Télécharge Guillaume Apollinaire : Alcools et plus Notes au format PDF de Poésie sur Docsity uniquement! 1 Guillaume Apollinaire : Alcools Cours n°2 Apollinaire et sa Muse, Douanier Rousseau N.B. Consigne pour ce cours : apprendre par cœur dans la Chanson : pp. 2425 6 strophes, de « Voie lactée… » jusqu’à « ma rose mon giroflier » 1 - Éléments biographiques : 1.1. Apollinaire est né à Rome en 1880 (d’un père italien, et d’une mère polonaise dont il porte le nom : Kostrowitzky) ; il a été élevé à Monaco puis fait des études à Cannes et à Nice. Il doit ses premières émotions poétiques à Baudelaire et aux symbolistes. Son œuvre est surtout marquée par deux événements qui ont alimenté sa thématique : son séjour en Ardennes en 1899, et une année passée en Allemagne (août 1901 à août 1902) ; en tant que précepteur d’une fillette de 10 ans ; ces deux expériences coïncident avec – la découverte d’horizons nouveaux, qui suscitent la diversité des paysages dans ses poèmes : les paysages rhénans s’ajoutent aux tableaux de la ville de Paris, aux paysages méditerranéens, et à ceux des Ardennes 2 Surtout, elles coïncident avec les échecs amoureux : Mareye (Marie en Wallon) d’abord, puis Annie Playden gouvernante anglaise de la petite fille dont il est le précepteur. Cet amour est une source de La Chanson du malaimé. La période rhénane est très productive (une vingtaine de poèmes d’Alcools en sont issus). Puis en 1907, il rencontre Marie Laurencin, avec qui il a une liaison. En 1914, il s’engage dans l’armée (en décembre, ce qui lui permet d’être naturalisé français. Peu avant de s'engager, il tombe amoureux de Louise de ColignyChâtillon, rencontrée à Nice qu'il surnomme Lou. De cette liaison,et des poèmes qu’il lui écrit au front provient le recueil Poèmes à Lou (publiés seulement en 1955, à titre posthume. Toutefois, l’amour est plus, chez lui, un thème littéraire qu’une importance grave dans son existence. Il ne fat pas le considérer seulement d’un point de vue biographique. L est le plus souvent sans référence précise ; on peut simplement dire que les périodes amoureuses engendrent un lyrisme sentimental. Il est blessé à la tempe par un éclat d'obus en 1916, dans sa tranchée. Évacué à Paris, il est trépané. Mais après une longue convalescence, affaibli par sa blessure, Guillaume Apollinaire meurt en 1918 de la grippe espagnole. 1.2. Sa véritable carrière littéraire a commencé en 1903. C’est la période où il rencontre les peintres (Derain, le douanier Rousseau, Vlaminck, Picasso surtout) ; mais il se lie aussi d’amitié avec des écrivains comme Jarry, Max Jacob, André Salmon. Tenté un moment par l’unanimisme, puis par le symbolisme, il est a l’idée que rêve et fantaisie ont leur racine dans le réel et ne font que le prolonger. Principales œuvres : 1913 : Alcools 1917 : Il fait jouer sa pièce Les Mamelles de Tirésias (soustitrée drame surréaliste) en juin 1918 : Calligrammes + Des récits, des contes, des essais, des ouvrages critiques sur la peinture et sur la poésie. 1.3. Le recueil Alcools : Quand paraît Alcools en 1913, Apollinaire n’a encore publié que 2 petits ouvrages à tirage limité : L’Enchanteur pourrissant, Bestiaire ou cortège d’Orphée. En même temps il fait paraître un ouvrage sur les peintres cubistes. (Les Peintres cubistes, méditations esthétiques). Défenseur de la peinture nouvelle, il pense que la poésie doit s’inspirer de la révolution picturale. N.B. : L’année 1913 : Juste avant le déclenchement de la première guerre mondiale, 19121913 sont des années fondamentales pour l’histoire de l’art et de la pensée. Elles se caractérisent par un extraordinaire foisonnement d’idées, de créations ; un véritable carrefour de pensées ; elles marquent la genèse d’un nouvel ordre dans l’histoire des arts. Ex. : Philosophie : en 1913, un ouvrage fondamental d’Husserl sur la Phénoménologie ; Totem et Tabou de Freud, Peinture :Duchamp (1912) : Nu descendant un escalier. Picasso : premiers collages, Kandinsky créé avec Franz Marc le groupe du "Blaue Reiter" (Le Cavalier Bleu ) à Munich ,1913 : Exposition à Berlin de Delaunay (qui commence Les Trois fenêtres) ; Musique : Schönberg vient d’élaborer le mode de déclamation du Sprechchgesang (chant parlé) ; pièces pour piano et clarinette d’Alban Berg ; Théâtre : on joue L’annonce faite à Marie (Claudel) ; Les ballets russes de Diaghilev présentent à Paris le Sacre du printemps (chorégraphie de Nijinski). 