Docsity
Docsity

Prépare tes examens
Prépare tes examens

Étudies grâce aux nombreuses ressources disponibles sur Docsity


Obtiens des points à télécharger
Obtiens des points à télécharger

Gagnz des points en aidant d'autres étudiants ou achete-les avec un plan Premium


Guides et conseils
Guides et conseils

Dissertation Honore de Balzac aide., Notes de Français

La dissertation de honore de balzac quelque trucs utiles si jamais.

Typologie: Notes

2023/2024

Téléchargé le 14/03/2024

raphael-klajn-sauvage
raphael-klajn-sauvage 🇫🇷

1 document

1 / 16

Toggle sidebar

Documents connexés


Aperçu partiel du texte

Télécharge Dissertation Honore de Balzac aide. et plus Notes au format PDF de Français sur Docsity uniquement! W. KELS Textes, PDC TEXTES pour l’étude de La Peau de chagrin Pourquoi la toilette serait-elle donc toujours le plus éloquent des styles, si elle n’était pas réellement tout l’homme, l’homme avec ses opinions politiques, l’homme avec le texte de son existence, l’homme hiéroglyphé  ? Aujourd’hui même encore, la vestignomonie est devenue presque une branche de l’art créé par Gall et Lavater. Quoique, maintenant, nous soyons à peu près tous habillés de la même manière, il est facile à l’observateur de retrouver dans une foule, au sein d’une assemblée, au théâtre, à la promenade, l’homme du Marais, du faubourg Saint-Germain, du pays Latin, de la Chaussée-d’Antin ; le prolétaire, le propriétaire, le consommateur et le producteur, l’avocat et le militaire, l’homme qui parle et l’homme qui agit. ————————————————————————— Alors, il n’est donc plus indifférent de mépriser ou d’adopter les fugitives prescriptions de la mode, car mens agitat molem : l’esprit d’un homme se devine à la manière dont il tient sa canne. Les distinctions s’avilissent ou meurent en devenant communes ; mais il existe une puissance chargée d’en stipuler de nouvelles, c’est l’opinion : or, la mode n’a jamais été que l’opinion en matière de costume. Le costume étant le plus énergique de tous les symboles, la Révolution fut aussi une question de mode, un débat entre la soie et le drap. Mais, aujourd’hui, la mode n’est plus restreinte au luxe de la personne. Le matériel de la vie, ayant été l’objet du progrès général, a reçu d’immenses développements. Il n’est pas un seul de nos besoins qui n’ait produit une encyclopédie, et notre vie animale se rattache à l’universalité des connaissances humaines. Aussi, en dictant les lois de l’élégance, la mode embrasse-t-elle tous les arts. Elle est le principe des œuvres comme des ouvrages. N’est-elle pas le cachet dont un consentement unanime scelle une découverte, ou marque les inventions qui enrichissent le bien-être de l’homme ? Ne constitue-t-elle pas la récompense toujours lucrative, l’hommage décerné au génie ? En accueillant, en signalant le progrès, elle se met à la tête de tout  : elle fait les révolutions de la musique, des lettres, du dessin et de l’architecture. Or, un traité de la vie élégante, étant la réunion des principes incommutables qui doivent diriger la manifestation de notre pensée par la vie extérieure, est en quelque sorte la métaphysique des choses. Balzac, Traité de la vie élégante (1830) [ces épigraphes pour éclairer la notion de personnage chez Balzac et la nécessité de le décrire par le vêtement. Le vêtement, pour l'homme, c’est le «  texte de son existence », jeu de mot sur le tissage/texte. On lit, déchiffre le personnage par son vêtement. Dans la Peau de chagrin…. c’est bien la PEAU qui est devenue le vêtement de Raphaël… et on sait qu’elle est, aussi au sens propre, un texte! Le texte de l’existence de Raphaël, c’est à une Peau qu’il l'a confié — c’est aussi au roman qui s’engendre à partir d’elle : son "vêtement" (de fortune... ou d'infortune...) donne ainsi le sens de son existence. sur 1 16 W. KELS Textes, PDC 1. CORPUS sur le héros/poète (tout sentiment, sans actions ou dont les actions sont rêvées, virtuelles) « Comment pourras-tu concevoir mes sentiments si je ne te raconte les