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citations alpha, Lectures de Arts

Antonin Artaud. Aulu-Gelle. Bhagavad-Gita. Samuel Beckett. Ben. Walter Benjamin. Thomas Bernhardt. Ginevra Bompiani. Jean Bottero. Monny de Boully.

Typologie: Lectures

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

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Télécharge citations alpha et plus Lectures au format PDF de Arts sur Docsity uniquement! L'ENSEMBLE DES CITATIONS ENTIÈRES QUE L'ON TROUVE DANS MES LIVRES (IL SE PEUT TOUTEFOIS QUE CERTAINES M'AIENT ÉCHAPPÉ) On notera et excusera un certain relâchement en termes de référence (date manquante, source, etc.), peut-être aussi quelques fautes d'orthographe ici ou là…) Extraits empruntés à : Theodor W. Adorno Giorgio Agamben H.-F. Amiel Gunther Anders Lou Andréas-Salomé Aristote Antonin Artaud Aulu-Gelle Bhagavad-Gita Samuel Beckett Ben Walter Benjamin Thomas Bernhardt Ginevra Bompiani Jean Bottero Monny de Boully Joë Bousquet Georges Braque André Breton Max Brod Thomas Browne Buffon Hermann Burger John Cage Roger Caillois Varlam Chalamov René Char Ching Yüan Wei Hsin Emil Michel Cioran John Maxwell Coetzee Samuel Taylor Coleridge Robert Creeley François Dagognet Dante René Daumal Jean De Boschere Nicolas de Cuse Guy Debord Gilles Deleuze Jacques Derrida René Descartes Emily Dickinson Diderot Carlo Dossi Jean Dubuffet Marcel Duchamp Serge Fauchereau [et…] Lucien Febvre Gustave Flaubert Sigmund Freud Carlo Emilio Gadda David Gascoyne William Gass Cosmo Guastella Geulincx Jean-Luc Godard Nelson Goodman Glenn Gould Julien Gracq Jean-Pierre Guilierm Martin Heidegger Casper Henderson Ludwig Hohl Hans Henny Jahnn Jean Paul (Richter) B.S. Johnson Joseph Joubert Stephen Jourdain Pierre Jean Jouve Saint Jean de la Croix Roberto Juarroz Emmanuel Kant Sören Kierkegaard Ladislav Klima Pierre Klossowski Karl Kraus Roger Laporte Guy Le Fevre de la Borderie Jean-Claude Lebensztejn Michel Leiris Gilbert Lely Leopardi Denise Levertov Georg Christoph Lichtenberg Clarice Lispector Maria Gabriela Llansol Hubert Lucot Kasimir Malevitch Stéphane Mallarmé Ossip Mandelstam Luc-André Marcel Jean-Pierre Martin Danielle Mémoire Philippe-Alain Michaud Henri Michaux Jean-Claude Moineau Molière Michel de Montaigne Jean-Claude Montel Anonyme (Roger Munier) cercle jusqu’aux ténèbres de son être primitif, en rééprouvant, par d’indéfinies métamorphoses, l’émotion de sa propre genèse et en se retirant et se condensant en soi jusqu’à la virtualité des limbes […]. H.-F. Amiel, Grains de mil, Paris, 1854, p. 138-139 […] sans espoir de trouver le geste linguistique [Sprach-Gestus] aujourd’hui approprié.  Gunther Anders Il en souffre [du destin qu’il porte en lui-même] à la façon d’un escargot qui porterait sa coquille comme une infirmité et qui voudrait la perdre à tout prix, fût-ce au prix de sa mort, mais qui pourrait tout aussi bien souhaiter que sa coquille forme au-dessus de lui une voûte plus imposante que lui-même, et trouvera parfaitement normal de consacrer toute une vie de travail à la consolider et à embellir ses volutes. Lou Andréas-Salomé, Rainer Maria Rilke LIVRE V - 12 - Puissance, capable / impuissance, incapable […] dans un autre sens encore, puissant signifie la faculté de changement en une chose quelconque, soit dans le sens du meilleur, soit dans le sens du pire (car ce qui périt a aussi, semble-t-il, la puissance de périr ; il n’aurait pas été détruit s’il n’avait pas eu la puissance de l’être, mais il faut bien que réside présentement en lui une certaine disposition, une cause, un principe, pour une telle modification. On semble donc puissant, tantôt par le fait de posséder quelque chose, tantôt par le fait d’être privé de quelque chose. Mais si la privation est elle- même une sorte de possession, on sera, dans tous les cas, puissant en vertu d’une possession ; de sorte que la puissance consiste dans la possession d’un certain état, d’un certain principe, comme aussi dans la possession de la privation de cet état, s’il est possible de posséder une privation. Si la privation n’est pas une sorte de possession, puissant est alors employé en deux sens distincts) […] LIVRE V - 16 - Parfait Achevé, parfait, se dit d’abord de ce que en dehors de quoi il n’est pas possible de saisir aucune partie de la chose, pas même une seule. […] L’excellence d’un être est aussi un achèvement ; chaque être, en effet, est parfait, toute essence est parfaite, quand, envisagée dans la forme de son excellence propre, il ne lui manque aucune des parties qui constituent naturellement sa grandeur. […] LIVRE V - 17 - Limite Limite se dit de l’extrémité de chaque chose, c’est-à-dire du premier point au-delà duquel il n’est plus possible de rien appréhender de la chose, et du premier point en deçà duquel est son tout. […] LIVRE V - 22 - Privation Privation se dit, en un sens, quand un être n’a pas un des attributs qu’il est naturel de posséder, même sans que le sujet lui-même soit fait pour le posséder ; par exemple, on dit d’une plante qu’elle est privée d’yeux. – En un autre sens, il y a privation pour un être, lorsque cette qualité devant naturellement se trouver en lui, ou dans son genre, il ne la possède cependant pas : ainsi, c’est tout autrement que l’homme aveugle et la taupe sont privés de la vue […] – Il y a encore privation quand un être, devant naturellement, et dans le temps même, posséder une qualité, ne l’a pas ; la cécité, en effet, est une privation […] LIVRE V - 26 - Tout Un tout s’entend de ce à quoi ne manque aucune des parties qui sont dites constituer naturellement un tout. […] Des quantités ayant un commencement, un milieu et une fin, celles dans lesquelles la position des parties est indifférente sont appelées un total et les autres, un tout […] LIVRE V - 27 - Tronqué Tronqué, mutilé, se dit des quantités, mais non pas de n’importe lesquelles ; il faut non seulement qu’elles soient divisibles, mais encore qu’elles forment un tout. […] une coupe tronquée est encore une coupe […]. Mais, en général, il n’y a pas de mutilation pour les choses dans lesquelles la position des parties est indifférente, comme l’eau ou le feu ; il faut qu’elles soient d’une nature telle que la position des parties tienne à l’essence. […] En outre, les choses qui ne sont pas des touts ne sont pas mutilées par la privation d’une partie quelconque, car il ne faut ôter ni les parties constitutives de l’essence, ni une partie quelconque, abstraction faite de la place qu’elle occupe : par exemple, une coupe percée n’est pas tronquée, elle l’est si l’anse ou le bord a été retranché. Un homme n’est pas mutilé s’il a perdu de la chair ou la rate, mais seulement s’il a perdu quelque extrémité, et cela, non pas même toute extrémité ; il faut que cette extrémité, une fois complètement retranchée, ne puisse jamais se reproduire. Voilà pourquoi les chauves ne sont pas des mutilés. LIVRE VII - 7 - Analyse de la génération et