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Corrigé officiel bac de français 2020, Examens de Français

Corrigé officiel bac de français 2020

Typologie: Examens

2020/2021

Téléchargé le 11/06/2021

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Télécharge Corrigé officiel bac de français 2020 et plus Examens au format PDF de Français sur Docsity uniquement! 20FRGEMLR1C Page 1 / 25 Éléments pour l’évaluation Commentaire Recommandations générales Ce document présente une lecture littéraire du texte proposé. Son objectif est d’accompagner la réflexion des professeurs. Il ne saurait donc, en aucun cas, représenter ce qu’une copie d’élève pourrait produire. Mais un candidat de 1ère devrait être en mesure d’aborder et de développer quelques-uns de ces éléments, à sa manière et à son niveau. S’il proposait d’autres pistes d’interprétation, s’il adoptait un angle de lecture que ce document ne présente pas, il conviendrait bien entendu de les examiner dans un esprit d’ouverture et en toute bienveillance. L’harmonisation académique appréciera la qualité des copies en examinant, d’une part, ce qui relève des attentes liées à l’exercice (un devoir organisé autour d’un projet de lecture pertinent, rédigé dans une langue correcte ; une démarche interprétative personnelle étayée par des analyses précises) et, d’autre part, les éléments qui pourraient valoriser le travail du candidat (la finesse et la pertinence des analyses et des interprétations ; un devoir qui mènerait progressivement à une démonstration aboutie). Vous commenterez le texte suivant : Louis ARAGON, « Elsa au miroir ». Pour Les yeux d’Elsa (1942), Aragon donne une préface essentielle, où il déclare que « L’art des vers est l’alchimie qui transforme en beautés les faiblesses ». Mais il ajoute que « L’histoire d’une poésie est celle de sa technique », et confie son désir de s’inscrire dans « la longue histoire du vers français, non pas comme une leçon qui se répète, bien apprise, non pas comme une science nécessaire à quelque baccalauréat, mais comme le sanglot organique et profond de la France, comme ce parler de toute la terre et de toute l’histoire, dont chaque poète français est l’héritier, l’interprète trop souvent ignorant de ce qu’il fait ». Il entre donc dans une chaîne, une tradition : « Car j’imite. » Rédigée à Nice en février 1942, cette préface emprunte son titre à Virgile, Arma virumque cano (je chante les armes et l’homme), avec le commentaire suivant : « Je chante l’homme et ses armes… et en ce sens oui, je chante et je suis prêt à reprendre pour notre temps et mon pays ce programme par quoi débute l’épopée romaine, et je n’ai forgé mon langage pour rien d’autre, de longue date, pour rien d’autre préparé cet instrument chantant… » C’est dans ce contexte que notre poème fut composé fin 1943, et publié en 1944. Foncièrement ouvert, ce poème pourra stimuler la réflexion et l’interprétation des candidats. Ils pourront repérer des thématiques (le regard du poète, peut-être amoureux, sur une femme à sa toilette ; la chevelure et ses fonctions symboliques ; un contexte de guerre, celui de l’Occupation) qui entretiennent des relations de proximité, qui se mêlent parfois. Certaines copies chercheront même à démêler ces fils, à étudier 20FRGEMLR1C Page 2 / 25 peut-être cette forme de tressage, ce qui permettrait de comprendre plus profondément le geste inaugural, et finalement constant, du peigne dans les cheveux.  Des motifs, comme des fils :  Une scène intime. Le poète observe et décrit d’abord une scène apparemment inspirée de la vie quotidienne : une femme est assise à son miroir et se coiffe, dans l’intimité d’une chambre. On retrouve ici un motif pictural qui peut rappeler certaines toiles de Renoir (La Toilette : femme se peignant ou Jeune fille se peignant) ou de Degas (Femme à sa toilette). Une impression de durée, portée par l’imparfait, est renforcée par le vers 2 (« Et pendant un long jour assise à son miroir »), répété au vers 6, qui d’ailleurs n’indique aucun geste encore. Ce temps, comme suspendu, pourrait être celui d’une contemplation amoureuse.  