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Evadne poème de rené char, Lectures de Littérature

explication du poème Evadne et la figure du féminin chez René Char

Typologie: Lectures

2022/2023

Téléchargé le 30/05/2024

dufour-isabelle
dufour-isabelle 🇫🇷

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Aperçu partiel du texte

Télécharge Evadne poème de rené char et plus Lectures au format PDF de Littérature sur Docsity uniquement! 73 À la lecture du poème Evadné —— la figure féminine chez René Char (1907-1988) — Miyoko IGATA René Char a créé plusieurs femmes imaginaires dans son œuvre comme Lola Abba, Artine, Madeleine, Florence, etc. Or, selon Jean Roudeau, "toute figure féminine [..] est une incarnation d'Evadné"!"! Qui est Evadné ? Référence opaque, nom incompréhensible. Il s'agit d'un personnage féminin de la mythologie grecque, présent notamment dans la poésie de Pindare*: Les Olympiques. Evadné/"fille de Poséidon, dieu de la mer, et d'une nymphe de Laconie nommée Pitané, est aimée d'Apollon." dieu du soleil. Comment est-elle représentée dans le texte de Char ? Est-ce que la filiation mythologique y est présente ? En repérant des phénomènes poétiques propres à ce texte, nous essaierons de déceler ce que peut être un modèle féminin chez Char, voire même sa poétique. Evadné” L'été et notre vie étions d'un seul tenant La campagne mangeait la couleur de ta jupe odorante Avidité et contrainte s'étaient réconciliées Le château de Maubec s'enfonçait dans l'argile Bientôt s'effondrerait le roulis de sa lyre La violence des plantes nous faisait vaciller Un corbeau rameur sombre déviant de l'escadre Sur le muet silex de midi écartelé Accompagnait notre entente aux mouvements tendres La faucille partout devait se reposer Notre rareté commençait un règne (Le vent insomnieux qui nous ride la paupière En tournant chaque nuit la page consentie Veut que chaque part de toi que je retienne Soit étendue à un pays d'âge affamé et de larmier géant) C'était au début d'adorables années La terre nous aimait un peu je me souviens. Complexité des trois instances: le féminin, l’espace, le poème Ce texte peut être divisé en trois parties: la première contient onze vers entre à l'imparfait, la deuxième est constituée des quatre vers suivants (mi: parenthèses) au présent et la troisième formant un distique est à l'imparfait. La composition très particulière de ce texte peut se résumer comme suit. La première partie est une sorte de poème lyrique en raison d'une succession de vers qui sont des vers absolus, car chacun d'eux forme un énoncé presque indépendant des autres vers. C'est un lyrisme très parataxique. En revanche, la deuxième partie entre parenthèses nous ouvre un autre type d'énonciation, qui se manifeste par un discours articulé. Elle est grammaticalisée avec des éléments syntaxiques, argumentatifs et discursifs tels que les pronoms relatifs “qui” (vers 12) et "que" (vers 14). Enfin, la troisième partie qui forme un distique est dans le style narratif au niveau du temps, dans le temps syntagmatique, car, comme "ces adorables années" sont repérables par un début et par une quantité, nous arrivons à en mesurer à peu près l'étendue. Dès le premier vers, on s'aperçoit de la présence d'un couple évoqué par l'adjectif possessif "notre vie". "L'été et notre vie étions d'un seul tenant" illustre une fusion du couple et du contexte. À savoir, d'une part, puisque le mot A la lecture du poème Evadné — la figure féminine chez René Char — 77 déluge terrestre venant effacer des éléments, et une métonymie, celle du bruit de ce roulis, c'est-à-dire le bruit régulier de sa lyre. Si nous pensons à l'évocation ] du mot "lyre"” qui représente le poète ou le chant, ce vers annonce que même le chant ou le poème sera mis à mal par la nature: c'est l'imminence d'un silence, d'une disparition, et d'un naufrage. Cette dimension du naufrage touche aussi le couple dans le vers 6, "La violence des plantes nous faisait vaciller". Le "nous" qui désigne le couple est soumis à l'action violente des "plantes" qui est le sujet du vers. C'est un moment où le couple lui-même est dans un rapport d'absorption à la nature. Or, le mot “vaciller", qui signifie trembler ou tomber sur le sol, renvoie au vertige du désir, de la jouissance. Il s'agit d'un rapport de sympathie entre la nature et le couple. Les formules :"Un corbeau rameur sombre déviant de l'escadre" (vers 7) et "Sur le muet silex de midi écartelé" (vers 8) renforcent encore l'image du naufrage. Si nous pensons au Déluge, le corbeau est le premier oiseau qu'envoie Noé pour savoir si la terre est proche. Nous avons l'impression d'une sorte de paysage d'apocalypse avec une dimension théologique. Or, le corbeau est aussi l'oiseau d'Apollon qui renvoie à l'élément solaire, comme l'indique également le mot "midi”. Il est alors difficile de donner une image cohérente du point de vue théologique ou mythique. Toutefois, l'idée de silence progressif se retrouve avec “le muet silex" et "notre entente”. Cette entente se fait dans un total silence, dans une totale absence d'échange de paroles. Les "mouvements tendres" peuvent être les mouvements des corps du couple suggérés par "notre