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Fables de La Fontaine, Lectures de Littérature

À Madame de Montespan. Livre VII - Fable 0 page 2. Les animaux malades de la peste. Livre VII - Fable 1 page 3. Le mal marié. Livre VII - Fable 2.

Typologie: Lectures

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

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Ernest_Paris 🇫🇷

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Télécharge Fables de La Fontaine et plus Lectures au format PDF de Littérature sur Docsity uniquement! Cycle » Li térature Fables Jean de La Fontaine Livre VII À Madame de Montespan Les animaux malades de la peste Le mal marié Le rat qui s'est retiré du monde Le héron La fille Les souhaits La cour du lion Les vautours et les pigeons Le coche et la mouche La laitière et le pot au lait Le curé et le mort L'homme qui court après la Fortune et l'homme qui l'attend dans son lit Les deux coqs L'ingratitude et l'injustice des hommes envers la Fortune Les devineresses Le chat, la belette et le petit lapin La tête et la queue du serpent Un animal dans la lune Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII Livre VII - Fable - Fable 0 - Fable 2 - Fable 3 - Fable 4 - Fable 5 - Fable 6 - Fable 7 - Fable 8 - Fable 9 - Fable 10 - Fable 11 - Fable 12 - Fable 13 - Fable 14 - Fable 15 - Fable 16 - Fable 17 - Fable 18 FABLES page 2 page 3 page 4 page 5 page 6 page 7 page 8 page 9 page 10 page 11 page 12 page 13 page 14 page 15 page 16 page 17 page 18 page 19 page 20 À Nadame de Montespan FABLE Jean de La Fontaine L'apologue est un don qui vient des Immortels ; Ou, si c'est un présent des hommes, Quiconque nous l'a fait mérite des autels : Nous devons, tous tant que nous sommes, Ériger en divinité Le sage par qui fut ce bel art inventé. C'est proprement un charme: il rend l'âme attentive, Ou plutôt il la tient captive, Nous attachant à des récits Qui mènent à son gré les cœurs et les esprits. Ô vous qui l'imitez, Olympe, si ma muse À quelquefois pris place à la table des dieux, Sur ses dons aujourd'hui, daignez porter les yeux; Favorisez les jeux où mon esprit s'amuse. Le temps qui détruit tout, respectant votre appui, Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage : Tout auteur qui voudra vivre encore après lui Doit s'acquérir de votre suffrage. C'est de vous que mes vers attendent tout leur prix : Il n'est beauté dans nos écrits Dont vous ne connaissiez jusques aux moindres traces. Eh ! Qui connaît que vous les beautés et les grâces ? Paroles et regards, tout est charme dans vous. Ma muse, en un sujet si doux, Voudrait s'étendre davantage ; Mais il faut réserver à d'autres cet emploi ; Et d'un plus grand maître que moi Votre louange est le partage. Olympe, c'est assez qu'à mon dernier ouvrage Votre nom serve un jour de rempart et d'abri. Protégez désormais le livre favori Par qui j'ose espérer une seconde vie ; Sous vos seuls auspices ces vers Seront jugés, malgré l'envie, Dignes des veux de l'univers. Je ne mérite pas une faveur si grande. La fable en son nom la demande : Vous savez quel crédit ce mensonge a sur nous. S'il procure à mes vers le bonheur de vous plaire, Je croirai lui devoir un temple pour salaire : Mais je ne veux bâtir des temples que pour vous. Livre VII - Fable 0 Cycle » Littérature Le rat qui s’est retiré du monde Jean de La Fontaine Les Levantins en leur légende Disent qu'un certain rat, las des soins d'ici-bas, Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas. La solitude était profonde, S'étendant partout à la ronde. Notre ermite nouveau subsistait là dedans. Il fit tant, de pieds et de dents, Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage Le vivre et le couvert ; que faut-il davantage ? Il devint gros et gras : Dieu prodigue ses biens À ceux qui