Docsity
Docsity

Prépare tes examens
Prépare tes examens

Étudies grâce aux nombreuses ressources disponibles sur Docsity


Obtiens des points à télécharger
Obtiens des points à télécharger

Gagnz des points en aidant d'autres étudiants ou achete-les avec un plan Premium


Guides et conseils
Guides et conseils

histoire d'un petit village du pays-haut, Guide, Projets, Recherche de Géographie historique

Typologie: Guide, Projets, Recherche

2018/2019

Téléchargé le 11/09/2019

Marc_93
Marc_93 🇫🇷

4.2

(46)

99 documents

1 / 151

Toggle sidebar

Documents connexés


Aperçu partiel du texte

Télécharge histoire d'un petit village du pays-haut et plus Guide, Projets, Recherche au format PDF de Géographie historique sur Docsity uniquement! 1 1 7 JEAN COSTANTINI L A N D R E S HISTOIRE d’un petit village du PAYS - HAUT 2 à mon père, et à messieurs Gilbert BOURHOVEN et Joseph HUGLA, mes maîtres de la Communale de Landres. 5 AVANT - PROPOS LANDRES n’est qu’un très modeste village du PAYS-HAUT lorrain, qui possède comme bien d’autres, une longue histoire souvent trop méconnue. Retrouver l’histoire d’un village est une tâche bien prétentieuse et de très longue haleine. En recoupant les écrits existants, on peut parvenir à en retracer l’essentiel, mais avec de grandes zones d’ombre et beaucoup d’incertitudes. Plus le passé est lointain, plus les documents sont rares, difficiles à retrouver, voire inexistants. Et comme sans documents sûrs, rien ne peut être établi définitivement, on ne peut faire que des suppositions, ou se perdre en conjonctures. Un village s’intègre logiquement dans plusieurs ensembles concentriques, et son histoire est toujours intimement liée à celle de sa région et de son pays. Comme malheureusement, on ne connaît que très peu de choses sur les origines de Landres, il est utile de parler d’abord de la région, de la formation des villages, de l’organisation des institutions. Il faudra souvent aussi, pour comprendre, rappeler ou expliquer des événements qui ont fait l’histoire du pays de Briey, du Barrois et de la Lorraine, de la France, voire quelquefois de l’Allemagne. Ma démarche a été d’abord d’étudier les archives communales, puis d’accumuler tout ce que j’ai pu trouver d’intéressant sur Landres, Briey, la Lorraine, de recouper les textes qui en parlent, de recueillir des témoignages, et d’en faire la synthèse en plaçant Landres au premier plan. Le document de départ a été la monographie de Landres écrite en 1888 par l’instituteur de l’époque, Monsieur BEUVELOT. L’Académie avait demandé à chaque instituteur la description historique, géographique et économique de son village. Mais il se fonde beaucoup sur la tradition orale qui peut toujours être sujette à caution. Toutes ces monographies sont déposées actuellement aux archives départementales de Meurthe-et-Moselle. Je parlerai aussi du travail sur le terrain de Denis PERRON, lui aussi originaire de Landres, passionné d’archéologie et homme de terrain. Il a arpenté tout le ban de Landres, et ses patientes recherches ont permis de retrouver quelques vestiges de la préhistoire et de l’Antiquité. Merci à lui de sa fidèle collaboration. Je ferai souvent référence au livre « Histoire des BRIEY » du Comte Claude de BRIEY qui vit en Belgique. Notre correspondance lui a permis de préciser quelques menus détails de l’histoire de sa famille qui porta longtemps le nom de « de LANDRES ». Il m’a fait l’honneur de m’offrir son magnifique ouvrage qui n’est pas en librairie. J’y ai trouvé quantité de révélations sur les Seigneurs de Landres. Il m’a donné envie d’approfondir mes recherches et de poursuivre la rédaction de cette « histoire » de Landres. Ce livre a été la source de ma documentation sur Landres pour l’époque féodale, la Renaissance et le XVIIe siècle. Je me permettrai d’en citer de nombreux passages. Les travaux érudits de Monsieur Robert DELHINGER, ancien instituteur à Mance, le livre « BRIEY, 2000 ans d’histoire » de François HELLER et les nombreux écrits sur Briey et sa région du Docteur Pierre MANGIN m’ont particulièrement aidé dans mes recherches. D’autres ouvrages sur la Lorraine ont servi aussi à cette étude, j’en donnerai les références chaque fois. Les registres de l’Etat-civil et beaucoup d’archives de la commune ont disparu dans l’incendie du 22 août 1914. Les registres des délibérations du Conseil Municipal depuis 1811 et quelques rares archives ont été sauvés « in extremis » par Monsieur NAUDIN, l’instituteur et secrétaire de mairie de l’époque. J’y ai découvert bien des détails et des anecdotes sur la vie communale de ces deux derniers siècles. De nombreuses personnes ont connu les grands moments de ce XXe siècle, et ont su en témoigner. J’ai toujours écouté avec beaucoup d’intérêt leurs récits et leurs anecdotes, comme tout ce qu’a pu me raconter mon père, lui qui a vécu presque tout ce siècle dans le Pays-Haut, et habité à Landres de 1920 à 1990. Enfin, j’ai nommé la dernière partie « chronique des années cinquante et soixante » car j’y ai mis mes souvenirs d’enfance et d’adolescence, avec tout ce que la mémoire peut apporter d’oublis, d’incertitudes ou d’exagérations près d’un demi siècle plus tard. 6 LA PRÉHISTOIRE ET L’ANTIQUITÉ Déjà aux temps préhistoriques, les hommes sont passés, ont vécu sur ce territoire qui ne s’appelait pas encore LANDRES. Les recherches patientes de Denis PERRON ont permis de retrouver les traces de leur présence ou de leurs passages. « Cette longue période a été partagée par les historiens en trois époques : • Le paléolithique : de -800 000 ans à -8 200 ans. C’est l’âge de la pierre taillée. Il fait très froid et les populations vivent de cueillette et de chasse. Les hommes suivent les troupeaux sauvages pour subvenir à leurs besoins. Ils chassent les rennes, les cerfs et les mammouths. Vers -100 000, le propulseur apparaît : l’homme fixe la pierre taillée sur un morceau de bois pour en faire une lance. A Landres, aucun outil n’a été recueilli. • Le mésolithique : de -8 200 ans à -4 500 ans. C’est l’âge du microlithe. Les outils en pierre de cette époque sont très petits. Ce sont des triangles, des trapèzes, en résumé des outils géométriques. Ils sont adaptés aux nouvelles conditions de vie car un changement climatique s’est opéré. Avec le réchauffement, la flore a pris de l’essor, les forêts sont plus touffues et les animaux plus petits. L’arc apparaît à cette époque. Un outil a été retrouvé à Landres, il s’agit d’un trapèze. • Le néolithique : de -4 500 ans à -1800 ans. C’est la période de la pierre polie, la plus proche de nous. La population se sédentarise, construit des habitations, élève de animaux, cultive la terre et fabrique des poteries. L’homme qui était prédateur devient producteur. Il vit en société, élit des chefs. Les découvertes faites à Landres sont plus conséquentes que pour les deux premières périodes mais restent modestes par rapport à certaines communes. Des outils en silex tels que pointes de flèches, racloirs, grattoirs, percuteurs, lissoirs, pointes de poignard et deux fragments de haches polies en schiste noir furent découverts. Les nombreux éclats de silex collectés attestent que les outils ont été façonnés sur place. Cet ensemble de matériel n’a rien d’exceptionnel pour la région mais constitue une preuve tangible de la présence d’hommes du néolithique sur notre sol. Aucune poterie n’ayant été découverte à ce jour, nous ne pouvons pas attester qu’ils « habitèrent » à Landres. On peut néanmoins constater qu’il existe des gisements bien délimités. Seuls quelques silex furent trouvés, tout à fait isolés. Le matériel lithique nécessaire à l’élaboration des outils préhistoriques est composé de quartzite, de silex, de schiste parfois et de chaille (pierre dure locale). Le silex n’existant pas à l’état naturel dans notre région, il était importé de Belgique, de la région de Sainte-Menehould ou de l’Ile-de-France. La monnaie n’était pas utilisée à cette époque ; c’est le troc qui permettait à nos ancêtres d’acquérir le matériel de base pour leurs outils. Pour la quartzite (galets de Moselle) les gisements ne manquent pas en Lorraine. Quant au schiste, on le trouve dans les Ardennes. » (1) (1) Denis PERRON 1995. 7 ÉPOQUE GAULOISE ou protohistoire : « C’est l’âge des métaux, partagé en deux époques : l’âge du bronze (de -1 800 ans à -750 ans) et l’âge du fer (de -750 ans à -50 ans avant J.C.). Cette dernière période se termine avec l’invasion de la Gaule par les Romains. Commence alors l’histoire avec l’avènement de l’écriture. » « Pendant la protohistoire, les habitants de notre région sont des Celtes ou Gaulois. La seule trace des Gaulois sur notre commune, sont les « mardelles ». Ce sont de trous en forme de cônes tronqués de 10 à 12 mètres de diamètre. On les appelle aussi fond de cabane. Selon certains archéologues, les Gaulois agençaient des troncs d’arbres autour de ces trous pour former une sorte de pyramide, puis les recouvraient d’argile pour l’étanchéité. » « Au sud de la commune, on peut voir huit mardelles groupées. Il est à noter qu’à la fin de la première guerre mondiale, ces mardelles du sud servirent de « fourneaux » : elles furent remplies de munitions collectées aux environs, qui furent ensuite mises à feu. Bien plus tard, le cultivateur qui exploitait ce champ mit à jour des obus à plusieurs reprises. D’autres mardelles sont visibles dans et autour du bois de Landres. » (1) Mardelle en coupe (dessin de Denis Perron) Monsieur Beuvelot écrit dans la monographie : « Il y a sur le territoire de Landres, au midi, un système de mares groupées de trois en trois, en triangles, à des distances plus ou moins grandes. Les archéologues sont d’avis que ces mares qui sont au nombre de quinze, marquent l’emplacement d’anciens camps gaulois. Seulement ces savants font remarquer qu’à cette époque ces camps se trouvaient au milieu des bois, tandis qu’aujourd’hui, les mares sont situées dans les plaines cultivées. Il reste cependant quelques unes de ces mares dans les forêts de Landres. » Pendant la période gauloise, notre région fait partie de ce que Jules César nomma la « BELGIQUE » située au nord de la Seine, de la Marne et à l’est jusqu’au Rhin. Quatre peuples celtes occupaient la partie orientale de cette région : • les RÈMES (Reims) à l’ouest jusqu'à l’Argonne. • les LEUQUES ou SCARPONENSIS au sud, capitale Tullum (Toul), sont établis jusqu'à Pont-à-Mousson. • les TRÉVIRES au nord, avec Trèves pour capitale, dont le territoire s’étend sur le nord du Pays-Haut. Une pointe avec Xivry-Circourt, Landres, Murville et Bonvillers, s’avance jusqu'à Mairy. • les MÉDIOMATRIQUES au centre, avec pour capitale Divodurum (Metz) dont le territoire va de l’Argonne aux Vosges. Metz, Verdun étaient des villes fortifiées faciles à défendre car installées sur des hauteurs ou des éperons rocheux. Des hauteurs de Briey, les Médiomatriques surveillaient les mouvements des Trévires, tout proches. Ce territoire allait initialement jusqu’au Rhin. Mais à partir du deuxième siècle avant J.C, des peuplades germaniques franchissent le Rhin et s’installent en Alsace, repoussant les Médiomatriques au- delà des Vosges. D’autres s’établissent près de Trèves. (2) Un peu de toponymie (3) • En gaulois le mot « briga » ou « brigos » signifierait « hauteur » ou « forteresse » è BRIEY. • Le mot « vobero » (lieu humide) devint « wabrensis » en latin è WOËVRE. (1) Denis PERRON 1995. (2) Daniel BONTEMPS - Centre d’Etudes Historique du Jarnisy. (3) La « toponymie » est l’étude de l’étymologie et de l’origine des noms de lieux.. 10 « Les invasions barbares s’amplifièrent à la fin du IVe siècle. Sous les empereurs Théodose et Valentinien, les Duces limitum eurent ordre de faire élever, de mille en mille pas, des tours qui seraient construites et gardées par les habitants des zones frontières. » « Le long du Woigot, des cultivateurs gallo-romains vivaient dans deux vastes exploitations appelées l’une mansio (la maison) et l’autre mansiola (la petite maison). Ce sont ces paysans qui furent chargés de construire et de défendre la tour du « burgum de Brigac » qui n’était pas encore un véritable castellum. Ces deux fermes sont à l’origine des villages de Mance et de Mancieulles. Le ruisseau qui arrosait ces exploitations reçut le nom de Rivus Amantia (ruisseau des mansiones) qui devint Rupt de Mance, puis simplement Mance avant de prendre plus tard le nom de Woigot. » (1) Un peu de toponymie Beaucoup de lieux et de villages actuels dont le nom se termine par un /y/ pourraient être d’origine gallo-romaine. En effet, la propriété se marquait par les suffixes latins ajoutés au nom : iacus, iacum, iniacum sont des suffixes qui se sont transformés au cours des siècles en : ecum è eium è ey è y, ou encore en : egnecum è egneum è egney è igny è gny • Briga è Brigac è Briacum è Brieium è Briey (qui s’est longtemps prononcé [brji] et non pas [brjè] ou [brje]) (2) • Matrius è Matriacum è Mairy • Bullinius èBulliniacum è Bouligny • Garinius è Garniacum è Jarny • Nogaretum (=noix, noyer) è Norroy • Sancius è Sancy • Marcius è Mercy • Supérius è Xivry • Aquadurum (acqueduc) è Audun • Aix = eau è Esch Le mot « vicus » = village donnera le nom ou le suffixe « vic » que l’on retrouve dans le nom de beaucoup de localités, et le mot « vicinal ». Mais rien n’est sûr car il se pourrait aussi qu’il s’agisse de noms francs latinisés comme nous le verrons plus loin. Aussi ne peut-on pas affirmer l’origine gauloise d’un lieu tant que des vestiges n’y ont pas été découverts. Le nom de la ville METZ Comme Lutèce, cité des « Parisii » devient Paris, Divodurum, la cité des « Médiomatricii » devient « Mettis ». Dès la fin de l’empire romain, le latin vulgaire parlé en Gaule est bien différent du latin classique et le t entre deux voyelles n’est plus prononcé (Cf. mater è maer è mère, pater è paer è père...). Si bien que « Mettis » va se dire [Mèis] puis [Mès] comme [messe] avec l’orthographe Mets puis Metz où le t est muet et le z se dit [s].   Ceux qui prononcent le [t] ont donc « linguistiquement » tort.   De 256 à 276, les premières incursions barbares ravagent la région. En 357, les Alamans, venus de la Germanie occidentale et de l’Alsace, sont repoussés à Tarquimpol, près de Château-Salins. Vers 407, fuyant devant les nomades des steppes d’Asie, les peuplades d’Europe centrale : Alains, Suèves et Vandales traversent les régions de l’est de la Gaule, saccagent Trèves et Metz, puis se fixent en Espagne et en Afrique du Nord. (3)   (1) D’après Charles ABEL « Essai historique sur Briey » 1874 - Repris par Pierre MANGIN. (2) En phonétique [j] se prononce comme ille et [e] comme é : [brje] = brillé ou Briey, [brji] = Brilly, comme prononçaient les anciens du village ainsi que [long-jon] sans prononcer le u, pour Longuyon. (3) « Histoire de la Lorraine » de Guy CABOURDIN et Jean Alain LESOURD. 11 LE MOYEN ÂGE : (476-1453) ÉPOQUE MÉROVINGIENNE (476-751) Dès le début du Ve siècle (407), la Gaule romaine est envahie massivement par différents peuples germaniques. Les Alamans s’implantent en Alsace. Les Francs ripuaires qui étaient déjà bien implantés à l’est de la Meuse (et les Francs saliens à l’ouest) s’y installent définitivement et occupent plus de la moitié des terres. Le roi en garde une grande partie pour son propre compte, et distribue le reste à ses Leudes (hommes de guerre) soit en propriété, soit en jouissance à charge du service d’armée. Les Leudes établissent à leur tour leurs hommes sur leurs domaines. (1) Les Francs, se considérant comme les héritiers des Romains, gardent la même organisation administrative. Les ducs dirigent les provinces, et sous leurs ordres, les comtes sont à la tête des « pagi » ou régions. Les « pagi » trop vastes sont morcelés. Le pagus virdunensis garde ses limites, mais d’autres apparaissent : le pagus wabrensis (Woëvre), le pagus Barrensis (Barrois). Attila ravage Metz à Pâques 451 et traverse la région avant d’être vaincu à la bataille des Champs Catalauniques. En 481 Clovis devient roi et parvient à unifier Francs saliens et Francs ripuaires. Après sa conversion, il obtient l’appui de l’église. Il bat les Wisigoths à Vouillé près de Poitiers en 507, et conquiert presque toute l’ancienne Gaule. A sa mort en 511, son fils aîné Thierry Ier hérite du royaume de Reims qui deviendra l’Austrasie avec Metz pour capitale. Le nom CLOVIS vient du germain Hlod-Wig : hlod = gloire, wig = combat. Les latins l’ont adapté en Clodovicus è atténué en Clovis (le c, parfois le ch, correspondant à l’h aspirée germain). Plus tard l’aspiration de h devant l s’atténuera et on écrira Lodovicus è Looïs puis Louis en français (Ludwig en allemand).(2) Aux Ve et VIe siècles, dès le début de l’époque franque, de nombreux villages qui existaient déjà à l’époque gauloise sont débaptisés. Le conquérant impose souvent son nom à son domaine, parfois sa langue. Le nom gaulois, mais aussi le nom germain sont très vite latinisés dans les régions romanes où les Gallo-romains restent majoritaires. « Le chef du « pagus » prit le titre de « gau » (du germanique « graff » = comte). Un « wad » était un passage à gué. C’est ainsi que le vallon de l’Amantia fut appelé « wad-gau » (c’est-à-dire le gué du comte) d’où son nom actuel de Woigot » (3) Un peu de toponymie : • le domaine de God-Hari è Jodéric è Jodérici- villa è Joudreville • le domaine de Maurus è Murville • le domaine d’Ofilo è Affléville • la ferme de Bono è Bonvillers • la ferme de Baro è Baroncourt • la ferme de Gundhar è Gondrecourt • à la ferme en latin = Avillers. • treix è jachère en francisque è Trieux (4) (1) « Leudes » : du bas latin leudes, francisque leudi = les gens (cf. allemand Leute) les gens du chef : Albert DAUZAT « Dictionnaire étymologique ». (2) Albert DAUZAT « Dictionnaire étymologie des noms de famille et prénoms...» Ed. Larousse. (3) Dr Pierre MANGIN « Histoire du pays de BRIEY ». (4) Pierre-Henri BILLY « Origines des noms de villes et villages de France » Ed. Famot. 12 Toponymie : Après le nom du propriétaire, on ajoute souvent les suffixes latins : • « villa » qui désigne la ferme mais aussi toutes ses terres è « ville » (cf. Joudreville). • « villare » qui désigne les terres de la villa déjà morcelée par les partages è « villers ». • « curtis » latin vulgaire venant du latin « cohors » ou « cohortis », qui désigne d’abord la cour de la ferme, puis la ferme et ses terres è « court » (cf. Baroncourt) • « monasterium » c’est un monastère è « moustier » (cf. Moutiers) • « han » signifie « ferme » en germanique (cf. Han devant Pierrepont) Là où les Francs se sont installés en premier et où ils sont souvent les plus nombreux, la langue germanique s’impose (à l’est d’une ligne Longwy - Le Donon), coupant ainsi la région en deux parties : • la Lorraine romane à l’ouest (Meuse, Meurthe-et-Moselle, Vosges, sud Moselle) • la Lorraine thioise (nord de la Moselle) où l’on parle le francique lorrain dérivé du moyen germanique et de la langue franque, alors qu’en Alsace le dialecte usuel est dérivé du bas germanique (venant des Alamans). Les adjectifs « thiois », ou « tiche » qualifient un lieu que l’on dira « germanique » ou « allemand » au contraire de « roman », par exemple : Tichémont ou encore Audun-le-Tiche, opposé à Audun-le-Roman. Le nom « Thiam » est deux fois présent sur le territoire de Landres (rue du Thiam et « le gros Thiam », lieu-dit dans la vallée près du bois de Preutin). Pourrait-il avoir la même origine ? Le suffixe latin « iniacum » è « igny » devint « ing » (Carling, Freyming), et se transforme en « ange » (Hayange, Nilvange, Herserange...) le long de la frontière linguistique. En Moselle et en Alsace, on trouve beaucoup de noms en willer (villers), ingen, heim, hem, hoff, dorf (= village, ville), bourg (=château), bach (= ruisseau, rivière), kirch ou kirchen (= église) ... Les comtes, choisis par le souverain, sont révocables, ils gèrent l’administration civile et militaire, nomment les gens de justice, tandis que les évêques possèdent l’autorité spirituelle. Mais les évêques et les couvents deviennent rapidement propriétaires fonciers grâce aux très nombreuses donations des puissants, ce qui occasionnera beaucoup de conflits avec les comtes. Pour gérer leurs biens et leurs intérêts, ils nomment des « voués » (qui vient d’advocatus è avocats) ou avoués qui représentent le souverain, l’évêque ou l’abbé sur leurs terres. Ils seront la base de la première noblesse terrienne. Deux fois par an, au printemps et en automne, le comte préside aussi l’assemblée des hommes libres. Cette assemblée appelée « mallus » ou « mall » puis « plaid » (è plaider) siège en plein air, promulgue les lois, écoute les plaintes, rend la justice, nomme les voués et sous-voués. Les terres sont divisées en portions appelées manses, « unités d’exploitations agricoles comprenant la maison d’habitation (mansio), son jardin ainsi que les champs répartis dans les diverses soles du terroir ».(1) Elles sont cultivées par des paysans sans propriété qui deviendront des serfs de main-morte. Le seigneur aura sur eux le droit de forfuyance (poursuite du serf qui s’est enfui) et celui de formariage (interdiction faite au serf de se marier en dehors du domaine, ou contre de lourdes « amendes » s’il donne son accord). (2) Les rois d’Austrasie établirent des ateliers monétaires à Verdun. Ils y frappèrent des sols d’or et des tiers de sols d’or appelés « triens » avec l’inscription « Viriduno » ou « Verduno » ou même parfois « Viridunum civitas ». D’autres ateliers étaient répartis dans la région dont un à Matriaco (= Mairy). (1) Définition du « Petit Larousse ». (2) Voir pages 20, 21. 15 ÉPOQUE MÉDIÉVALE : (987-1453) Les « Godefroy » et la formation du comté de Bar Frédéric II (1027-1033), fils de Thierry, n’a que deux filles : • Sophie qui épouse de Louis de Mousson, comte de Montbéliard, hérite du comté de Bar qui est séparé de la Lorraine. A la mort de son mari, elle assurera la régence jusqu’en 1093. • Béatrice qui possède en propre Briey, Stenay, Mouzon, épouse de Boniface de Montferrat, duc de Toscane dont elle aura une fille unique : Mathilde, née en 1046, dont on reparlera plus bas. A la mort de Frédéric II, en 1033, ses filles ne peuvent pas lui succéder. L’empereur Conrad confie le duché de Haute Lorraine à Gothelon (ou Gozelon), comte de Verdun, et déjà duc de Basse Lorraine. Mais Eudes, comte de Blois et de Troyes, neveu de Frédéric, revendique l’héritage du duché de Haute Lorraine. Le conflit dure quatre années jusqu'à la mort d’Eudes tué devant Bar-le-Duc en 1037. Gothelon domine alors totalement les deux Lorraines. En 1044, son fils, Godefroy le Barbu, lui succède. L’empereur Conrad ne lui attribue que la Haute Lorraine. D’une nature très violente, Godefroy se révolte. Il dévaste la région mais ne parvient pas à reprendre la Basse Lorraine. L’empereur le destitue en 1047. La Basse Lorraine est confiée à Frédéric de Luxembourg, et la Haute Lorraine à Aldebert. Godefroy fait assassiner Aldebert en 1048. Mais l’empereur nomme à sa place Gérard d’Alsace, neveu d’Aldebert. Gérard d’Alsace sera le fondateur de la maison de Lorraine qui régnera jusqu’au XVIIIe siècle. Il se rendra plusieurs fois dans son château de Nancéa (Nanceum è Nancey è Nancy = domaine de Nantius) A la mort de Frédéric de Luxembourg en 1065, l’empereur restitue la basse Lorraine et Verdun à Godefroy le Barbu, calmé et vieilli. En 1054, celui-ci avait épousé Béatrice, fille de Frédéric II, veuve du duc de Toscane. En 1069, Godefroy et Béatrice unissent leurs enfants issus chacun d’un premier mariage : Mathilde, héritière de la Toscane, ainsi que de Briey, Stenay, Mousson, et Godefroy le Bossu. C’est un mariage de pure forme car les époux ne se rencontreront pratiquement jamais. Mathilde, qui a 23 ans, vit en Toscane. Evidemment, ils n’auront pas d’enfants. Godefroy le Barbu meurt en 1070 et son fils Godefroy le Bossu est assassiné en 1076. Le comté de Verdun, celui de Briey et la Basse Lorraine reviennent à son neveu Godefroy de Bouillon comte de Boulogne. Celui-ci conduira la première croisade et deviendra roi de Jérusalem. La Lorraine et la Papauté : Le frère de Godefroy le Barbu, Frédéric, comte de Verdun et chanoine de Liège, est devenu pape en 1057 sous le nom d’Etienne IX, grâce à l’entremise de Béatrice. « La Lotharingie de langue française constitue un centre de résistance à l’ingérence du pouvoir politique dans les affaires ecclésiastiques. » (1) En effet, la papauté veut se libérer de la tutelle trop pesante de l’empereur du Saint empire romain germanique. Ce différend aboutira à la « Querelle des Investitures » avec l’excommunication de l’empereur Henri IV par le pape Grégoire VII en 1076. Mathilde participera au règlement de ce conflit en favorisant l’année suivante la réconciliation de Canossa. (1) Michel CLAVENOT : « Nouvelle histoire du Christianisme », cité par Michel CAFFIER. Ed. Perrin. 16 Briey, château de Mathilde duchesse de Toscane. « Vers 1078-1080, Mathilde promet de léguer tous ses biens propres d’Italie et de Toscane au Saint-Siège. Ce qui est très mal ressenti par Henri IV qui déchoit la Duchesse de Toscane de tous ses fiefs et entreprend la conquête de toutes les places fortes de Mathilde. Le château de Briey lui résistera victorieusement. » (1) Pour partir en croisade, en 1097 Godefroy de Bouillon vend le comté de Verdun à l’évêque Richer. Celui-ci remet le comté au frère de Godefroy : Baudouin de Bouillon. Mais ce dernier décide un peu plus tard de rejoindre son frère et revend le comté à l’évêque. On dit que, partant en croisade, il passa par Piennes où le pont sur le ruisseau porte son nom : le « Pont Baudouin » « Tandis qu’en Italie, Mathilde poursuit inlassablement son combat et celui de la papauté contre les prétentions de Henri IV, un homme, à Briey, gère le château et la châtellenie qui n’est pas du tout un comté : c’est l’avoué Albert de Briey » (1), frère de Richer, l’évêque de Verdun, dont la famille est probablement originaire des Ardennes belges, inféodée à Godefroy le Barbu. Avoué de Briey depuis 1076, Albert est sans titre particulier, mais certainement de haute naissance (il mariera son fils aîné à l’héritière du seigneur d’Aspremont). Il a vraisemblablement demandé la châtellenie en fief à Mathilde qui probablement n’y est jamais venue, mais n’a pas obtenu ce qu’il souhaitait. Il sera pourtant le premier de la famille « de Briey » dont une branche deviendra plus tard les « de Landres ». Godefroy de Bouillon et les Croisés prennent Jérusalem le 15 juillet 1099. Prend le titre d’« Avoué du Saint Sépulcre ». Il meurt un an plus tard à 40 ans. A Noël 1100, son frère Beaudouin devient le premier roi de Jérusalem. Depuis 1093, Thierry, le fils de Sophie, est comte de Bar. Grâce à sa cousine Mathilde, protégée du pape, il se libère de sa vassalité envers l’empereur d’Allemagne. L’évêque de Verdun lui cède la vouerie achetée à Baudouin. Thierry II devient ainsi Comte de Bar et de Verdun. En 1105, son fils Renaud Ier lui succède. A la mort de Mathilde en 1115, il revendique Briey, possession de sa grand-tante décédée sans descendance. Mais l’évêque de Verdun lui retire la vouerie. S’ensuit une guerre qui dévaste la région. A la paix de Chalade en 1124, Renaud retrouve sa vouerie de Verdun mais en viager. La papauté se désintéresse d’une si lointaine propriété, et la châtellenie de Briey devient la propriété de l’évêché de Metz, dirigé par Etienne, le frère de Renaud, qui lui accorde la vouerie. Ainsi Briey appartient à l’évêché de Metz, mais est dirigée et défendue par le comte de Bar et de Verdun. « Dans le tome 2 de son cartulaire analytique, M. Robert DEHLINGER montre qu’à la date de 1140, alors qu’Etienne est toujours évêque de Metz, Renaud Ier est en possession de « l’honneur se Briey » : « Dominus (seigneur) Rainaldus (Renaud) comes (comte) Barrensis (de Bar) et dominus castri Briacencis (et seigneur du château de Briey) ». (1) « Renaud Ier qui s’est croisé en juin 1147, mourra en mer en 1149, laissant à son fils Renaud II le comté de Bar. Mais c’est un autre de ses fils, Thierry, princier de la cathédrale de Metz, futur évêque, qui devient seigneur de Briey. (1) François HELLER : « Briey, 2000 ans d’histoire... ». Editions Serpenoise. 