme, ce que cherchaient déjà, au siècle précédent, les Philosophes du Siècle des Lumières. Le roman de VERNE intitulé Les Indes noires met en évidence cette foi absolue dans le progrès de l'Homme par les sciences et les techniques. L'acier, au même titre que le verre et le béton, est le matériau par excellence de la modernité. Haute de 300 mètres, la Tour Eiffel semble un nouveau défi lancé au pari humain : aller toujours plus loin, plus haut, plus vite; domestiquer les forces de la Nature qui accablèrent l'Homme durant tant de millénaires. La tour de Gustave EIFFEL demeure l'archétype de l'architecture industrielle des temps nouveaux que chante le poète Emile VERHAEREN dans Les Villes Tentaculaires. Ce monument a survécu, demeurant un symbole de Paris. Les jeux pyrotechniques du 31 décembre 1999 en témoignent ! Il demeure un témoignage majeur du désir de l'Homme d'imprimer durablement sa marque sur le monde qui l'entoure. Le père du cubisme, Guillaume APOLLINAIRE, a lui-même représenté cette Tour mythique dans un de ses Calligrammes. _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 16/ B/ Extraits du texte de Camus : “Pluies de New York” « La pluie de New York est une pluie d'exil. Abondante, visqueuse et compacte, elle coule inlassablement entre les hauts cubes de ciment, sur les avenues soudain assombries comme des fonds de puits. Réfugié dans un taxi, arrêté aux feux rouges, relancé aux feux verts, on se sent tout à coup pris au piège, derrière les essuie-glaces monotones et rapides, qui balaient une eau sans cesse renaissante. On s'assure qu'on pourrait ainsi rouler pendant des heures, sans jamais se délivrer de ces prisons carrées, de ces citernes où l'on patauge, sans l'espoir d'une colline ou d'un arbre vrai. Dans la brume grise, les gratte-ciel devenus blanchâtres se dressent comme les gigantesques sépulcres d'une ville de morts, et semblent vaciller un peu sur leurs bases. Ce sont alors les heures de l'abandon. Huit millions d'hommes, l'odeur de fer et de ciment, la folie des constructeurs, et cependant l'extrême pointe de la solitude. « Quand même je serrerais contre moi tous les êtres du monde, je ne serais défendu contre rien. » C'est peut-être que New York n'est plus rien sans son ciel. Tendu aux quatre coins de l'horizon, nu et démesuré, il donne à la ville sa gloire matinale et la grandeur de ses soirs, à l'heure où un couchant enflammé s'abat sur la VIIIème Avenue et sur le peuple immense qui roule entre ses devantures, illuminées bien avant la nuit. Il y a aussi certains crépuscules sur le Riverside, quand on regarde l'autostrade qui remonte la ville, en contrebas, le long de l'Hudson, devant les eaux rougies par le couchant ; et la file ininterrompue des autos au roulement doux et bien huilé laisse soudain monter un chant alterné qui rappelle le bruit des vagues. je pense à d'autres soirs enfin, doux et rapides à vous serrer le coeur, qui empourprent les vastes pelouses de Central Park à hauteur de Harlem. Des nuées de négrillons s'y renvoient une balle avec une batte de bois, au milieu de cris joyeux, pendant que de vieux Américains, en chemise à carreaux, affalés sur des bancs, sucent avec un reste d'énergie des glaces moulées dans du carton pasteurisé, des écureuils à leurs pieds fouissant la terre à la recherche de friandises inconnues. Dans les arbres du parc, un jazz d'oiseaux salue l'apparition de la première étoile au-dessus de l'Impérial State et des créatures aux longues jambes arpentent les chemins d'herbe dans l'encadrement des grands buildings, offrant au ciel un moment détendu leur visage splendide et leur regard sans amour. Mais que ce ciel se ternisse, ou que le jour s'éteigne, et New York redevient la grande ville, prison le jour, bûcher la nuit. Prodigieux bûcher en effet, à minuit, avec ses millions de fenêtres éclairées au