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Article EspacesTemps.net – Format PDF | Espacestemps.net, Lectures de Économie

Tous ceux qui admettent avec Alain que « Penser, c'est dire non » ou que « Réfléchir, c'est nier ce que l'on croit » (Alain 1985, p. 351) trouveront étrange ...

Typologie: Lectures

2021/2022

Téléchargé le 08/06/2022

Alan_88
Alan_88 🇫🇷

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Télécharge Article EspacesTemps.net – Format PDF | Espacestemps.net et plus Lectures au format PDF de Économie sur Docsity uniquement! - 1 / 5 - Penser ou dire non ? Par Joseph Morsel. Le 6 October 2016 Illustration : Thomas Hawk, « Economics », 04.01.2008, Flickr (licence Creative Commons). Tous ceux qui admettent avec Alain que « Penser, c’est dire non » ou que « Réfléchir, c’est nier ce que l’on croit » (Alain 1985, p. 351) trouveront étrange, absurde ou insupportable l’alternative posée dans le titre. Pourtant, c’est bien là la question posée par un débat qui traverse en ce moment le monde des économistes français, mais dont la portée dépasse sans doute ce simple champ. Concrètement, deux représentants patentés de l’orthodoxie économique ont estimé pouvoir disqualifier les positions de leurs adversaires « hétérodoxes » en qualifiant celles-ci de « négationnisme économique »[1]. Ce genre de pratiques n’est pas neuf : à simple titre d’exemple, il avait déjà été employé en 2005 par les tenants d’une « orthodoxie » cathare (qui repose sur une conception essentialiste du Midi, facilement relayée par des mouvements régionalistes et les intérêts touristiques qui ont engendré la marque « Pays cathare » déposée en 1992 par le Conseil Général de l’Aude) à l’encontre d’enseignants-chercheurs que leurs travaux conduisaient à nuancer la fréquence des hérétiques dans la région, à proposer une autre lecture, nettement plus large, de l’apparition du phénomène, et à concevoir l’hérésie plutôt comme une imputation que comme la manifestation d’une volonté de rupture à l’encontre d’un modèle culturel et religieux étranger[2]. - 2 / 5 - Le « négationnisme » dont accusent les défenseurs d’une orthodoxie n’a évidemment rien à voir avec la démarche de rupture dont parlait Alain : même si l’on s’en défend explicitement, même si l’on distille avec prudence (pour éviter le procès) les allusions à tel ou tel négationnisme légalement interdit, on voit bien ce qui est en jeu – non pas la référence à la position de rupture, de négation au sens d’Alain, sans laquelle il n’est pas de progrès des connaissances possible, mais une manière de discréditer à bon compte les positions adverses en jouant sur la connotation moralement négative du terme. Sans le vouloir, par conséquent, l’ouvrage dont il est question soulève le problème de la nature du refus qui, explicitement ou non, caractérise la démarche du chercheur. Fondamentalement, me semble-t-il, on pourra considérer que le négationnisme au sens idéologique (et non pas rationaliste, comme chez Alain) consiste en premier lieu (au-delà des aspects moraux et légaux) à refuser d’emblée de « jouer le jeu » de la démonstration rationnelle et vérifiable, c’est-à-dire de se plier aux règles communes qui fondent la validité d’une explication – le négationnisme, comme le complotisme, partant dès le départ du principe que tout ce qui va à l’encontre de la position défendue est nécessairement faux : par conséquent, il n’y a pas de possibilité d’administration de la preuve autre que l’adéquation de la « preuve » à la thèse posée en prémisse. Bref, le négationnisme, comme le complotisme, évolue dans un univers de la (prétendue) vérité, du dogme, posé en amont – ce qui n’a évidemment rien à voir avec la science, c’est-à-dire avec la nécessité permanente de la critique (à commencer par la critique réflexive). Dans le cas présent, histoire de faire bonne mesure, les deux auteurs complètent leur accusation de « négationnisme » d’une comparaison avec les climatosceptiques – ce qui montre clairement l’enjeu : condamner d’avance toute tentative de remise en cause scientifique de l’économisme dominant en l’assimilant à des cas de figure qui font l’objet d’une condamnation très générale dans notre société (le négationnisme de la Shoah, le climatoscepticisme). Mais outre cet aspect du rapport entre la science et le dogme, un autre intérêt du débat en cours est la question qu’il soulève quant aux critères de la scientificité – puisque les deux auteurs du pamphlet en question affirment le bien-fondé de leurs positions au motif qu’elles sont réellement scientifiques, car expérimentales, tandis que celles des hétérodoxes, qui ne le seraient pas (expérimentales), ne seraient guère qu’un discours pseudo-économique sous-tendu par de simples positions idéologiques (avec ici une analogie avec la pseudo-génétique stalinienne de Lyssenko…). La question qui m’intéresse ici n’est pas celle de l’efficacité scientifique ou non de la méthode expérimentale en économie : des doutes ou des nuances fortes, issus du monde même de l’économie mainstream, ont été émis à ce sujet, auxquels on pourra aisément se reporter[3]. Plus intéressante pour nous est la question du statut épistémologique de l’économie, que l’obsession scientiste des deux auteurs de l’ouvrage en question tente d’enraciner dans la sphère des sciences exactes, ou dures, ou naturelles, « comme la physique, la biologie, la médecine ou la climatologie » (notamment à l’aide de protocoles de recherche randomisée en double aveugle, prétendument courants en économie). Je dis bien « épistémologique », et non pas « méthodologique » (à quoi renverrait la question de l’efficacité de la méthode expérimentale évoquée à l’instant). Car la question à l’arrière-plan de cette reconnaissance vs. dénégation de scientificité se trouve l’idée selon laquelle il existerait (au moins) deux sortes, fondamentalement différentes, de procédures d’enquête, l’une débouchant sur des résultats scientifiques et l’autre (ou les autres) non. Débat maintenant éculé, qui a opposé les sciences nomothétiques et les disciplines descriptives, ou le paradigme galiléen et les disciplines indiciaires – mais de plus en plus dénoncé en tant
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