17 Les évêchés : Trois évêchés avaient une importance prédominante dans le Pays-Haut : • L’évêché de Trèves, avec son doyenné de Bazailles, possède Xivry, Preutin, Landres, Anoux, Mancieulles... • L’évêché de Verdun, avec le doyenné d’Amel, possède Bouligny, Domprix, Bertrameix, Avillers, Piennes, Joudreville, Norroy-le-Sec, Mainville... • L’évêché de Metz possède Briey, Lantéfontaine, Mance... La chapelle de la ferme de Saint Saulmont à Anoux marque la limite des trois évêchés. Norroy-le-Sec était une « marche d’estault » où se réglaient les différends entre l’évêque de Metz et celui de Verdun. De nombreuses abbayes comme celle de Gorze près de Metz, de St Vannes à Verdun, ainsi que celle de St Pierremont près de Briey, possèdent quantités de terres dans les villages, terres données en offrandes comme la donation de Norroy par Pépin d’Herstal, ou vendues pour avoir de l’argent comme la vente de Verdun par Godefroy de Bouillon. Les domaines des villages, morcelés par les héritages, les mariages et les ventes, n’appartiendront plus à une seule famille. Chaque seigneur possédera souvent de nombreuses terres dans plusieurs villages. Encore un peu de toponymie Le nom « Amermont » vient certainement du nom d’Adelmar (Adelmar monté = colline d’Adelmar), 2e abbé de St Vannes, qui fit construire sur cette colline stratégique une tour fortifiée qui dominait Joudreville, Bouligny et la plaine de la Woëvre. Le nom « La Mourière » viendrait d’Amauric ou Amalric (le al est souvent devenu au) car dès le XIe siècle, les noms de lieux se forment par l’article + le nom du propriétaire + le suffixe ière ou erie. Donc la terre d’Amalric è La Mourière. Le Trébois = le bois de Thierry (peut-être Thierry qui fut vidame de St Vannes) Les misères de l’an 1000 : Les chroniqueurs de l’époque nous donnent idée de la rudesse de la vie au XIe siècle. • «De 1030 à 1033 : pendant trois ans, la terre fut pour ainsi dire stérile, et la misère sans exemple. On vendit publiquement de la chair humaine. On déterra même des cadavres pour les manger. • En 1043 eut lieu une forte famine. Dessus s’ajoutèrent de très fortes gelées, du début décembre au début mars, ce qui entraîna une grande mortalité. • Hiver 1047-1048 : pendant plus de trois mois, la neige recouvre le sol. De nombreux arbres sont brisés. • En 1049 : grande stérilité de la vigne et des arbres fruitiers. • En 1051 : année très pluvieuse et mauvaise récolte. • En 1054 : peste terrible sur les hommes. La contagion se mit parmi les animaux. L’année qui suivit connut une famine épouvantable. • Hiver 1057-1058 : l’hiver fut terrible avec quatre mois de neige. Mais la récolte qui suivit fut exceptionnelle. • Hiver 1076-1077 : l’hiver est très rigoureux : la Meuse, le Moselle et le Rhin sont gelés si fort que les plus lourds chariots peuvent les traverser. De nombreux arbres fruitiers sont détruits. Beaucoup d’animaux périssent. Les loups affamés entrent dans les villages et attaquent les habitants. Le printemps qui suivit fut très sec et l’été connut de très grandes chaleurs. Le reste des arbres se dessécha, la terre devint semblable à de la cendre chaude : la moisson fut nulle. • En 1077 : Le comte de Grandpré, allié de Godefroy de Bouillon, commit les pires actes de brigandage dans le comté de Verdun. • En 1084 : la fin de l’hiver connut la disette. • En 1090 : une famine fut suivie par une peste effroyable. » (1) En un demi siècle, 7 ou 8 famines, 2 ou 3 pestes, des dévastations causées par les guerres... ! ! (1) d’après l’abbé GABRIEL : « Verdun au XIe siècle ». 20 Chapitre. Celui-ci aura les 2/3 des amandes, Herbrand 1/3... Si Herbrand ou ses héritiers marient une de leurs filles en premières noces ou font chevalier un de leur fils, ils percevront cette année-là les trois quarts des assises, le Chapitre un quart seulement, etc. ». (1) « A deux reprises l’échange est confirmé aux descendants de Herbrand, en omettant les droits du chapitre, une première fois le 14 février 1304 et une seconde fois le 7 juillet 1328 ». Malgré cet accord, il y aura souvent des litiges entre les seigneurs de Landres et le chapitre de la cathédrale de Metz. Le 25 août 1275, Olry de Briey rend hommage au comte de Bar pour ses bois de Landres. Herbrand de Briey est le premier seigneur connu de Landres. « Il possède également de nombreux fiefs dispersés entre Bar et Luxembourg ». C’est un personnage considérable ». Il devient ainsi le fondateur de la maison « De Landres ». (1) Ses fils Olri et Henri de Briey participèrent au fameux tournoi de Chauvency (près de Montmédy) où Henri se distingua plus particulièrement. Ce tournoi qui se déroula du 2 au 5 octobre 1285, fut rendu très célèbre au Moyen Age grâce au poème épique de 4463 vers, écrit par Jacques Bretex, dans lequel celui-ci raconta les exploits des chevaliers. Les Armes de Landres La famille de Landres portera les mêmes armes que celle de Briey : « d’or à trois pals alésés et fichés de gueule » : Sur fond jaune (d’or), trois bandes (pals) rouges (de gueule) coupées en haut (alésés) taillées en pointe en bas (fichés). Ces armoiries ont été adoptées par la ville de Briey en 1766 lors du rattachement de la Lorraine à la France, et incorporées au blason de la commune de Landres conçu en 1983. Les seigneurs de Landres « A une époque où l’on portait le nom du lieu où l’on habitait, ou dont on était originaire, il ne faudra pas longtemps pour que les « Briey » deviennent les « Landres » : moins de 60 ans. » (1) Dans son testament daté de novembre 1301, la femme d’Olri (ou encore Ourri, Oulri dit ’’Moine’’) se dit « femme de Monsignour Oulry de Landres, chevalier, qui fut... ». (2) Encore des misères Une terrible famine sévit en 1314. Un tiers de la population périt. Les vivres resteront chères jusqu’en 1318. La peste noire ravage la région comme toute la France en 1348. Elle sera endémique jusqu'à la fin du Moyen Age. En 1356, le roi de France Jean le Bon est fait prisonnier par les Anglais pendant la bataille de Poitiers. Les soldats désoeuvrés forment alors les « Grandes Compagnies » qui dévastent la France, la Lorraine et le Barrois de 1358 à 1366. En 1374, une épidémie de « danse de St Jean » sorte de « danse de St Guy » sévit dans toute la région. Plus de 100 cas ont été dénombrés en Lorraine. La démographie chute de façon importante à cause des famines, pestes, et autres épidémies. A Olri succèda son fils Jean de Landres puis Herbrand Ier de Landres. Le 13 novembre 1333, ce dernier rend « foy, hommage, aveu et dénombrement (...) sur la moitié de l’avouerie et toute la seigneurie des hommes de Landres », entre les mains de Huet, curé de Landres, agissant au nom du comte de Bar. (1) Herbrand de Landres est un familier du duc Robert de Bar. Il l’accompagne à Paris en 1364, pour son mariage avec Marie de France sœur du roi de France Charles V. Le duc Robert le ’’prêtera’’ à Philippe le Hardi, duc de Bourgogne et frère du roi. Herbrand sera qualifié d’« écuyer » en 1388. (1) (1) Comte Claude De BRIEY « Histoire des Briey - Notices familiales » p.42, p.45, p.61. (2) Robert DEHLINGER cité par le Comte Claude DE BRIEY (Op. cit.). 21 Les ’’châteaux’’ de Landres En 1888, L’instituteur, M. Beuvelot a écrit dans la monographie du village : « Il y avait à Landres trois châteaux, l’un à l’ouest qui était le plus important, le mieux fortifié et dont les fossés étaient remplis par les eaux de la fontaine. Ce château a été, dit-on, détruit par les Croates ; on en voit encore l’emplacement dans les prés hors du village. Un second château était situé à l’est de Landres, à environ deux cents mètres d’un bois qui aujourd’hui est défriché. Ce château était une tour ronde « la tour du guet ». Il était entouré de fossés inondés d’eau venant de la source située dans un petit pré voisin de la forêt. Ce pré s’appelle aujourd’hui ’’Ménapré’’ (menu pré ou petit pré). Cette tour a été détruite en même temps que le château de l’ouest ; on n’en voit plus de vestiges, il n’en reste que l’emplacement que l’on appelle aujourd’hui le ’’Rond Paquis ’’. Le troisième château, situé au milieu du village près de l’église, servant pour la haute justice a aussi été démoli au même moment que les deux autres, mais il a été reconstruit. Ce château non fortifié était important et renfermait des souterrains (...) qui servaient à enfermer les accusés qui devaient passer devant le tribunal de haute justice. Quand ils étaient condamnés, on les exposait au carcan soudé à la porte de l’ancienne église. Ce carcan avait en bas, sur la terre, une plate-forme que l’on pouvait soulever suivant la taille du condamné. Si le coupable était condamné à mort, on le conduisait à environ 1800m sur la côte appelée encore ’’la côte de la potence’’. » (actuellement ’’La Justice’’ au nord-ouest, vers Bertrameix). » (1) Le château de l’ouest devait donc être situé sur la côte où est construit le château d’eau actuel ou la grande maison des anciens directeurs de la mine car « ses fossés étaient remplis par les eaux de la fontaine », aujourd’hui le lieu-dit s’appelle « La fontaine St Jean ». Nous verrons plus loin que, vers 1488, on parlera du ’’vieux château Hola* dit de Custine’’, puis en 1682 de ’’l’ancienne forteresse de Landres appelée Holaque’’ (2) * Hola, Holaque, horlé, hollées... Il faut savoir que dans notre région le versant d’une colline était autrefois appelé ’’horlé’’. Des déformations successives ont pu donner ’’holley’’ ou ’’hollé’’, et beaucoup de lieux-dits portent un nom similaire. Ces mots sont certainement apparentés à ’’Hola’’ ; d’autant qu’il existe une délibération du conseil municipal, de mai 1936, qui accepte de « réparer le ’’chemin des Hollées’’ sur les 50 m situés sur la commune de Landres, le reste du chemin étant sur Piennes », donc ce qu’on appelle la route de la gare de Piennes Il est fort probable que lors des travaux de construction de la mine et du creusement de la tranchée de raccordement, tout ce qu’il pouvait rester du vieux château ait été déblayé sans état d’âme, si tant est qu’il ait été construit à cet endroit. La ’’tour de guet’’ à l’est devait se trouver au pied de la côte du bois de Landres, près du chemin ’’du Placy’’ au bout du chemin de la mare. C’est près de là que sont situés le ’’Ménapré’’ et le ’’Rond Paquis’’. Elle surveillait certainement le ’’chemin de Mairy’’ et l’entrée du village par la rue du Thiam. Le troisième château, celui au milieu du village, « joindant l’église » (2), était fortifié à la fin du Moyen Age comme nous le verrons plus loin. Il devait déjà exister en 1248 puisque dans ce que reçut Herbrand il y avait une « maison », certainement une « maison forte ». Dès le XIIIe siècle, les comtes et les ducs avaient mis en place une administration qui garantissait leur souveraineté. Les prévôts assuraient la police et la justice seigneuriale et dépendaient des baillis qui dirigeaient une région plus importante et en plus de la justice, s’occupaient aussi de l’armée et des finances. Et à la fin du XVe, la seigneurie de Landres était un fief, siège d’une haute, moyenne et basse justice sous le bailliage d’Apremont, puis de St Mihiel, et sous la prévôté de Briey. (1) BEUVELOT. « Monographie de Landres » 1888. (2) Voir pages 51 et 52 le dénombrement de 1682 (Archives dép. de la Moselle). 22 LE SYSTÈME FÉODAL Foi et hommage, aveu et dénombrement La coutume féodale reconnaît au suzerain les droits de propriété sur toutes les terres, toutes les personnes, et tous les biens de son domaine. Pour administrer ses domaines, le suzerain en concède la jouissance aux seigneurs, ses vassaux, à la condition que ceux-ci reconnaissent ses prérogatives à l’occasion de chaque transaction, héritage mariage, partage, cession, vente, etc... Ces liens de dépendance de seigneur à suzerain pouvaient être transmis par chaque seigneur à ses propres vassaux qui lui devaient « foi et hommage ». « Toutes et quantes fois que le seigneur féodal somme et interpelle le vassal de reprendre (répéter) et luy faire foy et hommage (geste de soumission) icelui vassal est tenu de ce faire et faute de ce, ledit seigneur peut saisir ledit fief et faire les fruits siens, jusqu'à ce que ledit vassal aura fait devoir. (...) L’hommage que doit le vassal est de main et de bouche seulement (hommage verbal en mettant ses mains dans celles de son suzerain) sans payer relief ou rachat de fief ». (1) A partir de ce moment, le vassal devient l’homme-lige de son seigneur. Ils se doivent mutuellement « auxilium et concilium » (secours et assemblée ). « Le vassal qui a été reçu en foi et hommage par son seigneur, est tenu de bailler son aveu et dénombrement (geste de dépendance) dedans les 40 jours, ...(sinon)... le seigneur féodal peut saisir et mettre en ses mains ledit fief, le tenir saisi jusqu'à ce que ledit dénombrement et aveu sera baillié pendant laquelle saisie ledit seigneur fait ses fruits siens ». (1) Le vassal a donc intérêt à ne pas oublier de déclarer ses possessions et ses droits sinon le seigneur peut lui en retirer tous les bénéfices. Manants et serfs sous l’autorité du seigneur « Les habitants du domaine, du village, les villains, sont totalement sous l’autorité du seigneur. Ceux qui étaient esclaves sont devenus des serfs tant attachés à la terre qu’ils ne peuvent pas quitter le domaine. Pour ces tenanciers, le seigneur n’est pas seulement le propriétaire de la terre, il est aussi devenu le maître de la justice, des finances, du service militaire, de toutes les décisions ». (2) « Même si la condition des travailleurs de la terre s’améliore au cours du Moyen Age, même si le nombre d’affranchis et d’hommes libres s’accroît au fil des années, les manants qui cultivent leurs propres terres (leurs alleux) doivent se placer sous la protection du seigneur et accepter en contre-partie de payer des taxes, de subir le tribunal commun, de répondre aux réquisitions... » (2) Le seigneur impose ainsi le calendrier agricole. Il fixe la date des moissons et celle des vendanges. Il exerce souvent le droit de haute justice (affaires graves et criminelles) et de basse justice (petits délits passibles de simples amendes) secondé en cela par le prévôt. « Il choisit le maire (maïeur ou mayeux) du village qui assure la bonne marche des affaires, le respect des injonctions banales, le paiement des impôts, le respect de la justice... Parmi les artisans du village, le « fèvre » (le forgeron) devient très important car l’usage du métal se développe et très peu de paysans sont capables de frapper un soc de charrue ou de forger une hache. » (2) (1) « Coutumes du bailliage de Saint-Mihiel » de 1598 : articles 8 et 9 du titre 3. Nancy 1762. (2) D’après Michel Parisse «Histoire de la Lorraine ». 25 Des ’’seigneurs - brigands’’ En ces temps difficiles et rudes, beaucoup de querelles, d’expéditions punitives, de saccages sont accompagnés d’atrocités diverses et variées. Si bien qu’un chroniqueur messin de l’époque traitait tous ces seigneurs de « mauvais guersons et parfaits tirans ».(1) « Olric de Landres, frère cadet de Bertrand, est l’exemple même du ’’seigneur brigand’’, fidèle exécutant des ordres de son suzerain. Il habite à Landres, la tour ou le château du village car le vieux château de Hola est l’apanage de l’aîné. Lui n’avait pas vendu ses parts de Landres. » « Il aime se battre et en découdre. En 1389, il fait même des incursions « en paiis du roy d’Allemagne » et provoque la colère de ses voisins cantonnés à Hayange qui vont « courre et ardre (courir et brûler) sur messire Olris de Landres ». (2) Le prévôt de Briey devra soutenir la défense de « la ville de Lendes ». « Mélange incroyable de fonctions officielles et de brigandage : le 22 juillet 1402, Olric va prendre livraison à Sancy de seize prisonniers allemands capturés à Dudelange. Neuf d’entre eux seront pendus.» (3) « Il deviendra conseiller et ’’maître d’hôtel’’ du duc Robert, puis en 1413, 4e conseiller de la régence du Barrois quand le duc sera emprisonné au Louvre à Paris par les « Cabochiens » partisans du duc de Bourgogne, Robert ayant pris parti pour les Armagnacs favorables au Dauphin, futur Charles VII .» (4) Herbrand II de Landres (1380-1431), fils de Bertrand, a ’’dégagé’’ avec son frère les parties des biens de la famille vendus à réméré au chapitre de la cathédrale de Metz. « Il s’oppose à Jean, comte de Rodemack, gouverneur et maréchal de Luxembourg qui lui dispute les terres de Mercy qu’il tient de sa grand-mère. Jean de Rodemack entre dans les domaines d’Herbrand et détruit les châteaux de Landres, de Xivry-le-Franc et de Watronville qu’il tient par son mariage avec Catherine de Watronville. Le conflit sera arbitré par le cardinal duc de Lorraine en 1427. » (4) Un chroniqueur de l’époque qui relate ces faits, décrit le château de Landres après le passage de Jean de Rodemack : « C’était la maison ancienne, place très forte située près de celle où logent à présent les seigneurs de Landres. Située vers le levant du côté de Mont, on y voit encore après 45 ans environ les vestiges de ladite forteresse, restes de tours, casemates, fossés. » (5) Pour le simple fait qu’un abbé de St Martin-devant-Metz n’avait pas payé un droit de passage pour se faire livrer une hotte de pommes, la ridicule « Guerre de la hottée de pommes » opposa de 1429 à 1431 le premier magistrat de Metz au duc de Lorraine Charles II. « Celui-ci fut soutenu par le duc de Bar, tous ses vassaux, et même des mécontents luxembourgeois et allemands. Plus de 6000 ’’lettres de défi’’(6) furent adressées au magistrat messin entre le 30 mai et le 27 décembre 1429. Celle d’Herbrand de Landres fut envoyée le 27 octobre 1429. En dépit de la disproportion des forces, Metz tint bon. » (7) Le 30 mai 1431, Jeanne d’Arc, condamnée pour hérésie, est brûlée sur le bûcher, place du marché à Rouen. (1) D’après J.CHOUX « Robert des Armoises, sire de Tichémont » cité par Comte Claude de Briey. Op.cit. (2) Archives de la Meuse. (B 2035), cité par DEHLINGER. Comte Claude de BRIEY. Op. cit. p.69. (3) Archives de la Meuse. (B 1742), Op. cit. p.69. (4) Comte Claude. de BRIEY. Op. cit. p.69, p.73. (5) Chronique de Nicolas le BOURGUIGNON reprise par l’abbé HENRY « Histoire de Briey » p.154. (6) La lettre de défi était une démarche obligatoire avant de commencer les hostilités. Elle était portée par un ‘’héraut’’. (7) Robert DEHLINGER cité par le Comte Claude DE BRIEY (Op. cit.). 26 L’unité de la Lorraine (1) La Lorraine angevine Après la mort du duc de Bar, de son frère et de son neveu à la bataille d’Azincourt, le duché revient alors à son seul frère survivant, le cardinal Louis de Bar (1415-1430). Son titre est contesté par sa sœur Yolande de Bar, épouse de Jean, roi d’Aragon. En 1420, le cardinal adopte son petit-neveu René d’Anjou pour lui transmettre le duché, et lui fait aussitôt épouser Isabelle, la fille de Charles II de Lorraine qui devient le tuteur de René. René Ier d’Anjou duc de Bar n’a que 11 ans. Il est le fils de Yolande d’Aragon, la nièce du cardinal (elle portait le même prénom que sa mère), épouse de Louis II, duc d’Anjou, comte de Provence, roi de Naples et de Sicile. En 1422, leur fille Marie épousera le dauphin de France, futur Charles VII, celui que Jeanne d’Arc fera couronner à Reims en 1429. A la mort de Charles II en 1431, la Lorraine revient à Isabelle, et les deux duchés se trouvent réunis. Mais Antoine, comte de Vaudémont, fils de Ferry Ier (lui aussi tué à Azincourt) revendique le duché de Lorraine. Se référant à la loi Salique, il conteste la transmission du duché à une femme et prétend être le seul héritier légitime de son oncle Charles II. (2) En Lorraine toute la population se prononce en faveur d’Isabelle et de son mari. Le conflit est inévitable, d’autant qu’on y retrouve le clivage entre Armagnacs et Bourguignons. La bataille de Bulgnéville Le roi de France Charles VII, beau-frère de René, vient à son aide et lui envoie Barbazan, le gouverneur de Champagne. Philippe le Bon, duc de Bourgogne, met le maréchal Toulongeon et ses troupes à la disposition du comte Antoine de Vaudémont. Les deux armées se rencontrent à Bulgnéville (près de Vittel) le 2 juillet 1431. René d’Anjou y subit une grave défaite. Herbrand de Landres est tué au cours de cette bataille qui fit 2000 morts. Le duc est emmené en captivité à Dijon (il y restera cinq ans), et devra payer une énorme rançon. Il doit aussi abandonner Neufchâteau, Prény, Longwy et Clermont-en-Argonne à son vainqueur qui vise même la totalité du duché de Bar indispensable à ses communications. René et Antoine se soumettent à l’arbitrage du duc de Bourgogne qui les oblige, par le traité de Bruxelles de 1433, à marier leurs enfants : Yolande (3), fille aînée de René d’Anjou et d’Isabelle de Lorraine, et Ferry, fils et héritier d’Antoine de Vaudémont. Ce traité est confirmé par leur suzerain l’empereur d’Allemagne Sigismond. Le mariage aura lieu en 1444. « Devenu roi de Naples en 1434, René Ier se désintéresse de la Lorraine, et ne pense qu’à reconquérir son héritage italien. A la mort d’Isabelle en 1453, il dispose du duché de Lorraine mais le cède aussitôt à son fils Jean II (duc de Calabre et de Lorraine) et se retire dans ses terres en Provence où il mourra en 1480. Il gardera le titre de duc de Bar jusqu'à cette date. » (4) Jean II, lui aussi, s’occupe plus de ses affaires italiennes que du duché. Il en laisse la lieutenance à son fils Nicolas qui lui succède en 1470. Héritier des duchés de Lorraine et de Bar, il est courtisé par la France et la Bourgogne. « Il est successivement fiancé à Anne (5), la fille aînée de Louis XI, qui n’a que dix ans, puis à Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire. La mort prématurée de Nicolas en 1473, après trois ans de règne, coupe court à ces projets matrimoniaux. » (3) « Les Etats généraux de Lorraine offrent la couronne à Yolande, fille du roi René et tante de Nicolas. Elle abdique aussitôt en faveur de son fils René. » (2) René II, duc de Lorraine, fait son entrée solennelle à Nancy le 4 août 1473. Il n’a que 22 ans. Il doit immédiatement défendre son duché contre les convoitises de ses deux puissants voisins : le roi de France, Louis XI, qui rêve de s’emparer du Barrois mouvant, et le duc de Bourgogne. Charles le Téméraire veut relier ses états du nord (Pays Bas, duchés de Luxembourg et de Brabant, comtés de Flandres, de Hainaut, de Namur et d’Artois,) et ses états du sud (Bourgogne, Franche-Comté et une partie de la Suisse) en s’emparant de la Lorraine et reconstituer ainsi une nouvelle Lotharingie presque aussi puissante que la France. (1) Voir tableau : « Généalogie des ducs de Lorraine et de Bar ». (2) d’après Michel PARISSE « Histoire de la Lorraine » Ed. Privat. p.208, 214 ... (3) Yolande de Lorraine et de Bar porte le même prénom que sa grand-mère et son arrière-grand-mère. (4) Michel CAFFIER « Les grandes heures de la Lorraine » Ed. Perrin. (5) Anne de BEAUJEU : fille de Louis XI, assurera la régence à la mort de son père de 1483 jusqu'à la majorité de son frère Charles VIII en 1488. 27 LA RENAISSANCE : (1453 - 1610) Les historiens font finir le Moyen Age en 1453 : c’est la fin de la Guerre de cent ans, la prise de Constantinople par les Turcs, les débuts de l’imprimerie. Commence alors la Renaissance très influencée par l’Italie, et qui ne prendra toute sa splendeur en France qu’au début du XVIe siècle. Elle sera marquée par la guerre contre la Bourgogne, l’affrontement entre la France et l’empire germanique de Charles Quint, et finira par les « Guerres de religion ». Didier Ier de Landres (1420 ?-1483) Herbrand II de Landres est donc tué à la bataille de Bulgnéville le 2 juillet 1431. Il laisse deux fils : l’aîné, Didier qui n’a que 11 ans, et Olry. Leur mère, Catherine de Watronville, se remarie et, avec son époux, fait l’acquisition en 1444, de la seigneurie d’Avillers, « maison-forte, village et terres avec toutes ses appartenances et appendances. » (1) Didier Ier est certainement le plus important des seigneurs de Landres. Avec lui le domaine va encore s’agrandir, et il participera très activement à la guerre contre la Bourgogne aux côtés du duc de Lorraine et de Bar. Le château est « enrasé »... et le village aussi. Vers 1450, les châteaux de Landres et de Watronville sont « enrasés ». Alors Didier et son frère présentent une requête à René, duc de Bar : « exposant que autrefois par ordre du prince, la place forte de Watronville, à eux appartenant fut abattue et rasée, que depuis peu, par commandement du duc de Calabre son fils, on avait également abattu le château et la place forte de Landres, à eux aussi appartenant et que la démolition desdites places leur avait causé beaucoup de dommages... ». Ils eurent satisfaction car le 15 septembre 1450, le duc de Calabre leur accorda « 2000 vieux florins du Rhin afin qu’ils puissent faire réédifier leurs dites places ». (2) Le dénombrement de 1458 « Vers cette époque, Didier convola en justes noces avec Jeanne de Pulligny, probablement plus âgée que lui puisque c’est son troisième mariage. C’est certainement à l’occasion de son mariage, le 30 janvier 1458, qu’il fit un « aveu et dénombrement » au duc de Lorraine et de Bar. Il y précise, qu’entre autres, lui appartiennent : 1. « Le siège de la forteresse dudit Landres, les fossés et le circuit (enceinte) d’icelle, prise comme elle se contient et se comporte de long et de large, avec toutes ses appartenances. 2. La forte maison dite Hola située et assise audit Landres, à moi appartenant ; tout l’enclos et pourpris (zone clôturée et hors clôture, jardin et parc) ainsi qu’il se contient et le saulveur (vivier à poissons) auprès de ladite place. 3. Les corps d’hommes et de femmes en cette ville et du ban, ensemble (y compris) leurs enfants. Et lui sont dus : 4. Une certaine redevance que doivent chacun an au terme St Martin les dits habitants de Landres et du ban, appelée les soingnies (redevance en avoine). 5. Une autre redevance que doivent lesdits habitants, appelée les coussels (corvée à accomplir avec des chevaux jusqu'à six lieues de Landres). 6. Une rente appelée la coalle (impôt foncier) que doivent les habitants dudit Landres sur leur héritage. » etc., etc.. (3) Didier et sa femme possèdent également des biens dans sept autres seigneuries. (1) Archives dép. de la Meuse (B. 239) citées par le Comte Claude DE BRIEY (Op. cit.) p.81. (2) Comte Claude DE BRIEY (Op. cit.) p.86. (3) Archives dép. de M.& M. (B. 592) traduction de R. DEHLINGER. Comte Claude DE BRIEY (Op. cit.) p.87. 30 La guerre contre la Bourgogne « Le 15 mai 1475, se croyant assuré de l’appui militaire de Louis XI, René II défie le duc de Bourgogne occupé au siège de Neuss révoltée contre l’archevêque de Cologne, et lui envoie une déclaration de guerre ’’à feu et à sang’’ (lettre de défi). » (1) La prise de Damvillers « Didier de Landres, qui vient d’être nommé « bailli de St Mihiel », participe avec ’’ceux de Landres’’, un contingent barro-lorrain et un corps expéditionnaire français commandé par Georges de la Trémoille, seigneur de Craon, au siège de Damvillers, place forte bourguignonne à 30 km de Landres. Damvillers est commandée par Jean de Ville, fils d’un premier mariage de Jeanne de Pulligny épouse de Didier de Landres. Didier combat donc son beau-fils. » (1) « Le duc manda en général tous gens d’armes à chaval et à pied. Tout fut joint avec l’armée de M. de Craon (...) qui a environ six mille hommes qua pied qua cheval. (...) Tous ensemble avec 2 bombardes et artillerie se mirent sur les champs devant Damvillers ». (2) « Le siège commença le 3 juillet et la place capitula le 8 juillet 1475. La place fut prise et butinée ; plusieurs en y eut qui eurent des biens. » Landres est détruit par les Bourguignons Le duc de Bourgogne fait alors lever une armée de mercenaires par le condottiere Nicolas de Montfort, comte de Campobasso, seigneur du château bas de Commercy. (3) « Au mois d’août, tout le « Pays-Bas » jusqu'à Verdun et au-delà est envahi par une armée de dix mille hommes nommés à l’époque Bourguignons, Lombards et même Anglais. Campobasso s’empare de Landres qu’il brûle pour se venger de Didier qui avait joué un rôle important dans la prise de Damvillers. Gondrecourt appartenant à Thierry de Lénoncourt, est saccagé, Sancy tombe. Conflans, défendu par Gratien d’Aguerre, résiste au siège. » (4) Les troupes bourguignonnes, logées dans les environs d’Etain, sont priées de s’éloigner car cette prévôté appartient à la reine de Sicile. Des gentilshommes de l’évêché de Verdun sont obligés de défendre la ville. Le pays est tellement épuisé par une si longue occupation qu’il est impossible au prévôt d’Etain de faire payer en nature les redevances de blé. « ...et y furent si longtemps que les poures (pauvres) gens ne purent ni sillier (labourer ?) ni faulchier ». (5) « Jean VII, comte de Salm et maréchal de Lorraine, posté à Briey, lance des attaques dans les environs de Conflans. Il harcèle l’ennemi, lui coupe ses approvisionnements venus de Metz, fait prisonniers les Bourguignons qui s’écartent pour marauder. » A l’arrivée des troupes de René II, les assiégeants se replient vers le Luxembourg ou se trouve le Téméraire. Les Lorrains les poursuivent jusqu'à Lixières et Xivry-le-Franc. » (4) Mais Louis XI retire les troupes de M. de Craon qui devaient aider René. Il signe une trêve à la mi-août avec le roi d’Angleterre et le 13 septembre 1475, avec le duc de Bourgogne. « Charles le Téméraire, ayant reconstitué son armée, entre alors en campagne avec 40 000 hommes rejoints par les 6 000 qui avaient échoué devant Conflans. Venant du Luxembourg, il va porter d’abord ses efforts sur la citadelle de Briey et y met le siège vers le 15 septembre. » (1) (1) d’après le Comte Claude DE BRIEY « Histoire des Briey - Notices familiales ». (2) A. Petit cité par le Comte Claude DE BRIEY (Op. cit.). (3) Le comte de CAMPOBASSO a déjà servi les ducs de Lorraine en Italie. A la mort de Nicolas en 1473, il passe dans le camp bourguignon. Il se ralliera à René II à la fin 1476. (4) d’après Robert DEHLINGER reprit par le Comte Claude DE BRIEY (Op. cit.). (5) Philippe de VIGNEULLES « Chroniques ». 