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Corrigé de la dissertation / Citation d'Alain Grosrichard, Guide, Projets, Recherche de Littérature

Typologie: Guide, Projets, Recherche

2018/2019

Téléchargé le 11/09/2019

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Aela_Por 🇫🇷

4.2

(44)

93 documents

Aperçu partiel du texte

Télécharge Corrigé de la dissertation / Citation d'Alain Grosrichard et plus Guide, Projets, Recherche au format PDF de Littérature sur Docsity uniquement! Corrigé de la dissertation / Citation d'Alain Grosrichard : Selon Foucault, « le pouvoir est partout », et le philosophe va jusqu'à assimiler notre société à un vaste système carcéral symbolisé par le panopticon (en grec « voir tout ») de Jérémy Bentham : une prison en forme d'anneau au centre duquel il y a une tour pour tout surveiller ; le pouvoir commencerait donc quand les détenus se croient surveillés de toute part. La maîtrise du regard et la mise en scène du pouvoir sont, il est vrai, des enjeux essentiels pour quiconque cherche à dominer son prochain, en particulier pour le despotisme, qu'il soit domestique ou politique ; le despote (de despotes : le maître en grec) est par définition celui qui traite les autres comme des esclaves, leur retirant le droit d'exister par eux-mêmes comme le confirme Alain Grosrichard : « Etre le maître donc, c'est voir. Le despote peut être stupide, fou, ignorant, ivre, malade, qu'importe : il voit. Ne pas voir, c'est être condamné à obéir. Dans le régime despotique, où l'on obéit toujours « aveuglément », l'aveugle est la figure emblématique du sujet ». En effet, outre la violence physique, l'emprise du regard est un élément déterminant pour asseoir son pouvoir sur autrui ; le regard agit comme un prolongement de la domination corporelle, en imposant à l'autre un certain jugement et en le contraignant à ne pas agir ou bien à agir tel que le despote désire. Son pouvoir est donc double : il aliène en donnant un sentiment de quasi-possession au despote, mais aussi en donnant l'illusion d'une réalité autre à ses sujets. L'obéissance dont parle l'auteur (« être condamné à obéir », « obéit toujours aveuglément ») est déjà une forme de servitude, c’est-à-dire de contrainte imposée du dehors à la liberté d'autrui, car elle instaure une relation d'inégalité entre le despote et ses sujets ; l'auteur souligne ici une opposition frontale entre le maître qui verrait tout, l'omnipotence étant conditionnée par un regard totalisant (« être le maître, c'est voir ») quelles que soient les circonstances (« qu'importe »), et des sujets qui seraient totalement manipulés et aveuglés (« ne pas voir », « aveuglément », « l'aveugle »). Faut-il dès lors tout voir et tout contrôler pour devenir ou rester le maître ? Il semble en effet que le despote doive sans cesse vérifier les effets de son pouvoir sur autrui en gardant toujours un oeil sur lui, pour que rien ne lui échappe, et en appliquant des techniques de domination qui l'illusionnent sur sa propre condition. Pour autant, il y a un paradoxe à affirmer que le despote peut « tout » voir, tout en étant « stupide, fou, ignorant, ivre, malade », car dans ce cas, privé de raison, il n'est pas maître de son propre discernement et ne saurait comprendre ce qu'il voit ; par ailleurs, la servitude ne s'accompagne pas toujours d'un aveuglement complet. Le Discours de la servitude volontaire de La Boétie, les Lettres persanes de Montesquieu et Une maison de poupée d'Ibsen nous permettront donc de montrer qu'un regard oppressant, provoquant l'aveuglement des sujets, est la condition de tout régime despotique. Néanmoins, il apparaîtra que le despote peut à son tour se laisser abuser par des apparences trompeuses et que le sujet peut conserver, au sein même de sa soumission, toute sa lucidité. Enfin, il faudra se demander, dans la mesure où voir n'implique pas forcément d'obéir, en quoi une révolte lucide est possible ou souhaitable. I) Le regard du despote est un regard omniprésent et aveuglant L'exercice d'un pouvoir despotique repose toujours sur un regard aliénant car totalisant, ne laissant aucune liberté aux sujets. C'est le cas dans les régimes totalitaires qui font disparaître toute frontière entre vie publique et vie privée, sous