5 Le vers est libéré de la contrainte de la ponctuation, mais aussi du rythme accentuel de l’alexandrin. (« au ronron toujours binaire »). On peut distinguer deux ensembles : 2.2.1. Les poèmes composés en vers réguliers, strophes, quatrains d’alexandrins (comme Le Larron, l’Ermite p.°79) en quintils d’octosyllabes (Chanson du mal aimé) ou quatrains d’octosyllabes (Saltimbanques) 2.2.2. Les poèmes composés en vers libres vers libres qui gravitent autour de l’alexandrin : p. 92 ; Colchiques… Le pré est vénéneux mais joli en automne (12) Les vaches y paissant (6) Lentement s’empoisonnent (6) Le colchique couleur de cerne et de lilas (12) Y fleurit tes yeux sont comme cette fleurlà (12) Violâtres comme leur cerne et comme cet automne (13 ou 141) Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne (12) Les enfants de l'école viennent avec fracas (13) Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica (14) Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères (13) Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières (14) Qui battent comme les fleurs battent au vent dément (13) Le gardien du troupeau chante tout doucement (12) Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent (14) Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne (12) vers libre qui confine au prosaïsme (Zone) Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes La religion seule est restée toute neuve la religion Est restée simple comme les hangars de PortAviation Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X Et toi que les fenêtres observent la honte te retient D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventure policières Portraits des grands hommes et mille titres divers Ainsi, du point de vue de la prosodie, le recueil se caractérise par un mélange d’invention et de tradition. 2.3. Calembours et images : Certains poèmes jouent sur le calembour ; ainsi pour « Palais », il faut entendre le double sens du mot ; 1 Selon que l’on fait ou non la diérèse pour « violâtre » 6 Palais, au sens du château : mots roi / jardin, monarque / antichambre etc.) Palais de la bouche : chairs fouettées de rose ; ma bouche aux agapes d’agneau / le fade goût / les convives mastiquaient… etc.) Ou encore « 1909 » peut s’entendre comme l’année, ou mille neuf sang neuf… Calembour ou écholalie : L’Ermite strophe 4 (79) Les humains savent tant de jeux l’amour la mourre L’amour jeu des nombrils ou jeu de la grande oie La mourre jeu du nombre illusoire des doigts Seigneur faites Seigneur qu’un jour je m’énamoure Voir encore dans La Chanson, p.°, l’association « dame damascène » (damascène = habitante de Damas) greffé sur le cliché « avoir le cœur gros ». Ici « avoir le cœur gros comme un cul »… Ainsi, le calembour est souvent utilisé pour ses vertus iconoclastes, surtout autour de la religion chrétienne (p.° 79) 2.4. Hétérogénéité du recueil : Il y a une grande diversité de poèmes d’abord en fonction de leur longueur : Apollinaire alterne les pièces courtes (la porte, saltimbanques, Automne, (64, 68, 84) et surtout Chantre p. 36, composé d’un seul vers et les poèmes longs qui les encadrent. Mais ils revêtent aussi des formes très différentes : 2.4.1. Les Poèmes discours : ils supposent 3 personnes, un je qui s’adresse à un tu, et une 3ème personne dont on parle. 2.4.2. Les Poèmes dialogiques, comme Vendémiaire, (p.