font vœu d'être siens. Un jour, au dévot personnage, Des députés du peuple rat S'en vinrent demander quelque aumône légère : Ils allaient en terre étrangère Chercher quelque secours contre le peuple chat ; Ratopolis était bloquée : On les avait contraints de partir sans argent, Attendu l'état indigent De la république attaquée. Ils demandaient fort peu, certains que le secours Serait prêt dans quatre ou cinq jours. «Mes amis, dit le solitaire, Les choses d'ici-bas ne me regardent plus: En quoi peut un pauvre reclus Vous assister ? Que peut-il faire Que de prier le ciel qu'il vous aide en ceci ? J'espère qu'il aura de vous quelque souci. » Ayant parlé de la sorte, Le nouveau saint ferma sa porte. Que désignai-je, à votre avis, Par ce rat si peu secourable ? Un moine ? Non, mais un dervis : Je suppose qu'un moine est toujours charitable. Livre VII FABLE - Fable 3 Le héron FABLE Jean de La Fontaine Un jour, sur ses longs pieds, allait, je ne sais où, Le héron au long bec emmanché d'un long cou : Il côtoyait une rivière. L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours ; Ma commère la carpe y faisait mille tours, Avec le brochet son compère. Le héron en eût fait aisément son profit : Tous approchaient du bord, l'oiseau n'avait qu'à prendre. Mais il crut mieux faire d'attendre Qu'il eût un peu plus d'appétit : Il vivait de régime et mangeait à ses heures. Après quelques moments, l'appétit vint : l'oiseau, S'approchant du bord, vit sur l'eau Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures. Le mets ne lui plut pas ; il s'attendait à mieux, Et montrait un goût dédaigneux, Comme le rat du bon Horace. « Moi, des tanches ! dit-il ; moi, héron, que je fasse Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ? » La tanche rebutée, il trouva du goujon. « Du goujon ! c'est bien là le diner d'un héron ! J'ouvrirais pour si peu le bec !aux dieux ne plaise ! » Il l'ouvrit pour bien moins : tout alla de façon Qu'il ne vit plus aucun poisson. La faim le prit : il fut tout heureux et tout aise De rencontrer un limaçon. Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants, ce sont les plus habiles ; On hasarde de perdre en voulant trop gagner. Gardez-vous de rien dédaigner, Surtout quand vous avez à peu près votre compte. Bien des gens y sont pris. Ce n'est pas aux hérons Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte : Vous verrez que chez vous j'ai puisé ces leçons. Livre VII - Fable 4 La fille FABLE Jean de La Fontaine Certaine fille, un peu trop fière, Prétendait trouver un mari Jeune, bien fait et beau, d'agréable manière, Point froid et point jaloux : notez ces deux points-ci. Cette fille voulait aussi Qu'il eût du bien, de la naissance, De l'esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir ? Le destin se montra soigneux de la pourvoir : Il vint des partis d'importance. La belle les trouva trop chétifs de moitié : « Quoi ? moi ! quoi ? ces gens-là ! l'on radote, je pense. À moi les proposer! hélas! ils font pitié : Voyez un peu la belle espèce ! » L'un n'avait en l'esprit nulle délicatesse ; L'autre avait le nez fait de cette façon-là ; C'était ceci, c'était cela ; C'était tout, car les précieuses Font dessus tout les dédaigneuses. Après les bons partis, les médiocres gens Vinrent se mettre sur les rangs. Elle de se moquer. « Ah ! vraiment je suis bonne De leur ouvrir la porte! Ils pensent que je suis Fort en peine de ma personne : Grâce à Dieu, je passe les nuits Sans chagrin, quoique en solitude. » La belle se sut gré de tous ces sentiments ; L'âge la fit déchoir: adieu tous les amants. Un an se passe, et deux avec inquiétude ; Le chagrin vient ensuite; elle sent chaque jour Déloger quelques Ris, quelques Jeux, puis l'Amour ; Puis ses traits choquer et déplaire ; Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire Qu'elle échappât au Temps, cet insigne larron. Les ruines d'une maison Se peuvent réparer : que n'est cet avantage Pour les ruines du visage ? Sa préciosité changea lors de langage. Son miroir lui disait : « Prenez vite un mai. » Je ne sais quel désir le lui disait aussi : Le désir peut loger chez une précieuse. Celle-ci fit un choix qu'on n'aurait jamais cru, Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse De rencontrer un malotru. Livre VI - Fable 5 Cycle » Li térature Les vautours et les pigeons Jean de La Fontaine Mars autrefois mit tout l'air en émute. Certain sujet fit naître la dispute Chez les oiseaux, non ceux que le Printemps Mène à sa cour, et qui, sous la feuillée, Par leur exemple et leurs sons éclatants, Font que Vénus est en nous réveillée; Ni ceux encor que la mère d'Amour Met à son char ; mais le peuple vautour, Au bec retors, à la tranchante serre, Pour un chien mort se fit, dit-on, la guerre. Il plut du sang : je n'exagère point. Si je voulais conter de point en point Tout le détail, je manquerais d'haleine. Maint chef périt, maint héros expira ; Et sur son roc Prométhée espéra De voir bientôt une fin à sa peine. C'était plaisir d'observer leurs efforts ; C'était pitié de voir tomber les morts. Valeur, adresse, et ruses, et surprises, Tout s'employa. Les deux troupes, éprises D'ardent courroux, n'épargnaient nuls moyens De peupler l'air que respirent les ombres : Tout élément remplit de citoyens Le vaste enclos qu'ont les royaumes sombres. Cette fureur mit la compassion Dans les esprits d'une autre nation Au col changeant, au cœur tendre et fidèle. Elle employa sa médiation Pour accorder une telle querelle: Ambassadeurs par le peuple pigeon Furent choisis, et si bien travaillèrent Que les vautours plus ne se chamaillèrent. Ils firent trève ; et la paix s'ensuivit. Hélas | ce fut aux dépends de la race À qui la leur aurait dû rendre grâce. La gent maudite aussitôt poursuivit Tous les pigeons, en fit ample carnage, Et dépeupla les bourgades, les champs. Peu de prudence eurent les pauvres gens, D'accommoder un peuple si sauvage. Tenez toujours divisés les méchants : La sûreté du reste de la terre Dépend de là. Semez entre eux la guerre, Ou vous n'aurez avec eux nulle paix. Ceci soit dit en passant : je me tais. FABLE Livre VII - Fable 8 Cycle » Li térature Le coche et la mouche FABLE Jean de La Fontaine Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au soleil exposé, Six forts chevaux tiraient un coche. Femmes, moine, vieillards, tout était descendu. L'attelage suait, soufflait, était rendu. Une mouche survient, et des chevaux s'approche, Prétend les animer par son bourdonnement, Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment Qu'elle fait aller la machine, S'assied sur le timon, sur le nez du cocher. Aussitôt que le char chemine, Et qu'elle voit les gens marcher, Elle s'en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l'empressée : il semble que ce soit Un sergent de bataille allant en chaque endroit Faire avancer ses gens et hâter la victoire. La mouche, en ce commun besoin, Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin ; Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire. Le moine disait son bréviaire : Il prenait bien son temps ! Une femme chantait: C'était bien de chansons qu'alors 1l s'agissait ! Dame mouche s'en va chanter à leurs oreilles, Et fait cent sottises pareilles. Après bien du travail, le coche arrive au haut : « Respirons maintenant, dit la mouche aussitôt: J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine. Ça, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine. » Ainsi certaines gens, faisant les empressés, S'introduisent dans les affaires: Ils font partout les nécessaires, Et, partout importuns, devraient être