milieu d'immenses pans de murs noircis qui portent ce fourmillement de lumières à mi-hauteur du ciel comme si tous les soirs sur Manhattan, l'île aux trois rivières, un gigantesque incendie s'achevait qui dresserait sur tous les horizons d'immenses carcasses enfumées, farcies encore par des points de combustion. » Camus, « Pluies de New York », Essais, Éd. Gallimard (1965). C/ Extraits du texte de Camus : “Journaux de voyage” « Pluie sur New York. Elle coule inlassablement entre les hauts cubes de ciment. Bizarre sentiment d’éloignement dans le taxi dont les essuie-glaces rapides et monotones balaient une eau sans cesse renaissante. Impression d’être pris au piège de cette ville et que je pourrais me délivrer des blocs qui m’entourent et courir pendant des heures sans rien retrouver que des nouvelles prisons de ciment sans l’espoir d’une colline, d’un arbre vrai ou d’un visage bouleversé [...] Pluies de New York. Incessantes, balayant tout. Et dans la brume grise les gratte-ciel se dressent blanchâtres comme les immenses sépulcres de cette ville habitée par les morts. A travers la pluie, on voit les sépulcres vaciller sur leur base. Terrible sentiment d’abandon. Quand même je serrerais contre moi tous les êtres du monde, je ne serais défendu contre rien. » A. Camus,"Journaux de voyage", Éd. Gallimard (1978). N.B. Appartenant aux Carnets, ce fragment est une esquisse du texte qui précède. _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 17/ D/ Texte intégral de Senghor A NEW YORK (pour un orchestre de jazz : solo de trompette) New York ! D'abord j'ai été confondu par ta beauté, ces grandes filles d'or aux jambes longues. Si timide d'abord devant tes yeux de métal bleu, ton sourire de givre Si timide. Et l'angoisse au fond des rues à gratte-ciel Levant des yeux de chouette parmi l'éclipse du soleil. Sulfureuse ta lumière et les fûts livides, dont les têtes foudroient le ciel Les gratte-ciel qui défient les cyclones sur leurs muscles d'acier et leur peau patinée de pierres. Mais quinze jours sur les trottoirs chauves de Manhattan - C'est au bout de la troisième semaine que vous saisit la fièvre en un bond de jaguar Quinze jours sans un puits ni pâturage, tous les oiseaux de l'air Tombant soudain et morts sous les hautes cendres des terrasses. Pas un rire d'enfant en fleur, sa main dans ma main fraîche Pas un sein maternel, des jambes de nylon. Des jambes et des seins sans sueur ni odeur. Pas un mot tendre en l'absence de lèvres, rien que des coeurs artificiels payés en monnaie forte Et pas un livre où lire la sagesse. La palette du peintre fleurit des Cristaux de corail. Nuits d'insomnie ô nuits de Manhattan si agitées de feux follets, tandis que les klaxons hurlent des heures vides Et que les eaux obscures charrient des amours hygiéniques, tels des fleuves en crue des cadavres d'enfants. II Voici le temps des signes et des comptes New York ! or voici le temps de la manne et de l'hysope. Il n'est que d'écouter les trombones de Dieu, ton coeur battre au rythme du sang ton sang. J'ai vu dans Harlem bourdonnant de bruits de couleurs solennelles et d'odeurs flamboyantes - C'est l'heure du thé chez le livreur-en-produits-pharmaceutiques J'ai vu se préparer la fête de la inuit à la fuite du jour. Je proclame la Nuit plus véridique que le jour. C'est l'heure pure où dans les rues, Dieu fait germer la vie d'avant mémoire Tous les éléments amphibies rayonnants comme des soleils. Harlem Harlem ! voici ce que j'ai vu Harlem Harlem ! Une brise verte de blés sourdre des pavés labourés par les Pieds nus de danseurs Dans Croupes ondes de soie et seins de fers de lance, ballets de nénuphars et de masques fabuleux Aux pieds des chevaux de police, les mangues de l'amour rouler des maisons basses. Et j'ai vu le long des trottoirs, des ruisseaux de rhum blanc des ruisseaux de lait noir