de ses différentes espèces […] Ce dont un être provient nous l’appelons la matière ; ce par quoi il est produit, c’est un être qui existe naturellement ; l’être produit, c’est un homme, ou une plante, ou quelque autre chose de cette sorte, et ce sont ces êtres que nous appelons principalement des substances. […] Tel est le devenir des productions naturelles ; toutes les autres productions se nomment réalisations. Toutes les réalisations proviennent, soit de l’art, soit de la puissance, soit de la pensée. […] Quant aux productions de l’artiste, ce sont celles dont la forme est dans l’esprit de l’artiste. Aristote, Métaphysique TRATRA REDELA BULA EDELE ARTEDRA EREBUDELA ABERNETRA et même contre ce chant je dis merde en soc dans tout ça Antonin Artaud, juillet 1946 Penser c’est ouvrir et laisser être venu, l’éternité se réinstalle, ça non, penser c’est nouer des chaînons et clouer des caisses, les construire aussi, mais œuvrer, il n’y a pas d’état mental car tout se crée. Antonin Artaud, Cahiers du retour à Paris, octobre-novembre 1946 J’ai suivi l’ordre fortuit dans lequel se présentaient mes extraits. […] Dans cet ouvrage, c’est la même incohérence de matières (rerum disparilitas) que dans ces notes rapides prises sans aucune méthode, au milieu de mes recherches et lectures en tout genre. Aulu-Gelle, Nuits Attiques Il vaut mieux périr dans sa propre loi, que de se sauver dans celle d’un autre. Bhagavad-Gita Il sait chaque fois que ça y est, à la façon d’un poisson de haute mer qui s’arrête à la bonne profondeur, mais les raisons lui en sont épargnées. Samuel Beckett, Le Monde et le Pantalon, 1945 Un de ces DIES DIARRHOAE … Samuel Beckett parlant d'un de ses poèmes (lettre, 1932) Et je dis la vérité. Ben, Entretien… Cela étonne beaucoup de gens, mais je fais 30 à 40 brouillons pour un poème. Ben, Entretien… II. Parle si tu veux de ce qui est terminé, mais au cours du travail n’en lis aucun passage à autrui. Toute satisfaction que tu te donnes ainsi ralentit ton rythme. En suivant ce régime le désir sans cesse croissant de communiquer finira par devenir un mobile pour achever l’œuvre. V. Ne laisse passer aucune pensée incognito, et tiens ton carnet de notes avec autant de rigueur que les autorités tiennent le registre des étrangers. VII. Ne cesse jamais d’écrire parce que tu n’as plus d’idée. […] XI. Ne rédige pas la conclusion de l’œuvre dans la pièce où tu travailles d’ordinaire. Tu n’y trouverais pas le courage nécessaire. XII. Stades de la rédaction : idée — style —écriture. C’est le sens de la copie au net que de diriger l’attention, par le travail qu’elle nécessite, sur la seule calligraphie. L’idée tue l’inspiration, le style enchaîne l’idée, l’écriture rétribue le style. XIII. L’œuvre est le masque mortuaire de la conception. (DÉFENSE D’AFFICHER. La technique de l’écrivain en treize thèses) VI. Le contenu et la forme sont une même chose dans l’œuvre d’art: la teneur. VII. La teneur est ce qui est éprouvé. XIII. L’artiste va à la conquête des teneurs. (DÉFENSE D’AFFICHER. Treize thèses contre les snobs.) XII. L’art du critique in nuce : forger des slogans sans trahir les idées. Les slogans d’une critique insuffisante bradent l’idée au profit de la mode. (DÉFENSE D’AFFICHER. La technique du critique en treize thèses.) Walter Benjamin, Sens unique, 1928 […] nous ne sommes rien d’autre que des hommes qui renversent leur tête comme des poubelles et la vident, où qu’ils se trouvent. […] C’est pourquoi le monde est plein de puanteur, parce que tous partout vident leur tête comme des poubelles. Cette puanteur que provoquent ces ordures d’idées qui n’en finissent pas, dit Oehler, étouffera un jour le monde, nous étouffera nous, si nous ne trouvons pas d’autre méthode. Mais il n’est guère probable qu’il existe une autre méthode. Thomas Bernhardt, Gehen (Marcher), 1971 Aucune scorie n'est voulue, chaque scorie étant scorie de la volonté. Ginevra Bompiani … Ninurta et les Pierres, un récit de bataille de huit cent vers en sumérien, dans lequel le dieu Ninurta change en pierres utilitaires tous ses ennemis et en pierres nobles et précieuses tous ceux qui l’ont rallié. Jean Bottero Seules les pierres ne désirent rien. Et qui sait ? peut-être y a-t-il dans les pierres des trous que nous n’avons jamais découverts. John Maxwell Coetzee, In the Heart of the Country, 1977 Penser à une chose est différent de la percevoir, comme “marcher” l’est de “sentir le sol sous vos pieds” – une suite de perceptions accompagnées d’un sentiment de nisus & de dessein. 1800-1801 Samuel Taylor Coleridge, entrée 886 des Note-books Il ne savait que faire – il devait, il le sentait, faire quelque chose – il se leva, attira soudain à lui son pupitre – s’assit, prit la plume – et constata qu’il ne savait que faire. 30 octobre 1800 Samuel Taylor Coleridge, entrée 834 des Note-books … – la morne pression comme d’un doigt sur le Foie, la Flatulence sans fin, la terrible constipation quand la Saleté morte empale l’Intestin inférieur – pleurer et transpirer et gémir et hurler pour la parturience d’un excrément avec les mêmes affres et les mêmes convulsions qu’une femme endure afin d’avoir un petit Enfant héritier de l’Immortalité. Samuel Taylor Coleridge, entrée 2091 des Note-books Poèmes. – Fantôme d’une montagne / les formes s’emparant de mon corps, à mon passage, sont devenues des réalités – moi un Fantôme jusqu’à ce que j’aie reconquis ma Substance/. Samuel Taylor Coleridge, entrée 1241 des Note-books … apportez-moi deux choses qui semblent identiques, et je suis assez prompt à vous en montrer la différence, fût-elle moindre que l’épaisseur d’un cheveu – mais continuer de cercle en cercle jusqu’à ce que je me brise sur le rivage de la patience de mon Auditeur, ou qu’un Ronflement anéantisse mes Concentriques – telle est ma mésaventure ordinaire. 25 Déc.1804 Samuel Taylor Coleridge, entrée 2372 des Note-books Octobre, 1802. Hartley envoyé chercher une bougie chez Mr. Clarkson – les sembles l’ont rendu misérable – que veux-tu dire mon chéri ! – les sembles, les sembles – ce qui semble être et n’est pas – […] – et la bougie guérit les SEMBLES. Samuel Taylor Coleridge, entrée 1253 des Note-books (Hartley, fils, 6 ans) Derwent étend si loin l’idée de Porte qu’il n’appelle pas seulement Portes les Couvercles des Boites, mais même les Couvertures de Livres / un an et huit mois / Samuel Taylor Coleridge, entrée 1192 des Note-books J’aime la syncopation de ses rythmes – cela devient tout à fait évident si vous marquez une pause distincte (appelée point de jonction !) à la fin de chaque ligne, et si vous lisez les mots de façon détendue mais clairement un par un. Robert Creeley, parlant de son poème The Name Le monde des objets, qui est immense, est finalement plus révélateur de l’esprit que l’esprit lui-même. Pour savoir ce que nous sommes, ce n’est pas forcément en nous qu’il faut regarder. Les philosophes, au cours de l’histoire, sont demeurés trop exclusivement