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Baudelaire poésie Alba, Notes de Français

Je partage mes notes sur la poésie Alba de Baudelaire

Typologie: Notes

2022/2023

Téléchargé le 12/09/2022

yeux-biche
yeux-biche 🇫🇷

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Aperçu partiel du texte

Télécharge Baudelaire poésie Alba et plus Notes au format PDF de Français sur Docsity uniquement! Baudelaire, Les Fleurs du Mal « L’Albatros » Commentaire linéaire Introduction Quand Baudelaire a 18 ans, en 1839, il est au Lycée Louis-Le-Grand, et il mène une vie de bohème dans le quartier latin. Son beau-père, Jacques Aupick, le deuxième mari de sa mère, chef de bataillon, décide de l’envoyer en voyage à Calcutta pour lui donner le sens des réalités. En fait, Baudelaire n’ira pas plus loin que l’île Maurice, mais, il va mémoriser plein d’images fascinantes qu’on retrouve dans sa poésie, et notamment cette anecdote de l’albatros, qui est une petite histoire vraie. L’albatros, ce n’est pas vraiment l’oiseau qu’on rencontre habituellement dans la poésie. Normalement, on trouve plutôt le rossignol, dans la poésie médiévale, la colombe ou le cygne dans la poésie romantique. Victor Hugo écrit une ode sur l’aigle, qui donne peut-être à Baudelaire l’idée de la détourner : L’aigle, c’est le génie ! Oiseau de la tempête, Qui des monts les plus hauts cherche le plus haut faîte ; Dont le cri fier, du jour chante l’ardent réveil ; Qui ne souille jamais sa serre dans la fange, Et dont l’œil flamboyant incessamment échange Des éclairs avec le soleil. Victor Hugo, Odes et Ballades, 1822. Baudelaire quant à lui utilise une image nouvelle et double : l’oiseau dans le ciel se trouve du côté de l’idéal, au sol, il devient maladroit : du côté du spleen, il représente bien la mélancolie du poète inadapté à la société. L’Albatros ouvre donc parfaitement cette première partie des Fleurs du Mal « Spleen et Idéal » en introduisant ces deux thèmes si chers à Baudelaire. Problématique Comment Baudelaire met-il en scène l’albatros pour illustrer la condition du poète, pris entre le spleen et l’idéal ? Axes de lecture pour un commentaire composé : > Un jeu de contraste, où l’oiseau majestueux dans le ciel, du côté de l’idéal, 1 s’oppose au sol, du côté du spleen. > Un renouvellement de la poésie, qui détourne des traditions pour créer des images nouvelles. > Une mise en scène qui fait référence au théâtre pour créer ses effets. > Une représentation de la cruauté qui se rapproche du registre pathétique pour inviter le lecteur à la pitié. > Une parabole, c'est-à -dire, un récit symbolique, qui permet de transmettre une vérité. > La représentation du poète incompris à travers une métaphore filée qui fonctionne comme une parabole. Premier mouvement : Une empathie avec l’oiseau Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. 4 quatrains, c'est-à-dire un poème carré, qui forme un tout. Ce n’est pas un sonnet, comme on en trouve souvent dans Les Fleurs du Mal. Mais cela reste un poème court. Les rimes croisées évoluent tout au long du poème, les alexandrins s’adaptent bien à la narration : cette forme va favoriser un petit récit qui aura une dimension symbolique. Le premier verbe nous plonge directement dans le récit. Verbe d’action, au présent de narration, il est en plus séparé de son sujet « les hommes d’équipage » par un passage à la ligne. C’est ce qu’on appelle un enjambement : la phrase est terminée sur le vers suivant. C’est une véritable mise en scène où le lecteur découvre l’albatros déjà prisonnier avant même de le voir voler. Dès ces premiers vers, la cruauté des matelots est perceptible : le poème commence par des compléments circonstanciels qui sont des circonstances aggravantes : « Souvent » (la récidive) « pour s’amuser » (la gratuité de l’acte). L’albatros au contraire est un « indolent compagnon de voyage ». C’est une association de mots très riche d’un point de vue étymologique : le compagnon est celui avec qui on partage le pain, l’indolent est celui qui ne souffre pas. Ces allusions préparent déjà le lecteur à la dimension christique de l’albatros : il sera trahi et persécuté. « Vastes oiseaux des mers » et « Indolents compagnons de voyage », ce sont deux périphrases qui désignent les albatros, et qui nous les donne à voir non pas au sol, mais dans le ciel. Quand ils volent, ils sont vastes, car ils ont les ailes déployées. Mais en même temps, c’est une hypallage : l’adjectif devrait plutôt définir la mer. Les albatros sont en harmonie avec leur milieu naturel maritime. Cet adjectif « vaste », qui s’applique autant aux ailes qu’à la « mer », nous fait voir un horizon immense qui s’oppose à la verticalité des « gouffres amers ». Avec ces images très contrastées, Baudelaire joue avec un topos littéraire (un 2 Si l’albatros est à l’image du poète, ce brûle-gueule prend une dimension symbolique supplémentaire : on brûle sa bouche, c'est-à-dire qu’on détruit son seul moyen d’expression. Le poète est quasiment bâillonné