dans le brouillard bleu des cigares. J'ai vu le ciel neiger au soir des fleurs de coton et des ailes de séraphins et des panaches de sorciers. Écoute New York ! ô écoute ta voix mâle de cuivre ta voix vibrante de hautbois, l'angoisse bouchée de tes larmes tomber en gros caillots de sang Écoute au loin battre ton coeur nocturne, rythme et sang du tam-tam, tam-tam sang et tam-tam. III New York ! je dis New York, laisse affluer le sang noir dans ton sang Qu'il dérouille tes articulations d'acier, comme une huile de vie Qu'il donne à tes ponts la courbe des croupes et la souplesse des lianes. Voici revenir les temps très anciens, l'unité retrouvée la réconciliation du Lion du Taureau et de l'Arbre. L'idée liée à l'acte l'oreille au coeur le signe au sens. Voilà tes fleuves bruissants de caïmans musqués et de lamantins aux yeux de mirages. Et nul besoin d'inventer les Sirènes. Mais il suffit d'ouvrir les yeux à l'arc-en-ciel d'Avril Et les oreilles, surtout les oreilles à Dieu qui d'un rire de saxophone créa le ciel et la terre en six jours. Et le septième jour, il dormit du grand sommeil nègre. SENGHOR, Ethiopique, 1956 _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 20/ ♦ Peu à peu va apparaître l'opposition tranchée entre ville et campagne. Celle-là sera alors ce milieu artificiel où la Nature a beaucoup de mal à survivre. Elle est le lieu de la revanche de l'Homme sur la Nature et la preuve du renversement du rapport de force millénaire entre eux, enfin en faveur de l'espèce humaine. Elle est également le lieu où l'Homme à triomphé du cycle naturel jour/nuit dans le mesure où les éclairages surpuissants de la ville moderne l'inondent de lumière et font reculer les ténèbres. ♦ Elle peut être adulée comme preuve incontestable de la grandeur et du progrès de l'Homme (Apollinaire). 3/ Historique de la ville moderne L'invention d'un nouveau paysage urbain est le défi des hommes du XIX° siècle face aux bouleversements de la révolution industrielle. Les progrès techniques, les exigences économiques, les pressions sociales ont des répercussions profondes sur l'urbanisme ; en quelques décennies le monde urbain change et ce changement peut se résumer en un mot : NOUVEAUTÉS. Ce mot se décline en plusieurs thèmes: nouvelles rues, nouveaux bâtiments, modes de circulation, matériaux, centres de pouvoir, nouvelles villes. C'est à tout cela que va s'attaquer Napoléon III avec le concours du préfet Haussmann quand il décide de percer la "Grande Citrouille" c'est-à-dire aérer Paris. Ce qui frappe d'abord l'observateur c'est la spécialisation progressive de l'espace. Dans la rue par exemple, pendant longtemps il n'y a pas eu de distinction entre l'espace piétonnier et celui du véhicule. Avec la révolution industrielle, la création des trottoirs sépare (en théorie) le monde piéton de celui du déplacement rapide. Un autre phénomène marque l'observateur de la rue, c'est l'apparition des lampadaires d'abord fonctionnant au gaz puis à l'électricité. Ils remplacent les quelques rares lanternes à huile du XVIII° siècle et se multiplient rapidement dans les grandes villes. Dans cette même rue se concurrencent différents modes de transport. Le cheval dont les limites dans la capacité de transport sont atteintes avec l'omnibus, puis le tramway qui impose un paysage urbain tissé de fil électrique, maillé par un réseau ferré dense. Enfin, apparaît l'automobile qui va mettre plus d'un demi-siècle pour s'imposer. La révolution industrielle est aussi à l'origine de nouveaux bâtiments : l'usine bien sûr, désormais la fumée devient un des attributs de la ville. En effet, au XIX°Siècle, les moyens de transport en commun ne sont pas assez développés pour permettre une implantation des usines à la périphérie des villes. Le travailleur doit pouvoir se rendre sur son lieu de travail à pied. Le phénomène