chassés. Livre VII - Fable 9 La laitière et le pot av lait FABLE Jean de La Fontaine Perrette, sur sa tête ayant un pot de lait Bien posé sur un coussinet, Prétendait arriver sans encombre à la ville. Légère et court vêtue, elle allait à grands pas, Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile, Cotillon simple et souliers plats. Notre laitière ainsi troussée Comptait déjà dans sa pensée Tout le prix de son lait, en employant l'argent ; Achetait un cent d'œufs, faisait triple couvée : La chose allait à bien par son soin diligent. «Il m'est, disait-elle, facile D'élever des poulets autour de ma maison ; Le renard sera bien habile S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon. Le porc à s'engraisser coûtera peu de son ; Il était, quand je l'eus, de grosseur raisonnable : J'aurai, le revendant, de l'argent bel et bon. Et qui m'empèchera de mettre en notre étable, Vu le prix dont il est, une vache et son veau, Que je verrai sauter au milieu du troupeau ? » Perrette, là-dessus, saute aussi, transportée : Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée. La dame de ces biens, quittant d'un œil marri Sa fortune ainsi répandue, Va s'excuser à son mari, En grand danger d'être battue. Le récit en farce en fut fait; On l'appela le pot au lait. Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait châteaux en Espagne ? Picrochole, Pyrrhus, la laitière, enfin tous, Autant les sages que les fous. Chacun songe en veillant; il n'est rien de plus doux : Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes ; Tout le bien du monde est à nous, Tous les honneurs, toutes les femmes. Quand je suis seul, je fais aux plus braves un défi; Je m'écarte, je vais détrôner le Sophi ; On m'élit roi, mon peuple m'aime ; Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant : Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même, Je suis Gros-Jean comme devant. Livre VII - Fable 10 Les deux coqs FABLE Jean de La Fontaine Deux coqs vivaient en paix : une poule survint, Et voilà la guerre allumée. Amour, tu perdis Troie ; et c'est de toi que vint Cette querelle envenimée Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint. Longtemps entre nos coqs le combat se maintint ; Le bruit s'en répandit par tout le voisinage : La gent qui porte crête au spectacle accourut. Plus d'une Hélène au beau plumage Fut le prix du vainqueur. Le vaincu disparut : Il alla se cacher au fond de sa retraite, Pleura sa gloire et ses amours, Ses amours qu'un rival, tout fier de sa défaite, Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours Cet objet rallumer sa haine et son courage ; Il aiguisait son bec, battait l'air et ses flancs, Et, s'exerçant contre les vents, S'armait d'une jalouse rage. Il n'en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits S'alla percher, et chanter sa victoire. Un vautour entendit sa voix ; Adieu les amours et la gloire ; Tout cet orgueil périt sous l'ongle du vautour Enfin, par un fatal retour Son rival autour de la poule S'en revint faire le coquet : Je laisse à penser quel caquet ; Car il eut des femmes en foule. La fortune se plaît à faire de ces coups ; Tout vainqueur insolent à sa perte travaille. Défions-nous du Sort, et prenons garde à nous Après le gain d'une bataille. Livre VII - Fable 13 Qres | L ingratitude et l'injustice des férature FABLE hommes envers la Fortune Jean de La Fontaine Un trafiquant sur mer, par bonheur, s'enrichit. Il tiompha des vents pendant plus d'un voyage : Gouffre, banc, ni rocher n'exigea de péage D'aucun de ses ballots ; le sort s'en affranchit. Sur tous ses compagnons Âtropos et Neptune Recueillirent leur droit, tandis que la Fortune Prenait soin d'amener son marchand à bon port. Facteurs, associés, chacun lui fut fidèle. Il vendit son tabac, son sucre, sa cannelle, Ce qu'il voulut, sa porcelaine encor : Le luxe et la folie enflèrent son trésor ; Bref, il plut dans son escarcelle. On ne parla chez lui que par doubles ducats ; Et mon homme d'avoir chiens, chevaux et carrosses : Ses jours de jeûne étaient des noces. Un sien ami, voyant ces somptueux repas, Lui dit : «Et d'où vient donc un si bon ordinaire ? —Et d'où me viendrait-il que de mon savoir-faire ? Je n'en dois rien qu'à moi, qu'à mes soins, qu'au talent De risquer à propos, et bien placer l'argent. » Le profit lui semblant une fort douce chose, Il nisqua de nouveau le gain qu'il avait fait ; Mais rien, pour cette fois, ne lui vint à souhait. Son imprudence en fut la cause : Un vaisseau mal frété périt au premier vent; Un autre, mal pourvu des armes nécessaires, Fut enlevé par les corsaires ; Un troisième au port arrivant, Rien n'eut cours ni débits. Le luxe et la folie N'étaient plus tels qu'auparavant. Enfin ses facteurs le trompant, Et lui-même ayant fait grand fracas, chère lie, Müs beaucoup en plaisirs, en bâtiments beaucoup, Il devint pauvre tout d'un coup. Son ami, le voyant en mauvais équipage, Lui dit : « D'où vient cela ? —De la fortune, hélas | —Consolez-vous, dit l'autre, et s'il ne lui plaît pas Que vous soyez heureux, tout au moins soyez sage. » Je ne sais s'il crut ce conseil ; Mais je sais que chacun impute, en cas pareiïl, Son bonheur à son industrie ; Et si, de quelque échec notre faute est suivie, Nous disons injures au Sort. Chose n'est ici plus commune. Le bien, nous le faisons ; le mal, c'est la Fortune : On a toujours raison, le Destin toujours tort. Livre VII - Fable 14 Cycle » férature Les devineresses FABLE Jean de La Fontaine C'est souvent du hasard que naît l'opinion, Et c'est l'opinion qui fait toujours la vogue. Je pourrais fonder ce prologue Sur gens de tous états : tout est prévention, Cabale, entêtement; point ou peu de justice : C'est un torrent; qu'y faire ? Il faut qu'il ait son cours : Cela fut et sera toujours. Une femme, à Paris, faisait la pythonisse : On l'allait consulter sur chaque événement ; Perdait-on un chiffon, avait-on un amant, Un mari vivant trop, au gré de son épouse, Une mère fâcheuse, une femme jalouse ; Chez la devineuse on courait , Pour se faire annoncer ce que l'on désirait. Son fait consistait en adresse. Quelques termes de l'art, beaucoup de hardiesse, Du hasard quelquefois, tout cela concourait, Tout cela bien souvent faisait crier miracle. Enfin, quoique ignorante à vingt et trois carats, Elle passait pour un oracle. L'oracle était logé dedans un galetas : Là, cette femme emplit sa bourse, Et, sans avoir d'autre ressource, Gagne de quoi donner un rang à son mari ; Elle achète un office, une maison aussi. Voilà le galetas rempli D'une nouvelle hôtesse, à qui toute la ville, Femmes, filles, valets, gros messieurs, tout enfin, Allait, comme autrefois, demander son destin : Le galetas devint l'antre de la Sybille. L'autre femelle avait achalandé ce lieu. Cette dernière femme eut beau faire, eut beau dire: Moi devine | on se moque : « Eh | Messieurs, sais-je lire ? Je n'ai jamais appris que ma Croix de par Dieu. » Point de raison : fallut deviner et prédire, Mettre à part force bons ducats, Et gagner malgré soi plus que deux avocats. Le meuble et l'équipage aidaient fort à la chose : Quatre sièges boiteux, un manche de balai, Tout sentait son sabbat et sa métamorphose. Quand cette femme aurait dit vrai Dans une chambre tapissée, On s'en serait moqué : la vogue était passée Au galetas. Il avait le crédit : L'autre femme se morfondit. L'enseigne fait la chalandise. J'ai vu dans le palais une robe mal mise Gagner gros ; les gens l'avaient prise Pour maître tel, qui traînait après soi Livre VIL- Fable 15 Force écoutants. Demandez-moi
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