Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val », Poésies, Slides de Langue Française

Télécharge Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val », Poésies et plus Slides au format PDF de Langue Française sur Docsity uniquement! Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val », Poésies Le Dormeur du val C’est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons. 4 Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. 8 Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; 12 Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. 2 Octobre 1870 Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val », Poésies, 1895 5 milliards d’euros actuels). Elle doit demeurer occupée par des soldats allemands jusqu’au paiement complet de cette indemnité. Se sentant humilié et abandonné par le nouveau gouvernement, épuisé et affamé après le siège, le peuple parisien se révolte. Le 18 mars débute la Commune. Celle-ci met immédiatement en place des mesures sociales en faveur des ouvriers et de la petite bourgeoisie, s’oppose au gouvernement de Thiers, réfugié à Versailles. Ce gouvernement, soutenu par les Prussiens, écrase cette insurrection lors de la « Semaine sanglante » : environs trente mille insurgés sont tués (plus de six mille, dont des enfants, sont fusillés). Une dizaine de milliers de personnes, dont plus de six cents enfants, sont emprisonnés ou condamnés à la déportation et aux travaux forcés. 6 Lecture analytique : « Le dormeur du val », Rimbaud Introduction  Anticonformiste, marginal, Rimbaud est un poète prodige qui rédige ces Premiers poèmes à quatorze ans. Il y exprime ses rêves, ses révoltes et ses désirs.  Dans ce dernier sonnet, publié pour la première fois en 1888, le jeune poète aborde le thème de la guerre dont il peut observer les désastres. Mais il ne recourt pas au ton de l'indignation ; il feint plutôt de découvrir, avec le lecteur, le spectacle désolant de la mort comme un phénomène anodin. Le choc provoque ainsi la stupeur et accentue encore plus la dénonciation. Comment fonctionne la dénonciation ? D’où provient la force du poème ? Comment Rimbaud exploite-t-il les ressources de la poésie pour exprimer sa révolte ? Quel est l’intérêt poétique de ce texte ?  Plan I. Un univers gai et pittoresque II. Mais en fait un tableau minée par la mort III. Une dénonciation de la guerre I. Un univers gai et pittoresque Il s’agit de montrer que la première lecture propose globalement un tableau positif. 1. (Parce qu’il s’agit d’) un véritable tableau  tableau coloré - Le sonnet de Rimbaud suit le mouvement d'un regard qui part du panorama d'"un petit val" (4), se rapproche du personnage "étendu dans l'herbe" (7) et détaille son sourire, sa "narine" (12), sa "main sur sa poitrine" (13). Il y a un resserrement progressif du champ visuel. -Les deux éléments du titre sont donnés dans le texte et sont accompagnés de caractéristiques. - Le regard est accroché par la lumière : « soleil » v.3 ; « rayons » v.4 ; « lumière » v.8 ; + « haillons d’argent » : argent est mis en valeur par le rejet v.3 et rappelle les reflets argentés (donc lumineux : oxymore avec l’opposition de la richesse et de la pauvreté dans cette expression) verbe « luire » v.4 + mis en valeur par le rejet - on note aussi d’autres couleurs : « cresson bleu » v.6 ; « lit vert » v.8 ; La nature est ainsi décrite à la manière des impressionnistes, selon une succession de petites touches de couleurs, de lumières qui créent un tableau propre à ravir l’œil du lecteur  le tableau visuel (qui sollicite la vue) est complété par une gamme de sensations olfactives, tactiles. l’odorat : « parfums » ; le vent est transcrit par l’allitération en [f] du même vers. l’ouïe : la rivière « chante » ➔ la nature représente donc un lieu où tous les sens sont en éveil. Pour traduire cette réalité, le poète cherche à mobiliser, par l’imagination, tous nos sens à rendre cette vision de la nature ne mobilisant tous nos sens. 2. (Parce qu’il nous propose) une nature vivante  une nature diverse - La nature est représentée sous toutes ses formes : « rivière », « montagne », « nue »; le soleil - Eléments végétaux : « herbes » ; « herbe » ; « cresson » ; « glaïeuls » L’herbe est encore désignée par la métaphore du lit : « lit vert » v.8 7 ➔ Un tableau d’une nature abondante, diversifiée.  mais elle est surtout personnifiée : le poète lui donne vie - Les verbes d’action : « chanter » v.1 ; « accrocher » v.2 ; associés à « la rivière », au « petit val » - La montagne est « fière » : adjectif normalement associé à un humain ; De même l’adverbe « follement » imprime vie au val en lui associant un caractérisant humain. ➔ un tableau dynamique et vivant. 3. (Parce qu’il existe) une harmonie entre la nature et le soldat  une nature bienveillante  elle accueille l’enfant et le berce pour une sieste: « lit vert », « berce-le », référence à l’enfance v.10 ; adverbe « chaudement » qui traduit le confort + le soldat est dans la nature, il ne cherche pas à la maîtriser, la dompter CC de lieu : « dans le frais cresson bleu » v.6 « dans l’herbe, sous la nue » (= le ciel) : il est encadré (dessus et dessous) par la nature. Cf. thème poétique très classique de la nature bienveillante et accueillant (« la Mère Nature »)  le soldat se repose : champ lexical du sommeil : « dort » v.7 et v.9; « il est étendu » v.7 ; « il fait un somme » v.10 le soldat semble ici détendu : l’adjectif « tranquille » v.14 ; la position du corps : « bouche ouverte », « la main sur sa poitrine » témoignent du confort et de la détente. L’adjectif « souriant » est mis en valeur par la diérèse (v.9). Analyser aussi les rythmes : ternaire (= composé de trois segments réguliers) du vers 5 avec mouvement décroissant: 5/4/3. mais aussi les rythmes créés par les sonorités : l’assonance en [-an] du premier quatrain ; celle en [u] qui parcourt toute le second quatrain ; Tout est calme, détendu. ➔ la nature est un lieu de détente pour l’homme Conclusion partielle un tableau apaisant : la nature bienveillante accueille le jeune soldat. Tout paraît calme, serein. Le poète mobilise tous nos sens pour rendre cette nature présente à nos yeux.  Mais le dernier vers appelle une relecture sévère. II. Mais en fait un tableau miné par la mort Il s’agit de montrer que le dernier vers oblige à une relecture complète du poème. 1. (Parce que la chute provoque) un retournement efficace  Le monde décrit aurait pu être beau, radieux et heureux, mais il n'est qu'apparence. En neuf syllabes, les dernières, le poème invite son lecteur à une relecture. Le sommeil et la mort offrent la même apparence.  La périphrase "Il a deux trous rouges au côté droit" (14) est un euphémisme. Rimbaud dit la mort de manière indirecte mais l’effet en est d’autant plus fort puisqu’il met en avant la plaie. 2. (Parce que) les signes de la maladie sont décelables  le jeune soldat est « pâle » v.8 au milieu des couleurs de la nature. + « il a froid » v.11 ce qui signifie qu’il n’est pas si bien. Le terme est mis en valeur parce qu’il est en fin de vers, à la rime. Il est d’ailleurs associé, par la rime à « droit » qui traduit la raideur des morts tout en désignant la place de la plaie. + L’antithèse « chaudement » / « froid » renforce encore cette anomalie. + L’adjectif « bleu » désignerait alors le sang froid du soldat mort. + La comparaison v.10 crée une analogie claire entre le soldat et un enfant malade.