par la critique. La déchéance de l’albatros est illustrée par un jeu de contrastes. L’adjectif « beau » devient « laid », c’est une simple antithèse : le rapprochement de termes qui ont un sens opposé. Mais de façon plus subtile, « Ce voyageur ailé » entre en écho avec l’adjectif « veule » c’est à dire faible, sans énergie. Ils partagent des sonorités communes, comme si le groupe de mots avait été comprimé en un seul. L’albatros est réduit au minimum, dans l’écriture même. « L’infirme qui volait » le raccourci est frappant. C’est le seul imparfait du poème, pour une action révolue qui a duré dans le passé. L’aspect révolu est cruel : l’oiseau est désormais privé de sa faculté principale, « infirme », comme s’il était amputé. Troisième mouvement : Une allégorie qui invite à la relecture Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. « Le Poète est semblable au prince des nuées » c’est une comparaison qui révèle la parabole. Le Poète, le prince des nuées commencent tous les deux par la même lettre, avec une majuscule au Poète : c’est une allégorie, un concept personnifié, pour le personnage qui traverse les siècles. D’ailleurs, « prince des poètes » est un titre donné aux grands poètes qui ont marqué la vie littéraire. « Le Poète » et « Ce voyageur ailé » : en première position dans les deux derniers quatrains, ils sont bien mis sur le même plan. Le Poète, L’albatros dans le titre du poème, ce sont des articles définis génériques, qui désignent la notion générale, ils ont la même dimension symbolique. En plus, le poème se termine soudainement au présent de vérité générale : pour des actions vraies en tout temps, comme dans les fables, on se rapproche du genre de l’apologue. « Le roi de l’azur », « le prince des nuées », ce sont des personnages puissants, mais pourtant, ils ne règnent que sur des choses impalpables : l’azur, les nuées. Le poète est donc à l’aise dans les abstractions : la recherche de la beauté, l’imagination. Le verbe hanter suggère l’image du fantôme. Vous savez que Baudelaire a beaucoup traduit Edgar Allan Poe, qui est un maître américain du fantastique. Dématérialisé, l’albatros se fond avec la tempête et les nuées. Voilà pourquoi il se rit de l’archer : les flèches ne peuvent rien contre l’orage. Ce rire est sonore, avec l’allitération en R . C’est le tonnerre qui accompagne la tempête. Baudelaire insiste plusieurs fois sur les ailes de l’albatros. La métaphore est filée : si le monde élevé de la beauté est représenté par le ciel, les ailes qui permettent à l’albatros de s’y déplacer, c’est son talent et son imagination. Dans 5 le Salon de 1859, Baudelaire appelle l’imagination : « la reine des facultés ». La situation bascule brutalement : « la tempête » devient « le sol » à l’hémistiche. Les « nuées » deviennent « les huées » avec la paronomase, la proximité sonore. Le rire de l’albatros devient le rire des matelots. Ces derniers vers rejouent symboliquement tout le poème en raccourci, l’albatros est bien passé finalement de l’azur, aux gouffres amers, de l’idéal au spleen. Le poète, comme l’albatros « hante la tempête », d’ailleurs, les deux mots riment entre eux. C’est révélateur de la conception Baudelairienne de la beauté : elle se trouve dans les lieux les plus tourmentés et les plus inquiétants. Cela rejoint le titre des Fleurs du Mal : la beauté n’a rien à voir avec la vertu ou la vérité. Par la nature même de ce projet, Baudelaire s’est toujours heurté aux critiques d’un public bien pensant. À sa publication, Les Fleurs du Mal sont condamnées pour outrage aux bonnes mœurs, et Baudelaire doit retirer plusieurs poèmes. Le mot Exilé est particulièrement fort. Le sens passif du participe passé laisse entendre : par qui ? La violence des hommes d’équipage, ou encore l’image de l’archer nous donnent à voir l’hostilité très forte du public : comme l’albatros, le poète se heurte à l’incompréhension de ses contemporains. Le verbe « hanter » a peut-être une dernière signification : le poète est à la fois absent et présent partout dans sa poésie. Et c’est ce qui se passe ici : il n’apparaît qu’à la fin du poème, mais c’est lui qui en constitue le sujet principal. Conclusion Dans ce poème, Baudelaire met en scène un spectacle cruel qui emprunte à la tragédie et à la comédie. Il renouvelle la poésie avec des images originales et personnelles : le vol majestueux de l’albatros contraste avec son exil sur les planches. La cruauté des marins suscite l’empathie du lecteur qui prend partie pour l’oiseau. Comme dans une fable, en touchant nos émotions, Baudelaire transmet un message plus profond, qui a une portée générale : l’albatros est comme le poète : incompris par ses contemporains, prisonnier du spleen, les ailes de son génie lui permettent de s’élever jusqu’à l’idéal. Tim Burton pense certainement à l’Albatros quand il réalise Edward aux mains d’argent : c’est le même symbole du poète, embarrassé par son génie, symbolisé par ses mains. 6
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