31 La prise de Briey « La ville est défendue par un grand capitaine, Gérard d’Avillers, grand écuyer de Lorraine, seigneur de Mars-la-Tour, secondé par Didier de Landres et plusieurs autres gentilshommes barrisiens. Il dispose en plus de 80 mercenaires suisses et de l’artillerie des 40 couleuvriniers allemands adjoints aux hommes de la garnison. La disproportion des forces en présence ne laisse aucune illusion aux défenseurs de la place. (...) On ne pouvait que faire perdre du temps aux Bourguignons afin de permettre à René II de recevoir les problématiques secours sur lesquels il comptait encore. » (1) On ignore la durée du siège, mais il ne dura certainement pas longtemps. Cependant les défenseurs font ’’fort rude accueil ’’ aux Bourguignons et leur opposent une forte résistance dans le château. « La ville basse est prise sans difficultés, et les quartiers submergés d’un flot d’assaillants. Le sort habituel d’une cité qui résiste est le pillage, l’incendie, le viol voire le massacre, les bourgeois le savent bien. Comprenant que toute résistance est inutile et voulant éviter le pire, ils s’en remettent à la bonne volonté du duc de Bourgogne. » (2) Après trois assauts, le donjon est pris. Gérard d’Avillers est blessé, sa main a été emportée par un coup de serpentine (3). « La défense de la forteresse devient impossible qui se rend « à composition », ou « à discrétion » c’est-à-dire que la ville et la forteresse ne seront pas réarmées durant le reste des hostillités. » (2) « La ville est rançonnée à 12 000 florins et pillée, les gentilshommes barrisiens, que Charles le Téméraire comptait s’attacher, sont traités avec bienveillance » (1), mais les 80 suisses et les 40 couleuvriniers allemands sont pendus aux créneaux et aux arbres. Suite à la chute Briey, Pont-à-Mousson tombe le 25 septembre. Nancy, dont le siège commence le 24, octobre ne capitulera que le 27 novembre. Le Téméraire y rentre triomphalement le 30, et se fait aussitôt proclamer duc. René II s’est réfugié à Joinville en Haute-Marne. Les défaites du Téméraire « Le 14 février 1476, Charles descend vers la Suisse avec 30 000 hommes de troupes. Il veut mater les confédérés qui contestent son autorité, mais le 2 mars, il est battu à Granson. » « Il n’en faut pas plus pour réveiller l’esprit de revanche des Lorrains qui avaient rejoint le jeune duc. Didier de Landres, Gratien d’Aguerre, Gérard d’Avillers, Jean Choiseul d’Aigremont, et quelques autres partent de Joinville, reprennent ’’la nuit devant le jour de Pâques’’(13-14 avril 1476) le château de Vaudémont et attaquent les garnisons tenues par l’ennemi. » (1) « Puis le 22 juin 1476, c’est la bataille de Morat, en Suisse, à laquelle participe René II avec 250 cavaliers. Pour la deuxième fois, le Téméraire y est défait : c’est un désastre épouvantable, des milliers de morts jonchent le terrain. » (1) A leur tour les Lorrains se révoltent. René II recrute des soldats en Suisse et en Alsace et reconstitue une armée de 20 000 hommes. « Il libère le Pays-Haut et organise le siège de Nancy qui commence le 1er septembre. La ville se rend le 6 octobre, il en confie la défense à Gratien d’Aguerre. Et s’il est là, Didier ne doit pas être loin ! » (1) (1) d’après le Comte Claude DE BRIEY « Histoire des Briey - Notices familiales ». (2) François HELLER : « Briey, 2000 ans d’histoire...). Editions Serpenoise. (3) « serpentine » : ancienne pièce de petite artillerie apparentée à la couleuvrine. (Larousse). 32 La bataille de Nancy Le 25 octobre, le duc de Bourgogne est de retour et assiège à nouveau Nancy qui subit son troisième siège en un an. Celui-là dure plus de deux mois. La ville est affamée. « Le 5 janvier 1477, les assiégés font une audacieuse sortie qui se terminera par la ’’déconfiture’’ et le massacre des Bourguignons jusqu’à la ’’ténébrosité de la nuit’’ ». (1) Le cadavre du Téméraire sera identifié le lendemain ’’parmi les nus et les morts’’(1) : une partie du visage pris dans la glace, l’autre partie rongée par les loups, le duc est identifié par la bague qu’il porte au doigt et par une cicatrice à la gorge.(...) « Ramené à Nancy, son corps est salué par le Duc René : ’’Noble cousin, Dieu ait votre âme en sa sainte garde. Vous nous avez fait beaucoup de maux et de chagrin’’ ». (2) Après des funérailles somptueuses, il est enterré à Nancy L’occupation de la Gaume Afin de protéger les marches du duché, René II envoie des troupes occuper une large bande de territoires au-delà des frontières du duché. Pour tenir la « Gaume » (nom donné au sud de la Belgique et du Luxembourg), il choisit Didier de Landres qui s’installe à Virton, Ethe, Monquintin... Dès le 22 janvier, « Virton doit ouvrir ses portes aux Lorrains conduits par Didier de Landres. Moyennant 1200 écus, les Virtonnais jurent d’être de fidèles sujet du duc, 1200 écus que Didier doit verser immédiatement (de la part de René II) et dont il attendra longtemps le remboursement. » (3) Didier possédait donc une coquette fortune personnelle. Il prend alors le titre de « Seigneur de Montquintin » (qui était celui de son beau-fils Jean de Ville qu’il avait combattu à Damvillers), et devient « capitaine de Virton » qu’il met en état de défense. Didier de Landres ’’seigneur-brigand’’ Le 21 avril 1477, Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire épouse Maximilien d’Autriche qui signe une trêve avec René II le 24 août. Cette trêve arrête les combats, pas les pillages. Didier ravage la région. Pourtant, le Duc de Lorraine, par instructions envoyées dès le 23 janvier, avait demandé d’occuper la Gaume : « sans austorité, crualté, puissance d’armes et sans respendre le sanc humain. Et par escortation et doulces remontrances, avoir l’amour begnivolence, tant des gens d’esglises, nobles et vassaulx comme du commun. » (4) « Les représailles ne tardent pas : les Bourguignons d’Arlon, Thionville, Florange brûlent, volent, raflent des chevaux, font des prisonniers dans les environs de Longwy, de Sancy et de Briey. Didier est même chassé de sa forteresse de Montquintin, et Perrin son fils cadet est fait prisonnier. Les Bourguignons envahissent ses domaines jusqu'à Murville près de Landres. » (3) « La paix de Zurich est signée avec l’Autriche le 24 janvier 1478. Mais Didier continue seul le combat et les pillages, en véritable ’’seigneur-brigand’’. Ses exactions sont telles que le Maréchal du Luxembourg doit demander que « les gens des frontières et ceux de Virton cessent de faire de grands dommages aux sujets du duc d’Autriche. » (5) Mais tant que Perrin ne sera pas libéré, Didier continuera à harceler les Bourguignons. Même René II exigera la libération des prisonniers et demandera à Maximilien « ... que veuillés tant faire que nos povres subjects et serviteurs qui ont été prins...comme Perrin de Landres et autres et que encore sont détenus, soient mis à délivrer franchement ». (6) (1) Comte Claude DE BRIEY citant Philippe de VIGNEULLES « Chroniques ». (Op. cit.). (2) Comte Claude DE BRIEY citant K. SCHELLE « Charles le Téméraire ». (Op. cit.). (3) Y. LANHERS : Notes sur la prévôté de Virton pendant l’occupation barroise (1478-1519) - Le Pays Gaumais. (4) Archives départementale de Meurthe-et-Moselle : B - I - ff° 326-327. (5) Comte Claude DE BRIEY « Histoire des Briey » p 111. (6) Comte Claude DE BRIEY citant J.SCHNEIDER « Lorraine et Bourgogne » N°105 p 262. 35 voisins emmenant cette fois 26 Lorrains. Les Bourguignons, au service de Metz, brûlent Mars-la-Tour et enlèvent 35 personnes et 80 chevaux. Ils font des incursions aux environs de Briey et de Fléville... La paix définitive se fera en 1493 grâce à l’entremise de l’archevêque de Trèves. René II mourra en 1508 après avoir pris froid lors d’une chasse au loup. Le 12 octobre 1492 Christophe Colomb découvre l’Amérique. Perrin sera accusé de braconnage en 1501, mais en 1525, assagi, il sera nommé troisième conseiller laïc auprès de Renée de Bourbon, femme du duc Antoine qui est parti pour la « Guerre des Rustauds » (1), paysans protestants révoltés qui dévastent l’Alsace et menacent la Lorraine, guerre qui finira par le massacre de 12 000 manants. LA GUERRE DES RUSTAUDS (1525) Des paysans d’Alsace et des provinces du Rhin, de religion protestante, se soulèvent contre le régime féodal et ses abus. Ils brûlent les églises, les couvents, les châteaux, tuent les prêtres, les moines et les nobles. Conduits par deux bourgeois alsaciens, 30 000 d’entre eux s’établissent à Saverne et depuis cette ville menacent la Lorraine et la France en tentant à deux reprises de prendre la ville de Saint-Dié. Le duc Antoine, se rendant compte du danger qui menace son duché, appelle à son secours les nobles et le clergé. Les évêques de Verdun et de Metz lui envoient des soldats et de l’argent. Le duc Antoine et son armée aidés par les 7 000 hommes de son frère Claude de Guise, marchent sur Saverne et livrent le 16 mai 1525 un sanglant combat. Le 17, Saverne capitule après le massacre de 400 paysans. Le 20 mai, l’armée lorraine attaque les 20 000 rustauds retranchés dans le village de Scherweiler. Le duc Antoine les écrase : 12 000 morts jonchent le champ de bataille. (2) La Lorraine entre la France et l’empire de Charles Quint Antoine, le fils de René II, a été élevé à la cour du roi de France Louis XII. Il a participé avec le chevalier Bayard aux guerres d’Italie ainsi qu’à la bataille de Marignan en 1515. Charles Quint devient empereur d’Autriche et du Saint Empire germanique en 1519. Il possède aussi par héritages les Flandres et les Pays Bas, la Franche-Comté, le royaume de Naples et de Sicile, l’Espagne avec toutes ses possessions d’Amérique. Cet immense empire « où le soleil ne se couche jamais » inquiète la France. La Lorraine sert de tampon entre les deux puissances. Mais Antoine reste neutre dans le conflit qui oppose François Ier et Charles Quint et essaie plutôt d’être un intermédiaire et un conciliateur. Pourtant, il marie son fils François à Christine (ou Chrétienne) de Danemark, une nièce de l’empereur. Charles Quint signe alors le traité de Nuremberg qui proclame que la Lorraine est un duché libre, non incorporable, mais placé sous la protection de l’empire. Antoine qui fut surnommé « le Bon » meurt en 1544. (1) « rustauds » = homme grossier, lourd et sans manières, à donner le mot « rustre ». (Larousse). (2) D’après René BASTIEN : « Histoire de la Lorraine ». Ed. Serpenoise. p.90. 36 La pierre tombale et l’épitaphe de Catherine d’Aigremont Nous savons peu de choses sur Didier II de Landres-Avillers, le fils d’Antoine. Mais il reste quelque chose de lui, ou plutôt de sa première femme. En effet, dans l’église de Landres, à gauche en entrant, près des fonts baptismaux, on peut toujours voir la pierre tombale de Catherine de Choiseul d’Aigremont, la première des quatre femmes de Didier II. Elle a été encastrée dans le mur de l’église actuelle construite en 1863, avec l’épitaphe suivante sculptée en caractères gothiques : « Cy devàt soubz ceste tôbe git demoisel Katin degremôt en sô vivà fème de honorez escuier Didier de làdres signer dudit lieu et de Avillez è ptie laquelle ait fôdez ungne messe toutes les semaie a tousjours è cest esglise laquel deceda de ce siecle le XXVIe 10r doctobre mil.dc et XXIII priez dieu pour el. » C’est-à-dire : « Ci-devant sous cette tombe gît demoiselle Catherine d’Aigremont en son vivant femme de l’honorable écuyer Didier de Landres seigneur dudit lieu et de Avillers en partie. Laquelle a fondé une messe toutes les semaines pour toujours en cette église. Laquelle décéda de ce siècle le 26e (jour) 10 h (?) d’octobre mil cinq cent et 23. Priez Dieu pour elle. » Les ô, à , è se prononcent [on] et [an] car, comme en phonétique moderne, pour marquer les voyelles nasales [on] [an] les o, a, e sont surmontés d’un accent ou plutôt d’un tilde (signe espagnol ~). Je n’ai pu y mettre que des accents graves ou circonflexes. Au-dessous de l’épitaphe, se trouvent trois écussons sculptés: • à gauche, celui des Briey-Landres : d’or à trois pals fichés et alésés de gueule. • à droite, celui des Choiseul d’Aigremont : d’azur à la croix d’or, cantonné de dix huit billettes, cinq au premier et deuxième, quatre au troisième et quatrième, chargé en cœur d’une rosace. Les couleurs ont presque totalement disparu.(1) • au centre, les deux écussons sont réunis en un seul, des Briey-Choiseul, symbole de l’union des deux familles. « Les écussons sont séparés par des coupes à décor feuillagé d’inspiration Renaissance, qui contraste avec l’encadrement gothique de la plaque. » (2) Warin de Landres conseiller du duc Antoine Warin, le fils de Perrin de Landres, est un familier de Duc Antoine de Lorraine qui l’admet dans son conseil le 8 mars 1537, et soutient son « très cher et féal conseiller Warin de Landres, seigneur de Tichémont » à l’occasion d’une contestation (une fois de plus) du chapitre de Metz au sujet des droits obtenus par Herbrand de Briey sur Landres en 1248. (3) Et le 3 mai 1541, le duc confère à Warin les droits de haute justice avec pouvoir de « dresser et ériger carcans et fourches patibulaires ou gibets à deux piliers ou jambages de bois... et d’avoir prison et lieu fermé pour détenir prisonniers et malfaiteurs pris et arrêtés pour leurs démérites commis audit ban de Tichémont. » (4) (1) J.J. Jouve qui a composé le blason de la commune de Landres en 1983 dit : « d’azur à la croix d’or cantonnée de vingt billettes du même, cinq dans chaque canton, et chargé en cœur d’une croix ancrée de gueule ». Voir annexe 1. (2) « Images du patrimoine : le canton d’Audun-le-Roman M.& M. » p.23. Ministère de la Culture Ed. Serpenoise. 1987. (3) Comte Claude DE BRIEY « Histoire des Briey » p.124, 126. (4) Archives Dép. de la Meuse (B. 240). 37 Les Trois évêchés Le fils d’Antoine, François Ier de Lorraine meurt à 28 ans. Il n’aura gouverné qu’un an (1544-1545). Son fils Charles n’a que trois ans et c’est Christine de Danemark qui assure la régence. Elle se rapproche de l’empire, fait fortifier la citadelle de La Mothe (au sud de Neufchâteau) qui surveille la Bourgogne française, fait transférer le corps de Charles le Téméraire de Nancy à Bruges en Flandres autrichiennes (ce qui déplaît beaucoup aux Lorrains). Le roi de France, Henri II, s’inquiète et propose en 1548 de marier sa fille Claude (3 ans) à Charles de Lorraine (7 ans), mais il soutient les princes protestants allemands qui s’opposent à l’empereur « très catholique ». Le 15 janvier 1552, Henri II signe avec eux un traité qui le fait « vicaire de l’Empire », ce qui lui permet de venir occuper ce qu’on appelle les « Trois évêchés » déjà sous influence française. Les troupes françaises entrent à Toul le 5 avril 1552, le 10 à Metz, le 12 à Verdun sans avoir à combattre. Un gouverneur français avec 3400 hommes s’installe à Metz. Les Ducs de Guise Claude de Guise est le frère de René II. Il se met au service du roi de France. Son fils François et son petit-fils Henri joueront un rôle important dans l’histoire de la France du XVIe siècle. François de Guise défend Metz Charles Quint n’accepte pas l’occupation des Trois Evêchés par la France. Dès août 1552, Henri II envoie François de Guise, appelé « le balafré », défendre Metz et préparer la ville à un long siège. Le duc de Guise fait démolir les faubourgs indéfendables (avec 14 abbayes et 21 églises), fortifier les murailles, préparer les réserves de vivres mais aussi évacuer toutes les bouches inutiles de la ville. Quand l’armée de Charles Quint arrive le 19 septembre, la ville est prête. Le siège ne commence vraiment que le 10 novembre. Malgré les fréquents et violents bombardement d’artillerie (12 000 obus tombent sur la ville) et les nombreux travaux de sapes des artificiers, la ville et ses murs résistent vaillamment. Victimes de la faim, du froid, de la pluie, du typhus, les soldats impériaux épuisés et mal payés perdent courage. Beaucoup désertent. Charles Quint comprend qu’il ne parviendra pas à prendre la ville. Alors, le 26 décembre, il donne l’ordre de repli et lève le siège le 1er janvier 1553 Grand seigneur, François de Guise fait soigner les blessés ennemis (Ambroise Paré, le père de la chirurgie moderne, est à Metz pendant le siège). Il ne demande pas de rançons, interdit les pillages, faits habituels à l’époque où chaque soldat vainqueur se payait souvent par la « picorée », le butin du pillage . Il devient un véritable héros quand il chasse les Anglais de Calais en 1558. Le traité de Cateau-Cambraisis en 1559, officialisera l’occupation des Trois Evêchés par la France. Les ambitions des Guise Sa fille a épousé le roi d’Ecosse, sa petite fille Marie Stuart est mariée à François II dauphin de France. Quand Henri II meurt après un accident de tournoi en 1559, la famille de Guise pense accéder facilement au pouvoir. Mais François II meurt prématurément, après moins d’un an de règne. Sa mère Catherine de Médicis assure la régence. Engagé dans la « Ligue » catholique qui combat les protestants (massacre de Wassy en 1562), François de Guise est assassiné en février 1563. Henri de Guise, lui aussi surnommé « le balafré », continue avec son frère le cardinal de Lorraine la lutte active contre les protestants aux côtés des « Ligueurs ». Il incite même Charles IX à les chasser du royaume (massacre de la St Barthélémy en 1572). Il soutient son cousin le duc de Lorraine. Celui-ci entre dans le conflit et montre des prétentions au trône de France quand le frère d’Henri III héritier présumé décède en 1584. (Voir les Guerres de religions) Henri III inquiet de l’influence d’Henri de Guise et de la « Ligue », lui préfère Henri de Bourbon (futur Henri IV) et fait assassiner le duc de Guise ainsi que son frère le cardinal, le 22 décembre 1588. Henri III sera assassiné lui aussi peu de temps après, en août 1589, par un moine ligueur, Jacques Clément. 40 La « Guerre de trente ans » : l’horreur à l’état pur C’est une des périodes les plus noires de l’histoire de nos villages et de la Lorraine toute entière. Pendant plus de vingt ans, ce n’est qu’une succession de calamités diverses et innombrables apportées par la guerre : massacres, pillages, destructions, incendies, ruines, famines, maladies et épidémies. La Lorraine subira de terribles dévastations dès 1622, mais surtout de 1632 à 1648. Elle y perdra la moitié de sa population. Tous ces malheurs ont été fixés pour la postérité par le graveur lorrain Jacques Callot (1592-1635) qui réalisa avec talent plusieurs séries d’eaux-fortes : « les misères de la guerre » en 1633 et « les supplices » en 1635. Cette période mal connue mérite qu’on s’y attarde plus longuement. D’abord une guerre religieuse et politique en Allemagne Un empereur intransigeant Depuis l’époque médiévale, l’empereur germanique est élu par les princes-électeurs des nombreux états qui forment l’Allemagne. Le plus souvent c’est l’empereur d’Autriche qui est choisi. Au début du XVIIe siècle, l’empereur « très catholique » Ferdinand II de Habsbourg cherche à transformer l’Empire germanique en une monarchie catholique et héréditaire, au lieu d’élective, et à centraliser fortement l’Allemagne. Cette guerre horrible qui ravagea l’Allemagne et l’Autriche de 1618 à 1648 impliqua la plupart des états de l’Europe centrale et occidentale, d’abord pour des questions religieuses, mais très vite pour des raisons plus politiques. Elle opposa les princes protestants d’Allemagne du nord soutenus par les Pays- Bas réformés, le Danemark puis la Suède, à l’Autriche alliée à la Bavière et aux princes catholiques du sud, aidés par l’Espagne. Le duc de Lorraine, pour des raisons religieuses et familiales, se ralliera aux Impériaux et sera traité en ennemi par la France. Car dans son éternelle lutte contre l’empire des Habsbourg, la France de Louis XIII et de Richelieu, bien que catholique, soutiendra les protestants, d’abord financièrement puis militairement dans sa phase finale. Les débuts en Bohème Les princes protestants allemands avec à leur tête l’électeur du Palatinat, le calviniste Frédéric V, se révoltent contre l’autorité hégémonique de l’empereur d’Autriche. Le conflit commence le 23 mai 1618 en Bohème par la « défenestration de Prague » La révolte de la Bohème est écrasée à la bataille de la Montagne Blanche le 8 novembre 1620. Charles de Vaudémont, neveu du duc de Lorraine (et futur Charles IV), âgé alors de 16 ans, participe à cette bataille dans les rangs des Impériaux et y combat très vaillamment.. Christian IV du Danemark, prince luthérien, vient au secours des protestants mais il est battu à Lutter en 1626. Une succession difficile en Lorraine « A la mort de Charles III en 1608, son fils aîné Henri II lui succède. C’est un prince pacifique qui reste neutre dans les conflits entre la France et l’Empire. Mais il n’a que deux filles. Alors son frère cadet, François de Vaudémont, plein d’ambition pour ses deux fils, arrange le mariage de Charles, son aîné, avec Nicole, l’héritière du duché. Plus tard, en 1634, Nicolas-François se mariera avec Claude, la cadette pour essayer de sauver le duché. Henri II meurt en 1624. Nicole lui succède, mais François, son beau-père prend argument de la loi Salique, qu’il dit applicable aussi en Lorraine, et l’écarte du pouvoir. Le 21 novembre 1625, il se fait proclamer duc, mais cinq jours après, il abdique en faveur de son fils qui devient Charles IV. Celui-ci n’a que 21 ans. Le nouveau duc, bien que doué de talents militaires, manque de bon sens. Sans morale, il ne respecte pas ses engagements. Non content d’avoir enlevé le pouvoir à sa femme, il veut faire annuler son mariage. Depuis 1624, Richelieu est au service du roi de France que la Lorraine intéresse. Il cherche à faire alliance avec Charles IV, mais celui-ci, imprévoyant, maladroit et mauvais diplomate, se rapproche de l’Empire, et complote contre Richelieu dès 1626 ». (1) (1) D’après René BASTIEN : Op. Cit. p 126. 41 En passant par la Lorraine... La Lorraine reste neutre au début du conflit sous le règne pacifique de Henri II. Pourtant, fin juillet 1622, le Codottiere (1) Pierre-Ernest de Mansfeld, à la tête d’une armée protestante de plus de 20 000 mercenaires venus de Bohème, traverse la Lorraine et le Barrois sans vergogne, pour se rendre aux Pays-Bas au secours des Réformés, et prendre les Espagnols à revers. Sur leur chemin, ses hordes qui ont déjà ravagé la Franconie et l’Alsace, arrivent dans le Pays Messin et le Pays-Haut par Mars-la-Tour, le 22 juillet 1622. (2) « Les troupes du Condottiere ne sont que des bandes plus ou moins bien organisées et se répandent dans les prévôtés de Conflans, Briey, Etain et Norry-le-Sec. Ces ennemis, animés par la haine nationale, et le fanatisme religieux, pénètrent dans la Woëvre brûlant tout sur leur passage, les fermes et les villages, massacrant sans pitié les paysans, pillant et dévastant les églises dont ils font des écuries pour leurs chevaux et détruisant les récoltes dans les champs. Les villages de Béchamps, Aucourt, Jeandelize, Saint-Jean-les-Buzy et beaucoup d’autres sont incendiés. Gondrecourt est complètement détruit, il ne restera pas une maison debout. Les villages voisins sont également livrés aux flammes ». (2) Landres et Piennes sont totalement détruits Malheureusement, parmi ces « villages voisins » il y a probablement Piennes, Bertrameix et Landres. Dans sa monographie M. Beuvelot écrit : « Au commencement du XVIIe siècle, suivant la légende et les souvenirs du pays, une horde innombrable de Croates et de Suédois s’est lancée sur notre pays, ravageant, pillant et brûlant tout. Cette horde a d’abord attaqué Piennes, a détruit le château des sires de Piennes, l’église et le village et s’est fait un riche butin. Excitée par le succès, cette horde a attaqué Landres, qui a eu ses deux citadelles démolies et ses maisons pillées et brûlées. L’ennemi chargé de son double butin se retira, ne laissant que des ruines. Les habitants, enfants, femmes, vieillards qui s’étaient enfuis dans les forêts éloignées de la citadelle de l’est de deux ou trois cents pas, revinrent à Landres, trouvèrent leurs foyers encore fumants et se mirent à reconstruire des abris en toute hâte ». (3) Il s’agit bien là de la tradition orale, car il précise : « suivant la légende et les souvenirs du pays » sans préciser à quelle date. Mais plus loin il écrit : « L’église a été détruite par les Croates en 1622, il n’en restait que les murs ». (3) Si les faits relatés sont ceux de 1622, il y a une légère confusion dans les nationalités indiquées, car en 1622, les troupes de Mansfeld étaient composées principalement d’Allemands et des Tchèques de Bohème. La Suède n’entrera dans le conflit qu’en janvier 1631. Et c’est en 1635-1636, que les Suédois, puis les Croates ravageront aussi la région les uns après les autres (mais pas ensemble car ils combattaient dans des camps opposés). Dans la mémoire collective, 250 ans plus tard, toutes les misères de cette période atroce sont attribuées aux Croates et aux Suédois. On verra plus loin que les lorrains donnèrent le nom « Croates » à tous les soldats étrangers, toutes nations confondues. « Les Français de Metz, et les Lorrains sous les ordres de Louis de Lorraine, beau-frère de Charles IV, coururent sus aux brigands et les dispersèrent. » (4) Ce n’était là que le début d’une longue suite d’épouvantables calamités. (1) « condottiere » : chef d’une armée de mercenaires mise à la disposition d’un prince contre une forte rétribution ou beaucoup d’avantages. (2) M. CLESSE « Histoire de Conflans ». (3) BEUVELOT. « Monographie de Landres » 1888. (4) François HELLER : « Briey, 2000 ans d’histoire...). p 145 - Editions Serpenoise. 42 Les Français entrent en Lorraine En 1629, Charles IV accueille à sa cour le frère du roi de France, Gaston d’Orléans, en révolte contre Louis XIII. En 1631, la Suède, alliée de la France, entre en guerre contre l’empereur Ferdinand II . Charles IV prend nettement parti pour les Impériaux, les autorise à recruter dans son duché, et part en Allemagne avec ses officiers et ses soldats pour leur porter secours. Les armées françaises pénètrent dans le nord du Barrois avec 25 000 hommes en mai 1632. Au traité de Vic-sur-Seille, la France exige la cession de Stenay, Dun, Jametz et Clermont-en-Argonne, occupe les évêchés de Verdun et de Metz et impose la neutralité du duc. La Meuse est verrouillée, Verdun désenclavé, et Metz mieux accessible ouvre la route de l’Alsace. (1) L’année suivante, l’empereur charge pourtant Charles IV de défendre Saverne et Haguenau contre les Suédois. De plus, le duc n’a pas rendu hommage à Louis XIII pour le Barrois. Richelieu ne peut pas admettre pareille attitude. Les Français investissent le Barrois et assiègent Nancy. Sans guère de résistance, la garnison ducale se rend le 24 septembre 1633, après un mois de siège. Les Français s’installent à Nancy, s’emparent des châteaux des environs, et montent vers Briey qui, trop près de Metz, représente une menace permanente pour eux. Briey tombe sans résistance Didier de Landres, seigneur de Tichémont (2) est le capitaine prévôt commandant de la place de Briey. « Il n’a pour ainsi dire pas de troupes à sa disposition pour opposer une résistance significative. La ville et le château sont investis, semble-t-il sans effusion de sang. Le prévôt est prié de se retirer sur ses terres à Hatrize. Les régiments français de Castelmoron et de Vaudecourt occupent Briey. » (3) Jean Bauchez, greffier à Plappeville puis à Metz, raconte dans une chronique rimée de l’époque : « Et tout en un moment ils allèrent à Breey Se saisir du chasteau et des portes et pertuys ; Le prévost qui estoit en fut chassé dehors Didier de Tichémont qui commandait pour lors. Monsieur de Tichémont luy et tout son train Passa l’Orne à Hestrisse par un lundy matin Dedans son beau chasteau alla faire sa demeure Où après peu à peu comblé à tout malheur. » (4) La ville et les habitants sont obligés d’assurer la subsistance et le logement des troupes, avec la crainte permanente que la ville soit mise à sac, comme cela arrivait trop souvent. En février 1634, en représailles à un coup de main de quelques paysans de Marange contre le camp de Saint-Privat-la-Montagne, les Français mettent à sac le village, raflent tout, « les jambons et les poules et leur lart et bocon ». Non contents de piller, ils s’acharnent sur les habitants : « aux pauvres Marangez, ils firent telle escorne (pillage) qu’on eut ouy (entendu) crier les enfants, hommes et femmes d’une demi lieu de loing (environ 2 km), à force qu’ils le battoient. Et disait-on, pourtant que la cause ne scavaient (qu’ils n’en connaissaient pas les raisons). Jusqu’au cendre du feu, ils emportèrent tout.(...) Puis allèrent vendre leur mesnaiges (ménage : meubles et ustensiles qu’ils avaient volés) à Brey (Briey) et aultour, passant par les villages ». (4) (1) D’après Michel PARISSE « Histoire de la Lorraine » Ed. Privat. p 290, p 293. (2) Didier III de Landres-Tichémont est le fils de Claude et de Marguerite : voir généalogie et page 38. (3) François HELLER : « Briey, 2000 ans d’histoire... ». Editions Serpenoise. (4) J.BAUCHEZ « Chronique rimée du XVIIe siècle » par C. ABEL et BOUTEILLER 1868. Cité par C de BRIEY (OP. Cit.), et F. HELLER (Op. Cit.). 45 La destruction du château de Briey Les populations pourtant déjà bien éprouvées sont lourdement taxées. Mais malgré tout, la moisson peut se faire et les greniers se remplissent. Le roi de France et Richelieu avaient ordonné la démolition systématique des forteresses, mais il faudra plusieurs années pour tout raser. Des équipes d’ouvriers sont réquisitionnées dans les villages alentour. A Briey, les portes du château et de la ville ainsi que le pont-levis de la forteresse sont démontés pièce par pièce, et les ardoises des toitures récupérées. Le tout est envoyé à Metz. Les tours sont sapées afin qu’elles s’écroulent complètement « fors (sauf) une qui ne peult cheoir qui demeura en haut. (...) Lors Briey demeura comme un pauvre village, cestoit un beau lieu, enfin cestoit d’hommaiges ». La forteresse de Briey avait toujours été une menace pour Metz, alors Jean Bauchez conclut : « Enfin cestoit pour cause que, souvent, soustenoient des gens et des armées que plusieurs mal faisoient ». (1) Sancy qui était considérée comme l’une des plus solides places fortes du Barrois, ne sera démantelée qu’en 1640. La résistance lorraine est toujours active Fort du soutien des Impériaux, Charles IV qui a eu quelques succès dans les Vosges, rameute ses partisans et demande aux gentilshommes de ses deux duchés de lui fournir chacun cent hommes équipés à leurs frais pour le 17 septembre 1635. « Cruel embarras pour ces malheureux seigneurs : refuser, c’était à la fois manquer à son devoir et à son patriotisme, et s’exposer à la vengeance de son souverain ; obéir c’était s’exposer sûrement aux représailles des Français qui tenaient le pays. Et puis, comment obéir ? il n’y avait plus ni hommes ni argent ; le pays était ruiné... » (2) Didier de Landres, l’ancien prévôt de Briey, seigneur de Tichémont est déjà âgé. Il reste dans son château. « Son fils fait une levée dans toute la prévôté de Briey et réunit environ 80 jeunes gens, presque tous enfants de quinze à vingt ans ». (2) « Mais le capitaine du régiment liégeois qui tient Sancy pour les Français apprend ce qu’il se passe du côté de Hatrize et demande à ceux de Metz de lui envoyer une cinquantaine de chevaux pour aller surprendre le sieur de Landres et ses gens.