prétexte d'une transparence totale : « Big Brother is watching you » lisait-on dans « 1984 » d'Orwell. Nos trois œuvres nous permettent quant à elles d'observer différentes formes de pouvoirs despotiques, qu'il s'agisse du despotisme politique oriental que Montesquieu a contribué à définir tout en le comparant aux dérives despotiques de la monarchie absolue, celui du microcosme domestique avec sa description du sérail ou celle, plus récente, d'un foyer bourgeois du XIXème par Ibsen. Pour sa part, La Boétie n'emploie pas le terme de « despote » mais celui du « tyran », lequel centralise lui aussi tous les pouvoirs. Dans tous les cas, la maîtrise du regard apparaît comme un enjeu majeur, qu'il s'agisse de surveiller ou de conditionner les sujets. a) Le regard omniprésent de celui qui voit tout Le despote fait d'abord en sorte d'enfermer ses sujets dans un espace restreint afin de pouvoir contrôler ce qu'ils font mais aussi de limiter la portée de leur regard sur le monde extérieur. Usbek compte sur la surveillance et les compte- rendus épistolaires réguliers de ses eunuques pour faire régner l'ordre dans le sérail. Le visage enfermé sur lui-même par le voile, le corps enfermé entre les murs de leur palais ou dans des boîtes lorsqu'on les fait voyager, les épouses d'Usbek ne peuvent littéralement pas voir ce qui se passe à l'extérieur ni être vus d'un autre que lui : « Chacune de nous se mit selon la coutume dans une boîte et se fit porter dans le bateau : car on nous dit que la rivière était pleine de monde … Que les voyages sont embarrassants pour les femme ! » témoigne Zachi. Tout en cachant ses femmes au regard des autres, Usbek s'octroie le droit au voyeurisme, comme le prouvent les séances de déshabillage en sa présence : « il fallut paraître à ta vue dans la simplicité de la nature … que de charmes furent étalés à tes yeux ! ». C'est à croire qu'à force de posséder le corps des autres, le tyran finit par se confondre avec eux : telle est la métaphore organique régulièrement utilisée par La Boétie ; bien qu'il n'ait que « deux yeux » en sa possession, le tyran s'approprie ceux des autres : « D'où a-t-il pris tant d'yeux dont il vous épie, si vous ne les lui donnez ? ». Si jamais certains tentent de résister ou de penser par eux- mêmes, le tyran les isole afin qu'ils ne puissent se rencontrer et reconnaître en l'autre un modèle de liberté : « ils se retrouvent tous isolés en leurs rêveries ». De même, la pièce d'Ibsen présente la cellule domestique comme une maison de poupée, c’est-à-dire comme un modèle réduit de liberté, d'où Nora ne sort que rarement puisque c'est son mari qui en possède les clefs ; même quand il vante les qualité de Nora quand elle danse, Helmer le fait comme pour un objet : « je crois qu'elle vaut la peine d'être regardée ». La représentation du masculin et du féminin (dominants et dominés) se construit dans le regard des autres et détermine notre identité : nous sommes assignés à être ce que la multitude nous ordonne d'être ; dès lors c'est la dictature de l'opinion, plus diffuse et plus invisible, qui nous aliène et le regard de la société qui empêche de voir la vérité. A force d'être intériorisée, la censure morale du regard d'autrui finit alors par se loger au coeur même de l'individu ; le « qu'en dira-t-on » de ceux qui nous jugent devient la loi suprême qui nous empêche d'exister par nous-même : « je me rendrais ridicule aux yeux de tout le personnel » se dit Helmer s'il ne renvoyait pas Krogstad ; même une fois le scandale dévoilé, il faudra continuer à « donner le change … aux yeux du monde ». Le regard oppressant et moralisateur qu'Helmer cherche à imposer à son épouse n'est donc rien d'autre que le regard misogyne et puritain que lui impose à son tour la société bourgeoise norvégienne du XIXème ; toute action ne trouve sa valeur qu'à l'aulne de cette maxime : songer « à ce que les gens vont dire » … Ainsi, le regard du despote comme celui de la société peuvent aliéner la liberté des individus en les empêchant de penser, de vivre par eux-mêmes. b) Le regard aveuglé de ceux qui ne voient rien Si le sujet est aveugle c'est parce que le despote met en œuvre des techniques pour l'aveugler. La Boétie analyse ainsi les mécanismes par lesquels le tyran contrôle le