faits imperceptibles qui influèrent sur mon âme, la façonnèrent à la crainte et me laissèrent long-temps dans la naïveté primitive du jeune homme ? » Raphaël à Émile Il prit donc jour avec eux pour leur raconter, non les aventures de sa vie, puisqu'il n'en avoit point éprouvé, mais les sentiments secrets de son âme. Chateaubriand, incipit de René (extraits) A. Le personnage face à la mort : une forme d’accomplissement paradoxale… 1° François-René de CHATEAUBRIAND, René, 1802 [Ce texte est un classique… qu’on convoquerait utilement dans la mesure où Raphaël, comme bien d’autres personnages de roman ou de récit du XIXe siècle, « descend » de René. Il s’agit de l’appel de la mort. On peut notamment comparer ce passage aux vies vécues par procuration dans les galeries du magasin d’antiquités dans La Peau de chagrin. René, qui porte mal son nom, s’anime de fureur poétique à l’appel d’une mort qui, seule, peut le consoler de son impossibilité à être quelque chose de fixe dans ce monde.] Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives que j'éprouvais dans mes promenades  ? Les sons que rendent les passions dans le vide d’un cœur solitaire ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d'un désert : on en jouit, mais on ne peut les peindre. L'automne me surprit au milieu de ces incertitudes  : j'entrai avec ravissement dans les mois des tempêtes. Tantôt j'aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes ; tantôt j'enviais jusqu'au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l'humble feu de broussailles qu'il avait allumé au coin d'un bois. J'écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays le chant naturel de l'homme est triste, lors même qu'il exprime le bonheur. Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs. Le jour, je m'égarais sur de grandes bruyères terminées par des forêts. Qu'il fallait peu de chose à ma rêverie ! une feuille séchée que le vent chassait devant moi, une cabane dont la fumée s'élevait dans la cime dépouillée des arbres, la mousse qui tremblait au souffle du nord sur le tronc d'un chêne, une roche écartée, un étang désert où le jonc flétri murmurait  ! Le clocher solitaire s'élevant au loin dans la vallée a souvent attiré mes regards ; souvent j'ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête. Je me figurais les bords ignorés, les climats lointains où ils se rendent  ; j'aurais voulu être sur leurs ailes. Un secret instinct me sur 2 16 W. KELS Textes, PDC 2° Raphael poétise depuis sa mansarde : [À rapprocher, entre autres des descriptions du banquet chez Taillefer qui offrent un contrepoint, mais ne sont pas dénuées de séductions ; à rapprocher du magasin d’antiquité ; à rapprocher de la description du Mont-Dore (« Figurez-vous un cône renversé… », p. 381 et suivantes de l’éd. GF). Le point commun — véritable motif dans le tapis — de tous ces passages, ce sont les chatoiements causés par les reflets de lumière sur les objets ; effets séduisants, trompeurs, illusions (les reflets sont l'apparence, non les choses en elles-mêmes), « fantaisies » qu’on trouve dès le magasin d’antiquité et qui dit le «  prestige  », les faux-semblants auxquels, faute de les créer (comme le vieillard), on se soumet : le regard s’y perd, puis l’imagination… + la présence d’une pyramide (ou suggestion de sa forme = triangle, entonnoir) qui permet de repérer le symbole de la Peau. Comparer à René : faute d’histoire d’amour en laquelle se réaliser, on virtualise son existence, on dépense son énergie à animer des chimères] Apprends seulement, mon cher ami, qu'à défaut de maîtresse, je vécus avec une grande pensée, avec un rêve, un mensonge auquel nous commençons tous par croire plus ou moins. Aujourd'hui je ris de moi, de ce moi, peut-être saint et sublime, qui n'existe plus. La société, le monde, nos usages, nos moeurs, vus de près, m'ont révélé le danger de ma croyance innocente et la superfluité de mes fervents travaux. Ces approvisionnements sont inutiles à l'ambitieux : que léger soit le