Attaché de défense ! Qu'en est-il ?, Examens de Philosophie

Télécharge Attaché de défense ! Qu'en est-il ? et plus Examens au format PDF de Philosophie sur Docsity uniquement! 119 Persoonlijke ervaring - Expériences personnelles Attaché de défense ! Qu’en est-il ? De la diplomatie certes, beaucoup de rigueur, de sens du compromis, d’abnégation, de loyauté sans faille au pays, mais surtout… une bonne dose de sens humain et de philosophie Steve VERMEER Le colonel Steve VERMEER quitte l’École royale militaire (ERM) en 1986, son diplôme de polytechnicien en poche. Après une carrière relativement classique faite de fonctions aussi nombreuses que variées, il effectue son premier contact avec la République démocratique du Congo en 2006, lorsqu’il commande le détachement UAV (acronyme de « unmanned aerial vehicles », véhicule aérien sans pilote) de la mission de l’Union européenne EUFOR RD Congo. Depuis juillet 2013, il y occupe la fonction d’attaché de défense. Het leven van een defensieattaché kan beschreven worden aan de hand van de « drie ol’s »: protocol, alcohol, cholesterol. Een defensieattaché is een oude en gefrustreerde kolonel die dik betaald wordt om niets te doen. Een defensieattaché heeft niets anders te doen dan paraderen in de salons … Denkt u dat? Dan moet u niet verder lezen en mag u naar het volgende artikel gaan. Maar als u van mening bent dat een defensieattaché de onmisbare veiligheidsraadgever van een ambassadeur is, alsook de verplichte tussenpersoon tussen de Defensiestaf van België en die van het land waar hij geaccrediteerd is, of als u niets weet van de moeilijke, toch boeiende, taken die hij moet verrichten, en bent benieuwd om iets nieuws bij te leren, dan kunt u rustig verder lezen. U gaat waarschijnlijk een nieuwe wereld ontdekken … Il n’est pas dans mes intentions d’écrire un énième article sur la République démocratique du Congo (RDC) ou de me limiter à une description fastidieuse des tâches formelles de l’attaché de défense. Cela n’aurait pas d’autre intérêt que d’assurer à la présente revue le nombre de pages requis. Au cours de cet article, je me permettrai d’essayer, en toute                  que longtemps, je l’avoue, j’avais tendance à dénigrer… 120 Attaché de défense ! Qu’en est-il ? En effet, lorsque j’étais encore sur les bancs de l’École royale militaire, cette fonction n’évoquait rien de particulier chez moi, si ce n’était la                                                       fait pour le terrain, pour commander ses hommes dans des situations    !!  !         "   palabrer entre eux, la solution ne viendra pas d’eux de toute façon ! »… $     % &    '  *   rien, nous nous entendions dire que les attachés militaires de l’époque n’étaient souvent que de brillants colonels déçus de ne pas avoir été retenus généraux, et à qui l’on « donnait », à titre de gratitude pour                 +    toujours glorieux, pensions-nous, du moins bien rémunéré, histoire de les garder « bien dociles »… J’en ai été longtemps convaincu (et je sais que certains de ceux qui n’ont pas embrassé cette fonction particulière le sont aussi). Et me voilà, plus de trente ans plus tard, entamant ma +    /4   * 5   &  &  +     *     4  7 : © S te v e V e r m e e r 123 Attaché de défense ! Qu’en est-il ? ambassadeur un jour, et qui, parfois, par crainte de faire une erreur qui pourrait être préjudiciable à leur sacro-sainte carrière, les retient de faire ce qui devrait idéalement être fait. Toutefois, à ce sujet, ils ne sont pas  +         &   &    (pour certains, déjà très tôt dans la carrière !) chef de la Défense (CHOD). L’ATTACHÉ DE DÉFENSE ET LES MILITAIRES DE LA SECTION « ATTACHÉ DE DÉFENSE » Comparativement à d’autres collègues déployés dans d’autres ambassades belges, la section Attaché de défense de Kinshasa est riche en personnel, même si elle a connu des jours meilleurs. Formellement, cette section comprend une cellule Opérations, un secrétariat administratif, un         4 !  G !      