(...) « Lors les archers et les Liégeois entrèrent et prandrent ledit sieur et le maire et la garde et les lièrent bien ensemble, pillèrent la maison et violèrent, dit-on, sa femme. Les archers les emmenèrent en prison à Metz pour y être jugés, et les Liégeois prindrent leur route droict à Hestrize et mirent à mort tous les gens dudit sieur de Landres, excepté treize. Ils en tuèrent trente-deux sur place, sans les blessés qui moururent après. » (3 ) Louis XIII a assisté au siège et à la prise de Saint-Mihiel, le 3 octobre. Mais si les Français tiennent les places fortes, les Lorrains continuent à circuler dans le pays. Vers la mi-octobre, une troupe du duc Charles IV a pour mission de dévaster le pays du côté de Briey, dans l’espoir d’obliger les Français à battre en retraite faute de ravitaillement. Les partisans lorrains séjournent un moment à Tucquegnieux, sans faire trop de dégâts, puis se présentent devant Sancy. Peu nombreux et sans moyens, ils n’ont aucune chance de prendre le château. Alors ils partent vers le Luxembourg rejoindre une autre armée d’Impériaux commandée par Gallas. Fin octobre, c’est une autre troupe hétéroclite, estimée à 5 000 hommes, qui se déploie entre Hatrize et Vernéville et ravage le pays. (1) François HELLER citant Jean BAUCHEZ. Op. Cit. p.150. (2) M. CLESSE « Histoire de Conflans » T II p.284, 285. (3) M. CLESSE citant Jean BAUCHEZ. Op. Cit. p 285. 46 (4) Croates et Suédois ravagent la Lorraine Fort de quelques succès, Charles IV veut menacer Nancy et Metz en faisant sa jonction avec l’armée impériale catholique conduite par Mathias Gallas. Ses troupes composées de mercenaires venant de nations diverses, Allemands et Croates, Polonais et Hongrois sont plutôt des hordes sans foi ni loi qui ne pensent qu’à piller, brûler, massacrer. L’autre armée est celle des Suédois protestants du prince Bernard de Saxe-Weimar. Ceux-ci ont subi une lourde défaite à Nordlingen l’année précédente, battus par Charles IV et les Impériaux. Depuis ils sont passés au service direct de la France. Pleins de rancune et ne pensant qu’à leur vengeance, il ne faut donc pas s’attendre à ce qu’ils prennent des ménagements avec les Lorrains. « L’année 1635 a plus causé de calamités à la lorraine que toutes les précédentes parce qu’elle fut inondée de toutes les bêtes dont parle l’Apocalypse, savoir de l’écume des nations polonaise, hongroise, bohémienne, allemande, suédoise, lorraine, française, italienne et espagnole a qui le duc la laissa à l’abandon ». (1) De la fin octobre 1635 à la fin mars 1636, ces deux troupes ennemies vont sillonner la Lorraine en la dévastant totalement. Le sac de Saint-Nicolas-de-Port Le 4 novembre, 300 cavaliers de Gallas pénètrent dans Saint-Nicolas-de-Port qu’ils saccagent. Ils s’attaquent aux maisons et aux édifices religieux, ne respectant rien ni personne. Ils martyrisent et massacrent la population, pillent tout ce qu’ils trouvent. Peu de temps après le départ des Croates, le 6 novembre, arrivent les Suédois de Saxe-Weimar, « experts à couper les langues, les bras, voler, violer, tuer. Ils brûlent la toiture de la basilique et les maisons. Quand ils repartent, la ville sent la cendre et le sang. Sur les cinq mille habitants que comptait la cité, il ne reste que cent cinquante survivants ». L’horreur a duré huit jours. (2) Les Suédois prennent leurs quartiers d’hiver dans le Pays-Haut Vers la Saint Nicolas (6 décembre), on apprend que des régiments suédois de l’armée de Saxe-Weimar vont venir prendre leurs quartiers d’hiver dans le Pays-Haut, principalement dans les prévôtés de Briey, Conflans, Norroy-le-Sec, Etain et toute la Woëvre. Ils arrivent le 16 décembre 1635 et submergent le pays en peu de temps. « Cette occupation dura neuf semaines interminables qui furent atroces pour les paysans et les bourgeois très éprouvés déjà. » (3) Quand ils se retirèrent en apprenant l’arrivée des Impériaux, « (...) toutes les maisons estoient dérompues et ruinées, pleines d’immondices, tant des personnes que des chevaux, joint que pendant ledit tems, il fit des pluyes continuelles qui rendoient tant de fanges et immondices par les villes villages et chemins, qu’on ne pouvait aller ny venir. Ceux qui se trouvèrent après ledit logement pensoient être sauvés et délivrés de tous les maux, mais ils n’estoient encore aux plus grands et tout ce qui estoit passé n’estoit rien en comparaison de ce qui survint incontinent après (...) » (4) (1) Marquis de Beauvau auteur des mémoire de Charles IV. Cité par M. CAFFIER Op. Cit. p 158 (2) D’après Michel CAFFIER « Les grandes heures de la Lorraine » p.160. Ed. Perrin (3) François HELLER. Op. Cit. p.151 (4) Pierre WARIN : « Recueil de documents sur l’histoire de la Lorraine » Nancy 1859. Cité par F. HELLER 47 Après les Suédois, les Croates dévastent tout Fin janvier 1636, c’est une armée composée de « Hongrois, Crawates (Croates), Pollacques ou Pollonois (Polonais) » qui arrive par le nord, s’empare de Longwy qui se rend le 26 janvier, puis vient assiéger Sancy. Mais « naieant aucune bombarde ny canon », ils se cassent les dents sur ce puissant château défendu par le régiment liégeois du colonel La Rochette. Alors, « ils mirent le feu par toutes aux villages dudit Sansi quès autres (et dans les autres) quon voieoit plus de dix lieux à la ronde tout en feu et fumière (fumée), violloient, tuoient tout ce qu’ils rencontroient et les Lorrains, tous des premiers. » (1) Les Hongrois dans la région de Thionville et Briey, les Croates commandés par Ysolani du côté de Longuyon, et les Polonais dans le duché de Luxembourg, mettent le pays à feu et à sang. Les plus horribles cruautés L’ampleur du désastre qui s’abat sur les prévôtés est inimaginable, la description des souffrances des populations faite par un habitant d’Etain est presque insoutenable : « Les Impériaux commencèrent à courir partout le Pays de Lorraine pillant tout ce qu’ils trouvoient, violant filles et femmes, prenant les hommes prisonniers qu’ils mettaient à la ghenne et question (tortures), commettant les plus horribles cruautés que jamais auparavant on ait entendu parler. Car on estimait bien heureux ceux qui ne passaient (mouraient) que par le tranchant de leurs sabres aux prix de ceux qu’ils pendaient, qu’ils brûlaient à petits feux, qu’ils écorchaient et attachaient par les génitoires après des arbres et les laissaient ainsi pendus et afin qu’ils faisaient mourir par des tourments inaudits. N’avoient égard à gens d’église, à hommes, femmes, vieux ni jeunes, pilloient les églises, brûloient les bourgs et les villages partout où ils alloient, après avoir tout rompu, églises et maisons, pour trouver ce qu’on avait caché. Y furent l’espace de trois mois ou environs à faire tels ravages, n’ayant égard à François, Lorrains ni autres nations ; tout leur était ennemi et personne ne leur faisait résistance. » (2) « En même temps, ces Croates allèrent assaulter Briey, la pillèrent, brûlèrent la plus grande partie des maisons » dit Jean Bauchez, et il décrit également le martyre des populations : « Les chemins où ses nations étrangères passaient étaient tout parsemés de corps de morts, l’un était crevé, l’autre rôti, l’un la tête coupée, l’autre la langue, les bras jetés çà et là, les pendaient les pieds en haut des cheminées, les faisaient mourir à l’étouffée de fumée, les autres morts dans des fours ». Puis plus loin, il dit encore :« Tous les hommes et les garçons qu’ils y trouvèrent, aux uns coupèrent la langue, aux autres les bras, aux autres encore la tête. Ils violèrent les femmes et les filles qu’ils pouvaient avoir entre leurs mains. Ils pendaient aux arbres les petits enfants en l’âge de six ou sept. Ils prenaient les hommes et leur faisaient, avec des baillons qu’ils leur mettaient dans la bouche, ouvrir la bouche toute au large. Puis ils leur faisaient boire, à ces pauvres créatures, trois ou quatre scaux d’eau qui coulait des fumiers. Et après, voyant qu’ils (les torturés) ne leur pouvaient donner argent ni or, les Croates sautaient, à pieds fermes, sur les ventres de ce pauvre peuple à tel point qu’on les entendait crever de bien loin. » « Je ne saurais vous décrire le désastre et le malheur que ces Croates firent dans la prévôté de Briey et partout. Ils tuèrent ainsi quatre-vingts hommes et garçons. Je ne compte pas les femmes et les filles ni les petits enfants, y compris ceux qui n’avaient qu’un an, qu’ils mirent à mort. » (3) (1) François HELLER citant J.BAUCHEZ. Op. Cit. p.152 (2) Pierre WARIN : Op. Cit. Cité par F. HELLER (3) Jean BAUCHEZ. Cité par F. HELLER Op. Cit. p.153. 50 Des rats, des renards, des charognes, même de la chair humaine « Les paysans (...) ne faisaient aucune difficulté de manger de la chair de chevaux, de chiens, de chats. Et beaucoup ont mangé des rats. Et le plus délicat (était) de manger de la viande de renard, de loup quand on pouvait en attraper ». (1) Mais il a vu pire encore : « J’ai vu une femme pendue, proche de Château-Salins, qui avait tué une petite fille pour la manger et avait salé sa chair dans un cuveau.(...) J’ai vu, souventes fois, proche des villes, que l’on avait mis hors quelques bêtes mortes, les pauvres allentour, comme des chiens et des loups, découpant dans ces corps morts et emportant chacun sa pièce (...) ». (1) Les miséreux s’organisent et « créent leur propres bandes pour mener des raids vers les lieux miraculeusement épargnés ou recelant des réserves destinées à la troupe. Des gens de Metz volent des cochons à Boulay, des Thionvillois fondent sur Toul pour saisir un troupeau de porcs et cinquante vaches. Sur routes et chemins on risque embuscades, rapines assassinats ». Pierre Fournier écrit aux religieuses de Bar : « ...On n’ose sortir des villes : les chemins, les bois, les champs sont pleins de voleries, d’assassinats, de meurtres partout ». (2) Et cela durera encore au moins cinq longues années. L’éclaircie arrivera en 1641, mais rien ne sera rétabli durablement avant 1644-1645. Dernier combat à Sancy pour l’honneur Mais la guerre se poursuit après 1636. Le Pays-Haut, fortement éprouvé par les dévastations, la peste et la famine, subit toujours l’occupation et le passage continuels des troupes françaises qui sont à Metz et à Verdun. Les armées impériales, autrichiennes et espagnoles, alliées de Charles IV, qui tiennent Longwy et Thionville, sont bien installées en Belgique et au Luxembourg. A la mi-mai 1639, une armée française va assiéger Thionville et, bien sûr, pille ce qu’elle peut encore trouver sur son passage. Mais le siège échoue, et à la Pentecôte, les Français se retirent, poursuivis par l’armée espagnole du général Picolomini. Celui-ci met alors le siège devant Sancy tenu par un sergent et une petite compagnie d’une trentaine hommes. « Le général fit dresser une batterie de cinq grosses pièces de canon (...) et tira deux cent soixante coups de canon contre les murs du château qui avaient plus de douze pieds d’épaisseur. Le deuxième jour, sur les quatre heures du soir, la plus grande partie du donjon tomba ». La garnison se rendit et les soldats eurent la vie sauve car Picolomini apprécia leur « grande hardiesse de tenir ce château contre une armée ». (3) A la demande de Charles IV, le château est remis aux Lorrains. Mais l’armée française s’efforce de reconquérir le Barrois et l’année suivante, le 5 juillet 1640, Sancy est à nouveau assiégé. La garnison lorraine ne résiste que cinq jours aux soldats du général Du Hallier qui, avant de partir rejoindre une autre armée française au siège d’Arras, ordonne la destruction de la forteresse de Sancy. « Il ne restera pas pierre sur pierre ». (4) Briey en 1635, Conflans en 1636, Norroy-le-Sec et Sancy en 1640 ! C’est ainsi que toutes les citadelles, forteresses et autres châteaux de la région furent rasés et démantelés ; et c’est pour cela qu’il ne reste plus aujourd’hui aucun vestige important, sauf quelques pans de mur ou tours ruinées. « Peut-on imaginer quelle place tiendraient aujourd’hui ces quatre forteresses dans l’intérêt touristique et culturel du bassin de Briey ? (5) (1) Père Gilles DROUIN, cité par F. HELLER : Op. Cit. p. 155 (2) M. CAFFIER :Op. Cit. p 163. (3) Dom Jean FRANÇAIS et Dom Nicolas TABOUILLOT : « Histoire de Metz », cités par F. HELLER p.156 (4) DROUIN et Mémoires de Forget dans Dom CALMET. Ed. Du Palais Royal, t 6, p 281.282.- F. HELLER p.157 (5) F. HELLER : Op. Cit. p. 157 51 Après la victoire de Rocroi, la prise de Thionville Après une paix éphémère en 1641 avec la France, le duc s’exile en Allemagne. Seuls « quelques fidèles mènent une guérilla périphérique ». Presque simultanément, Richelieu et Louis XIII disparaissent, le cardinal le 4 décembre 1642, et le roi le 14 mai 1643. L’Espagne profite du désarroi des Français pour attaquer dans les Ardennes avec une armée de plus de 26 000 hommes. Le 19 mai 1643, à Rocroi, les Français commandés par Condé écrasent l’armée espagnole qui perd 15 000 hommes tués ou prisonniers. Dans la foulée de cette éclatante victoire, l’armée de Condé se porte sur Thionville et Sierck. M. Beuvelot écrit à ce sujet : « En 1643, le mardi 16 juin, Monsieur de Vatimont, passant à Landres et à Anderny, alla avec 800 chevaux bloquer Thionville. Le même jour, le marquis de Geuvre, suivant le même chemin, alla avec son armée camper sur les bord de la Fensch, au-dessus de Hayange, et le vendredi 19, il se trouva aussi devant Thionville ; mais la ville ne fut rendue que le 10 août ». (1) Enfin après d’héroïques défenses, les derniers nids d’aigle capitulent : La Mothe qui a résisté sept mois, est prise en juillet 1645 (Mazarin, successeur de Richelieu, la fera démolir et raser par mille cinq cents paysans vosgiens), et Longwy, investie le 28 juin 1646, se rend le 12 juillet. (2) La fin du cauchemar Depuis 1641, la famine s’éloigne, l’agriculture retrouve lentement un peu de vitalité. « Les pauvres paysans commencèrent à se remettre à labourer, et nous tirâmes quelques petites dixmes d’Avril et d’ailleurs » écrit le père Drouin. Il dit aussi qu’en 1644, « on fit assez bonne moisson (...) cet an, et ressema-t-on pour l’an suivant. Le peuple commençait alors de prendre courage à labourer et avoir des chevaux pour se faire. Les soldats des garnisons voisines n’étaient plus si déréglés qu’ils avaient été auparavant... quoique souvent on ne laissait de perdre des chevaux et d’être rançonnés par eux (...) ». (3) Le Pays-Haut devient un ’’boulevard militaire’’, passage obligé entre Verdun, Metz et l’Alsace. De nombreuses troupes y circulent en commettant, bien sûr, quantités d’exactions. « En 1645, la moisson est très bonne partout en Lorraine. Le prix du blé qui avait atteint des sommets astronomiques, baisse et devient accessible. Une décennie de drames, de destructions, d’horreurs s’achève ». (4) Les négociations de paix commencées en 1641, se concrétisent en 1648 par les traités de Westphalie (La Haye, Münster, Osnabrück) qui mettent un terme à la Guerre de trente ans. L’Autriche doit accepter la division religieuse de l’Allemagne, l’indépendance et la neutralité définitive des Cantons suisses. L’Espagne est contrainte de reconnaître l’indépendance des Provinces Unies (Pays-Bas). La France conserve les Trois Evêchés annexés par Henri II et obtient la plus grande partie de l’Alsace. Charles IV, le duc de Lorraine, toujours obstiné, continue seul un combat inutile. Abandonné par l’Espagne en 1654, il y est emprisonné. Son frère Nicolas, rentré de Vienne, met les troupes lorraines au service de la France qui occupe toujours les duchés. Au traité des Pyrénées du 7 novembre 1659, Louis XIV obtient la libération de Charles IV qui devra raser les fortifications de Nancy et céder à la France la route vers l’Alsace. En 1661, Charles IV rentre en Lorraine, et les troupes françaises se retirent. (5) (1) BEUVELOT. « Monographie de Landres » 1888 (2) Michel PARISSE : Op. Cit. p 295 (3) Père Gilles DROUIN cité par F. HELLER : Op. Cit. p. 158 (4) F. HELLER : Op. Cit. p. 158 (5) D’après René BASTIEN ; Op. Cit. p 130 52 AVANT QUE LA LORRAINE NE DEVIENNE FRANÇAISE Charles IV, toujours aussi versatile et imprudent envers la France, doit encore quitter la Lorraine en 1670. Une armée française de 25 000 hommes occupent à nouveau les deux duchés. En septembre 1675, Charles IV décède d’une fièvre subite. Son neveu Charles V lui succède. Elevé en Autriche à la cour impériale, il est proche de l’empereur Léopold Ier dont il épousera la sœur. Très jeune, il a combattu les Turcs à la bataille de Saint-Gothard en 1664. Chef militaire remarquable, il est général en chef des troupes allemandes et participe, le 12 septembre 1683, à la victoire de Vienne qui rejette définitivement les Ottomans hors de l’Europe centrale. Il refuse les compromis avec la France qu’il combat et meurt à 47 ans, en 1690, sans avoir vécu en Lorraine. Son fils Léopold n’a que 11 ans. (1) Le dénombrement de François Du Hautoy Didier III de Landres-Tichémont qui mourut en 1636, eut huit enfants dont sept sans postérité, soit morts très jeunes, soit ecclésiastiques. La huitième, Anne-Dorothée, épousa en 1635, Claude Du Hautoy, seigneur de Récicourt, faisant passer toutes les possessions des Landres-Tichémont dans cette famille. Leur fils, François Du Hautoy, fournira le dénombrement de 1682. Pour rétablir les nombreux droits et domaines des évêchés de Metz, Toul et Verdun, Louis XIV signe l’ordonnance royale du 24 juillet et les lettres patentes du 17 octobre 1680 qui « obligent tous vassaux des Eglises de Metz, Toul et Verdun, sous peine de commise (saisie), de faire reprise foi et hommage au roi de tous leurs biens et droits, tenus ou non en fief, du roi ou desdites Eglises, et ce, deux mois après publication de ces lettres, puis 40 jours après, de ’’bailler leurs aveux et dénombrement en bonne et due forme’’, avec toutes pièces justificatives en annexe ». Ainsi le chapitre des chanoines de la cathédrale de Metz et François du Hautoy durent fournir leurs dénombrements. Ceux-ci donnent quantité de renseignements sur les droits et les biens du seigneur de Landres. La liste en est un peu fastidieuse mais très édifiante. En voici de larges extraits. (2) 2 janvier 1681 : tiré du dénombrement fourni par le chapitre des chanoines de la cathédrale de Metz sur la terre et seigneurie de Landres constituée par trois villages : « Landres, Mont et Murville », où nous avons seuls haute, moyenne et basse justice, un signe patibulaire avec nomination et destitution d’officiers, toute amende, épave et confiscation, droit de troupeau à part et de banvin suivant la coutume. Nous avons le droit de patronage de la Cure et pour le droit de bienvenue : 5F. Il nous est dû audit lieu une rente appelée « la cellerie » se montant à 28 quartes et demie de blé et 13 quartes et 1 bichet d’avoine par les portériens ( ?) de certaines terres. Nous avons les deux tiers dans les rentes de Saint-Martin, montant à 12 quartes de blé et 9 quartes d’avoine dues par les portériens de certaines terres, l’autre tiers appartenant au seigneur voué. Il nous est dû une rente qui se paie de 3 ans en 3 ans par les portériens de certains héritages appelée « la rent rempant » montant à 2 quartes de blé et une autre rente appelée « la princerie » qui se paie aussi de 3 en 3 ans par les habitants du ban Saint-Paul se montant à 20 quartes d’avoine. Nous avons droit de fort-mariage (formariage) et forfuyance à raison desdites terres. Chaque laboureur desdits lieux doit pour chaque bête tirant charrue au nombre de trois, 6 bichets de blé froment, autant d’avoine et 2 gros qu’on a appelé « assises » et pour chaque bête tirant charrue au- dessus de 3 ci-dessus spécifiées, il ne se paie que 2 bichets de blé froment et autant d’avoine et 2 gros d’argent dont un quart nous appartient, les 3 autres au seigneur voué. (1) D’après René BASTIEN : Op. Cit. p 139,140 et M. CAFFIER Op. Cit. p 175. (2) Archives dép. de la Moselle : Pièce B.847. « Notice sur Landres » de M. NAUDIN du 19 mars 1914. 55 Ainsi la seigneurie de Landres est devenue une baronnie. En 1647, le hameau de Mont était déjà rattaché à Landres, qui devient Landres-et-Mont souvent confondu avec Landremont (près de Dieulouard). Le dénombrement parle aussi d’une autre annexe, le moulin de Landres situé sur le Woigot, dont l’emplacement probable se trouve sur le territoire actuel de Mont, un peu à l’est de la route Mont-Mainville. (1) M. Naudin précise aussi : « La Malgré : ancien ermitage dont Ste Marguerite est la patronne, annexe de Norroy-le-Sec. Cet ermitage existait déjà en 1254. C’était l’église-mère de Norroy ; il y avait un prieuré et tous les ans on y tenait deux foires le 7 mai et le 14 juillet (Viville). Ces foires ont été transportées à Norroy-le-Sec à la même date pour la première et au 11 juillet pour la seconde. La chapelle démolie en 1860 est aujourd’hui remplacée par un simple autel abrité sur lequel est posée la statue du saint et cette chapelle, autrefois l’objet d’un nombreux pèlerinage, n’est plus visitée par personne, et l’ermitage est devenu une maison d’exploitation (Clesse). » La terre de Landres vendue au comte de Mercy François du Hautoy ne laissa qu’une fille prénommée Anne-Dorothée comme sa grand-mère, et qui épousa le marquis Charles de Béon-Luxembourg. Ce dernier vendit la terre de Landres, le 5 avril 1714, à Florimond-Claude de Mercy, feld-maréchal de l’empereur d’Autriche Charles VI. La famille de Mercy a été de tous temps apparentée à celle de Landres. Elle possèdait des biens importants : les seigneuries de Mercy et des « Cinq villes » (Mercy-le-Haut, Mercy-le-Bas, Boudrezy, Higny et Xivry-le-Franc) et leurs dépendances. Ces biens avaient perdu une partie de leur valeur, suite aux ravages de la « Guerre de Trente ans ». Le château situé entre Mercy-le-Haut et Mercy-le-Bas, fut pillé par les Suédois en 1635 alors que Henry de Mercy combattait aux côtés des Croates. Les Français le firent démolir totalement en 1670, et les biens du Comte furent confisqués un peu plus tard, au bénéfice du roi de France. La famille de Mercy au service de l’Autriche Plusieurs membres de la famille de Mercy s’illustrent au cours du XVIIe siècle. Comme beaucoup de nobles Lorrains, les Mercy, fidèles serviteurs de leur duc, soutiennent ses actions contre la France, le suivent dans son exil en Autriche, et combattent vaillamment dans les rangs des Impériaux avec des grades très élevés. Nous avons parlé plus haut de Henry de Mercy qui était prévôt de Longwy pendant la Guerre de Trente ans. Vers la fin de cette même guerre, François de Mercy, feld-maréchal de l’empereur d’Autriche retient Condé et Turenne sur la rive gauche du Rhin. Puis il assiège et prend Fribourg-en-Brisgau en juin 1644. Pendant l’hiver, il maintient sa présence sur la rive droite et empêche ainsi les Français de rejoindre les Suédois de Tortenson qui menaçaient Vienne après la bataille de Jankau du 16 mars 1645. Son fils, Pierre-Ernest de Mercy, participe activement, en 1683, à la défense de Vienne menacée par les Turcs. Il fait plusieurs campagnes en Hongrie. Grièvement blessé au siège de Bude (Budapest), il meurt le 5 octobre 1686. (2) (1) Voir la carte de Cassini (1714-1784), géographe de Louis XV qui fit une carte de France au 1/ 86400e (2) D’après Raymond PAGNY : « La maison de MERCY » 56 Florimond-Claude de Mercy, « feld-méréchal » d’Autriche Son fils, Florimond-Claude de Mercy est né en 1666. Très jeune, il se met au service de son duc et de l’empereur d’Autriche Léopold, et combat au siège de Vienne aux côtés de son père. A la mort de celui-ci, il est encore mineur. C’est Charles-Albert d’Argenteau, son grand-oncle maternel qui s’occupe des biens du jeune Baron. Florimond-Claude se bat en Hongrie en 1690, où il perd un œil. La même année, il est nommé lieutenant-colonel du régiment de Lorraine et aide de camp de l’Empereur. De 1691 à 1696, pendant la « Guerre de la Ligue d’Augsbourg », il combat en Italie. En 1698, après le traité de Ryswick, il rentre en possession de tous ses biens en Lorraine, mais n’y fait que de brèves apparitions. En 1701, il s’illustre en Italie pendant la « Guerre de Succession d’Espagne » où il est blessé et fait prisonnier. Dès sa libération en 1702, il repart combattre en Allemagne. Il se distingue en 1704 à la tête de la cavalerie impériale, et le 10 mai 1704, il est nommé « feld-major-général ».(1) Louis XIV rend la Lorraine au duc Léopold En 1697, Louis XIV signe le traité de Ryswick qui met fin à la « Guerre de la ligue d’Augsbourg ». Il restitue la Lorraine et le Barrois, à Léopold de Lorraine, neveu de l’Empereur. Quand Léopold qui n’a que dix-neuf ans, rentre en Lorraine, le pays a été ravagé par des guerres interminables et par une occupation française qui a duré plus de 50 ans. Les duchés sont entourés par des territoires français, et Louis XIV attend le moment de s’emparer de cette province convoitée depuis longtemps. Léopold, très bon administrateur, parviendra à relever la Lorraine en favorisant sa reconstruction, son repeuplement et son développement culturel. (2) La terre de Mercy devient un Comté En 1705, « ... En considération de l’attachement indéfectible à la maison ducale de Lorraine marqué par les membres de la famille de Mercy qui ont quitté leurs maisons et leurs biens pour accourir servir leurs souverains légitimes en Allemagne, ce qui causa de grandes pertes dans leurs domaines, notamment la démolition du château et de la maison forte de Mercy », le duc de Lorraine lui donne la terre et seigneurie de Preutin et en 1708, la moitié de la prévôté des « Cinq villes » qui lui était propre. Depuis 1290, cette prévôté était possédée en indivis et par moitié, par les comtes puis ducs de Bar, et les seigneurs de Mercy. Le 5 avril 1714, Florimond-Claude achète la terre et seigneurie de Landres. Puis l’ensemble des terres est érigé en fief et Comté de Mercy par lettres patentes du duc de Lorraine du 19 avril 1719. « ...Nous avons uny et incorporé, unissons et incorporons par ces présentes, les dittes terres, seigneuries, hautes, moiennes et basse justice de Mercy-le-Haut, Mercy-le-Bas, Boudrezy et Higny ; ensemble les terres seigneuries et justices de Joppécourt, Circourt, Preutin, la Cense de Martinfontaine, Avillers, Haucourt, les parts et portions que le dit sieur Comte de Mercy a et peut avoir à Landremont (Landres-et-Mont), Dommary et Bertrameix, tant, pour ce qui lui appartient de son chef, qu’à cause des donations que nous luy en avons fait et à quel titre il puisse posséder le tout (...) Créons, érigeons, illustrons et élevons en titre de COMTE sous le nom et qualification du Comté de Mercy, mouvant et relevant de nous, à cause de notre duché de Bar... » (1) (1) D’après Raymond PAGNY : « La maison de MERCY » (2) D’après René BASTIEN : Op. Cit. p 139. 57 « Il est permis au Comte de Mercy d’établir en tel lieu du dit comté qu’il jugera à propos, une prévôté, composée d’un prévôt chef de police et gruyer, d’un Procureur d’office, d’un ou plusieurs sergents pour exercer et rendre justice, un ou plusieurs notaires, garde- nottes, et il jouira des droits de sceau et tabellionnage, etc... » Les lettres patentes indiquent également les armoiries du nouveau comté : « d’or à la croix d’azur, l’écu couronné d’une couronne de comte ». (1) Ces armes ont servi de base à l’écusson de la commune de Landres constitué en 1983. La croix d’or est devenue d’argent pour contraster avec l’or du blason de Briey placé en cœur. Le comte de Mercy est sans héritier « Florimond-Claude n’a jamais été marié et, se voyant sans héritier, étant le dernier de sa race, et ne voulant pas que son nom, ses titres et distinctions disparussent avec lui, en 1723, il désigna comme son fils adoptif et héritier universel son cousin, Antoine-Ignace-Charles- Auguste d’Argenteau. Ce personnage avait fait ses premières armes sous ses ordres et était alors capitaine de Cuirassiers. Agé de 31 ans, il était au service de l’Autriche. L’empereur Charles VI confirme cette adoption à condition de prendre le nom et les armes de Mercy et de les joindre à ceux d’Argenteau, mais en faisant précéder ce dernier nom par celui de Mercy (et non en le plaçant après, comme il était d’usage et de règle de le faire). Cette adoption fut encore confirmée par un acte du 24 septembre 1727 et par une donation universelle entre vifs, sous réserve d’usufruit, faite à Vienne le 31 mai 1730. » (1) Le repeuplement du Banat « Florimond-Claude a été chargé, de 1722 à 1725, du repeuplement du Banat de Temesvar et du territoire de Batschka, vaste région fertile du sud de la Hongrie, dévastée par les guerres continuelles, ruinée par les invasions turques, très dépeuplée et presque inculte. Il organisa l’immigration des colons venant d’Allemagne de l’ouest, d’Alsace et aussi de Lorraine, qui s’établirent dans cette région partagée de nos jours entre la Roumanie et la Yougoslavie. De nombreux villages portent encore des noms lorrains : St Hubert, Charleville, mais aussi Mercydorf (actuellement en Roumanie). Les colonies lorraines continuèrent à se développer en Galicie et en Hongrie, et de 1748 à 1787, près de 20 000 Lorrains rejoignirent les premiers colons dans une cinquantaine de villages qui gardèrent longtemps leurs traditions d’origines. » (1) François III est plus autrichien que lorrain « A la mort de Léopold 1er, en 1729, le duché revient à son fils François III. Celui-ci, né et élevé en Autriche, déplaît au peuple et aux nobles lorrains par son attitude hautaine. Il se désintéresse de la Lorraine qu’il quitte en avril 1731, en emportant des sommes considérables et les pierres de la couronne. Il laisse la régence à sa mère Elisabeth-Charlotte, nièce de Louis XIV. La Lorraine n’a plus de duc et une fois encore, elle est convoitée par ses voisins ».