bagage de qui poursuit la fortune. La faute des hommes supérieurs est de dépenser leurs jeunes années à se rendre dignes de la faveur. Pendant qu'ils thésaurisent, leur force est la science pour porter sans effort le poids d'une puissance qui les fuit ; les intrigants, riches de mots et dépourvus d'idées, vont et viennent, surprennent les sots, et se logent dans la confiance des demi-niais : les uns étudient, les autres marchent ; les uns sont modestes, les autres hardis ; l'homme de génie tait son orgueil, l'intrigant arbore le sien et doit arriver nécessairement. Les hommes du pouvoir ont si fort besoin de croire au mérite tout fait, au talent effronté, qu'il y a chez le vrai savant de l'enfantillage à espérer des récompenses humaines. Je ne cherche certes pas à paraphraser les lieux communs de la vertu, le cantique des cantiques éternellement chanté par les génies méconnus ; je veux déduire logiquement la raison des fréquents succès obtenus par les hommes médiocres. Hélas ! l'étude est si maternellement bonne, qu'il y a peut-être crime à lui demander des récompenses autres que les pures et douces joies dont elle nourrit ses enfants. Je me souviens d'avoir quelquefois trempé gaiement mon pain dans mon lait, assis auprès de ma fenêtre en y respirant l'air, en laissant planer mes yeux sur un paysage de toits bruns, grisâtres, rouges, en ardoises, en tuiles, couverts de mousses jaunes ou vertes. Si d'abord cette vue me parut monotone, j'y découvris bientôt de singulières beautés : tantôt le soir des raies lumineuses, parties des volets mal fermés, nuançaient et animaient les noires profondeurs de ce pays original ; tantôt les lueurs pâles des réverbères projetaient d'en bas des reflets jaunâtres à travers le brouillard, et accusaient faiblement dans les rues les ondulations de ces toits pressés, océan de vagues immobiles ; parfois de rares figures apparaissaient au milieu de ce morne désert. sur 5 16 W. KELS Textes, PDC Parmi les fleurs de quelque jardin aérien, j'entrevoyais le profil anguleux et crochu d'une vieille femme arrosant des capucines, ou dans le cadre d'une lucarne pourrie quelque jeune fille faisant sa toilette, se croyant seule, et dont je ne pouvais apercevoir que le beau front et les longs cheveux élevés en l'air par un joli bras blanc. J'admirais dans les gouttières quelques végétations éphémères, pauvres herbes bientôt emportées par un orage ! J'étudiais les mousses, leurs couleurs ravivées par la pluie, et qui sous le soleil se changeaient en un velours sec et brun à reflets capricieux. Enfin les poétiques et fugitifs effets du jour, les tristesses du brouillard, les soudains pétillements du soleil, le silence et les magies de la nuit, les mystères de l'aurore, les fumées de chaque cheminée, tous les accidents de cette singulière nature m'étaient devenus familiers et me divertissaient. J'aimais ma prison, elle était volontaire. Ces savanes de Paris formées par des toits nivelés comme une plaine, mais qui couvraient des abîmes peuplés, allaient à mon âme et s'harmoniaient avec mes pensées. Il est fatigant de retrouver brusquement le monde quand nous descendons des hauteurs célestes où nous entraînent les méditations scientifiques. Aussi ai-je alors parfaitement conçu la nudité des monastères. ÉTUDE LITTÉRAIRE II. Les VIES RÊVÉES DE RAPHAËL au prisme du thème du PUER SENEX [càd la figure de l’improductif par excellence.] A) « Formules d’existence » / « Se repersonnifier » (l’enfant ; l’homme de la nature ; le corsaire ; le moine ; le soldat/l’ouvrier… etc) (1re partie) Cet océan de meubles, d'inventions, de modes, d'œuvres, de ruines, lui composait un poème sans fin. Formes, couleurs, pensées, tout revivait là ; mais rien de complet ne s'offrait à l'âme. Le poète devait achever les croquis du grand-peintre qui avait fait cette immense palette où les innombrables accidents de la vie humaine étaient jetés à profusion, avec dédain. Après s'être emparé du monde, après avoir contemplé des pays, des âges, des règnes, le jeune