de l'usine dans la ville va perdurer jusqu'aux années 1960 au moins (cf. Renault Billancourt). Tout aussi marquant que l'usine, la gare est le symbole même du nouveau bâtiment. L'architecte est mis à l'épreuve, il faut inventer une construction qui n'a pas de précédent. Les architectes allient alors tradition et modernité. Le modèle généralement retenu pour ériger une gare est celui de l'antique basilique, mais les matériaux sont nouveaux : acier et verre. Ces derniers vont permettre une véritable révolution architecturale avec, par exemple, l'élévation des premiers gratte-ciel. De la Révolution industrielle a émergé un nouveau paysage urbain; la ville moderne est née au XIX° siècle. Depuis, elle ne cesse de s'agrandir, de se moderniser, elle porte en soi l'espoir et l'angoisse du monde actuel. 4/ Le poète dans la ville moderne Dans les plis sinueux des vieilles capitales, Où tout, même l’horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obéissant à mes humeurs fatales, Des êtres singuliers, décrépits et charmants Charles Baudelaire « Les petites vieilles ». _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 21/ Dans les rues de la ville : c’est bien là, en effet, qu’il rôde, qu’il va, qu’il court, qu’il cherche, celui que Baudelaire appelle « le peintre de la vie moderne », lancé dans le « grand désert d’hommes » à la poursuite de « ce quelque chose qu’on nous permettra d’appeler la modernité ». Le poète se place donc en « guetteur » de la ville : il l’observe, il la juge et par elle il juge les hommes. Dans sa position d’observateur, il a une place privilégiée pour observer les changements apportés par la modernité, ainsi il anticipe tel un visionnaire les conséquences de cette modernité dans la vie de l’Homme, qu’elles soient bénéfiques ou néfastes. SEQUENCE n°3 : Dans les rues de la ville moderne… Ecriture d’invention Corpus : ● Texte 1 : Extrait de L’Eldorado (chapitre 18), Candide de Voltaire (1759) ● Texte 2 : Extrait de Utopie de Thomas More (1516) ● Texte 3 : Extrait de La Cité du Soleil de Campanella (1623) Sujet : A l’image de ces descriptions de villes, construisez à votre tour une utopie urbaine (la ville que vous pensez idéale). Texte 1 : Texte 2 : En attendant on leur fit voir la ville, les édifices publics élevés jusqu’aux nues, les marchés ornés de mille colonnes, les fontaines d’eau rose, celles de liqueurs de canne de sucre qui coulaient continuellement dans des grandes places pavées d’une espèce de pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour de justice, le parlement ; on lui dit qu’il n’y en avait point, et qu’on ne plaidait jamais. Il s’informa s’il y avait des prisons, et on lui dit que non. Ce qui le surprit davantage, et qui lui fit le plus de plaisir, ce fut le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas, toute pleine d’instruments de mathématique et de physique. Après avoir parcouru toute l’après-dînée à peu près la millième partie de la ville, on le ramena chez le roi. Les rues ont été bien dessinées, à la fois pour servir le trafic et pour faire obstacle aux vents. Les constructions ont bonne apparence. Elles forment deux rangs continus, constitués par des façades qui se font vis-à-vis, bordant une chaussée de vingt pieds de large. Derrière les maisons, sur toute la longueur de la rue, se trouve un vaste jardin, borné de tous côtés par les façades postérieures. Chaque maison a deux portes, celle de devant donnant sur la rue, celle de derrière donnant sur le jardin. Elles s’ouvrent d’une poussée de main, et se referment de même, laissant entrer le premier venu. Il n’est rien là qui constitue un domaine privé. Ces maisons en effet changent d’habitants, par tirage au sort tous les dix ans. Les Utopiens entretiennent admirablement leurs jardins, où ils cultivent des plants de vignes, des fruits, des légumes