(2) La guerre de succession de Pologne Devenu roi de Pologne en 1704 grâce au soutien de la Suède, Stanislas Leszczynski en est chassé en 1709, et se met sous la protection de la France. Son successeur, Auguste II, meurt en 1733. Deux princes sont candidats à ce trône électif : Auguste III, neveu de l’empereur, et de nouveau Stanislas Leszczynski dont la fille Marie a épousé le roi de France Louis XV en 1725. Soutenu par la France et la Suède, Stanislas voit, dès son élection, son pays envahi par les troupes autrichiennes et russes. Il se réfugie à Dantzig d’où il s’enfuira quelques mois plus tard, déguisé en paysan. La France intervient, et alliée à l’Espagne, elle déclare la guerre à l’Autriche. La quatrième occupation de la Lorraine commence. (2) (1) D’après Raymond PAGNY : « La maison de MERCY » (2) D’après René BASTIEN : Op. Cit. p 147. 60 LA RÉVOLUTION ET L’EMPIRE Avec la Révolution, apparaissent nos premières véritables archives communales : le partage des biens communaux de 1794 et tous les registres des délibérations du Conseil Municipal à partir de 1811. Grâce à l’étude de ces documents, on peut maintenant connaître en détail l’histoire et la vie de la commune de Landres. Quelques brefs rappels permettront de resituer les anecdotes locales dans de l’histoire de la France. Des événements majeurs pour l’histoire de notre pays ont marqué cette courte période de 26 ans. Elle fut très agitée mais les faits essentiels se sont principalement déroulés à Paris et sur les champs de batailles. Il faut peut-être rappeler les plus marquants : Dans nos provinces éloignées, il y eut pourtant des changements importants : • formation des communes et des départements, • nationalisation des biens de l’Eglise, • partage entre les habitants des biens communaux... POUR MEMOIRE 1789.......5 mai............. Réunion des Etats Généraux. 20 juin............. Serment du Jeu de Paume. 9 juillet.......... Assemblée nationale Constituante. 14 juillet.......... Prise de la Bastille. 4 août........... Abolition des privilèges 1790.....14 juillet.......... Fête de la Fédération. 1791.....20 juin............. Fuite de Louis XVI jusqu'à Varennes. 1er octobre..... Assemblée législative. 1792.....10 août........... Prise des Tuileries et arrestation du roi. 20 septembre.. Victoire de Valmy sur les Prussiens. 20 septembre.. La Convention. 22 septembre.. Proclamation de la République. 1793.... 21 janvier........ Exécution de Louis XVI. La Terreur. 1794.......9 thermidor... Chute de Robespierre. (27 juillet). 1795.....26 octobre...... Le Directoire. 1799.....18 brumaire... Coup d’état de Bonaparte (9 novembre). 1799.... 19 brumaire.... Le Consulat de Bonaparte. 1804.......2 décembre.. Napoléon devient empereur. 1805.......2 décembre.. Victoire d’Austerlitz. 1812.....19 octobre...... Début de la retraite de Russie. 1814.......6 avril........... Abdication et exil sur l’île d’Elbe. 1815.....1er mars ....... Retour de l’île d’Elbe, et les Cent jours. 1815.....18 juin............ Défaite de Waterloo, exil à Ste Hélène. La nouvelle organisation administrative L’Assemblée nationale Constituante, en février 1790, organise la division de la France en départements, districts et cantons. Landres et Mont forment alors une seule commune du canton de Xivry-le-Franc, district de Longwy, département de la Moselle qui comprenait 9 districts et 76 cantons. La Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) qui a réduit à 65 le nombre des cantons du département conserve Landre-et-Mont dans le canton de Circourt et fait de notre commune le siège d’une justice de paix qui paraît avoir duré jusqu’au 29 vendémiaire an X (21 octobre 1801). L’arrêté des Consuls du 17 ventôse an VIII (8 mars 1800) divise le département de la Moselle en 4 arrondissements, le canton de Circourt fait partie de celui de Briey. Par arrêté consulaire du 29 vendémiaire an X (21 octobre 1801), l’arrondissement de Briey ne comprend plus que 5 cantons : Audun-le-Roman, Briey, Conflans, Longuyon et Longwy. La commune de Landre-et-Mont qui compte 349 habitants et 70 maisons, appartient au canton d’Audun-le-Roman formé par 43 communes. (1) (1) M. NAUDIN « Notice sur Landres » du 19 mars 1914 61 Le partage des biens communaux Voici la transcription des trois premières pages du document concernant le partage des biens communaux de 1794. Les fautes, très nombreuses, ont été corrigées. Seule l’orthographe « LANDRE » sans S a été conservé, ainsi que quelques écritures typiques de l’époque. (2) « Département de la Mozelle, District de Longwy, Commune de Landre » « Aujourd’hui, 19 messidor l’an II de la République française, une et indivisible (7 juillet 1794), Nous soussignés Nicolas FERRY, arpenteur, demeurant à Mercy-le-Haut, Jean Nicolas Hyacinthe L’HUILLIER, ci-devant régent d’école à Murville, Joseph BARBIER, marchand, résidant également audit Murville, Jean-François NICOLAS et Jean-François MARTIN, tous les deux résidant à Landre, Tous nommés experts et indicateurs à l’effet de partager les biens communaux de la Commune de Landre par les habitants de ladite commune ; lorsqu’ils se sont assemblés pour décider le partage dans les formes voulues par le décret de la Convention Nationale du 10 juin 1793 (vieux style ?) que leurs intentions étaient l’exécution de cette loi sur le mode de partage. En conséquences, nous nous sommes transportés audit lieu de Landre d’après la municipalité ont nommé lesdits indicateurs pris dans le sein de la commune pour se transporter avec nous et nous conduire sur tous les terrains communaux et d’après qu’ils nous ont, en leur âme et conscience, montré les limites, nous les avons arpentés en général de manière que nous avons trouvé dans (que) les paquis de la 1ère qualité se montaient à la quantité de soixante et dix neuf jours deux quarts et demi............................................................. 79 jours 2 verges ½ La 2ième qualité à la quantité de.............113 ‘’ 1 ’’ ¼ La 3ième qualité à la quantité de............. 54 ‘’ 0 ‘’ 0 (2) Les trois qualités réunies formant la quantité de deux cent quarante six journaux, trois verges trois quarts. Nous ayant servi de notre chaîne, mesure ordinaire de neuf pieds huit pouces six lignes de la République. Les journaux de trois cent vingt vergerons en superficie. Les habitants de ladite commune nous auraient observé qu’ils désiraient qu’il leur fût fait chacun un lot par tête d’individu de tout âge et de tout sexe dans chacune des classes. La municipalité nous ayant donné la liste des citoyens ayant droit au partage, lesquels se montant au nombre de deux cent nonante deux (292) par conséquent nous avons formé deux cent nonante deux lots dans chacune des classes. (3) Ils nous ont observé que le lot soit fait pour quatre individus réunis ensemble pour ne pas avoir de si petits sillons, et que tant que faire se pourra, les familles soient réunies dans ce partage en conformité de l’article premier de la section 3 de ladite loi portant que le partage des bien communaux sera facultatif. Nous avons, en conséquences de cet article de la loi, procédé au partage suivant le voeu et le désir des citoyens de la commune de Landre. D’après avoir soustrait de la masse du partage les chemins nécessaires pour toutes issues ainsi que ceux qu’il a convenu de laisser pour les communications intérieures et l’exploitation particulière, et chaque lot a été de suite fait avec une fixation comparative et proportionnelle suivant les différentes qualités de sol avec bornages distinctifs d’un piquet planté à chaque lot numéroté. Avons commencé par les terrains de la 1ère qualité et nous nous sommes transportés sur la 3ème livraison de la Praye (lieu-dit Lapré ou la Praie) contenant huit jours deux verges ½ ; largeur au couchant : 55 verges, au levant de même largeur ; longueur : 55 verges ½ . Distribué en 8 lots pour 32 personnes, commençant au nord par N°4 et en suivant jusqu'à N°32, chaque lot à de large à chaque bout : 6 verges 8 pieds... » Suivent ainsi 9 articles de partage pour la 1ère qualité, 19 pour la 2ème et 8 pour la 3ème, sans jamais indiquer le nom des habitants recevant ces lots de terre. Le document se termine ainsi : « La présente distribution des divisions des biens communaux dudit lieu de Landre, clos et arrêté par Nous, commissaires et indicateurs soussignés pour un double du présent procès-verbal être déposé aux archives de la commune et l’autre en même temps pour être envoyé au directoire du district de Longwy pour être déposé aux archives du district. Fait à Landre les jour, mois, et an dits d’autre part et avons signé. Suivent les cinq signatures (1) Archives communales. Commune de Landres. (Voir document page suivante) (2) Le « jour » ou « journal » correspondait à la surface qui pouvait être labourée en un jour, soit plus ou moins 35 ares selon les régions. La verge valait ¼ de jour, et l’arpent de 35 à 50 ares. (3) Pour Landres seul : 292 habitants en 1794, mais 349 avec Mont en 1800. 62 Vente des biens des émigrés Dans le décompte des habitants, ne sont pas compris les émigrés, qui ont fui les nouvelles lois ou la Terreur de 1793. Beaucoup de nobles, mais aussi des roturiers sont partis à l’étranger. Deux ans après le partage des biens communaux, leurs biens qui avaient été confisqués sont mis en vente. « Vente des domaines nationaux. En exécution de la loi du 28 ventôse, an IV de la République (18 mars 1796) : Du 16ème jour du mois de brumaire, an V (6 novembre 1796) de la République française, une et indivisible, Nous, administrateur du département de la Moselle, pour et au nom de la République française, et en vertu de la loi du 28 ventôse dernier, en présence et du consentement du commissaire du Directoire exécutif, avons par ces présentes vendu et délaissé dès maintenant et pour toujours, à la citoyenne FRISON Françoise, fille majeure demeurant à Landre, à ce présent et acceptant pour elle et ses héritiers vu ayant cause, un seizième avenant à la République, dans une maison de ferme et jardin situés audit lieu de Landre, canton de Circourt, confisqués en exécution de la loi du 28 mars 1793 sur l’émigré Jean-François ELOY, ci-devant receveur à Briey, inscrit sur la liste générale des émigrés du 5 décembre 1792. La maison contenant 35 pieds de largeur sur 16 de profondeur est composée d’une cuisine, un poêle, deux chambres, chambre à four, cave, grenier ; un autre bâtiment comprenant... etc. Enregistré à Metz, le 18 brumaire, an V. Reçu 82 livres. Signé : PETTER » (1) Piennes est rattaché à Landres Le décret impérial du 19 octobre 1811 regroupe beaucoup de villages et hameaux pour former de nouvelles communes à noms composés comme Xivry-Circourt, Dommary-Baroncourt, Preutin-Higny, Mairy-Mainville... Aussi Piennes est-il rattaché à Landre-et-Mont. Cette nouvelle commune prend le nom de LANDRE-PIENNE-MONT, chaque section gardant ses terres et ses finances particulières. Vers 1250, la « mairie » (2) de Piennes, composée de Piennes (Espiennes ou Espenil) Bertrameix (Bérameix), Domprix, et Preutin. faisait partie de la terre de Bouligny qui comprenait : Bouligny (Bolligny), Amermont, Bouvigny, Dommary, Baroncourt, Domrémy-la-Canne, Eton, Gouraincourt, Joudreville. La famille de Blâmont resta très longtemps celle des seigneurs de Bouligny. En 1269, Piennes possèdait certainement une maison forte et un four banal, avec une population estimée à une quarantaine de feux (foyers, ménages ou maisons) soit 170 à 200 habitants. En 1377, une lignée d’écuyers se titre du nom « de Piennes ». A la fin du Moyen-Age, Domprix, Bertrameix et Piennes ne formaient qu’une seule paroisse qui dépendait de l’évêché de Verdun et du doyenné d’Amel. (3) Après les ravages de la Guerre de 30 ans, et jusqu'à la fin du XIXe siècle, de Piennes il ne restait plus que deux hameaux : Piennes-en-Ardennes avec une douzaine de maisons, et Piennes-en-Piennois avec une quinzaine d’habitations, hameaux seulement éloignés de quelques centaines de mètres. En 1801, on y recense pourtant 146 habitants pour 30 maisons. Le premier maire de Landre-Pienne-Mont est Simon CAMETZ et son adjoint, Antoine BERTHELEMY (1) Archives départementales de la Moselle (2) « mairie » au Moyen Age signifie « fief de basse justice » : Grand Larousse Encyclopédique. (3) G.BAILLON-F.GHINOLFI-B.RAGGIOLI-S.TRUBA : «Piennes : de la chaumine à la minette» 65 de la commune réglées, il reste disponible une somme de ...(?) F. Le Conseil municipal décide qu’elle sera affectée en premier ordre aux travaux des chemins. Cette ressource étant insuffisante, le Conseil vote l’imposition de 2 journées de travail à fournir par chaque habitant, de la manière prescrite par les articles 38 et 44 de l’arrêté du 17 février 1824 ». Le taux de rachat des prestations est fixé ainsi qu’il suit :   - journée d’homme : 1,50F - journée de cheval, de bête de trait ou de somme : 2F - journée de voiture à 2 roues : 3F - journée de voiture à 4 roues : 4F. Ainsi, ceux qui pouvaient payer parvenaient à échapper à la « corvée ». Les prestations se renouvelleront régulièrement avec des modifications mineures jusqu’en 1930. Au fil des années, les habitants délaisseront la prestation en nature et préféreront payer le rachat qui, une fois généralisé, donnera naissance aux taxes communales actuelles. Chaque nouvel habitant de la commune doit venir en mairie faire sa « déclaration de bourgeoisie » afin de bénéficier d’une parcelle de terrain communal. Cela permet aussi de contrôler les arrivées et les départs ainsi que les mouvements de population. Les cultivateurs viennent aussi déclarer répondre des dommages que pourraient causer leurs bêtes dans les propriétés voisines. Quelques délibérations   Le 14 juillet 1831, sur invitation du préfet de la Moselle, on célèbre pour la première fois la fête nationale, appelée alors « Elan national ». Le maire fait distribuer du pain aux malheureux, et 45 litres de vin à la jeunesse. Coût de la dépense : 53 F.   Le 20 avril 1835 : « Relativement à la célébration de la fête du Roi, le Conseil municipal s’empresse de manifester les sentiments d’affection et de reconnaissance dont il est pénétré pour l’auguste chef de l’état. Considérant que pour donner plus d’éclat à la solennité, le Conseil vote une somme de 230F (Landres : 115 F, Piennes : 77 F, Mont : 38 F). »   Le 5 août 1836, le sous-préfet propose l’établissement d’un bureau de poste journalier à Landres. Le Conseil n’en voit pas la nécessité puisque « chaque deux jours, il a facilité de communiquer la communication de poste ». L’école En 1834, Piennes a une école, Landres n’en a toujours pas. La construction projetée en 1818 n’a pas été réalisée. La commune doit louer une salle 3 F par mois, pendant six mois et demi, du 15 octobre au 1er mai. Mont, commune très pauvre n’a pas d’école. Les enfants devraient venir à Landres, mais ils vont presque tous à Bonvillers qui est bien plus proche. Les instituteurs de Landres et de Piennes qui sont logés, touchent 200 F par an de la commune. Les élèves versent aussi 50 centimes par mois pour les « écrivains » et 40 centimes pour les « non-écrivains ».   En 1837, 80 à 100 enfants fréquentent l’école. Le Conseil décide de faire construire une « maison d’école » d’une valeur de 3000 F. Il n’y a que 1800F de disponible alors on demande au Préfet un secours pour le reste.   Le 11 décembre 1838, le projet pour l’école atteint 6500 F. La commune qui a vendu beaucoup de terrains possède 3500 F et espère un secours sur les fonds de l’Etat pour la différence.   Le 24 mars 1840, vu le prix trop élevé du projet de construction d’une école, le Conseil décide d’acheter une « masure » pour la somme de 4141,83 F. Mais il faudra verser 142 F de dédommagement à l’architecte qui avait établi les plans du projet. Le 10 juillet 1840, 376,55 F sont votés pour la réparation de la maison qui servira d’école. 66 Mais ce n’est que le 4 février 1844 que se fait l’acquisition de meubles et de matériel pour l’école : • 10 tables d’écrivains à pupitre avec encriers en plomb encastrés • une estrade pour le maître • 6 tableaux noirs de 1,30 m sur 1 m • un tableau lithographique avec modèles • 6 cercles en fer rond • les tableaux de cytologie (anatomie) • la collection des cartes géographiques • la série des poids et mesures • une cimaise au pourtour de la classe • un Christ en plâtre • 2 douzaines d’ardoises avec crayons et porte-crayons L’instituteur recevra 120 F supplémentaires par an pour chauffer les élèves et être chantre à l’église. Piennes et Mont demandent leur séparation de Landres Nous avons vu précédemment que Piennes fut rattaché à Landres par le décret du 19 octobre 1811. Dix-neuf ans après, le 31 octobre 1830, Piennes demande une première fois sa séparation en précisant que la section possède 40 maisons et 185 habitants. Le Préfet fait une enquête, et le 24 juillet 1834, le Conseil donne les réponses suivantes : 1. Si le village de Pienne possède un instituteur ? - Il est constant qu’il en existe un. 2. Si la commune de Pienne est propriétaire d’une maison d’école ? - La chose est connue qu’il y a une maison d’école appartenant à Pienne. 3. S’il existe une église ? - Pienne possède une église et sonnerie. 4. - Et enfin une maison de pâtre. « Tous ces objets sont très bien entretenus, que les habitants de Pienne ont le droit de réclamer d’être érigés en mairie, que de tout temps mémorial jusqu’en 1811, Pienne était administré par une mairie, lors de cette époque, ils ont été réunis à la mairie de Landres. Le Conseil municipal, regardant le voeu desdits habitants de Pienne comme intéressant pour les deux villages, qu’il serait désirable qu’ils obtiennent d’être érigés en mairie. » Le 17 juillet 1837, Piennes demande encore sa séparation. Landres est d’accord, mais ne veut pas supporter les frais. Mont en profite et demande aussi sa séparation. La section de Landres accepte à condition que Mont lui rembourse une dette de 316 F. Le 1er juillet 1841, les habitants de Mont adressent une lettre au ministre de l’intérieur demandant leur « désunion » de Landres et leur réunion avec Bonvillers. Comme arguments, ils expliquent que Landres est trop éloigné de Mont, que l’hiver, le chemin reliant les deux sections est souvent impraticable, que les élus de Mont ne peuvent alors se rendre aux réunions, et que les enfants de Mont vont plutôt à l’école à Bonvillers qui est plus proche, pour les mêmes raisons. Le 20 mai 1842, le Conseil municipal de Landres s’oppose à cette désunion, mais après une enquête de « commodo-incommodo » (1) qui se terminera le 27 mai 1844, Mont est officiellement séparé de Landres et rattaché à Bonvillers par ordonnance royale en date du 14 avril 1847. Piennes continuera régulièrement à demander sa séparation : en 1872, 1881, et 1907. (1) Une enquête de « commodo-incommodo » dirigée par un commissaire indépendant, permet à chaque citoyen d’exprimer les raisons de son accord ou de son désaccord envers un projet public important qui le concerne. 67 LA SECONDE REPUBLIQUE (1848 -1852) ET LE SECOND EMPIRE (1852 - 1870) Dès son installation début 1848, la Seconde République, met en place dans toute la France, des « ateliers nationaux » pour les chômeurs et les sans-emploi. Le 31 mars 1848, le Conseil de Landres « ne juge pas nécessaire de créer des « ateliers communaux », vu que tous les habitants ont de l’occupation » Suite aux émeutes du 22 février 1848, Louis- Philippe abdique et le gouvernement provisoire proclame la République le 24 février 1848. Il rédige une nouvelle constitution, abolit l’esclavage, crée des ’’ateliers nationaux’’ pour les chômeurs, et institue le suffrage universel, ce qui porta le nombre d’électeurs de 200 000 (suffrage censitaire) à plus de 9 millions. Les premières élections au suffrage universel Après l’élection des députés à l’Assemblée nationale des 23 et 24 avril 1848, l’élection des conseillers municipaux se fait le 30 juin 1848. Le scrutin est ouvert dans la maison d’école de 5 h ½ à 8 h ½ du matin, heures bien matinales mais motivées par les travaux des champs. Les 89 électeurs doivent élire 6 conseillers pour Landres et 3 pour Piennes. Un seul est élu au premier tour. Le second tour a lieu le même jour à 13 h. Le dimanche suivant, les conseillers élus choisissent le maire, le premier qui sera élu et non pas nommé par le Préfet comme auparavant. Au troisième tour de scrutin, Monsieur OTIGNIERE, l’ancien maître d’école des années 1818-1820, est élu avec 5 voix et au bénéfice de l’âge. La coutume voulait que le maire soit de Landres et l’adjoint de Piennes. Cela se perpétuera jusqu’en 1910. Démissions de protestation Après le coup d’état du 2 décembre 1851, six conseillers démissionnent mais le 25 avril 1852, 4 d’entre eux seront réélus. Le 2 mai, tous prêtent serment : « Je jure obéissance à la Constitution et fidélité au Président ». Serment qui sera renouvelé quelques mois plus tard avec « fidélité à l’Empereur ». Après le plébiscite pour le rétablissement de l’Empire, l’arrêté du préfet de la Moselle relatif aux scrutins du 21 et 22 novembre 1852 est inscrit dans le registre des délibérations de toutes les communes du département : Coup d’état et plébiscite Les 10 et 11 décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, est élu Président de la République pour quatre ans avec plus de 74% des suffrages exprimés. Le 2 décembre 1851, voyant son mandat se terminer sans possibilité de réélection, le Prince-Président organise un coup d’état qui le nomme président à vie. Une nouvelle constitution est rédigée. Cette action est légitimée par les électeurs lors du plébiscite du 21 décembre 1851 suivant avec 92% de oui. Suite au second plébiscite du 21 novembre 1852 et avec plus de 96% de oui, l’Empire est rétabli le 2 décembre 1852. « Nous, Préfet de la Moselle, Comte de l’Empire, officier de la Légion d’Honneur, considérant que la population de la Moselle a concouru par 94 305 votes au rétablissement du régime impérial, et qu’il importe de perpétuer un acte qui témoigne de la fidélité des Mosellans au culte de l’Empereur ainsi que leur reconnaissance envers le Prince Louis- Napoléon, Arrêtons : Article I : Seront insérés dans les registres des délibérations de toutes les communes les résultats du recensement des votes exprimés dans la Moselle sur le plébiscite proposé à l’acceptation du peuple par Son Altesse Sérénissime le Prince-Président de la République au sujet du rétablissement de l’Empire. Article II : Les Maires sont chargés de l’exécution du présent arrêté. Fait en l’hôtel de préfecture, le 25 novembre 1852, Signé : Malher » Et sur le registre sont inscrits les résultats de la Moselle et de Landres 70 Ce plancher n’était pas de notre goût, ni de celui de l’architecte rédacteur du projet ; et les colonnettes nous firent comprendre que l’avis de l’architecte diocésain et celui de son Excellence tendaient à nous faire remplacer ce plancher par une voûte. Au moment de commencer les travaux de reconstruction de notre église, la commune prévoyant d’après des constructions analogues, le mauvais effet que produirait son église et les inconvénients qui résultent d’un plancher ou d’un plafond, soit en cas d’incendie, soit par suite de gouttières, demanda un devis complémentaire, devis qui, eu égard aux ressources que la commune s’étaient procurées, se trouvait plus conforme aux vues de tous les habitants... (peut disposer de 28 092,91 F, non compris la participation de Piennes). En adoptant la voûte, nous fûmes obligés de donner un style à notre église, et ce style nous a apporté les changements que nous présentons, changements qui nous furent suggérés par l’exemple de quelques communes qui ont fait d’énormes dépenses pour bâtir des « églises-granges » qui n’inspirent pas la piété ni le recueillement dus à ces saints lieux. Ces communes regrettent de n’avoir pas fait les dépenses d’une voûte ; car quelques unes ont des plafonds qui, à la moindre gouttière, ont des taches qu’ils est difficile d’enlever ; quelques autres ont des lambris qui demandent d’être réparés et même mis à neufs après 30 ou 40 ans, ce qui nécessite d’énormes dépenses. Et au cas d’incendie, ces planchers ou ces plafonds se brûlent, et pour reposer les poutres qui les soutenaient, il faut ébranler les murs, ce qui est toujours préjudiciable. Un plancher ou un plafond étant posés contre la toiture, exposent les fidèles à la grande chaleur en été et au froid en hiver, tandis qu’une voûte peut durer des siècles sans entretien, peut supporter un incendie sans souffrir et modère la température soit en été soit en hiver. En conséquence, nous soumettons à votre approbation un projet que le défaut de ressources ne nous a pas permis d’aborder lors des premières démarches, et d’un autre côté, en conservant le devis primitif la dépense se serait élevée à peu près au même chiffre, car nous aurions eu des plus-frais considérables : 1.°/ les fondations n’étaient point cotées à une assez grande profondeur, 2.°/ la sacristie n’avait que 2,50 m dans un sens et par conséquent se trouvait insuffisante, 3.°/ des planches, des ardoises et 10 m3 de bois de sapin étaient comptés en réemploi et il n’est pas possible de mettre en œuvre une ardoise, une planche et pas le plus petit morceau de bois de sapin, 4.°/ le clocher demandait aussi à être modifié puisqu’il ne pouvait contenir nos deux cloches que superposées ; et cependant la commune a dessein d’ici quelques années d’en acquérir une troisième. D’après tous ces motifs, Monsieur le Préfet, vous pouvez comprendre que nous avons agi avec réflexion et pour le bien-être de la Commune dont nous sommes les représentants. C’est pourquoi nous vous supplions d’autoriser ce devis complémentaire de notre église, et par là, doter notre commune d’un édifice durable et qui fera honneur au culte. Landres, le 13 février 1863. Le Maire : Sébastien COLLIN » Nous verrons plus loin qu’en 1914, la toiture de l’église brûlera, mais la voûte en pierre empêchera le feu de se propager et de faire des dégâts irréparables. Cela grâce à la prévoyance du maire et du Conseil de 1863. Mais la même année, le 8 novembre 1863, les trois conseillers de Piennes ne veulent pas que leur section paie une participation à la reconstruction de l’église. Ceux de Landres rejettent leurs arguments et précisent que les plans ont été changés et agrandis car Piennes et Landres forment une seule communauté religieuse et que l’église doit être assez grande pour la population des deux sections. Enfin la nouvelle église est construite La construction de cette nouvelle église se fait en 1863, 1864, début 1865, car le premier métrage des travaux est effectué le 6 juillet 1865. La dépense est de 29 845,51 F qui 71 sera très légèrement diminuée et ramenée à 29 829,19 F le 15 octobre suivant. A cela il faut encore rajouter les 5% des honoraires de l’architecte. Le coût total et définitif s’élèvera à 31 338, 09 F. La réception provisoire des travaux a lieu le 20 septembre 1865, et la réception définitive le 20 novembre 1866. Cette église est dédiée à Saint Privat, évêque de Gabales à Mende. Elle est orientée, c’est-à-dire que sa nef est en direction de l’est, vers Jérusalem. Le clocher en pierre de 4m² et l’entrée se situent donc vers l’ouest. Elle est meublée de 32 grands et 38 petits bancs de bois. Voici la description qu’en fait M. Beuvelot en 1888 : « Elle a 32 m de longueur, 12 m de largeur et 10 m de hauteur. La voûte portée par des piliers est en ogive, construite en briques creuses enduites en dessus et en dessous de mortier chaux et sable. Les fenêtres de 3,50 m de haut sont de forme ogivale, avec trois vitraux au choeur, faits en 1864 par Monsieur Lejaille de Metz. Il y a trois porches en pierre accompagnés de pilastres avec des tympan ogivaux en pierre de taille. Les portes sont carrées ( ?), avec deux vantaux pour le porche principal du clocher et un seul pour les petites portes latérales ». (1) Les deux cloches de l’époque dataient du début du siècle et n’avaient pas été fabriquées par la même fonderie. Voici l’inscription de la petite cloche : « J’ai eu pour parrain Jean-François Pirou, rentier demeurant à Murville, au nom de Saint Privat patron de la paroisse de Landres, et pour marraine Anne Lucie Dry, épouse Nicolas Ribon, laboureur de la commune de Landres - 1801 - L’an 9 de la République française - Farnier m’a faite ». La grosse cloche portait pour toute inscription : « Faite à Metz par Nicolas Duviviers et Louis Morice - L’an 1812 » (1) La chaire et les vitraux furent payés par des dons particuliers. C’est de cette façon que furent changés les autels par la suite. Les pierres tumulaires Deux anciennes pierres tumulaires ont été intégrées à la nouvelle construction. A l’intérieur, dans le mur à gauche des fonts baptismaux, celle de Catherine de Choiseul- Aigremont épouse de Didier II de Landres qui date de 1523, et dont la description détaillée a été donnée plus haut.(2) Sur le mur nord du transept, est incrustée une plaque de marbre surmontée d’une croix devant laquelle se trouve une petite statue : un prêtre en habits sacerdotaux qui tient un ciboire. Cette plaque porte une longue épitaphe gravée. Une partie du texte, en bas, très abîmée, est devenue illisible. Mais on peut y lire encore : « D.O.M. Ici gît le corps du très vénérable Claude Joseph Denis, prêtre et curé de Landres, mort le 17 juin 1822, à l’âge de 83 ans. Dans tout le cours de sa vie apostolique, il fit l’édification des paroisses confiées à ses soins ; imitateur des patriarches dans sa foi, il fut le confesseur dans la persécution, l’honneur et la gloire du clergé de son canton. Il donna l’exemple de toutes les vertus religieuses et sociales, rendit la consolation à (l’affligé ?), le soutien de l’opprimé, la ressource du pauvre dans la détresse, le..........de l’orphelin, fut l’homme ......./.......de sa divine providence ............ » Le reste est illisible. Mais tout en bas, on devine « Requiem in pacem ». (1) D’après M. BEUVELOT. « Monographie de Landres » 1888 (2) Voir la description de la pierre tumulaire de Catherine de Choiseul-Aigremont page 34. 