homme revint à des existences individuelles. Il se repersonnifia, s'empara des détails en repoussant la vie des nations comme trop accablante pour un seul homme. Là dormait un enfant en cire, sauvé du cabinet de Ruysch, et cette ravissante créature lui rappelait les joies de son jeune âge. Au prestigieux aspect du pagne virginal de quelque jeune fille d'Otaïti, sa brûlante imagination lui peignait la vie simple de la nature, la chaste nudité de la vraie pudeur, les délices de la paresse si naturelle à l'homme, toute une destinée calme au bord d'un ruisseau frais et rêveur, sous un bananier, qui dispensait une manne savoureuse, sans culture. Mais tout à coup il devenait corsaire, et revêtait la terrible poésie empreinte dans le rôle de Lara, vivement inspiré par les couleurs nacrées de mille coquillages, exalté par la vue de quelques madrépores qui sentaient le varech, les algues et les ouragans atlantiques. Admirant plus loin les délicates miniatures, les arabesques d'azur et d'or qui enrichissaient quelque précieux missel manuscrit, il oubliait les tumultes de la mer. sur 6 16 W. KELS Textes, PDC Mollement balancé dans une pensée de paix, il épousait de nouveau l'étude et la science, souhaitait la grasse vie des moines exempte de chagrins, exempte de plaisirs, et se couchait au fond d'une cellule, en contemplant par sa fenêtre en ogive les prairies, les bois, les vignobles de son monastère. Devant quelques Teniers, il endossait la casaque d'un soldat ou la misère d'un ouvrier, il désirait porter le bonnet sale et enfumé des Flamands, s'enivrait de bière, jouait aux cartes avec eux, et souriait à une grosse paysanne d'un attrayant embonpoint. Il grelottait en voyant une tombée de neige de Mieris, ou se battait en regardant un combat de Salvator Rosa. Il caressait un tomhawk d'Illinois, et sentait le scalpel d’un Chérokée qui lui enlevait la peau du crâne. Emerveillé à l'aspect d'un rebec, il le confiait à la main d'une châtelaine dont il écoutait la romance mélodieuse en lui déclarant son amour, le soir, auprès d'une cheminée gothique, dans la pénombre où se perdait un regard de consentement. Il s'accrochait à toutes les joies, saisissait toutes les douleurs, s'emparait de toutes les formules d'existence en éparpillant si généreusement sa vie et ses sentiments sur les simulacres de cette nature plastique et vide, que le bruit de ses pas retentissait dans son âme comme le son lointain d'un autre monde, comme la rumeur de Paris arrive sur les tours de Notre-Dame. B) « Je m’instituai grand homme » (IIe partie) — Mais, reprit le narrateur, maintenant la lueur qui colore ces accidents leur prête un nouvel aspect. L'ordre des choses que je considérais jadis comme un malheur a peut-être engendré les belles facultés dont plus tard je me suis enorgueilli. La curiosité philosophique, les travaux excessifs, l'amour de la lecture qui, depuis l'âge de sept ans jusqu'à mon entrée dans le monde, ont constamment occupé ma vie, ne m'auraient-ils pas doué de la facile puissance avec laquelle, s'il faut vous en croire, je sais rendre mes idées et marcher en avant dans le vaste champ des connaissances humaines ? L'abandon auquel j'étais condamné, l'habitude de refouler mes sentiments et de vivre dans mon coeur ne m'ont-ils pas investi du pouvoir de comparer, de méditer ? En ne se perdant pas au service des irritations mondaines qui rapetissent la plus belle âme et la réduisent à l'état de guenille, ma sensibilité ne s'est-elle pas concentrée pour devenir l'organe perfectionné d'une volonté plus haute que le vouloir de la passion ? Méconnu par les femmes, je me souviens de les avoir observées avec la sagacité de l'amour dédaigné. Maintenant, je le vois, la sincérité de mon caractère a dû leur déplaire ! Peut-être veulent-elles un peu d'hypocrisie ? Moi qui suis tour à tour, dans la même heure, homme et enfant, futile et penseur, sans préjugés et plein de superstitions, souvent femme comme elles, n'ont-elles pas dû prendre ma naïveté pour du cynisme, et la