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Candide ou l’optimiste, Lectures de Français

Analyse Linéaire du chapitre 19

Typologie: Lectures

2023/2024

Téléchargé le 26/06/2024

wissal-laamouri
wissal-laamouri 🇫🇷

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Aperçu partiel du texte

Télécharge Candide ou l’optimiste et plus Lectures au format PDF de Français sur Docsity uniquement! CANDIDE, chapitre XIX (P. Debailly - G. Zaneboni) (en approchant de la ville... il entra dans Surinam) LECTURE ANALYTIQUE LINEAIRE Problématique : Comment Voltaire dans cette page suggère, à travers la fiction du récit et du dialogue, un violent réquisitoire contre l'esclavage ? INTRODUCTION Candide et Cacambo quittent le paradis d'Eldorado avec le projet de retrouver Cunégonde et d'acheter un royaume grâce aux cent moutons chargés d'or et de pierreries qu'ils emmènent. Mais peu à peu, en faisant route vers Surinam, colonie hollandaise située en Guyane, ils perdent leurs richesses et il ne leur reste bientôt plus que deux moutons. Ils conservent cependant leur rêve de bonheur et Cacambo déclare juste avant que commence notre texte : «Nous sommes au bout de nos peines et au commencement de notre félicité. » Or, après ces paroles, les deux voyageurs rencontrent un esclave noir dont l'état pitoyable les ramène brutalement à la réalité. Nous montrerons comment Voltaire dans cette page suggère, à travers la fiction du récit et du dialogue qui oublient l’humour, mais pas l’ironie, au profit du pathétique, un violent réquisitoire contre l'esclavage. COMPOSITION Le texte comprend trois parties.  Dans la première (jusqu'à : « qui t'a traité ainsi », l. 7), les héros découvrent un nègre mutilé ; Candide l'interroge sur la raison de son état.  Dans la seconde (l. 7 à 22), 1'esclave fait un discours qu'on peut lui-même diviser en deux moments. Il explique d'abord l'origine de son état (jusqu'à « Europe », l. 12); il dénonce ensuite 1'illusion sur laquelle a reposé sa vie (l. 12 à 22).  Dans la troisième partie du texte (l. 23 à 27), Candide reprend la parole ; il se révolte contre Pangloss et son optimisme. Ce discours du nègre, entouré par deux interventions de Candide, confère au texte une progression dramatique où le héros est amené à évoluer. Cette structure est donc une fois encore celle d'une prise de conscience, mais plus nette et plus ferme qu'au début du roman. Candide, en effet, ébranlé par ce qu'il voit, rejette de plus en plus les idées de Pangloss. Cette révolte lui permet de prendre peu à peu possession de lui- même. LECTURE ANALYTIQUE LINEAIRE ~ La rencontre du nègre (l. 1 à 7) Le début du texte contraste avec le mot « félicité » sur lequel s'achevait le paragraphe précédent. Les héros, tout à leur rêve de bonheur, ne s'attendent pas à trouver sur leur chemin un homme dans un état aussi déplorable. Cette rencontre produit un effet pathétique qui frappe leur sensibilité. Le ton n'est plus ici celui de l'ironie ou de l'humour, mais celui de l'émotion et de l'indignation. La description du nègre est sobre, donnant ainsi au pathétique plus de force. L'esclave se présente aux voyageurs dans une situation d'humiliation : il est «étendu par terre» (1. 1). Son dénuement est traduit par l'adverbe restrictif «ne... que»: «n'ayant plus que la moitié de son habit» (1. 1, 2), et par la courte précision: « c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue » (1. 3), qui crée une surprise et apporte une surenchère dramatique à l'expression : « moitié de son habit ». Le narrateur ne s'apitoie pas ; il constate simplement les infirmités : « il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite » (1. 3). Dans cette présentation réduite au minimum, seuls sont retenus les détails marquants. L'émotion du narrateur et de Candide apparaît néanmoins, concentrée dans l'adjectif « pauvre », qui possède dans l'expression « ce pauvre homme » (1. 4) son sens à la fois matériel et affectif. Ce spectacle pathétique suscite aussitôt chez Candide une réaction émue : «Eh ! mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois ? » (1. 