Un contexte sombre, et collectif. Toutefois, ce motif de la femme au miroir est d’emblée situé dans un cadre menaçant : « C’était au beau milieu de notre tragédie » (v.1) est répété au cœur du deuxième quintil (v. 8) puis aux vers 17 et 21. De plus, ce cadre semble excéder la simple évocation d’un couple : la femme au peigne n’étant jamais désignée à la 2e personne, ni d’ailleurs jamais nommée (hors le titre), comme figée dans une attitude et presque désincarnée, réduite à sa chevelure et à ses mains, il est difficile d’envisager que la 1ère personne du pluriel (« notre ») puisse l’inclure. En revanche, remarquant la récurrence du pronom « vous » à partir du vers 27, nous comprenons que le poète s’adresse en réalité, et s’agrège, au groupe de ses lecteurs.  La chevelure d’Elsa. La répétition du fragment octosyllabique « Elle peignait ses cheveux d’or » (aux vers 3, 7, 11) et ses variantes (« dorés » v.29 ; « cette moire » v.19) pourraient nous orienter vers une lecture bien établie du motif de la chevelure, symbole de féminité et d’érotisme, tel qu’on le connaît en particulier dans la poésie baudelairienne. Mais ce n’est pas seulement une chevelure féminine que réfléchit le miroir : dès le vers 3, le contre-rejet (« Je croyais voir », signalé de façon spectaculaire par cette majuscule interne en l’absence de toute ponctuation) met l’accent sur le principe d’interprétation que le poète installe. Se superposent en effet, tout au long du poème, les « cheveux d’or » et l’« incendie » (vers 4, 14, 30), ou « les feux » (vers 19 et 20).  Le miroir, matrice poétique :  Jeux de miroir. L’image du miroir, omniprésente, permet de créer dans le poème un jeu de reflets et d’échos qui met à distance la réalité décrite. On assiste ainsi 20FRGEMLR1C Page 5 / 25 ÉLÉMENTS POUR L'ÉVALUATION Dissertation Recommandations générales Ce document présente un développement organisé en réponse au sujet proposé. Son objectif est d’accompagner la réflexion des professeurs. Il ne saurait donc, en aucun cas, représenter ce qu’une copie d’élève pourrait produire. Mais un candidat de 1ère devrait être en mesure d’aborder et de développer quelques-uns de ces éléments, à sa manière et à son niveau. L’harmonisation académique appréciera la qualité des copies en examinant, d’une part, ce qui relève des attentes liées à l’exercice (une réflexion organisée et rédigée dans une langue correcte, en réponse à la question posée, fondée sur la connaissance de l’œuvre éclairée par le parcours associé), et, d’autre part, les éléments qui pourraient valoriser le travail du candidat (une finesse d’analyse ; une réflexion particulièrement nuancée ; la mobilisation pertinente d’une culture littéraire solide). [Entre crochets figurent quelques références et analyses témoignant d’un travail qui aurait pu être conduit en classe dans le cadre du parcours associé. Par définition ces exemples précis ne peuvent être considérés comme attendus ; ils cherchent seulement à illustrer l’un des ressorts de l’exercice : la réponse au sujet de dissertation s’enrichit bien du travail connexe qui aura été mené autour de l’œuvre inscrite au programme, notamment dans le cadre du parcours associé.] Objet d'étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Sujet A Œuvre : Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves Parcours : individu, morale et société. Selon vous, Madame de Lafayette condamne-t-elle la passion amoureuse dans La Princesse de Clèves ? Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur le roman de Madame de Lafayette, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle. 20FRGEMLR1C Page 6 / 25 Le sujet invite à se pencher sur l’expression du sentiment amoureux, thématique essentielle du roman de Madame de Lafayette, et en particulier sur sa qualification morale. Si les conceptions jansénistes de l’auteur sous-tendent ce questionnement, elles ne constituent en aucune manière un attendu dans une copie d’élève de première. Le sujet propose néanmoins de s’intéresser aux différentes formes que peut prendre la passion dans l’œuvre et sur les distances que l’auteur prend avec elle.  Le roman semble d’abord condamner la galanterie, sous les formes qu’elle prend à la cour, au sens où la galanterie n’a de l’amour que les apparences.  Une « symphonie de l’amour1» . Le roman met en scène un véritable monde de la galanterie ; tous les personnages sont amoureux ou courtisés. Le roi Henri II entretient une liaison avec la duchesse de Valentinois ; Catherine de Médicis aspire à trouver un chevalier servant en la personne du vidame de Chartres. La reine Dauphine est passionnément aimée du duc d’Anville et le duc de Nemours remporte maints succès auprès des dames. Les intrigues enchâssées rapportent les amours de Mme de Valentinois, de Mme de Tournon, d’Anne de Boulen, et du vidame de Chartres. En somme, l’intrigue principale du roman trouve presque exclusivement son ressort dans l’amour et la passion amoureuse.  