et des fleurs d’un éclat, d’une beauté que nulle part ailleurs je n’ai vu pareille abondance, pareille harmonie. Leur zèle est stimulé par le plaisir qu’ils en retirent et aussi par l’émulation, les différents quartiers luttant à l’envi à qui aura le jardin le mieux soigné. Vraiment, on concevrait difficilement, dans toute une cité, une occupation mieux faite pour donner à la fois du profit et de la joie aux citoyens et, visiblement, le fondateur n’a apporté à aucune autre une sollicitude plus grande qu’à ces jardins. _________________________ 54LunevilleLBichat1ann42005 PASI Nancy-Metz 22/ Texte 3 : CAMPANELLA, La Cité du soleil, 1623 À l'intérieur du premier cercle sont dessinées, avec les propositions qui s'y rapportent, toutes les figures mathématiques qui dépassent en nombre celles d'Euclide et d'Archimède. À l'extérieur sont peintes la carte du monde, les planches de toutes les provinces avec leurs us et coutumes, leurs lois et leurs lettres confrontées avec l'alphabet de la ville. À l'intérieur du deuxième cercle on trouve toutes les pierres précieuses et non précieuses, les minéraux, les métaux réels ou figurés, avec deux vers d'explication pour chacun. À l'extérieur ce sont toutes les sortes de lacs, de mers et de cours d'eau, de vins, d'huiles, et autres liqueurs accompagnées de leurs vertus, origines et qualités ; on trouve là des flacons remplis de diverses liqueurs comptant de cent à trois cents ans d'âge avec lesquelles ils guérissent presque toutes les maladies. L'intérieur du troisième cercle montre peintes toutes les sortes d'herbes et d'arbres du monde. On en voit aussi dans des vases de terre sur les balcons. On peut y lire où ces plantes furent trouvées, quelles sont leurs vertus, leurs analogies avec les étoiles, les métaux, les membres du corps humain et leur usage spécifique en médecine. À l'extérieur du même cercle figurent tous les poissons des fleuves, des lacs et des mers, leurs caractères, leur genre de vie, la manière dont ils se reproduisent, dont on en peut faire l'élevage, leur usage et les analogies qu'ils présentent avec le monde céleste et terrestre, technique et naturel. Je fus bien étonné d'y trouver le poisson évêque, le poisson chaîne, le poisson clou, le poisson-étoile, tout comme chez nous. [...] À l'intérieur du quatrième cercle la peinture a représenté les oiseaux, avec leurs caractères distinctifs, leur grandeur, leurs mœurs ; on voit même le phénix qui n'est pas, pour les Solariens, un oiseau fabuleux. A l'extérieur, toutes sortes de reptiles, serpents, dragons, vermine, insectes, mouches, taons, etc., avec leurs conditions de vie, l'indication de leur venin et de leurs propriétés. Ils sont bien plus nombreux qu'on ne croit. Dans le cinquième cercle à l'intérieur, il y a les mammifères terrestres dont le nombre est si grand qu'on en reste stupéfait. Nous n'en connaissons pas la millième partie. L'on sait que leurs corps sont grands, aussi a-t-il fallu recouvrir de leur image les murs du balcon qui regardent vers l'extérieur. Que de sortes de chevaux y voit-on, pour ne rien dire du reste et quelles belles images savamment expliquées. Dans le sixième cercle, à l'intérieur, apparaissent tous les métiers, leurs inventeurs respectifs et les techniques régionales dont on en use à travers le monde. À l'extérieur, voici les inventeurs au complet des lois, des sciences et des armes. Je vis Moise, Osiris, Jupiter, Mercure, Mahomet et bien d'autres encore. En un lieu prestigieux, car ils en font grand cas, se trouvait Jésus-Christ avec les douze Apôtres, puis César, Alexandre, Pyrrhus et tous les Romains. […] II y a, en outre, des maîtres qui enseignent ces disciplines, et les enfants, en jouant, ont tout appris d'une façon historique, sans peine, avant d'avoir atteint dix ans.
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