militaire (PPM) et une cellule technique. De quatorze militaires au début de mon terme à Kinshasa en 2013, nous sommes progressivement passés à dix – sans compter les gardes du corps de l’ambassadeur, les DAS (détachements d’agents de sécurité) – notamment en raison de la suspension du PPM et de la réduction du personnel des secrétariats. $     Q          +  mais mon raisonnement est tout autre et me pousse à m’interroger sur l’adéquation entre nos missions et nos moyens. Dans cette optique, nous serions trop peu. La qualité de l’attaché de défense, qui ne diffère en      4          à son personnel, tout en le contrôlant, sans le brider ni le surprotéger. $ >'              opérationnelle, qui doit avoir un degré important d’autonomie, vu ses missions particulières en matière de renseignement. À cela s’ajoutent peut-être les inconvénients (et les avantages) d’une cellule vivant parfois en vase clos… Ceux d’entre nous qui ont connu l’Allemagne du temps des Forces belges en Allemagne (FBA), où les militaires et leur famille vivaient dans des Siedlungen, sortes de quartiers ou immeubles qui leur étaient réservés, comprendront que cette vie en quasi-vase clos peut tendre les relations entre les militaires, mais aussi entre épouses de militaire. L’attaché de défense devra aussi être attentif à ces épouses qui, en suivant leur mari, payent parfois un lourd tribut après avoir dû, pour certaines d’entre elles, abandonner leur travail, en laissant parfois des enfants en Belgique. Elles se retrouvent dans de belles maisons ou de beaux appartements, qui ne sont en réalité que de belles cages – dorées    !  5 W        pour les Belges en République démocratique du Congo (RDC). 124 Attaché de défense ! Qu’en est-il ? Il appartient à l’attaché de défense de gérer son personnel qui, en comparaison de certains des collègues restés en Belgique, se sent, à juste titre, investi d’une grande mission au service de la Défense et, par ricochet, de la Patrie. Certains membres de ce personnel, conscients          &  !   pourraient confondre, et cela s’est déjà vu, l’importance de leur travail et l’importance – toute relative – de leur personne, une caricature parfois présente dans ces cellules réduites et agissant loin du soleil (l’état-major de la Défense) avec un degré de liberté énorme mais indispensable… Il revient à l’attaché de défense, tout en se gardant de tomber lui-même dans ce travers, évidemment, de gérer les compétences, les caractères, les qualités et les défauts, parfois les ego de son personnel, pour en retirer le meilleur et le mettre au service de l’intérêt supérieur : celui du pays. L’ATTACHÉ DE DÉFENSE ET L’ÉTAT-MAJOR DE LA DÉFENSE L’état-major de la Défense est, bien entendu, au même titre que l’ambassadeur – et à travers lui le service public fédéral Affaires étrangères – un « client » important de l’attaché de défense. Tant le ministre de la Défense que le chef de la Défense (CHOD), les départements d’état- major Stratégie, Opérations & Entraînement, Renseignement & Sécurité militaires ou encore la direction générale Formation sont directement, à différents niveaux, en contact avec l’attaché de défense. Ce dernier est le relai de ces autorités dans son ou ses pays d’accréditation ; il doit non seulement maîtriser parfaitement la politique de défense dont il est le porte-parole dans son pays d’accréditation, mais également éclairer ces autorités militaires belges sur le contexte particulier de son pays d’accréditation. "             Z[$ ainsi que les tensions diplomatiques entre elle et la Belgique, rendent indispensables le travail d’appréciation de l’attaché de défense et les rapports qu’il transmet à la maison-mère. La grande majorité des chefs    \!         4     prennent en compte son avis. Cependant, le Congo étant ce qu’il est dans le cœur et l’esprit de beaucoup de militaires en Belgique, il n’est pas rare d’être confronté à certains collègues restés en Belgique (qui ont peut- être passé quelques semaines ou mois dans ce merveilleux pays et, pour certains d’entre eux, du temps où il s’appelait encore Zaïre) qui s’érigent, avec les meilleures intentions du monde, en spécialistes de la région,       4         7 " Congo d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le Zaïre d’hier. Je dirais même que le Congo d’aujourd’hui n’a rien à voir non plus avec le Congo des années 2000, ni avec le Congo d’il y a quatre ans, ni même avec celui de l’année passée. Je dois donc, à la vérité, dire que quelques initiatives (très rares, heureusement) prises par des collègues à Bruxelles ont eu et/ou auraient 125 Attaché de défense ! Qu’en est-il ? pu avoir de lourdes conséquences sur les relations