° 136), qui est un dialogue entre le poète et les voix des villes ; (avec les didascalies). Hommes de l'avenir souvenezvous de moi […] Que Paris était beau à la fin de septembre […] Un soir passant le long des quais déserts et sombres En rentrant à Auteuil j'entendis une voix Qui chantait gravement se taisant quelquefois Pour que parvînt aussi sur les bords de la Seine La plainte d'autres voix limpides et lointaines Et j'écoutai longtemps tous ces chants et ces cris Qu'éveillait dans la nuit la chanson de Paris […] Et Rennes répondit avec Quimper et Vannes Nous voici ô Paris Nos maisons nos habitants Ces grappes de nos sens qu'enfanta le soleil On les appelle encore « Poèmes conversations » : ils prétendent capter des conversations entendues ; l’exemple le plus significatif est sans doute Les Femmes (p.°109) N.B. Ces expériences viennent avant les calligrammes qui donnent au poème une existence formelle et font une synthèse du dessin et de l’écriture. 2.4.3 . Les poèmes – récits : le locuteur est le héros des faits racontés comme « Le malaimé », qui raconte ses amours douloureuses. Le poème est une sorte d’anti Cantique des cantiques. 2.4.5. Les poèmes allégoriques : Merlin, le Larron, l’Ermite ; ce sont des fictions qui ont une valeur symbolique et qui proposent une réflexion sur le christianisme. 7 N.B. Le premier poème du recueil (Zone) est le dernier composé. Il affirme le retour du poète sur luimême et sur son passé. 2.4.6. Les poèmes élégiaques Soit il s’agit de confidences à demimot (« Marie »), soit de fantaisies débridées qui s’achèvent dans une pirouette. 2.5. Les principales thématiques : Les thématiques les plus fréquentes concernent l’amour, le temps ; il peut s’agir aussi de poésie de la ville, des jardins… ou la poésie de la vie moderne et de son décor (Vendémiaire, p. 136) Surtout, il s’agit d’une poésie relative au temps, et ce pour diverses raisons : 2.5.1. d’abord une poésie de la mémoire, très sensible dans La Chanson du mal aimé : Mon beau navire ô ma mémoire Avonsnous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avonsnous assez divagué De la belle aube au triste soir Mais ce n’est pas seulement par cette strophe, et ce thème du « beau navire » (p.°19) ; chaque reprise du refrain (Voie lactée, ô sœur lumineuse…) provoque une relance du souvenir : pages 19, 24, 30. On peut citer encore, très explicite le poème Cors de chasse (p.°135). 2.5.2. La thématique du temps est également associée à celle de l’eau : le motif de l’eau récurrent, qu’il soit mis en relation avec le temps qui passe (le Pont Mirabeau) ou avec la noyade et la mort ; voir Lorelei, ou p.°31, l’allusion à la mort de Louis II de Bavière : Un jour le roi dans l’eau d’argent Se noya… 2.5.3. Cette thématique rejoint également celle de l’automne sa « saison mentale » : le poème automnal est une constante du recueil : pp. 33 (Les Colchiques), 84 ‘automne), 111, (Signe), 132 (Automne malade). La méditation sur le temps requiert les images du passage, de l’errance… 2.5.4. Souvent les poèmes d’Apollinaire sont les poèmes d’une fin : fin d’un amour, adieu, séparation. Ou des poèmes de l’échec ; des poèmes de la mort surtout. (voir par exemple La Maison des morts, p.°105) 3- Explication de Marie Ce poème fait partie de ceux qui ont été lus par Apollinaire et dont on a gardé l’enregistrement. Il est paru, ponctué d’abord, en 1912, puis inséré sans ponctuation dans Alcools entre Le Voyageur (thème de l’errance) et La Blanche Neige (dont les derniers vers font écho aux vers 11 et 13 de Marie). Ah! tombe neige Tombe et que n'aije Ma bienaimée entre mes bras D’un point de vue biographique : ce poème, en raison du prénom de Marie en titre, superpose les visages de Mareye et de Marie Laurencin. Cependant, il s’inscrit surtout dans une tradition poétique ; celle qui consiste à s’adresser à la femme aimée, pour lui dire sa souffrance amoureuse. Par sa simplicité, les répétitions, la musicalité, il rappelle aussi la chanson populaire. Mais on observe des décalages par rapport aux formes attendues. Frappe d’abord l’aspect hétéroclite et décousu : la 1 ère strophe s’adresse à Marie ; puis dans les strophes 2 et 3, les sentiments se mêlent à l’évocation d’un paysage et alors, l’image