Une condamnation des amours impures. Mais ces amours sont diverses et la plupart des relations galantes entretenues par les personnages sont disqualifiées par leur impureté : Madame de Lafayette semble condamner toute expression d’un amour corrompu par d’autres sentiments comme l’ambition personnelle, par exemple, que ce soit dans un contexte officiel ou hors mariage. D’ailleurs, les mariages se réduisent souvent à des affaires d’État et des affaires de famille. Les trois mariages princiers racontés dans le roman sont marqués par l’échec, mais les relations hors mariage ne donnent pas une plus belle image de l’amour. L’exemple de Mme de Valentinois est significatif : elle incarne la galanterie dans le sens le plus péjoratif du terme puisque ses relations amoureuses servent avant tout son ambition personnelle. De même, les amours platoniques de Catherine de Médicis et du vidame de Chartres sont intéressées : la reine a besoin d’un confident quand le vidame est flatté d’être courtisé par la reine. L’infidélité est par ailleurs un ressort important de la passion amoureuse telle qu’elle est mise en scène dans le récit des passions amoureuses. A ce titre, le personnage de Mme de Tournon est exemplaire : infidèle au souvenir de son mari, tout en jouant le rôle de la veuve inconsolable, elle est encore infidèle à son amant Sancerre auquel elle finit par préférer secrètement Estouteville ! Le vidame de Chartres réussit quant à lui à mener en parallèle trois intrigues amoureuses qui finiront par le perdre.  Des intrigues amoureuses qui finissent toutes mal. La condamnation de ces intrigues amoureuses est visible par leur dénouement, toujours sombre. L’amour est inéluctablement marqué par l’échec dans le roman. 1 Jean Mesnard, Edition GF p.46 20FRGEMLR1C Page 7 / 25 [Une copie pourra établir des liens intéressants avec la mise en scène des intrigues galantes dans Les Liaisons dangereuses et envisager la notion de libertinage au XVIIIe siècle].  La passion amoureuse semble à la fois redoutable par les ravages qu’elle provoque et néanmoins admirable. En ce sens, Madame de Lafayette en donne dans le roman une image complexe et ambiguë.  Pureté des sentiments. L’amour de M. de Clèves pour Mlle de Chartres apparaît en effet quant à lui plus noble, en ce sens que l’ambition d’abord n’y a nulle part. Il n’est pas traité comme une « affaire » mais comme une véritable et authentique union (d’un côté en tout cas). Il en va de même de l’amour qu’éprouve le Duc de Nemours pour Mme de Clèves, qui le fait renoncer à un mariage glorieux avec la reine d’Angleterre. Remarquons que la noblesse des sentiments de ces personnages est associée, et comme signalée par elles, à des qualités physiques : le Duc de Nemours est « l’homme du monde le mieux fait et le plus beau », le prince de Clèves est « parfaitement bien fait ». Dans le roman, les qualités d’esprit et de cœur sont ainsi jointes à la beauté. [La Princesse de Clèves pourrait ici être comparée à la Présidente de Tourvel dans le roman épistolaire de Choderlos de Laclos].  Une idéalisation du sentiment amoureux ? Est-ce à dire pour autant que Mme de Lafayette prône un amour précieux ? En réalité, il semble qu’à la différence de la littérature précieuse, la peinture de l’amour chez Mme de Lafayette appelle la sensualité et l’union des corps. La sensualité est par exemple très présente dans la scène du pavillon de Coulommiers : la nuit, la chaleur, une toilette négligée, les regards passionnés que Mme de Clèves jette sur le portrait du Duc de Nemours, son application à orner de rubans la canne des Indes, tout cela amène un érotisme diffus mais évident.  Force dévastatrice de la passion amoureuse. Si l’amour ne se commande pas, puisqu’il est de l’ordre de la fatalité et se manifeste avec la violence du coup de foudre, il ne rend pas heureux pour autant : M. de Clèves ne parvient pas à toucher le cœur de son épouse malgré les privilèges de son mariage (et finira par mourir de chagrin), et à l’inverse, le Duc de Nemours se sait aimé d’une femme qui se refuse à lui jusqu’à la fin du roman. Rappelons qu’en 1678, quand paraît La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette est proche des Jansénistes de Port-Royal qui voient dans le sentiment amoureux une force dévastatrice et destructrice. Ils déplorent l’emprise des passions sur l’âme humaine. N’ayant part à la raison, la passion amoureuse condamne à la souffrance et c’est la conception que semble adopter Mme de Clèves dans le roman. [A ce titre, il pourrait être intéressant de comparer cette représentation destructrice de la passion amoureuse avec celle que la tragédie classique a pu produire, par exemple dans Phèdre]. 