entre la RDC et la Belgique, et pas uniquement sur le plan militaire. Je n’insisterai donc jamais assez sur la nécessité de consulter l’attaché de défense qui, étant sur place, peut mieux que quiconque conseiller sur le meilleur moment, la meilleure procédure, parfois la meilleure personne à contacter, ou même les meilleurs mots à utiliser. C’est une des raisons d’être d’un attaché de défense. Cette consultation est d’autant plus primordiale dans         Q  Z[$   7 En outre, il revient à l’attaché de défense, par la qualité de son travail et des rapports qu’il transmet, par ses relations personnelles avec les chefs militaires restés en Belgique, de répondre au mieux aux demandes           !     indispensable entre lui et ses chefs restés en Belgique. L’ATTACHÉ DE DÉFENSE ET SES COLLÈGUES ACCRÉDITÉS Les relations que l’attaché de défense développera avec ses homologues d’autres pays accrédités dans le même pays que lui sont importantes. D’abord parce qu’elles permettront un échange d’informations entre « spécialistes » de la chose militaire et sécuritaire, informations qui permettront de recouper et de valider celles provenant des sources diplomatiques et politiques, et donneront de la consistance à l’ensemble des rapports que l’ambassade transmet à la Belgique. Ceci dit, les attachés de défense accrédités en RDC sont de toutes provenances, et de toutes philosophies. Surtout, ils défendent la position et les intérêts de leur pays, qui divergent parfois des nôtres. En outre, ce n’est pas toujours dans des pays très éloignés du nôtre que l’on trouvera les divergences les plus grandes. Même entre Européens, nous ne partageons pas toujours la même vision, au-delà de la belle unanimité    4    ^^  '  7 $  '   que l’on puisse s’apprécier entre attachés de défense (l’appartenance à ce beau métier des armes nous rapproche souvent les uns des autres) et          4!      4!      !     l’attaché de défense suit la politique de son pays et de son ambassadeur. Il                    7 L’ATTACHÉ DE DÉFENSE ET LES AUTORITÉS DU PAYS D’ACCRÉDITATION Les premières autorités auxquelles l’attaché de défense est confronté sont les autorités militaires, en premier lieu le chef d’état-major général (chef EMG). Mais pas uniquement. En effet, s’il est important que les relations 128 Attaché de défense ! Qu’en est-il ? bien entendu, mais il implique également d’être à la hauteur de ses responsabilités. Les cas de mauvais comportement de militaires sont extrêmement rares. Je n’en ai personnellement connu que quatre en quatre ans, ce qui représente, par rapport au nombre d’homme-nuitée, un cas sur 2.500 pour l’ensemble de nos visiteurs. Ce pourcentage minime n’en est    7 $4      Z[$ |  !   laquelle appartiennent également les militaires) devra garder à l’esprit que l’on ne se comporte pas dans un pays-hôte comme en pays conquis et que notre comportement doit être à la hauteur de ce que notre pays attend de nous, comportement qui passe d’abord par le respect de l’autre et de soi-même. La réaction de l’attaché de défense éventuellement confronté à ce genre de choses doit, c’est du moins ma conviction, être extrêmement stricte. C’est ainsi que, par exemple, il m’est arrivé de laisser un militaire de passage une nuit dans une prison congolaise, parce qu’il ne s’était pas conformé au comportement qu’on était en droit d’attendre de lui, étant « ambassadeur » de son pays en RDC. Je ne révélerai bien évidemment aucun détail. Dans ce cas précis, j’aurais pu activer mes relations pour ne pas lui faire subir cette « humiliation ». Mais si je l’avais fait, j’aurais, d’une manière ou d’une autre, cautionné le comportement de ce militaire et j’aurais été redevable d’un retour d’ascenseur. © S te v e V e r m e e r 129 Attaché de défense ! Qu’en est-il ? L’ATTACHÉ DE DÉFENSE ET SES COMPATRIOTES INSTALLÉS DANS SON PAYS D’ACCRÉDITATION Bien que, traditionnellement, le numéro 2 de l’ambassade soit en charge de la sécurité, en ce compris la rédaction des plans de crise, et leur activation en cas de crise, une des nombreuses responsabilités de l’attaché de défense a également trait à la sécurité. Il devra donc être ce « spécialiste » qui sera appelé à épauler les diplomates dans ces aspects de sécurité et de crise. "       Z[$          4 de défense encore plus important. Pensons notamment à la