tournés vers la subjectivité, sans comprendre que c’est au contraire dans les choses que l’esprit se donne le mieux à voir. Il faut donc opérer une véritable révolution, en s’apercevant que c’est du côté des objets que se trouve l’esprit, bien plus que du côté du sujet. François Dagognet, Le Monde (1993) […] O frère, monter là-haut qu’importe ? […] Dante Les mots réunis par un trait d'union forment, en sanskrit, un seul composé. René Daumal, Les pouvoirs de la Parole 1935-1943 Pour dire, par exemple, "inébranlable comme une montagne", le védique dit d'abord "montagne", puis, pour faire passer ce mot du sens physique au sens analogique, il annule le premier sens en faisant suivre le mot de la négation : "montagne-non inébranlable". René Daumal, Les Pouvoirs de la Parole Au fond non troublé de la mémoire que j'ai de moi, un petit enfant se réveille et fait sangloter le masque du vieillard. Un petit enfant qui cherche père et mère, qui cherche avec vous l'aide et la protection ; la protection contre son plaisir et son rêve, l'aide pour devenir ce qu'il est sans imiter personne." Disant cela, Pierre, du bout d'un bâton, fouillait dans le sable. Ses yeux soudain se fixèrent, il se baissa et ramassa quelque chose – quelque chose qui brillait comme une minuscule goutte de rosée. C'était un péradam, un tout petit péradam, mais son premier et notre premier péradam. René Daumal, Le Mont Analogue (1939-44) Et comme disent plusieurs légendes du Hassidisme, les paroles qui ne trouvent pas d’auditeur pour les prendre – le don qui n’est pas reçu – reviennent, rebondissent vers celui qui les émet et peuvent le tuer. René Daumal, Lettre à A. Rolland de Renéville, 6 septembre 1934 Chaque mesure retourne à chaque instant au silence. Dans chaque silence il se retrouve seul en face de lui-même. Et c’est toujours le même moment. La durée, résolue en instants identiques, s’évanouit en un unique acte de conscience. L’homme se saisit tel qu’il est, dans la présence concrète de l’instant. Une autre mélodie naît : non plus de la succession des notes, mais des relations entre ces moments de silence. […] La musique hindoue […] fouille l’homme et le retourne comme un gant. René Daumal, Sur la musique hindoue, 1932 … en justice mon Journal serait toujours un témoin dangereux. Jean De Boschere, Fragments du Journal d'un rebelle solitaire (25/01/1950) Ce n’est pas ce qu’elle comprend qui satisfait l’intelligence : cela marque plutôt sa fin. Ce qu’elle ne comprend pas du tout ne peut la satisfaire non plus, mais seulement ce qu’elle comprend ne pouvoir comprendre. Nicolas de Cuse, Le Tableau ou la Vision de Dieu, XVI … l’accroissement infini de l’ignoré est la tâche, et l’amplification de l’impénétrable secret la récompense. Nicolas Krebs (Nicolas de Cuse) Les images existantes ne prouvent que les mensonges existants. Guy Debord … il y a un devenir-guêpe de l’orchidée, un devenir-orchidée de la guêpe, une double capture, puisque “ce que” chacun devient ne change pas moins que “celui qui” devient. La guêpe devient partie de l’appareil de reproduction de l’orchidée, en même temps que l’orchidée devient organe sexuel de la guêpe. […] Ce n’est pas un terme qui devient l’autre, mais chacun rencontre l’autre, un seul devenir qui n’est pas commun aux deux, puisqu’ils n'ont rien à voir l’un avec l’autre, mais qui est entre les deux, qui a sa propre direction […], non pas quelque chose de mutuel mais un bloc asymétrique, une évolution a-parallèle, des noces “hors” et “entre”. Alors ce serait ça un entretien. Gilles Deleuze / Claire Parnet, Dialogues Parler, c’est s’entendre. Jacques Derrida, L’écriture et la différence J’aurais aussi ajouté un mot d’avis touchant la façon de lire ce livre, qui est que je voudrais qu’on le parcourût d’abord tout entier ainsi qu’un roman, sans forcer beaucoup son attention ni s’arrêter aux difficultés qu’on y peut rencontrer, afin seulement de savoir en gros quelles sont les matières dont j’ai traité ; et qu’après cela, si on trouve qu’elles méritent d’être examinées et qu’on ait la curiosité d’en connaître les causes, on le peut lire une seconde fois pour remarquer la suite de mes raisons ; mais qu’il ne se faut pas derechef rebuter si on ne la peut assez connaître partout, ou qu’on ne les entende pas toutes ; il faut seulement marquer d’un trait de plume les lieux où l’on trouvera de la difficulté et continuer de lire sans interruption jusqu’à la fin ; puis, si on reprend le livre pour la troisième fois, j’ose croire qu’on y trouvera la solution de la plupart des difficultés qu’on aura marquées auparavant, et que s’il en reste encore quelques-unes, on en trouvera enfin la solution en relisant. […] je voudrais assurer ceux qui se défient trop de leurs forces qu’il n’y a aucune chose en mes écrits qu’ils ne puissent entièrement entendre s’ils prennent la peine de les examiner […]. René Descartes, lettre-préface de à l’édition française de ses Principes de la philosophie (1647) I felt a cleavage in my mind As if my brain had split ; I tried to match it, seam by seam, But could not make them fit. The thought behing I strove to join Unto the thought before, But sequence ravelled out of reach Like balls upon a floor. Emily Dickinson (1830-1886) I COULD NOT SEE TO SEE (Je n’y vis plus assez pour voir) Emily Dickinson, dernier vers du poème 465 There are two Ripenings One – of Sight – whose Forces spheric round Until the Velvet Product Drop, spicy, to the Ground — A Homelier – maturing — A Process in the Bur — Wich Teeth of Frosts – alone disclose In still October Air — […] peut-être Seul le poème que je n’écrirai pas est-il vrai. David Gascoyne, “Apologia”, Miserere, 1937-1942 Ce qui m’intéresse, en tant que poète, c’est de fabriquer, avec le langage, un objet qui n’existait pas auparavant et qui devient réel. Tangible. Comme une sculpture. Un objet qui donne aux gens la possibilité d’une expérience nouvelle. William Gass L'esprit est un fait, la matière une hypothèse. Cosmo Guastella UBI NIHIL VALES, IBI NIHIL VELIS (Là où tu ne vaux rien, tu ne dois rien vouloir) Geulincx (1625-1669) (Philosophe belge disciple de Descartes) Si vous m’avez compris, c’est que je me suis mal exprimé. Jean-Luc Godard La pierre de la plage peut être faite pour fonctionner artistiquement, dès l’instant où on la distingue, là où elle se trouve, en la percevant comme un symbole qui exemplifie certaines formes et d’autres propriétés. […] l’implémentation […] inclut la possibilité de faire fonctionner une chose comme art […]. La pierre de la plage n’est pas une œuvre d’art mais sous certaines conditions elle fonctionne comme art […]. […] Souvent, les œuvres d’art ne fonctionnent pas comme telles, tandis que les non-œuvres fonctionnent comme des œuvres d’art. […] l’implémentation est le processus qui permet de réaliser le fonctionnement esthétique qui sert de base à la notion d’œuvre d’art. Nelson Goodman, L’art en théorie et en action (p. 68) Je ne sais