20FRGEMLR1C Page 10 / 25 Éléments de valorisation :  Un devoir qui interroge la diversité et la complexité des rapports amoureux dans le roman.  Un devoir capable de mettre en évidence la force destructrice de la passion amoureuse.  Une copie qui effectuera des remarques pertinentes sur les adaptations cinématographiques de l’œuvre : le film de Jean Delannoy mais aussi l’adaptation actualisée de Christophe Honoré, La Belle personne. On pourra également valoriser une copie qui montrerait comment le parcours « individu, morale et société » est mis en perspective de façon diachronique et actualisée dans le film Nous, princesses de Clèves de Régis Sauder. 20FRGEMLR1C Page 11 / 25 ÉLÉMENTS POUR L'ÉVALUATION Dissertation Recommandations générales Ce document présente un développement organisé en réponse au sujet proposé. Son objectif est d’accompagner la réflexion des professeurs. Il ne saurait donc, en aucun cas, représenter ce qu’une copie d’élève pourrait produire. Mais un candidat de 1ère devrait être en mesure d’aborder et de développer quelques-uns de ces éléments, à sa manière et à son niveau. L’harmonisation académique appréciera la qualité des copies en examinant, d’une part, ce qui relève des attentes liées à l’exercice (une réflexion organisée et rédigée dans une langue correcte, en réponse à la question posée, fondée sur la connaissance de l’œuvre éclairée par le parcours associé), et, d’autre part, les éléments qui pourraient valoriser le travail du candidat (une finesse d’analyse ; une réflexion particulièrement nuancée ; la mobilisation pertinente d’une culture littéraire solide). [Entre crochets figurent quelques références et analyses témoignant d’un travail qui aurait pu être conduit en classe dans le cadre du parcours associé. Par définition ces exemples précis ne peuvent être considérés comme attendus ; ils cherchent seulement à illustrer l’un des ressorts de l’exercice : la réponse au sujet de dissertation s’enrichit bien du travail connexe qui aura été mené autour de l’œuvre inscrite au programme, notamment dans le cadre du parcours associé.] Objet d'étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Sujet B Œuvre : Stendhal, Le Rouge et le Noir Parcours : Le personnage de roman, esthétiques et valeurs. Le Rouge et le Noir est-il selon vous un roman de la désillusion ? Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur le roman de Stendhal, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle. L’intitulé du sujet renvoie au roman d’apprentissage, qui retrace le parcours d’un jeune héros amené à perdre les illusions qu’il se faisait sur la société, l’amour, le monde. Peut-on donc lire Le Rouge et le Noir comme un roman de la désillusion ? Mais alors, qui perd ses illusions dans Le Rouge et le Noir ? Quelles illusions perd-on à la lecture du Rouge et le Noir ? Quels rapports le roman de Stendhal entretient-il avec l’illusion ? 20FRGEMLR1C Page 12 / 25 Plusieurs démarches sont donc envisageables pour traiter le sujet : l’élève peut s’intéresser aux illusions et désillusions des personnages du roman, en particulier à celles de Julien Sorel. Il peut également, du point de vue de la réception, réfléchir sur les désillusions du lecteur. Le sujet permet encore de questionner l’esthétique du roman et le rapport qu’entretient Stendhal avec l’illusion (ceci en lien avec le parcours associé « Le personnage de roman, esthétiques et valeurs »).  