regard du peuple, qu'il nomme « les appâts de la servitude, le prix de leur liberté, les outils de la tyrannie ». Il s'agit pour le tyran de les accoutumer à la servitude en orientant leur regard vers des plaisirs immédiats ou futiles, par le 1 divertissement (jeux, festins et spectacles), contribuant ainsi à leur faire oublier leur nature première et leur désir de liberté : « c'est une chose merveilleuse que de les voir se laisser aller si soudainement aussitôt qu'on les chatouille ». Usbek tentera de divertir ses femmes de la même manière : « Trompe leurs inquiétudes ; amuse-les par la musique, les danses, les boissons délicieuses » commande-t-il à son eunuque. De plus, le tyran s'auréole de capacités extraordinaires et cherche à mystifier l'origine de son pouvoir pour effacer son caractère arbitraire ; à propos de Vespasien, dont on aimait à croire qu'il rendait la vue aux aveugles, La Boétie ironise en comparant l'aveuglement physique et psychologique : « ceux qui n'en voyaient pas l'invraisemblance étaient bien plus aveugles, à mon avis, que ceux qu'ils guérissaient ». Distrait ou ébloui, le peuple finit par ne plus voir la servitude qui lui est imposée. De même, ceux qui ont toujours vécu dans la nuit de la servitude ne sauraient désirer la lumière de la liberté, comme le suggère la métaphore des Cimmériens d'Homère « sommeillant dans l'obscurité » la moitié de l'année. C'est également l'illusion d'être heureuse et de vivre dans un foyer chaleureux et confortable qui conduit aussi Nora à s'aveugler sur son propre sort : ce qu'elle veut laisser voir d'elle n'est qu'une image faussée d'épouse comblée ; au lieu d'écouter l'histoire de son amie veuve, elle tente de la persuader que « ces huit dernières années ont été une période heureuse », se racontant à elle-même des mensonges. Ignorant tout ce qui se passe ailleurs ou chez eux, les individus soumis sont ainsi « condamnés à obéir » comme le stipule l'auteur, au point de renverser l'échelle des valeurs, chacun devenant « soupçonneux à l’égard de celui qui l’aime, et naïf envers celui qui le trompe » dira La Boétie. c) La surveillance mutuelle des sujets entre eux Ainsi, le peuple peut lui-même participer à l'illusion du pouvoir tyrannique qu'il contribue à fabriquer par sa crédulité comme aime à le souligner La Boétie. Dès lors, le tyran n'a plus à surveiller lui-même en permanence ses propres sujets car ils se surveillent mutuellement, chacun devenant le rouage d'un système qui le broie, comme dans la pyramide des tyranneaux : l'autosurveillance engendre une suspicion permanente et « le tyran asservit ses sujets les uns par les moyens des autres ». Les tyranneaux croient s'approprier par là une parcelle de pouvoir et éprouvent l'illusion du pouvoir sur autrui, « contents d'endurer du mal pour pouvoir en faire », alors qu'en réalité il se contraignent à plaire au tyran, à être « attentifs à ses paroles, à sa voix, à ses signes et à ses yeux », car il faut qu'ils « n'aient ni œil ni pied ni main qui ne soit aux aguets pour épier ses volontés ». La métaphore du papillon illustre parfaitement leur aveuglement mutuel : « attirés par cette clarté, ils s'approchent et ne voient pas qu'ils se jettent dans la flamme qui ne peut manquer de les consumer ». Les eunuques du sérail ont également pour fonction de surveiller et de garder les femmes, qui à leur tour peuvent les traiter comme esclaves et les dénoncer : Usbek n'a alors plus à intervenir directement puisque ce « retour d'empire» permet comme une auto-regulation du sérail, qui s'entretient de lui-même ; les eunuques apprécient « l'art difficile de commander » puisqu'ils ont la charge de « faire la garde dans le silence de la nuit comme dans le tumulte du jour », et les femmes elles-mêmes se font concurrence entre elles (« la guerre règne entre les femmes »). Si Solim prend tant de plaisir à punir le sérail, c'est pour voir dans les yeux d'Usbek la satisfaction et la reconnaissance qu'il en attend : « pour vous voir étonnés de tout le sang que j'y vais répandre ! ». De même, dans une société où les valeurs morales et religieuses ont été intériorisée par chacun, chacun peut en devenir le porte-parole malgré lui : Kristine ne manque pas de faire remarquer à son amie Nora qu' « une épouse