pas quelle serait la bonne proportion, mais j’ai toujours eu une sorte d’intuition selon laquelle pour chaque heure passée en compagnie d’un autre être humain, on a besoin d’x heures seul. Mais ce que cet x représente, je n’en sais vraiment rien, peut-être 2 heures et 7 huitièmes, ou 7 heures et 2 huitièmes, mais c’est une proportion substantielle. Glenn Gould […] ceux qui sonnaient le mieux étaient précisément les endroits où je ne pouvais plus m’entendre du tout. Glenn Gould Les “points-feux” du monde naturel comme dit J. Herold. Julien Gracq, Les Carnets du Grand Chemin. Il existe une lecture qui trouve son plaisir dans le dessaisissement même de la compétence » [qu’organisent certains livres, au point que] cela paraît constituer un principe de réception “correcte” de [ces] textes. [Les livres d’emblèmes sont] l’un des cas – il faudrait peut-être en faire l’inventaire – d’une esthétique perverse qui a parmi ses principes la forclusion partielle du récepteur. Jean-Pierre Guilierm, « Une esthétique perverse », Université Lille III Penser est peut-être simplement du même ordre que travailler à un coffre. Martin Heidegger, Qu’appelle-t-on penser ? La nasse sert à prendre le poisson. Quand le poisson est pris, vous pouvez oublier la nasse. […] Les mots existent pour saisir le sens. Une fois le sens saisi, vous pouvez oublier les mots. Tchouang-Tseu cité par Casper Henderson dans Ma carte des Merveilles, Belles Lettres, 2018 Lorsqu'on parvient à la fin d'un texte, une altération survient. Cette fin, la plupart du temps, est purement extérieure. Elle correspond, par exemple, à la nécessité de brocher telle ou telle partie d'une œuvre. L'altération peut être positive ou négative. (Positive, elle l'est d'une manière purement externe ; elle concerne, si l'on peut dire, la vie du corps). Mais la plupart du temps, elle est négative. Le mieux, c'est d'écrire comme Pascal ses Pensées, une œuvre sans fin. Ludwig Hohl, Notes ou De la réconciliation non-prématurée (1934-36) Le comble du divin c’est la pierre sculptée. Ludwig Hohl, Notes ou De la réconciliation non-prématurée (1934-36) … si l’artiste t’oblige à franchir un Sahara pour atteindre à ce qu’il te donne, c’est lui le coupable. Ludwig Hohl, Notes ou De la réconciliation non-prématurée (1934-36) Toujours nous dirons : il vaut mille fois mieux être incompréhensible et ne pas servir au lecteur de l’incompris […]. Ludwig Hohl, Notes ou De la réconciliation non-prématurée (1934-36), VI. 37 J’ai recommencé au moins cinquante fois la première phrase de Perrudja en la retournant constamment dans tous les sens, et finalement elle eut simplement la forme : « Perrudja prenait son repas du soir ». Hans Henny Jahnn, dans Walter Muschg, Gespräche mit Hans Henny Jahnn, 1967 (traduction José Corti, 1995) Dans leur lecture somnolente, les hommes espèrent toujours avoir saisi dès la première phrase le contenu de la seconde, et pouvoir ainsi vouer au délassement le temps qu’ils passent à parcourir cette dernière – et quel sursaut (mais qui les revigore) lorsqu’ils s’aperçoivent qu’ils n’ont rien deviné du tout, et qu’il leur faut, de virgule en virgule se remettre à penser ! Jean Paul (Richter), Cours préparatoire d’esthétique, 1804 (Deuxième division, neuvième programme : Sur le trait d’esprit.) Lorsqu’il s’agit de concevoir, ce qui ne réclame que des rapports, et point de formes vivantes […], aucune concision n’est trop concise* ; car elle est clarté…. * En exceptant le seul Hammann, dont parfois les virgules portent tout un système planétaire, et les périodes tout un système solaire ; et dont les mots (comme selon Herder les mots primitifs) sont des phrases entières. La concision est souvent plus facile à obtenir qu’à lire ; l’auteur parvient à l’expression de sa pensée en élaguant sans merci les pensées latérales ; le lecteur doit d’abord rétablir celles-ci d’après celles-là. Jean Paul (Richter) En outre, on ne lit rien avec autant de hâte superficielle que ce qui est délayé ; à quel point l’auteur de ces lignes transforme tous les feuillets des œuvres philosophiques en feuilles volantes afin d’en arriver au sujet, combien dans les ouvrages abstraits il abstrait ou soustrait encore pour avoir tant soit peu à réfléchir, il s’en voudrait de l’avouer, pour ne pas blesser des écrivains dont il faut éplucher la coque avant la noix. Jean Paul (Richter) Généraliser, c’est mentir, c’est dire des mensonges, en général. B.S. Johnson, Les Malchanceux. Au lieu de me plaindre de ce que la rose a des épines, je me félicite de ce que l’épine est surmontée de roses et de ce que le buisson porte des fleurs. Joseph Joubert, « L’auteur peint par lui-même », Pensées, maximes, essais et correspondance vol. 1, Paris, 1861 L’antique mode d’être par médiation symbolique, caractéristique de l’état d’innocence, cette mécanique rustique qu’on aurait pu estimer “increvable”, faite à l’image de la Ford modèle T, s’est mis à toussoter ; puis le temps que passent quelques saisons, s’est enrayé tout à fait. Nous devînmes adultes, responsables : nous mourûmes. Stephen Jourdain, L’autre rivage, 1997 (# 125, sous-chant deux du Chant deux du Livre deuxième de la troisième partie) Il écrit rarement, bien que beaucoup de papier soit devant lui ; pour un mot raturé sur une page il jette la feuille et recommence. Il ne peut lire aucune littérature, il ne supporte pas la vue des livres, il devient d’une ignorance particulière. Que regarde-t-il devant lui : des choses, des maisons, de l’inanimé, du ciel. Pierre Jean Jouve, Le Monde Désert, 1927 …/ con un no saber sabiendo /… …/ avec un non savoir sachant /… Entréme dende no supe… Entrai où ne savais… Saint Jean de la Croix Il est évident qu’il faut se résoudre, à certain moment, à “abandonner" le poème, comme disait Valéry, car nous sommes assez fragiles pour que la perfectibilité affecte le pouvoir de réaliser quoi que ce soit et l’anéantisse. Roberto Juarroz, Poésie et Création, 1980 Il existe deux espèces de beauté : la beauté libre (pulchritudo vaga) ou la beauté simplement adhérente (pulchritudo adhaerens). La première ne présuppose aucun concept de ce que l’objet doit être ; la seconde suppose un tel concept et la perfection de l’objet d’après lui. Les beautés de la première espèce s’appellent les beautés (existant par elles-mêmes) de telle ou telle chose ; l’autre beauté, en tant que dépendant d’un concept (beauté conditionnée), est attribuée à des objets compris sous le concept d’une fin particulière. Des fleurs sont de libres beautés naturelles. Ce que doit être une fleur peu le savent hormis le botaniste et même celui- ci, qui reconnaît dans la fleur l’organe de la fécondation de la plante ne prend pas garde à Que cherchait-il au juste à Saint-Laurent qu’il ne pouvait ou ne voulait pas communiquer ? Je repasse le journal dans ma mémoire : rien, pas l’ombre d’un commentaire, pas une seule exception à ce chapelet de figures-qui-sont-ainsi. Jean-Claude Lebensztejn, « Le