Le Rouge et le Noir, un roman qui invente un nouveau type de héros : Julien Sorel, l’homme sans illusions. La désillusion à l’œuvre dans Le Rouge et le Noir passe par un nouveau rapport à l’héroïsme. Stendhal, dans son « Projet d’article sur Le Rouge et le Noir », insiste sur ce qu’il considère comme l’une de ses innovations majeures – avoir traité son héros différemment, en inversant les codes stéréotypés du romanesque du moment : « L’auteur ne traite nullement Julien comme un héros de roman de femmes de chambre, il montre tous ses défauts, tous les mauvais mouvements de son âme […] »  Un héros désenchanté. Plus de place pour l’héroïsme donc dans Le Rouge et le Noir. Au début du roman, le jeune Julien Sorel rêve aux beaux dragons de l'armée d’Italie en marche vers la gloire, à la destinée surhumaine de Napoléon et son imagination s'exalte en des rêves héroïques. Pour lui, Bonaparte est une icône qu’il aime d’un amour aveugle, le Mémorial est « sa Bible » et la « destinée de Napoléon » informe « le roman » de sa vie : « Le jeune paysan ne voyait rien entre lui et les actions héroïques que le manque d’occasion » (I,12). Mais l’épisode de la visite à Verrières du roi de *** (I,18) amène Julien à une prise de conscience : alors qu’il est fier et heureux de défiler parmi les gardes d’honneur, il réalise en rencontrant le jeune évêque d’Agde que la carrière ecclésiastique lui apportera beaucoup plus d’avantages que la carrière militaire. Dans la deuxième partie du roman, Julien achève de perdre ses illusions sur Napoléon : la conversation qu’il a avec le comte Altamira pendant le bal du duc de Retz lui révèle que son idole fait partie des « grands voleurs » de l’histoire récente : « ce grand Danton a volé. Mirabeau aussi s’est vendu. Napoléon avait volé des millions en Italie, sans quoi il eût été arrêté tout court par la pauvreté, comme Pichegru » (II, 9). Il comprend que pour réussir, plus que de la bravoure il faut avoir de l’argent et être prêt à sacrifier des têtes. [Même remise en cause de l’héroïsme chez Flaubert par exemple, qui met en scène des personnages médiocres, à l’instar de Fréderic Moreau dont les perspectives d’avenir sont bouchées et qui n’accomplit rien de glorieux.] Julien Sorel ne se fait guère plus d’illusions sur l’amour. Ce n’est pas poussé par de nobles sentiments qu’il fait la conquête de Mme de Rênal, 20FRGEMLR1C Page 15 / 25 Mme de Rênal. Julien cesse alors d’être une illusion ; il redevient lui- même, le « plébéien », le « fils du charpentier », un homme à la lucidité amère qui a compris que l’injustice de classe ne peut être abolie. [C’est là ce qui distingue Julien de Lucien de Rubempré, le héros des Illusions perdues de Balzac : si les deux personnages ont été « intoxiqués par la quantité de pensée mise en circulation dans leur siècle »2, Julien célèbre finalement « le culte de l’énergie, de la révolte, la haine du mensonge, le souvenir du temps des hommes » et affiche un mépris lucide, tandis que Lucien de Rubempré reste jusqu’au bout ébloui par ses illusions.]  Le Rouge et le Noir, un roman « désenchanteur ». Le Rouge et le Noir est certes un roman de la désillusion, puisque c’est « la vérité, l’âpre vérité » qu’il choisit de donner à voir, comme le signale l’épigraphe. Balzac, en une formule devenue célèbre, fait de la « Chronique de 1830 » le texte phare d’une « école du désenchantement » : « M. de Stendhal nous arrache le dernier lambeau d’humanité, de croyance qui nous restait » (Le Voleur, 9 janvier 1831, Lettres sur Paris). Romancier de la désillusion, Stendhal met à vif les plaies d’une société malade.  Un texte-symptôme : le tableau d’une société en crise. Le Rouge et le Noir s'inscrit dans le courant de désenchantement propre à l’époque qui suivit la Restauration de 1815. Stendhal choisit justement pour cadre de son récit la France de la Restauration, France désabusée qui voit s’effondrer les espoirs soulevés par la Révolution de 1789 et l’empire napoléonien – « la France grave, morale, morose que nous ont léguée les Jésuites, les congrégations et le gouvernement des Bourbons de 1814 à 1830 »3. La grande réussite du romancier est d’avoir saisi l’esprit de cette époque : celui d’une crise, d’une fin de règne, « la senteur cadavéreuse d’une société qui s’éteint ». La France de 1830 « n’a plus qu’une vie galvanique », « la convulsion d’une agonie ». Ainsi, Le Rouge et le Noir révèle le mal qui ronge le monde social. C’est donc une chronique bien noire que dresse Stendhal à travers Le Rouge et le Noir, roman désespéré, qui est aussi l’espace d’une violente lutte des classes. La guerre y est générale : Verrières est le lieu d’un affrontement aussi mesquin qu’impitoyable entre M. de Rênal et Valenod, le séminaire est un concentré de coups bas et d’hypocrisies, l’hôtel de La Mole le cadre d’une conspiration… Pour pouvoir s’en sortir, il faut être exempt de tout scrupule, et savoir « qui il faut écraser », comme le dit le marquis de La Mole. Toute la société dépeinte par Stendhal repose sur l’opposition (inscrite dans les deux couleurs contrastées du titre), sur le 2 Maurice Bardèche, Une lecture de Balzac, « Illusions perdues », Les sept couleurs, 1964. 3 D. Gruffot Papera (pseudonyme de Stendhal), « Projet d’article sur Le Rouge et le Noir », 1832 (envoyé au comte Salvagnoli, avocat et écrivain florentin). 20FRGEMLR1C Page 16 / 25 conflit permanent : entre les parents et les enfants, entre les amants, entre les libéraux et les ultras, entre les bourgeois et les nobles, etc. Le roman révèle ainsi la « guerre de tous contre tous » à l’œuvre dans la société de 1830, en même temps qu’il dénonce l’injustice de classe, pointée du doigt par Julien lors de son procès : « Messieurs, je n’ai point l’honneur d’appartenir à votre classe ». Nul progrès, nul espoir possibles dans cette société désenchantée, dans laquelle triomphe l’argent et où l’ennui ronge les jeunes gens « vêtus de noir » : Julien est guillotiné alors que le parvenu Valenod prend la place de M. de Rênal à la mairie de Verrières (cette destitution est un signe des temps : le remplacement d’un authentique aristocrate par un vulgaire « coquin »). [Même triomphe de l’argent et des parvenus dans de nombreux romans de Balzac (Le Père Goriot, Illusions perdues, César Birotteau…), de Zola (La Curée, Au Bonheur des Dames…), de Maupassant (Bel-Ami).]  La mise au jour des « odieuses vérités du cœur humain4 ». Pas de place non plus pour les douces illusions de l’amour dans Le Rouge et le Noir. Stendhal poursuit son travail de désenchantement en montrant que l’amour n’est jamais séparable de la société, que les relations intimes entre les hommes et les femmes sont toujours sociales. Comme nous l’avons vu, c’est d’abord par ambition que Julien entreprend la conquête de Mme de Rênal : obtenir les faveurs de « la dame », c’est remporter une victoire sociale, se montrer l’égal d’un M. de Rênal. Même si « la passion vraie » de Mme de Rênal finit par rassurer Julien, celui-ci ne pourra toutefois jamais se confier, parce qu’une sincérité entière est impossible : alors qu’il se laisse aller à faire l’éloge de Napoléon, un « froncement de sourcil » lui fait perdre « l’illusion » d’une entente parfaite : l’amour n’abolit pas les frontières sociales. L’amour de Julien est teinté d’orgueil, de vanité. Au départ, il n’aime pas Mme de Rênal ; il n’aime pas davantage Mathilde. Il commence à considérer cette dernière quand il réalise qu’elle est la « reine du bal », convoitée par tous les jeunes premiers de la société parisienne. Toutefois, le personnage évolue : le Julien qui tire sur Mme de Rênal est un homme qui met d’autres valeurs (une certaine morale, le devoir, l’honneur, le bonheur, la liberté, la vérité) au-dessus de la réussite et de la reconnaissance sociales et qui va pouvoir accéder au véritable amour – mais trop tard. [Même pessimisme amoureux dans Madame Bovary ou L’Éducation sentimentale de Flaubert.] 4 L’expression est de Mérimée dans une lettre à Stendhal datée de décembre 1830 (Correspondance, Stendhal) 20FRGEMLR1C Page 17 / 25  Le Rouge et le Noir, roman « cruellement exact5», impose un douloureux retour au réel et inaugure ainsi une nouvelle esthétique, le réalisme. Avec sa « chronique de 1830 », Stendhal invente donc une littérature qui désenchante. La formule nouvelle du roman-chronique entraîne un changement de régime dans les liens du réel et de la fiction : loin d’en être la contre-épreuve, l’une s’identifie parfaitement à l’autre. Ainsi, comme l’a écrit Auerbach, « la conscience moderne de la réalité trouva pour la première fois son expression littéraire chez le Grenoblois Henri Beyle » : Le Rouge et le Noir apparaît comme le premier roman « réaliste ». [Cette force de rupture du Rouge et le Noir se retrouve dans de nombreux romans réalistes et naturalistes, qui ont soin de mettre en lumière les misères sociales et les noirceurs de l’âme. On pense par exemple aux réactions outrées qu’ont suscitées L’Assommoir ou Nana de Zola].  