pureté même de ma pensée pour du libertinage ? La science leur était ennui, la langueur féminine faiblesse. Cette excessive mobilité d'imagination, le malheur des poètes, me faisait sans doute juger comme un être sur 7 16 W. KELS Textes, PDC ÉTUDE LITTÉRAIRE III. La mise en scène du lecteur dans La Peau de chagrin 1° L’entrée de l’inconnu dans la maison de jeu (le tripot n° 36) a) Le rituel du chapeau Résumé : une « parabole » de l’entrée du héros dans le roman. Verbe matriciel : dépouiller qqn de qqch. L’inconnu dépouillé de son chapeau : annonce Raphaël dépouillé de tout… et revêtu de la dépouille (peau)de chagrin. Quand vous entrez dans une maison de jeu, la loi commence par vous dépouiller de votre chapeau. Est-ce une parabole évangélique et providentielle ! N'est-ce pas plutôt une manière de conclure un contrat infernal vous en exigeant je ne sais quel gage ? Serait-ce pour vous obliger à garder un maintien respectueux devant ceux qui vont gagner votre argent ? Est-ce la police tapie dans tous les égouts sociaux qui tient à savoir le nom de votre chapelier ou le vôtre, si vous l'avez inscrit sur la coiffe ? Est-ce enfin pour prendre la mesure de votre crâne et dresser une statistique instructive sur la capacité cérébrale des joueurs ? Sur ce point l'administration garde un silence complet. Mais, sachez-le bien, à peine avez-vous fait un pas vers le tapis vert, déjà votre chapeau ne vous appartient pas plus que vous ne vous appartenez à vous-même : vous êtes au jeu, vous, votre fortune, votre coiffe, votre canne et votre manteau. A votre sortie, le JEU vous démontrera, par une atroce épigramme en action, qu'il vous laisse encore quelque chose en vous rendant votre bagage. b) L’examen par les joueurs du nouveau venu [Peut s’interpréter comme représentation des lecteurs voyant arriver ce jeune homme à la première page du livre, et formant des hypothèses à son sujet.] Le tailleur et le banquier venaient de jeter sur les porteurs ce regard blême qui les tue, et disaient d'une voix grêle : — Faites le jeu ! quand le jeune homme ouvrit la porte. Le silence devint en quelque sorte plus profond, et les têtes se tournèrent vers le nouveau venu par curiosité. Chose inouïe ! les vieillards émoussés, les employés pétrifiés, les spectateurs, et jusqu'au fanatique Italien, tous en voyant l'inconnu éprouvèrent je ne sais quel sentiment épouvantable. Ne faut-il pas être bien malheureux pour obtenir de la pitié, bien faible pour exciter une sympathie, ou d'un bien sinistre aspect pour faire frissonner les âmes dans cette salle où les douleurs doivent être muettes, la misère gaie, le désespoir décent ! Eh bien ! il y avait de tout cela dans la sensation neuve qui remua ces coeurs glacés quand le jeune homme entra. Mais les bourreaux n'ont-ils pas quelquefois pleuré sur les vierges dont les blondes têtes devaient être coupées à un signal de la Révolution ? Au premier coup d'oeil les joueurs lurent sur le visage du novice quelque horrible sur 10 16 W. KELS Textes, PDC mystère : ses jeunes traits étaient empreints d'une grâce nébuleuse, son regard attestait des efforts trahis, mille espérances trompées ! La morne impassibilité du suicide donnait à son front une pâleur mate et maladive, un sourire amer dessinait de légers plis dans les coins de sa bouche, et sa physionomie exprimait une résignation qui faisait mal à voir. Quelque secret génie scintillait au fond de ses yeux, voilés peut- être par les fatigues du plaisir. Etait-ce la débauche qui marquait de son sale cachet cette noble figure jadis pure et brûlante, maintenant dégradée ? Les médecins auraient sans doute attribué à des lésions au coeur ou à la poitrine le cercle jaune qui encadrait les paupières, et la rongeur qui marquait les joues, tandis que les poètes eussent voulu reconnaître à ces signes les ravages de la science, les traces de nuits passées à la lueur d'une lampe studieuse. Mais une passion plus mortelle que la maladie, une maladie plus impitoyable que l'étude et le génie, altéraient