Journal de Pontormo », Macula, 5/6 Bref, ce qu’aujourd’hui je cherche c’est ce que c’est que je cherche. Michel Leiris, Journal (p. 640) Hors de toute raison, ce que par-dessus tout je cherche en écrivant n’est-ce pas […] qu’en des moments hors série cette écriture, qui est pour moi fondamentalement une réponse à un manque, atteigne le point où exprimer ce manque vaut autant que la possession de ce qui manque… Michel Leiris, Frêle bruit, p. 224 […] (mais l’écrivain qui se raconte et, se voulant cent pour cent véridique, ajoute à son témoignage l’histoire de ce témoignage doit-il, s’il utilise comme base d’un nouveau départ la chose qu’il était tenté de mettre à la corbeille puis, y revenant quand il est plus avancé dans son parcours, donne quelques coups de lime à ce texte intouchable puisque, le citant, il l’a traité en pièce d’archives, doit-il, scrupuleux jusqu’à la manie, s’astreindre à repérer et repenser, pour un rejet, une refonte ou un quitus, toute phrase qui pouvait supposer enclos dans le passé ce bloc dont, sans rien y changer d’essentiel, des retours de plume, que d’autres suivront peut-être, ont modifié quelques détails d’écriture, de sorte qu’on ne saurait parler de ce bloc inaltéré en substance mais pas encore cristallisé comme d’une donnée acquise et désormais sans futur, difficulté qui logiquement exige que l’allusion soit augmentée d’une mise au point et qui, moins circonstancielle, justifierait l’invention simplificatrice d’un temps particulier du verbe, passé non absolu ou futur anticipé, n’exprimant ni l’accompli ni l’inaccompli, mais l’inaccompli virtuellement ou censément accompli ?) […] Michel Leiris, Frêle bruit, P. 93 Une humide si folle si tiède prison Gilbert Lely, poème IX d'ARDEN (1933) … une toute petite idée confuse est toujours plus grande qu’une très grande idée absolument claire. » Leopardi, Zibaldone (1465) À moins qu'un vers ne consiste en une phrase complète, la fin du vers interrompt une phrase de façon subtile […] Quelle est la fonction de telles interruptions ? […] noter les petites pauses non syntaxiques qui ont lieu au cours du processus pensée/sentiment […] Mais la fonction de la fin de vers la plus passionnante et la moins comprise est son effet sur le melos du poème […] en respectant les pauses infimes […] un changement d'intonation se produit réellement à chaque variation d'organisation. […] si nous lisons sans faire aucune pause, en ignorant la fin du vers, il vaut mieux admettre que nous souhaitons écrire de la prose, et le faire.) Denise Levertov Mettre la dernière main à son œuvre, c’est la brûler. Georg Christoph Lichtenberg, Cahiers d’aphorismes (Ouvrage posthume. Le titre est du frère.) Il y a une grande différence entre croire encore quelque chose et le croire de nouveau. Croire encore que la lune exerce une influence sur les plantes trahit la sottise et la superstition. Mais le croire de nouveau est une preuve de philosophie et de réflexion. Georg Christoph Lichtenberg [L’araignée tisse sa toile] avant même de savoir qu’il existe des mouches dans ce monde. » Georg Christoph Lichtenberg, cahier H des Sudelbücher J’écris pour écrire. Clarice Lispector Ne pas lire ce que j’écris comme si l’on était un lecteur. […] Faire exprès un livre bien mauvais pour éloigner les profanes qui veulent “se délecter”. Mais un petit groupe verra que cette “délectation” est superficielle et pénètreront dans ce que j’écris véritablement, et qui n’est ni “mauvais” ni “bon”. Clarice Lispector, Un souffle de vie Je peux ne pas avoir de sens mais c’est le même manque de sens qu’a la veine qui bat. […] Personne ne saura rien : ce que je sais est si volatil et presque inexistant qu’il reste entre moi et je. […] Ce dont je parle n’est jamais ce dont je parle mais autre chose. […] Le meilleur est dans les entrelignes. […] Pour le moment le temps est combien dure une pensée. […] Je suis implicite. Et quand je vais m’expliquer je perds l’humide intimité.[…] Mais je sais bien ce que je veux ici : je veux l’inconclu. […] La grande puissance de la potentialité. […] Je veux l’expérience d’un manque de construction. […] Au centre où je suis, au cœur du Est, je ne pose pas de questions. Parce que c’est – c’est. Je ne suis limité que par mon identité. […] Je n’aime pas ce que je viens d’écrire – mais je suis obligée d’accepter le fragment parce qu’il m’est advenu. […] La musique de chambre est sans mélodie. C’est une manière d’exprimer le silence. Ce que je t’écris est de chambre. […] Cela commence ainsi : comme l’amour empêche la mort, et je ne sais pas ce que je veux dire par là. J’ai confiance en mon incompréhension qui me donne la vie libérée de l’entendement. […] La béatitude commence au moment où l’acte de penser s’est libéré de la nécessité de forme. La béatitude commence au moment où le penser-sentir a dépassé la nécessité de penser de l’auteur – celui-ci n’a plus besoin de penser et se trouve maintenant près de la grandeur du rien. Je pourrais dire du “tout”. Mais “tout” est quantité, et quantité a des limites en son commencement même. La vraie incommensurabilité c’est le rien, qui n’a pas de barrières et c’est où une personne peut répandre son penser-sentir. […] Ce que je dis c’est que la pensée de l’homme est le mode dont ce penser-sentir peut arriver à un degré extrême d’incommunicabilité – qui, sans sophisme ou paradoxe, est en même temps, pour cet homme, le point de communicabilité plus grande. Il se communique avec lui-même. Dormir nous rapproche beaucoup de cette pensée vide et pourtant pleine. Je ne parle pas du rêve qui, dans ce cas, serait une pensée primaire. Je parle de dormir. Dormir, c’est s’abstraire et se répandre dans le rien. […] Dans ce que j’écris, seul m’intéresse trouver mon timbre. Mon timbre de vie. […] Ce que j’écris maintenant ne s’adresse à personne : mais relève directement de l’acte d’écrire qui ainsi se consomme. Clarice Lispector Je porte à la chatte noire de quoi manger et je m’en vais. Je reviens. Elle s’effraie, mais aussitôt s’apaise. – Ce n’est rien – lui dis-je — c’est le rien que je suis. Maria Gabriela Llansol, Un faucon au poing … le livre était écrit, il n’y avait plus qu’à le faire. Hubert Lucot On exige toujours de l'art qu'il soit compréhensible, mais on ne se force jamais à adapter son propre esprit à la compréhension. Kasimir Malevitch un livre ne commence ni ne finit : tout au plus fait-il semblant Stéphane Mallarmé, Le Livre (feuillet 181A) Si tu savais quelle douleur j'ai, quand il me faut délayer ma pensée, et l'affaiblir, pour qu'elle soit intelligible, de suite, à une salle de spectateurs indifférents Stéphane Mallarmé, Lettre à H. Cazalis, juillet 1865 Mon pauvre cerveau est toujours fatigué. Après tout tu sais que la seule occupation d'un homme qui se respecte est à mes yeux de regarder l'azur en mourant de faim. Stéphane Mallarmé, Lettre à H. Cazalis, juillet 1865 Impersonnifié, le volume, autant qu'on s'en sépare comme auteur, ne réclame approche de lecteur. Tel, sache, entre les accessoires humains, il a lieu tout seul : fait, étant. Le sens enseveli se meut et dispose, en chœur, des feuillets. Stéphane Mallarmé, Divagations … D’où les deux manifestations du langage, la parole et l’écriture destinées (en nous arrêtant à la donnée du langage) à se réunir toutes deux en l’Idée du Verbe : la Parole, en créant les analogies des choses par les analogies des sons – l’Ecriture en marquant les gestes de l’Idée se manifestant par la parole, et leur offrant leur réflexion, de façon à les parfaire, dans le présent (par la lecture) et à les conserver à l’avenir comme annales de l’effort successif de la parole et de sa filiation : et à en donner la parenté de façon à ce qu’un jour, leurs analogies constatées, le Verbe apparaisse derrière son moyen du langage, rendu à la physique et à la physiologie, comme un Principe, dégagé, adéquat au Temps et à l’Idée. Stéphane Mallarmé, Fragments et notes Et laisse moi finir par une recette que j’ai inventée et que je pratique : Il faut toujours couper le commencement et la fin de ce qu’on écrit. Pas d’introduction, pas de finale, tu me crois fou ? Je t’expliquerai un jour que là n’est pas ma folie. Stéphane Mallarmé, Lettre à H. Cazalis, 25 avril 1864 […] je crois que toute phrase ou pensée, si elle a un rythme, doit le modeler sur l’objet qu'elle vise et […] reproduire un peu de l’attitude de cet objet quant à tout. Stéphane Mallarmé Le livre, expansion totale de la lettre, en doit tirer, directement, une mobilité et spacieux, par correspondances, instituer un jeu, on ne sait, qui confirme la fiction. Stéphane Mallarmé dans La Revue Blanche, 1er juillet 1895 S’il eust mis, comme moi, par escript ses fantaisies. Michel de Montaigne, Essais La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant. Michel de Montaigne, Essais, Livre III, chap. 2. « raiso[n], comparaiso[n], argumen[t] […] transplant[é] […] en mon solage, et confond[u] aux miens » Michel de Montaigne, Essais « … de la « fricassée que je barbouille icy » Michel de Montaigne, Essais, « De l’expérience », III, 13, p. 1126 Un seul lecteur m’intéressait : moi. Je travaillais jusqu’au moment où je pouvais être lecteur. Quand tu as mémorisé toutes les phrases et surtout les rythmes, tu es alors ton propre lecteur et tu peux décider ce qui va ou non. Tu peux lire une page et l’entendre sonner dans ta tête comme n’appartenant plus au monde dont tu l’as sortie, plus au rêve que tu as noté, plus aux notes que tu as prises, mais qui est devenu un tout lisible. Et à ce moment-là, si elle est lisible pour toi devenu lecteur, elle est lisible pour les autres, quels qu’ils soient. Jean-Claude Montel Les pierres n’ont pas la pensée. Mais la pleine pensée serait, dans l’élément de la pensée, de rejoindre l’absence de pensée des pierres. Anonyme (Roger Munier), La corne de brume Les organes de la pensée sont les organes génitaux du monde. Novalis Si un poète contemporain laisse un espace aussi long que la phrase qui précède, il désire qu’un silence soit respecté par la voix pendant une durée égale. S’il suspend un mot ou une syllabe à la fin d’un vers […] il veut que ce silence dure le temps que met l’œil – un fil de temps suspendu – pour rejoindre la ligne suivante. Charles Olson […] Mais pour défendre ce (poème) contre ses propres attaques, je dirai que fer à gauche et marge irrégulière à droite surgissent comme des évènements considérables, qui ne cessent d’interrompre ce que je pensais être sur le point d’écrire, m’obligeant à écrire toute autre chose. […] Bob Perelman, La marginalisation de la poésie, Format Américain, 1997 J’écris dans les trous. Georges Perros, Papiers collés 3 Je fais en sorte que le paysage ait pour moi les mêmes effets que la musique, et évoque des images visuelles – curieux triomphe de l’extase, d’une difficulté extrême, tenant au fait que le facteur d’évocation appartient au même ordre de sensations que ce qu’il doit évoquer. Mon plus grand triomphe dans ce genre date du jour, d’une lumière et d’une atmosphère ambiguës, où je regardais la place du quai do Sodré (au bord du Tage) et où je l’ai vue nettement comme une pagode chinoise, garnie de clochettes bizarres à l’extrémité des toits, comme autant de chapeaux absurdes […] Fernando Pessoa (Bernardo Soares), Livro do desassossego Ah nao ser toda a gente toda a parte (Si je pouvais être / tous les hommes à tous les endroits) Graffiti en portugais sur le mur d’une chambre dans Lisbonne Story de W. Wenders. (Pessoa-Campos ?) Mais si, à un certain moment de son évolution poétique, il y est parvenu, je l’incrimine, et sévèrement […], de ne pas retourner à ses poèmes antérieurs, en les ajustant à la discipline et, au cas où certains d’entre eux ne se soumettraient pas à cette discipline, en les biffant entièrement. Mais le courage de sacrifier ce qui est fait est chez le poète la chose la plus rare. Plus difficile est de refaire que de faire une première fois. En vérité, au rebours de ce qu’affirme l’adage français, il n’y a que le dernier pas qui coûte. Fernando Pessoa, Note de Ricardo Reis sur Alberto Caeiro Parfois c’est simplement le rythme de la phrase qui demandera des dieux et non pas Dieu ; parfois les deux syllabes de l’expression “des dieux” s’imposeront d’elles-mêmes, et je change alors verbalement d’univers ; parfois au contraire s’imposent les exigences d’une rime interne, un décalage du rythme, un sursaut de l’émotion – et le polythéisme, ou le monothéisme, doivent suivre alors, et ont chacun leur tour ma préférence. Les dieux existent en fonction du style. Fernando Pessoa (Bernardo Soares), Livro do desassossego Rien de ce qui mérite d’être exprimé ne demeure jamais inexprimé ; il est contre la nature des choses qu’il le demeure. Nous croyons que Coleridge avait en lui de grandes choses qu’il n’a jamais dites au monde ; pourtant, il les lui a dites, dans La Ballade du vieux marin et Kubla Khan, qui contiennent la métaphysique qui n’y est pas, les fantaisies qu’ils omettent et les spéculations qu’on ne trouvera nulle part. Coleridge n’aurait jamais pu écrire ces poèmes s’il n’avait pas eu en lui ce que les poèmes n’expriment pas par ce qu’ils disent, mais par le simple fait qu’ils existent. Fernando Pessoa, Erostratus, ca. 1930 Dire ! Savoir dire ! Savoir exister par la voix écrite et l’image mentale ! La vie ne vaut pas davantage : le reste, ce sont des hommes et des femmes, des amours supposées et des vérités factices, subterfuges de la digestion et de l’oubli, êtres s’agitant en tous sens – comme ces bestioles sous une pierre qu’on soulève – sous le vaste rocher abstrait du ciel bleu et dépourvu de sens. Fernando Pessoa (Bernardo Soares), Livro do desassossego Si je ne comprends pas si je reviens sans comprendre j'aurai su ce que c'est ne pas comprendre. Alejandra Pizarnik, En guise de trêve Ainsi Novalis ne se trompe pas en disant que nous sommes près de nous réveiller quand nous rêvons que nous rêvons. Edgar Poe Un momon est une mascarade, une espèce de danse exécutée par des masques, ensuite un défi porté par des masques. Le radical est le même que dans momerie. L'on devrait pouvoir nommer encore ainsi, par extension, toute œuvre d'art comportant sa propre caricature, ou dans laquelle l'auteur ridiculiserait son moyen d'expression. […] Ce genre est particulier aux époques où la rhétorique est perdue, se cherche. Francis Ponge, Le savon … j'ai longtemps pensé que si j'avais décidé d'écrire, c'était justement contre la parole orale […] pour parvenir à une expression plus complexe, plus ferme ou plus réservée, plus ambiguë peut-être, peut-être pour me cacher aux yeux des autres et de moi-même, pour me duper peut- être, pour parvenir à un équivalent du silence (si je parle d'expression plus ambiguë). Francis Ponge, La tentative orale 1947 Ne vouloir que ce qui se peut. Nicolas Poussin, octobre 1649 […] je composai […] pour soulager ma conscience et obéir à mon enthousiasme […] le petit morceau suivant […]. […] cette page quand j’eus fini de l’écrire […] je sentais qu’elle m’avait parfaitement débarrassé […] comme si j’étais moi-même une poule et si je venais de pondre un œuf […] Marcel Proust, Du côté de chez Swann La lecture consiste pour chacun de nous à recevoir communication d’une autre pensée, mais en restant seul, c’est-à-dire en continuant à jouir de la puissance intellectuelle qu’on a dans la solitude et que la conversation dissipe immédiatement. Marcel Proust Tout ce que nous connaissons de grand nous vient des nerveux. Marcel Proust, À la recherche du temps perdu J'habite un monde sans traces, et seule reste la mémoire du souffle. Proverbe touareg Le fragment est un hérisson. Pascal Quignard, Liré (traité XXXII) La légende de l’enfance de Cusa est célèbre. Stendhal l’a reprise au début du Rouge et le Noir. Son père, nautonier sur la Moselle, le surprend à lire, adossé au bois de la barque, le frappe d’un coup de rame, le jette à l’eau. “Chien de lisard !” Pascal Quignard, Rhétorique spéculative (Traité De deo abscondito) Lucian Freud ne venait pas aux vernissages de ses expositions. Il disait : – ce n’est pas moi qui m’expose. Je veux rester en dehors de ça. Pascal Quignard Pareil à une petite œuvre d'art, un fragment doit être détaché du monde environnant, et clos sur lui-même comme un hérisson. Friedrich Schlegel, Fragments de l'Athenaeum (1798-1800) Il y a des jours où l'on est dans une heureuse disposition et où l'on peut aisément former de nouvelles esquisses mais sans parvenir à les communiquer, et pas plus à réaliser effectivement quelque chose. Ce ne sont pas des pensées ; seulement des âmes de pensées. Friedrich Schlegel, Fragments de l'Athenaeum (Contre Jean-Paul, tome 32, page 14, et souvent : “Nous savons que la Terre apparaît sur la Lune 64 fois plus grande que nous ne voyons celle-ci ; quel ravissement que de voir se lever ce corps céleste !” Premièrement la Terre a un diamètre seulement quatre fois supérieur, et le Titan avec sa tête à l’envers s’est dit : un corps ? donc vite puissance 3 ! Et deuxièmement : qu’on imagine, pour essayer, un astre 64 fois plus grand que Madame Luna : ravissement ??!! : c’est de l’épouvante qui nous saisirait si nous voyions ce Gaurisankar menaçant rouler au-dessus de nos têtes ! Un mélange rare de superficialité et de profondeur !) Arno Schmidt Paysage lacustre avec Pocahontas, 1955 Et je fis aussitôt le vieux test : lequel de ces passages se trouve dans Kant, et qu’est-ce qui est de la foutaise : a.) “Une unité de l’Idée doit même servir en tant que motif déterminant a priori d’une loi naturelle de la causalité à une (certaine) forme de complexité” ; ou b.) “La causalité d’une (certaine) forme de la complexité doit servir à une unité de l’Idée même en tant que motif déterminant a priori d’une loi naturelle”? Elle baissa le front et ne répondit plus. Arno Schmidt Paysage lacustre avec Pocahontas, 1955 Le soir, la raison, comme l’œil, voit moins juste et moins loin que le jour, ce n’est pas le temps de la méditation. Ce temps c’est le matin. […] Le soir, au contraire, est la vieillesse du jour : le soir nous sommes mats et usés, geschwatzig und liechtsinnig. Arthur Schopenhauer, Parerga Un objet surpasse de beaucoup notre faculté de comprendre. Duns Scot Dans sa “note explicative” de la règle 46 du Wou-men kouan [Passe sans porte], Masumi Shibata mentionne les “sept allez” que prêchait Che-Chouang (807-888) à ses disciples. Le second : Allez vous arrêter (cesser les travaux de la conscience). Comment le monde empêche-t-il de voir Dieu ? Il blesse toujours l'œil car c'est un grain de sable. Angelus Silesius, Le Pélerin Chérubinique WER NICHTS IN ALLEM SICHT, MENSCH GLAUBE, DIESER SICHTS (Qui en tout ne voit rien, homme, croie-le, celui-là voit) Angelus Silesius, Le Pélerin Chérubinique Fi du pittoresque, fi : il gâte tout. Il faut s’ébrancher de tout ce qui altère le jet pur de l’arbre, il faut émonder les gourmands parasites. À force d’élaguer, rien ne demeure que la plus belle forme, la seule qui soit digne de rester. Que la vie ne peut-elle se réduire à l’infaillible fusée de lumière ? André Suares, Voyage du Condottiere Inventer une lampe qui diffuse… de la nuit. Keiichi Tahara Qui ne peut comme il veut, doit vouloir comme il peut. Térence Je suis sûr qu'il y a des esprits qui sont conscients qu'ils sont conscients … etc., des esprits qui peuvent gravir trois, quatre et même cinq barreaux de l'échelle conduisant à l'infini verbal. Stefan Themerson, Logic, labels and flesh (1974) [Tolstoï] à la fin était obligé d’avoir deux journaux, le journal intime, que sa femme recopiait sur ses notes, et le journal secret, que son fils appelle le journal des bottes, parce que Tolstoï, pour le soustraire à la comtesse, le cachait dans ses chaussures. Albert Thibaudet, Amiel ou la part du rêve, 1929 Poursuis, reste avec, encercle encore et toujours ta vie… Connais ton os personnel : ronge-le, enfouis-le, déterre-le et ronge-le encore. Henry David Thoreau Il faut des œuvres fortes, droites et à jamais incomprises. Tristan Tzara … Et on a un besoin presque hygiénique de complications. Tristan Tzara [La toile de l'araignée] représente, dans le milieu de l’araignée, la mise en œuvre de la signification “proie” […] mise en œuvre de la signification correspond[ant] avec une telle précision au porteur de signification que l’on peut dire de la toile d’araignée qu’elle est une copie fidèle de la mouche. Jakob Johann von Uexku ̈ll, Mondes animaux et monde humain Lorsque l’araignée tisse sa toile, les différentes étapes de cette opération, par exemple la construction du cadre étoilé, pourraient être considérées à la fois comme un but et comme un motif. C’est sans doute la toile, non la mouche, qui est à proprement parler le but de la toile. Mais la mouche forme alors contrepoint et motif dans la composition de la toile. J. V. Uexküll, Théorie de la signification Les formes : je pense que je pense que je pense … je rêve que je rêve, etc., sont limitées à deux étages réels. Paul Valéry, Cahiers Nuit. Une immense *chose/objet/* obscure et silencieuse. Paul Valéry, Tabulae meae Tentationum - Codex quartus 1897-1899 (/ / hésitation entre deux mots * * hésitation devant ces mots) Le 27 juin 1933, Valéry assiste à une fête de bienfaisance : Danses – danseuse russe si longue et suave de visage, les cheveux or pâle nattés et massés sur le crâne. Tout à coup envie folle de raisonner, abstraire – abolir de pensées – cet ensemble en fête.