72 Un don de l’Empereur A l’occasion de l’inauguration, Napoléon III fit don à l’église d’un grand tableau de 3 m sur 2 m environ représentant le Christ sur la croix, avec en bas, sur une plaque de bronze, cette inscription : « Don de l’Empereur ». On pouvait encore voir cette toile dans les années 1955-1960, suspendue à l’intérieur de l’église, au-dessus du grand portail, au niveau de la salle des cordes. Même que le sonneur y avait fait pratiquer un petit trou afin de pouvoir guetter le signal du prêtre lui indiquant le début de la sonnerie lors de cérémonies particulières. Piennes ne veut toujours pas payer sa part Piennes ne veut toujours pas payer de participation. Le Préfet doit intervenir. Dans sa lettre du 4 septembre 1866, il précise que « Piennes, ne formant qu’une seule communauté religieuse avec Landres, doit participer au paiement des travaux de l’église pour une valeur de 9 335,78 F, et Landres se charger du reste soit 20 002,31 F sur 31 338,09 F, déduction faite des 2 000 F de don de l’Etat ». Le 21 novembre 1866, Piennes n’ayant pas assez de ressources, ses conseillers demandent un remboursement par annuités, mais aussi que la part de leur section soit ramenée à 6 533,33 F car disent-ils, le supplément au devis n’avait pas été accepté par les trois membres de Piennes. Le Préfet rejette cette demande le 8 décembre 1866, et le 10 décembre, les trois conseillers de Piennes démissionnent. Le Préfet essaie alors de concilier tout le monde pour, dit-il, « éviter un état d’hostilité déclaré entre les deux sections, sans pour autant faire avancer d’un pas la solution à la question qui les divise. Il est vraisemblable que les habitants de Piennes, amenés au C.M. par de nouvelles élections partageraient la manière de voir de leurs prédécesseurs ». En effet, lors de l’élection partielle du 10 mars 1867, les conseillers démissionnaires sont réélus tous les trois. Il aura fallu 13 ans entre le premier devis et la réception définitive. Et aussi combien de palabres et de négociations interminables. Il faut dire que cela représentait des sommes considérables pour l’époque, pour un ordre de grandeur, les recettes du budget 1868 n’étaient que de 6 575,33 F. L’escalier extérieur fut construit en 1875 pour 5 069,80 F et réparé en 1897. En 1881, le 7 août, le C.M. porte l’assurance de l’église aux valeurs suivantes : Maître-autel et chemin de croix : 28 800 F Cloches : 10 000 F Clocher : 4 000 F Mobilier et ornement : 7 200 F Total : 50 000 F frais de quittance : 3,90 F Un don généreux de 1 200 F permit de changer l’autel en 1894. Le 19 mai 1895, le Conseil proposa d’acheter une horloge pour le clocher puisque le cadran en pierre existait déjà. Ce projet ne fut réalisé que ....un siècle plus tard, en 1994. ! ! ! Et la chapelle ! « Il existe une chapelle isolée à environ trente mètres de l’église ; cette chapelle dédiée à Notre Dame de Luxembourg et à Sainte Claire est un lieu de pèlerinage. Elle est carrée ; sa décoration consiste en un autel de bois sculpté de forme tréviroise. » dit M. Beuvelot. Dans cette chapelle carrée, au toit d’ardoise à quatre pentes, sans porte mais fermée par une grille de fer forgé, on pouvait encore voir, vers 1960, l’autel en bois surmonté de quatre petites statues de saints de 50 cm environ, en bois polychrome. Construite , disait-on, en ex- voto par un particulier sur un terrain privé, au milieu du XVIIIe siècle, la petite chapelle, faute d’entretien, s’est dégradée au fil des années. Et devenue presque une ruine, elle fut démolie dans les années 1970 pour laisser la place à une maison d’habitation. Voilà pourquoi la rue qui part à gauche, à 50 m au-dessus de l’église, s’appelle aujourd’hui : « rue de la Chapelle ». 75 Le 16 octobre, vers 9 heures du soir, le capitaine Hixtel, revenu dans sa famille pour régler les questions d’assurances relatives à l’incendie, sort quelques instants pour prendre l’air devant chez lui avant d’aller se coucher. Un coup de feu claque dans la nuit : le capitaine est assez grièvement blessé. Aussitôt les soupçons se portent sur Meunier. Le lendemain, on examine son fusil, mais celui-ci vient d’être nettoyé, et ses chaussures, soit disant trop usées et qu’il venait de jeter, étaient encore toutes mouillées. On trouve aussi chez lui de vieux journaux identiques à ceux des fragments de la bourre de la cartouche retrouvée à Amermont. Seul le curé de Landres, l’abbé François Lerond, était abonné à ce journal. Il déclara que souvent il emballait avec ces journaux les vêtements qu’il donnait autrefois à raccommoder à Mme Meunier. Meunier fut confronté à Melle Hixtelle. On reparla des pièces d’or qu’il avait montrées, on repensa alors au curé de Xivry. Meunier fut arrêté et inculpé pour incendie criminel et tentative de meurtre. Le 27 octobre, lors d’une perquisition à son domicile, on découvrit à la cave une marmite cachée sous des pierres, un porte-monnaie avec 35 pièces d’or de 20 F et deux billets de 100 F. On apprit alors qu’en septembre, il avait payé une dette de 50 F avec des « petits sous » de 5 et 10 centimes, en rouleaux, comme le faisait le curé de Xivry avec l’argent des quêtes et des troncs. Plusieurs témoins reconnurent le porte-monnaie comme étant celui du curé de Xivry. On soupçonna alors Meunier non seulement d’avoir commis le double crime de Xivry, mais aussi d’avoir provoqué la mort de sa femme et de son fils aîné. Le Parquet fit donc procéder aux exhumations et aux autopsies. Celle de la femme resta négative, mais celle de l’enfant prouva qu’il avait été étranglé car le larynx était tuméfié et les vertèbres cervicales brisées. D’autres indices irréfutables permirent une conclusion sûre et certaine. Pendant cinq mois d’interrogatoires, de confrontations, de reconstitutions, Meunier nia tout en bloc. Mais le 22 mars 1891, il avoua enfin avoir étouffé son fils avec un édredon, avoir incendié l’écurie des Hixtel et avoir tiré sur le capitaine par erreur car il voulait tuer Melle Hixtel pour se venger de son refus, et non son frère. « Je me suis aperçu de mon erreur après le premier coup, c’est pour cela que je n’ai pas tiré la seconde cartouche ». Il dit avoir trouvé un sac rempli de pièces dans une prairie entre Xivry et Preutin, mais nia farouchement être l’auteur du double crime de Xivry et de l’incendie. Le procès commença le 21 mai 1891 à Nancy. Le 23 mai, la sentence de mort fut rendue. Meunier l’accueillit avec sérénité, affirmant qu’il préférait une condamnation à mort que les travaux forcés à perpétuité. Il remercia son avocat Maître de Niceville et lui dit : « Vous m’avez admirablement défendu. Maintenant, je suis heureux, je vais rejoindre ma femme et mon fils. » Puis avec un sourire, il ajouta : « C’est égal, c’est tout de même pas ordinaire de mourir comme çà, pour une femme. » Il fut guillotiné en public, devant la prison Charles III à Nancy le 11 juillet 1891, à l’aube. Mais jusqu'à son dernier souffle, il nia le crime de Xivry. (1) Albert Mangeot (1887-1975) « Les grandes affaires criminelles en Lorraine au XIXe siècle » « Le douanier amoureux » Préface de Frédéric Pottecher - Editions Serpenoise 1977 76 La vie communale : Les calamités de la météo Les grandes sécheresses des étés 1858-1859 avaient déjà fait périr plus de 260 arbres le long des chemins, mais « le 17 juillet 1884, un orage effroyable s’est déchaîné sur Landres. La grêle est tombée avec une telle intensité qu’un grand nombre de vitres furent cassées (dont des vitraux de l’église, coût de la réparation : 66,20 F). Il ne restait rien des récoltes pourtant déjà bien avancées. Jamais de mémoire d’homme, on avait vu pareil ravage ». Le centenaire de la Révolution et la fête franco-russe Le 2 mai 1889, le C.M. vote 60 F pour célébrer le centenaire de la Révolution et le 8 septembre 1892, encore 30 F pour celui de la République. Le 3 octobre 1893, il attribue 100 F pour les cérémonies de la fête franco-russe donnée en l’honneur de la flotte russe ancrée dans le port de Toulon, avec au programme : pavoisement des édifices publics avec les drapeaux des deux pays, feux de salve le matin, illuminations et bal public le soir. Cet accueil triomphal de tout le pays permettra la ratification de l’alliance franco-russe le 27 décembre suivant. A l’école, « un homme a plus d’autorité morale et de prestige » ! En 1877, faute de ressources, il n’est pas possible d’assurer à l’école la gratuité des fournitures, mais le 18 février 1882, une subvention de 35 F est attribuée à cet effet, comme l’oblige la loi Jules Ferry de 1881 sur la gratuité. La loi de 1882 rendra l’école obligatoire et celle de 1886 affirmera sa laïcité. Quand l’Académie demande l’accord de la commune pour nommer une femme à la tête de l’école mixte, le C.M. répond le 14 janvier 1894 : « que l’instituteur de Landres remplit les fonction de secrétaire de mairie (...) que d’autre part, le Conseil estime qu’un instituteur aura toujours plus d’autorité morale et de prestige dans une école mixte qu’une institutrice ; le Conseil délibère : les écoles mixtes de Landres et Pienne seront dirigées comme précédemment par des instituteurs. » Quitte pour cela à payer une maîtresse de couture. A la même question, la même réponse sera faite en 1898. La valse des Maires En 1898-1899, en moins d’un an et demi, Landres a eu six maires différents dont certains démissionnèrent après quelques semaines.(1) Les raisons de ces changements successifs ne sont pas connues : mésententes, intérêts particuliers, divergences d’opinions politiques ou religieuses... ? C’est l’époque de la prospection des mines, mais aussi de l’affaire Dreyfus, et la France est divisée en deux clans. A chaque nouvelle élection du maire, les résultats sont inscrits dans le registre des délibérations. • Le 19 juin 1898 : Julien FRANCOIS remplace Edouard PATEL, maire depuis le 23 novembre 1896. • Le 3 juillet : François MUNIER est élu mais n’accepte pas, c’est Jean-Baptiste COCHARD qui devient maire. • Le 22 octobre : Au premier et au deuxième tour de scrutin, tous les conseillers ont une voix. Au troisième tour, sur 8 votants il y a 6 bulletins blancs et 2 exprimés : Nicolas RUSE obtient 1 voix, Eugène CHARY également 1 voix. Nicolas RUSE est élu au bénéfice de l’âge. • Le 20 novembre : au premier tour, Edouard PATEL obtient 6 voix sur 7 exprimées mais refuse la place. Au second tour, c’est Nicolas MUNIER qui est élu avec 6 voix sur 7. • Le 17 août 1899 : Nicolas MUNIER démissionne. Comme l’adjoint de Piennes, Nicolas Hubert JACQUES ne peut pas venir tous les jours, le Sous-Préfet nomme le plus ancien conseiller, Edouard PATEL, comme délégué en attendant les nouvelles élections. • Le 1er octobre 1899 : Edouard PATEL est élu maire par le nouveau C.M. et le restera jusqu’en 1908. (1) M. BEUVELOT. « Monographie de Landres » 1888. (2) Voir en annexe 5 la liste des maires de Landres. 77 Interdiction de la mendicité Le 25 février 1900, le maire de Landres prend un arrêté relatif à la mendicité :   « Considérant qu’un très grand nombre de personnes capables de gagner leur vie demandent l’aumône dans la commune de Landres, située sur une route départementale très fréquentée, que certains individus à qui on refuse l’aumône sont impolis envers les habitants, Arrête : La mendicité est interdite dans la commune. Les mendiants de la commune auront une autorisation spéciale qui pourra leur être retirée s’ils vont mendier dans une autre commune. Les mendiants qui ne sont pas de la commune devront la quitter au plus vite, sinon il seront remis aux autorités ». La Lorraine s’industrialise La population de Landres-et-Piennes qui était de 502 habitants en 1851, juste après la séparation de Mont, est descendue à 411 en 1886, baisse expliquée à l’époque par l’instituteur, M. Beuvelot, par un exode vers les centres industriels sidérurgiques de la région. En effet, ceux-ci commencent à se développer à partir de 1882 grâce à la découverte en 1877 du procédé Thomas-Gilchrist qui permet la fabrication de fonte et d’acier avec le minerai de fer phosphoreux lorrain. Le gisement du Pays-Haut, resté français, est prospecté dès 1893 à une profondeur moyenne de 200 mètres. « Alors de part et d’autre de la frontière, le Plateau Lorrain se hérisse de chevalements de mines et les usines s’allongent, serrées au fond des vallées (...) et le visage de la Lorraine se transforme. Les villages, comme par enchantement, se muent en villes populeuses. Et il faut faire appel à la main-d’œuvre étrangère ».(1) La population rurale ne peut pas fournir les milliers d’ouvriers nécessaires au développement des nouvelles usines pour lesquelles le problème de main-d’œuvre est un souci constant. Alors de Longwy, Villerupt, Joeuf, Homécourt, de nombreux agents des maîtres de forge et des sociétés minières partent recruter des émigrés, principalement des Italiens, qui arrivent par trains entiers, rarement par familles, pour travailler dans la sidérurgie du Pays-Haut. L’installation des mines Le 23 avril 1898, le C.M. demande « que la ligne de chemin de fer Villerupt-Audun- Briey passe plus près de Landres, au lieu de passer à Bettainvillers, parce qu’il y aura bientôt plusieurs puits d’extraction de mine dans la région ». En effet, c’est l’époque de la prospection puis de l’installation des mines de fer. En 1900 et 1901, la commune de Landres vend beaucoup de petites parcelles à la sociétés des aciéries de Micheville installées à Villerupt. Le fonçage du puits se fait entre 1900 et 1904. Comme dans la plupart des cas, la mine s’implante loin du village, à la limite du ban communal, juste à cheval entre Landres et Piennes. Cette situation lointaine favorisera plus l’extension de Piennes que celle de Landres. Années de fonçage des puits Profondeur Nombre d’ouvriers en 1910 du fond du jour Piennes Nord-Est 1900-1903 220 m 434 178 Landres Micheville 1900-1904215 m 679 322 Joudreville 1906-1908234 m 296 92 Bouligny Amermont 1906-1908225 m 442 130 Piennes La Mourière 1907-1909 235 m 97 83 Murville 1907-1909200 m 123 88 (1) Jean Morette : « Le fer en Lorraine. » 80 Une explosion démographique La population de Landres-et-Piennes augmente considérablement en quelques années. Passant de 359 en 1896 (chiffre le plus bas), à 431 en 1901, elle atteint déjà 1638 habitants en 1906, et continue à s’accroître rapidement. En 1909, les trois quarts des cités ouvrières de Micheville sont construites à Piennes, toutes le seront en 1914, y compris celles des employés à Landres qui seront bâties en dernier. Les rues reçoivent les noms des principaux actionnaires de la société : MOUSTY, NICOUT, SIMON, CURIQUE, FERRY, CAVALIER ... A Landres, seules les cités de la rue de la Mine, du côté gauche datent de 1955. Population des communes du bassin Avant les mines recensement dont en 1896 de 1911 étrangers LANDRES ) 873 332 ) 359 PIENNES ) 3313 2272 JOUDREVILLE 166 1419 557 BOULIGNY 324 2660 1257 MURVILLE 206 283 74 MONT-BONVILLERS 195 737 ? TRIEUX 291 1624 820 TUCQUEGNIEUX 239 2565 1519 MAIRY 381 403 ? NORROY-LE-SEC ? 550 ? TOTAL 2121 14 427 6831 et aussi en 1911, BRIEY : 2894 JARNY : 3411 HOMECOURT : 7006 JOEUF : 9589 Sur l’ensemble de ces villages des bassins de Landres et de Tucquegnieux, le nombre d’habitants passe de 2161 à 14 427 en 15 ans (soit 7 fois plus) dont plus de 6831 étrangers soit plus de 47%. En 1911, Piennes compte deux fois plus d’étrangers que de Français. Il faut nourrir, habiller, divertir tout ce monde, même si à l’époque on travaille douze heures par jour, six jours sur sept. Alors, les commerces se multiplient et se développent, et Landres a bientôt 4 boucheries, 3 magasins d’alimentation, plusieurs boulangeries, une brasserie, et de nombreux cafés qui font aussi dépôts de boissons... Et tout s’organise autour de la vie de la mine, et des appels du « gueulard » (1) qui rythment le début et la fin du travail des ateliers du « jour », la descente ou la remontée des mineurs du « fond » qui se relaient par postes du matin ou de l’après-midi. (1) La sirène de la mine a toujours été appelée : « le gueulard », et l’ascenseur : « la cage ». 81 Les écoles manquent de places... 62 enfants fréquentent l’école de Landres en 1906, sur 94 d’âge scolaire. Une demande est faite pour ouvrir une école de filles. Celle-ci s’établira provisoirement en 1909 dans la maison isolée à l’angle de la route de Briey et du « chemin de Piennes », maison que les anciens de Landres appellent la « maison Barthélémy ». Toujours en 1906, Piennes a déjà 470 habitants et, le 30 mars 1907, presque 1000. Sur 130 enfants, 30 à 40 seulement vont à l’école qui a été faite pour 20. Beaucoup doivent être scolarisés à Joudreville. On envisage alors de construire un groupe scolaire dont le devis s’élève à 79 563,50 F. Il sera bâti à partir de 1909. La mine de Landres-Micheville finance la totalité des travaux, la commune apportant seulement sa caution pour garantir l’emprunt effectué. En contrepartie, la société de la mine demande que tous les enfants de ses ouvriers et employés soient inscrits à cette école. A partir de cette époque, les enfants des cités de Landres fréquenteront toujours l’école de Piennes, sauf pendant l’occupation allemande de 1940 à 1944. ...et le cimetière aussi Même le petit cimetière paroissial entourant l’église devient trop petit. Un nouveau, bien plus grand est aménagé en 1909 sur la route de Mont pour la somme de 11 916,37 F. Beaucoup d’anciens du village feront transférer les défunts de leur famille dans les sépultures plus récentes du nouveau cimetière. L’ancien, bien que désaffecté, conservera longtemps des stèles et des pierres tombales. Laissé à l’abandon, rempli d’orties, de ronces et de sureaux, il deviendra, dans les « années cinquante », le terrain de jeu privilégié des garçons du village, au grand dam des anciennes familles de Landres qui y voyaient la profanation d’un lieu consacré. Pourtant ce n’était pas le cas, car c’était sans malice, ni mauvais esprit que les enfants y jouaient, je peux en témoigner. Un nouveau lavoir et un ruisseau bien clair L’ancien lavoir, installé au milieu de la rue du Thiam, près de la source qui lui donnait son eau claire, devenait trop vétuste. En 1906, un nouveau lavoir-fontaine alimenté par la même source, avec un abreuvoir en pierre pour le bétail, est donc construit pour 9 500 F au bord du ruisseau, près du gué permettant de rejoindre les terrains de la « Fincelles ». Le ruisseau de Landres appelé « la Gueule », ne portait autrefois ce nom qu’après avoir reçu les sources de Preutin. Ce nom apparaît la première fois à Landres le 7 juillet 1906. Sa source d’origine était sur le versant sud de la colline de Murville appelée « le Haut de Frémont », point culminant de la commune. La construction du remblai de la voie ferrée coupa le ruisseau de sa source. On voit encore son fossé d’écoulement traverser la petite route de Mont, en direction du sud, et se diriger vers le bois de Landres et l’ancienne mare. Heureusement d’autres sources venant du bois s’y déversaient. De plus, celle de la rue du Thiam qui alimentait le lavoir avant de rejoindre le ruisseau, lui fournissait un complément conséquent et régulier. Dès son installation, la mine de Murville envoie ses eaux d’exhore dans le ruisseau de Landres. Grâce à cet afflux, le débit devient bien plus important, évacue les vases et rend l’eau plus claire, si claire que quelques riverains y installeront de petits lavoirs particuliers. Mais vers 1925, suite aux réclamations de plusieurs agriculteurs qui se plaindront que le ruisseau inonde trop souvent les prés de « la Colline », les eaux de la mine de Mont seront détournées et envoyées vers le Woigot à travers le bois de Landres. Privé de cet apport abondant et clair, « la Gueule » retrouvera son faible débit et s’envasera rapidement. 82 La séparation de Piennes Piennes, qui est entouré par trois mines (Landres, Nord-Est et La Mourière) s’agrandit plus vite que Landres. Avec près de 1000 habitants, une commune indépendante devrait pouvoir être créée. Une nouvelle demande de séparation est donc rédigée. Le 8 novembre 1907, les habitants de Piennes élisent une commission dont les cinq membres étudieront les modalités de la séparation. Une enquête de commodo-incommodo est faite dans les deux sections. Le 6 octobre 1908, l’enquête n’ayant montré aucune opposition, le C.M. émet un avis favorable, renouvelé le 18 mars 1909. Le 6 juin suivant, le partage des fonds entre Piennes et Landres est effectué. Le 11 juillet 1910, le décret de la séparation officielle est signé. En voici le texte exact : République française Préfecture du département de Meurthe-et-Moselle « Loi distrayant la section de Piennes de la commune de Landres (Meurthe-et-Moselle), pour l’ériger en municipalité distincte. Le Sénat et la Chambre des Députés ont adopté, Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : Article 1er : Le territoire de la commune de Landres (canton d’Audun-le-Roman, arrondissement de Briey, département de Meurthe-et-Moselle) est divisé en deux communes dont les chefs-lieux sont fixés à Landres et à Piennes et qui porteront les noms de ces deux localités. La limite entre les deux communes est déterminée par le liseré rouge figuré au plan annexé à la présente loi. Article 2 : Les dispositions qui précèdent recevront leur exécution sans préjudice des droits d’usage et autres qui peuvent être respectivement acquis. Article 3 :La commune de Piennes sera exclusivement chargée de l’amortissement des emprunts autorisés par les arrêtés préfectoraux du 3 août 1908 et de 17 avril 1909. L’amortissement de l’emprunt autorisé par l’arrêté préfectoral du 23 novembre 1906 sera assuré dans les proportions de deux tiers par la commune de Landres et de un tiers par la commune de Piennes. La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et la Chambre des Députés, sera considérée comme loi de l’Etat. Fait à Paris le 11 juillet 1910 Pour le Président de la République Signé : Armand FALLIERES Le Président du Conseil Ministre de l’Intérieur et des Cultes Aristide BRIAND Les nouvelles communes Une délégation de trois membres assure les affaires courantes à Landres. Dans les deux communes, les élections spéciales des 14 et 21 août 1910 désignent les nouveaux conseillers municipaux qui choisiront les maires. A Piennes, M. Emmanuel DUVIVIER devient le premier maire. Il est le directeur de la mine de Landres. Déjà maire de Landres-et-Piennes depuis les élections du 3 mai 1908, il ne demandera pas le renouvellement de son mandat aux élections du 5 mai 1912. A Landres, c’est M. Louis RAYNAL, sous directeur de la mine qui est élu maire, avec comme adjoint M. Gilbert BOSQ, commerçant en charbon et matériaux. Ils resteront à la tête de la commune jusqu’en 1940, en inversant leurs fonctions après 1918. Les sociétés minières « placent » presque toujours un de leurs employés à un poste de responsabilité à la tête des communes. Il leur est alors plus facile de contrôler les municipalités et d’orienter la politique et les options communales. 85 Le 19 août, sous l’effet d’une attaque française, les Allemands se replient et les chasseurs à pied français libèrent le village. Deux divisions françaises s’avancent jusqu’à Audun-le-Roman. Un soldat du 155e régiment d’infanterie, qui a traversé Piennes, a laissé un témoignage touchant : « Nous traversons Piennes, village situé au milieu des centres d’extraction de minerai de fer et dont la population italienne qui domine, forme une haie d’honneur sur notre passage. A voir tant d’enseignes italiennes (cordonneries, épiceries, charcuteries, etc.), je pourrais me demander si nous n’avons pas franchi la frontière italienne ! Les poilus du 155e peuvent se désaltérer en puisant dans des seaux contenant du vin rouge étendu d’eau. Une épicière italienne remet à notre capitaine un bouquet et une centaine de « surprises » pour les « grands enfants que nous sommes ». (1) L’offensive du 21 août « Dans le Pays-Haut, la guerre n’entra dans sa phase décisive que le 21 août 1914. (...) L’offensive fut décidée le 21 au matin. Les eux armées s’avancèrent l’une vers l’autre, l’armée française monta vers le nord depuis l’Orne et l’armée allemande descendit vers le sud depuis la Belgique et le Luxembourg. L’affrontement eut lieu le 22 août sur la Chiers et la Crusne, opposant la 3e armée française (4e, 5e, 6e Corps, 7e division de cavalerie) et la 5e armée allemande aux ordres du Kronprinz, fils aîné de Guillaume II, l’empereur d’Allemagne ».(2) Le 21 août, les Allemands ont « poussé une pointe » jusqu'à Landres et ont saccagé la gare. Le 22 au matin, les deux armées s’affrontent sur le plateau d’Aumetz, et les troupes allemandes, supérieures en nombre, repoussent les Français vers Audun, Mercy-le-Haut, et Pierrepont. La charge du 12e régiment de Chasseurs à cheval (2) « Depuis l’aube de ce 22 août, le 2e escadron du 12e RCC, capitaine Jean de la TAILLE, est en observation près de la gare de Landres, un groupe est en poste à Murville et un autre près de Bonvillers, le reste du régiment se tenant à Domprix. Le canon gronde de toutes parts, quelques shrapnells éclatent au-dessus de la côte de Murville. Vers 15 heures, par un chasseur cycliste, le capitaine reçoit l’ordre de rejoindre le gros du régiment à Domprix. Pendant le repli, un de ses sous-officiers l’informe qu’une troupe de cavalerie allemande approche par la route de Xivry. Le capitaine de la TAILLE gagne une colline située au nord de la mine (certainement la côte de la Justice) d’où il peut observer la plaine. Il aperçoit effectivement, à 1500 m de là, une importante unité de cavalerie ennemie qui se dirige vers Landres. Ce sont des dragons du 2e Badois. La troupe s’arrête, envoie des éclaireurs vers Landres, puis fait demi-tour paraissant juger sa position trop avancée. Le capitaine décide alors de franchir la voie ferrée en passant le pont entre Landres et Piennes. Mais les Allemands ne se sont pas retirés. Ils ont atteint Landres, contourné les bâtiments de la mine et se présentent à 300 m, déjà rangés en ordre de bataille : l’affrontement est inévitable. Les forces sont inégales : 8 escadrons de dragons allemands contre seulement 3 escadrons de chasseurs français (80 hommes). Ceux-ci ont juste le temps de franchir le pont, de se déployer dans un champ d’avoine de l’autre côté, avant d’engager le combat. (1) G.BAILLON-F.GHINOLFI-B.RAGGIOLI-S.TRUBA «Piennes : de la chaumine à la minette» (2) Docteur Pierre MANGIN : « A feu et à sang » Ed. Serpenoise 1971. Page 116. 86 Le premier groupe de dragons charge, lances baissées pendant que le reste traverse le pont. Et, pendant de longues minutes, c’est la mêlée furieuse, à coups de sabres, de lances, de pistolets. Les chasseurs se battent courageusement. Il y a déjà de part et d’autre plusieurs morts et de nombreux blessés. Mais l’ennemi est trop supérieur en nombre. Le capitaine, profitant alors de l’indécision du combat, donne l’ordre de repli et fait sonner la retraite, espérant pouvoir rallier son escadron dans le petit bois de La Mourière à un kilomètre de là. Les chasseurs couverts de sang et de sueur se dérobent et parviennent à se mettre à l’abri dans le bois. Les Allemands, fortement « étrillés », ne poussent pas leur avantage et ne les poursuivent pas. » La bataille a été chaude et, à l’abri des arbres, on commence à secourir les blessés et à compter les pertes : 12 tués dont 2 sous-officiers, et 32 blessés dont 3 officiers et 3 sous- officiers. Plusieurs blessés ont été faits prisonniers. Du côté allemand, il y a eu plusieurs morts et de nombreux blessés mais le nombre n’a jamais été connu. Le 2e Dragon Badois doit cesser son avance et ce qui permet le repli du reste de la 7e D.C. et de la 40e D.I. françaises. Cette charge est considérée comme l’une des dernières grandes charges de cavalerie de cette guerre et de l’histoire. Elle est citée en tant que telle au Musée des armées aux Invalides à Paris.   22 août 1914, journée noire pour le village de Landres Le retour des Allemands A l’annonce de l’offensive allemande, beaucoup d’habitants fuient encore, craignant à juste titre la férocité des envahisseurs. Il ne reste plus au village que le cinquième de la population. Nombreux sont les lorrains qui passeront toute la guerre à l’arrière du front, réfugiés dans différentes régions et hébergés dans des familles d’accueil. Vers 16 heures, toujours ce 22 août, des cyclistes venant de Mont préviennent de l’arrivée imminente des Allemands. Quelques minutes plus tard, des uhlans, pénètrent dans le village en hurlant et en tiraillant dans tous les sens. Ils sont suivis de près par l’infanterie. Peut-être essuient-ils quelques coups de feu ? En tout cas, c’est ce que prétendent les Allemands qui repèrent un jeune homme sur le toit de la ferme HURLAUX : c’est Charles TINTINGER. Celui-ci y est monté pour mieux suivre le mouvement des troupes. Le considérant comme une franc-tireur, ils le délogent et l’abattent aussitôt sans plus d’explications. Et les représailles commencent. De froids assassinats Des soldats Allemands entassent de la paille autour de l’église et y mettent le feu. Ils espèrent ainsi faire sortir du clocher d’éventuels francs-tireurs mais il n’y a personne. Ils massacrent aussi sauvagement à coups de lance deux civils au hasard : messieurs Clément STRAMBELLI et Pierre GUENZI, et en abattent un troisième dans sa maison, monsieur Nicolas BRENNER, sous les yeux horrifiés de sa famille. De nombreuses années plus tard, son fils qui, tout gamin, a assisté à cet assassinat a fait le récit émouvant de cette journée dramatique : « Les Allemands fracassèrent à coups de crosse la porte d’entrée qui était vitrée (maison n° 6, rue du 22 août). Mon père se précipita, mais un Allemand lui tira dessus à bout portant à travers la porte brisée. Ma mère arriva aussitôt et essaya en vain de le ranimer avec du vinaigre. On nous chassa alors de notre maison vers la route de Mont. Le village fut incendié. Un peu plus tard, ma mère et ma sœur retournèrent jusqu'à notre maison pour sortir le corps de mon père qui était resté là, étendu dans le couloir. Elles l’allongèrent au milieu de la rue peu passante car de chaque côté les maisons brûlaient. » 87 L’incendie du village Monsieur NAUDIN raconte : « Les Allemands mettent le feu aux maisons. Terrifiant et douloureux spectacle pour ceux qui y ont assisté ! Les habitants qui sont restés, environ 125 personnes, y compris les enfants, sont atterrés. Les larmes aux yeux, la rage au cœur, ils regardent, impuissants, hébétés, l’anéantissement de leurs biens, entendant les rires gutturaux et les hurlements des Vandales que ce lugubre tableau amuse. Les parties nord, ouest et le centre du village sont bientôt la proie des flammes, et seule la partie est est épargnée grâce à un officier allemand à qui sans doute répugnaient ces procédés de destruction sauvage et sans nécessité aucune, et qui conseilla à la population effrayée de se réfugier dans la rue du Thiam, sachant qu’elle serait épargnée. Le secrétaire de mairie avait pu mettre en sécurité les registres des délibérations et quelques autres pièces (qui avaient commencé à brûler). Bien lui en prit car toute la maison commune située face à l’église s’effondra dans le sinistre avec ses précieuses archives, perte irréparable ! 