cette jeune tête, contractaient ces muscles vivaces, tordaient ce coeur qu’avaient seulement effleuré les orgies, l'étude et la maladie. Comme, lorsqu'un célèbre criminel arrive au bagne, les condamnés l'accueillent avec respect, ainsi tous ces démons humains, experts en tortures, saluèrent une douleur inouïe, une blessure profonde que sondait leur regard, et reconnurent un de leurs princes à la majesté de sa muette ironie, à l'élégante misère de ses vêtements. Le jeune homme avait bien un frac de bon goût, mais la jonction de son gilet et de sa cravate était trop savamment maintenue pour qu'on lui supposât du linge. Ses mains, jolies comme des mains de femme, étaient d'une douteuse propreté ; enfin depuis deux jours il ne portait plus de gants ! Si le tailleur et les garçons de salle eux-mêmes frissonnèrent, c'est que les enchantements de l'innocence florissaient par vestiges dans ses formes grêles et fines, dans ses cheveux blonds et rares, naturellement bouclés. Cette figure avait encore vingt-cinq ans, et le vice paraissait n'y être qu'un accident. La verte vie de la jeunesse y luttait encore avec les ravages d'une impuissante lubricité. Les ténèbres et la lumière, le néant et l'existence s'y combattaient en produisant tout à la fois de la grâce et de l'horreur. Le jeune homme se présentait là comme un ange sans rayons, égaré dans sa route. Aussi tous ces professeurs émérites de vice et d'infamie, semblables à une vieille femme édentée, prise de pitié à l'aspect d'une belle fille qui s'offre à la corruption, furent-ils prêts à crier au novice : — Sortez ! Celui-ci marcha droit à la table, s'y tint debout, jeta sans calcul sur le tapis une pièce d'or qu'il avait à la main, et qui roula sur Noir ; puis, comme les âmes fortes, abhorrant de chicanières incertitudes, il lança sur le tailleur un regard tout à la fois turbulent et calme. L'intérêt de ce coup était si grand que les vieillards ne firent pas de mise ; mais l'Italien saisit avec le fanatisme de la passion une idée qui vint lui sourire, et ponta sa masse d'or en opposition au jeu de l'inconnu. Le banquier oublia de dire ces phrases qui se sont à la longue converties en un cri rauque et inintelligible : Faites le jeu ! — Le jeu est fait ! — Rien ne va plus. Le tailleur étala les cartes, et sembla souhaiter bonne chance au dernier venu, indifférent qu'il était à la perte ou au gain fait par les entrepreneurs de ces sombres plaisirs. Chacun des spectateurs voulut voir un drame et la dernière scène d'une noble vie dans le sort de cette pièce d'or ; leurs yeux arrêtés sur les cartons fatidiques étincelèrent ; mais, malgré l'attention avec laquelle ils regardèrent alternativement et sur 11 16 W. KELS Textes, PDC le jeune homme et les cartes, ils ne purent apercevoir aucun symptôme d'émotion sur sa figure froide et résignée. c) L’examen par les médecins (3e partie) [On peut comparer ce passage à l’examen de R. par les médecins dans la 3e partie. Chacun y va de son interprétation de la nature de la peau, et donc du sens du roman de Balzac. Mesurer notamment l’écart entre la fascination qu’il exerce au début du livre et l’indifférence dans laquelle il paraît plonger qui l’étudie. Noter les jeux de mots, clins d’oeil au lecteur : si l’on prend la mesure de la maladie comme un tailleur, n’est-ce pas aussi parce que c’est sa peau (au sens double sens : sa vie + son Chagrin) qui l’habille désormais et dont le rétrécissement le rend d'autant plus étriqué… On note aussi le jeu sur « sujet » qui est aussi bien le patient que le contenu de la narration (le sujet du livre).] — Je voudrais bien être témoin de la coïncidence qui existe entre vos désirs et son rétrécissement, dit-il au marquis. — A quoi bon ? s'écria Brisset. — A quoi bon ? répéta Caméristus. — Ah ! vous êtes d'accord, répondit Maugredie. — Cette contraction est toute simple, ajouta Brisset. — Elle est surnaturelle, dit Caméristus. — En effet, répliqua Maugredie en affectant un air grave et rendant à Raphaël sa Peau de chagrin, le