gestion d’une crise politique majeure, si et lorsqu’elle se présente, voire, dans le cas le plus extrême, à une opération d’évacuation des ressortissants belges de la RDC, opération exécutée par des détachements militaires NEO (acronyme de « non-combatant evacuation operation », opération d’évacuation de non- combattants) provenant directement de Belgique pour la cause. L’attaché de défense a un rôle fondamental, aux côtés du numéro 2 de l’ambassade, dans la préparation du personnel de l’ambassade à une crise majeure, dans son entraînement lors d’exercices de gestion de crise et dans la gestion de la crise à proprement parler, notamment comme coordinateur, pour l’ambassade, des missions NEO avec les militaires déployés. Cette expertise doit être connue et reconnue par les ressortissants belges, ce qui est le cas en général. Nos ressortissants se tourneront toujours vers les militaires de la section Attaché de défense, et donc vers l’attaché de défense, qui devra les informer, les rassurer, les apaiser, les aider et les préparer aux scénarii les plus extrêmes. Ce sera aussi l’attaché de défense, avec son personnel, qui devra veiller à ce que tout se passe selon les plans, dans la mesure du possible, sachant, comme je le dis souvent, que « tout ce qui doit foirer foirera », et que, sans doute, « tout ne se passera pas comme prévu », ce qui n’enlève bien entendu rien à l’obligation de se préparer, bien au contraire. CONCLUSIONS L’attaché de défense est souvent seul pour faire face à des problèmes plus ou moins importants et doit dès lors avoir une capacité de réaction, d’anticipation et d’analyse au-dessus de la moyenne. Il pourra parfois être critiqué par certains de ses collègues restés en \!     >    5     par ses collaborateurs ou même empêché de faire son travail par ses partenaires. Il sera parfois jalousé par ceux qui, n’ayant pas eu la chance 130 Attaché de défense ! Qu’en est-il ? d’être sélectionnés pour ce beau poste, ou n’ayant pas eu le cran de postuler pour cette fonction, estimeront, depuis leur bureau en Belgique, que la vie d’un attaché de défense est trop belle, trop facile, et de toute façon trop bien rémunérée. Il aura parfois l’impression de ne pas être soutenu dans sa mission par ceux dont c’est justement le travail, depuis la capitale. Il devra cependant garder la tête froide et, avec abnégation et philosophie, faire ce qu’il estime nécessaire de faire. Il doit pouvoir parler juste et de manière franche avec ses interlocuteurs, et parfois faire preuve d’un peu plus (ou moins) de diplomatie. Il devra aussi systématiquement envisager ses actes et ses paroles dans un cadre général plus large que celui de la Défense car, si son boulot n’est pas, à proprement parler, politique mais bien uniquement militaire, tout ce qu’il fera sera analysé dans un cadre large, celui de la politique belge en RDC. Il doit avoir un comportement irréprochable, non seulement parce que ses éventuels excès ou dérapages pourraient être utilisés contre lui, mais surtout parce qu’il est aussi un « ambassadeur » de son pays et de la Défense. Il doit rester humble, ne pas tirer la couverture à lui, tirer ses collaborateurs vers le haut et savoir qu’il n’est qu’un des maillons de la chaîne, un maillon qui, toutefois, ne doit pas céder, surtout en période de tensions. Il doit donc inscrire son action dans un plan global, celui de l’ambassade      [        *7 Toutes ces qualités sont d’autant plus importantes dans un pays comme la RDC. La Belgique, ancienne puissance coloniale, y est encore incontournable, mais ce statut d’ancien colonisateur nous impose des responsabilités supplémentaires. Tout ce que fait ou ne fait pas un Belge  *            7 }              Z[$   \!           !     celui de l’attaché de défense, il faut une certaine dose de philosophie et d’abnégation pour continuer, jour après jour, à faire son boulot. Si l’attaché de défense comprend les enjeux de sa fonction, s’il est conscient que l’énorme autonomie dont il jouit dans sa fonction s’accompagne aussi de grandes responsabilités, s’il s’applique à faire de son mieux, dans le contexte particulier de son pays d’accréditation, s’il est capable de faire son boulot sans toute l’aide à laquelle il estime, à tort ou à raison, avoir droit de la part de sa chaîne hiérarchique, s’il est soutenu par son