[…] Je comprends difficilement ce double penchant l’un vers tous ; l’autre vers le seul, et ce seul très absolu. Paul Valéry, Cahiers T.XVI L’usage, ou la manie, ou la méthode de bien des “jeunes” de ma génération, était de n’accepter de soi-même rien qui ne fût longuement étudié, fait, et refait un nombre infini de fois, comme dans le temps où le temps ne coûtait rien, les artistes consumaient leur durée à parfaire leurs ouvrages, qu’il s’agît d’ivoire, de marbre, ou de vélin… Pierre Louÿs, par exemple, ne pouvait souffrir de poursuivre son travail sur une page qui fût le moindrement raturée ; quand il avait corrigé son texte, il s’arrêtait, prenait un nouveau feuillet, et recopiait au net, de sa splendide écriture, le passage dûment réformé. Ces reprises étaient fréquentes, car, pour un écrivain si scrupuleux, les occasions de se sentir fautif étaient innombrables. Il y aurait une belle étude à faire sur le scrupule en littérature. Paul Valéry, Lettre à Jean-Daniel Maublanc, août 1926 Tout perfectionnement commence par un retour en arrière – une régression qui marque la période pendant laquelle on retombe d’une perfection automatique existante à une maladresse due à la réintroduction de la pensée, c’est-à-dire de l’approximation. Puis on repart. Paul Valéry La nuit “blanche, – blanche d’éclairs […] passée […] à désirer d’être foudroyé” du 4 au 5 octobre 1892 : Un de mes premiers pas dans la direction du Moi-même qui s’est formé jusqu’à sa maturité 1910 – fut la découverte 1892 de l’immense intérêt que doit exciter toute circonstance où nous ne comprenons pas – quand la question de compréhension se trouve nettement posée. Paul Valéry, Cahiers Si un fil était parfaitement homogène, quelle que fût sa minceur, quelque poids que l’on y suspende, quelque secousse qu’il vienne à subir, il ne saurait se rompre, – il ne saurait où se rompre. Paul Valéry, Analecta (CXI), 1926 Il me semble que vous avez trouvé dans mes vers un peu plus de Néant que je n’ai pensé en mettre, peut-être ai-je employé ce mot comme un peintre emploie une certaine couleur : il a besoin d’un noir, il met un noir. Paul Valéry, Lettre à Heidsieck, novembre 1943 En tant que poète, le néant est par moi employé comme une COULEUR. Paul Valéry, Cahiers, 1943 Le lendemain trouve la veille plus faible ou plus forte que soi ; et les deux sensations le blessent. Paul Valéry, Introduction à la méthode… (Note de 1930) Un homme est prisonnier dans une chambre, dont la porte n’est pourtant pas verrouillée, si celle-ci s’ouvre vers le dedans et qu’il ne lui vient pas à l’idée de tirer au lieu de pousser. Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées (Édition posthume) Les raisins secs peuvent bien être ce qu’il y a de meilleur dans un gâteau, un sac de raisins secs n’en est pas pour autant meilleur qu’un gâteau ; et qui est capable de nous offrir un plein sac de raisins secs n’est pas encore capable pour autant de cuire un gâteau, sans parler de quelque chose d’encore meilleur. Je pense à Kraus et à ses aphorismes, mais aussi à moi- même et à mes remarques philosophiques. Un gâteau, ce n’est pas la même chose que des petits morceaux de raisins secs. Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées (Édition posthume) Il y a des remarques qui sèment et d’autres qui récoltent. Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées (Édition posthume) Un écrit que l’on peut lire aisément, au fil des pages, agit sur nous tout autrement qu’un écrit que l’on est bien capable d’écrire, mais non de déchiffrer facilement. Dans celui-ci on enferme ses pensées comme dans une cassette. Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées Nous sommes tombés sur le verglas, là où le frottement fait défaut, où les conditions sont donc idéales, en un certain sens, mais où, du coup, nous ne pouvons même plus avancer. Si nous voulons avancer, il nous faut le frottement. Retournons sur la terre ferme ! Ludwig Wittgenstein, Investigations Philosophiques § 107 À maints égards le sommeil et le travail intellectuel se ressemblent. Manifestement en ce que tous deux renferment un retrait de l’attention pour certaines choses. […] Je crois que mes phrases sont pour la plupart des descriptions d’images visuelles qui me viennent à l’esprit. […] Je suis quelque peu amoureux de ma façon d’avancer dans la pensée, lorsque je philosophe. (Et peut-être devrais-je laisser tomber “quelque peu”.) […] Ce qui me dérange dans le sommeil me dérange aussi dans le travail. Entendre siffler & parler mais pas le bruit des machines ou alors beaucoup moins. […] Je me représente parfois les hommes à l’image de boules : les uns entièrement faits d’or pur, les autres avec une couche d’un matériau sans valeur inférieure à l’or ; d’autres avec une dorure apparente, mais fausse, au-dessous de l’or. D’autres encore avec, au-dessous de la dorure, une ordure & une où dans cette ordure se trouve à nouveau un petit grain d’or. Etc., etc. Ludwig Wittgenstein, Carnets de Cambridge, 1930-32 Si seulement vous n’essayez pas d’exprimer l’inexprimable, alors rien n’est perdu. Mais l’inexprimable sera – inexprimablement – contenu dans l’exprimé. Ludwig Wittgenstein, Lettre à Engelmann, 9 avril 1917 Mon livre [Tractatus] consiste en deux parties : celle ici présentée, plus ce que je n’ai pas écrit. Et c’est précisément cette seconde partie qui est la partie importante. Ludwig Wittgenstein, Lettre à Ludwig von Ficker Le blanc est aussi une sorte de noir. Ludwig Wittgenstein, Carnets de Skoljden (1936-1937) Aussi la vanité anéantit-elle la valeur du travail. C’est ainsi que le travail de Kraus s’est transformé par exemple en une sorte de “grelot tintant”. (Kraus était un architecte de phrases extrêmement doué.) Ludwig Wittgenstein, Carnets de Skoljden (1936-1937) Que je comprenne, est-ce seulement de la cécité à l’égard de mon propre manque de compréhension. C’est souvent ce qu’il me semble.  Ludwig Wittgenstein. De la certitude Le maître Pa-tsiao dit un jour aux moines : « Si vous avez une canne, je vous en donnerai une. Si vous n'en avez pas, je vous l'arracherai. » Wou-men-kouan (1229) (Règle 44) Les corrections dans la prose, parce qu’elle n’a pas de lois fixes, sont sans fin ; un poème tombe juste, avec un déclic de boîte qui se ferme. W. B. Yeats, lettre à Dorothy Wellesley (entre 1935 et 1938)
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