racornissement du cuir est un fait inexplicable et cependant naturel, qui, depuis l'origine du monde, fait le désespoir de la médecine et des jolies femmes. A force d'examiner les trois docteurs, Valentin ne découvrit en eux aucune sympathie pour ses maux. Tous trois, silencieux à chaque réponse, le toisaient avec indifférence et le questionnaient sans le plaindre. La nonchalance perçait à travers leur politesse. Soit certitude, soit réflexion, leurs paroles étaient si rares, si indolentes, que par moments Raphaël les crut distraits. De temps à autre, Brisset seul répondait : « Bon ! bien ! » à tous les symptômes désespérants dont l'existence était démontrée par Bianchon. Caméristus demeurait plongé dans une profonde rêverie, Maugredie ressemblait à un auteur comique étudiant deux originaux pour les transporter fidélement sur la scène. La figure d'Horace trahissait une peine profonde, un attendrissement plein de tristesse. Il était médecin depuis trop peu de temps pour être insensible devant la douleur et impassible près d'un lit funèbre ; il ne savait pas éteindre dans ses yeux les larmes amies qui empêchent un homme de voir clair et de saisir, comme un général d'armée, le moment propice à la victoire, sans écouter les cris des moribonds. Après être resté pendant une demi-heure environ à prendre en quelque sorte la mesure de la maladie et du malade, comme un tailleur prend la mesure d'un habit à un jeune homme qui lui commande ses vêtements de noces, ils dirent quelques lieux communs, parlèrent même des affaires publiques ; puis ils voulurent passer dans le cabinet de Raphaël pour se communiquer leurs idées et rédiger la sentence. — Messieurs, leur dit Valentin, ne puis-je donc assister au débat ? — A ce mot, Brisset et Maugredie se récrièrent vivement, et, malgré les instances de leur malade, ils se refusèrent à délibérer en sa présence. Raphaël se soumit à l'usage, en pensant qu'il pouvait se glisser dans un couloir d'où il entendrait facilement les discussions médicales auxquelles les trois professeurs allaient se livrer. sur 12 16 W. KELS Textes, PDC lycée, dont maintenant nous nous rappelons tous avec tant de délices les malheurs fictifs et les joies réelles, à laquelle notre gastronomie blasée redemande les légumes du vendredi, tant que nous ne les avons pas goûtés de nouveau : belle vie dont nous méprisons les travaux, qui cependant nous ont appris le travail... — Arrive au drame, dit Emile d'un air moitié comique et moitié plaintif. — Quand je sortis du collège, reprit Raphaël en réclamant par un geste le droit de continuer, mon père m'astreignit à une discipline sévère, il me logea dans une chambre contiguë à son cabinet ; je me couchais dès neuf heures du soir et me levais à cinq heures du matin ; il voulait que je fisse mon droit en conscience, j'allais en même temps à l'Ecole et chez un avoué ; mais les lois du temps et de l'espace étaient si sévèrement appliquées à mes courses, à mes travaux, et mon père me demandait en dînant un compte si rigoureux de... — Qu'est-ce que cela me fait ? dit Emile. — Eh ! que le diable t'emporte, répondit Raphaël. Comment pourras-tu concevoir mes sentiments si je ne te raconte les faits imperceptibles qui influèrent sur mon âme, la façonnèrent à la crainte et me laissèrent long-temps dans la naïveté primitive du jeune homme ? Ainsi, jusqu'à vingt et un ans, j'ai été courbé sous un despotisme aussi froid que celui d'une règle monacale. Pour te révéler les tristesses de ma vie, il suffira peut-être de te dépeindre mon père : un grand homme sec et mince, le visage en lame de couteau, le teint pâle, à parole brève, taquin comme une vieille fille, méticuleux comme un chef de bureau. Sa paternité planait au-dessus de mes lutines et joyeuses pensées, et les enfermait comme sous un dôme de plomb. 