66 maisons sont entièrement détruites. La grosse cloche de l’église tombe à la suite de l’incendie de la toiture. 65 maisons dont celles de la mines, à l’exception de deux, ne sont pas atteintes. Le 83e régiment d’infanterie de Cassel et de Weimar s’est rendu tristement célèbre par ces odieux exploits ». Les Allemands incendient aussi, mais par erreur, la maison du directeur de la mine de Murville à Mont, croyant que c’était celle du directeur de la mine de Landres. En effet, la mine de Murville qui travaillait depuis longtemps pour des usines allemandes, devait être épargnée. Monsieur BRENNER dit encore : « Le lendemain, après une nuit passée debout, il fallut se rendre auprès du corps de mon père. Celui-ci était carbonisé à la hauteur de la poche de son pantalon. Quelques pièces d’or avaient roulé sur le sol, pièces remises par ma mère pour qu’il parte dès l’annonce de l’arrivée des envahisseurs. De l’autre côté de la rue, un spectacle désolant s’offrait à nos yeux : deux hommes, Messieurs STRAMBELLI et GUENZI, avaient été tués à coups de lance ; ces corps portaient d’affreuses blessures. Le cadavre d’un jeune homme, Charles TINTINGER, était assis, un fusil entre les bras. On raconta que les Allemands lui avaient mis cette arme ainsi pour justifier leurs actes. Les gens n’osaient pas enlever les victimes, craignant des représailles. Les Allemands exposèrent les cadavres près d’un tas de fumier, sur la place devant l’église dont seule la toiture brûlait. Et durant quatre jours, le village brûla, l’incendie se propageant par les poutres des maisons accolées. Certains parvinrent à sauver leur habitation en coupant les poutres qui la reliaient à la maison voisine qui flambait. Et pendant ces quatre jours, les corps restèrent ainsi exposés pour effrayer les habitants qui n’avaient pas fui. Le menuisier terrorisé refusa de faire des cercueils. Cependant deux fermiers prêtèrent un tombereau. On enveloppa les corps dans des draps récupérés dans des maisons épargnées. On plaça les corps sur de la paille dans le tombereau et, les un poussant, les autres tirant, le cortège prit la direction du cimetière. Comme la bataille faisait encore rage dans les environs, on se hâta d’enterrer les victimes qui reposèrent sur de la paille, à peine à 60 cm de profondeur ». 90 Des tirailleurs sénégalais et aussi le commandant du fort de Vaux Plusieurs fois, parmi ces prisonniers, on a vu de nombreux tirailleurs sénégalais. Les Allemands les redoutaient particulièrement et craignaient viscéralement de se trouver face à eux, tant ces terribles guerriers africains se battaient avec ardeur et courage, mais surtout, disait-on, parce qu’ils ne faisaient jamais de prisonniers. Pourtant les conditions climatiques des champs de batailles de la Meuse ne leur rappelaient en rien les chaleurs tropicales ! Le 2 juin 1916, le fort de Vaux est conquis par les Allemands. Quelques jours plus tard, le commandant RAYNAL, l’héroïque défenseur du fort, arrive à Landres, l’épée au côté, rare honneur, escorté par des uhlans. Bilan de la bataille de Verdun : 700 000 tués, 338 000 Allemands et 364 000 alliés. Il est logé plusieurs jours dans une maison du village, au n°3 de l’actuelle rue Raymond Poincaré, avant de prendre, lui aussi le chemin de l’Allemagne. La réquisition de la cloche et l’armistice En 1917, les Allemands réquisitionnent le bronze dont ils ont un énorme besoin pour fondre de nouveaux canons. Ils s’emparent de la moyenne cloche de l’église, la grosse étant tombée en août 1914 après l’incendie de la toiture. Ils la précipitent du haut de la salle des cloches jusqu’au bas des escaliers, défonçant ainsi les deux étages du clocher et brisant plusieurs marches de granit bleu de l’escalier extérieur Le 6 avril 1917, les U.S.A. entrent en guerre apportant un renfort considérable sur le front ouest. En novembre c’est la révolution russe qui amène le parti bolchevik au pouvoir. Un armistice est négocié dès la fin décembre. La paix séparée sera signée le 3 mars 1918 à Brest- Litovsk en Biélorussie. La guerre que l’on avait espérée très courte s’éternise. De mois en mois, le ravitaillement se fait de plus en plus difficilement, même pour les Allemands dont le moral baisse de jour en jour. Enfin, le lundi 11 novembre 1918, un soldat de la Kommandantur placarde cette affiche : « Aujourd’hui à midi, c’est l’armistice ». Le travail s’arrête, on s’embrasse, une joie délirante s’empare de tous les habitants. C’est la fin d’un cauchemar affreux qui a duré 51 longs, très longs mois. Un petit regret, les cloches ne sonnent pas à Landres : il n’y en a plus ! Très vite, les vaincus embarquent leur matériel et s’en vont. Les troupes américaines entrent les premières au village, suivies de peu par les « poilus » français. Les hommes mobilisés rentrent bientôt, mais aucun n’est indemne. Sur les 135 qui étaient partis, 20 ne sont pas revenus. Leurs noms sont inscrits sur une plaque de marbre dans l’église et sur le monument dressé au milieu du cimetière : APPEL Valentin BARRIÈRE Jules BOUVIER Louis CASAGRANDE Gaëtan DE PAOLI François FEITE Albert HUMBERT Joseph JESPAS Emile JOUVE Ernest KRINE Léon LANIER Eugène LANNOIS Louis LAVIGNE Gaston LAVIGNE Maurice LHARNOULT Henri MANIEZ Charles MARTIN César POUSSEUR Henri TISSIER Louis VANDERNOTE Louis Parmi eux, les frères LAVIGNE, morts pour la France à 21 et 23 ans. Ils étaient les seuls enfants de cette famille. Leur mère ne se consolera jamais de ce double deuil. 91 Congratulations et reconnaissance Dès son retour de captivité, Monsieur NAUDIN reprit ses fonctions de secrétaire de mairie et, sur le registre des délibérations qui portait encore les traces des flammes, il relata le début de la guerre et l’incendie du village. Lors de la première réunion du Conseil municipal, les conseillers demandèrent que soit ajouté à ce récit le texte suivant : « Et les membres du Conseil, tout heureux de se réunir après une aussi longue séparation, se félicitent de constater, fait rare sans doute, qu’aucun des leurs ne manque à l’appel pour reprendre enfin le cours des travaux et essayer de réparer les désastres causés. Landres, le 27 avril 1919 » Le 29 juin 1919, le C.M. adresse également la lettre suivante au général PERSHING, commandant en chef des armées américaines en France : « Le Conseil municipal de Landres manifeste sa vive sympathie pour la noble nation américaine qui, dans la lutte du Droit et de la Justice, a uni ses efforts à ceux de notre chère France contre la barbarie et la perturbation de la paix du monde. Il prie Monsieur le Général PERSHING d’être auprès du gouvernement américain son interprète pour lui adresser l’expression de sa profonde gratitude pour l’éminent service rendu à l’Humanité. » La commune de Landres recevra la Croix de Guerre, décoration honorifique attribuée aux villes et aux villages qui ont subi d’importants dommages pendant la guerre. 92 « L’ENTRE - DEUX - GUERRES » : 1919 - 1939 Premier travail : reloger les familles de retour Un immense travail attendait la municipalité et les habitants pour réparer les terribles dégâts causés par la guerre. Dès les premiers mois de 1919, il fallut reloger les familles qui revenaient des zones libres. En effet, de nombreux habitants étaient partis dès le début des hostilités. Ces « réfugiés », éparpillés dans toute la France rentraient au village. Beaucoup n’y retrouvaient que des ruines. Des baraquements préfabriqués utilisés par l’armée pendant la guerre, sont mis à disposition des habitants. Ces « baraques Adrian » (1) en planches, avec un toit de toile goudronnée, sont posées sur une simple dalle de béton et installées provisoirement, pour cinq ans tout au plus. Pourtant une vingtaine seront encore utilisées en 1950. Aujourd’hui encore, certaines sont toujours habitées après avoir subi d’importantes modifications. La commune doit louer à des particuliers des maisons libres pour installer l’école et la mairie. En définitive, pour une question d’économie, l’école sera installée dans une « baraque Adrian » dans un pré, au bout de la rue du Thiam. Une priorité absolue : la reconstruction du village Après les élections du 30 novembre 1919, Monsieur Gilbert BOSQ devient le maire de Landres et Monsieur RAYNAL son premier adjoint. Ils dirigeront la commune jusqu’en 1940. La première préoccupation de la nouvelle municipalité est de trouver des crédits importants et de se faire verser les « dommages de guerre » payés par l’Allemagne en vertu des accords du traité de Versailles du 28 juin 1919. Ensuite, on établit un plan de reconstruction, d’embellissement et d’extension du village. Le 10 août 1919, une société coopérative pour la reconstruction est constituée. Monsieur ESCHBARCHER, architecte, et Monsieur DAGO, entrepreneur à Villerupt, reçoivent la lourde tâche de diriger les travaux. Début 1920, on commence par réparer les rues qui sont dans un état pitoyable, et par déblayer les ruines, en séparant les pierres réutilisables des gravats. Ceux-ci seront déposés dans les carrières et les terrains communaux ou serviront à remblayer des chemins dans les communes voisines, jusqu'à Saint-Supplet. Les pierres de récupération sont souvent de mauvaise qualité. Certaines ont été surchauffées pendant les incendies et deviennent des pierres « brûlées » très friables. D’autres provenant des écuries et des étables, imbibées par l’urine des animaux, seront à l’origines de nombreuses taches de salpêtre sur les murs. Enfin le complément est extrait directement dans les carrières de Landres, mais comme ces pierres sont immédiatement utilisées, elles n’ont pas le temps de bien sécher, et donneront des murs remplis d’humidité. La création de la place et nouvel emplacement pour l’école On décida alors de supprimer les deux pâtés de maisons complètement en ruines qui faisaient face à l’église, pour y créer la place actuelle, et donc de déplacer l’école et la mairie. Par un accord avec le propriétaire, la ferme DAUPHIN sera reconstruite au lieu-dit « la Maladrie », sur la route de Xivry, avant le pont, libérant un espace suffisamment vaste pour bâtir la mairie et le nouveau groupe scolaire avec deux classes et deux logements. Les arbres sur la place ne seront plantés qu’en 1930. (1) Louis Auguste ADRIAN (1859-1933) polytechnicien, adjoint au directeur de l’intendance au ministère de la guerre mit au point ces baraquements “préfabriqués“ ainsi que le célèbre casque du poilu. 95 ... et un nouveau coq Un nouveau coq, fabriqué par le forgeron, monsieur GALLILEE, est installé sur le clocher par monsieur GAUL, le charpentier de Landres, qui a monté l’échafaudage. Il avait aussi participé à la reconstruction et beaucoup de charpentes des maisons neuves du village lui sont dues. Une ancienne coutume a été respectée : la veille du jour prévu pour le baptême, la bénédiction et l’installation du nouveau coq, le charpentier et ses ouvriers le présentent aux habitants, tout enrubanné, lors d’une promenade solennelle dans toutes les rues du village. Puis ils passent le montrer dans chaque maison, reçoivent chaque fois un peu d’argent, et boivent « un petit coup » de mirabelle. Si bien qu’à la fin de la tournée, plus aucun d’eux n’est capable de marcher droit. L’argent, qu’ils se partageaient ensuite, était une sorte de « prime de risque » car l’entreprise était fort périlleuse et il n’existait alors ni Sécurité Sociale, ni indemnités d’accident de travail. Le « petit coup de goutte », c’était pour leur donner le courage de monter tout en haut du clocher. « Pour grimper là-haut, il faut être fou ou saoul » ne craignait pas d’affirmer le « père » GAUL, comme on l’appelait au village. Et toujours des travaux On a reconstruit aussi le presbytère à côté de l’église pour la somme de 93 000 F. Un syndicat pour l’adduction de l’eau est mis en place et on envisage d’installer un réseau partiel d’éclairage public. En mai 1925, la commune demande des subventions pour réparer les rues dont la largeur a été fixée à 12 mètres (8 000 F), pour poser des bordures de trottoirs, des caniveaux et créer un réseau d’égout (158 750 F). En 1928, le ruisseau doit être curé pour 3 250 F, plus la participation des riverains. Le 25 février 1928, le C.M. décide le remboursement anticipé de l’emprunt de 30 000 F contracté auprès du Crédit Foncier en 1922. En 1929, c’est la charpente et la couverture du clocher qu’il faut réparer (1 600 F). Puis le goudronnage des rues est réalisé (38 000 F) ainsi que le revêtement en tarmacadam de la cour des écoles, avec mur d’enceinte et portes en fer (25 000 F). Ces travaux se terminent le 11 avril 1931 par l’acceptation d’une facture des « Fils DE WENDEL » pour la fourniture de 20 tonnes de goudron à 380 F la tonne. Un projet de distribution de gaz de houille est étudié, mais restera sans suite. C’est aussi à cette époque que sont plantés tous les tilleuls autour de la place. En 1933, l’escalier de l’église est réparé (2 850,74 F) et en 1936, on reconstruit, en l’élargissant, le pont sur le ruisseau à l’entrée du village. D’énormes pierres formaient un parapet bas, et l’une d’elles était tombée dans le ruisseau quand une voiture l’avait percutée par un jour de verglas. Pour plus de sécurité, elles seront remplacées par des barrières en fer plus hautes. Le devis est passé de 20 000 à 34 000 F, la dépense étant répartie ainsi : Etat : 2 380 F, département : 15 640 F, commune : 15 980 F. Les impôts locaux Les impôts locaux existaient depuis longtemps et le C.M., pour financer les travaux et les emprunts, votait chaque année des « centimes additionnels » afin équilibrer le budget. Mais jusqu'en 1940, ceux qui le désiraient, généralement les plus démunis, pouvaient remplacer le versement en argent par des « prestations » (1). Celles-ci consistaient à effectuer certains travaux pour la commune, principalement le nettoyage ou le curage des fossés. Le maire et le cantonnier déterminaient la longueur de fossé à nettoyer proportionnellement à la valeur de l’impôt demandé. (1) « prestations » : voir pages 62 et 63. 96 Il faudrait une troisième classe En 1924, Monsieur NAUDIN a laissé sa place à Monsieur BARTHELEMY à la direction de l’école de garçons. Monsieur PIQUARD lui succédera en 1931, remplacé à son tour par Monsieur Joseph HUGLA en 1935. Cette année-là, la commune accorde les fournitures gratuites pour tous les élèves. Mais comme la population a encore augmenté et a atteint 750 habitants, il y a 117 élèves de 3 à 13 ans au village, et plus 23 aux cités qui vont à l’école de Piennes. Le 10 mai 1932, Albert LEBRUN, né à Mercy-le-Haut en 1871, devient Président de la République. Les deux classes du village sont si surchargées qu’elles ne peuvent pas accueillir les enfants de 5 ans. On envisage alors de construire une classe enfantine. Début 1932, les devis sont acceptés d’abord pour 210 000 F puis pour 225 750 F. Mais la crise des années trente survient et atteint toutes les industries. Partout, l’activité diminue et les ouvriers sont confrontés au chômage, souvent partiel (25 heures par semaine) et parfois total, hélas sans indemnités. Beaucoup s’en vont chercher du travail ailleurs, et la population diminue. Elle descendra même à 628 habitants en 1936. Le projet de construction de la classe enfantine a été abandonné depuis longtemps, en janvier 1933. A la rentrée 1938, les deux classes reçoivent 90 élèves et 25 enfants d’âge scolaire ne peuvent pas fréquenter l’école. Alors, le 5 novembre 1938, le C.M. décide d’aménager provisoirement une troisième classe, annexée à l’école de garçons, dans le presbytère inoccupé depuis 1936. Avec l’arrivée du Front Populaire en 1936, l’activité reprend et le moral des ouvriers remonte. Cela malgré des bruits de bottes inquiétants outre-Rhin. En effet, depuis cette année-là, Landres et Piennes ont été regroupés en une seule paroisse et le prêtre habite à Piennes. Mais en mars 1939, le C.M. préfère louer le presbytère aux P.T.T. pour installer la nouvelle poste (location 350 F les deux premières années, puis 750 F les suivantes). La troisième classe sera provisoirement installée dans la salle des délibérations de la mairie. Ce provisoire, en partie à cause de la guerre, durera 18 ans. Le Conseil municipal se réunit pour la dernière fois le 9 septembre 1939, la guerre vient d’être déclarée. Pour le village et pour toute l’Europe une nouvelle période sombre commence. 97 LA SECONDE GUERRE MONDIALE LA « DRÔLE DE GUERRE » (septembre 1939 - juin 1940). La déclaration de guerre et les premiers temps Depuis quelque temps déjà, toute la France s’attend à une guerre prochaine. Les journaux et la radio ont préparé psychologiquement la population à cette idée. La mobilisation partielle de 1938 a servi de répétition. Même si chacun pense que le conflit est inévitable, personne ne perd l’espoir d’un arrangement possible. On se souvient encore des fameux accords de Munich, et de Dalladier acclamé à son retour. Pourtant le 2 septembre, c’est la triste nouvelle, porteuse d’angoisse et de désespoir : « LA GUERRE ! LA GUERRE EST DECLAREE ! » Les services publics transmettent aussi la nouvelle et lui donnent un caractère officiel. Enfin les gendarmes apportent leurs fascicules à tous les hommes mobilisables, et les ordres de réquisition des chevaux chez les agriculteurs. Les caves pouvant servir d’abris sont désignées par une inscription en blanc, près de la porte d’entrée de la maison. Les masques à gaz sont distribués à tous, même aux enfants. Ils ne serviront pas heureusement, mais après la guerre, leurs étuis seront utilisés comme boîtes de rangement et, avec le haut découpé, les jeunes se feront de drôles de paires de lunettes. De nombreux ouvriers sont mobilisés sur place comme « affectés spéciaux » afin de maintenir assez de personnel pour l’entretien et la bonne marche des nombreuses mines de la région. Dès le lendemain, des chevaux, des hommes de troupe de cavalerie arrivent à la gare de Landres. Le village situé à un carrefour, à moins de 20 km de la ligne MAGINOT devient un centre de regroupement pour les troupes, le ravitaillement et les chevaux. L’affolement général suscita de nombreux incidents, quelquefois comiques, comme celui de ce Parisien affecté dans la cavalerie et qui n’avait jamais approché un cheval de sa vie. Lui, qui travaillait dans l’automobile chez Renault, s’y connaissait mieux en moteurs. Et le cheval, sentant d’instinct qu’il avait à faire à un néophyte, ne voulait pas avancer. Le jeune soldat ne savait plus comment s’y prendre, et gardait une distance respectueuse entre lui et l’animal. Avec un fort accent parisien, il l’injuriait abondamment, se lamentait beaucoup, et criait : « Mais qu’est-ce que je vais pouvoir faire de ’’c’te gaille’’ ?», mot d’argot des turfistes parisiens pour désigner un mauvais cheval, mais qui, en Lorraine, est employé familièrement pour nommer une chèvre. Les badauds attroupés ne purent s’empêcher de rire de cette appellation et de l’embarras du jeune homme. Et quelques-uns de penser avec raisons, que beaucoup de paysans, habitués, eux, aux chevaux, venaient d’être affectés dans les blindés ou dans l’aviation ! Landres, dépôt militaire de la ligne Maginot Dans la deuxième quinzaine de septembre, des convois militaires fort nombreux arrivèrent en gare, et Landres devint un des principaux centres de ravitaillement de la ligne 100 Mais, à la fin de l’alerte, quelle ne fut pas sa joie quand elle vit ses quatre enfants revenir vers elle, tous sains et saufs ! Désobéissant aux consignes de leur mère, ils étaient allés un peu plus loin rejoindre leurs camarades dans les abris construits derrière l’école, échappant ainsi à une mort certaine. Dès le lendemain, pour éviter des telles peurs, leur père construisit un petit abri familial dans son jardin, en face de chez lui. Au fond de la mine, à 200 m, le bruit des explosions s’était répercuté, l’électricité fut même coupée pendant quelques minutes. Les mineurs comprirent immédiatement, et comme aucune information précise sur l’ampleur des dégâts ne leur parvenait, ils s’inquiétaient tous du sort de leurs familles. Dans le village, c’était la panique et la confusion : des gens affolés couraient dans tous les sens, d’autres discutaient en parlant très fort, des enfants pleuraient, les soldats essayaient de se regrouper. C’était la première fois qu’on subissait une attaque aérienne : la surprise avait été totale. A partir de ce jour, la retraite des troupes françaises est de plus en plus désordonnée. De nombreux fuyards traversent le village, ayant abandonné armes, bagages, et parfois même l’uniforme. Une vraie débandade ! Le détachement du ravitaillement installé à Landres depuis septembre 1939, se replie en laissant tout sur place : vivres, matériel, combustible... Alors plutôt que d’attendre que tout cela tombe entre les mains des Allemands, les habitants vont se servir généreusement. Et comme la répartition n’est pas organisée, il y a d’innombrables abus. Aussitôt après, les cheminots quittent le village et rejoignent le sud de la France. Puis des sapeurs du Génie font sauter le pont de la voie ferrée qui enjambe la nationale qui va à Xivry-Circourt. Les affectés spéciaux des mines reçoivent l’ordre de sabotage maximum. Les 11, 12 et 13 juin 1940, ils font sauter les transformateurs électriques, coupent les câbles de remontée des cages, sabotent les machines d’extraction, obstruent les puits avec tout ce qu’ils trouvent : wagonnets, rails, ferrailles, ciment... Ils doivent ensuite envoyer leurs familles dans les villes du midi qu’on leur a désignées. Enfin, ils ont ordre de rejoindre la garnison « la plus proche ». Alors, chacun s’organise de son mieux pour le grand départ. L’exode eut lieu en deux « vagues ». La première, après le 10 mai, concerna les Belges, les Luxembourgeois et les Français du Nord et des Ardennes, ainsi que ceux qui habitaient juste derrière la ligne Maginot. La seconde commença le 5 juin, quand les fronts de l’Aisne et de la Somme s’effondrèrent. Cette fois le mouvement de population tourna à la panique générale, et ce fut la « débâcle » car la vague de départs concernait toute la moitié nord du pays. Au total, l’exode toucha près de huit millions de personnes. L’exode Le 14 juin au matin, c’est donc l’exode volontaire, la « débâcle ». Des millions de Belges, de Luxembourgeois et de Français du nord et de l’est partent vers le sud, ajoutant à la confusion de l’armée en déroute. Pourtant les Allemands sont aux portes de Verdun et sont même déjà entrés à Paris. Mais on ne le sait pas puisque toutes les communications sont coupées et les moyens d’information inexistants. 101 Les malles sont parties depuis quelques jours par les derniers trains ou par d’autres moyens particuliers. Elles contenaient généralement toute la literie, presque tous les vêtements, et quelques instruments ménagers. Alors, on ne prend qu’une ou deux valises avec l’argent et les papiers de famille, le linge nécessaire, les affaires de toilette. Dans la confusion la plus totale, chacun se démène pour partir au plus vite et trouver un moyen de transport en direction du sud, vers Nancy car il n’y a plus de trains. Ceux qui en ont partent en auto, certains prennent leur vélo. Mais beaucoup s’en vont à pied suivant souvent un chariot tiré par un ou plusieurs chevaux. Sur le chariot, on a entassé les bagages et un peu de nourriture et seuls les jeunes enfants et quelques femmes peuvent y monter. Si tous les habitants sont partis, bien peu sont arrivés à destination. Après quelques jours d’errements, épuisés d’avoir marché sous la chaleur torride de cette mi-juin 1940, détournés très souvent de leur route à cause des ponts détruits ou par les quelques troupes françaises qui essayaient encore de résister, beaucoup furent rattrapés par la fulgurante avance allemande et priés poliment mais fermement de rentrer chez eux. Il fallut à nouveau trouver un moyen de transport et se résigner à rentrer au village. En arrivant, un spectacle désolant les attendait. Presque toutes les rues étaient coupées par des chicanes construites à la hâte pour retarder l’avance allemande. Aucune maison n’était endommagée, mais toutes étaient grandes ouvertes, avec les rideaux qui volaient dans les courants d’air. Parfois même, de la literie éventrée pendait lamentablement aux fenêtres. Trois personnes seulement étaient restées au village durant l’exode, trois hommes bien connus de tous pour leur penchant pour ’’la bouteille’’. Ils étaient entrés dans plusieurs maisons, et sans plus s’inquiéter de la situation, avaient trouvé dans les caves tout ce qu’il fallait pour ne pas dessaouler de toute la semaine. De quoi garder un moral de vainqueur ! Le dépôt de matériel que l’armée française avait abandonné en partant si précipitamment était intact : les Allemands n’avaient fait que passer et n’y avaient pas touchés. Alors tout le monde alla encore se servir et chacun y prit ce qu’il voulait ou ce qu’il pouvait : bois, charbon, chevrons, outils, brouettes... Le 18 juin, le Général De Gaulle lance, depuis Londres, son appel à la résistance. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé à Rethondes, et doit entrer en vigueur le 25. Les 23 et 24 juin, les Allemands occupent définitivement le village. Ils installent les troupes dans les écoles, et la kommandantur dans une maison toute proche (au n°9 de la rue du 22 août). Le Maire et son adjoint étant partis, ils désignent un ancien conseiller municipal, Monsieur Auguste BOLZINGER, pour remplir les fonctions de premier magistrat. L’OCCUPATION (juillet 1940 - août 1944) L’arrivée et l’installation des Allemands Les Allemands s’installent donc à Landres les 23 et 24 juin 1940. Une compagnie, soit 200 hommes environ, est cantonnée dans les écoles, les classes servant de dortoirs. Et tous les matins, très tôt, les soldats traversent le village au pas cadencé, et en chantant. Ils se rendent dans un pré tout proche pour y faire leur culture physique et du sport. Contraints et forcés, les habitants doivent encore loger officiers et sous officiers. 102 Ainsi, le 25 juin, c’est l’armistice demandé par le gouvernement de Vichy. La déception est grande parmi la population. Ce jour-là, pour fêter « la victoire », les Allemands obligent plusieurs civils à sonner les cloches de l’église à toute volée, à midi et à 19 heures. Les coeurs se serrent, quelques larmes coulent aussi au son joyeux de ces cloches. Alors, d’un commun accord, tout le village décide de fermer ses volets en signe de deuil. Les Allemands protestent, car ils ne comprennent pas les raisons de cette manifestation « inamicale » et silencieuse. Ils prétendent même que tout le monde devrait être heureux. Pendant plusieurs semaines, ils « invitent » la population à participer à la cérémonie de la levée des couleurs au cours de laquelle le drapeau à croix gammée est monté au mât dressé au milieu de la place. Si la majorité de habitants refusent d’y assister, quelques hommes acceptent volontiers et tout fiers, hissent eux-mêmes le drapeau. Plus tard, un peu avant la Libération, le mur de leur maison s’ornera d’une énorme croix gammée noire, tracée au goudron pendant la nuit par des inconnus leur reprochant évidemment leur « collaboration » trop active. Le 4 juillet, plusieurs hommes du villages sont convoqués à la kommandantur pour expliquer leur attitude au sujet des volets fermés. L’officier allemand leur montre alors un journal dont la « une » relate en caractères gras l’attaque et la destruction de la flotte française par les Anglais, la veille, à Mers-El-Kébir, et il leur lance avec un sourire méprisant : « Vous voyez ce que font vos amis les Anglais ! » La propagande pour la collaboration commence aussitôt par de grandes affiches de Jeanne d’Arc brûlée par les Anglais, de soldats allemands donnant à manger à des enfants français abandonnés sur les routes de l’exode... Par affiches ou par contacts directs, les occupants essaient d’inciter les hommes à aller travailler en Allemagne car ils ont grand besoin de main-d’oeuvre. Mais très peu partiront volontairement. Certains le feront pourtant par besoin, parce qu’ils ont une famille à nourrir et que l’activité économique est totalement arrêtée. Beaucoup d’ouvriers n’ont pas pu reprendre le travail car les mines ont été fort endommagées par les sabotages de juin, et la remise en état se fait très lentement au début. Alors les Allemands organisent un service obligatoire de quatre heures par jour pour ceux qui sont momentanément sans emploi. Ils doivent : • soit travailler chez les agriculteurs qui commencent à faire la moisson, et compenser ainsi le manque de main-d’œuvre (beaucoup de jeunes sont prisonniers), • soit déblayer les chicanes construites dans des rues, lors de la retraite de l’armée française, puis reconstruire le pont détruit de la voie ferrée, • soit réparer les murs de 2 m de haut qui canalisent le ruisseau dans sa traversée du village, sur une distance de 200 m, car ils sont en piteux état et s’éboulent par endroits. En paiement, les agriculteurs tuent chacun une bête par semaine et distribuent 1,5 kg de viande par famille. En plus, les boulangers donnent gratuitement une boule de pain d’un kilo, par jour et par famille. Le couvre-feu est établi, et le 24 juillet paraît la proclamation du règlement nocturne : «Il est rappelé à la population civile que toute circulation dans les rues entre 22 h et 5 h est interdite aux personnes n’ayant pas de permis particulier. Toutes personnes civiles autorisées à circuler la nuit doivent bien noter ce qui suit, dans l’intérêt même de leur propre sécurité : 1/ Toutes les sentinelles des camps de prisonniers et patrouilles interpellent avec les mots suivants : « HALTE ! PAROLE ! » Ces deux mots, prononcés en allemand ou en français sont compréhensibles dans le même sens à la population française. 