Le Rouge et le Noir, une œuvre qui célèbre l’illusion romanesque :  Falsifications stendhaliennes : triomphe de l’illusion. Rappelons que l’épigraphe placée au début du Rouge et le Noir – « la vérité, l’âpre vérité », est une espièglerie d’écrivain : ces paroles sont paradoxales, car Danton, que Stendhal désigne comme leur auteur, ne les a jamais prononcées ni écrites. C’est une fausse citation. Stendhal signale ainsi que, si le roman vise la vérité, c’est à travers la fiction. De la même façon, la célèbre phrase : « Un roman : c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin », est une autre « fausse » épigraphe, que Stendhal attribue à Saint-Réal. La critique a montré que, même si Stendhal a toujours travaillé sur « pilotis », autrement dit à partir de choses vues et entendues, de « petits faits vrais », il a eu soin de brouiller les pistes et de faire en sorte que son roman ne reste pas enfermé dans son époque. C’est ce qu’a bien compris Julien Gracq, qui affirme, à propos du Rouge et le Noir : « J’aime qu’aucun nom inventé n’y soit clairement traduisible pour l’historien. […] Mon principe s’en trouve confirmé : dans la fiction, tout doit être fictif ». La critique a également relevé les nombreuses erreurs et approximations historiques qui traversent le roman. Tout est illusion, donc, dans Le Rouge et le Noir, comme le montrent les nombreuses interventions du narrateur. Ce dernier ne cherche absolument pas à se faire passer pour un conteur neutre, transparent : « … malgré l’opposition du conseil municipal, il [M. le maire] a élargi la promenade de plus de six pieds (quoiqu’il soit ultra et moi libéral, je l’en loue) » (I, 2). C’est lui qui, véritable illusionniste, déplace et 5 Jules Janin, « Variétés. Le Rouge et le Noir, Chronique de 1830, par M.de Stendhal », Journal des débats du 26 décembre 1830. 20FRGEMLR1C Page 20 / 25 ÉLÉMENTS POUR L'ÉVALUATION Dissertation Recommandations générales Ce document présente un développement organisé en réponse au sujet proposé. Son objectif est d’accompagner la réflexion des professeurs. Il ne saurait donc, en aucun cas, représenter ce qu’une copie d’élève pourrait produire. Mais un candidat de 1ère devrait être en mesure d’aborder et de développer quelques-uns de ces éléments, à sa manière et à son niveau. L’harmonisation académique appréciera la qualité des copies en examinant, d’une part, ce qui relève des attentes liées à l’exercice (une réflexion organisée et rédigée dans une langue correcte, en réponse à la question posée, fondée sur la connaissance de l’œuvre éclairée par le parcours associé), et, d’autre part, les éléments qui pourraient valoriser le travail du candidat (une finesse d’analyse ; une réflexion particulièrement nuancée ; la mobilisation pertinente d’une culture littéraire solide). [Entre crochets figurent quelques références et analyses témoignant d’un travail qui aurait pu être conduit en classe dans le cadre du parcours associé. Par définition ces exemples précis ne peuvent être considérés comme attendus ; ils cherchent seulement à illustrer l’un des ressorts de l’exercice : la réponse au sujet de dissertation s’enrichit bien du travail connexe qui aura été mené autour de l’œuvre inscrite au programme, notamment dans le cadre du parcours associé.] Objet d'étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle. Sujet C Œuvre : Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien Parcours : Soi-même comme un autre. Marguerite Yourcenar a elle-même déclaré que Mémoires d’Hadrien « n’est pas un roman proprement dit ». Qu’en pensez-vous ? Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur Mémoires d’Hadrien, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle. 20FRGEMLR1C Page 21 / 25 La citation du sujet est empruntée à Josyane Savigneau, auteur d’une biographie de l’auteur. Le sujet invite clairement à une exploration générique, l’adverbe « proprement » s’employant à montrer les écarts entre l’œuvre et la définition traditionnelle d’un roman. Le brouillage des lignes entre les différents genres auxquels peut appartenir Mémoires d’Hadrien, du fait même de Marguerite Yourcenar qui s’est largement exprimée à ce sujet, autorise une grande souplesse dans l’organisation du devoir. Les indications de pages renvoient à l’édition Folio.  Première approche.  Une construction savante. Il ne fait aucun doute que Mémoires d’Hadrien repose sur une construction littéraire très élaborée. Le livre est divisé en six parties : la première, Animula vagula blandula, rassemble des souvenirs et des réflexions sur la vie et la mort. La deuxième partie se concentre sur la personnalité d’Hadrien et ses années de formation ; la troisième raconte la gouvernance de Rome sous le règne éclairé d’Hadrien (ce qui justifie son titre, Tellus stabilita) ; la quatrième partie marque le point culminant de la vie politique et privée de l’empereur ; dès la cinquième, le roman aborde la question de la succession. La dernière partie, Patientia, montre Hadrien méditant sur la condition humaine et se préparant à la mort. On constate que les parties 2 à 5, chronologiques, sont encadrées par des chapitres méditatifs autour de la question de la mort. Au début du roman, Hadrien réfléchit sur les expériences qu’il a vécues et « commence à apercevoir le profil de [sa] mort ». C’est ce qui le détermine à écrire ses mémoires. Au dernier chapitre, on retrouve des méditations assez semblables sur la mort ; mais cette mort se pense maintenant au présent (« Je suis ce que j’étais ; je meurs sans changer », p.311) ou au futur proche (« Petite âme, âme tendre et flottante… tu vas descendre dans ces lieux pâles… », p.316). Le dernier paragraphe du roman nous offre la traduction du poème attribué à Hadrien, placé en épigraphe de l’œuvre et dont le premier vers constitue le titre du premier chapitre. Ce rapport entre le chapitre initial et le chapitre final donne à la structure de l’œuvre un aspect circulaire. L’analyse de la structure de l’œuvre fait en outre apparaître d’autres correspondances entre les chapitres : les chapitres 2 et 5 se répondent, l’un marqué par un mouvement ascensionnel (jusqu’à la désignation comme empereur), l’autre par un mouvement inverse : la splendeur du règne s’achève, la guerre de Judée est un échec, ce qui ouvre des perspectives peu glorieuses (« Si seize ans du règne d’un prince passionnément pacifique aboutissaient à la campagne de Palestine, les chances de paix dans le monde s’avéraient médiocres dans l’avenir », p.259). Quant aux chapitres 3 et 4, ils correspondent à l’apogée de la vie d’Hadrien : la paix règne, la vie politique est stable et cet « âge d’or » est aussi celui de la vie sentimentale de l’empereur, 20FRGEMLR1C Page 22 / 25 qui vit « quelques années fabuleuses » avec Antinoüs. Le suicide d’Antinoüs marque le début du déclin.  Un roman historique ? Marguerite Yourcenar n’a cessé de mettre en question la nature même de son œuvre, lui refusant parfois le statut de roman, parfois au contraire la considérant comme un roman historique (voir son article « Ton et langage dans le roman historique »). o De l’utilisation des sources documentaires : Marguerite Yourcenar a collecté une documentation impressionnante, dont elle rend compte dans la Note qu’elle adjoint au texte. Ces matériaux historiques ont été organisés, interprétés et éventuellement complétés. En ce sens, cette « reconstitution… touche par certains côtés au roman » (p.349). On peut ainsi expliquer le refus de Marguerite Yourcenar d’insérer des notes, qui menaceraient de détruire l’adhésion du lecteur au récit ou à l’illusion romanesque portée par la parole d’Hadrien. Mais Yourcenar ne veut pas tomber dans le danger du roman historique, la couleur locale ou le pittoresque. Ceci explique les choix « modernes » qu’elle peut faire, par exemple quand Hadrien se souvient de sa jeunesse où il s’endormait « sur ses livres » (p.25). En même temps, elle ne peut faire toujours l’économie des termes antiques exprimant l’ancrage d’Hadrien dans son temps. Par exemple, la description de la ville d’Antinoé (p.144). o Marguerite Yourcenar voit dans Mémoires d’Hadrien un roman par défaut, parce que le roman est devenu le genre dominant de la littérature, qui « dévore aujourd’hui toutes les formes » ; mais elle lui préfère l’appellation « d’étude sur la destinée d’un homme qui s’est nommé Hadrien » qui aurait été essai au 16ème siècle et tragédie au 17ème siècle (p.340). [On pourrait ici évoquer divers romans historiques, français ou étrangers, qui reposent sur une abondante documentation, depuis Notre-Dame de Paris de Victor Hugo jusqu’au Nom de la rose d’Umberto Eco, par exemple.]  A la recherche d’un genre : biographie ou autobiographie ?  Une biographie littéraire ? Les sources documentaires permettraient de voir dans la « reconstitution » que propose Marguerite Yourcenar une biographie. De plus, elle manifeste à plus d’une reprise le souci d’une distance par rapport à son personnage. « J’écrivais la vie d’un grand homme. De là, plus de respect de la vérité, plus d’attention, et, de ma part, plus de silence » (p.341). Mais le caractère fragmentaire des sources, qui concernent davantage la figure publique de l’empereur que sa personnalité, l’oblige aussi à imaginer ce qu’elle ne peut savoir (« des points, assez peu nombreux, sur lesquels on a ajouté à
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