3° Émile s’est endormi… Le sursaut de Raphaël [On peut poursuivre l’étude du texte précédent par son contrepoint, auquel on le compare. R. a soliloqué et a endormi tout le monde (= aussi le lecteur!!) ainsi qu’Émile, qu’il ennuie. Intéressant de noter que R. se souvient soudain de la Peau comme nous autres lecteurs, après l’avoir laissé nous en éloigner… Notons enfin que le seul sujet qui puisse intéresser le lecteur, à savoir l’histoire d’amour avec Fœdora, est ici congédiée par R.] Les liens qui attachent un homme à la famille étaient brisés en moi pour toujours. Galérien du plaisir, je devais accomplir ma destinée de suicide. Pendant les derniers jours de ma fortune, je fis chaque soir des excès incroyables ; mais, chaque matin, la mort me rejetait dans la vie. Semblable à un rentier viager, j'aurais pu passer tranquillement dans un incendie. Enfin je me trouvai seul avec une pièce de vingt francs, je me souvins alors du bonheur de Rastignac... — Hé ! hé ! s'écria-t-il en pensant tout à coup à son talisman qu'il tira de sa poche. Soit que, fatigué des luttes de cette longue journée, il n'eût plus la force de gouverner son intelligence dans les flots de vin et de punch ; soit qu'exaspéré par l'image de sa vie, il se fût insensiblement enivré par le torrent de ses paroles, Raphaël s'anima, s'exalta comme un homme complètement privé de raison. sur 15 16 W. KELS Textes, PDC — Au diable la mort ! s'écria-t-il en brandissant la Peau. Je veux vivre maintenant ! Je suis riche, j'ai toutes les vertus. Rien ne me résistera. Qui ne serait pas bon quand il peut tout ? Hé ! hé ! Ohé ! J'ai souhaité deux cent mille livres de rente, je les aurai. Saluez-moi, pourceaux qui vous vautrez sur ces tapis comme sur du fumier ! Vous m'appartenez, fameuse propriété ! Je suis riche, je peux vous acheter tous, même le député qui ronfle là. Allons, canaille de la haute société, bénissez-moi ! Je suis pape. En ce moment les exclamations de Raphaël, jusque-là couvertes par la basse continue des ronflements, furent entendues soudain. La plupart des dormeurs se réveillèrent en criant, ils virent l'interrupteur mal assuré sur ses jambes, et maudirent sa bruyante ivresse par un concert de jurements. — Taisez-vous ! reprit Raphaël. Chiens, à vos niches ! Emile, j'ai des trésors, je te donnerai des cigares de la Havane. — Je t'entends, répondit le poète, Fœdora ou la mort ! Va ton train ! Cette sucrée de Foedora t'a trompé. Toutes les femmes sont filles d'Eve. Ton histoire n'est pas du tout dramatique. —Ah ! tu dormais, sournois ? — Non ! Fœdora ou la mort, j'y suis. — Réveille-toi, s'écria Raphaël en frappant Emile avec la Peau de chagrin comme s’il voulait en tirer du fluide électrique. —Tonnerre ! dit Emile en se levant et en saisissant Raphaël à bras-le-corps, mon ami, songe donc que tu es avec des femmes de mauvaise vie. — Je suis millionnaire. — Si tu n'es pas millionnaire, tu es bien certainement ivre. — Ivre du pouvoir. Je peux te tuer ! Silence, je suis Néron ! je suis Nabuchodonosor ! — Mais, Raphaël, nous sommes en méchante compagnie, tu devrais rester silencieux, par dignité. — Ma vie a été un trop long silence. Maintenant, je vais me venger du monde entier. Je ne m'amuserai pas à dissiper de vils écus, j'imiterai, je résumerai mon époque en consommant des vies humaines, et des intelligences, des âmes. Voilà un luxe qui n'est pas mesquin, n'est-ce pas l'opulence de la peste ! Je lutterai avec la fièvre jaune, bleue, verte, avec les armées, avec les échafauds. Je puis avoir Fœdora. Mais non, je ne veux pas de Fœdora, c'est ma maladie, je meurs de Fœdora ! Je veux oublier Fœdora. 4° Épilogue : « Et Pauline? » [On peut étudier l’épilogue comme une dernière manifestation du lecteur sous la forme d’une question pressante et répétée «  Et Pauline?  » adressée au narrateur (reprise du jeu Émile/Raphaël). Elle peut s’interpréter comme une lassitude du lecteur, dont tout l’intérêt n’aurait pas été satisfait par la mort de Raphaël et comme son agacement de ne pas saisir clairement le sens d’un texte allégorique ou philosophique.] sur 16 16
Docsity logo


Copyright © 2024 Ladybird Srl - Via Leonardo da Vinci 16, 10126, Torino, Italy - VAT 10816460017 - All rights reserved