2/ Aussitôt après cet appel, la personne visée doit : 105 un simple moulin à café pour obtenir une farine grossière. Une fois tamisée, la meilleure partie sert à faire des crêpes, quelques tartes... Le reste est donné aux bêtes. Car chaque famille a un clapier ou une volière installés dans le jardin ou dans une remise. On y élève quelques animaux de basse-cour nourris avec l’herbe coupée le long des chemins. Pour les oies, on fabrique une sorte de pâtée composée d’orties écrasées et de son. Quand il y a de la place et de quoi les nourrir, on engraisse même parfois un ou plusieurs porcs. Tous ces animaux fournissent souvent assez d’œufs et de viande pour compenser un peu les restrictions. Toutes les parcelles de terre sont exploitées, plantées surtout de pommes de terre qui servent de base principale à toute l’alimentation, mais qui, par manque de graisse, sont plus souvent carbonisées que cuites. Mais, même à l’eau, c’est bien meilleur que les trop célèbres topinambours, rutabagas ou autres choux-navets. « Pour avoir un peu d’huile, les agriculteurs cultivaient de la navette, sorte de colza de moindre qualité, cela à l’insu des Allemands. Avec un voisin, on avait construit un petit pressoir à bras. De nuit et clandestinement, les paysans nous apportaient les graines qui étaient concassées, chauffées, puis passées au pressoir. On ne pouvait presser que trois litres de graine à la fois et on n’obtenaient en moyenne qu’un quart de litre d’huile. Pour ce travail, nous recevions 10 à 40% de l’huile obtenue, selon le rendement et la qualité. Cette huile médiocre qui n’était pas raffinée, servait surtout pour les fritures, moussait énormément, et donnait un goût très particulier voire désagréable auquel il fallait s’accoutumer. Mais faute de grives... ! » Les restrictions ont été beaucoup moins pénibles à la campagne que dans les villes. Au mois d’octobre 1940, avec le froid revenu, la pénurie de combustible commence. Impossible de rester sans chauffage en automne et en hiver. Il faut aussi du feu pour préparer les repas, le gaz de ville n’arrive pas dans les campagnes, le butane n’est pas encore répandu. Dans la région, on ne trouve aucun combustible et les Allemands n’ont pas prévu de moyen de chauffage dans le rationnement. « Alors les habitants de Landres, comme tous ceux du secteur se rabattent sur les bois communaux. Au début, on va y ramasser les brindilles et les branches mortes. Ensuite, on se met à couper de petits arbres que l’on pourra porter facilement sur l’épaule. » « La température baisse toujours. Et plus le froid se fait rigoureux, plus on devient hardi et plus les arbres abattus sont gros. On brûle les petites branches aussitôt, mais on fait une réserve avec les gros quartiers. » « On y allait avec des brouettes, avec des charrettes, mais toujours il fallait se presser, se cacher car c’était interdit, et l’on craignait d’être surpris par les gendarmes ou les gardes forestiers. Mais ceux-ci, connaissaient la détresse de la pénurie. Ils fermaient les yeux et laissaient faire. Il y eut seulement quelques simulacres de répression, pour éviter les abus de certains. Même des gens de Mont et de Piennes venaient au bois de Landres plus proche de chez eux. On aurait cru parfois qu’une armée de bûcherons se rendait au travail. A l’intérieur du bois, on entendait taper de tous côtés. » Ce bois n’était pas bien grand. Chaque jour, il perdait des dizaines d’arbres, si bien qu’il fut presque entièrement rasé. Sauf deux chênes qui en réchappèrent, les deux plus gros car il aurait fallu trop de travail et trop de temps pour les abattre et les débiter. Les années suivantes, les sociétés des mines attribuèrent à leurs ouvriers une certaine quantité de boulets de mauvais charbon pour leur assurer un minimum de chauffage. (1) Témoignage de mon père Edmond COSTANTINI. 106 Les premiers sabotages Le 22 juin 1941, Hitler lance ses divisions blindées contre l’U.R.S.S. Pour cela, il est obligé de dégarnir le front ouest. Dès lors, il ne laisse en France qu’un minimum de troupes d’occupation La compagnie allemande stationna à Landres jusqu’au mois de juin 1941. Pour un secteur de 10 km environ, il ne resta plus que de huit soldats allemands à Mont-Bonvillers, et le « grand directeur » qui dirigeait les six mines du bassin à Joudreville. Les autres troupes furent envoyées sur le front russe. Alors, la pression de l’occupant se relâcha. Cela donna un peu plus de libertés, et permit à la résistance à s’organiser. Les premiers sabotages visaient surtout le réseau ferroviaire. Tout était bon pour embêter les Allemands. Voici deux exemples d’ampleur bien différente qui se passèrent à Landres, au début : • Une locomotive, lancée à pleine vapeur fut aiguillée vers un butoir surplombant un remblai de 5 m. Elle défonça le butoir et plongea en bas du remblai dans un fracas terrible. Il fallut quatre jours de travail acharné pour la remettre sur la voie et une quinzaine de jours d’atelier pour la réparer et lui faire reprendre le trafic. • Un contrôleur allemand en civil vint un jour de Briey pour enquêter sur un sabotage de flexibles. Il laissa sa bicyclette dans le hall du « Café des cheminots » situé près de la gare. Quand il revint après son enquête, il retrouva son vélo avec les pneus percés d’une multitude de trous d’épingle. Il hurla à l’adresse de la patronne qui le regardait d’un air amusé : « Schwein Französen ! Das ist unglücklich ! Grosse machine sabotage, petite machine sabotage ! » (1) Les premiers revers de l’Allemagne Le 7 décembre 1941, les Etats-Unis entrent en guerre. En novembre 1942, la Wehrmarcht commence à subir des revers : c’est l’échec de l’Afrika Korps en Libye, le débarquement américain en Algérie, puis la défaite de Stalingrad le 2 février 1943. Dès août 1942, les aviations américaines et anglaises bombardent les régions industrielles et les noeuds ferroviaires en Allemagne (surtout dans la Ruhr), en Italie (Milan, Gênes, Turin), ainsi que ceux des pays occupés. Ralenties fin 42, début 43 par la campagne d’Afrique du Nord, ces attaques aériennes reprennent de plus belle en été. De jour comme de nuit, protégés par des nuées de chasseurs, les bombardiers déversent des milliers de tonnes de bombes sur les usines de constructions aéronautiques, les centres pétroliers et ou d’armement. « A Landres, on entendait la nuit, pendant des heures, le ronronnement monotone et continu des avions alliés qui passaient par centaines, en formation compactes, en direction des centres vitaux de l’Allemagne. » « Par vent d’est, on percevait même parfois un grondement très lointain : le bruit sourd des bombardements intensifs de la vallée rhénane au sud de Cologne. » « Un soir de l’été 1943 vers 22 h, un V1 dévia de sa trajectoire et traversa le ciel du nord-ouest au sud-est, direction opposée à son objectif, l’Angleterre. Attirés par ce bruit inhabituel de casseroles (surnom qui fut donné aux V1 par les Anglais), beaucoup de gens sont sortis pour voir ce que c’était, et ont été très surpris en apercevant dans la nuit une longue queue de flammes à l’arrière de l’engin. La rumeur parlait bien de ces bombes volantes, mais personne n’en avait encore vues. On apprit par la suite qu’il était tombé non loin de Sainte- Marie-aux-Chênes. » (1) « Cochons de Français ! C’est malheureux !... » 107 LES PRISONNIERS RUSSES L’extraction du minerai augmente jusqu’au début de 1943. Après, les bombardements alliés désorganisent progressivement le réseau ferroviaire. L’énorme besoin de main-d’œuvre dû à la captivité de beaucoup d’hommes valides, mais aussi au renvoi des étrangers, explique l’arrivée massive des prisonniers russes dans les mines de fer. « Déjà, pendant la guerre de 1914-1918, des prisonniers russes avaient travaillé dans les mines. Ils étaient cantonnés dans les corons de La Mourière et dans une cité du Nord-Est. Ils représentaient 44,5% du personnel en 1916. C’est en janvier 1943 que les premiers arrivèrent dans la région, d’autres suivirent en juin. A la fin de l’année, ils étaient 4950 sur les 14 000 mineurs du bassin. » (1) A Landres, ils étaient regroupés dans la salle des fêtes du carreau de la mine, loin de toute habitation, et à Mont-Bonvillers, au milieu de cités, dans une cantine d’ouvriers entourée de barbelés et surveillée par des miradors. Leur présence au fond posait de nombreux problèmes. D’origine rurale pour la plupart, rien ne les prédisposait à être mineurs. Alors que le rendement moyen était habituellement de 14 tonnes par homme et par jour, les Russes n’atteignaient péniblement que 4 à 5 tonnes les premières semaines, faisant ainsi baisser le rendement général. Les Allemands exigèrent alors qu’ils chargent chaque jour au moins six berlines de minerai (soit 9 tonnes) avant de remonter. Mais l’effort imposé était disproportionné par rapport à leurs capacités physiques très diminuées par la malnutrition et leurs mauvaises conditions de vie et de travail. La journée terminée, les gardes allemands les reconduisaient à leurs camps. Les privations et les souffrances supportées par ces prisonniers suscitèrent la compassion de tous ceux qui les côtoyaient, mais bien peu purent les aider ou les secourir tant ils étaient étroitement surveillés. Au fond, à cause de la langue, ils avaient très peu de contacts avec les ouvriers français. Pourtant ceux-ci organisèrent de leur mieux un petit secours pour leur apporter un peu de nourriture quand ils le pouvaient car leurs propres rations étaient très réduites. Les pommes de terre à l’eau, les quelques boules de pain offertes par les boulangers étaient vivement appréciées mais toujours insuffisantes. En remerciements, les Russes s’ingéniaient à fabriquer de petites choses taillés au couteau : oiseaux siffleurs, petits jouets en bois pour les enfants, gravures sur bois ou sur métal... « Parfois, quelques-uns, venant de Mont, traversaient le village sous bonne garde. Ils se rendaient en colonne à l’infirmerie de la mine de Landres pour y être soignés. Ils faisaient vraiment peine à voir tant ils étaient en piteux état. Ils subissaient souvent de très mauvais traitements de leurs gardiens. Et il fallait assurément qu’ils soient bien malades pour être admis à la visite et y recevoir quelques soins. » Nombreux sont ceux qui essayèrent de s’évader. L’un remonta dans une berline, recouvert par le minerai. Un autre tenta d’escalader les structures du puits. Beaucoup furent repris et sévèrement punis. Aidés par les résistants, ceux qui parvenaient à s’échapper rejoignaient toujours le maquis. Avec eux, ils luttèrent jusqu'à la fin contre l’ennemi commun. « De la mine de Murville, un seul réussit. Pendant que les gardes le cherchaient bien loin, il s’était réfugié dans une maison voisine du camp. Là, une famille d’origine ukrainienne le cacha longtemps dans son grenier sans que personne ne le sache. Même les enfants surent parfaitement garder le secret ». (1) « Les prisonniers russes dans les mines de Lorraine » de Pascal BENNEUR 110 Le recul allemand Au début d’août 1944, les Allemands reculent et se regroupent. Sur la route nationale 381 (1), des convois composés de toutes sortes de véhicules défilent en direction de Metz. Une unité de 300 Waffen S.S. s’arrête à Landres et reste bloquée là, sans véhicules pour la transporter. Ils s’installent une nouvelle fois à l’école transformée en dortoirs. Pendant quinze jours le couvre-feu est rétabli. Les Allemands, méfiants, placent plusieurs sentinelles à différents endroits du village. Un soir, un résistant tire sur celle postée sur le pont du ruisseau à l’entrée du village, probablement pour lui prendre son arme. La sentinelle est blessée et donne l’alerte au poste le plus proche. Mais le résistant parvient à s’échapper. Par la suite, un officier S.S. affirma que si la sentinelle avait été tuée, il y aurait eu des représailles. En effet, pour un Allemand tué, les S.S. fusillaient 10 otages pris parmi la population civile. Parfois en plus, ils incendiaient le village. Malgré tout, ils n’admettaient pas leur défaite et gardaient pleine confiance en la « victoire finale ». Un jour de ce mois d’août, un officier S.S affirma avec un air fier et sûr de lui : « Nous attendons des armes nouvelles. » Quelles armes nouvelles ? Personne n’en savait rien ! Voulait-il alors parler des V2 ou de la bombe atomique ? Cela aurait pu changer la tournure de la guerre. Après une quinzaine de jours passés à Landres, les S.S. réquisitionnèrent les cultivateurs, leurs chevaux et leurs chariots pour se faire conduire jusqu’à Metz. L’attaque aérienne Vers la fin août, la R.A.F (2) effectue beaucoup de reconnaissances au-dessus de la région. Cela laisse supposer que quelque chose d’important va bientôt se passer. Sur la nationale 381, les convois allemands défilent sans arrêt, et l’activité de la gare est très intense. Le mercredi 30 août, par une belle journée d’été, une importante formation de l’aviation anglaise attaque en deux groupes. Le premier mitraille un train de troupes et de matériel arrêté à la gare depuis la veille, le second s’en prend aux convois qui circulent sur les 19 km de la N 381, entre Xivry-Circourt et Briey, surtout entre le carrefour de Preutin et celui de Norroy. Les Allemands évacuent le train et se dispersent dans le village pour s’abriter. Certains, pris de panique, jettent leur fusil pour s’alléger, l’un d’eux piétine même sa caquette de rage. Les officiers ont beaucoup de peine à les contenir. Le mitraillage continue toujours aussi intense. C’est un vacarme assourdissant : rugissement des moteurs lancés à plein régime, miaulement des avions en piqué, crépitement de leurs mitrailleuses de 20 mm, explosions des camions touchés. Les Allemands se défendent avec tous leurs moyens. Un groupe parvient à installer une mitrailleuse légère dans un jardin et commence à tirer sur les avions. Dans le bruit et la fumée, la population s’affole aussi et tente de se rendre aux abris. Tous les civils ont très peur et craignent surtout que le tir de cette mitrailleuse n’attire une riposte des avions anglais. Mais un officier allemand leur affirme qu’ils n’ont rien à redouter car les Anglais ne mitraillent jamais les habitations et les civils. « Ah ! Si c’était les Américains !... » ajoute-t-il sans continuer sa phrase. Cela ne les a pas rassurés pour autant ! Pourtant le docteur MANGIN précise que c’est l’aviation U.S. : trois « P.51 Mustang » ont mitraillé la route et cinq ou six « Lockheed Lightning » ont attaqué la gare. (3) (1) La nationale n°381 a changé de numéro. Actuellement c’est la N. 43. (2) R.A.F : La « Royal Air Force », l’aviation anglaise. (3) Docteur Pierre MANGIN : « Verdun - Metz avec l’armée Patton - Septembre 1944 » page 115. 111 Après cet engagement, une épaisse fumée noire obscurcit le ciel. A la gare, le train brûle, sa locomotive est détruite, ainsi que plusieurs autres qui se trouvaient là au moment de l’attaque. Puis les avions vont bombarder la gare de Baroncourt, paralysant totalement l’activité des mines. Sur la route, plusieurs dizaines de camions sont arrêtés, abandonnés par leurs équipages dès le début de l’alerte, une vingtaine brûle, plusieurs sont dans le fossé. Le conducteur de l’un d’eux, affalé sur le volant, a été tué par une balle en pleine tête. Un autre camion touché en roulant par des balles incendiaires, s’est arrêté, en flammes, contre la maison isolée construite au carrefour de la nationale et de la route de Piennes (maison Barthélémy). Le feu prend aussitôt dans la remise attenante et son grenier, risquant de communiquer l’incendie à toute la maison. Alertés, les pompiers volontaires du village s’y rendent dès la fin de l’alerte. Le camion s’est arrêté juste au-dessus de la bouche d’incendie (enterrée à l’époque) et ils ne peuvent pas intervenir. De plus, un officier allemand très menaçant les disperse en agitant son pistolet, en hurlant des « Raust ! Raust ! ». Heureusement, seul l’appentis flambe, surtout la paille du petit grenier situé au-dessus. L’habitation ne sera pas endommagée, les murs seulement noircis par la fumée. Chez les Allemands, il y a trois tués et de nombreux blessés. Pistolet au poing, les officiers regroupent les survivants dont beaucoup fuyaient, totalement désemparés. Rapidement, ils enterrent leurs morts dans un champ, et un groupe reformé s’en va à pied vers Briey, abandonnant là les camions avec tout leur chargement. « Aussitôt les Allemands partis, les curieux s’attroupèrent autour des véhicules plus ou moins détruits. Le camion dont le chauffeur avait été tué était presque intact. A l’intérieur on entendait des cris aigus. On découvrit alors un petit cochon vivant, coincé entre deux fûts d’essence. » « En fouillant mieux, on y trouva aussi de grosses plaques de chocolat. d’un format peu ordinaire : 60 cm sur 40 cm et sur 8 cm d’épaisseur. Denrée introuvable à l’époque, il fut apprécié par beaucoup d’enfants, malgré son grain sableux et son très fort goût de gas-oil. » « Bien sûr, tous les autres camions ainsi que le train furent visités minutieusement et tout ce qui pouvait être utile récupéré, pénurie et restrictions obligent ! » « Le goret fut tué et améliora l’ordinaire de quelques familles. » A partir de ce jour-là, plus rien ne passe sur la route, preuve que la dernière colonne a bien été détruite. Tous les Allemands ont quitté le village. Ils se replient sur une ligne Conflans, Briey, Audun-le-Roman, mais laissent des avant-postes et reviendront faire quelques reconnaissances. Entre les Allemands et les Américains C’est alors que les résistants apparaissent au grand jour, ceux du mouvement « Lorraine », et d’autres groupes indépendants, plus petits, moins bien organisés. Tous se réclament du mouvement F.F.I. et harcèlent les Allemands en retraite qui se replient sur Audun. Le jeudi 31 août, un petit groupe traverse le village et attaque les Allemands à Bonvillers où un poste retranché doit ralentir l’avance américaine. Après un rapide et violent engagement, les résistants repassent vers 14 heures, et s’arrêtent un moment sur la place de l’église, très fiers d’avoir pris un camion à l’ennemi. A l’arrière, deux tués et un blessé allemands sont allongés. Le blessé, un jeune homme, grand, blond, au visage très pâle, souffre beaucoup mais refuse la cigarette que lui propose un partisan. On apprendra plus tard qu’il est mort peu après. Vers 18 heures, une patrouille allemande d’une quinzaine d’hommes approche par la route de Mont. A l’entrée du village, une fusillade éclate. Les Allemands se replient aussitôt. 112 Dans la nuit du 31 août au 1er septembre, le XXe corps de la 3e armée américaine du général PATTON traverse la Meuse à Verdun. Le matin même, Etain est libérée sans combat, et l’aérodrome de Rouvres repris aux Allemands. Le 1er septembre, dans l’après-midi, les premiers Américains passent à Landres dans deux grosses « Jeeps », avec chacune quatre hommes et une mitrailleuse. Ce n’est pas grand chose, mais pour la population c’est un jour mémorable. Aussitôt, les drapeaux français sont sortis des greniers et accrochés aux fenêtres. C’est la liesse sur le passage des voitures. Tout le village se croit déjà libéré, et pense que le reste de l’armée suit ces éclaireurs. Mais la joie retombe très vite. Les Américains font seulement une courte reconnaissance jusqu'à Malavillers, puis repartent à Etain. L’avance U.S a été si rapide qu’ils manquent d’essence. Bloqués à Etain, ils ne pourront reprendre leur progression que le 5 septembre. Seules quelques patrouilles poursuivront les reconnaissances. Les résistants du groupe ’’Lorraine’’ rejoignent alors les forces alliées. Les Allemands se replient sur une ligne Boismont - Audun-le-Roman - Trieux - Briey. Si bien que Landres se trouve entre les deux armées, dans une zone sans contrôle militaire, une sorte de ’’No man’s land’’ et y restera pendant toute une semaine. Le Commandant DUVAL du groupe « Lorraine » prend alors contact avec le commandement américain qui décline son aide. Il raconte alors que :« ...Voulant atteindre Metz avant les Américains, en suivant un itinéraire secondaire, supposé moins occupé par l’ennemi, je dirigeai ma troupe (une soixantaine d’hommes et une dizaine de véhicules) vers le nord, en direction d’Etain, Piennes, Briey, Moyeuvre. Tout alla bien jusqu’au carrefour de Landres, où nous commençâmes à être accrochés par une troupe allemande agissant en « action retardatrice », heureusement sans armes lourdes. Sur notre insistance, elle décrocha et reprit le combat un peu plus loin. » (1) Que s’est-il passé exactement ? « Ce soir-là, vers 22 heures, trois camions allemands remplis de soldats et une voiture avec un officier arrivent par la route de Mainville. Ils s’arrêtent en haut de la « côte de Norroy » à un km au sud du village, juste au-dessus du croisement avec la route de Piennes. Les soldats sautent en bas des camions et attendent les ordres. » « Prévenu bien avant par une sentinelle arrivée de Mainville, un groupe de résistants s’est positionné au bas de la côte et les attend dans la nuit. » « L’officier allemand observe longuement le village avec ses jumelles puis hurle un ordre. Plus tard on dira que c’était celui d’incendier le village, peut-être même de massacrer la population. Mais rien n’est moins sûr. » « Aussitôt les résistants attaquent par surprise. Peu nombreux, à peine un peu plus d’une douzaine, mais très déterminés, ils déclenchent un feu nourri. L’un deux, porteur d’un fusil-mitrailleur, tiraille dans tous les sens en changeant de place constamment. », « L’engagement dure un bon quart d’heure. Les Allemands, désemparés, ne s’attendaient pas à être « accrochés » si violemment. Ils pensent se heurter à un groupe plus nombreux et bien organisé. Alors ils n’insistent pas, remontent dans les camions et repartent vers Briey, abandonnant sur place la limousine de l’officier. » (2) (1) « Le bassin de LANDRES » Jean COSSON alias Commandant DUVAL. 1991 (2) Témoignage de Monsieur Roger BOLZINGER. 115 L’arrivée des Américains Le mardi 5 septembre, dès le matin, les Allemands sont à nouveau à Landres. Ils font le tour du village sans faire de mal. Il faut dire qu’ils ne rencontrent pas grand monde. A leur approche toute la population rentre dans les maisons, se cache dans les caves ou les abris dans la crainte de combats ou de représailles. Dans l’après-midi, ce sont à nouveau quelques voitures à l’étoile blanche qui passent. Les troupes alliées sont à 5 km, ça redonne un peu d’espoir. Le mercredi 6 septembre, les petits avions américains d’observation et de reconnaissance, des « piper-cub », appelés aussi « coucous », dirigent l’avance terrestre malgré un vent violent. « Enfin, vers 10 heures du matin, des troupes à pied entrent dans le village. Toute la population est là pour les acclamer avec enthousiasme. Les soldats passent en files indiennes de chaque côté de la rue. Leurs tenues amples, leurs petits blousons de draps serrés à la ceinture, leurs courtes guêtres, leurs chaussures à semelles de caoutchouc nous intriguent beaucoup. » « Parfois, sur un simple signe d’un sous-officier, sans cris ni hurlements, toute la colonne s’arrête pour se reposer un instant. Quelques « Jeeps » avec des officiers circulent au milieu. Ce calme qui nous étonne, donne une impression de puissance et de sécurité. » « Ce qui nous surprend le plus, c’est le silence. Nous étions plutôt habitués à voir les Français ou les Allemands avancer en rangs par quatre au pas cadencé, dans le bruit de martèlement des chaussures ou des bottes cloutées. » Cette première colonne traverse le village et continue vers Mont-Bonvillers. Puis suivent d’autres troupes transportées à bord de camions « G.M.C. », d’autres « Jeeps », et aussi des ambulances... Plus tard, l’artillerie de campagne arrive et installe des canons de 75 mm autour du village, ainsi qu’à Bertrameix et à Mont. Un P.C. est établi dans la grande maison sur la nationale face à l’entrée du village (n° 23, rue de Metz) Toutes ces troupes font partie de la 3e Armée américaine commandée par le général PATTON, en particulier le 359e régiment de la 90e division d’infanterie et le 712e bataillon de blindés. LA BATAILLE DE LANDRES « Dans la nuit du 7 au 8, on perçoit dans le lointain un grondement sourd, une sorte de roulement continu. On ne peut pas dormir, on craint toujours le retour des Allemands ou une riposte de l’artillerie. » « Vers 6 heures 30, on entend des rafales d’armes automatiques dans la direction de Piennes. Aussitôt tous les canons se déchaînent. Le tir est si important que tout tremble dans la maison tellement ça résonne. Rapidement une sorte de brouillard bleuté couvre le village, on ne voit plus à 50 m. Des soldats américains courent en longeant les façades des maisons. » « On voudrait savoir ce qu’il se passe mais personne n’ose sortir car ça crépite dans tous les sens. Enfin après une demi-heure environ (mais le temps paraît long dans ces cas-là), les tirs de canons diminuent puis cessent. Par intervalles, on entend encore des explosions sourdes mais violentes. » « Alors, nous sortons et les nouvelles arrivent très vite. Un employé de la gare, M. André CLAUDET, qui a pu tout observer du haut du remblai de la voie ferrée passe en courant et nous crie : « Qu’est-ce qu’ils ont pris ! - Qui ça ? - Les Boches ! ça brûle partout sur la route de Piennes ! » « Soulagés et heureux, nous apprenons que plusieurs chars allemands, et des transports de troupes « cercueils » (appelés ainsi à cause de leur forme) brûlent sur la route et dans les champs entre le village et les cités. » 116 Arrivant de Piennes, 3 « Panthers », et 6 transports « cercueils » descendaient la côte des Cités et se dirigeaient vers le village par la route et à travers champs. Sur le char de tête, les Allemands avaient fait monter un jeune homme de Norroy-le-Sec pour leur monter le chemin. Un « Sherman » américain, camouflé dans les buissons en haut de la côte de Norroy (au-dessus du L.P.R. actuel), les a repérés et a ouvert le feu aussitôt, aidé par une batterie antichars et quelques mitrailleuses. L’engagement a été si rapide que les Allemands, surpris, n’ont pu ni riposter, ni s’enfuir. Seuls deux obus allemands ont été tirés, mais dans une direction totalement opposée, dont un troua le mur de la cour de la boucherie GUENZI (n°13 rue A. Mézières). Les chars ont été détruits immédiatement : le premier près de la maison « Barthélémy », le deuxième 250 m plus bas près de la maison « Michel », le troisième dans le champ entre ces deux maisons. Les autres véhicules flambent aussi. Le premier coup au but a projeté le jeune civil en bas du char, grièvement blessé par de nombreux éclats d’obus. Les équipages ont péri dans les « Panthers », les occupants des autres blindés ont tous été tués, sauf trois qui ont pu sauter de leur voiture et se sont cachés dans le grenier de la remise construite à côté de la maison « Michel ». Les gendarmes arrivés en renfort, furent chargés de les capturer. Mais alors que les trois Allemands, bras levés, descendaient l’échelle du grenier pour se rendre, un des gendarmes les abattit froidement. Il expliqua par la suite qu’il avait voulu venger sa famille qui avait été presque entièrement exterminée par les Nazis. Deux autres véhicules blindés allemands dont l’un brûlait, avaient été abandonnés sur le carreau de la mine. Peu après le combat, beaucoup de curieux arrivèrent pour voir les chars et les véhicules allemands flamber dans les champs et tout le long de la route. Secouées de temps à autre par l’explosion des munitions, les carcasses calcinées dégageaient une épaisse fumée noire et une âcre odeur de chair brûlée. On apprit aussi que ces blindés n’étaient que des éclaireurs et que le reste de la colonne venait d’être anéanti à Mairy. C’est sur cet objectif que les canons avaient tiré vers 6 heures 30, même les batteries installées à Bertrameix. Lors des premières salves de réglage, un obus tiré trop court, tomba sans exploser dans la cour d’une ferme de Landres. Le récit du Docteur MANGIN donne plus de précisions sur ces combats : « Le 7 septembre au matin, les Allemands reviennent en force à Audun, Trieux, Avril et Briey, et reconstituent une nouvelle ligne de résistance à ce niveau. Ils utilisent à cet effet la 559e Volksgrenadiere Division qui arrivait du Danemark et la 106e Panzer Brigade S.S. ’’Feldherrnhalle’’ qui était en cours de reconstitution dans le sud du Luxembourg et qui vint déposer aux endroits névralgiques les panzers-grenadiers du 59e R.I (de la 19e Panzer grenadier Division ?) » « Dans la nuit du 7 au 8 septembre, une colonne blindée de la 106e Panzerbrigade, étirée sur plus de 2 km, progresse sur la route d’Aumetz à Landres. Pris à partie une première fois par les forces américaines au débouché de Murville, le commandant de la 106e P.B. décida de modifier son itinéraire et de s’engager sur la nationale 52 bis Murville-Mont-Mainville. