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Corrigé du manuel histoire 2nd, maturité tests effectués de Histoire

Voici le livre du professeur 2nd 2019 d’histoire

Typologie: maturité tests effectués

2022/2023
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Téléchargé le 29/01/2023

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Télécharge Corrigé du manuel histoire 2nd et plus maturité tests effectués au format PDF de Histoire sur Docsity uniquement! Livre du professeur COLLECTION SÉBASTIEN COTE HISTOIRE 2de Nouveau programme 2019 Sous la direction de : Sébastien Cote Professeur en classes préparatoires au lycée Joffre à Montpellier (34) Joëlle Alazard Professeure en classes préparatoires au Lycée Faidherbe, Lille (59) Stéphane Coviaux Professeur en classes préparatoires au lycée Joliot-Curie, Nanterre (92) Laurence De Cock Professeure au lycée Guillaume-Tirel, Paris (75) Hayat El Kaaouachi Professeure au collège-lycée Henri-Wallon, Aubervilliers (93) Éric Godeau Professeur en classes préparatoires au lycée Hélène-Boucher, Paris (75) Jean-Marcel Guigou Professeur au lycée Germaine-Tillion, Le Bourget (93) Delphine Lécureuil Professeure au lycée Jules-Guesde, Montpellier (34) André Loez Professeur en classes préparatoires aux lycées Molière et Victor Hugo, Paris (75) Caroline Normand Professeure au collège Louis-Issaurat, Créteil (94) Colin Revol Professeur au lycée Saint-Exupéry, Lyon (69) Introduction – La périodisation en histoire Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 3 Le poids des traditions historiographiques natio- nales reste prégnant dans la définition des pé- riodes. La périodisation en quatre temps se heurte égale- ment à la diversité des phénomènes qu’elle pré- tend englober. Antoine Prost dans ses Douze le- çons sur l’histoire (doc. 2) entend montrer que chaque objet historique, selon qu’il est du ressort du politique, du religieux, de l’économique ou du social, a sa périodisation propre. 2. La périodisation se limite-t-elle au découpage du temps en quatre grandes périodes ? Justifiez votre réponse. La page 25 montre que les historiens utilisent aussi d’autres formes de découpage du temps, corres- pondant à la délimitation de périodes plus brèves : les siècles, les règnes et les dynasties, des chrono- nymes comme la Belle Époque, autant de décou- pages qui peuvent aussi être questionnés. 3. Faites une recherche sur la Belle Époque en définissant les caractéristiques qui peuvent en faire une période spécifique. « La Belle Époque » est un chrononyme utilisé par les historiens pour désigner la vingtaine d’années précédant la Première Guerre mondiale. Cette question est l’occasion de proposer une recherche personnelle aux élèves, qui devront déterminer les caractéristiques économiques, sociales, technolo- giques, politiques et culturelles qui donnent à cette période une unité, d’en définir le cadre géogra- phique et de s’interroger sur le choix de l’expression et sa validité. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 1 CHAPITRE 1 La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines › MANUEL PAGES 28 À 59 OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Ce premier chapitre du programme de 2de est diffi- cile à mettre en œuvre en raison des trois périodes qu’il associe et qu’il faut traiter dans un temps d’enseignement limité. Cela complique l’effort de contextualisation nécessaire pour bien comprendre chacune d’entre elles : le Ve siècle grec, la fin des guerres civiles romaines et l’avènement d’Auguste, la christianisation de l’empire dans l’antiquité tardive. L’association de ces trois moments est conçue, dans le programme, à travers les termes de « creu- set » et d’« empreintes » qui suggèrent que, malgré leurs différences, ils auraient contribué à façonner le monde contemporain. Plusieurs passages du manuel permettent de travailler cette idée, et de la questionner, en soulignant continuités et décalages entre la démocratie athénienne et le fonctionne- ment contemporain de la Ve République, par exemple (pages « Passé-présent »). Plus largement, on peut chercher à faire ressortir les éléments communs aux civilisations de l’antiquité méditerranéenne, et les évolutions qu’elles connaissent, qui les différencient. On peut dès lors combiner une approche thématique (les figures du pouvoir, de Périclès à Constantin ; le contrôle des espaces, de la Ligue de Délos aux voies romaines ; le rapport aux dieux, de la cons- truction du Parthénon à l’interdiction des sacri- fices) avec une approche chronologique : domina- tion du monde grec par Rome, conquête romaine de la Méditerranée et donc du monde grec, guerres civiles romaines et fin de la République, transfor- mations et christianisation de l’empire. Ce chapitre est enfin l’occasion de réfléchir histo- riquement à des termes majeurs du vocabulaire politique : empire, démocratie, République, et aux sens différents qu’ils prennent suivant les pé- riodes, nos usages contemporains étant à la fois inspirés de modèles antiques, et profondément différents dans leurs attendus et leurs implications. OUVERTURE › MANUEL PAGES 28-29 La confrontation des deux documents, de même nature (sculpture dotée d’une signification poli- tique) permet d’introduire la dynamique centrale du chapitre, qui montre une évolution depuis le modèle de la cité (entendue comme collectivité de citoyens, et, dans le cadre de la démocratie athé- nienne, pouvant délibérer collectivement, ce qui est concrétisé par le texte figurant sous le bas- relief) vers celui de l’empire, doté d’un unique souverain. Le caractère gigantesque de la statue de Constantin permet d’insister sur la consolidation du pouvoir impérial à cette période, encore accru par rapport à celle de la fondation du principat par Auguste. Sur le plan des représentations, on peut également souligner le contraste entre l’allégorie de la démocratie, laquelle fait l’objet d’un culte, parmi d’autres divinités, dans la cité athénienne, et la figure du premier empereur chrétien qui par son autorité initie le basculement de l’empire vers le christianisme comme religion unique et officielle. REPÈRES › MANUEL PAGES 30-31 Réponses aux questions 1. Quels sont les lieux de culte et les lieux de la vie politique dans l’espace urbain d’Athènes ? Athènes comprend deux espaces politiques princi- paux : la colline de la Pnyx, où se réunit l’Ecclésia (assemblée du peuple), qui vote les lois et les grandes décisions concernant la cité, à travers environ quarante réunions par an. L’Agora, au cœur de la cité, est également un lieu de débats, de discussions, en particulier avec les bâtiments de l’Héliée (tribunal populaire) et le Bouleutérion où se réunit le conseil (Boulè) de cinq cents citoyens tirés au sort et chargés de préparer les réunions et les votes de l’assemblée. Les lieux de culte sont multiples mais le plus im- portant est la colline sacrée de l’Acropole où se Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 2 trouvent les principaux temples et sanctuaires athéniens, de la déesse protectrice de la cité, Athé- na (le Parthénon) et d’un de ses héros tutélaires, Érechthée (Érechthéion). C’est vers l’Acropole que convergent, chaque été, les processions des Panathénées. 2. Contre quel adversaire s’est construite la puissance athénienne au Ve siècle av. J.-C. ? La puissance athénienne s’est construite contre l’empire perse, qui a tenté deux invasions du monde grec au cours des guerres médiques, en 490 av. J.-C. puis en 480-479 av. J.-C. Cette deuxième guerre médique a été remportée par les Grecs coa- lisés, grâce notamment à la flotte athénienne qui s’est illustrée lors des batailles de Salamine (près d’Athènes) et du cap Mycale (près de Milet, en Asie mineure). L’un des enjeux de ce conflit est en effet le contrôle des riches cités grecques d’Asie mineure comme Milet ou Éphèse : longtemps do- minées par l’empire perse à qui elles versent un tribut, elles passent sous protection puis sous tu- telle athénienne à l’issue des guerres médiques. Il importe de noter que la carte ne représente qu’une minime partie de l’immense empire perse qui s’étend, à l’est, jusqu’à l’Indus ; on ne voit donc pas ici ses capitales (Suse, Ecbatane, Persépolis) ni son ampleur géographique. 3. Quelle est l’étendue de l’empire romain à la mort d’Auguste, puis sous le règne de Constan- tin ? L’empire romain recouvre presque toute la Médi- terranée à la mort d’Auguste, et il s’accroît, après son règne, de la Maurétanie (royaume vassal de Rome, annexé en 44 de notre ère, sous l’empereur Claude), de la Bretagne (nom antique de l’actuelle Angleterre, également conquise sous l’empereur Claude au premier siècle de notre ère), de la Thrace et d’une partie de l’Orient (Pont, Arménie, actuelle Jordanie sous le nom d’Arabie). Il est à noter que la carte ne fait pas figurer des noms et délimitations de provinces (leur nombre et leurs limites ont varié entre l’époque d’Auguste et celle de Constantin) mais les principales régions et loca- lités de l’empire. COURS 1 La démocratie athénienne dans le monde grec › MANUEL PAGES 32-33 Réponses au Testez-vous ! Quelles sont les différences entre Athènes et les autres cités grecques de son époque ? Athènes est plus prospère et plus peuplée que les autres cités grecques, et elle crée surtout un nou- veau type de régime politique, la démocratie, à la fin du Ve siècle avant notre ère. Comment les citoyens peuvent-ils participer aux affaires de la cité ? Les citoyens peuvent prendre la parole pour dé- battre et voter, élire leurs dirigeants, combattre pour défendre la cité, et participer à ses rituels religieux. La domination maritime d’Athènes est-elle bien acceptée par les autres Grecs ? Cette domination est rejetée tant par les cités qui sont sous l’emprise d’Athènes, au sein de son empire, comme Naxos ou Samos (qui se révoltent au cours du Ve siècle avant J.-C.), que par ses rivales, comme Sparte qui entre en guerre avec elle en 431 av. J.-C. COURS 2 La naissance de l’empire romain et le principat d’Auguste › MANUEL PAGES 34-35 Réponses au Testez-vous ! Pourquoi la République romaine entre-t-elle en crise au Ier siècle avant notre ère ? Les conquêtes entreprises par Rome en Italie puis en Méditerranée la déstabilisent, car elles suscitent les ambitions des chefs de guerre avides de ri- chesses et de prestige, qui entrent en compétition et finissent par s’affronter afin de diriger les ar- mées et de contrôler les territoires conquis. Cela provoque des guerres civiles. Quels éléments expliquent la victoire d’Octave, futur Auguste, sur ses rivaux politiques ? Auguste dispose d’atout familiaux (la richesse et le nom prestigieux de son grand-oncle et père adoptif, Jules César) et fait preuve d’habileté en ralliant d’anciens soldats de César et en rempor- tant des succès politiques et militaires sur ses ri- vaux, dont Marc Antoine. Quelles sont les particularités du nouveau sys- tème politique fondé par Auguste ? Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 5 Périclès est un acteur de nombreux conflits poli- tiques, autour de plusieurs enjeux reliés entre eux : partisan de la démocratie, il s’oppose aux oli- garques ; personnalité brillante et issue d’une fa- mille aisée, il est soupçonné par certains d’aspirer à la tyrannie ; stratège souvent réélu et favorable à la politique impérialiste comme au développement de la flotte, il irrite ceux qui prônent le repli sur le territoire athénien et sa défense ; enfin, sa poli- tique de grands travaux est jugée inutilement coû- teuse par ses adversaires politiques. Toutes ces tensions, auxquelles s’ajoutent des éléments plus personnels ne figurant pas dans les documents (comme les critiques envers sa compagne, Aspa- sie, étrangère à Athènes) font du personnage de Périclès un homme politique controversé, qui fut menacé d’ostracisme, illustrant le caractère con- flictuel de la démocratie athénienne au Ve siècle avant J.-C. PASSÉ / PRÉSENT Notre démocratie trouve-t-elle ses origines au Ve siècle av. J. C. ? > MANUEL PAGES 40-41 Réponses aux questions 1. Où, pour quels motifs et avec quels partici- pants se réunit l’assemblée (Ecclésia) d’Athènes ? L’assemblée athénienne se réunit sur la colline de la Pnyx, espace extérieur suffisamment vaste pour accueillir plusieurs milliers de citoyens et per- mettre la discussion publique des affaires. Cette discussion est organisée par les prytanes, 50 ci- toyens siégeant à la Boulè (ayant donc été tirés au sort), assumant, un dixième de l’année durant, la direction de la cité. Parmi les quarante réunions annuelles, un quart concernent les questions vi- tales pour la cité de son approvisionnement en grain (l’ampleur de la population athénienne con- duit la cité à importer du grain de mer noire) et de sa défense. L’ordre du jour des autres séances n’est pas déterminé et les citoyens peuvent y por- ter les affaires publiques ou privées de leur sou- hait, suivant le principe fondamental de la démo- cratie athénienne, la liberté de parole ou iségoria. 2. Comment une loi athénienne est-elle enregis- trée et affichée ? Les décisions de l’ecclésia, lois, décrets, traités d’alliance, sont enregistrés par les dirigeants poli- tiques du moment (le document énumère leurs noms, depuis le secrétaire jusqu’au citoyen athé- nien, ici Aristotélès, qui a proposé le texte) qui prévoient ensuite une somme d’argent prise sur le trésor de la cité afin que le texte soit gravé sur une stèle. L’emplacement de cette stèle vise à la fois à rendre visible et lisible le texte par tout citoyen, et à rendre solennelle la décisions prise, puisqu’elle est ici placée à proximité d’une statue de Zeus. 3. Comment la Ve République organise-t-elle, en plusieurs temps, la discussion des lois ? Il faut plusieurs étapes pour qu’une loi soit votée et discutée en France sous la Ve République. Pro- posés par un parlementaire ou, le plus souvent, par le gouvernement, les propositions ou les projets de loi sont discutés publiquement par l’Assemblée nationale puis par le sénat. Se succèdent à la tri- bune des parlementaires qui s’opposent au texte ou le défendent, et peuvent également proposer des amendements (modifications). Après le vote, la loi devient effective avec sa promulgation par le président de la République et sa publication au Journal officiel et sur le site Legifrance. 4. En vous appuyant sur les documents, vous montrerez qu’il existe des héritages mais aussi des différences dans le fonctionnement démo- cratique dans l’antiquité grecque et de nos jours. Dans les deux cas, le processus de discussion de la loi est réglé et encadré par des institutions qui veillent à la distribution de la parole, puis, une fois la loi votée, à son inscription dans l’espace public, pour qu’elle puisse être connue de tous. La diffé- rence fondamentale réside dans le caractère direct de la démocratie athénienne : chaque citoyen peut, individuellement, proposer, discuter et voter la loi, sans intermédiaire. La Ve République est, elle, une démocratie représentative dans lequel le pouvoir de faire la loi est délégué, par les élections législa- tives, à des représentants. DOCUMENTS La puissance maritime d’Athènes > MANUEL PAGES 42-43  Doc 1. L’essor de la puissance navale athé- nienne Diodore de Sicile est un historien grec du Ier siècle avant J.-C. (90-30 av. J.-C. env.), qui est surtout un compilateur d’autres auteurs antérieurs ; sa Bibliothèque historique complète et compense, sur plusieurs points importants, les lacunes des au- Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 6 teurs majeurs que sont Hérodote, Thucydide ou Xénophon. Le texte ici présenté évoque les lende- mains des guerres médiques et les débuts de ce qui sera nommé la « Ligue de Délos ».  Doc 3. La flotte, instrument et manifestation de la puissance navale Ce bas-relief, appelé « relief Lenormant », décou- vert en 1852 sur l’acropole d’Athènes, représente une trière athénienne vue de profil. C’est l’une des rares représentations antiques de ce type de navire. Une trière comportait environ 170 rameurs répartis en trois rangées : les thranites, zygites et thala- mites. Ici, on distingue nettement les trois rangées de rames : dans la partie supérieure, les thranites tenant leurs rames et s’apprêtant à tirer ; en- dessous, sortant de la coque, les rames des zygites, et encore en-dessous, la troisième rangée, celle des thalamites. Une telle disposition demande une maîtrise du rythme et de la coordination, en parti- culier pour faire manœuvrer le navire ou pour rentrer précipitamment les rames en cas d’abordage ou de choc latéral. C’est pourquoi la puissance navale ne s’improvise pas dans l’antiquité, mais doit s’appuyer sur un entraîne- ment régulier des rameurs afin d’utiliser au mieux les navires de guerre. Le document ne permet pas de distinguer l’arme offensive principale de ces trières : un rostre ou éperon de bronze placé à la proue, qui permet de briser les navires adverses en les percutant.  Doc. 4. La révolte de Naxos (475-469 av. J. C.) Voir la. présentation de Thucydide plus haut. Ce passage figure dans le premier livre de La Guerre du Péloponnèse, dans lequel Thucydide expose les causes et les antécédents du conflit entre Athé- niens et Spartiates. Il insiste notamment sur la crainte qu’éprouvent les autres Grecs face à la puissance accrue d’Athènes, et au caractère déme- suré de son empire, attesté par la multiplication des révoltes. Celle des habitants de Naxos, dans les années 470 av. J.-C., est la première, indiquant que l’emprise athénienne sur le monde grec est rapidement contestée, notamment du fait des exi- gences importantes des Athéniens au nom de la défense commune (« soit en argent soit en na- vires ») et de la violence utilisée pour réprimer les résistances (« contraints de faire leur soumission à la suite d’un siège »).  Doc. 5. La chute de la puissance athénienne Xénophon (427-355 av. J.-C.) est un philosophe, historien et chef militaire athénien, disciple de Platon et plutôt favorable à Sparte. Son ouvrage Les Helléniques constitue une continuation de l’œuvre de Thucydide, racontant de façon fiable les événements allant de 410 av. J.-C. à 362 av. J.- C. Réponses aux questions 1. Quels sont les objectifs de Thémistocle ? Thémistocle, après avoir convaincu les Athéniens de construire une flotte de guerre et permis donc de remporter sur l’empire perse la victoire de Sa- lamine en 480 av. J.-C., souhaite faire durer cette suprématie navale et doter pour cela Athènes d’infrastructures efficaces, en faisant construire un port de guerre au Pirée. Disposer de ce port et de cette flotte a également pour objectif de pour- suivre la lutte contre les Perses sur le littoral d’Asie mineure, où se trouvent des cités ioniennes, proches d’Athènes par le dialecte et par la culture, ainsi que d’autres cités grecques soumises à l’empire perse avant les guerres médiques (« libé- rer les autres Grecs de l’Asie »). Il compte enfin assurer l’hégémonie athénienne en mer Égée, puisque la puissance acquise par Athènes serait à la fois admirée et redoutée par « tous les habitants des îles ». Ces différents éléments sont aux ori- gines de la ligue de Délos. 2. Relevez ce qui fait la force du port du Pirée dans sa relation à la ville d’Athènes. Le Pirée comporte trois ports de guerre qui per- mettent d’accueillir la vaste flotte athénienne. Il est relié à la ville d’Athènes par des fortifications continues, les Longs-Murs, qui permettent donc à la cité athénienne d’avoir un accès constant à la mer, pour mener des expéditions ou se ravitailler, même en cas d’invasion du territoire ou de siège. 3. Quels sont les outils de la puissance maritime athénienne ? La puissance maritime athénienne a pour outils ses ports et ses fortifications, sa flotte nombreuse (grâce à une population importante) et bien entraî- née, capable de mener des expéditions lointaines et des sièges, ainsi que l’alliance contractée avec les autres cités de mer Égée qui font partie de son empire. 4. Pour quelles raisons les cités de la Ligue de Délos rejettent-elles la tutelle d’Athènes ? Les cités de la ligue de Délos rejettent à la fois la position de subordination envers Athènes qu’elles subissent, alors qu’elles sont censées être indé- pendantes et avoir rejoint l’alliance athénienne de leur plein gré, et les obligations concrètes qu’elles doivent remplir : fournir chaque année aux Athé- Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 7 niens soit des vaisseaux, soit une somme d’argent, le tribut (phoros) en compensation. Dans certains cas, ces cités déplorent aussi l’installation de co- lons athéniens sur leur territoire, sur des lots de terre nommés clérouquies (mais cela ne figure pas dans cet extrait). 5. Montrez comment les Spartiates cherchent à mettre un terme à la puissance navale athé- nienne. Les Spartiates cherchent à mettre fin à la puissance navale athénienne en supprimant ses outils fonda- mentaux : les fortifications reliant la ville au port du Pirée, qui sont détruites, et la flotte, qui est limitée au strict minimum (douze navires, au lieu de deux cents environ). Imposer le retour des exi- lés hostiles à la démocratie, partisans de l’oligarchie, contribue également à affaiblir la cité athénienne en altérant son identité politique. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Auguste et la fondation du principat / L’image d’Auguste > MANUEL PAGES 44-45 Auguste et la fondation du principat  Doc 1. Pièce en or d’Octave Cette pièce en or représentant Auguste a récem- ment rejoint les collections du British Museum (1995). D’un diamètre de 18 mm, pesant 8 grammes, il s’agit d’un aureus, soit l’unité mo- nétaire la plus élevée sous la République romaine, valant 25 deniers ou 100 sesterces. Au droit de la monnaie (côté « face ») figure un portrait d’Octave de profil, couronné de lauriers, accompagné de la légende « Imperator, fils du divin César, consul pour la 6e fois ». La figure représentée au revers de la monnaie est celle d’Octave en toge, assis sur un siège curule, attribué sous la République romaine aux magis- trats dotés de l’imperium (pouvoir de commande- ment) : dictateurs, consuls et prêteurs. Il tient un rouleau dans sa main droite et un coffret figure à ses pieds. La légende indique : « il a restauré les lois et les droits du peuple romain ». On remarque ici qu’en dehors de la mention du « divin César » Auguste n’est associé à aucune divinité. Il apparaît bien avec les attributs tradi- tionnels d’un magistrat romain, et son geste, rou- leau en main, illustre la légende : il restitue les lois et droits au peuple romain (à travers le Sénat), renonçant aux pouvoirs exceptionnels qu’il avait obtenus durant les guerres civiles. La monnaie ici représentée honore à la fois Octave pour sa victoire, et pour son respect des institu- tions républicaines une fois celle-ci obtenue. Ce transfert de pouvoir apparent, d’Octave vers le Sénat, a pour contrepartie le surnom honorifique d’Auguste qu’il reçoit. Cette pièce peut donc se lire comme la première étape de l’instauration du principat, suivie quelques mois plus tard, en 27 av. J.-C., par les honneurs reçus par Octave renommé Auguste, et détaillés dans le doc. 2.  Doc 2. Auguste présente un bilan de son action Les Res Gestae Divi Augusti sont un texte auto- biographique attribué à Auguste, rédigé peu avant sa mort en 14 après J.-C. Il a été affiché sur deux plaques de bronze devant son tombeau, et copié sous diverses formes à travers l’empire, ce qui nous permet d’en connaître la plus grande partie, par confrontation de différents fragments, le prin- cipal ayant été retrouvé à Ancyre (actuelle Ankara, en Turquie). Le texte relate, année par année, ses actes poli- tiques, les titres reçus et magistratures occupées, ainsi que ses expéditions militaires. Le passage ici reproduit concerne les honneurs reçus par Octave renommé Auguste par le Sénat en janvier 27 av. J.-C. Il mentionne les raisons pour lesquelles il reçoit ces honneurs : la victoire et la restauration de la paix, mais aussi l’abandon volontaire de ses pou- voirs étendus afin de restaurer, en apparence, le fonctionnement politique de la République, fondé sur une prééminence du Sénat. En échange, outre le surnom honorifique d’Auguste, absolument inédit et qui suggère une proximité avec les dieux, il reçoit des marques visibles attestant de son pou- voir maintenu, et désormais affichées à Rome, sur sa propre maison ainsi que dans le Sénat : lauriers et bouclier sur lequel figurent des vertus romaines traditionnelles (clémence, justice, piété). La distinction faite à la fin du texte entre « autori- té » et « pouvoirs » résume bien l’esprit du nou- veau régime : sans être officiellement placé au- dessus du système politique, Auguste dispose d’une autorité sans égale. L’image d’Auguste  Doc 1. La simplicité d’Auguste Suétone (70-122 ap. J.-C. env.) est un biographe romain actif au IIe siècle de notre ère. Employé Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 10 3. De quelles façons le pouvoir impérial peut-il développer ou accentuer la romanisation des provinces d’Afrique du nord ? Le pouvoir impérial peut développer la romanisa- tion de l’Afrique du nord en y diffusant le modèle urbain romain, par la construction ou l’embellissement des villes (cas de Leptis Magna), ainsi qu’en attribuant la citoyenneté à des peuples locaux afin de les intégrer plus solidement à l’empire. 4. Repérez les éléments vestimentaires et archi- tecturaux d’origine romaine. Peut-on parler de romanisation en matière religieuse ? Le personnage central de la stèle porte une toge ; il est encadré par les colonnes d’un temple à fronton triangulaire comme on peut en trouver dans les cités romaines ; On peut donc parler d’une roma- nisation partielle en matière religieuse : une divini- té locale (Tanit) est associée à une déesse romaine (Junon Caelestis) et la forme du culte emprunte aux éléments locaux et aux éléments romains. 5. En vous appuyant sur les documents, vous montrerez que la romanisation de l’Afrique du nord est un processus qui associe des décisions du pouvoir romain et des pratiques locales. La romanisation de l’Afrique du nord est un pro- cessus complexe et graduel, discuté par les histo- riens, dont certains, comme Marcel Bénabou, ont souligné les oppositions qu’elle a rencontrées (La résistance africaine à la romanisation, Paris, Maspéro, 1976). On peut toutefois considérer que la tendance globale est bien celle d’une diffusion des modes de vie romains, entre le Ier siècle avant J.-C.et le IIIe siècle après J.-C., à travers des déci- sions impériales (fondation de colonies et embel- lissement urbain ; attributions de la citoyenneté, mais aussi victoires militaires sur d’éventuels re- belles) et des pratiques locales qui voient des po- pulations adopter les noms, les cultes et les pra- tiques de loisir ou de sociabilité romaines comme les spectacles. DOCUMENTS Sacrifices et transformations reli- gieuses en Méditerranée antique > MANUEL PAGES 48-49  Doc 1. L’empereur Marc Aurèle procédant à un sacrifice à Rome Érigé sans doute en 176 ap. J.-C. pour fêter la vic- toire de Marc Aurèle (qui règne de 161 à 180) sur les Sarmates, l’arc de triomphe comportait plu- sieurs panneaux sculptés. Huit ont été réemployés sur l’arc de Constantin, et certains ont été retrou- vés indépendamment, conservés à Rome, aux mu- sées du Capitole. La scène se déroule devant le temple de Jupiter capitolin, principale divinité civique romaine. L’empereur est le garant du bon rapport entre les hommes et les dieux, à plus forte raison car il dé- tient le titre de grand pontife (Pontifex maximus). Pour procéder à un sacrificie, il doit donc se cou- vrir la tête, afin de se protéger de tout signe ou bruit de mauvais augure, et se tenir devant l’autel (ici, un simple trépied). L’homme torse nu est le sacrificateur, qu’on reconnaît à sa hache.  Doc 2. L’organisation d’un sacrifice athénien Ce document de nature épigraphique concerne le sanctuaire d’Asclépios au Pirée, qui n’est pas en- tièrement achevé à la date du texte (première moi- tié du IVe siècle av. J.-C.) comme l’atteste la men- tion de la « carrière de pierres du dieu ». Fils d’Apollon suivant certains mythes, Asclépios est un dieu guérisseur, dont le culte, initialement situé au sanctuaire d’Épidaure, connaît alors une impor- tante diffusion dans le monde grec. Le maître- bœuf désigne l’animal qui mène une procession lors de fêtes comportant des sacrifices.  Doc. 3. Représentation d’un repas collectif chrétien Les catacombes sont des nécropoles souterraines, où une partie de la population de la Rome antique enterrait ses morts. On en compte une soixantaine, pas seulement pour les chrétiens, même si ces derniers leur accordaient une grande importance avant le règne de Constantin. En effet, la loi pro- tégeait ces sépultures, même en période de persé- cution ou de soupçons envers le christianisme, et les conceptions chrétiennes de l’au-delà impo- saient de prêter une attention particulière aux dé- funts. C’est pourquoi on trouve dans les cata- combes romaines les toutes premières traces de l’art chrétien (dit aussi « paléochrétien »), avec de nombreuses fresques représentant des bergers, ou des repas. Le document ici représenté, une fresque très simple dans son exécution (qui reflète le statut social modeste des chrétiens au IIIe siècle) ne peut être interprété avec certitude : il peut s’agir d’une Cène, ou dernier repas du Christ, même si le nombre de personnes représentées et l’absence de figure rendue reconnaissable ne correspondent pas aux codes de représentation qui vont par la suite se fixer. Il peut aussi s’agir d’un repas collectif chré- tien au cours duquel on consomme du poisson (à Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 11 la fois en souvenir d’un miracle que Jésus aurait accompli au lac de Tibériade, produisant une pêche miraculeuse, et parce que les lettres du mot « poisson » en grec, « ichtus », peuvent former la phrase « Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur ») et du pain. La consommation de pain est particulière- ment importante puisqu’elle renvoie au sacrement de l’eucharistie institué par Jésus peu avant sa mort : « Ensuite il prit du pain ; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, en di- sant : Ceci est mon corps, qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi » (Luc, 22:19).  Doc 4. Les chrétiens et le refus des sacrifices sous l’empereur Dèce Le martyre de Pionios, prêtre de Smyrne, est un document étudié et traduit du grec par l’helléniste Louis Robert, qui a montré qu’il avait sans doute été rédigé par ce prêtre chrétien lui-même entre son arrestation et son exécution (sur le bûcher). Il relate les faits ainsi que les exhortations tenues à ses compagnons de captivité, puis les interroga- toires subis. C’est donc une source de grande va- leur pour comprendre comment fut concrètement mise en œuvre la persécution décidée par l’empereur Dèce en 250, et les réactions des chré- tiens face à elle : l’évêque de Smyrne renie son christianisme au contraire d’autres chrétiens, dont ceux qui ont recopié le texte après la mort de Pio- nios. La persécution des chrétiens a été initiée en 250 par l’empereur Dèce, pour rétablir la pax deo- rum (bonne entente avec les dieux) mise à mal par les crises qui ont précédé son règne, dans une pé- riode marquée par la multiplication des usurpa- teurs et des défaites militaires. Le but de l’empereur est d’assurer la conformité de tous aux cultes communs, d’où l’obligation de participer publiquement aux sacrifices. Les chrétiens ne font l’objet de violences que dans la mesure où ils refu- sent de se plier à ces rituels, comme le fait ici Pio- nios en raison d’une conception intransigeante du monothéisme chrétien.  Doc. 5 L’interdiction des sacrifices par l’empereur Théodose L’empereur Théodose (qui règne de 379 à 395) est celui qui officialise le christianisme comme unique religion autorisée dans l’empire romain, par une série de décisions étalées dans le temps, depuis son édit de 380 jusqu’à ce texte qui porte plus spécifiquement sur les formes du culte et l’interdiction des sacrifices, des plus modestes (encens, huile) aux plus importants, avec mise à mort d’animaux. Ces gestes pratiqués plus d’un millénaire durant autour de la Méditerranée, et garants du bon rapport entre hommes et dieux, sont désormais associés à une souillure. Réponses aux questions 1. Observez le déroulement des sacrifices pré- vus à Athènes et à Rome. Quels sont leurs points communs ? Sont-ce les mêmes autorités qui les organisent ? L’élément central commun aux sacrifices dans le monde grec et le monde romain est l’offrande animale faite aux dieux : le sacrifice sanglant per- met d’instituer un rapport de bonne entente et de hiérarchie entre les dieux (à qui les animaux sont sacrifiés, dont une partie sera brûlée) et les hommes (qui se partageront rituellement une par- tie de la viande). Ces sacrifices sont réalisés dans le cadre de la cité, inscrits dans ses structures. La différence réside dans les autorités concernées : là où une cité grecque implique, en plus des prêtres de tel ou tel dieu, toute la communauté civique, à Rome, sous le principat, les sacrifices sont ordonnés et organisés par la figure de l’empereur, qui est en même temps grand pontife, illustrant un basculement d’une conception collec- tive du pouvoir dans le rapport aux dieux, au temps de la cité, au pouvoir personnel sous le principat. 2. Quelles nouvelles pratiques religieuses et alimentaires remplacent les sacrifices sanglants chez les premiers chrétiens ? Les chrétiens organisent des repas collectifs dans lesquels le pain, le poisson, l’eau et le vin, chargés de sens symboliques par les textes chrétiens, tien- nent une place importante, au détriment des viandes consommées rituellement dans le cadre des sacrifices aux anciens dieux. 3) Quels aspects traditionnels des cultes sont interdits par l’empereur Théodose ? Théodose interdit plusieurs aspects des cultes tra- ditionnels : la pratique du sacrifice (« un animal innocent ») mais aussi le fait de fréquenter les temples, qui figurent pourtant au centre de la vie civique antique, et de vouer un culte aux statues des anciens dieux, dont il souligne le caractère non divin, condamnant ainsi l’idolâtrie (« façonnées de main d’homme »). 4) Pour quelles raisons les chrétiens des pre- miers siècles rejettent-ils les sacrifices ? Le rejet des sacrifices par les premiers chrétiens s’explique par leur monothéisme strict : ces sacri- fices sont ordonnés en lien avec le culte impérial, Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 12 or il n’existe pour eux qu’un seul dieu, l’empereur ne saurait être adoré comme un dieu. Ils jugent dès lors les viandes issues des sacrifices comme « im- pures ». 5) Montrez que l’organisation des sacrifices est une préoccupation constante des pouvoirs dans l’antiquité. Durant près de dix siècles, la bonne organisation des sacrifices est une préoccupation des autorités, à la fois dans le cadre de la cité (en Grèce, à Rome), et dans celui de l’empire. Les pouvoirs sont en effet garants de la bonne entente avec les dieux (ce que les Romains appellent la pax deo- rum), et veillent pour cela à ce que les sacrifices prescrits soient bien effectués, à la date appro- priée, suivant les rituels consacrés. C’est pourquoi l’empereur Dèce, en 250, dans un contexte de crise interne et externe de l’empire où l’on pense avoir besoin de l’appui divin, donne des ordres à l’échelle de tout l’empire pour que des sacrifices soient accomplis, ce qui conduit à la persécution des chrétiens qui s’y refusent. Tout change à partir du IVe siècle avec la christianisation de l’empire accélérée par la conversion de Constantin et le christianisme de plus en plus strict de ses succes- seurs. Contrôler les sacrifices, puis les interdire, comme le fait l’empereur Théodose, devient le moyen de s’assurer de la conformité des compor- tements et de l’adoption du christianisme, religion unique soutenant le pouvoir impérial. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Constantin, premier empereur chré- tien > MANUEL PAGES 50-51  Doc 1. Le christianisme toléré (313) Ce texte, dans sa version conservée par l’auteur chrétien Lactance, est la copie d’un rescrit impé- rial pris à Milan par Constantin et Licinius, alors co-empereurs, et affiché en latin à Nicomédie (province de Bithynie). Le texte est écrit dans un contexte de lutte maintenue pour les pouvoirs : dans la partie orientale de l’empire, un troisième empereur est alors au pouvoir, Maximin Daïa, qui maintient des mesures défavorables aux chrétiens. Constantin, tout juste victorieux de Maxence en 312, s’allie avec Licinius, en épousant la sœur de ce dernier. Le texte vise donc à consolider l’autorité des deux empereurs au détriment de Maximin Daïa. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un édit (le terme « édit de Milan », souvent employé, est impropre), mais d’une lettre impériale à un gou- verneur ayant force de loi. Ce n’est pas non plus la toute première manifestation d’une politique de tolérance religieuse, puisque l’empereur Galère avait déjà mis fin aux persécutions envers les chré- tiens peu avant sa mort en 311. Mais il s’agit d’une véritable acceptation du culte chrétien, à égalité avec les autres, impliquant une restitution des biens confisqués, sans aucune indemnité, an- nulant donc des politiques impériales installées, avec des pauses, depuis le milieu du IIIe siècle.  Doc 2. Un empereur victorieux L’arc de Constantin, haut de 21 mètres et large de 25, a été érigé à Rome entre le Colisée et le mont Palatin pour les decennalia de l’empereur en 315 (dix ans de règne). Il surplombe la voie empruntée lors des triomphes impériaux. Il comporte une inscription commémorant sa victoire au pont Mil- vius en 312. Plusieurs statues et motifs iconogra- phiques complexes y figuraient, dont une partie seulement a été conservée, représentant la victoire de 312, tandis que certaines parties réemploient des éléments des IIe-IIIe siècles (bas-reliefs datant du règne de Marc Aurèle, en particulier). Aucune référence chrétienne n’y figure, et l’inscription se contente d’employer un terme neutre en matière religieuse : « Quod instinctu divinatis (…) rempu- blicam ultus est », « Parce que sous l’inspiration de la divinité (…) il a vengé l’État ».  Doc 4. Un empereur à la fois romain et chré- tien Ce médaillon d’argent a été frappé par l’atelier monétaire de Ticinum (Pavie, au nord de l’Italie) sur ordre de l’empereur Constantin en 315, pour célébrer ses decennalia (dix ans de pouvoir). Il n’a pas de valeur monétaire mais était un objet pré- cieux destiné à être distribué dans l’entourage impérial. Il représente l’empereur, dont le casque est sur- monté de joyaux et de décorations ; la première de ces décorations est le symbole « ☧ » dit « chi- rhô », des deux premières lettres entrecroisées du mot « Christ » en grec. Cela correspond aux diffé- rentes descriptions du signe que Constantin aurait vu à la veille de la bataille du Pont Milvius (312), données alors par les auteurs qui encouragent la conversion de l’empereur, comme Lactance et Eusèbe de Césarée. C’est la toute première mani- festation visible du christianisme de l’empereur, dont on trouvera des prolongements sur des mon- Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 1 CHAPITRE 2 La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits › MANUEL PAGES 60 À 85 OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Sur les rives de la Méditerranée s’étendent trois aires religieuses et culturelles : celle de la chrétien- té occidentale latine et catholique, celle de la chré- tienté orientale orthodoxe et byzantine ainsi que celle de l’islam. Bien que les bornes chronolo- giques ne soient pas strictement délimitées par le programme, il s’agit bien de voir comment le bas- sin Méditerranéen, tout en connaissant des circula- tions accrues à partir du XIe s., s’avère aussi le théâtre d’une forte conflictualité à la suite de l’appel à la croisade d’Urbain II en 1095. Les points de passage permettent de mettre en lumière la domination commerciale italienne qui s’accroît sur cet espace. Venise, alliée militaire d’un Empire byzantin fragilisé, après avoir reçu des privilèges commerciaux dans de nombreux ports de l’Empire, s’enrichit considérablement. Sa domina- tion, qui irrite les populations byzantines, en- gendre des réactions de violence contre les Véni- tiens – mais aussi contre les Pisans et les Génois – qui contribuent au pillage de Constantinople par les Croisés en 1204. La deuxième croisade, prê- chée par Bernard de Clairvaux, permet non seule- ment d’approcher celui qui fut le conseiller de nombreux puissants au XIIe s. et permit la propa- gation de l’ordre cistercien, mais aussi de mesurer les difficultés des croisés en Orient. Ceux-ci, après la prise de Jérusalem en 1099 et la fondation des États latins d’Orient, peinent à tenir leurs positions et subissent une suite de reculs face à de puis- santes armées, dont celle de Saladin qui récupère la ville trois fois sainte en 1187. Le chapitre per- met aussi de saisir, sans trop entrer dans les détails à cause du faible nombre d’heures imparties par le programme, quelques spécificités des trois aires qui coexistent sur le bassin méditerranéen et leurs dynamiques ou leurs difficultés internes. Bibliographie indicative Quelques sources - La Geste des Francs : Histoire anonyme de la première croisade, trad. A. Matignon, Paris, Arléa, 1992. - Guibert de Nogent, Geste de Dieu par les Francs, Turnhout, Brepols, 1998. - Guillaume de Tyr, Chronique, éd. R. B. C. Huy- gens, Turnhout, Brepols, 1986. - Ibn Jubayr, Voyages (Rihla), trad. M. Gaudefroy Demombynes, 3 vol., 1949-1951-1956. - Idrîsî, La première géographie de l’Occident, Paris, Flammarion. 1999 - Imad al-Din al-Isfahani, Conquête de la Syrie et de la Palestine par Saladin, trad. H. Massé, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1972. - Usâma Ibn Munqidh, Un prince syrien face aux croisés, trad.A Miquel, Paris, Fayard, 1986. Recueils de documents : - Eddé Anne-Marie, Micheau Françoise, L’Orient au temps des croisades, Paris, Flammarion, 2002. - Foulon Brigitte, Tixier du Mesnil Emmanuelle, Al-Andalus, Anthologie, Paris, Flammarion, 2009. - Gabrieli Francesco, Chroniques arabes des croi- sades,Paris, Sindbad, 1977. - Guichard Pierre éd., L’Espagne et la Sicile mu- sulmanes aux XIe et XIIe siècles, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1990. - Régnier-Bohler Danielle (dir.), Croisades et pèlerinages. Récits, chroniques et voyages en Terre sainte, XIIe-XVIe siècles, Paris, Laffont, 1997. Des manuels et des instruments de travail - Aillet Cyrille, Tixier du Mesnil Emmanuelle et Vallet Eric, Gouverner en Islam Xe - XVe siècle, Neuilly, Atlande, 2014 - Balard Michel, La Méditerranée médiévale. Es- paces, itinéraires, comptoirs, Picard, 2006. - Balard Michel, Croisades et Orient latin : XIe - XVe siècle, 3e édition, Paris, Armand Colin, 2017. - Bresc Henri, Doumerc Bernard, Eddé Anne- Marie, Guichard Pierre, Micheau Françoise, Pi- card Christophe, Sénac Philippe, La Méditerranée entre pays d’Islam et monde latin, (milieu Xe- milieu XIIIe s), Paris, SEDES, 2001. Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 2 - Cahen Claude, Orient et Occident au temps des croisades, Paris, Aubier, 1983. - Ducellier Alain, Byzance et le monde orthodoxe, 3e édition, Paris, Armand Colin, 2006. - Jansen Philippe, Nef Annliese et Picard Chris- tophe, La Méditerranée entre pays d’islam et monde latin (milieu Xe - milieu XIIIe siècle), Paris, SEDES, 2000. - Jehel Georges, La Méditerranée médiévale de 350 à 1450, Paris, Armand Colin, 1992. - Lemire Vincent (dir.), Jérusalem : Histoire d’une ville-monde des origines à nos jours. Paris, Champs, 2016. - Leroy Béatrice, Le monde méditerranéen du VIIe au XIIIe siècle, Paris, Ophrys, 2001. - Mayeur Jean-Marie, Pietri Charles, Pietri Luce et alii (dir.), Histoire du christianisme des origines à nos jours. Tome V : Apogée de la papauté et ex- pansion de la chrétienté (1054-1274), Paris, Des- clée, 1993. - Micheau Françoise, Le Moyen Âge en Orient. Byzance et l’Islam, Paris, Hachette Supérieur, 1991, pl. réimpr. (en collaboration avec Ducellier Alain, Kaplan Michel, Martin Bernadette), édition remaniée en 2003. - Picard Christophe, Le monde musulman du XIe au XVe siècle, Paris, Armand Colin, 2014. - Tolan John, L’Europe latine et le monde arabe au Moyen Âge : Cultures en conflit et en conver- gence, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009. Pour approfondir - Boisselier Stéphane, Clément François, Tolan John, Minorités et régulations sociales en Médi- terranée médiévale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010. - Edde Anne-Marie et Nef Annliese, Pouvoirs en Islam: Xe-XVe siècle, Paris, La documentation française, 2015. -.Kennedy Hugh (dir.), An Historical Atlas of Is- lam, Leyde, Brill, 2002. - Martin Jean-Marie, Peters-Custot Annick, Pri- gent Vivien, L’héritage byzantin en Italie. La fa- brique documentaire, Rome, Collection de l’École Française de Rome, 449, 2011. - Mayeur Jean-Marie, Pietri Charles, Pietri Luce et alii (dir)., Histoire du christianisme des origines à nos jours. Tome VI : Un temps d’épreuves (1274- 1449), Paris, Desclée, 1990. - Mervin Sabrina, Histoire de l’islam. Fondements et doctrines, Paris, Flammarion, 2010. OUVERTURE › MANUEL PAGES 60-61 Les deux enluminures permettent d’introduire les deux idées fondamentales du chapitre et peuvent permettre l’élaboration de la problématique avec les élèves : la Méditerranée, espace de conflits et de contacts belliqueux est aussi un espace d’échanges dynamiques du XIe au XIIIe s. Document 1. Des contacts souvent conflic- tuels au temps des croisades Cette image est une miniature extraite du Roman de Godefroy de Bouillon, qui, rédigé en vers et conservé à la BNF, illustre encore, au XIVe s., les combats de la Première croisade et la prise de Jérusalem. Godefroy de Bouillon (1058-1100) est une figure centrale de la première croisade et de l’établissement des États latins d’Orient et sa for- tune littéraire fut immense tout au long des siècles du Moyen Âge et de la Renaissance : de noble ascendance carolingienne, il était duc de Basse- Lotharingie et fut l’un des premiers à répondre à l’appel à la croisade d’Urbain II. Partie le 15 août 1096, son armée parvient à Constantinople en novembre, traverse le Bosphore au printemps 1097 et contribue au retour de Nicée, tombée aux mains des Seldjoukides, dans le giron de l’Empire byzantin. Souffrant lors du siège d’Antioche (oc- tobre 1097- juin 1098), il se retire après la chute de la ville chez son frère Baudouin, à Édesse et prend la route de Jérusalem en janvier 1099 : celle-ci est assiégée à partir du 7 juin et tombe, malgré la défense des Fatimides, le 15 juillet 1099. Godefroy refuse la couronne de roi de Jérusalem et prend le titre d’avoué du Saint-Sépulcre ; gar- dien de la ville sainte et du tombeau du Christ, il repousse l’armée égyptienne mais décède en juillet 1100 au retour d’une expédition contre le Sultan de Damas ; son frère Baudouin lui succède en devenant roi de Jérusalem après avoir été comte d’Édesse. La composition de l’enluminure est marquée par une très forte symétrie : un groupe de cavaliers musulmans affronte un groupe de chevaliers croi- sés. Mieux défendus que les musulmans, les Occi- dentaux sont munis de heaumes, de hauberts, d’écussons portant leurs armes. Ceux-ci semblent l’emporter : cinq têtes de combattants musulmans gisent à terre, piétinées par les chevaux jetés dans le combat. L’enluminure correspond aussi à un type d’illustration attendu par le public de cour, composé de grands laïcs, qui possède ces précieux manuscrits : la croisade demeure longtemps une Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 3 source d’inspiration dans les récits littéraires qui plaisent aux grands aristocrates. Document 2. La Méditerranée, un espace d’échanges commerciaux dynamique Ce document est une enluminure extraite d’un autre célèbre manuscrit du Moyen Âge, le livre des Merveilles de Marco Polo. Né à Venise en 1254, le plus célèbre des marchands italiens voya- gea avec son père et son oncle à partir de 1271 ; s’il n’est pas le premier Européen à avoir atteint la Chine, il est le premier à la décrire de manière aussi circonstanciée, encourageant de nombreuses générations à entreprendre, à leur tour, le long voyage vers l’Extrême-Orient. Alors que le voyage vers la Chine est essentiellement terrestre, son premier segment, qui devait le mener de Ve- nise à Acre, nécessitait l’utilisation de navires. Le départ de Marco Polo s’opère depuis Venise dont on voit les bâtiments qui sont encore aujourd’hui les plus emblématiques de la ville (le palais des doges dont on reconnaît l’architecture hétéroclite de marbre rose et blanc, la basilique St-Marc, les palais permettant l’arrimage de navires à hauteur de la lagune) et dont on perçoit la prospérité (ma- gnificence de la ville, présence de nombreuses activités commerciales sur la place St-Marc comme sur les quais) alors que la ville compte environ 100 000 habitants, faisant d’elle l’une des trois premières cités de la chrétienté occidentale après Paris et Milan. Si des animaux exotiques présents au premier plan semblent annoncer les merveilles que Marco Polo s’apprête à observer lors de son voyage, Venise, alliée militaire de l’Empire byzantin déclinant, est bien devenue l’une des principales puissances commerciales de la Méditerranée des XIe - XIIIe s. REPÈRES › MANUEL PAGES 62-63 Les frises chronologiques comparées permettent aux élèves de construire des repères fondamentaux dans chaque espace du programme (l’Empire by- zantin, l’Occident chrétien et le monde musulman) tandis que les cartes soulignent les contacts sou- vent belliqueux établis par ces trois civilisations.  Document 1. La Méditerranée au XIIe s. Cette carte permet de situer les trois aires poli- tiques et religieuses et de localiser les foyers ma- jeurs de contacts et d’affrontements, au Proche- Orient et en Espagne.  Document 2. Les États latins d’Orient Cette carte permet de présenter ces nouveaux royaumes établis par les Occidentaux à la suite de la première croisade. Si l’objectif d’Urbain II, lorsqu’il lance l’appel de Clermont en novembre 1095, était la délivrance de Jérusalem, les chefs de la Croisade établissent des principautés à leur profit, oubliant leur serment au basileus qui atten- dait des Francs qu’ils restituent à l’Empire ces territoires jadis sous contrôle byzantin. La popula- tion d’origine occidentale ne constitue jamais qu’une minorité qui construit sa domination à partir des villes et de puissantes forteresses mais aussi des ports où s’établissent de puissantes colo- nies de marchands italiens qui, dotées de privi- lèges juridictionnels, attirent le trafic entre l’Orient et l’Occident. Dès mars 1098, Baudouin de Boulogne, allié des Arméniens, créé le premier État franc d’Orient, le comté d’Édesse, transmis en 1100 à son cousin Baudouin du Bourcq puis en 1118 à la famille de Courtenay. Éloigné du rivage et des circuits com- merciaux, il n’attire qu’une population franque réduite. La principauté d’Antioche naît quant à elle des ambitions de Bohémond de Tarente, chef des troupes normandes de la première croisade. Après la prise d’Antioche par les Croisés et la dispersion de l’armée turque, en juin 1098, Bohé- mond obtient la possession de la ville malgré l’opposition du basileus et de Raymond de Saint- Gilles, chef des troupes provençales. En proie aux attaques de l’émir d’Alep, il gagne l’Occident pour y chercher des renforts et lègue en 1108 la principauté à son neveu Tancrède dont les succes- seurs doivent prêter allégeance aux empereurs byzantins Jean II et Manuel Ier Comnène. Exposée en permanence à la reconquête musulmane, la principauté ne parvient pas à résister à l’invasion des Mamelouks d’Égypte en 1268. Alors qu’il a dû quitter Antioche, Raymond de Saint-Gilles constitue l’ébauche d’un nouveau comté latin autour de Tripoli, rapidement assiégé. Ses descendants échouent à occuper la haute val- lée de l’Oronte, en prise avec Nur-ad-Din et Sala- din mais tiennent la principauté jusqu’en 1187, ensuite tenue par Bohémond IV d’Antioche et ses héritiers jusqu’en 1289. Si un hommage est rendu à l’empereur byzantin, au prince d’Antioche et au roi de Jérusalem, le comté est indépendant et par- vient même, avec Raymond III, à jouer un rôle politique décisif dans le royaume de Jérusalem. Le royaume franc de Jérusalem est une création originale issu de la prise de Jérusalem en 1099. Bien que les clercs de l’armée rêvent d’un État Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 6 à la Mecque (« hajj »), lieu de naissance du pro- phète où se trouve la Kaaba et principale ville sainte de l’islam. 2. La mosquée est-elle seulement un lieu de prière ? Justifiez. 2. La mosquée n’est pas qu’un lieu de prière, ce que l’on perçoit bien à travers l’étude du plan de la grande mosquée de Kairouan, fondée vers 670 par Oqba Ibn Nafi alors que l’Afrique du Nord est une terre de conquête et Kairouan la quatrième ville sainte de l’islam : au-delà du minaret qui permet l’appel à la prière par le muezzin et le rassemble- ment des fidèles dans la salle de prière, la mosquée est un lieu d’enseignement où se trouvent les ma- drasas (ou medersas, les écoles coraniques). 3. Montrez que les villes musulmanes connais- sent une phase d’essor économique et culturel. Les villes musulmanes, souvent décrites dans les récits de voyage comme celui d’Al-Mogadassi, connaissent une phase d’essor économique et cul- turel soutenu qui frappent tous ceux qui les décou- vrent : alors que le désert est souvent associé aux représentations de l’islam, la ville, point d’appui de la conquête musulmane et cadre du regroupe- ment des fidèles, permet l’essor d’une brillante civilisation. La diffusion de l’islam suscite en effet un grand mouvement d’essor urbain, observable dès les VIIe - VIIIe s. et permettant l’apparition d’organismes urbains d’une taille peu commune à l’échelle des sociétés médiévales; les villes pré- existantes connaissent un renouveau démogra- phique rapide alors que d’autres naissent très tôt de la terre, rassemblant jusque 200 000 habitants : c’est le cas de Bagdad, capitale de l’empire califal abbasside de 762 à 1258, mais aussi du Caire, dont il est question dans le document 2. Celle-ci, dont le voyageur signale qu’elle surpasse la capitale impériale historique, a été fondée dès 969. Sur ses 700 hectares, elle connaît un brillant développe- ment et se voit dotée de toutes les structures qui favorisent le commerce et qui font d’elle un puis- sant carrefour du monde méditerranéen : un grand port dont le dynamisme transparaît à travers la mention des innombrables navires, des marchés – souks – où se trouvent toutes les richesses de l’Orient, de nombreuses et hautes habitations (à quatre ou cinq étages, dont des palais) et, parmi de très nombreuses mosquées qui permettent aux fidèles de se réunir, la grande mosquée du Caire dont les splendeurs marquent également les visi- teurs. Le document n°4, une enluminure extraite d’un célèbre manuscrit arabe achevé en 1237 illustrant les Séances (« Maqâmât ») de l'écrivain arabe al- Harîrî (1054-1122), présente le maître (assis à droite) face à ses disciples, à gauche. Les visages et les mains sont animés, témoignant de la qualité et de la densité des échanges et des apprentissages. Comme Le Caire où l’on enseigne à Al-Azhar depuis 988, Bagdad est l’une des villes les plus importantes du Moyen-Orient médiéval, une ville de pouvoir et de culture. 4. Pourquoi Averroès est-il surpris lors de sa rencontre avec l’émir ? Averroès (Cordoue, 1126- Marrakech 1198) est l’un des plus importants penseurs arabes du Moyen Âge. Philosophe, théologien, médecin et juriste, Ibn Rochd de Cordoue (Averroès est son nom latinisé) souligne dans toute son œuvre l’apport des sciences profanes et rédige un traité de médecine (Colliget) qui lui apporte la notoriété. Mais ce sont surtout ses commentaires d’Aristote, auquel il consacre l’essentiel de sa vie et qui l’amènent à séparer radicalement raison et foi, qui l’ont rendu célèbre. Condamné par la religion musulmane qui lui reproche de déformer les pré- ceptes de la foi, Averroès doit vivre dans la clan- destinité et la pauvreté jusqu’à ce qu’il soit rappelé à Marrakech où il meurt réhabilité en 1198. Ses principes se diffusent en Occident, se diffusent dans les écoles médiévales avant d’être condam- nés par l’Église en 1240. Interrogé par l’émir des croyants sur les philosophes grecs antiques, Aver- roès craint sans doute d’être inquiété par ce prince garant de l’orthodoxie musulmane ; il s’avère surpris par la qualité de ses connaissances et son ouverture philosophique ; loin d’être inquiété par ce puissant, Averroès est gratifié d’argent, de vê- tements d’apparat et d’un cheval. 5. Synthétiser La réponse devra montrer que les villes musul- manes, plus peuplées qu’en Occident, sont des foyers de dynamisme économique – grâce aux marchands, au commerce – et culturel, dotées de mosquées qui sont des lieux de prière mais aussi des lieux d’enseignement où sont formés de nom- breux savants dans toutes les sciences dont les apports gréco-arabes sont encore aujourd’hui nombreux. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Bernard de Clairvaux et la deuxième croisade (1146-1149) Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 7 > MANUEL PAGES 70-71 Bernard de Clairvaux (1090-1153) est l’une des figures majeures de l’Occident médiéval. Conseil- ler de nombreux puissants, surnommé « lumière de l’Occident » du XIIe s., canonisé par l’Église, celui qui propagea l’ordre de Cîteaux – fondé en 1098 par Robert de Molesme – refusa toute haute digni- té de l’Église et tint à demeurer l’abbé de Clair- vaux, qu’il avait fondée en Champagne. Son ac- tion est protéiforme (« Aucune des affaires de Dieu ne m’est étrangère » écrit-il dans la lettre 20) mais il fut durablement marqué par l’échec de la croisade qu’il avait prêchée à la demande du pape Eugène III qui la lance en 1145, après la chute d’Édesse en 1144. Alors que le document 1 permet d’expliquer avec les élèves le phénomène de la prédication et peut permettre de saisir les raisons qui poussent les hommes à se croiser et à gagner l’Orient, le docu- ment 2 permet de mesurer les efforts mis dans cette prédication menée en 1146-1147 par le moine de Cîteaux ; le document 4 permet de voir que le roi de France Louis VII s’engage dans la croisade, entouré d’une foule immense venue as- sister à la prédication ; le document 3 permet de retracer l’itinéraire des armées de Louis VII et de l’empereur Conrad III qui prit aussi la croix mais aussi de constater l’échec de la croisade qui s’achève par le rembarquement des combattants durant l’été 1148. Réponses aux questions 1. Localisez les principaux lieux où Bernard prêche la Croisade. Bernard ne compta pas ses efforts pour prêcher la croisade : alors que les positions franques étaient menacées en Palestine (il s’agit prioritairement de reprendre Édesse), Bernard prononce sa première prédication à Vézelay, en 1146 (un grand succès puisque le roi de France Louis VII prend la croix) et voyage beaucoup dans les marges orientales du royaume de France et dans l’Empire où Conrad III, à la suite du roi de France, prend lui aussi la croix (Spire, décembre 1146). Si la prédication commence à Vézelay, elle se poursuit à Châlons, à Arras, à Ypres, Bruges, Liège, Spire, Strasbourg, Constance, Fribourg, Worms, Mayence, Cologne, Étampes, Metz, Francfort, à Clairvaux, à Lyon ou à Dijon. Alors que les esprits s’enflamment à l’idée de combattre l’infidèle en Orient, Bernard se rend sur les terres d’Empire où des communautés juives sont en proie à des violences quotidiennes et met fin aux massacres (pogroms) : pour Bernard, le peuple juif est porteur de l’humanité de Jésus ; la lutte menée par les Francs pour la protection des lieux saints ne saurait se traduire par des violences contre les juifs d’Europe. 2. Identifiez et classez les principales forces en présence. Les armées croisées qui se dirigent vers l’Orient sont celles de Louis VII, roi de France entre 1137 et 1180 et de Conrad III (1138-1152) ; elles sont accueillies dans l’Empire – non sans tensions) de Manuel Ier Comnène. Les armées croisées combat- tent les Turcs seldjoukides au Nord mais sont bientôt confrontées aux forces de l’émir d’Alep, Nur-ad-Din et rembarquent durant l’été 1148, alors que la croisade s’est traduite par un fiasco pour les Croisés. 3. Qui participe à la croisade ? Comment se termine-t-elle ? Les Croisés ont beau être appuyés par Louis VII et Conrad III, suivis par de nombreux puissants, ils essuient de terribles revers. Après avoir traversé le Bosphore, les armées germaniques et françaises sont rapidement mises en difficulté par les Turcs : Conrad subit un grave revers à Dorylée, en Asie mineure, dès octobre 1147 ; les armées de Louis VII, attaquées par les Turcs, peinent à passer l’hiver et reprochent à l’empereur byzantin l’insuffisance de son aide, notamment pour les vivres : la bataille du Mont Cadmos (janvier 1148) fut particulièrement difficile et éprouvante pour elles. Si les Croisés peuvent atteindre Adalia en janvier 1148 grâce à l’appui des Templiers qui rétablissent la discipline, la flotte byzantine censée les amener jusqu’en Syrie se révèle trop petite et Louis doit abandonner une partie de ses troupes dont beaucoup d’hommes échouent ensuite à at- teindre Tarse par voie de terre. Une fois en Syrie, Louis renonce à son projet de reprendre Édesse et décide d’aller accomplir son vœu à Jérusalem et à la fin du printemps 1148, la plus grande partie des troupes se rassemble en Palestine. L’échec du siège de Damas, en juillet 1148, catalyse la catas- trophe et précipite le retour des Croisés en Occi- dent : ceux-ci rembarquent durant l’été à partir d’Acre. 4. Quelles sont les raisons invoquées par Ber- nard de Clairvaux pour inciter les hommes à combattre en Terre sainte ? Les neuf premières lignes de l’extrait rappellent la difficile situation des Croisés en Orient : après la chute d’Édesse qui entraîne un nouvel appel à la croisade du pape Eugène III, les positions des Francs dans les États latins d’Orient semblent bien fragiles. Initialement lancée pour permettre l’accès Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 8 des Chrétiens aux lieux saints, Jérusalem, conquise par les Francs en 1099, est de nouveau menacée par les musulmans. Bernard de Clairvaux appelle donc toutes les forces combattantes d’Occident, celle des milites, à ceindre la croix pour aller dé- fendre, sans faillir, les lieux saints de nouveau menacés. Il ne s’agit pas de laisser les seigneurs et chevaliers perdre leurs forces dans des guerres intestines causées par la volonté de s’enrichir ou d’accroître son pouvoir (2e et 3e paragraphes) mais bien de mettre toutes les forces chrétiennes au service d’une cause essentielle de la Chrétienté, garantissant le Salut de ceux qui viendraient à périr. 5. Synthétiser La deuxième croisade est un échec majeur pour les combattants occidentaux. Alors que les Croisés souhaitent reprendre Édesse et consolider les posi- tions des États latins d’Orient apparus à la suite de la première croisade, ceux-ci subissent nombre de revers dès qu’ils arrivent en Asie mineure (bataille de Dorylée, du Mont Cadmos, octobre 1147- janvier 1148). Les armées, divisées durant le trajet et insuffisamment soutenues par l’empereur by- zantin Manuel Ier Comnène, parviennent en Syrie et en Palestine déjà considérablement affaiblies par les Seldjoukides. Insuffisamment préparées à combattre les forces de Nur-ad-Din, les armées croisées échouent lors du siège de Damas et doi- vent rembarquer entre juillet et septembre 1148. Le fiasco de ce deuxième « pèlerinage en armes » marque durablement Bernard de Clairvaux qui l’avait activement prêché en 1146-1147. DOCUMENTS L’empire byzantin et l’Occident > MANUEL PAGES 72-73 Réponses aux questions 1. Identifiez les privilèges obtenus par les Véni- tiens devenus les alliés militaires de l’empire byzantin. En devenant les alliés militaires de l’Empire by- zantin, mal armé pour une confrontation maritime, contre les troupes normandes de Robert Guiscard, les Vénitiens acquièrent de l’empereur byzantin Alexis Comnène d’importants privilèges conférés par chrysobulle. Acte le plus solennel de la diplo- matie byzantine, le chrysobulle est revêtu d’un sceau en or et porte la signature pourpre de l’empereur qui confère le privilège, c’est-à-dire des droits exceptionnels valables ici non pour un individus ou un groupe d’individus mais pour toute la cité (« privilège » vient de lex privata en latin). Les Vénitiens peuvent se déployer dans le quartier de Pérama qui devient le quartier vénitien de Constantinople, le lieu où l’on trouve leurs établis- sements et une grande concentration de mar- chands ; les produits sont acheminés sans taxes (les Vénitiens ne paient pas le kommerkion ni au- cun droit de douane) par les trois « échelles » – accès portuaires – que leur attribue le chrysobulle. Au-delà de Constantinople, les Vénitiens ont un accès libre à tous les ports de l’Empire (appelé Romanie dans les sources byzantines, car il s’agit de l’Empire romain d’Orient) ; comme dans la capitale, ils sont exemptés de toutes les taxes pe- sant habituellement sur les marchandises achemi- nées vers l’Empire. Ces concessions économiques de nature et d’ampleur inédites permettent à Ve- nise d’entrer dans une ère de grande prospérité ; elles sont confirmées en 1148 et en 1187, alors que la cité des Doges est devenue une grande puissance méditerranéenne. 2. Quels éléments nous montrent le caractère sacré de l’empereur et de l’impératrice ? Le caractère sacré du couple impérial byzantin se traduit par leur présence, alors qu’ils sont encore vivants, aux côtés de la Vierge et de l’enfant qu’ils entourent, sur un fond de mosaïque dorée (l’or, dans l’iconographie byzantine, renvoie au monde éternel et au domaine céleste) mais aussi par le port du nimbe, par leur nom qui figure, comme celui des personnages sacrés représentés sur les icônes, les fresques, les enluminures ou les mo- saïques, juste à côté d’eux. Jean II Comnène (1118-1142), vêtu de bleu et de pourpre, porte une longue et large écharpe (le loros) et ceint le kame- laukion, la couronne hémisphérique surmontée d’une croix. De ses deux mains, il présente une bourse à la Théotokos (mère de Dieu). Irène, d’origine hongroise, porte un vêtement pourpre et rouge luxueusement décoré ainsi que le loros. Elle est parée de somptueux bijoux, dont une couronne ornée de pierres précieuses. Elle présente à la Vierge et à l’Enfant un chrysobulle, acte officiel scellé d’un sceau d’or. 3. Localisez sur le doc. 5 quelques lieux décrits dans le doc. 2. Le plan permet de localiser bon nombre de bâti- ments évoqués par Eudes de Deuil alors que les combattants de la deuxième croisade sont accueil- lis à Constantinople : Sainte-Sophie et le Palais impérial à l’extrémité de la Corne d’Or mais aussi Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 11 Jardin de la Tombe (de Jésus) localisé seulement en 1894 ». 4. Montrez que la vieille ville de Jérusalem abrite aujourd’hui de multiples patrimoines imbriqués. Les édifices cultuels ou leurs vestiges sont au- jourd’hui complètement imbriqués dans l’espace restreint de la vieille ville, cernée de hautes mu- railles, de tours et de portes. L’esplanade des mos- quées surmonte le mur des lamentations alors que le Saint-Sépulcre, auquel on accède par la Via Sacra, le chemin processionnel, se situe à quelques centaines de mètres. La densité du bâti est très importante dans ce berceau partagé des trois récits monothéistes où l’on souhaite conser- ver le passé le plus ancien pour s’assurer de l’avenir le plus lointain. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Venise, une puissance maritime et commerciale > MANUEL PAGES 76-77 Venise est après Paris et Milan la troisième ville de la chrétienté occidentale aux XIIe-XIIIe s. Ce « miracle de pierre », cette ville issue des longs travaux d’aménagement de la lagune (ceux-ci dé- butent tardivement, au haut Moyen Âge, alors que l’occupation était très limitée jusqu’au VIe s. et s’accélèrent aux XIe-XIIe s.) devient le grand port de la Méditerranée et celui par lequel on embarque le plus souvent pour la terre sainte. On retrouvera posée, dans cette double page, la question de la relation à l’Empire byzantin et le rôle des Véni- tiens dans le sac de 1204. Réponses aux questions 1. Comment ces deux documents (doc. 1 et 2) témoignent-ils du formidable dynamisme com- mercial de Venise au XIIe siècle ? La documentation issue des compagnies véni- tiennes, tout comme les testaments des marchands vénitiens nous permettent de mesurer l’organisation, le dynamisme, l’extension, la pros- périté mais aussi les inquiétudes des marchands vénitiens qui opèrent dans tout le bassin méditer- ranéen. Si le premier document nous permet d’approcher un exemple d’organisation (Domeni- co Sisinulo était marchand à Constantinople, en- voyant et recevant le capital de la Compagnie par Vitale Voltani établi à Thèbes), la carte 2 permet de distinguer l’essentiel des ports de commerce où prospère le commerce vénitien. Exemptés de toute taxe (et surtout du kommerkion) dans les ports de l’empire byzantin depuis leur alliance militaire avec les Byzantins et l’aide décisive apportée contre les Normands de Robert Guiscard (cf. le chrysobulle de 1082, doc 1 p. 72 : on voit ici par- mi les grands ports mentionnés ceux de Dyrra- chion, Nauplie, Thessalonique, Constantinople ou Antalya), Venise est aussi présente en Méditerra- née occidentale, qu’il s’agisse des rives septen- trionales (Gênes, Valence, Carthagène, Grenade) ou méridionales de celle-ci (Tunis, Alger, Tripoli). 2. Relevez les routes commerciales empruntées par les Vénitiens et la nature des produits échangés dans la Méditerranée orientale. La Méditerranée est une mer dangereuse et diffici- lement navigable l’hiver mais ses grandes routes commerciales sont bien connues des marchands vénitiens des XIIe-XIIIe s. Les produits échangés avec la Méditerranée orientale peuvent être des produits de première nécessité pour les popula- tions (des céréales provenant des Balkans ou d’Asie mineure) mais sont aussi des marchandises particulièrement précieuses : des draps de haute qualité, des épices, de la soie et des pierres pré- cieuses qui peuvent elles-mêmes avoir été ache- minées d’Asie par caravansérails. Venise, avec ses galères et ses nefs qui sillonnent la Méditerranée, devient donc un acteur décisif du commerce médi- terranéen, un trait d’union entre l’Orient et l’Occident. 3. Comment se manifeste ici l’influence byzan- tine et l’enrichissement de la cité par le com- merce avec l’Orient ? L’influence byzantine est encore très sensible dans l’Italie du haut Moyen Âge où certains territoires sont sous domination byzantine (Exarchat de Ra- venne, Catépanat d’Italie) mais celle-ci se renou- velle entre le XIe et le XIIIe s. à travers les contacts noués entre Venise et l’Empire romain d’Orient. Les fines mosaïques coûteuses qui ornent l’ensemble de la basilique St-Marc constituent le témoignage le plus important de ces liens qui enri- chissent la cité de la lagune. Héritées de l’Antiquité gréco-romaine, les mosaïques des églises, racontent sur fond d’or, depuis le IVe s., les grands épisodes bibliques. Ce riche programme iconographique de St-Marc fut d’abord exécuté par des artistes grecs du XIe s. mais fut ensuite prolongé par des artistes vénitiens des XIIe et XIIIe s. : ceux-ci s’étaient formés à la technique et s’inspiraient de prestigieux manuscrits grecs dont la Genèse de Cotton qui, datée des Ve-VIe s., avait Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 12 été transférée à Venise après le sac de Constanti- nople en 1204, comme nombre d’objets liturgiques ou d’œuvres encore aujourd’hui dans la basilique (de prestigieux vases ornés de pierres précieuses parfois gravées, des reliquaires ou encore le qua- drige issu de l’hippodrome de Constantinople). 4. Montrez que l’enrichissement de Venise sus- cite des tensions dans l’Empire byzantin. Si le XIIe s. est souvent présenté comme le « siècle d’or » du commerce vénitien à Byzance, la pré- sence de nombreux marchands vénitiens enrichis par le commerce avec l’Empire devient une source de tensions, alors que les croisades dégradent les rapports diplomatiques entre les deux parties de la chrétienté. Ces violences réciproques sont à la fois documentées par les historiens grecs Jean Kinna- mos, Nicétas Choniates ou Eusthate de Thessalo- nique mais aussi par quelques témoignages de marchands vénitiens comme c’est ici le cas dans le document 3. Le basileus Jean II (1118-1143) avait commencé par refuser de confirmer les privilèges accordés par Alexis Comnène : il ne cède aux Vénitiens qu’en 1126, parce que ceux-ci ont mené une cam- pagne d’intimidation en Adriatique et en Égée, allant jusqu’à piller des villes côtières byzantines en 1124-1125. Bien que d’autres marchands ita- liens, de Pise et de Gênes, soient encouragés à concurrencer les Vénitiens dans l’Empire, la pré- sence de ces derniers ne cesse de s’accroître au cœur des villes portuaires de l’Empire, ce qui exaspère les élites byzantines : ces marchands latins s’enrichissent rapidement mais sont aussi jugés arrogants et peu respectueux de l’administration impériale souvent agacée des importants privilèges conférés aux Italiens. Ma- nuel Ier fait ensuite arrêter, en 1171, tous les mar- chands vénitiens de l’Empire, témoignant de l’efficacité policière de cet État impérial dont s’affranchissent trop régulièrement les marchands. L’événement le plus grave se situe onze ans plus tard, en 1182. Comme en témoignent Enrico Vidal et Giacomo Badoer dans le document 3, les mar- chands latins, au premier rang desquels les Véni- tiens, sont arrêtés, jetés en prison par le pouvoir (ici à Raidestos, près de la capitale de l’Empire) tandis que leur cargaison est saisie. Ce que le texte ne dit pas, c’est que les fonctionnaires impériaux qui arraisonnent le navire piloté par Domenico di Gregorio ne sont pas les seuls acteurs de ces vio- lences faites aux Latins : à Constantinople, la vio- lence populaire qui se déchaîne contre les mar- chands latins aboutit à des massacres, témoignant de la haine des Latins largement répandue dans la population byzantine (ce qui contribue à expliquer aussi, en partie, le sac de Constantinople en avril 1204, comme on l’a vu avec le doc. 4 p. 73). 5. Synthétiser La synthèse, dont le plan est déjà fourni, pourra être problématisée : comment l’essor de Venise en Méditerranée conduit-il à l’enrichissement de celle-ci mais aussi à la dégradation rapide de ses relations avec l’Empire byzantin ? Les élèves ayant travaillé sur les documents p. 72-73 pourront par ailleurs mettre à profit l’étude du chrysobulle de 1082 ou les documents sur le sac de 1204 pour bien comprendre les relations complexes qui se nouent tout au long du XIIe s. Itinéraire 2. - Les élèves travaillant à reconstituer le possible quotidien de Domenico Sisinulo devront mettre en avant son enrichissement lié au commerce dans l’Empire mais aussi sa capacité à agir et à transfé- rer biens et capitaux dans un large rayon d’action et son rôle au sein de la compagnie vénitienne pour laquelle il œuvre. - Les élèves travaillant au récit du quotidien d’un capitaine de navire devront se documenter sur la navigation en Méditerranée, les navires vénitiens utilisés en fonction des transports et des distances, les dangers qui menacent ces hommes aux vies intranquilles et parfois périlleuses. - Les groupes travaillant sur Enrico Vidal pourront être incités à retracer la genèse des tensions qui aboutissent aux arrestations et aux violences de 1182, un siècle après l’octroi du chrysobulle qui permit l’essor commercial de la cité vénitienne dans l’Empire. PASSÉ / PRÉSENT Pourquoi peut-on dire que la Méditer- ranée est un espace majeur de migra- tions ? > MANUEL PAGES 78-79 Réponses aux questions 1. Pourquoi Ibn Jubayr voyage-t-il ? Ibn Jubayr (1145-1217) est un fonctionnaire de cour et un grand savant d’Al Andalus connu pour ses Relations de voyages dans lesquelles il narre ses étapes de voyages jusqu’à la Mecque, lieu du pèlerinage que tout fidèle musulman doit effectuer au moins une fois dans sa vie. Son récit est édi- fiant car il nous permet de mieux saisir les rela- Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 13 tions entre musulmans et chrétiens dans le bassin méditerranéen mais aussi le dynamisme commer- cial des marchands italiens (en 1183, Ibn Jubayr s’embarque dans un navire génois pour gagner Alexandrie depuis Valence) ainsi que la dangerosi- té de la navigation au XIIe s. 2. D’après vos connaissances et en vous ap- puyant sur le texte 2, expliquez la présence en Orient de ces chrétiens. Ce célèbre extrait de la chronique de Foucher de Chartres (1046-1127) fait référence aux « Pou- lains », ces chrétiens durablement installés au Proche-Orient au terme de la croisade, dans le cadre des États latins d’Orient dont on a déjà pré- senté l’histoire – cf. Repères, doc. 2 p. 63. Em- blématiques d’une fusion culturelle entre Orient et Occident, ces « Poulains » devenus polyglottes et vivant de manière de plus en plus orientale, ayant souvent pris femme et fondé famille sur place, ne furent cependant pas très nombreux et ne doivent pas masquer la réalité des violences interconfes- sionnelles au Proche-Orient. 3. Quelles sont les principales destinations tou- ristiques en Méditerranée ? Les rives sud de la Méditerranée étant très ins- tables à cause d’un contexte politique tendu dans lequel les attentats se sont multipliés, les princi- pales destinations touristiques se situent à présent plus exclusivement sur les rives septentrionales de la Méditerranée : en Espagne, France, Italie, en Croatie, en Grèce ou en Turquie. Les îles méditer- ranéennes restent par ailleurs des destinations éminemment touristiques, alliant capital culturel (villes et sites historiques) et capital naturel (longues plages de sable, possibilités de randon- nées). 4. Montrez que la Méditerranée est une région ancienne d’échanges commerciaux. La Méditerranée est une région ancienne marquée par les échanges commerciaux : déjà importants sous l’antiquité gréco-romaine, les contacts com- merciaux moins nombreux au haut Moyen Âge s’intensifient entre les XIe et XIIIe s. Les mar- chands italiens qui prospèrent en Méditerranée et notamment dans sa partie orientale, à la suite des privilèges obtenus de l’Empire byzantin par les Vénitiens puis les Pisans et les Gênois profitent aussi de l’établissement des États latins d’Orient. Le document 1, montrant des marchands italiens embarquant pour Acre, rappellent ainsi la vitalité des échanges entre les grands ports méditerran- néens tandis que le document 2 relatant le mode de vie des « Poulains » dit, au-delà des modes de vie quotidiens influencés par l’Orient, leur pouvoir économique lié à la possession des terres et à l’activité marchande. Les grands ports méditerra- néens du document 4, s’ils ont dû affronter dans la seconde moitié du XXe s., les aménagements né- cessaires liés à la révolution de la conteneurisa- tion, ont donc bien souvent une activité fort an- cienne. 5. Quelles sont les motivations des migrants ? Les motivations des migrants sont multiples : elles peuvent être économiques et politiques comme elles l’étaient déjà chez les Francs établis dans les États latins d’Orient, descendants des croisés ve- nus libérer le tombeau du Christ mais par la suite installés sur les rives de la Méditerranée orientale. Au début du XXIe s., l’instabilité politique en Afrique et au Moyen-Orient (établissement d’un nouveau califat et d’un État autour de Daech qui, en refluant, essaime et propage le terrorisme isla- miste en plein essor depuis la fin du XXe s. ; ter- ribles guerres interconfessionnelles et intereth- niques en Afrique, guerre de Libye ou encore la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011) poussent des populations qui n’ont plus rien à perdre et souvent menacées de mort si elles restent dans leur pays à tenter de franchir la Méditerranée pour essayer de reconstruire une vie meilleure en Eu- rope. Les passeurs, souvent violents, s’enrichissent alors que le voyage est dangereux (les naufrages sont nombreux) et que l’accueil en Europe est de plus en plus compromis. Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde » Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 3 2. Quels pays participent à l’exploration de la route de l’Atlantique ? Quelles régions attei- gnent-ils ? Les pays participant à l’exploration de la route atlantique sont le Portugal, l’Espagne, l’Angleterre et la France. Ils atteignent les Antilles, l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud et une partie de l’Amérique du Nord. 3. Quels avantages ces pays tirent-ils de leur empire colonial ? La carte 2 montre que la colonisation est une en- treprise lucrative car on identifie des mines exploi- tées de métaux précieux, ainsi que des plantations de cannes à sucre. Tout cela fait l’objet d’un commerce international. L’autre apport est reli- gieux car la multiplication des cités épiscopales montre l’emprise grandissante du catholicisme. COURS 1 Voyages d’exploration et connais- sance du monde › MANUEL PAGES 90-91 Réponses au Testez-vous ! Pourquoi entreprendre des voyages d’exploration ? Les voyages d’exploration sont dictés par plu- sieurs facteurs : découvrir de nouvelles routes commerciales et de nouveaux produits, mais aussi de nouvelles terres et peuples qu’il sera possible de convertir au catholicisme. Quelles connaissances géographiques sont transformées par ces explorations ? Avant ces explorations, les connaissances géogra- phiques étaient dominées par la géographie ptolé- méenne (trois continents) et la vision biblique du paradis terrestre. Les explorations apportent des précisions cartographiques et permettent d’intégrer un quatrième continent aux représentations du monde. Quels sont les pays en compétition pour le par- tage du monde ? Les pays en compétition pour le partage du monde sont principalement l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre et la France. COURS 2 L’organisation des empires coloniaux des Amériques › MANUEL PAGES 92-93 Réponses au Testez-vous ! Quels sont les principales étapes et les acteurs de la conquête des Amériques ? La conquête commence avec Cortès, conquistador espagnol en 1519 qui réussit à faire tomber la capitale aztèque. Elle s’étend ensuite vers l’empire inca dans les années 1530 avec Pizarro. Progressi- vement, Espagnols et Portugais s’installent sur différentes parties et construisent « les Amé- riques ». Quelles sont les conséquences de la conquête pour les peuples indigènes ? La conquête est d’une extrême violence pour les populations indigènes. Leurs territoires sont pillés et confisqués dans le cadre des encomiendas. Les rares indigènes ayant survécu à la conquête sont réduits en esclavage. Quels sont les bouleversements économiques en Europe ? L’Europe tire des bénéfices immédiats de la con- quête grâce à l’afflux de métaux qui permet d’augmenter la quantité de monnaie en circulation. L’Espagne et le Portugal s’enrichissent considéra- blement ; les rivalités économiques entre États européens augmentent. COURS 3 Les conséquences de la colonisation › MANUEL PAGES 94-95 Réponses au Testez-vous ! Quels sont les peuples présents en Amérique à la veille de la conquête ? À la veille de la conquête on trouve en Amérique les empires maya, aztèque et inca, ainsi qu’une centaine de peuples différents. Comment ces peuples ont-ils été traités ? L’arrivée des conquistadors s’accompagne de violences extrêmes vis-à-vis des populations indi- gènes : massacres, réductions en esclavage et sur- tout transmission de maladies qui déciment les indigènes non immunisés. Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde » Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 4 Comment s’est posée et a été tranchée la ques- tion de leurs droits ? La question des droits des indigènes se pose dès le début et donne lieu à des correspondances impor- tantes entre la papauté et autres dignitaires reli- gieux. C’est finalement lors de la controverse de Valladolid qu’elle est tranchée par la reconnais- sance de l’humanité des Amérindiens. DOCUMENTS Les voyages de découvertes et l’ouverture atlantique > MANUEL PAGES 96-97 La double page a pour vocation de montrer à la fois ce qui rend possible les voyages de décou- vertes, notamment les progrès scientifiques, mais aussi le déroulé de ces voyages, leur importance et les traces dont nous disposons pour les connaître. Les documents iconographiques sont des gravures ou illustrations d’époque qui témoignent de la conscience des bouleversements en cours. Les textes, eux, permettent de saisir le quotidien d’un voyage d’exploration ainsi que les enjeux diplo- matiques que tout cela soulève. Réponses aux questions 1. Localisez les principales étapes des voyages de Christophe Colomb. Christophe Colomb a accompli quatre voyages entre 1492 et 1504. Le premier le mène aux Ba- hamas et les trois suivants lui font arpenter les îles des mers Caraïbes, et notamment Cuba. 2. Quels progrès techniques ont facilité les ex- plorations ? Les progrès techniques ayant facilité les explora- tions tiennent essentiellement à la connaissance des mers, à l’orientation et à la maniabilité des navires. Les caravelles, navires plus petits, sont facile à conduire et plus rapides. Les progrès ef- fectués dans les calculs des longitudes (table de longitude) et dans la confection des boussoles rendent les voyages moins aléatoires et permettent à leur tour d’effectuer des relevés géographiques améliorant la cartographie. 3. Comment Colomb décrit-il son voyage puis le premier contact avec les populations rencon- trées ? Christophe Colomb décrit ses premiers contacts avec les populations amérindiennes comme s’il s’agissait d’un peuple pur et primitif. Il insiste sur des détails physiques (nudité, cheveux, la couleur de peau) et sur l’atmosphère générale d’innocence qui se dégage de la scène générale de rencontre. 4. Pourquoi les États européens sont-ils en con- currence pour les explorations ? L’Espagne et le Portugal se livrent à une véritable course aux explorations. Le texte évoque la raison commerciale : il s’agit d’ouvrir des routes incon- nues afin d’avoir accès aux richesses d’or et d’épices, notamment asiatiques. Les deux royaumes jouent ainsi leur influence économique en Europe et dans le monde. 5. Montrez que ces voyages traduisent un désir d’exploration autant qu’un objectif de con- quête. L’ensemble des documents témoignent bien des deux aspects principaux motivant les explorations du XVIe siècle : la soif d’exploration, et l’objectif de conquête. Les outils techniques de navigation ont été améliorés pour permettre d’aller plus loin, plus vite, et à moindre risque. Les monarchies espagnoles et portugaises savent que le maintien de leur influence passe par le contrôle de toujours plus de routes commerciales, afin d’accentuer le commerce des épices mais aussi d’accéder à plus de quantité d’or. Dans le journal de Christophe Colomb, le désir de conquête n’est pas flagrant mais le souci de retranscrire son aventure cons- ciencieusement, les tentatives successives de voyages et la description fascinée de son premier contact avec les populations montrent que la cu- riosité l’anime. En réalité, à cette époque, les deux finalités des explorations sont indissociables. DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Comment les cartes anciennes per- mettent-elles aux historiens de mesu- rer les transformations des représen- tations du monde ? > MANUEL PAGES 98-99 Ces deux documents peuvent être analysés comme des sources géo-historiques. La géohistoire con- siste à mêler les approches spatiales et temporelles pour analyser un phénomène. Ici, ce sont deux représentations cartographiques, à quelques an- nées d’intervalle, mais qui rendent compte à la Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde » Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 5 fois de la façon dont on imaginait le monde et dont on souhaitait en laisser trace, mais aussi des avan- cées lentes et progressives de la connaissance géo- graphique. Ces deux cartes permettent ainsi de faire l’histoire des sciences et techniques tout au- tant que de l’histoire culturelle. Elles témoignent d’univers géographiques autant que d’univers mentaux. Réponses aux questions 1. Montrez la précision des connaissances géo- graphiques de Teixeira en 1573. Le portulan de Teixeira a été réalisé en 1573. Il est surprenant de précision. On y trouve représentés des éléments de nature politique tant que géogra- phique. Ainsi, le partage de Tordesillas de 1494 séparant les possessions espagnoles des posses- sions portugaises figure-t-il sur le document. Les continents sont bien dessinés, avec des précisions sur les fleuves mais surtout un souci du détail quant au découpage des côtes. Les lignes de vents sont également mentionnées pour faciliter l’orientation. Enfin, on comprend le caractère con- currentiel des revendications territoriales grâce à la mention des différents blasons européens et à la présence de caravelles portugaises. 2. Comment peut-on les expliquer ? La cartographie est un enjeu de pouvoir à l’époque. Maîtriser les connaissances géogra- phiques permettait en effet de pousser toujours plus loin les explorations et donc les débouchés économiques. C’est pourquoi les cartes étaient gardées précieusement, sous le contrôle du roi. Les cartographes étaient ainsi dotés d’une véritable responsabilité : assurer la renommée du royaume de tutelle. La carte devient un instrument politique et centralise le plus d’informations utiles possible. 3. À quoi peut-on identifier la mainmise des Espagnols et Portugais sur une grande partie des continents américain et africain ? La carte est emplie de blasons à l’effigie de l’Espagne ou du Portugal qui témoignent de la concurrence que se livrent ces deux puissances pour la mainmise sur les territoires. De même, une caravelle portugaise est représentée au sud-est du continent africain. 4. En comparant les deux cartes, montrez les avancées des connaissances géographiques et de leurs représentations au cours du XVIe siècle. La seconde carte est attribuée à Christophe Co- lomb. C’est un détail d’une carte beaucoup plus grande. On constate que ne sont représentés que trois continents à la manière de la géographie pto- léméenne. Par ailleurs, la dimension religieuse est importante et se lit à travers la représentation des sphères célestes qui accentuent le caractère central de la Terre aux confins de laquelle se trouve le paradis terrestre. Les différences avec le portulan Teixeira sont flagrantes car ce dernier a davantage le souci du détail et de la vérité. Entre-temps, le continent américain a fait son apparition et la re- présentation de la Terre sous la forme d’un planis- phère s’est imposée. Même s’il subsiste quelques détails religieux dans le portulan (représentation de Jérusalem et du Golgotha), on voit bien que le souci de la précision l’emporte. Les éléments natu- rels (fleuves, reliefs) sont dessinés et les côtes sont ponctuées de repères. On mesure que le portulan vise vraiment à améliorer l’orientation des naviga- teurs et qu’il se présente comme un outil scienti- fique et politique quand la carte de Colomb montre une représentation plus spirituelle du monde. DOCUMENTS La violence de la conquête / Divisions et résistances des Amérindiens > MANUEL PAGES 100-101 Les deux pages font miroir et se répondent afin de montrer l’ampleur de la violence de la conquête mais aussi les formes de résistance et les divisions qui sont à l’origine de la victoire finale des con- quérants. La première image montre la conquête de Cuzco en 1532 et le texte évoque l’un des nombreux massacres, ici à Caonao, sur l’île de Cuba, relaté par Bartolome de Las Casas. La question incite à croiser les deux documents pour déterminer les manifestations de cette ex- trême violence. En suivant les conseils méthodologiques, on peut répondre à la question de la manière suivante. La violence de la conquête Les Espagnols qui entreprennent la conquête le font à la suite des premiers arrivants, aux Ca- raïbes, notamment Christophe Colomb, qui n’ont pas tenu compte de l’hospitalité préalable des populations locales et ont préféré procéder par la force pour s’emparer des territoires et surtout de leur richesse en or. Chronologiquement, c’est avec le texte de Bartholomé de Las casas qu’il faut Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde » Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 8 convaincre qu’il n’y a rien de moralement repro- chable dans ceci car les Amérindiens sont nés pour être esclaves. Deux visions s’affrontent ainsi au cœur desquelles se joue la légitimité de la con- quête, de la colonisation, et surtout de la conver- sion forcée au christianisme des Indiens. Afin d’adopter une décision officielle et définitive, l’Empereur Charles Quint, un proche de Sepùlve- da, organise une controverse à Valladolid où doi- vent être discutées ces questions. Les arguments mobilisés sont donc l’occasion de saisir différentes visions de l’humanité portées par deux dignitaires religieux, et de comprendre en creux comment s’instaure l’idée d’une inégalité des races devant servir la cause coloniale. Réponses aux questions 1. Que montre le codex sur le traitement des Amérindiens ? Le codex représente un encomendero espagnol, c’est-à-dire un propriétaire d’esclaves dans le cadre d’un territoire attribué officiellement par le Roi. Les encomiendas sont les premières formes d’esclavagisme colonial. Le maître a tout pouvoir sur ses esclaves. Ici, on le voit torturer des es- claves possiblement égorgés comme en témoignes la représentation du sang qui coule. 2. Quelle est la position de la papauté sur l’humanité des Amérindiens ? En 1537, la papauté publie une bulle (prise de position publique du pape ayant caractère de loi pour l’Église) dans laquelle il reconnaît l’humanité des Indiens. Cela s’explique aussi par son désir de les convertir au christianisme. À quoi bon tenter de convertir ce qui n’est pas humain ? Cette déci- sion est donc surtout un appel intéressé à la prédi- cation. 3. Quelles sont les positions respectives de Las Casas et Sepùlveda sur la légitimité de la con- quête et la réduction en esclavage des Amérin- diens ? Pour Bartolomé de Las casas (document 4), la conquête n’est pas admissible car il est tout à fait possible de convertir sans violence, ce que, du reste, les Chrétiens font déjà dans d’autres con- trées explique-t-il. La violence à l’encontre des Indiens doit donc cesser. Pour Sepùlveda (document 3), c’est le contraire. Il tente de montrer que les Indiens sont nés pour être esclaves et qu’ils auraient ainsi intériorisé complè- tement leur situation d’infériorité. Dès lors, les conquérir n’a rien de moralement répréhensible et il faut poursuivre la politique telle quelle. 4. Quel est l’objectif final commun du pape et de Las Casas ? Comme pour le pape, la position de Bartolomé de Las Casas relève surtout de la légitimation de la mission religieuse de conversion qui accompagne toute colonisation. Le document 5 en témoigne car on y voir un moine baptisant un Aztèque de ma- nière apparemment assez brutale. 5. Synthétiser La controverse de Valladolid est un moment im- portant de mise au jour des positions et politiques européennes confrontées à l’altérité radicale. On voit bien que s’entremêlent des considérations humaines, morales, religieuses et stratégiques. Le problème est complexe car il en va de l’avenir de la puissance européenne et notamment espagnole. La conquête s’est faite par des violences considé- rées comme légitimes et normales. Pourtant, la vie au contact de ces populations a fait naître chez certains Européens des doutes : ces populations n’aiment-elles pas leurs enfants comme les autres ? Ne montrent-elles pas des signes d’intelligence ? d’organisation ? etc. C’est ce pragmatisme du quotidien qui a réinterrogé les certitudes sur la légitimité de la conquête et colo- nisation. Ces aspects sont donc au cœur de la con- troverse. Itinéraire 2 Préparer un exposé oral Pour un exposé oral, il faut s’approprier les idées principales à développer publiquement. Cela sup- pose un travail de préparation sous la forme de fiches qui recensent les principaux arguments. Ici, on donne les trois étapes. Il suffit donc soit de faire un tableau, soit des petites fiches correspon- dant à chacune des étapes : - les violences faites aux Amérindiens : enco- mienda, torture, conversions forcées ; - arguments et objectifs de Bartolomé de Las Ca- sas : ce sont des humains dotés de morale et rai- son. Il faut les convertir par la persuasion et cesser l’usage de la force ; - arguments et objectif de Sepùlveda : ce sont des êtres inférieurs par nature : cela ne sert à rien de chercher la persuasion douce, il faut poursuivre la conquête et convertir sans états d’âmes. Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde » Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 9 DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Traite négrière portugaise et écono- mie de plantation > MANUEL PAGES 106-107 Les Portugais sont les précurseurs de la traite né- grière transatlantique qui commence à la fin du XVe siècle. Ils passent par des étapes intermé- diaires en instaurant des comptoirs de fabrication et exportations de sucre dans les îles de Madère, canaries, Açores, Cap vert et à Sao-Tome. Les premiers navires partaient donc longer la côte atlantique africaine pour aller capturer des es- claves qui étaient amenés sur ces îles ou au Portu- gal lui-même, notamment à Lisbonne qui devient une ville peuplée de nombreux Noirs dont certains sont même affranchis. À la suite de la conquête du Brésil littoral, les esclaves sont progressivement amenés à travers l’Atlantique. Ils exploitent le bois puis la canne à sucre dans le cadre de plantations qui deviennent les principales sucreries chargées d’approvisionner l’Europe. Le nombre d’esclaves est multiplié par dix tout au long du XVIe siècle. Au siècle suivant, le relais sera pris par les autres puissances européennes, lançant le plus gros trafic commercial d’êtres humains de l’histoire de l’humanité. Réponses aux questions 1. Localisez les possessions portugaises dans l’Atlantique aux XVe-XVIe siècles. La carte permet de localiser les possessions portu- gaises dans l’Atlantique qui forment un Empire au XVIe siècle. Les premiers territoires sont littorali- sés tout le long de la côte ouest-africaine et s’étendent progressivement vers l’Ouest Atlan- tique jusqu’au Brésil qui devient une colonie. 2. Relevez les raisons de la capture d’esclaves à cette date. Le document 3 expose les raisons pour lesquelles il est décidé d’amplifier la capture d’esclaves. Il s’agit d’emblée de pratiquer le commerce (rachat et servitude) d’êtres humains qualifiés de « créa- tures ». 3. Montrez que Lisbonne est une ville ouverte sur le monde. Plusieurs indicateurs permettent de mesurer le niveau d’ouverture sur le monde de la ville de Lisbonne. La carte 1 montre les nombreuses routes maritimes qui en partent en direction des côtes africaines, des îles atlantiques et du Brésil. Par ailleurs, le texte 3 témoigne d’une volonté du sou- verain portugais d’en savoir davantage sur les habitants des contrées lointaines ; enfin, le docu- ment 4 rend compte du caractère cosmopolite de la ville de Lisbonne puisqu’on distingue sur la partie du tableau, des populations noires, hommes et femmes, totalement intégrées à la vie urbaine. Ce peuvent être des esclaves mais aussi des affran- chis. 4. Pourquoi la traite négrière connaît-elle un essor au XVIe siècle ? La traite négrière connaît un essor au XVIe siècle pour plusieurs raisons. La première est le choix du souverain d’accentuer la capture d’esclaves puisqu’il en a compris l’opportunité en termes de profits. La seconde est liée à l’ouverture vers l’Atlantique depuis les explorations et la volonté portugaise de s’arroger une partie de l’empire colonial en construction. La prise de possession du Brésil lui donne alors l’opportunité d’un colossal changement d’échelle pour le trafic d’esclaves et du sucre. La mise en place de sucreries est de plus en plus demandeuse de main-d’œuvre et incite à augmenter le trafic. 5. Synthétiser Lisbonne, capitale du Portugal, a connu son siècle d’or au XVIe siècle. C’est à la fin du XVe siècle que le royaume décide d’intensifier son commerce en mettant à contribution ses déjà nombreux comptoirs de la côte ouest africaine. Le roi décide de saisir l’opportunité d’une main-d’œuvre gra- tuite en amplifiant l’achat et la revente d’esclaves africains. Des îles se spécialisent dans la produc- tion de sucre mais le rayon d’action du Portugal augmente au fur et à mesure de l’avancée de leurs rivaux espagnols. Le continent américain devient le nouveau débouché du trafic d’esclaves dès que les Portugais s’installent au Brésil. Ce faisant, c’est un immense empire commercial reposant sur des comptoirs et sur une première colonisation qui s’officialise au XVIe siècle. Itinéraire 2 Réaliser un schéma Traite négrière portugaise Les causes de la traite : décision royale quête du profit colonisation du Brésil Les conséquences au Portugal, Afrique, Amériques : Lisbonne cosmopolite enrichissement de Lisbonne multiplication des comptoirs commerciaux colonisation du Brésil esclavagisme colonial Personnes impliquées : souverain espagnol navigateurs marchands propriétaires d’esclaves vendeurs africains Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde » Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 10 PASSÉ / PRÉSENT Comment les épidémies dans l’histoire permettent-elles d’interroger la mon- dialisation ? > MANUEL PAGES 108-109 Les maladies sont l’une des causes de la dispari- tion de la plupart des Amérindiens en moins d’un siècle. C’est l’occasion d’interroger les épidémies comme l’un des vecteurs de la mondialisation hier et aujourd’hui puisqu’il y a bien, comme pour les hommes, animaux, produits, des mouvements de circulations. Les épidémies poussent à décloison- ner nos analyses car les maladies ne s’encombrent pas des frontières. À l’échelle du monde, et sur le temps long, les épidémies ont contribué aux grandes transformations mondiales mais aussi aux progrès de la connaissance médicale et thérapeu- tique. Réponses aux questions 1. Comment sont décrits l’évolution de l’épidémie de variole et ses effets sur les Amé- rindiens ? L’épidémie de variole est décrite dans ce dessin par les symptômes les plus spectaculaires : l’apparition de tâches et pustules rouges qui cou- vrent le corps entier. À ce stade de la maladie, le mal est fait depuis longtemps. Les victimes repré- sentées semblent également éprouver une grande souffrance. 2. Pourquoi les maladies sont-elles liées à la conquête espagnole ? Les maladies sont liées à la conquête espagnole car le virus responsable de la variole a été amené par les Européens. Mais ce n’est pas la seule ma- ladie dont meurent les Amérindiens même si elle est la plus spectaculaire. Ces derniers sont aussi morts de syndromes grippaux face auxquels ils n’avaient développé, contrairement aux Euro- péens, aucun anticorps. 3. Expliquez cette phrase du doc 5 : « Les mala- dies infectieuses sont les compagnes éternelles de l’histoire humaine ». Le texte revient sur les principales pandémies (épidémie de grande ampleur) qui ont touché l’humanité depuis l’ère préhistorique. Il va de soi que les virus et microbes, en tant qu’organismes vivants et souvent transportés par des animaux et humains, n’ont cessé d’accompagner les princi- pales étapes de développement de l’humanité et de l’écosystème en général. Certains ont muté, d’autres ont disparu, d’autres apparaissent. Il y a, à l’échelle de l’histoire de l’humanité, une relation permanente entre les maladies et les êtres hu- mains. 4. Montrez que la maladie doit être, au même titre que les autres échanges, prise en compte pour comprendre le phénomène de mondialisa- tion. On appelle mondialisation l’intensification des échanges et des circulations à l’échelle mondiale. La mondialisation repose sur des acteurs et des vecteurs qui agissent dans différents domaines. On a coutume de penser aux marchandises, aux êtres humains et aux modes de transports favori- sant toutes ces circulations. Toutefois, les mala- dies accompagnent toutes ces dynamiques. L’amplitude des épidémies est donc aussi un si- gnal du fonctionnement de l’humanité à un mo- ment donné : quels contacts, quelles formes de relations ? Quels comportements démogra- phiques ? Quels progrès médicaux ? On voit bien d’ailleurs que toute prévention ou thérapie appelle une coopération internationale si l’on veut réduire les risques. C’est le rôle désormais de l’Organisation Mondiale de la Santé. Le phéno- mène de mondialisation n’est donc pas compré- hensible sans l’intégration de ces données médi- cales. Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 3 COURS 1 L’humanisme, un renouveau intellec- tuel › MANUEL PAGES 120-121 Réponses au Testez-vous ! Quel est le rapport des humanistes à l’Antiquité ? Si le Moyen Âge n’a pas ignoré les œuvres et la pensée de l’Antiquité, c’est à la Renaissance que l’on débarrasse les textes anciens des erreurs de copie ou d’interprétation héritées de la période médiévale. On découvre aussi de nouveaux ma- nuscrits. La redécouverte de Platon, de livres in- connus d’Aristote, des textes scientifiques d’Euclide constituent un tournant dans la pensée européenne. Le mécénat des princes encourage la constitution de bibliothèques et d’académies qui contribuent à la diffusion de ces textes et de ces savoirs. Quelles sont les caractéristiques de la pensée humaniste ? La pensée humaniste repose sur la redécouverte des textes et de la pensée antique et sur l’affirmation de la dignité humaine. Les huma- nistes expriment leur confiance dans la nature humaine : si l’homme est une image imparfaite de Dieu, il peut atteindre la perfection par la connais- sance. L’homme se découvre libre d’entreprendre, de raisonner, d’innover, de créer. Une éducation nouvelle, à la fois intellectuelle, morale et phy- sique, doit permettre cet épanouissement des qua- lités humaines. Les hommes de la Renaissance posent les bases d’une méthode scientifique fondée sur l’observation et l’expérimentation. Ils sont con- vaincus que la nature obéit à un mécanisme que le savant peut mettre à jour et n’hésitent pas à re- mettre en cause les connaissances du Moyen Âge. La démarche scientifique de la Renaissance est faite de curiosité, d’observation et d’esprit cri- tique, mais il n’y a pas à proprement parler de révolution scientifique. Par leur culte des Anciens, les humanistes freinent parfois le développement des idées nouvelles qui rencontrent aussi l’opposition de l’Église. Les mathématiques sont autant utilisées pour les recherches métaphysiques que comme instrument de mesure. Le mystère et l’irrationnel continuent de dominer la pensée (ex : astrologie, alchimie). Même la révolution coperni- cienne ne connaît qu’une faible diffusion. Cepen- dant, la Renaissance est une époque inventive et accouche de méthodes originales d’observation, de classification et de calcul qui annoncent la science moderne. Comment les idées humanistes se diffusent- elles ? Les idées humanistes se diffusent grâce au déve- loppement de l’imprimerie et des échanges et à l’appui des mécènes. Certains princes créent pour les humanistes des universités nouvelles. Des rela- tions régulières s’établissent entre les humanistes européens grâce à leurs voyages, leur enseigne- ment, leurs correspondances. Ils constituent entre eux une sorte de République des lettres. COURS 2 Arts et artistes de la Renaissance › MANUEL PAGES 122-123 Réponses au Testez-vous ! Pourquoi peut-on dire que l’art de la Renais- sance est un prolongement de l’humanisme ? Sous l’influence des humanistes, les artistes redé- couvrent l’Antiquité et s’en inspirent. Ils donnent une nouvelle place à l’individu, comme en té- moigne l’essor du portrait, en cherchant à montrer les sentiments et l’univers intime de leurs person- nages. Ils privilégient également une représenta- tion plus humanisée du divin. Comment évolue le statut de l’artiste ? L’artiste de la Renaissance, polyvalent, qui tra- vaille au service des puissants (mécènes), voit son statut évoluer. Considéré au départ comme un artisan, il acquiert peu à peu une plus grande liber- té. Il est de moins en moins considéré comme un travailleur manuel et de plus en plus comme un créateur. Il se met à signer ses œuvres et à se re- présenter sur ses toiles. Quels sont les foyers majeurs de la Renaissance artistique ? Comment s’est-elle diffusée en Eu- rope ? Le renouveau artistique se manifeste d’abord en Italie et en Flandre, avant de gagner toute l’Europe, notamment grâce à la mobilité des ar- tistes. Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 4 COURS 3 Les réformes protestante et catho- lique › MANUEL PAGES 124-125 Réponses au Testez-vous ! Quels sont les facteurs qui ont mené à la Ré- forme protestante ? Les humanistes, par leur travail sur les textes bi- bliques, ont mis en évidence des erreurs de traduc- tion et d’interprétation véhiculées par l’Église catholique. Ils ont ainsi ouvert la voie à la Ré- forme. En outre, le XVe siècle est marqué par un climat d’inquiétude, de crainte pour le salut. Le culte traditionnel ne semble plus suffire aux fi- dèles qui multiplient les œuvres et qui, pour cer- tains, recherchent une pratique plus individuelle, par la prière et la lecture des textes religieux. Le clergé catholique est alors la cible de critiques : on reproche à certains de ses membres leur avidité ou encore leur ignorance. À cela s’ajoute le scandale des indulgences. En quoi consiste cette Réforme et où se diffuse- t-elle ? Le moine allemand Martin Luther dénonce les abus, l’autorité et la hiérarchie de l’Église et af- firme que les hommes ne peuvent être sauvés que par leur foi et non par les œuvres. Il propose un nouveau culte, plus simple, en langue nationale, où il ne conserve que deux sacrements, le baptême et la communion. Jean Calvin propose une Réforme encore plus radicale. Selon lui, Dieu choisit les hommes qu’il prédestine au salut. Après avoir fui la France, il organise à Genève une Église très disciplinée et d’une grande rigueur morale. En Allemagne, les princes sont peu à peu gagnés aux idées de Luther et réclament la liberté de religion, accordée en 1555 par Charles Quint. En Angle- terre, la crise religieuse sert les ambitions person- nelles du roi, hostile au pape. En France, aux Pays- Bas, en Écosse, les réformés adoptent la doctrine de Calvin, qui leur adresse des conseils pour orga- niser leurs Églises et leurs cultes. Le retour à l’authenticité de la Bible et à la simplicité du mes- sage des Évangiles est favorisé par le développe- ment de l’imprimerie qui permet la diffusion des Bibles et traités religieux en langues nationales. Quelle a été la réaction de l’Église catholique ? L’Église et les princes catholiques organisent la répression. En Espagne et en Italie, les tribunaux de l’Inquisition s’emploient avec succès à lutter contre les hérétiques. En France éclatent des guerres sanglantes, opposant catholiques et protes- tants. Le pape s’appuie sur les jésuites qui mènent des missions de reconquête des esprits. L’Église catholique entreprend aussi une œuvre de rénova- tion lors du concile de Trente, entre 1545 et 1563. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Érasme, « prince des humanistes » > MANUEL PAGES 126-127 Réponses aux questions 1. Doc 2. Que reproche Érasme à la période médiévale ? Décrivez la méthode qu’il utilise pour travailler sur le texte de saint Jérôme. Ce texte est issu de la lettre-dédicace à William Warham, archevêque de Canterbury, qui sert de préface à la première édition des lettres de Jérôme en 1516, à Bâle, chez l’imprimeur Froben. Saint Jérôme constitue alors pour les humanistes et tout particulièrement pour Érasme, un modèle d’érudition, d’éloquence et de sainteté. C’est aussi en 1516 qu’Érasme publie une nouvelle traduction latine du Nouveau Testament. Les extraits proposés ici illustrent les deux parties de cette longue lettre-dédicace. La première con- siste en une analyse mythifiée du rapport des An- ciens aux ouvrages érudits. La seconde partie, quant à elle, rapporte les étapes successives du rétablissement et de l’édition des lettres de Saint Jérôme. Le premier extrait illustre le rapport d’Érasme et plus largement des humanistes à la période médié- vale, considérée comme un âge de barbarie, ou- blieux des grandes œuvres de l’Antiquité, de l’élégance et de la maîtrise des langues grecque, latine et de l’hébreu. C’est dans le rapport aux textes que se manifeste d’abord la critique humaniste : les lettrés du Moyen Âge ne lisaient pas les textes originaux des Anciens, les avaient déformés afin de servir leurs propres usages et avaient multiplié les erreurs de lecture et d’interprétation. Ainsi, la critique de l’approche médiévale des textes amène les humanistes comme Érasme à vouloir retourner à la pureté des sources. Cette restitution des belles lettres suppose ainsi d’épurer les œuvres de l’Antiquité en éliminant les erreurs accumulées au Moyen Âge. La philologie domine les recherches humanistes, les érudits s’attachant à repérer et supprimer les erreurs de transcription et à livrer une édition critique des textes. Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 5 L’édition des lettres de Jérôme commence pour Érasme par une entreprise de recomposition et de recollection du texte original. Avant de commen- cer à traduire le texte et à le commenter, Erasme s’est procuré différents exemplaires des lettres, pour la plupart en mauvais état, qu’il a comparés entre eux. C’est par une étude comparatiste, cri- tique et philologique qu’Érasme entend retrouver un texte débarrassé de ses erreurs. La méthode d’Érasme, dans la mesure où elle est extrêmement rigoureuse nécessite pour lui de faire appel à d’autres érudits, tels que les fils Amerbach à qui il rend grâce dans sa lettre-dédicace. 2. Doc 3. Quelle est sa conception de l’éducation ? En quoi est-ce une conception humaniste ? Les humanistes mettent l’Homme au centre de leurs préoccupations et de l’univers. Par la puis- sance de son esprit, il a la capacité de penser par lui-même et de prendre en main son destin. Par son intelligence, il doit se perfectionner. L’éducation est donc primordiale pour les huma- nistes qui prônent de nouvelles formes d’enseignement. Les humanistes, dont Érasme (que J.-C. Margolin appelle le « précepteur de l’Europe ») ont consacré de nombreux écrits à la question de l’éducation et de la pédagogie. Dans ses ouvrages, Érasme critique les méthodes d’enseignement traditionnelles et préconise ici une sélection des contenus enseignés au regard de l’âge de l’élève, le recours à des méthodes lu- diques pour les plus jeunes, nécessitant la bienveil- lance et l’habileté pédagogique du maître. L’élève doit ainsi découvrir le plaisir de l’étude. 3. Doc 4. Comment Dürer cherche-t-il à faire le portrait d’un grand humaniste ? Cette gravure au burin, réalisée par Albrecht Dürer (1471-1528), célèbre peintre-graveur allemand, est un portrait d’Érasme, vêtu d’une toge de profes- seur. On notera son regard concentré, la sévérité et le sérieux de son visage, marqué par les rides (il est alors à la fin de sa vie). L’atmosphère est stu- dieuse et dépouillée. Au premier plan, des livres épais et reliés, objets d’étude (marque-page dans l’ouvrage de droite). Érasme est installé à sa table de travail, utilisant un écritoire pour rédiger une lettre. Seul le vase fleuri égaie un peu la scène : ce bouquet de violettes et de muguet symbolise la fragilité de l’apparence et de la vie terrestre. Au fond est placé un cadre sur lequel sont rédigées des inscriptions en latin et en grec signifiant : « portrait d’Érasme de Rotterdam, dessiné d’après nature par Albrecht Dürer. La meilleure image de lui, ses écrits la montreront, 1526 » (on y trouve également le monogramme du peintre, l’œuvre illustrant ainsi le statut nouveau de l’artiste à la Renaissance). On trouve donc ici la référence à la redécouverte de l’Antiquité qui constitue l’un des fondements de la pensée humaniste. D’autres por- traits d’Érasme, le plus souvent à sa table de tra- vail, dans son studiolo, ont été réalisés par les peintres Hans Holbein et Quentin Metsys. 4. Doc 1 à 3. De quelles manières Erasme parti- cipe-t-il à la diffusion des savoirs et des idées humanistes ? Érasme nous a légué une œuvre monumentale à la fois en tant qu’éditeur, traducteur, commentateur et écrivain. Il a en effet traduit de nombreux textes anciens païens et chrétiens (doc 1) ; il a écrit des livres de pédagogie et de morale (Adages, L’Eloge de la folie), des ouvrages de conseils aux princes (L’Institution du prince chrétien). Éternel voyageur, il passe la plus grande partie de sa vie à circuler entre les grands centres de l’humanisme, en Italie, en Angleterre, en Suisse, en France, dans le Saint Empire. Il y enseigne, étudie, écrit et rencontre de très nombreuses per- sonnalités : des érudits comme Budé (un des fon- dateurs du Collège royal de Paris), des théologiens humanistes comme Lefèvre d’Etaples (le premier traducteur de la Bible en français), des philo- sophes comme Thomas More, des éditeurs comme Josse Bade, Johannes Froben et Alde Manuce, des artistes comme Quentin Metsys ou Albrecht Dürer ; il entretient avec eux une très abondante correspondance. Les documents proposés illustrent ces différents aspects de la vie d’Érasme (sa correspondance, ses voyages, son travail intellectuel), l’importance des relations qu’il a nouées dans différents pays d’Europe, et ainsi l’influence dont il jouit. Les humanistes correspondent entre eux, voya- gent, se rencontrent dans les universités, les aca- démies ou les ateliers d’imprimerie. Ils donnent ainsi naissance à une République des lettres, c’est- à-dire une communauté d’intellectuels unis par l’échange des connaissances et des réflexions. La carte des voyages d’Erasme (doc. 1) met en évi- dence ces grands foyers de l’humanisme autour desquels s’organise la République des lettres. 5. Synthétiser À partir de vos réponses aux questions, rédigez un texte structuré montrant pourquoi Érasme est une figure emblématique de l’humanisme. On peut organiser le texte autour des idées sui- vantes : Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 8 3. Doc 1 et 4. Quelle est la place de l’humain dans cette œuvre ? Pourquoi peut-on dire que Michel Ange s’inspire de la pensée humaniste ? Sur la fresque qui orne la voûte de la Sixtine, Mi- chel-Ange interprète le texte de la Genèse comme un mythe sur l’origine de l’homme. L’artiste envi- sage la création et le péché comme des drames de l’humanité entière. La doctrine néo-platonicienne le porte à une conception de l’homme qui se rat- tache à une pensée profondément intérieure. La position centrale de l’épisode de la création d’Adam est délibérée et fait figure de symbole. La scène est centrée sur Adam et Dieu le père. On notera l’utilisation d’un « effet-miroir » qui ren- voie au passage de la Genèse (I, 27) : « Dieu créa l’homme à son image ». Daniel Arasse, dans son ouvrage, Le sujet dans le tableau, écrit à ce sujet : « l’effet de miroir, magnifie la créature « à l’image de Dieu » et [symbolise] la participation de l’homme à l’essence divine ». L’artiste a disposé les masses de façon à concentrer l’attention du spectateur sur le contact entre les deux doigts, celui de Dieu, vigoureux et puissant, et celui d’Adam, encore inerte, prenant vie sous l’effet de l’esprit divin. L’œuvre met particulièrement en valeur les corps : Adam est représenté sous les traits d’un adolescent nu, exprimant à la fois un idéal esthétique et une valeur morale répondant à l’idée qu’un beau corps exprime une belle âme. Beauté païenne et foi chrétienne sont ici mêlées, exprimant l’idéal humaniste des hommes de la Renaissance. Les autres nus sont remarquables aussi par leurs expressions qui vont de la contem- plation muette au hurlement désespéré et par l’harmonie de leurs proportions. 4. Doc 1, 3 et 4. Quels talents Vasari prête-t-il à Michel-Ange ? Comment la fresque en est-elle l’expression ? G. Vasari, dans son ouvrage Vies des plus excel- lents peintres, sculpteurs et architectes (1550), écrit de Michel-Ange : « son génie fut reconnu dès son vivant (…). Cela n’arrive qu’aux hommes d’un mérite grandiose comme le sien, où la conju- gaison des trois arts [peinture, sculpture et archi- tecture] créait l’état de perfection, que Dieu n’a accordé, durant les siècles de l’Antiquité comme dans les modernes, à nul autre que lui ». Ce sont ces trois talents associés qui font de cette fresque une œuvre d’art unique. L’auteur souligne dans l’extrait proposé ici la maîtrise de la technique du dessin de l’artiste et ses connaissances en anato- mie, mises au service de son art. Le sculpteur nous est révélé par la peinture des statues et le modelé des corps, tandis qu’il représente les éléments d’une architecture fictive en trompe-l’œil aux proportions harmonieuses qui renforce l’impression de relief de la fresque, accentuée par la maîtrise de la perspective, le drapé des vête- ments et les jeux d’ombre et de lumière. Michel- Ange, artiste complet, s’est aussi illustré comme poète et même ingénieur en fortifications. Il per- sonnifie l’union de l’art et de la pensée et incarne l’artiste humaniste par excellence. 5. Synthétiser Les fresques qui ornent le plafond de la chapelle Sixtine, peintes par Michelangelo Buonarroti (1475-1564), sculpteur, peintre, architecte et poète sont caractéristiques de la Renaissance à plus d’un titre : - le mécénat (le pape Jules II, passionné par les arts et les lettres demande à Michel-Ange de réali- ser la décoration de la voûte) ; - l’artiste : un artiste complet, qui mêle ici ses dons de peintre, de sculpteur et d’architecte ; - l’inspiration de l’Antiquité ; - la peinture d’un sujet religieux mais traité de façon novatrice (inspirée du courant humaniste) avec une humanité magnifiée par la représentation des corps nus et expressifs, l’émotion rendue par le mouvement. Itinéraire 2 Commenter la fresque de la voûte de la chapelle Sixtine L’objectif du commentaire de l’œuvre de Michel Ange est de montrer en quoi elle constitue un chef-d’œuvre emblématique de la Renaissance. On peut commencer par une présentation de l’œuvre (lieu, date d’exécution, dimensions, tech- nique employée, sujet représenté), de l’artiste et de son commanditaire ainsi que du contexte intellec- tuel et artistique dans lequel la fresque a été réali- sée. On peut ensuite décrire l’œuvre (composition, dessin, personnages, éléments d’architecture) puis l’interpréter en répondant à la probléma- tique (montrer que Michel Ange est un artiste complet qui met la diversité de ses talents au ser- vice de son art, qu’il s’inspire de l’Antiquité et que la fresque est un reflet des théories humanistes). PASSÉ / PRÉSENT Pourquoi et comment La Joconde de Léonard de Vinci est-elle devenue la peinture la plus célèbre du monde ? > MANUEL PAGES 132-133 Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 9 1. Doc 1 et 2. Qu’est-ce qui fait de La Joconde un chef-d’œuvre selon le peintre Vasari ? Commencé en 1503 (on ignore à quelle date il fut achevé), ce tableau est le portrait de la jeune femme de Francesco del Giocondo, Lisa, dite aussi « Monna Lisa », diminutif de Madonna Lisa. G. Vasari (1511-1574), peintre et architecte, considé- ré comme le fondateur de l’histoire de l’art, rap- porte que le peintre a fait venir des chanteurs et des musiciens pour rendre Monna Lisa joyeuse, de façon à pouvoir rendre des émotions (son sourire) et non une pose sans vie. Ce sourire est ainsi tra- vaillé, comme le reste du tableau, pour lui donner l’aspect de la vie même. En témoignent les pas- sages : « ses yeux limpides avaient l’aspect de la vie » ; « les sourcils… ne pouvaient être plus vrais » ; « le nez… était la vie même » ; « au creux de la gorge… le battement des veines ». La Jo- conde est ainsi une réalisation exemplaire, grâce aux subtils effets de la lumière sur les chairs et au caractère irréel du paysage à l’arrière-plan. Le modelé du visage est étonnamment réaliste. Les glacis superposés, savamment travaillés, mettent en valeur les effets d’ombre et de lumière sur le visage grâce à la technique du sfumato. « Le bon peintre a essentiellement deux choses à représen- ter : le personnage et l’état de son esprit » écrit Léonard de Vinci. 2. Doc 3 à 5. Montrez que La Joconde est au- jourd’hui un des tableaux les plus célèbres. La Joconde est aujourd’hui l’un des tableaux, voire le tableau le plus célèbre du monde, comme en témoignent les œuvres des artistes qui s’en sont inspiré, son exploitation par les publicitaires, les déclinaisons du tableau sur quasiment tous les supports imaginables (« mugs », « tee shirts », « timbres »…). Depuis 2005, elle est installée dans une salle du Louvre réaménagée expressément pour l’accueillir. Il s’agit du tableau le plus proté- gé du monde. Aux 6 personnes qui le surveillent en permanence, s’ajoutent des caméras. Elle est protégée par une épaisse vitre, à l’abri d’un cais- son anti-vibration et anti-humidité. 15 à 20 000 personnes viennent admirer La Joconde chaque jour soit plus de 7 millions par an. 3. Doc 3. Quels éléments du tableau de Léonard de Vinci retrouve-t-on dans le tableau de Bas- quiat ? Que symbolise La Joconde ici ? On retrouve ici la composition globale du tableau de Léonard de Vinci, la posture de Monna Lisa, un élément de décor à l’arrière-plan à droite, une évo- cation du sfumato et une dominante de teintes ocres et noires. Basquiat transforme le tableau en un billet de un dollar et peint un fond jaune évoca- teur de l’or. Monna Lisa, symbole de l’art devient ainsi un symbole de l’argent. Jean Michel Bas- quiat, dans son style empruntant au graffiti, utilise ici La Joconde pour dénoncer les financiers qui ont envahi le milieu de l’art afin d’y spéculer. Les dessins de Léonard de Vinci et La Joconde exer- cent un fort attrait sur Basquiat, comme en témoi- gnent plusieurs de ses œuvres comme Leonardo da Vinci’s Greatest Hits (1982) ou Lye (1983) où est représentée une Joconde, Monna Lisa (1983). Si Basquiat semble ainsi revendiquer l’héritage de Léonard de Vinci c’est parce qu’il considère, comme les artistes new-yorkais des années 1980, que l’art occidental moderne est mort et qu’il est un des artisans d’une renaissance de l’art contem- porain. 4. Montrez pourquoi et comment La Joconde est devenue une icône de la peinture. Le portrait de Monna Lisa fait immédiatement forte impression du vivant de Léonard de Vinci, comme en témoignent les écrits de Vasari, en rai- son de l’originalité de la technique employée (le sfumato), de sa composition pyramidale très tra- vaillée, qui confère au tableau, malgré sa petite taille, un caractère monumental, et de la nouveauté qui réside dans la pose du modèle. Nombre d’artistes s’emploient alors à incorporer ces carac- téristiques dans leurs œuvres. Au fil des siècles, l’impression d’étrangeté et de mystère qui se dé- gage du tableau de Léonard de Vinci vient renfor- cer son attrait. On ne sait pas très bien si La Jo- conde est triste ou joyeuse, si elle sourit ou non et ce que signifie ce sourire. Après la mort de Léonard de Vinci en 1519, La Joconde intègre la collection du roi de France et est exhibée devant visiteurs et artistes. Durant deux siècles après la mort de l’artiste, une soixan- taine de copies de La Joconde sont réalisées. Le terme de Joconde en vient alors à désigner tout portrait de femme dont la pose évoque un tant soit peu l’original. Si au XVIIIe siècle la renommée de La Joconde semble s’affaiblir, tout change avec la Révolution française et l’entrée de cette œuvre dans l’ancien palais du Louvre qui devient musée public. Napoléon lui voue une véritable passion et la retire même du Louvre pendant quelques années pour la placer dans sa chambre à coucher, jusqu’à son couronnement. Depuis lors, l’histoire de la Joconde est inséparable de celle du Louvre. Le milieu du XIXe siècle inaugure un regain d’intérêt pour La Joconde et, à la fin du siècle, Léonard de Vinci est devenu l’archétype du génie de la Re- naissance. Le tableau fait à nouveau l’objet de Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 10 nombreuses copies, mais ce sont surtout les gra- vures qui vont lui permettre de toucher un public beaucoup plus large. L’avènement de la photogra- phie accroît encore la diffusion de l’œuvre tandis que la littérature s’en empare. Le 21 août 1911, Vicenzo Peruggia, un employé du Louvre, décroche La Joconde de son cadre, la cache sous son manteau et l’emporte avec lui. La presse met l’événement à la « une », cartes pos- tales et chansons fleurissent à propos de l’événement, tandis que les Parisiens se pressent au Louvre devant l’emplacement vide du tableau. En 1913, le tableau est retrouvé en Italie et son voleur arrêté. En 1914, La Joconde revient au Louvre. Les Parisiens font la queue devant le mu- sée pour voir le tableau qui est désormais connu de tous, partout en Europe. Sa célébrité est confortée par les parodies d’artistes d’avant-garde (ex : L.H.O.O.Q. de Mar- cel Duchamp) et la multiplication de ses représen- tations dans la culture populaire. Bon nombre d’écrivains font référence à son sourire et elle est aussi présente en chanson (Cole Porter en 1934, Nat King Cole en 1950, Bob Dylan en 1966…), apparaît dans des bandes dessinées. Dans les années 1960-1970, La Joconde est expo- sée aux États-Unis, en URSS, au Japon, attirant des millions de visiteurs. À son retour, elle est devenue une icône planétaire. Elle est réinstallée au Louvre dans un coffrage à l’épreuve des balles ; un fléchage, installé dans tout le musée indique aux visiteurs l’emplacement de l’œuvre. Tout touriste de passage à Paris se rend au Louvre pour la contempler. Avec le déve- loppement des posters, tout un chacun peut avoir La Joconde chez lui. La Joconde est ainsi devenue un « cliché » utilisé comme tel par des artistes comme Andy Warhol. La publicité s’en empare. Le portrait de Monna Lisa est convoqué par les caricaturistes quand ils veulent représenter un personnage célèbre. En 2005, la salle des États, au Louvre, est réamé- nagée pour elle ; elle est le seul tableau dans ce musée à disposer d’un mur entier. Par rapport au tableau des origines, La Joconde que les foules viennent contempler au Louvre a perdu de l’éclat dans ses couleurs, le jaunissement des vernis successifs ayant assombri progressive- ment le portrait. Cependant, une éventuelle restau- ration fait polémique tant la crainte est grande de dénaturer l’œuvre et parce qu’elle est entrée dans l’imaginaire populaire avec cet aspect-là. DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Comment la comparaison de deux ta- bleaux renseigne-t-elle l’historien sur les transformations culturelles et ar- tistiques qui marquent la Renais- sance ? > MANUEL PAGES 134-135 Réponses aux questions 1. Présentez le tableau de Van Eyck et resituez- le dans son contexte Cette toile a été peinte entre 1434 et 1435 par le peintre Jan Van Eyck, un des maîtres de la pein- ture flamande du XVe siècle. Le tableau a été commandé au peintre par Nicolas Rolin, le riche chancelier du duc de Bourgogne, Philippe le Bon. Le tableau est conservé au Louvre. Jusqu’à la Révolution, il était accroché dans l’église, mainte- nant détruite, Notre-Dame-du-Châtel à Autun, dans la chapelle familiale des Rolin. Le tableau est peint à l’huile, technique améliorée par les grands maîtres flamands comme Van Eyck, sur un pan- neau de bois de 66 cm sur 62 cm. Cette technique permet à Van Eyck d’exceller dans la représenta- tion des velours, des brocards, des perles, des re- flets sur le métal et sur le verre… Au XVe siècle, l’art est encore essentiellement religieux. Le peintre représente ici l’apparition d’une Vierge à l’enfant devant un homme en prière. Mais les peintres flamands s’intéressent aussi de plus en plus à la représentation du quoti- dien et du paysage. La peinture flamande est im- prégnée par le mouvement spirituel de la devotio moderna (« dévotion moderne »), centré sur les figures de la Vierge et du Christ, à la recherche d’une pratique religieuse plus personnelle passant par la prière, la méditation intérieure et l’étude de la Bible. 2. Comment le tableau est-il composé ? Com- ment la profondeur est-elle suggérée ? La scène au premier plan prend place dans une loggia ouverte sur l’extérieur par trois arcades (évocation de la sainte trinité), dont l’architecture est d’inspiration romane et antique. On y trouve des vitraux ainsi que des chapiteaux sculptés. Cer- tains représentent des scènes bibliques de l’Ancien testament qui renvoient à l’histoire du salut de l’humanité. Le second plan est constitué d’un jardin en ter- rasse, limité par un mur crénelé. Il est empli de symboles associés à la Vierge comme les lys Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 13 avec Dieu. Comment le peintre Cranach a-t-il représenté cette idée ? Musique et arts figuratifs sont mis à contribution afin de toucher les gens simples qui n’ont pas ac- cès à l’écrit. Les images de Luther se multiplient ainsi que les gravures opposant Église catholique et Église protestante. La Réforme devient ainsi une guerre d’images comme l’illustre la légende de l’œuvre de Lucas Cranach, peintre et graveur ré- formé : « la différence entre la vraie religion du Christ et l’enseignement fallacieux et idolâtre de l’antéchrist ». La gravure est composée sur le mode de l’opposition : le registre de gauche pré- sente la « vraie foi », la réformée, associée au calme et à la simplicité du message biblique et des sacrements conduisant directement à Dieu et au Christ ; celui de droite représente l’Église chré- tienne, associée au désordre et à la confusion, pro- voquant la colère de Dieu. L’artiste y mêle toutes les critiques adressées à l’Église : l’abondance et l’argent (moines ventripotents, sacs d’argent), le trafic des indulgences, les formes de dévotion condamnées par les protestants qui y voient de vulgaires superstitions (processions, pèlerinages, baptême d’une cloche), l’assistance au mourant... On y voit même le diable (A). Luther, dans la chaire (3), inspiré par la colombe du Saint Esprit, prêche un extrait de la Bible et désigne l’Agneau de Dieu qui symbolise le sup- plice du Christ sur la croix, et le Christ lui-même priant Dieu. L’inscription en allemand, qui relie Luther à Dieu, indique que le Christ est le seul intercesseur pour les hommes. C’est donc une relation plus directe à Dieu que préconise la Ré- forme. Sur le registre de droite, renvoyant à l’Église catholique, c’est saint François d’Assise, élevant ses mains marquées par des stigmates qui vole sa place au Christ qui devrait être le seul in- termédiaire entre Dieu et l’homme. Ainsi Lucas Cranach reprend les idées de Luther selon les- quelles la prédication du pasteur, fondée sur la lecture de la Bible, vise à amener les fidèles à une prise de conscience personnelle de leur foi. 5. Synthétiser La Réforme propose une nouvelle conception du christianisme fondée sur le rapport direct du fidèle à Dieu. Le protestant croit que seule la grâce de Dieu et donc la foi et non les œuvres peuvent le sauver (« justification par la foi »). Cette relation plus directe avec Dieu passe alors par une mise en cause du clergé catholique et de sa hiérarchie (idée du « sacerdoce universel »). La pratique religieuse réformée est donc plus simple et dépouillée (deux sacrements au lieu de sept, décors plus sobres des édifices religieux, rejet du culte de la Vierge et des saints…). Elle est donc réduite à l’essentiel et fondée sur le retour au texte seul qui est lu et commenté par les pasteurs. Itinéraire 2 Réalisez un exposé sur Martin Lu- ther et la Réforme L’élève pourra élaborer une courte introduction en exposant le contexte dans lequel Martin Luther initie la Réforme, à l’aide du cours p. 124 et adop- ter la problématique suivante : « Pourquoi et comment Martin Luther rompt-il avec le catholicisme et initie-t-il la Ré- forme protestante ? » Il pourra ensuite montrer comment un chrétien peut accéder au salut selon Luther, en quoi Luther rejette le clergé catholique et ses pratiques et enfin qu’il défend une religion plus simple, fondée sur la Bible et un rapport plus direct avec Dieu. Dans sa conclusion, il pourra ouvrir sur les consé- quences de la Réforme luthérienne en s’appuyant sur les parties B et C du cours pages 124-125. Il pourra, au-delà des ressources proposées par le manuel, trouver nombre d’informations sur le site du musée virtuel du protestantisme : www.museeprotestant.org/notice/qui-est-martin- luther/. DOCUMENTS La réforme catholique > MANUEL PAGES 138-139 Réponses aux questions 1. Doc 1, 3 et 4. Identifiez les acteurs de la ré- forme catholique. Face à la diffusion des réformes protestantes, l’Église catholique ne reste pas inerte et répond par ce que les historiens nomment la Contre- Réforme. Paul III réorganise l’Inquisition par la création du Saint Office en 1542. La montée de la Réforme conduit Charles Quint à demander la réunion d’un concile. Paul III lance une première convocation en 1536 mais le concile ne se réunit qu’en 1545 à Trente. Tenu sous le règne de quatre papes, il se déroule en 25 sessions, ponctuées d’interruptions, durant 18 ans. Le concile permet à l’Elise de clarifier ses positions sur les plans du dogme et de la discipline. Ce faisant, elle se ré- forme de l’intérieur, tâchant de prendre en compte les aspirations des fidèles. La mise en œuvre de cette réforme doit beaucoup à l’action de certains évêques comme celle de Charles Borromée, ar- Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 14 chevêque de Milan. Ce dernier réside dans son diocèse et le parcourt, rétablit la discipline, fonde des hôpitaux et des écoles. Les ordres religieux jouent aussi un rôle important, en particulier l’ordre des jésuites, fondé en 1540 par Ignace de Loyola. Peu à peu, la Compagnie de Jésus devient un outil de la lutte contre le protestantisme en rai- son de la qualité de la prédication qu’il délivre et de son engagement dans l’éducation via de nom- breux collèges. Les artistes sont également mis à contribution. Le peintre Andrea Pozzo (doc 3) est né à Trente en 1642. Il suit une formation de peintre et d’architecte et entre dans la Compagnie de Jésus en 1665. Maître de la peinture des pla- fonds et de l’art du trompe l’œil, il met ses talents au service de l’Église catholique et travaille pour les jésuites dans de nombreuses villes italiennes. 2. Doc 2. Relevez les types de livres interdits. Le concile de Trente crée une commission perma- nente chargée de rédiger un catalogue (index en latin) des livres prohibés, jugés immoraux ou con- traire à la foi. Le premier index est publié en 1564. Au départ, cet index vise à contrer la Réforme protestante. Sont proscrits dans cet extrait tous les livres prohibés par l’Église avant 1519 ainsi que les ouvrages écrits par les réformateurs après cette date, de même que les ouvrages d’auteurs protes- tants ayant trait aux questions religieuses. La lec- ture de la Bible en langue vernaculaire est globa- lement proscrite, à l’exception de quelques cas particuliers (règle 4). Lors de la 4e session du con- cile de trente, en 1546, les évêques déclarent défi- nitivement la Vulgate latine comme le texte au- thentique de l’Écriture. 3. Doc 1. Que nous apprend ce texte sur les pra- tiques encouragées ou condamnées par l’Église catholique ? En quoi cela s’oppose-t-il aux ré- formes protestantes ? Les Décrets du concile de Trente entendent impo- ser au clergé un ordre moral plus austère et insis- tent sur la formation du chrétien et de l’intermédiaire. L’autorité de l’Église est réaffir- mée, ainsi que sa hiérarchie, s’opposant au « sa- cerdoce universel » prôné par les luthériens. En- tendant lutter contre les réformes protestantes, l’Église réaffirme les sept sacrements, là où les protestants n’en retiennent que deux (le baptême et la communion) ainsi que le culte des images, du Christ, de la Vierge et des saints, rejeté par les adeptes du culte réformé. 4. Doc 1 à 4. Quels sont les moyens employés par l’Église catholique pour lutter contre les réformes protestantes ? L’Église catholique, à travers les décrets du Con- cile de Trente, entend à la fois lutter contre les réformes protestantes et se réformer de l’intérieur. Elle clarifie ses positions sur les plans du dogme et de la discipline. Les membres du clergé sont engagés à davantage visiter, instruire, prêcher. L’Église et les princes catholiques organisent la répression en recourant aux tribunaux de l’Inquisition. Les ouvrages hérétiques sont prohi- bés et le pape s’appuie sur la Compagnie de Jésus, qui mène des missions de reconquête des esprits et fonde de nombreux collèges à proximité des con- trées protestantes. L’art est mis au service de la Contre-Réforme. Face à la montée de la critique protestante, l’Église réaffirme en effet la fonction rhétorique de la peinture, en lui fixant la triple mission d’enseigner, d’émouvoir et de convaincre. Pour cela, elle a recours à l’art baroque, qui sait parfaitement exprimer le triomphe du catholi- cisme. Au centre de la fresque d’Andrea Pozzo, le Christ ressuscité constitue le point de fuite vers lequel tout converge. Les traits de lumière émanant du Christ rejaillissent ensuite du cœur de Saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, vers les quatre parties du monde, figurant l’universalité du salut. La technique du trompe l’œil, utilisée par le peintre, agrandit l’espace à l’infini. L’impression de continuité entre la terre et le ciel est rendue par le travail sur la perspective : il s’agit d’inviter l’observateur à lever les yeux vers le ciel qui semble crever la voûte de l’église. La fresque illustre la gloire de Saint Ignace, em- porté au ciel sur une nuée soutenue par des anges. Les quatre continents, placés aux quatre coins de la voûte témoignent du rôle primordial du jésuite dans la diffusion de la foi catholique dans le monde. Les continents, représentés par des figures féminines, triomphent des géants symbolisant l’hérésie. Sur cette fresque, illustrant parfaitement le baroque, tout n’est que profusion, mouvement et couleurs. Il s’agit bien ici d’éblouir le fidèle. 5. Synthétiser À l’aide de vos réponses aux questions, rédigez un développement structuré montrant comment l’Église réagit à la diffusion des réformes protes- tantes. Après avoir rappelé rapidement le contexte des réformes protestantes, l’élève pourra identifier les acteurs de la Contre-Réforme ainsi que les moyens qu’ils emploient pour lutter contre la diffusion du protestantisme, avant d’expliquer que l’Église catholique cherche aussi à se réformer pour ré- pondre aux aspirations des fidèles. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 1 CHAPITRE 5 L’affirmation de l’État dans le royaume de France › MANUEL PAGES 146 À 177 OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Le cinquième chapitre du manuel s’inscrit dans le troisième thème du programme, consacré à l’État à l’époque moderne, et qui étudie en regard le mo- dèle français et le modèle britannique. Portant sur la France, du début du règne de François Ier à la mort de Louis XIV, il a pour objectif de montrer comment la monarchie absolue de droit divin, qui constitua la concrétisation de l’absolutisme, y est née et s’y est épanouie. Pour ce faire, un décou- page classique a été retenu, destiné à mettre en évidence les grands rythmes de l’histoire de l’État entre 1515 et 1715 : l’État de la Renaissance, par- fois envisagée comme le temps d’un « premier absolutisme » ; une période plus contrastée, allant des guerres de religion aux lendemains de la Fronde, qui vit à la fois la mise en cause de l’absolutisme et la construction de celui-ci ; le règne personnel de Louis XIV (1661-1715), pé- riode de triomphe de la monarchie absolue de droit divin, dont il ne s’agit pas pour autant de cacher les limites. Afin de donner une image complète du dévelop- pement de l’État au cours de la première moderni- té, le chapitre embrasse plusieurs champs histo- riques : l’étude de l’administration royale, envisa- gée notamment à travers l’ordonnance de Villers- Cotterêts ; celle des moyens mis en œuvre pour affirmer l’autorité de l’État : l’impôt, qui fait l’objet de la double page « Passé / présent » ; le mercantilisme, que l’on peut étudier à partir du point de passage consacré à Colbert et à la poli- tique maritime de la France ; la cour, traitée dans le point de passage sur Versailles ; la politique religieuse, qu’on a voulu cerner à travers l’étude de l’édit de Nantes, de sa promulgation à sa révo- cation ; la guerre, enfin, parce qu’elle fut un moyen privilégié d’illustrer la gloire des rois. L’étude s’efforce par ailleurs de mettre en évi- dence l’idéologie qui fonda le renforcement de l’État dans la France des XVIe et XVIIe siècle : elle est perceptible dans le portrait royal (cf. la double page « De la source à l’histoire ») ou en- core dans la politique linguistique de Louis XIII (cf. la page intitulée « Les rois et la langue fran- çaise au XVIIe siècle »). Conformément aux atten- dus du programme, sans empiéter sur la question des révoltes, au cœur du chapitre 8, le chapitre essaie enfin de mettre en évidence les limites du programme absolutiste, notamment au travers de l’étude de la Fronde. Bibliographie indicative • Les deux volumes de l’Histoire de France pu- bliée chez Hachette, dans la collection « Carré Histoire » : CORNETTE (Joël), Affirmation de l’État absolu (1492-1652), Paris, 2016 (7e édition, revue et augmentée) ; CORNETTE (Joël), Absolu- tisme et Lumières (1652-1783), Paris, 2016 (5e édition, revue et augmentée). • Les trois volumes de l’Histoire de France des éditions Belin couvrant les XVIe et XVIIe siècles : HAMON (Philippe), Les Renaissances (1453- 1559), Paris, 2009 ; LE ROUX (Nicolas), Les guerres de religion (1559-1625), Paris, 2015 ; DREVILLON (Hervé), Les rois absolus (1629- 1715), Paris, 2015. • BELY (Lucien), Dictionnaire de l’Ancien Ré- gime. Le royaume de France, XVIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 2010. • FOGEL (Michèle), L’État dans la France mo- derne, de la fin du XVe au milieu du XVIIIe siècle, Paris, Hachette « Carré Histoire », 2000 (nouvelle édition revue et augmentée). OUVERTURE › MANUEL PAGES 146-147 Les deux documents ouvrant le chapitre permet- tent de prendre la mesure de l’évolution de la na- ture du pouvoir royal entre le XVIe siècle et le XVIIe siècle. Document 1. Une réunion des États géné- raux autour du roi Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 4 l’affirmation de l’absolutisme. Elle mobilise les villes, la noblesse de robe et la noblesse d’épée. COURS 3 L’État au temps de l’absolutisme triomphant (1661-1715) › MANUEL PAGES 154-155 Réponses au Testez-vous ! Comment Louis XIV renforce-t-il le pouvoir royal ? Le renforcement du pouvoir royal passe par l’instauration du gouvernement personnel en 1661, la lutte contre les contre-pouvoirs, la diffusion d’une culture de l’obéissance. Il repose également sur la guerre et sur la lutte contre les protestants. Comment Louis XIV met-il en scène son pou- voir ? La mise en scène du pouvoir royal passe par la guerre, par l’installation de la cour à Versailles et par la mobilisation des artistes, appelés à célébrer la gloire de Louis XIV. Quelles sont les limites de l’autorité de Louis XIV ? La politique religieuse de Louis XIV suscite des oppositions. La dureté de la fin du règne, marqué par d’épouvantables famines, suscite une mise en cause de l’absolutisme. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE L’ordonnance de Villers-Cotterêts et l’administration de l’État / Les rois et la langue française au XVIIe siècle > MANUEL PAGES 156-157 L’ordonnance de Villers-Cotterêts et l’administration de l’État  Doc 1. L’ordonnance de Villers-Cotterêts La grande ordonnance de Villers-Cotterêts, prépa- rée par le chancelier Poyet et promulguée par François Ier en août 1539, promeut une réforme de la justice, visant clairement deux objectifs. Le premier est d’affirmer la souveraineté royale, ce qui se lit pour une part dans le caractère solen- nel de l’acte, qui exprime l’idée que le roi la dé- tient entièrement (cf. la formule « car tel est notre plaisir » et le sceau, qui développe un véritable programme politique). De manière plus concrète, l’affirmation de la souveraineté royale passe par la limitation des compétences de la justice ecclésias- tique, qui ne peut s’exercer que sur les clercs (ar- ticle 1). Le second objectif de l’ordonnance est de rendre la justice plus efficace, ce qui doit servir la cause du roi auprès de ses sujets, sans doute en l’identifiant à l’image de Dieu, qui est le juge su- prême. C’est ce qui explique l’article 51, qui oblige les curés à tenir des registres paroissiaux. L’objectif n’est pas de fournir à l’administration royale le moyen de compter les populations mais de fournir des preuves utiles notamment dans les procès liés à des affaires matrimoniales. C’est ce qui explique aussi les articles 110 et 111, toujours en vigueur de nos jours, et qui valent à l’ordonnance sa célébrité. Ils fixent l’obligation de faire rédiger en français tous les actes administra- tifs, sachant que le latin n’était pas intelligible de tous. S’il ne s’agit que de systématiser une pra- tique déjà attestée avant cette date, l’ordonnance de Villers-Cotterêts fait bien du français la langue officielle non pas de la France en tant que telle mais du pouvoir et de l’administration.  Conseils À quelles difficultés était confrontée la justice royale ? La justice royale est confrontée à la concurrence de la justice ecclésiastique. L’usage du latin dans les décisions de justice la rend parfois incompré- hensible. Comment l’ordonnance permet-elle concrète- ment de renforcer l’autorité du roi ? En tant que telle, l’ordonnance est une démonstra- tion du pouvoir du roi, parce qu’elle affirme clai- rement sa volonté et sa souveraineté. Elle donne ainsi une image de sa puissance. Elle doit égale- ment renforcer l’autorité du roi en améliorant le fonctionnement de la justice : les compétences des juges d’Église sont fixées précisément et revues à la baisse ; les curés doivent tenir des registres de naissance pouvant servir de preuves dans les pro- cès relatifs aux mariages ; le latin doit laisser place au français, de manière à ce que les sentences et les actes administratifs soient compréhensibles de tous. Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 5 Les rois et la langue française au XVIIe siècle  Doc 1. La fondation de l’Académie française par louis XIII La fondation de l’Académie française, en 1635, résultat d’une initiative du cardinal de Richelieu, présentée et proposée à Louis XIII. Il s’agissait de créer un cénacle de beaux esprits et d’hommes de lettres, chargés de normaliser la langue française, de lui donner des règles précises. Ils furent no- tamment chargés de réaliser un dictionnaire, dont la première édition date de 1694. La création de l’Académie illustre de manière spécifique la vo- lonté du roi de contrôler la vie intellectuelle et culturelle, ce qui se manifesta par ailleurs par la création d’autres académies, comme l’Académie royale de peinture et de sculpture (1648). Cette politique culturelle était intrinsèquement liée à la construction de la monarchie absolue, la normali- sation de la langue épousant métaphoriquement la mise en ordre du royaume.  Doc 2. Louis XIV et l’éloquence René-Antoine Houasse (1645-1710) fut un peintre français de la seconde moitié du XVIIe siècle, élève de Lebrun et membre de l’Académie royale de peinture à partir de 1673. Une partie de son œuvre fut donc vouée à la glorification de Louis XIV, ce que l’on voit très bien sur ce tableau, qui est une allégorie de l’éloquence. Le tableau asso- cie la gloire et la prospérité de la France, représen- tée au premier plan par les enfants et par les livres, parmi lesquels on reconnaît les œuvres de Blaise Pascal, à l’existence de l’Académie française. Celle-ci est représentée à gauche, sous la figure tutélaire du roi, et à droite, au Louvre, où Colbert l’installa en 1672.  Conseils Quelle mission Louis XIII confie-t-il à l’Académie française et dans quel but ? Louis XIII charge l’Académie française de donner des règles à la langue française, c’est-à-dire d’en normaliser l’orthographe, la grammaire et la syn- taxe. Il en escompte un essor de la vie de l’esprit et le développement des vertus, c’est-à-dire de la morale publique. Comment le peintre montre-t-il que l’Académie française renforce la puissance du roi ? Le peintre associe sur le tableau la figure du roi trônant et l’allégorie de l’éloquence, elle-même en majesté. Il essaie également de montrer les effets positifs de l’action culturelle du roi en multipliant les symboles renvoyant à la prospérité (les enfants et les nombreux livres au premier plan du tableau). En équipes Equipe 1 Le discours adressé au roi François Ier doit être construit de manière logique. Pour ce faire, il im- porte, d’adopter un plan logique : - une adresse déférente ; - l’exposé de l’objectif du discours (renforcer l’autorité du roi en réformant le royaume, et en particulier la justice) ; - l’exposé des difficultés auxquelles la justice du roi est confrontée ; - l’exposé des remèdes qu’il convient d’y appor- ter ; - une conclusion expliquant pourquoi le roi doit recourir à une ordonnance solennelle pour mettre en œuvre ces réformes. Equipe 2 Le discours adressé par Richelieu au roi Louis XIII doit être composé de la même façon que le précédent, en suivant un plan logique : - une adresse déférente ; - un préambule exposant au roi la nécessité de mener une politique linguistique ; - une présentation des problèmes que pose la langue française au temps de Louis XIII ; - la solution proposée : la création de l’Académie française, chargée de normaliser la langue et de servir la gloire de la France et du roi. Mise en commun Au terme de la lecture des deux discours, qui por- tent sur des matières différentes, les élèves doivent prendre conscience de ce qui les unit : le lien entre la langue française et le renforcement du pouvoir des rois. C’est donc de cela qu’il faut partir pour rédiger le texte de synthèse. DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Comment les portraits permettent-ils à l’historien de comprendre le pouvoir royal ? > MANUEL PAGES 158-159  Doc 1. François Ier en majesté Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 6 Ce très célèbre tableau, réalisé par Jean Clouet vers 1527-1530, est le premier grand portrait de François Ier. Il fut très souvent imité par la suite. Peint après le désastre de Pavie, qui vit la capture du roi par Charles Quint, il a sans doute vocation à restaurer son image. Pour ce faire, Jean Clouet a choisi d’une part de souligner la puissance phy- sique de François Ier et son opulence et d’autre part de représenter, par un jeu de symboles, ses diffé- rentes fonctions. Il insiste tout particulièrement sur sa fonction militaire (cf. l’épée dont on voit la garde, le collier de l’ordre de saint Michel) et sur sa mission religieuse (cf. le médaillon représentant saint Michel terrassant le dragon). Voir http://expositions.bnf.fr/francoisIer/  Doc 2. Portrait d’Henri IV Moins connu que le précédent, ce tableau repré- sentant Henri IV en dieu Mars se trouve actuelle- ment au château de Pau. Peint dans les premières années du XVIIe siècle, il souligne la puissance de Henri IV et célèbre la pacification du royaume dont il fut responsable. C’est ainsi qu’il faut inter- préter l’armure qu’il foule du pied gauche, dans laquelle il faut sans doute voir l’allégorie des guerres de religion, auxquelles il a mis fin en pro- mulguant l’édit de Nantes en 1598. Les traits du roi, et notamment le sourire qu’il esquisse, mettent en évidence sa bienveillance et son caractère pro- videntiel. Réponses aux questions 1. Comment le corps de François Ier exprime-t- il sa puissance ? Jean Clouet a voulu donner une image de la puis- sance du roi en rendant compte de sa remarquable puissance physique (François Ier mesurait presque 2 mètres). Le vêtement qu’il porte souligne tout particulièrement la largeur de ses épaules et de son cou. La force du roi fait de lui un être d’exception. 2. Comment le peintre Jean Clouet met-il en évidence les différentes fonctions du roi ? Le peintre met en évidence les fonctions du roi par un jeu de symboles assez discrets. Sa souveraineté est évoquée par la couronne, qui se trouve sur le fond rouge, derrière la tête du roi. Sa fonction militaire est évoquée par l’épée et par le collier de l’ordre de saint Michel. Sa fonction religieuse – contribuer au salut de ses sujets – est évoquée par le médaillon sur lequel on voit saint Michel terras- sant un dragon, ce qui constitue une allégorie clas- sique de la lutte du bien contre le mal. 3. Quelles similitudes voyez-vous entre les por- traits de François Ier et d’Henri IV ? On note une certaine similitude dans la position du corps des deux rois, l’un et l’autre représentés de trois quarts, et dans le contraste entre leur visage, qui est celui d’hommes âgés, et leur corps, jeune et athlétique. 4. Montrez que Bosschaert n’a pas voulu faire un portrait réaliste mais allégorique du roi Henri IV. Le portrait d’Henri IV n’est pas réaliste, car le corps du roi ne concorde pas avec ses traits, qui sont ceux d’un homme âgé. Son costume n’est pas celui d’un roi de France mais celui d’un dieu an- tique, en l’occurrence le dieu guerrier Mars. Le portrait présente allégoriquement Henri IV comme un roi de guerre, brisant la discorde. DOCUMENTS L’État et la guerre au XVIIe siècle > MANUEL PAGES 160-161 La guerre fut sans doute au XVIIe siècle une cala- mité pour les sujets du roi, contribuant à donner à ce siècle la réputation de « siècle de fer ». Elle n’en fut pas moins essentielle dans la construction de l’absolutisme, ce qui explique pour une bonne part son omniprésence à partir des années 1630. L’étude entend mettre en évidence ces deux as- pects de l’histoire de la guerre.  Doc 1. Les guerres de Louis XIV Ce tableau montre les conséquences financières des guerres du XVIIe siècle : le budget de l’État est structurellement déficitaire. En creux apparaît la nécessité d’augmenter les impôts. De fait la charge fiscale augmenta considérablement tout au long du siècle, notamment à partir des années 1630.  Doc 2. La construction d’une frontière au Nord La carte met en évidence une des fonctions de la guerre au temps de Louis XIV : non seulement étendre l’autorité du roi sur des régions riches mais aussi et surtout normaliser le dessin de la frontière. On y voit comment, patiemment, Louis XIV a réussi à conquérir de nombreux territoires (Artois, Flandre, Hainaut) ainsi que des villes florissantes comme Lille. La carte permet aussi de comprendre ce qu’on appelle la doctrine du « pré carré », théorisée par Vauban. Il s’agissait de forti- Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 9 DOCUMENTS Les résistances à l’absolutisme : la Fronde (1648-1652) > MANUEL PAGES 164-165 De 1648 à 1652, alors que la monarchie était af- faiblie par la minorité de Louis XIV, la Fronde constitua un événement complexe, un ensemble de révoltes dont il ne s’agit pas de connaître le détail événementiel mais de comprendre les logiques. Il faut montrer comment ces révoltes expriment de diverses manières les résistances suscitées par l’affirmation de l’absolutisme au XVIIe siècle.  Doc 1. La Fronde, un ensemble de révoltes Cette carte permet de mettre en évidence la diver- sité de la Fronde. Elle constitue l’agrégation de révoltes urbaines, les plus grandes villes du royaume étant touchées par le phénomène (Paris, Rouen, Bordeaux, Dijon), et de révoltes nobi- liaires. Elle impose au jeune roi de sillonner son royaume pour le reconquérir.  Doc 2. La Fronde des princes Le texte de la duchesse de Longueville permet de prendre conscience du rôle joué par les femmes de l’aristocratie dans la Fronde. On les surnomme les « Amazones de la Fronde ». On peut être surpris de voir des femmes jouer ainsi un rôle politique, voire militaire. En l’occurrence, la duchesse de Longueville, après l’arrestation de son frère, Con- dé, et de son mari, sur ordre de Mazarin, organise la résistance militaire contre le cardinal, qu’elle exècre. Mais en réalité, elle joue un rôle assez traditionnel dans la société d’Ancien Régime : elle ne fait que défendre sa famille, la sphère domes- tique à laquelle elle appartient.  Doc 3. La Fronde, un mouvement urbain Paris, épicentre de la Fronde, fut pendant quelques années inondée de libelles, de gravures, de pam- phlets édités clandestinement, auxquels on donne le nom de « mazarinades » parce que leur cible principale était le cardinal de Mazarin. Celui-ci incarnait l’absolutisme aux yeux des populations, qui l’accusaient également d’abuser de la place qu’il occupait aux côtés de la régente. C’est pour- quoi la gravure qui est ici présentée parle de ty- rannie.  Doc 4. Le Parlement de Paris contre l’absolutisme Le Parlement de Paris joua un rôle pionnier dans la Fronde parisienne, en 1648. Il le fit au nom d’un programme politique dont la Déclaration de la Chambre Saint-Louis développe les principaux aspects. Il s’agit ni plus ni moins de refonder la monarchie, de remplacer la monarchie absolue par une forme de monarchie tempérée, dans laquelle le roi gouvernerait avec le Parlement. Réponses aux questions 1. Repérez les principaux lieux et les principaux acteurs de la Fronde. La Fronde s’est développée à Paris et dans les grandes villes de France, avec comme acteurs principaux les parlementaires mais aussi la popu- lation de ces villes, excédée par l’augmentation des impôts et l’effacement de certains privilèges. Elle s’est également étendue à une grande partie du territoire, ce qui s’explique par la mobilisation de la noblesse d’épée. 2. Relevez les reproches faits par la duchesse de Longueville à Mazarin. La duchesse de Longueville reproche à Mazarin d’usurper le pouvoir. Ce n’est pas à lui, étranger et d’extraction modeste, que doit incomber la mis- sion d’assister et de conseiller la régente, mais à la haute noblesse. Son discours reflète donc le senti- ment de ce milieu d’être abusivement écarté du pouvoir, ce qui est l’une des conséquences de l’absolutisme. 3. Quel est le projet politique des membres du Parlement de Paris ? Les membres du Parlement de Paris militent pour une monarchie garante de la liberté des sujets du roi et contrôlée par les membres de la noblesse de robe. Ils développent donc un projet politique en rupture avec la monarchie absolue de droit divin, dans laquelle ils ne sont que les instruments du pouvoir. 4. À quelles évolutions politiques liées à l’absolutisme les frondeurs s’opposent-ils ? Les frondeurs s’opposent à la centralisation mo- narchique, symbolisée par les intendants, à la limi- tation des contre-pouvoirs, à l’effacement des coutumes et privilèges fiscaux. 5. Montrez comment la Fronde exprime les résistances de la société française à l’absolutisme. Pour construire ce paragraphe de synthèse de ma- nière ordonnée, une solution possible est de partir de la chronologie indiquée en page 164 : - en 1648, la Fronde naît d’une agitation fiscale : elle exprime alors le refus de l’augmentation des impôts mais, plus fondamentalement, de la pro- Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 10 pension du roi absolu à revenir sur les coutumes et privilèges anciens ; - elle devient rapidement un mouvement dominé par les parlementaires : la Fronde exprime alors l’aspiration à une monarchie tempérée, dans la- quelle les élites politiques, détentrices d’un savoir et d’une compétence administrative, conseillent le roi, sans être uniquement les instruments de sa volonté ; - à partir de 1650, elle devient un mouvement no- biliaire, dans lequel des femmes de haute nais- sance s’illustrent : elle exprime alors la nostalgie d’une ancienne forme de monarchie, dans laquelle les nobles conseillaient et assistaient le roi dans son gouvernement. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Colbert et la politique maritime de la France > MANUEL PAGES 166-167 Sous le règne de Louis XIV, la quête de la puis- sance passa par le contrôle des mers, ce qui fut au cœur de la politique de Colbert. Contrôleur général des finances, secrétaire d’État à la Marine, il fut sans doute par excellence l’homme de confiance du roi. On lui doit la définition d’une forme fran- çaise de mercantilisme, le colbertisme, associant développement des manufactures, essor colonial, promotion du commerce et développement d’une flotte de guerre. Les documents présentés doivent permettre de comprendre la logique de cette poli- tique.  Doc 1. Un navire de guerre au temps de Col- bert. Cette tapisserie, réalisée d’après un carton du peintre Charles Le Brun, illustre de deux manières différentes ce que fut la politique de Colbert. Par son sujet, tout d’abord : on y distingue un navire de guerre de grandes dimensions, doté de trois mâts et d’une double galerie de canons. Ces grands navires, construits dans les arsenaux comme Brest ou Rochefort, avaient vocation à assurer à la France la maîtrise des mers. Par sa nature : les tapisseries, produites à la manufacture royale des Gobelins, furent l’un des produits in- dustriels qui assurèrent à la France de Louis XIV sa renommée européenne et nourrirent ses exporta- tions.  Doc 2. Colbert défend la nécessité de dévelop- per le commerce maritime On considère souvent le Mémoire sur le Com- merce, présenté par Colbert à Louis XIV le 3 août 1662, comme un manifeste mercantiliste. Le mi- nistre y proposait au roi un vaste ensemble de mesures destinées à favoriser l’essor du com- merce. L’objectif était moins économique au sens strict du terme, comme le montre le premier para- graphe, que politique : assurer par le biais des échanges la puissance de la France.  Doc. 3. Louis XIV fonde la Compagnie des Indes orientales (1664) Colbert préconisait notamment la création de grandes compagnies commerciales, comme il en existait par exemple à l’époque dans les Pro- vinces-Unies. Il s’agissait de grandes sociétés, dont le capital était constitué de dépôts faits par des particuliers, qui recevaient le monopole du commerce avec une colonie et qui étaient égale- ment chargées d’administrer ce territoire. Elles bénéficiaient d’une délégation de souveraineté. La Compagnie des Indes orientales, par exemple, devait assurer le monopole du commerce avec les comptoirs que la France possédait en Inde. Basée à Lorient, elle fut la seule compagnie française à connaître un certain succès.  Doc 4. Le commerce colonial français La carte permet de comprendre la logique du grand commerce français. Il s’agissait de drainer vers la métropole des matières premières, desti- nées à être ensuite partiellement réexportées, ce qui permettait d’assurer l’enrichissement de la France par le commerce. On note dans ces échanges la présence d’esclaves : c’est ce qu’on appelle le système de la traite, qui permettait de faire fonctionner les plantations que l’on trouvait dans les îles à sucre.  Doc 5. La flotte de guerre française et ses ri- vales au temps de Colbert Le document permet de prendre la mesure de l’énorme effort de construction navale que la France consentit à l’époque de Colbert. Il fut assu- ré par les arsenaux, qui étaient des chantiers na- vals ne travaillant que pour le roi. Il fallait les alimenter en bois, en fer et en chanvre, ce qui sti- mula l’économie des arrière-pays. À la fin du XVIIe siècle, la France dominait les mers, sa seule véritable rivale étant l’Angleterre. Réponses aux questions Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 11 1. Que préconise Colbert pour développer le commerce ? Pour développer le commerce, Colbert préconise différents types de mesures : des mesures symbo- liques, pour signifier l’importance du commerce (recevoir des marchands à la cour) ; des mesures économiques (il soutient la nécessité de barrières douanières élevées) ; des mesures structurelles (soutenir le développement des grandes compa- gnies, en incitant les plus riches du royaume, et notamment les membres de la noblesse, à y inves- tir une part de leur fortune). 2. Qu’est-ce qu’une compagnie commerciale ? Une grande compagnie est une organisation com- merciale dont les capitaux ont plusieurs origines (la fortune des marchands, les capitaux investis par d’autres). Elle dispose d’un monopole commercial avec une région particulière de l’Empire colonial français. En plus de sa fonction économique, elle y reçoit une délégation de souveraineté, c’est-à-dire qu’elle y exerce au nom du roi des pouvoirs poli- tiques. 3. Décrivez la politique de Colbert en matière militaire. Colbert s’est efforcé de doter la France d’une im- pressionnante flotte de guerre, qui fit d’elle à la fin de sa vie la plus importante puissance navale d’Europe. Elle devait assurer la sécurité des mers et contribuer à l’essor du commerce. 4. Montrez les liens entre la politique commer- ciale préconisée par Colbert et le développe- ment de l’économie coloniale. Les colonies constituent la clé de voûte du colber- tisme. La plupart d’entre elles ont vocation à four- nir des matières premières qui doivent être expor- tées vers la France, avant d’être pour partie reven- dues en Europe. Dans l’esprit de Colbert, cette activité doit être largement aux mains des grandes compagnies commerciales. Les comptoirs que la France possède en Afrique ont vocation à fournir des esclaves qui, dans le cadre de la traite, sont transportés d’une rive à l’autre de l’Atlantique pour travailler dans les plantations, où l’on produit notamment le sucre (Antilles). 5. Synthétiser La politique maritime de Colbert consiste à déve- lopper la flotte de commerce, notamment dans le cadre des grandes compagnies, et à honorer les négociants. Il leur revient de développer les échanges entre la France et ses colonies et de fournir à ces dernières les esclaves dont elles ont besoin. Cela s’accompagne d’un développement de la flotte de guerre, qui doit assurer la sécurité des mers. La puissance de la France résultera se- lon Colbert des richesses accumulées grâce à l’essor du commerce. C’est ce qu’on appelle le mercantilisme ou, dans le cas particulier de la France, le colbertisme. Itinéraire 2 Composer un discours Pour composer le discours de Colbert à Louis XIV, une première étape consiste à en déterminer le plan, qui doit être logique. Le plus simple est de procéder ainsi : - commencer par expliquer au roi l’objectif pour- suivi : la puissance de la France en Europe. - poursuivre en lui expliquant quel doit en être le moyen : le développement du commerce - entrer ensuite dans les détails : le rôle central des colonies, où l’on produit des matières premières dont la France peut espérer tirer des richesses ; la nécessité de développer les grandes compagnies commerciales, qui permettent de drainer ces ma- tières premières tout en administrant les colonies ; la nécessité de faire le choix du protectionnisme ; la nécessité d’honorer les marchands - expliquer pour finir que cette politique commer- ciale suppose le développement d’une marine de guerre. Une fois le plan construit, on peut rechercher quels supports pourraient permettre d’étayer sa démonstration. On peut par exemple songer aux globes de Coronelli, qui furent réalisés pour Louis XIV dans les années 1680. http://classes.bnf.fr/rendezvous/pdf/Coronelli.pdf Il ne reste plus qu’à soigner la forme. Comment s’adresse-t-on au roi de France ? Une piste con- siste à rechercher sur internet ou dans des antholo- gies de textes du XVIIe siècle des exemples de lettres et à s’en inspirer (par exemple, des lettres de Molière à Louis XIV). DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Versailles et la cour > MANUEL PAGES 168-169 L’étude a pour vocation de faire comprendre le rôle joué par la cour dans la construction de l’absolutisme, phénomène qui a été largement étudié, notamment par Norbert Elias. Elle porte spécifiquement sur le château de Versailles, où Louis XIV a transporté la cour au début des an- nées 1680, rompant alors avec Paris, dont il crai- Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 14 Réponses aux questions 1. Qu’ont obtenu les protestants par l’édit de Nantes ? L’édit de Nantes a accordé aux protestants la liber- té de conscience, sans restriction, la liberté de culte, dans un certain nombre de villes seulement, ainsi que des places de sûreté, dans lesquelles ils pouvaient se réfugier en cas de nécessité. 2. Quelle est la politique de Louis XIII à l’égard des protestants ? À l’instigation de Richelieu, la politique de Louis XIII consiste à neutraliser politiquement et militai- rement les protestants français, qui constituent une menace potentielle, parce qu’ils pourraient s’allier avec l’Espagne, rivale de la France. 3. Comment Louis XIV justifie-t-il l’abrogation de l’édit de Nantes ? Dans le préambule de l’édit de Fontainebleau, Louis XIV déploie trois types d’arguments pour justifier l’abrogation de l’édit de Nantes. Il recourt tout d’abord à des arguments historiques : dans l’esprit de Henri IV, les dispositions de l’édit ne devaient être que temporaires, son objectif étant de restaurer l’unité religieuse du royaume ; les protes- tants auraient été des sujets infidèles et dangereux sous Louis XIII. L’abrogation est également justi- fiée religieusement, Louis XIV constatant que de nombreux protestants se sont convertis. C’est un fait avéré, mais qui doit être mis pour partie sur le compte de la politique d’intimidation menée de- puis plusieurs années. Enfin, l’abrogation est rap- portée à un objectif politique : restaurer l’harmonie et l’unité du royaume. 4. Synthétiser On distingue trois grandes périodes dans l’histoire des protestants en France au XVIIe siècle : le temps de la tolérance, justifié par les nécessités de la paix civile ; le temps des persécutions poli- tiques, sous Louis XIII, qui s’explique par le con- texte militaire ; le temps des persécutions reli- gieuses, dans les années 1680, dont les causes sont politiques. Itinéraire 2 Réaliser une frise chronologique La réalisation de la chronologie doit partir des documents, qui fournissent un certain nombre de points de repères fondamentaux (1598, 1629, 1681, 1685). Cette première chronologie doit en- suite être complétée par la consultation du site internet du musée protestant, qui permettra par exemple d’ajouter des informations sur les guerres de religion sous Louis XIII. Ces informations pourront être trouvées en explorant les onglets « Le Musée » (ensuite « Grandes dates ») et « Par- cours ». La réalisation de la frise doit être claire et lisible. Pour ce faire, la frise doit être placée au centre de la page. Si elle est réalisée sous word, il convient de choisir le format « paysage ». Les différents types d’information doivent être alignés (dates, explications). Pour l’agrémenter, il est souhaitable d’y intégrer des images légendées, illustrant les principaux événements et, de préférence, à peu près contemporains des faits. Le site du musée protestant permet d’en trouver. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 1 CHAPITRE 6 Le modèle britannique et son influence › MANUEL PAGES 178 À 207 OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Ce chapitre est un survol de deux siècles d’événements politiques, avec l’ambition de mon- trer un lien entre les bouleversements politiques en Angleterre au XVIIe siècle (voir le Point de pas- sage sur l’Habeas Corpus et le Bill of Rights) et les révolutions atlantiques de la fin du XVIIIe siècle, avec la naissance des États-Unis et le début de la révolution française. Ainsi le modèle poli- tique anglais est le fil rouge qui relie les diffé- rentes réflexions politiques véhiculées d’un siècle à l’autre par les philosophes des Lumières (cf. point de passage sur les Lettres philosophiques de Voltaire). Enfin, il est possible de souligner l’avancée histo- riographique sur la révolution américaine, dont les recherches portent bien au-delà des Pères fonda- teurs (voir le Point de passage sur sur George Washington), pour se pencher sur des acteurs moins médiatisés, quoiqu’essentiel, de l’indépendance américaine. Bibliographie indicative • Cottret Monique, Culture et politique dans la France des Lumières (1715-1792), Armand Colin, Paris, 2002 • Fohlen Claude, Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Perrin, collection Tempus, 2007 • Marienstras Élise, La résistance indienne aux États-Unis, Folio Histoire, 2014 • Rallet Jean-Marie, Washington, Ellipses, 2015 • Tuttle Élisabeth, Les îles Britanniques à l’âge moderne (1485-1783), Hachette Supérieur, 1996 OUVERTURE › MANUEL PAGES 28-29 Document 1. La chambre des Communes Page de gauche, Karl Anton Hickel met en scène le Parlement de la Grande-Bretagne au moment même où il débat de la déclaration de guerre fran- çaise. Or, en cet instant intense, il règne une at- mosphère d’harmonie et de calme. Les députés, sagement assis, écoutent le discours du Premier ministre William Pitt le jeune, favorable à la guerre, dont le gouvernement est judicieusement éclairé par une lumière naturelle, voire céleste. Sur la table au centre, la masse d’arme symbolise la présence de l’autorité royale. Ainsi le peintre dif- fuse le contraste entre la France, agitée par la ré- volution, et l’Angleterre, sereine et confiante dans son régime monarchique parlementaire centenaire. On peut commencer l’analyse de ce document en demandant aux élèves de relever les éléments qui montrent que l’Angleterre est alors une monar- chie : les seuls qui y fassent allusion sont les ar- moiries surmontées d’une couronne placées au- dessus du speaker, qui se détachent sur la fenêtre centrale. Par là, le peintre paraît montrer que le roi n’intervient pas dans le fonctionnement des Com- munes. Ensuite, on peut attirer l’attention des élèves sur ce qui est mis en valeur : l’opposition et la confrontation des idées, le débat et la prise de parole, la décision collective. Pour cela, la cons- truction du tableau reprend l’organisation de la salle où se réunissent les Communes. Autour du speaker, chargé de modérer les débats et de faire respecter le règlement de la Chambre, sont rangés les députés en fonction de leur soutien ou de leur opposition au gouvernement. Debout, et entouré des membres de son gouvernement, le premier ministre prend la parole pour expliquer sa poli- tique, ou répondre aux questions des députés. Cela montre la responsabilité du gouvernement devant les Communes. Enfin, on peut faire s’interroger les élèves sur l’origine du pouvoir détenu par les personnages représentés – ici, l’élection. Document 2. Signature de la déclaration d’indépendance des États-Unis Page de droite, John Trumbull saisit un acte révo- lutionnaire : la signature de la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776, qui officialise la Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 2 sécession des treize colonies britanniques d’avec la Grande-Bretagne, suite au refus des colons de subir la lourde fiscalité imposée par le Parlement. En réalité, le titre est trompeur, car il s’agit ici de la présentation d’un projet de déclaration par un comité de 5 représentants, le 28 juin 1776 par le comité de cinq hommes chargé de la rédiger. Ces cinq hommes sont au centre de l’image : il s’agit, de gauche à droite, de John Adams, de Roger Sherman, de Robert Livingston, de Thomas Jeffer- son et de Benjamin Franklin. Face à eux, assis, le président du Congrès, John Hancock : il signa le premier la copie officielle de la Déclaration d’indépendance, adoptée le 4 juillet 1776. Dans ce tableau, 47 personnages sont représentés, presque tous signataires de la Déclaration d’indépendance. Cette huile sur toile est devenue, aux États-Unis, une image populaire de ce moment clé de la nais- sance du pays : exposé dans la rotonde du Capi- tole, elle est aujourd’hui reproduite au verso du billet de deux dollars. En construisant cette image, Trumbull insiste sur le processus à l’œuvre dans la fondation des États-Unis : une décision collective, fondée sur l’accord passé entre les représentants des treize colonies britanniques d’Amérique du Nord. La confrontation de ces deux tableaux permet de comprendre comment le Congrès, en se séparant de la Grande-Bretagne, s’inspire des principes politiques définis par la Grande-Bretagne. Des représentants élu, assemblés, discutent et débattent avant de décider par un vote. Trumbull, pourtant, ne met pas en scène l’opposition des idées : il in- siste davantage sur l’unanimité de la décision, et donc la légitimité de l’indépendance. REPÈRES La Grande-Bretagne et l’Europe au XVIIIe siècle › MANUEL PAGES 180-181 Réponses aux questions 1. Par quels moyens les idées des Lumières se diffusent-elles ? Entre 1763 et 1783, le territoire sous contrôle bri- tannique se réduit. Les Britanniques perdent leurs 13 colonies américaines, mais conservent leurs possessions canadiennes. 2. Caractérisez la période qui se conclut en 1689 par l’instauration de la monarchie parle- mentaire en Angleterre. La période qui se conclut en 1689 est caractérisée par plusieurs changements : une guerre civile qui se termine avec l’exécution du roi Charles Ier en 1649, suivie par la mise en place d’un régime de type républicain (1649-1660), puis par la restaura- tion de la monarchie avec Charles II (1660-1685), puis Jacques II (1685-1688). 3. Quelle est la singularité du régime politique anglais au XVIIIe siècle ? Le régime politique anglais au XVIIIe siècle est l’unique monarchie parlementaire en Europe. Ce n’est qu’en 1809, en Suède, qu’un tel régime est aussi adopté. REPÈRES La naissance des États-Unis d’Amérique › MANUEL PAGES 182-183 Réponses aux questions 1. Quelle évolution le territoire sous contrôle britannique connaît-il entre 1763 et 1783 ? Le document 1 présente l’évolution politique de l’est de l’Amérique du Nord entre 1763 et 1783. En 1763, la Grande-Bretagne domine cet espace. On y trouve les treize colonies. En effet, à partir du XVIIe siècle, la Grande-Bretagne fonde des colonies en Amérique du Nord. Elles se peuplent de Britanniques fuyant les crises du royaume : guerre civile, tensions religieuses, famines… Elles s’organisent sur le modèle politique britannique. Le roi nomme les gouverneurs, mais chaque colo- nie possède une assemblée élue qui décide des impôts. Le droit de vote y est aussi plus étendu qu’en Grande-Bretagne, bien que réservé aux hommes blancs propriétaires. À l’ouest de ces colonies, des territoires que le traité de Paris de 1763 fait passer de la domination française au contrôle britannique. En effet, à partir du XVIe siècle, les puissances européennes exportent leurs rivalités en Amérique. Le contrôle d’un empire colonial est un signe de puissance et une source de revenus. Si les Britanniques débarquent les der- niers en Amérique du Nord, ils dominent peu à peu l’espace. L’Espagne se cantonne au sud. En 1763, à la fin de la guerre de Sept ans, la France doit y abandonner ses possessions : la Louisiane passe aux Espagnols, le Canada aux Britanniques. À la même date, le gouvernement britannique décide de réserver une partie de ces territoires (en hachures sur la carte) aux Amérindiens. Confron- Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 5 On peut distinguer dans la population des États- Unis trois groupes qui entrent dans cette catégorie. Les Noirs et les esclaves sont un sujet de discorde entre les États. L’esclavage reste du ressort des États : certains le conservent, au nom de la préser- vation d’une agriculture d’exportation fondée sur leur exploitation. D’autres, en revanche, l’abolissent rapidement comme la Pennsylvanie en 1780. Avant 1776, les Britanniques protègent les Amé- rindiens, leurs alliés contre la France. Ils interdi- sent ainsi l’extension des colonies vers l’ouest. Pendant la guerre d’indépendance, de nombreux peuples soutiennent les Britanniques. Les Améri- cains les considèrent donc à la fois comme des ennemis et un obstacle à leur expansion vers l’ouest. Ils n’accèdent pas à la citoyenneté et, après 1783, sont progressivement repoussés vers l’ouest par des pratiques qui mêlent achat, saisie et vol de leurs terres, accompagnées de guerres et de massacres. Enfin, les femmes sont les oubliées de la révolu- tion. Elles ont, dès les premiers troubles en 1763, participé aux débats et aux actions (boycott, pro- testations…). Elles participent à la révolution, jusqu’à, pour certaines, combattre. D’autres parti- cipent aux débats politiques qui entourent la cons- truction des États-Unis, comme Abigail Adams. Pourtant, leur participation est rapidement oubliée, et elles ne bénéficient pas du droit de vote. COURS 3 L’influence du modèle britannique et de la révolution américaine › MANUEL PAGES 188-189 Réponses au Testez-vous ! Comment se diffusent en France les idées ve- nues de Grande-Bretagne ? Les idées anglaises se diffusent en France grâce aux écrits de philosophes, comme Voltaire ou Montesquieu, qui séjournent à Londres. Quant à Diderot, il traduit des ouvrages anglais en langue française. L’Encyclopédie qu’il dirige avec D’Alembert est inspirée de l’encyclopédie an- glaise d’Ephraïm Chambers. Expliquez les raisons et les formes du soutien français à la révolution américaine. D’une part, la monarchie française soutient la ré- volution américaine pour nuire aux intérêts britan- niques et ainsi renforcer sa position géopolitique. D’autre part, les élites politiques et philosophiques sont séduites par cette révolution américaine qui est une mise en pratique des idéaux des Lumières : égalité, liberté, souveraineté du peuple, séparation des pouvoirs. Quel impact la révolution américaine a-t-elle sur la situation économique et politique de la France ? La révolution américaine impacte directement la situation économique et politique de la France : le financement des troupes envoyées Outre- Atlantique coûte cher et cela s’ajoute au prêt aux insurgés de 34 millions de livres, jamais rembour- sé. De plus, le succès de la révolution américaine valorise les idéaux américains de remise en cause d’un pouvoir monarchique absolu et d’une société d’ordres. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE L’Habeas corpus et le Bill of Rights > MANUEL PAGES 190-191 Réponses aux questions 1. Comment un accusé est-il protégé par l’Habeas Corpus ? L’Habeas Corpus limite la détention en garde à vue d’un prisonnier à 5 jours. En effet, l’accusé peut présenter une ordonnance d’Habeas Corpus au sherif qui le détient captif. Celui-ci a alors 3 jours pour le présenter à un juge. Si le motif de l’emprisonnement n’est pas considéré comme légal, le juge devra le libérer au bout de 2 jours maximum. 2. Citez une expression du Bill of Rights qui poursuit les objectifs de la loi d’Habeas Corpus. L’article 10 du Bill of Rights interdit les « peines cruelles et inusitées », c’est à dire non justifiées. Il donne des exemples de motifs illégaux : présenter une pétition au roi (art. 5) ; toute opinion exprimée au sein du Parlement (art. 9). 3. Pourquoi le régime politique anglais peut-il être qualifié de monarchie parlementaire ? Le régime politique anglais à partir de 1689 ins- taure une séparation et un partage des pouvoirs entre le roi, chargé de l’exécutif, c’est à dire d’appliquer les lois, et le Parlement chargé du législatif, c’est à dire de voter les lois et le budget de l’État. Cette séparation est garantie par l’élection des députés de la Chambre des com- munes par plus de 200 000 électeurs. Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 6 4. Montrez que le Bill of Rights et les idées de Locke s’opposent à tout retour d’une monar- chie absolue en Angleterre. Locke affirme que tous les hommes sont égaux et forment une société, appelée dans le Bill of Rights, la « Nation ». Celle-ci accepte l’autorité du souve- rain, tant qu’il n’a pas une « mauvaise conduite », auquel cas il perd son autorité. Le monarque n’est donc plus légitime par droit divin, mais par contrat social. 5. Synthétiser Avant 1689, l’Angleterre était dirigée par un mo- narque au pouvoir autoritaire. Il pouvait empri- sonner ses opposants politiques et ne réunissait pas souvent le Parlement. Une évolution voit le jour dès 1679 avec la loi d’Habeas Corpus, votée par le Parlement pour limiter les emprisonnements sans justification légale. Enfin, en 1688, le Parlement s’oppose à la volonté de Jacques II de renforcer le pouvoir royal. Celui-ci doit fuir. À sa place, un couple de souverains prêts à partager leur pouvoir signent avec le Parlement le Bill of Rights : Guil- laume d’Orange et Marie Stuart. Cette « Glorieuse révolution » marque le début de la monarchie par- lementaire. Itinéraire 2 Rédiger une lettre Une lettre contient un en-tête avec le nom et l’adresse du destinataire. Ici, John Locke écrit probablement à un de ses amis conseiller politique ou à un membre de sa famille, resté en Angleterre. Vient ensuite une formule de politesse du type : « cher Arthur, », puis à la ligne suivante le début de la lettre. Ne pas oublier une formule de politesse à la fin et une signature. Pour rédiger le contenu de la lettre, il est possible de prendre en compte la double frustration de John Locke : 4 ans plus tôt, la loi d’Habeas Corpus limitait les emprisonnements arbitraires. La fuite de John Locke rappelle que cette loi est difficile- ment appliquée : les opposants politiques du roi Charles II doivent fuir. Deuxième motif de frustra- tion, le roi cherche à renforcer son pouvoir et ne convoque plus le Parlement… DE LA SOURCE À L’HISTOIRE POINT DE PASSAGE Les écrits de Voltaire et de Montes- quieu > MANUEL PAGES 192-193 Réponses aux questions 1. Relevez les expressions qui soulignent l’anglomanie de Voltaire. L’anglomanie de Voltaire apparaît dans ces ex- pressions : « la seule de la Terre qui soit parvenue à régler le pouvoir des rois » (l.1-2) ; « gouverne- ment sage » (l.3) ; « les seigneurs sont grands sans insolence » (l.5-6) ; « le peuple partage le gou- vernement sans confusion » (l.6-7) ; « de bonnes lois » (l.16) 2. Expliquez ce que Voltaire attend d’un roi. Voltaire attend d’un roi qu’il fasse le bien (l.3), mais qu’il ne puisse pas « faire du mal » (l.5), c’est-à-dire qu’il ne soit donc pas » tout-puissant » (l.4), mais limité par la loi. Il rejette le « pouvoir despotique » du roi (l.15) et attend de lui qu’il soit le « premier pilote » du » vaisseau » (l.23-24), qui ne lui appartient pas personnellement. 3. Pourquoi ce texte de Voltaire a-t-il été mal reçu par le pouvoir royal en France ? En vantant les mérites de la « nation an- glaise, seule de la Terre qui soit parvenue à régler le pouvoir des rois », Voltaire exclu donc la France. Ces éloges dénoncent donc en creux les défauts à ses yeux du régime politique français. La métaphore de la tempête (l.20 – 25), permet de dénoncer implicitement en France la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’une seule personne, qui « veut se rendre le maître du vais- seau » alors qu’il n’en est que « le premier pi- lote ». 4. Pourquoi peut-on dire que la question de la liberté est au centre de la réflexion politique des Lumières ? La liberté est au centre de la réflexion politique des Lumières. Prônant la liberté individuelle, les philosophes souhaitent s’exprimer librement, sans crainte d’être censuré ou emprisonné pour leurs idées. À cette fin, ils soutiennent une séparation des pouvoirs, afin d’assurer une justice indépen- dante du pouvoir royal et du pouvoir législatif. DOCUMENTS La déclaration d’indépendance / L’influence de la révolution améri- caine en France > MANUEL PAGES 194-195 Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 7 La déclaration d’indépendance  Conseils > En mars 1765, le Parlement britannique décide d’un nouvel impôt spécifique aux treize colonies. Les colons résistent, des troubles éclatent. Neuf colonies décident de se réunir en congrès à New York pour protester contre cette loi. Leurs délé- gués rédigent une déclaration, envoyée au Parle- ment et au roi George III. Les principes sur les- quels ils fondent leurs revendications sont ceux qui fondent la monarchie parlementaire britan- nique : l’impôt ne peut être approuvé que par les représentants de ceux sur lesquels il pèse. Pour- tant, le Parlement anglais décide d’un impôt sur les colonies, alors que les colons n’y sont pas re- présentés. Ce principe de la représentation est au fondement de la Déclaration d’indépendance de 1776 : « les hommes instituent des gouvernements dont le juste pouvoir émane du consentement des gouvernés ». Les rédacteurs de la Déclaration d’indépendance ajoutent d’autres principes, des droits qu’ils affir- ment inaliénables : la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Ils déclarent aussi la possibilité pour un peuple de renverser un gouvernement qui ne respecterait pas ces principes. > Le rejet de la Grande-Bretagne est tout entier fondé sur l’attitude du gouvernement britannique envers les colonies d’Amérique du Nord. Pour la Déclaration d’indépendance, Londres ne respecte pas les principes de leur souveraineté et de son exercice par des représentants. Puisque la Grande- Bretagne a cherché à priver les colons britanniques des droits garantis à tout Britannique, ils peuvent, et doivent s’en séparer. L’influence de la révolution améri- caine en France  Conseils > L’auteur du doc. 1, Guillaume-Thomas Raynal, affirme son soutien à la révolution américaine car elle est, à ses yeux, une lutte pour la liberté. De ce droit défendu par les États-Unis, il fait un principe général, qui doit être étendu au « genre humain tout entier ». L’auteur fait donc de la révolution américaine un cas exemplaire : tout oppresseur doit s’attendre à une réaction identique de ceux qu’il opprime. Ce texte est donc, au-delà d’une louange de la révolution américaine, une critique de la monarchie absolue française, qui n’est pour- tant jamais explicitement citée. > En France, l’opinion publique éclairée s’enflamme pour la cause américaine. Des nobles comme La Fayette partent sans l’autorisation du roi combattre les Anglais. L’ambassadeur des États-Unis, Benjamin Franklin, connaît en 1776 à Paris un véritable triomphe dont témoigne le doc. 2. Cette gravure montre un buste de Franklin cou- ronné par une allégorie de la liberté. Elle est une illustration du texte de Raynal : Franklin et à tra- vers lui la révolution américaine sont célébrés car ils combattent pour la liberté. Cette réaction montre la progression des idées des Lumières parmi les élites. La révolution américaine est en effet considérée comme une application des idées des philosophes : la souveraineté et la liberté du peuple sont définis comme des droits. Par contre- coup, la monarchie absolue paraît de plus en plus critiquée. En équipes ! Équipe 1 Pour construire le discours de Benjamin Franklin, les élèves doivent d’abord réfléchir à un plan. Quelles sont les différentes idées que pourrait aborder l’ambassadeur des États-Unis face aux soutiens français de la révolution qu’il repré- sente ? Commencer par rappeler rapidement qui est le personnage qu’ils incarnent (quelle est sa forma- tion, quel est son parcours, pourquoi se retrouve-t- il mêlé à la révolution ?). Montrer ensuite qu’à leurs yeux, la révolution américaine est tout à fait légitime (quelles sont les actions de la Grande-Bretagne ? À quels droits s’opposent-elles ?). Expliquer ensuite que, malgré les protestations des colons, le gouvernement britannique n’a pas modi- fié sa politique (penser à utiliser les doc. 1 et 2 de la p. 194). Poursuivre en expliquant que selon eux la Décla- ration d’indépendance est la seule issue possible avant de remercier leurs hôtes français de leur accueil. Équipe 2 Avant de commencer à rédiger le discours, penser à la manière dont le personnage, un Français issu des élites acquises aux Lumières, peut s’adresser à l’ambassadeur des États-Unis. Veiller également à rédiger un discours construit, qui développe un argumentaire organisé. Commencer par saluer leur hôte, et le remercier d’avoir répondu à leur argumentation. Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 10 amérindiens lors de la signature d’un tel traité. Elle montre Washington partageant un calumet avec un dirigeant amérindien. 4. Quelles sont, d’après l’auteur, les motiva- tions de la révolte de Shays ? Le document 2 révèle la mauvaise situation éco- nomique qui suit la guerre d’indépendance. Les tensions sociales augmentent alors. Ceux qui échouent à rembourser leurs dettes dans ce con- texte perdent leurs terres. Des révoltes éclatent alors. Ainsi, en septembre 1786, des fermiers du Massachussetts réclament plus d’égalité : c’est la révolte de Shays. Si la révolution de 1776 a été politique, elle n’a pas changé l’organisation so- ciale. Henry Knox, l’auteur du document 2, ex- plique ainsi que certains Américains souhaitent une meilleure redistribution des richesses. Pour eux, à l’égalité politique devrait s’ajouter une forme d’égalité sociale. 5. Synthétiser Il s’agit, dans cette synthèse, de montrer que les principes qui fondent la révolution américaine ne s’étendent pas à tous les habitants des États-Unis. Les esclaves noirs, les Amérindiens ne bénéficient pas de la citoyenneté américaine, et des principes de liberté et d’égalité. De la même manière, la révolution politique ne s’étend pas à la sphère sociale : les Américains touchés par la crise finan- cière et économique de l’après-guerre ne voient pas le gouvernement mener une politique de trans- formation de l’organisation sociale. PASSÉ / PRÉSENT La France et les États-Unis entretien- nent-ils des relations privilégiées de- puis le XVIIIe siècle ? > MANUEL PAGES 200-201 Réponses aux questions 1. D’après Franklin, quel est l’objectif du traité entre la France et les États-Unis, et sur quel principe est-il fondé ? Après la victoire américaine de Saratoga en février 1777, Louis XVI décide de reconnaître l’indépendance des États-Unis. C’est en février 1778 que sont signés deux traités entre la France et les États-Unis, l’un de commerce et l’autre d’alliance. Benjamin Franklin en reprend les termes lorsqu’il explique qu’il s’agit « d’établir la liberté, la souveraineté et l’indépendance, absolues et illimitées, des États-Unis en matière de gouver- nement aussi bien que de commerce ». Le traité qu’il évoque est fondé sur un principe d’égalité et de réciprocité. Aucun avantage parti- culier n’est donc accordé à l’un ou l’autre des pays, permettant aux États-Unis d’établir les mêmes termes pour d’autres pays. 2. Expliquez quelle est l’image que donne cette porcelaine de la relation entre la France et les États-Unis. Cette porcelaine représente Louis XVI remettant à Benjamin Franklin le traité d’amitié et de com- merce, symbolisant ainsi les relations officielles établies entre la France et les États-Unis. Cette porcelaine est française : elle montre un Louis XVI en armure, droit, plus grand que Franklin et debout sur une estrade, alors que l’ambassadeur des États-Unis est légèrement courbé. Le principe d’égalité affirmé par Franklin n’est donc pas ici représenté. 3. En 1793, l’alliance entre la France et les États-Unis est-elle respectée ? Lorsque Washington fait paraître la Proclamation de neutralité le 22 avril 1793, la situation politique française a radicalement changé. La France est une République, Louis XVI a été jugé et guillotiné, et la guerre fait rage. George Washington, président des États-Unis depuis 1789, assure alors que son gouvernement n’est plus tenu par les traités signés en 1778. Il affirme une parfaite impartialité envers tous les États en guerre, et déclare qu’aucun Amé- ricain intervenant dans cette guerre ne pourra ar- guer de la protection des États-Unis. Le souvenir de La Fayette, bravant les ordres de Louis XVI pour aller combattre auprès de Washington, semble bien loin. 4. Confrontez ces documents pour expliquer l’état des relations entre la France et les États- Unis dans ces trois moments. Tout au long du XXe siècle, les relations entre la France et les États-Unis varient. Le doc. 4 rappelle l’entrée en guerre des États- Unis auprès des pays de l’Entente, en 1917, et la manière dont le personnage de La Fayette est mis en avant pour affirmer l’existence d’un lien privi- légié entre les États-Unis et la France. L’arrivée des troupes américaines est vue comme un miroir de l’aide militaire française lors de la guerre d’indépendance. Il faut pourtant rappeler que si les États-Unis entrent en guerre en avril 1917, les combats ont débuté pour la France en août 1914. Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 11 Le doc. 6 évoque un moment de tensions fortes entre la France et les États-Unis. Après les atten- tats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, la France participe à la coalition qui, avec l’accord du conseil de sécurité de l’ONU, attaque l’Afghanistan accusé de soutenir Al Qaïda. En revanche, le gouvernement français, sous la prési- dence de Jacques Chirac, refuse de participer à la guerre contre l’Irak voulue par le président George W. Bush. La France, comme la Russie et la Chine, menace d’utiliser son droit de veto pour empêcher le conseil de sécurité de l’ONU d’approuver cette guerre. Cette décision entraîne une crise diploma- tique entre la France et les États-Unis. Enfin, le discours du président français Emmanuel Macron lors de la visite du président américain Donald Trump rappelle l’entrée en guerre des États-Unis en 1917, et en fait le signe d’une al- liance indéfectible entre les deux pays. 5. Expliquez comment la relation franco- américaine a évolué au XVIIIe siècle puis de- puis le XXe siècle. Il s’agit ici de reprendre chacune des évolutions dans les relations entre France et États-Unis, à la fois au XVIIIe siècle et au XXe siècle, pour mon- trer que l’on ne peut affirmer qu’il existe entre ces deux pays une situation privilégiée, des relations toujours proches. Elles connaissent des hauts et des bas, des rapprochements et des éloignements en fonction des intérêts diplomatiques et straté- giques de chaque gouvernement. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 1 CHAPITRE 7 Les Lumières et le développement des sciences › MANUEL PAGES 208 À 233 OUVERTURE › MANUEL PAGES 208-209 Plusieurs raisons expliquent le choix de placer ces deux documents en regard l’un de l’autre. Il y a tout d’abord la volonté de couvrir une large période, d’étudier un siècle des Lumières qui ne saurait se réduire stricto sensu au XVIIIe siècle et dont les dynamiques se mettent en place dès la fin du XVIIe siècle. Les deux documents permettent aussi d’insister sur la dimension européenne de la question : l’un des documents illustre les Lumières aux Pays-Bas (Michiel van Musscher est un peintre néerlandais), l’autre porte plus classique- ment sur la France. Surtout, il s’agit d’illustrer la thèse selon laquelle les Lumières font passer les sciences de l’atelier, du laboratoire et du monde des savants (doc. 1) à l’espace public, où le plus grand nombre peut assister aux progrès en cours (doc. 2). Cet élargissement des sciences, leur (rela- tive) démocratisation en somme, est l’une des spécificités fortes du siècle des Lumières. REPÈRES › MANUEL PAGES 210-211 L’histoire des sciences est à la fois une histoire des découvertes, des expérimentations et des hypo- thèses, et une histoire de la diffusion desdites dé- couvertes et avancées. Cette double dimension explique les deux épaisseurs de la frise chronolo- gique. En outre, il nous a semblé pertinent de proposer dans cette double page la reproduction de quelques-uns des outils ou instruments majeurs qui ont permis les progrès des sciences au siècle des Lumières. Ils pourront sans doute servir de lan- ceurs dans le cas d’un cours dialogué. Les deux grandes notions au programme, « Lu- mières » et « sciences », sont définies d’emblée dans la rubrique vocabulaire afin de donner aux élèves les outils conceptuels leur permettant de bien aborder l’étude du chapitre. Enfin, la carte donne une indispensable dimension géographique à cette question, en rappelant l’importance des pôles de production et de diffu- sion des savoirs scientifiques au siècle des Lu- mières. Réponses aux questions 1. Identifiez le nom de deux savants qui ont mis au point un instrument nouveau afin de ré- soudre un problème scientifique. On peut citer le télescope de Newton, qui accom- pagna le savant dans ses expériences astrono- miques et lui permit d’avancer d’ambitieuses hy- pothèses (comme la théorie de la gravitation uni- verselle). Citons également le microscope de Van Leeuwenhoek (l’un des précurseurs de la biologie cellulaire) qui permit d’étudier les cellules. Ainsi, explorer l’infiniment grand dans un cas, l’infiniment petit dans l’autre, nécessite des ins- truments adaptés, que les savants inventent ou perfectionnent souvent eux-mêmes. 2. Relevez trois domaines scientifiques concer- nés par des découvertes ou des expériences majeures. Des découvertes ou des expériences majeures ont concerné des domaines aussi variés que l’astronomie (avec Galilée ou Newton), l’électricité (avec B. Franklin) ou l’énergie (avec la machine à vapeur perfectionnée par Newco- men). 3. Quelle évolution se produit entre le XVIIe et le XVIIIe siècle ? Les Lumières sont-elles uni- quement un phénomène français ? On constate que les sociétés savantes et les Aca- démies se multiplient entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Toute l’Europe est saisie par les sciences au siècle des Lumières, et plus simplement quelques villes ou régions pionnières comme Londres, Pa- ris, Leipzig, Vienne ou l’Italie du Nord. Cette carte montre bien à quel point les Lumières sont un phénomène européen, car pratiquement tous les pays du continent sont directement concernés et accueillent des sociétés savantes et des acadé- mies. Chapitre 7 – Les Lumières et le développement des sciences Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 4 Il faut de l’eau et du charbon pour produire la va- peur : une chaudière alimentée au charbon chauffe l’eau qui sera ensuite mise sous pression. 3. Montrez que la machine à vapeur transforme certains paysages anglais. Les paysages anglais et gallois, avant ceux de nombreuses autres régions d’Europe, sont boule- versés par la machine à vapeur. C’est en effet à la fin du XVIIe siècle que se forment les « pays noirs », ces régions marquées par l’exploitation minière, avec des paysages reconnaissables entre tous, composés de chevalements, de carreaux de mine, de puits, de cheminées fumantes… en atten- dant bientôt les corons et les terrils. 4. Dans quels domaines la vapeur est-elle utili- sée ? La machine vapeur a de nombreux débouchés techniques : elle sert de pompe à feu dans les mines (doc. 3) ; elle facilite l’approvisionnement en eau de certaines villes (voir la chronologie) ; elle révolutionne les transports (d’abord par voie d’eau, puis au XIXe siècle le chemin de fer et l’automobile) ; elle est également utilisée comme source d’énergie dans le textile (pour activer les machines à filer et à tisser dans les usines). 5. Synthétiser Montrer dans ce paragraphe argumenté que la machine à vapeur, sans cesse perfectionnée entre les années 1680 et les années 1780 marque la ren- contre de la science et des techniques. Elle pro- voque des progrès décisifs en matière de produc- tion et de productivité qui sont à l’origine de la première industrialisation et qui changent en pro- fondeur les manières de produire et de travailler. Itinéraire 2 Pour construire la frise chronologique, les élèves peuvent : - s’aider de la chronologie proposée page 218 pour repérer les inventeurs et les innovations ; - être attentifs à choisir une échelle permettant de faire figurer 11 décennies (choisissez par exemple 2 carreaux pour une décennie) ; - choisir un code couleur pour les noms des sa- vants, un autre pour écrire leur contribution ; - chercher les iconographies attendues sur le site du musée du Conservatoire national des Arts et métiers à l’adresse https://www.arts-et-metiers.net/ DOCUMENTS La physiocratie / L’agronomie au XVIIIe siècle › MANUEL PAGES 220-221 La physiocratie Née en France vers 1750, la physiocratie est une école de pensée qui défend l’idée selon laquelle toute richesse vient de la terre, et donc de l’agriculture. Partant de cette hypothèse, les phy- siocrates considèrent que les États monarchiques doivent impérativement encourager l’agriculture. Pour les physiocrates, les activités industrielles et commerciales, alors en plein essor (songeons par exemple au commerce triangulaire), sont super- flues et ne devraient pas être encouragées par l’État. Le principal théoricien de la physiocratie est François Quesnay. Sa pensée, comme celle des autres physiocrates, circule grâce à diverses publi- cations, sous forme de livres (Physiocratie) ou bien sous forme d’articles (comme l’article « grain » de L’Encyclopédie, écrit par Quesnay en 1757). L’agronomie au XVIIIe siècle Conseils pour une courte présentation orale : - dans une courte introduction, dire que l’objet est de rendre compte de la manière dont les sciences et les techniques sont mises au service de l’agriculture au siècle des Lumières. Les deux moments de la présentation : 1. Présenter les raisons qui poussent les encyclo- pédistes à proposer de telles planches (doc. 1) : il s’agit d’expliquer par l’image, de faire preuve de pédagogie, de proposer des sortes de leçons de choses ; l’objectif est de promouvoir la diffusion des idées des Lumières auprès d’un public d’avertis. L’Encyclopédie a joué un rôle clé dans la diffusion des progrès agricoles. 2. Présenter le caractère scientifique de la dé- marche de Vicq d’Azyr (doc. 2) : « conférences avec les médecins », « observations importantes », « lecture des ouvrages publiés », « expériences publiées », « ses recherches » etc. Montrez aussi que l’intervention du scientifique naturaliste est une initiative de l’État qui considère les sciences comme un moyen de gouverner et d’aider les populations. En équipes ! Chapitre 7 – Les Lumières et le développement des sciences Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 5 Conseil pour réaliser la carte mentale : classer les idées proposées dans la rubrique « Mise en com- mun » en deux catégories : - des progrès et des avancées liées à une approche scientifique de l’agriculture ; - la diffusion des idées et des pratiques. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Émilie du Châtelet, une femme de sciences au siècle des Lumières / Ma- rie-Marguerite Bihéron, une anato- miste au siècle des Lumières › MANUEL PAGES 222-223 Émilie du Châtelet, une femme de sciences au siècle des Lumières Émilie du Châtelet (1706-1749) est une physi- cienne, astronome et mathématicienne qui prend part aux grands débats de son temps et contribue à renouveler la physique et les mathématiques. On lui doit notamment les Institutions de physique en 1740, une somme des savoirs astronomiques et physiques de son temps. Émilie du Châtelet est connue également pour sa traduction des travaux de Newton : elle a vulgarisé l’œuvre du grand astronome et contribué à diffuser sa théorie de la gravitation universelle. Amie de Voltaire ou de Maupertuis, elle entretient une riche correspon- dance avec les grands savants de son temps. Elle est l’exemple même du rôle important joué par les femmes dans les progrès et la diffusion des sciences au siècle des Lumières. Marie-Marguerite Bihéron, une anatomiste au siècle des Lumières Conseils pour la présentation orale - Au terme d’une courte introduction, organiser l’oral en deux temps : 1. Expliquer l’œuvre de scientifique de Marie- Marguerite Bihéron ; 2. Relever les éléments de la page qui évoquent la diffusion et le retentissement de ses travaux. - Accompagner cette présentation orale d’un sup- port – power-point ou affiche – réalisé seul ou en groupe. En équipes ! Conseils pour la réalisation des affiches : - Une bonne affiche doit comporter plus d’image que de texte ; le texte doit en outre être classé en rubriques. Chercher sur Internet des illustrations différentes de celles proposées dans cette double page. - Équipe 1 : Recenser le travail et l’apport scienti- fique d’Émilie du Châtelet et de Marie-Marguerite Bihéron. - Équipe 2 : Dresser une liste des canaux et des moyens permettant à Émilie du Châtelet et à Ma- rie-Marguerite Bihéron de vulgariser et de diffuser leurs savoirs. DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Comment faire l’histoire des sciences à travers la représentation des cabi- nets de curiosités du XVIIIe siècle ? › MANUEL PAGES 224-225 Le choix de proposer une double page sur les ca- binets de curiosités sous la rubrique De la source à l’histoire, approche « ARTS » s’explique de deux manières. D’une part, les cabinets de curiosités, très en vogue au siècle des Lumières, pouvaient renfermer des objets ayant un caractère artistique ; d’autre part, ils furent l’objet de nombreuses re- présentations artistiques (peintures ou gravures). Réponses aux questions 1. Quelle est la nature de ce document ? Ce document est une gravure, réalisée par le cé- lèbre illustrateur William Skelton, représentant un cabinet de curiosités. Elle fut diffusée dans la presse londonienne en 1787. 2. Que nous montre-t-il ? dans quel pays ? Ce document montre l’intérieur d’un cabinet de curiosités à Londres (Angleterre), l’une des capi- tales scientifique et artistique du XVIIIe siècle. 3. À qui s’adresse-t-il et dans quel but ? Il s’agit d’une sorte de document publicitaire qui a pour ambition d’attirer les visiteurs dans le cabinet de curiosités. Il s’adresse à un public urbain, bour- geois ou aristocratique. Le caractère théâtral de cette représentation, ainsi que la composition du dessin, invitent le spectateur à pénétrer dans ce cabinet de curiosités. 4. Qui sont les visiteurs des cabinets de curiosi- tés et qu’y trouve-t-on ? Chapitre 7 – Les Lumières et le développement des sciences Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 6 Les visiteurs venus en famille appartiennent aux catégories sociales élevées (comme en témoignent leurs vêtements) qui s’enthousiasment pour les arts au siècle des Lumières. Dans ce cabinet de curiosités sont inventoriées et exposées de nombreuses variétés d’espèces ani- males et végétales. Venus du monde entier, des animaux vivants ou empaillés sont autant de curio- sités pour les Européens. 5. Justifiez l’affirmation suivante : cette repré- sentation d’un cabinet de curiosités donne aux historiens un éclairage sur le goût du public pour les sciences au XVIIIe siècle. Les documents de cette sorte ne sont pas rares ; tous témoignent de l’enthousiasme des populations éclairées des grandes villes européennes pour les cabinets de curiosités au siècle des Lumières. C’est donc un matériau pour l’historien qui s’intéresse non seulement au contenu du dessin, mais aussi à la nature même d’un document révé- lant une dynamique culturelle et sociale. Ce do- cument nous plonge en outre aux origines des premiers musées européens. PASSÉ / PRÉSENT De l’Encyclopédie à Wikipédia › MANUEL PAGES 226-227 Réponses aux questions 1. Présentez les buts de l’Encyclopédie en deux catégories. On peut distinguer deux buts à l’Encyclopédie : tout d’abord « rassembler les connaissances » éparses ; puis diffuser et transmettre lesdites con- naissances « pour les siècles qui succéderont ». Cette donc une vaste entreprise de vulgarisation des savoirs, qui a une grande ambition et entend marquer son époque et les suivantes. 2. Décrivez et commentez cette infographie. Cette infographie nous renseigne sur les différents acteurs historiques qui ont mené à bien cette aven- ture intellectuelle au XVIIIe siècle : 2 fonda- teurs/directeurs (Diderot et d’Alembert), plus de 150 contributeurs. Il donne aussi une idée de l'ampleur du travail accompli (17 volumes de texte et 71 818 articles). En outre, cette infographie nous renseigne sur la diffusion de l’Encyclopédie : plus de 23 000 exemplaires vendus dans toute l’Europe pour les 6 éditions principales. Il est inté- ressant de noter que sur ces six éditions, une est parisienne (Paris), deux sont italiennes (Lucques, Livourne), les 3 autres suisses. Interdite en France, l’Encyclopédie a donc été imprimée et diffusée à partir de pays voisins où la législation était plus souple et la tolérance plus grande. L’Encyclopédie fut bien une entreprise européenne. 3. Que nous apprend cette carte sur les contri- buteurs de Wikipédia ? Cette carte nous apprend que Wikipédia est une initiative collective et collaborative internationale, qui compte des contributeurs dans la plupart des pays du monde. Contrairement au XVIIIe siècle, l’Europe n’est plus aujourd’hui l’épicentre des savoirs. Cette carte met aussi en valeur des inéga- lités spatiales : certaines aires géographiques con- tribuent moins que d’autres, car les populations y sont moins alphabétisées, car les réseaux numé- riques sont peu développés (ainsi en Afrique et dans une partie de l’Asie) ou car l’État freine et encadre strictement l’essor d’Internet (on pense à la Chine). 4. Répertoriez les points communs qui existent entre l’Encyclopédie et Wikipédia. Dans les deux cas, il s’agit d’une initiative visant à éclairer le monde par des savoirs compilés, ras- semblés, diffusés. Dans les deux cas également, il s’agit d’une entreprise collective. 5. Répertoriez les différences entre l’Encyclopédie et Wikipédia. Un changement d’échelle s’est opéré entre l’Encyclopédie du XVIIIe siècle et Wikipédia : le nombre de contributeurs a explosé (de 150 à plu- sieurs millions), la somme des savoirs accumulés a fortement augmenté (de 71 818 articles à des mil- lions), la diffusion est devenue planétaire, sortant du cadre strictement européen. Le texte 4 insiste sur les spécificités éditoriales de Wikipédia au regard de l’Encyclopédie du XVIIIe siècle : le caractère dématérialisé de Wikipédia en fait une encyclopédie sans limites ; en outre, Wikipédia n’est pas figée et est interactive, réagis- sant de manière prompte aux événements. Ses auteurs peuvent être connus ou inconnus ; l’anonymat les protège d’une certaine manière. Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 3 çais méditerranéen du XVIIIe siècle, l’essor éco- nomique y est encore important malgré la crois- sance spécifique et plus nette des ports atlantiques (Bordeaux, Nantes, La Rochelle) redynamisés par le commerce triangulaire. Les nombreuses marines de Joseph Vernet (1714-1789) rendent compte de la vie des ports français au XVIIIe siècle. Sur de- mande de Louis XV, Joseph Vernet peint entre 1753 et 1765 quinze des vingt-quatre toiles de ports français qui lui sont commandées. Sur ce détail de L’entrée du port de Marseille datant de 1754, on voit évidemment les navires de com- merce aux voiles repliées pour accoster, les nom- breuses barques de déchargement, et les fortifica- tions du port. L’activité économique y est mani- feste mais la touche sociale est tout aussi impor- tante. Les bateaux d’agréments, la femme à l’ombrelle, le pique-nique raffiné, la longue vue racontent cette appropriation culturelle du rivage notamment dans la bourgeoisie et la noblesse. Quelques baigneurs aux vêtements plus modestes à droite du document rappellent aussi la proximité plus ancienne de la mer pour des milieux plus populaires. REPÈRES › MANUEL PAGES 236-237 Cette double page propose une carte du royaume et quatre documents graphiques, dont deux statis- tiques. L’enjeu est de pouvoir situer dans l’espace et dans le temps les principaux épisodes du cha- pitre. La carte porte précisément sur les révoltes populaires du XVIIe siècle ; elle permet de situer les principaux foyers de révoltes urbaines ou ru- rales ainsi que les grandes villes de France. Sur la frise chronologique, les dates importantes, qu’elles rendent compte de faits économiques, sociaux ou culturels, sont classées thématiquement. L’intérêt est de rappeler le caractère nécessairement partiel mais argumentatif des chronologies. Le document 2 rend compte de l’accumulation des charges pe- sant sur la paysannerie et de leurs bénéficiaires, la lecture fiscale étant une entrée fondamentale dans l’étude des inégalités de la société d’ordres. Le document 4 complète la carte et rend compte du nombre important et croissant des soulèvements populaires de 1660 à 1780. Nombreux dès le XVIIe siècle malgré les répressions royales sous Louis XIII et Louis XIV, ces mouvements de con- testation sont bien plus importants et continus au XVIIIe siècle, doublant entre 1700 et 1780 (de 324 à 744). Leur persistance rend compte de résis- tances sociales renouvelées et accentuées. Le do- cument 3 illustre la croissance démographique du royaume, l’essor des grandes villes comme es- paces privilégiés de concentration des populations, des richesses, des évolutions sociales et des con- testations. La population du royaume passe de 20 à 28 millions entre 1600 et 1780, et les grandes villes voient leurs populations plus que doubler sur la période ; Paris compte 600 000 habitants en 1789. Nantes et Bordeaux voient leur population multipliée par 4 et par 3 aux mêmes dates. Cet essor particulier s’explique par le dynamisme des activités maritimes et portuaires, notamment le commerce d’esclaves. Réponses aux questions 1. Identifiez et distinguez les prélèvements subis par les paysans. Dans l’Ancien régime, les paysans paient des re- devances seigneuriales, une taxe au clergé (la dîme) et différents impôts directs et indirects au roi. 2. Localisez les principales révoltes paysannes. À quelle époque sont-elles les plus nom- breuses ? Les principales révoltes paysannes se situent dans le sud et à l’ouest du royaume. Elles sont les plus nombreuses dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. 3. Comment évolue la population urbaine aux XVIIe-XVIIIe siècles ? La population urbaine augmente beaucoup aux XVIIe et XVIIIe siècles, en particulier à Paris qui double sa population et dans les grands ports de commerce que sont Bordeaux et Nantes. COURS 1 Les inégalités de la société d’ordres › MANUEL PAGES 238-239 Réponses au Testez-vous ! Comment s’organise la société d’Ancien Ré- gime ? La société d’ordres repose sur la coexistence de trois groupes qui regroupent toute la population du royaume. Selon la définition juridique de Charles Loyseau, ces trois groupes constitués dès le Moyen-Âge d’après leurs fonctions ne sont pas d’égale dignité. Entre le clergé, la noblesse et le Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 4 tiers-état, de nombreuses inégalités de traitement persistent. Quelles sont les particularités du tiers état ? Le tiers-état compte 95 % de la population du royaume, produit l’essentiel des richesses issues des activités productives du pays et supporte l’essentiel de la fiscalité du royaume. Il regroupe le peuple des villes et des campagnes, les paysans et les bourgeois. Quelles sont les principales causes des révoltes populaires au XVIIe siècle ? Au XVIIe siècle, les principales causes des ré- voltes populaires sont les prélèvements fiscaux. Les charges fiscales qui pèsent sur le tiers-état et de manière plus systématique sur les paysans et petits travailleurs, provoquent de nombreux mé- contentements. COURS 2 Les mutations de la société › MANUEL PAGES 240-241 Réponses au Testez-vous ! Comment évolue la population du royaume durant la période ? Pourquoi ? Entre 1600 et 1780, la population du royaume augmente considérablement et la France devient un des pays les plus peuplés d’Europe. Passant de 20 à 28 millions d’habitants, le peuple de France profite de la lente amélioration des campagnes : modernisation des techniques agricoles, extension des terres arables, nouvelles cultures, augmenta- tion des rendements. Pourquoi les villes s’enrichissent-elles ? Les villes connaissent un essor démographique important dont une des causes est l’enrichissement manifeste au XVIIIe siècle. Elles rassemblent alors près de 20 % des habitants du royaume. Les villes concentrent davantage d’activités commerciales, bancaires, proto-industrielles et maritimes (pour les villes portuaires), autant de secteurs dyna- miques qui emploient davantage et attirent de nombreux journaliers des campagnes ou vaga- bonds. Quels sont les nouveaux lieux de sociabilité ? Les villes se transforment et on y trouve de nom- breux lieux de sociabilité. En plus des théâtres et promenades, se développent les salons et les cafés. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Une révolte paysanne : les Nu-Pieds normands › MANUEL PAGES 242-243 Cette double page propose deux documents sources textuels et un document iconographique qui représente la répression royale contre des ré- voltes au XVIIe siècle. Les deux textes rendent compte de la diversité des acteurs de cet épisode au-delà des sauniers révoltés contre la suppression d’un avantage fiscal local. Les bourgeois et les seigneurs interviennent du côté du peuple, la ré- pression royale prônée par Richelieu est radicale. La carte et la chronologie associée favorise l’inscription dans le temps et dans l’espace de cette révolte à replacer dans une lignée plus dense présentée en page Repères. Avant 1789, les ré- voltes paysannes sont nombreuses et souvent dis- parates, selon les régions. Réponses aux questions 1. Présentez les acteurs et les lieux de la révolte de 1639. La révolte se fait en Normandie à partir de nom- breux foyers comme Coutances, Avranches, Granville et dans les campagnes environnantes. Elle compte de nombreux acteurs : les sauniers, les trésoriers de la cour des aides de Caen, d’autres seigneurs ou bourgeois relayant les inquiétudes des travailleurs du sel, le chancelier Séguier et les troupes royales, le cardinal de Richelieu. 2. Décrivez les formes que prend ce soulève- ment. Citez deux moments importants. Début 1639, une ordonnance royale limite l’usage du sel blanc dans le Cotentin. La rumeur de la fin de cet avantage fiscal et la mise en place poten- tielle de la gabelle dans la région provoque de vives inquiétudes et des violences contre des émissaires royaux. Une armée locale regroupe des milliers d’hommes issus des trois ordres : paysans, prêtres, nobles. Sur ordre de Richelieu, la répres- sion royale est menée par le chancelier Séguier, elle est radicale pour décourager toute autre ré- volte locale. 3. Quelles sont les causes de la révolte ? Les causes de la révolte sont la crainte et le refus de renoncer à un avantage fiscal important : ne pas payer de taxe sur le sel nécessaire à la conserva- tion des aliments. 4. Quelle est la réaction royale ? Pourquoi ? Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 5 La réaction royale est radicale : par la condamna- tion à mort des participants, elle doit servir d’exemple et dissuader les autres révoltes. 5. Synthétiser En 1639, un mouvement de contestation apparaît et se renforce dans le Cotentin. Les sauniers, sou- tenus par les bourgeois, prêtres et nobles locaux refusent de renoncer à leur exemption de la ga- belle. Cet impôt royal sur le sel n’était pas payé dans cette région où le sel était produit et con- sommé librement par les paysans. Une armée lo- cale se met en place et les villes de la région sont aux mains des révoltés. Ministre de Louis XIII, le cardinal de Richelieu ordonne une répression sé- vère qui doit servir d’exemple et dissuader tout autre mouvement populaire. Itinéraire 2 Construire une carte mentale Exemple de carte mentale : DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Riches et pauvres à Paris au XVIIIe siècle › MANUEL PAGES 242-243 Parmi les cinq documents proposés, deux sont des témoignages d’habitant ou de voyageur, et le troi- sième un ensemble de transcriptions d’interrogatoires et rapports de police du XVIIIe siècle à Paris. Ce document 3 permet de prendre en compte le vécu des populations les plus pré- caires de la capitale. Les deux iconographies don- nent à voir le quotidien, celui de la noblesse dans un cas, celui du peuple de Paris dans le second cas. La gravure intitulée Les embarras de Paris (1720) illustre l’activité dense, la coexistence heurtée et les aléas nombreux des rues de la capitale. Les hiérarchies sociales, professionnelles et juridiques se conjuguent et conditionnent une occupation différenciée du territoire urbain. Réponses aux questions 1. Identifiez les groupes sociaux évoqués dans les documents et les ordres auxquels ils appar- tiennent. Dans l’ensemble des documents, les nombreux groupes sociaux évoqués sont la noblesse (docu- ments 1 et 4), le clergé (document 5), la bourgeoi- sie (document 5, 2 et 4), le peuple de Paris, mar- chands et artisans, mendiants, vagabonds, ouvriers (documents 4, 2 et 5). 2. Décrivez le mode de vie de la noblesse fortu- née à Paris. La noblesse fortunée vivant à Paris de manière ponctuelle ou permanente partage son temps entre de nombreuses occupations. Il ne s’agit jamais de travail rémunéré ou d’activité professionnelle mais de loisirs (théâtre, boulevard et variétés), de ren- contres et de mondanités (salons, soupers), de courses (étoffes, bijoux, mobilier). 3. Pourquoi rencontre-t-on de nombreux pauvres à Paris ? Paris compte de plus en plus de pauvres au XVIIIe siècle. Les documents 2 et 3 expliquent que ce sont pour beaucoup de nouveaux citadins qui sont venus des campagnes environnantes. L’exode rural est prononcé et Paris, capitale du royaume et ville aux multiples activités économiques attire les indigents. 4. Comment sont-ils traités par les autorités ? Ces populations pauvres sont surveillées, poursui- vies et emprisonnées rapidement en cas de délit ou de vagabondage. Le contrôle social est important. 5. Synthétiser À l’époque moderne, Paris est une ville riche et de plus en plus attractive. Elle rayonne par de nom- breux loisirs et commerces qui occupent la no- blesse et la bourgeoisie. Elle attire également de nombreux ruraux quittant les campagnes pour trouver refuge en ville. Les contrastes sociaux sont ainsi très prononcés et les rues de la capitale sont des espaces où se côtoient tous les métiers et tous les groupes sociaux du royaume. Itinéraire 2 Rédiger un récit Pour rédiger un récit, il convient de rester attentif à des exigences strictes : - rappeler le thème traité ; - décrire ; CONSEQUENCES : une répres- sion royale sévère en 1640 : de nombreuses condamnations à mort, maisons et biens détruits, murailles des villes qui ont protégé les révoltés rasées. ACTEURS : les sauniers, paysans et la petite noblesse, certains prêtres et certains bourgeois ou parlementaires qui soutiennent la révolte. Troupes royales menées par le chancelier Séguier sur ordre de Richelieu. CONTEXTE : en janvier 1639, une ordonnance royale limite l’usage du sel blanc produit par les sauniers sur les côtes normandes. CAUSES : les sauniers et pay- sans normands refusent de payer un impôt sur le sel. Révolte des nu-Pieds Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 8 nent à ceux qui les achètent. Le code noir règle- mente leur traitement : ils peuvent être battus, mutilés et tués par leurs maîtres. 3. En confrontant les deux documents, définis- sez la situation économique de Bordeaux. La confrontation du texte et de l’image permet d’affirmer que l’enrichissement de Bordeaux au XVIIIe siècle est dû au commerce atlantique. Ce sont bien le commerce d’esclaves et le commerce de produits locaux dont le vin qui ont accéléré la croissance du port français. Cette réussite écono- mique est perceptible tant dans les évolutions ar- chitecturales que dans la tenue de la noblesse et de la bourgeoisie bordelaises. 4. Expliquez pourquoi le commerce triangulaire est important pour la prospérité de Bordeaux. Le commerce triangulaire est important pour la prospérité de Bordeaux puisque les échanges tran- satlantiques sont l’occasion d’exporter des pro- duits bordelais et d’importer des produits exo- tiques vendus avec des marges très importantes. Par ailleurs le commerce d’esclaves enrichit con- sidérablement les familles et les négociants qui ont investi dans l’économie de plantation. 5. Synthétiser L’économie de plantation suppose l’exploitation de terres agricoles et le commerce de produits tropicaux comme le sucre destinés à l’exportation en Europe où ils sont vendus très cher. Le travail des esclaves étant non rémunéré, les bénéfices peuvent être très importants pour les exploitants ou les investisseurs bordelais. Itinéraire 2 Réaliser un schéma Exemple de schéma : DOCUMENTS Les mutations de la noblesse › MANUEL PAGES 252-253 Les évolutions de la noblesse illustrent les dyna- miques économiques et sociales du XVIIIe siècle. Ce groupe anciennement constitué est subdivisé en de nombreuses catégories avec des hiérarchies indicatives de la réussite ou de l’origine du titre, entre petite et haute noblesse, noblesse d’épée et noblesse de robe. Les justifications idéologiques et juridiques évoquées par Charles Loyseau pour justifier la société d’ordres sont croisées avec des critiques faites à la noblesse par deux contempo- rains dont un noble, Gilles André de La Roque. De nombreux thèmes peuvent être abordés : les fon- dements de légitimité de la noblesse, ses préroga- tives, ses rôles économique et politique, ses hié- rarchies et sa diversification, entre ouvertures, reconfiguration et persistances nobiliaires. Il est également possible de s’attarder sur les pratiques domestiques et culturelles. Réponses aux questions 1. Quelles sont les origines de la noblesse selon Charles ? Selon Charles Loyseau, les nobles ont pour rôle de « conserver l’État par les armes », ils tirent leur légitimité de leur fonction militaire. 2. Relevez les reproches que Voltaire adresse à la noblesse. Voltaire émet de nombreuses critiques concernant cet ordre. Il se moque des titres rapidement acquis, de leur prétention à l’égard des négociants et autres bourgeois. Sa principale critique est que les nobles n’ont aucune utilité économique, ils ne participent pas au développement et à la moderni- sation du pays, ne produisent aucune richesse, ne travaillent pas. 3. Montrez que la vie d’Emmanuel de Croÿ illustre les mutations de la noblesse au XVIIIe siècle. Le cas d’Emmanuel de Croÿ permet de relativiser cette description de la noblesse. Ce noble issu d’une famille ancienne fut un éminent militaire et s’intéressa à l’industrie naissante de l’extraction du charbon. Il fonde la compagnie des mines d’Anzin en 1757 et sa famille eut un poids impor- tant dans les charbonnages au nord de la France. Ce noble incarne les persistances de l’ordre (la formation militaire, les usages sociaux et vesti- mentaires) ainsi que les renouvellements initiés par certains nobles tentés par de nouvelles respon- sabilités sociales (l’investissement économique dans l’industrie au-delà des exploitations agricoles traditionnelles. 4. Pourquoi la noblesse fascine-t-elle le reste de la société ? Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019 9 La noblesse fascine le reste de la société par ses loisirs, ses représentations et sa proximité avec le roi. De nombreux éléments qui ont nourri les ima- ginaires. 5. Pourquoi cet auteur (doc. 2) est-il hostile à l’anoblissement ? Gilles André de La Roques est hostile à l’anoblissement car il produit des inégalités entre les nobles et nourrit une hiérarchie qui divise ce groupe social. Selon lui, seules l’hérédité et l’ancienneté légitiment la noblesse. 6. Synthétiser La noblesse est un ordre qui trouve sa première légitimité dans son ascendance chevaleresque et son rôle de défenseur du royaume. Hétérogène, il est divisé en sous-groupes selon les origines et l’ancienneté du titre. Plusieurs noblesses coexis- tent mais toutes n’ont pas accès au roi ou aux charges les plus prestigieuses du royaume. Haute et petite noblesses, noblesse d’épée ou noblesse de robe (attachée aux parlements et fonctions juri- diques), les nombreuses dénominations attestent de cet éclatement. Par ailleurs, malgré les usages interdisant le travail au risque de déchoir, de nombreux nobles s’essaient à d’autres chantiers que la gestion des terres familiales. Pour la modernité qui l’accompagne et les nombreuses opportunités qu’elle offre, l’industrie naissante attire des inves- tissements de la part de la noblesse. Ainsi la noblesse est un groupe ancien mais non immuable dont l’hétérogénéité et les évolutions illustrent des dynamiques au sein de la société d’ancien régime. DE LA SOURCE À L’HISTOIRE En quoi Le Mariage de Figaro ren- seigne-t-il l’historien sur la crise et les critiques de la société d’Ancien Ré- gime ? › MANUEL PAGES 254-255 Cette double page propose de rappeler que les œuvres de littérature, au-delà de leurs qualités artistiques, restent des sources importantes pour l’historien. Écrite en 1778, Le Mariage de Figaro est une pièce de Beaumarchais qui, dix ans avant la Révolution française, dénonce des inégalités de la société d’Ancien Régime. Quelles sont les spécificités de l’usage de l’œuvre littéraire en histoire ? Réponses aux questions 1. Présentez la source dans son contexte. Beaumarchais écrit Le Mariage de Figaro en 1778. Il met en scène un noble et son valet pour souligner les inégalités persistantes entre les ordres de la société d’Ancien Régime. Censurée durant trois ans sur ordre royal, la pièce finit par être autorisée sur pression de certains nobles et de l’opinion publique. Beaumarchais est de son côté libéré. La pièce connaît un grand succès et elle est adaptée par Mozart en 1785 avec Le Nozze de Figaro. 2. Comment Beaumarchais décrit-il les écarts entre les nobles et les serviteurs ? Beaumarchais décrit les écarts entre les nobles et leurs serviteurs sur le ton comique. Il donne néanmoins l’occasion à ses personnages de dérou- ler les arguments et les critiques. La longue tirade de Figaro dans l’acte V scène 3 est l’occasion pour le serviteur de dénoncer les privilèges de la no- blesse et la domination subie par leurs personnels. 3. Relevez la façon dont il traite de la censure. Il évoque la censure à la fin de l’extrait : « ...il s’est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions... Deux ou trois cen- seurs ». Le ton est ironique, la censure décrite comme un système de liberté paradoxal qui réduit le champ de l’expression. 4. Pourquoi Louis XVI est-il hostile à la pièce ? Louis XVI est hostile à la pièce pour plusieurs raisons. Il en critique le style « de mauvais goût » mais surtout il craint son caractère séditieux, puisque selon lui l’auteur se « joue de tout ce qu’il faut respecter dans un gouvernement ». 5. Montrez que cette œuvre rend compte des tensions dans la société d’ordres. Le Mariage de Figaro est une pièce de théâtre qui rend compte des tensions de la société d’ordres. Le personnage principal, Figaro, conteste les privi- lèges de son maître et à travers lui de la noblesse. Les arguments portés contre une hiérarchie inique sont exposés avec force, rappelant les qualités du peuple qui travaille face aux avantages liés à la naissance d’une noblesse oisive et imbue de ses privilèges.
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