ne peut contracter un emprunt sans l'accord de son mari », se faisant l'écho d'une oppression sociale dont elle est elle-même victime. Ainsi, l'omniprésence du tyran se double d'une autocensure et d'un contrôle social qui prolongent le pouvoir despotique par d'autres moyens. TR : Ce qui vaut pour les tyranneaux ou les sujets entre eux vaut a fortiori pour le tyran qui se méfie de tous et n'est l'ami de personne : en contraignant l'autre en permanence, il s'auto-contraint à le contraindre, ce qui démontre sa propre aliénation. Aussi le despote n'est-il pas aussi clairvoyant que semble le présupposer l'auteur : comme le soulignera Deleuze, « le tyran institutionnalise la bêtise, mais il est le premier servant de son système et le premier institué, c'est toujours un esclave qui commande aux esclaves ». II) Le regard du despote n'est pas toujours aussi clairvoyant que celui de ses sujets a) Le despote ne voit pas tout du monde ou des autres Montesquieu souligne avec ironie que Usbek, bien que lucide sur les dérives despotiques de la monarchie absolue sous Louis XIV, reste aveugle sur la révolte qui gronde dans son propre sérail en son absence et ne remet en cause à aucun moment son propre pouvoir despotique sur ses femmes : il doit attendre parfois « quelques six mois entiers » pour recevoir des nouvelles du sérail et sa main « tremble d'ouvrir une lettre fatale » ; Narsit parviendra même à lui dissimuler pendant quelques temps la présence d'hommes dans le harem ; c'est donc qu'il ne contrôle pas tout et sa crainte de « perdre la Perse de vue » lors de son départ en témoignait déjà. Nostalgique de son pays, il souhaite apparemment y retourner en promettant d'y faire régner la terreur (« j'y porterai tous mes soupçons »). Mais cela ne fera que nourrir encore son sentiment de jalousie au lieu de l'apaiser : « dans mon lit, dans leurs bras, je ne jouirai que de mes inquiétudes ; dans un temps si peu propre aux réflexions, ma jalousie trouvera à en faire » ; ainsi le maître du sérail se plaint-il du malheur de sa condition car il souffre de ne pouvoir tout contrôler. Même si elles sont physiquement présentes, ses femmes continueront toujours de lui échapper par leur indépendance d'esprit, telle Roxane qui lui avoue avant de mourir que sa prétendue vertu n'était que feinte et hypocrisie : « Nous étions tous deux heureux : tu me croyais trompée, et je te trompais ». La dissimulation féminine n'est que le revers de l'aveuglement masculin. De manière assez identique, Helmer ne s'est pas aperçu que Nora avait emprunté de l'argent au lieu d'en hériter et travaillé en cachette pour le rembourser : « le réveil est brutal » pour celui qui se croyait doté d'un pouvoir patriarcal absolu ; il n'a pas su voir la continuité héréditaire entre Nora et son père : « je suis bien puni d'avoir fermé les yeux sur sa conduite ». C'est pourquoi tant de tyrannicides ont lieu selon La Boétie ; un tyran ne saurait être sur ses gardes en permanence ; nombreux sont ceux « qui ont été tués par leurs archers mêmes » ou par des proches, tel Commode, assassiné par l'une de ses meilleures amies, après qu'elle ait découvert son propre nom sur une liste de condamnés à mort. La Boétie renvoie donc dans un commun aveuglement les suppôts de la tyrannie, le tyran et le peuple. Ainsi, s'illusionnant sur le monde qui l'entoure et ne disposant pas toujours d'une clairvoyance supérieure, voulant croire à l'aveuglement de ses propres sujets, le despote s'illusionne aussi sur lui-même. b) Le despote peut être aveugle sur lui-même La servitude volontaire devient le lot du tyran lui-même à partir du moment où il doit se méfier de tous et ne peut tisser aucun lien fraternel avec quiconque, « étant au-dessus de tous » ; entre lui et les tyranneaux, il y a comme entre des voleurs, non pas une compagnie, mais un complot : « ils ne sont pas amis, mais ils sont complices ». De plus il est esclave de ses désirs compulsifs, ce dont témoignent l'instabilité et l'incertitude qu'il fait régner autour de lui, ne sachant pas lui-même de quoi il est capable ; il en est ainsi de Caligula, menaçant à tout moment de trancher le cou de la femme qu'il aime (« ce beau cou sera aussitôt coupé si j'en donne 2
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