entente". Il peut s'agir de mouvements charnels car nous nous apercevons que le désir est déjà exprimé jusqu'ici par des mots tels que "l'avidité", "manger la couleur de ta jupe odorante" (l'espace terrestre dévorant le corps féminin) et aussi "vaciller" qui évoque le désir de la nature. Ce désir-là va entrainer par la suite un acte sexuel illustré par la violence de la terre "écartelé[e]". Le vers suivant: "La faucille partout devait se reposer" montre d'une part que l'homme ne pourra jamais contrôler cette terre qui a une emprise 78 sur lui, puisque "la faucille", outil de culture, se repose partout. D'autre part, du fait de cette nature stérile et inculte, l'avidité et l'entente des deux corps, les mouvements tendres peuvent s'intensifier. "Notre entente " mène vers "notre rareté" du dernier vers de la première partie: "Notre rareté commençait un règne”. Il y a, dans la rareté, une sorte de mégalomanie amoureuse du couple, ce qui s'accorde bien avec la composition de cette partie qui se caractérise par une espèce de jaillissement lyrique. La marche du couple vers la nature est illuminée par des instants cosmiques et mythologiques, qui les associent sur un fond grandiose à des choses démesurées. Cette démesure se poursuit dans la deuxième partie qui forme, en effet, une longue strophe avec la première partie. Nous constatons cependant plusieurs éléments de changement dans la seconde partie par rapport à la première. Elle commence par une parenthèse, signe de décrochage énonciatif, qui est quasiment le seul signe de ponctuation de tout le poème. C'est une violence typographique d'autant plus forte qu'elle s'inscrit dans un poème dépourvu de tout signe de ponctuation à l'exception du point final. Ensuite, le temps change: ce n'est plus l'imparfait, le temps du souvenir, mais le présent. De plus, le "je" apparaît pour la première fois. Jusqu'ici, c'était le "nous" qui ne semblait supposer aucune séparation: "notre vie", "notre règne", "notre rareté", "notre entente": tandis que le "nous" est à partir d'ici . Le locuteur y affirme son identité de poète pour réparti entre le "je" et le "ti la première fois. Le poète qui fait la nuit retient finalement des choses de l'expérience diurne, du temps solaire dans une dimension irréelle et virtuelle marquée par le subjonctif: "que je retienne'": mais son souvenir est toujours soumis à une volonté extérieure, puisque c'est "le vent” qui désire que "chaque part de toi que je retienne soit étendue à un pays d'âge affamé et de larmier géant”. La nature est tout de même toujours présente et dominante ici. La figure du vent qui est personnifié ne laisse aucun repos. C'est à nouveau une force extérieure à l'homme, une force qui le guide. L'action de ce vent, "tourner la page" est associée À la lecture du poème Evadné — la figure féminine chez René Char — 79 avec "chaque nuit dont l'adjectif indéfini "chaque" montre bien le geste répétitif consistant à tourner une page. En fait, la page est un élément métapoétique. Elle pourrait être une synecdoque représentant la poésie et dont l'un des aspects serait la répétition considérée comme figure de style. Ce vent est d'ailleurs un vent de la nuit, élément qui s'oppose à la clarté. Ce vent nocturne qui est le vent de l'inspiration veut que chaque morceau du féminin soit contextualisé dans un espace mythologique et grandiose: "un pays d'âge affamé et de larmier géant", cela reprend l'idée de la première partie qui veut que la fragmentation de la femme ne puisse pas se penser sans son contexte. À la lecture de la troisième partie qui conclut le poème, nous retrouvons l'impression du début du poème: "C'était au début d'adorables années". Ce distique vient illustrer l'idée de cycle. Or, par opposition à la dimension mythologique, ce distique semble établir un rapport de proximité marqué par "nous aimait un peu -à-dire que "un peu” nous inscrit bien dans un rapport de je me souviens”. Ce: proximité très humain et de relativisme entre le couple et la terre. Par contre, le point commun entre ce distique et les parties précédentes, c'est la terre. Le distique ne contredit pas ce qui a été dit auparavant, puisque l'instance de la terre est bien toujours présente. Mais ce n'est pas la terre cosmique, c'est une terre plus modeste et plus individuelle. Et le "je me souviens" explique une espèce d'apaisement, d'extinction même du lyrisme, puisque "je me souviens" nous indique que c'est terminé. Autrement dit, le "jeme souviens" justifie cette espèce d'extinction de la démesure lyrique et érotique, puisque le caractère lyrique et érotique y est ici mort. En résumé, le lyrisme de la première partie montre une domination du terrestre et du naturel sur l'être humain dans une dimension démesurée et mythologisée. La deuxième partie, sous la forme d'un discours justifie le lyrisme avec des parenthèses métapoétiques mais toujours à l'horizon du mythe. Du point de vue de la métrique, ces deux parties forment en effet une strophe: par contre la troisième partie, typographiquement détachée des parties précédentes forme une autre strophe. Cette dernière partie rétablit la mesure purement humaine
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