4, 5). Cette 1 spontanéité est conforme à la nature du héros qui se montre toujours sensible à la souffrance d'autrui. Sa bonté apparaît dans l'appellation affectueuse : « mon ami ». L'intensité de son émotion est soulignée par les tournures interrogatives et exclamatives, ainsi que par l'adjectif hyperbolique « horrible », dont la présence fréquente dans le roman est liée au thème de l'omniprésence des malheurs qui frappent l'homme. A cela, I'esclave répond sur un ton de soumission : « J'attends mon maître, monsieur Vanderdendur, le fameux négociant » (l. 5, 6). L'adjectif « fameux » peut aussi être pris en un sens ironique : le négociant est certes connu, mais plus pour sa cruauté que pour ses vertus. «Vanderdendur» est un nom-portrait qui contient dans sa forme la fonction et le caractère du personnage. L'allitération, répétition expressive de la même consonne, en [d] fait d'emblée de lui un être ridicule et antipathique : «Vanderdendur». La première partie du nom : «Vander-» nous apprend qu'il s'agit d'un négociant hollandais : «Vander» est la transcription sous une forme hollandaise de l'homonyme «vendeur» ; l'autre partie du nom : « -dendur » nous révèle la méchanceté du personnage, comme dans l’expression populaire prise au pied de la lettre « il a la dent dure ». La suite du roman confirmera ce trait. Une fois de plus chez Voltaire, la fantaisie verbale se met au service de la fiction. ~ Le discours du nègre (1. 7 à 22) Le nègre explique alors la raison de son état, en reprenant les trois sujets d'étonnement du début : « caleçon  », « main » et « jambe ». Là encore, Voltaire concentre l'effet du pathétique en ne retenant que les détails frappants. L'expression : « c'est l'usage» (l. 7), pour désigner le traitement dont il a été victime, sous-entend une logique de l'habitude à laquelle semble se soumettre le nègre ; ses malheurs obéissent à une loi supérieure qui n'a d'autre justification que la tradition. Loin de vouloir apitoyer les voyageurs, I'esclave se contente de juxtaposer sobrement des informations : «On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main (on faisait cela pour éviter la gangrène) ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas » (l. 11). La résignation du nègre apparaît dans la froide objectivité d'un constat qui s'articule autour des trois expressions parallèles formant une sorte de rengaine tragique : « On nous donne... on nous coupe... on nous coupe... » Cette juxtaposition de faits produit une accumulation qui fait mieux ressortir la cruauté des esclavagistes. L'esclave ajoute cependant un commentaire critique sur ces informations : « C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe » (l.11, 12). Ici Voltaire prend la parole par la bouche de son personnage pour dénoncer le scandale. Par cette phrase tendue et incisive, le conte devient pamphlet [court écrit satirique attaquant avec violence un gouvernement, une institution ou un personnage connu]. Ce que Voltaire met en évidence, c'est le décalage monstrueux entre l'insouciance des Européens et les souffrances de ceux qui sont à leur service aux colonies. Le nègre alors raconte sa vie et dénonce d'une autre façon l'absurdité de l'esclavage, en reprenant le thème de l'optimisme, qui est le sujet du roman. Sa mère lui tient en effet un discours qui ressemble à ceux de Pangloss : « Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux ; tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère » (l. 13, 15). Elle prêche à son fils l'acceptation de l'ordre établi et le persuade contre toute évidence de son bonheur. Par un renversement absurde propre aux raisonnements de Pangloss, la condition d'esclave devient un « honneur » (l. 14). Les « fétiches », qui sont d'ordinaire des objets matériels adorés par les primitifs, désignent dans ce contexte les prêtres de la religion catholique ; par cette appellation amusante, Voltaire se moque d'elle en la réduisant à du fétichisme. L'interjection « Hélas ! » introduit une rupture et apporte un démenti à cette promesse de bonheur. Sur un ton désabusé et détaché, le nègre se décrit avec humour : «Je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne» (l. 16). Cette attitude de recul vis-à-vis de sa situation lui permet de faire une analyse sévère des rapports de l'Église avec les noirs. Le passage du « je » au « nous » montre que maintenant il se fait l'avocat de la cause des esclaves en général (1. 18). Tout d'abord, on ne leur accorde même pas la dignité de la bête. L'indignation du nègre est soulignée par l'accumulation bouffonne d'animaux : « les chiens, les singes et les perroquets » (l. 17), et par 1'hyperbole [figure de style consistant à exagérer une expression pour la rendre plus frappante] : « mille fois moins malheureux que nous » (1. 17, 18). 2
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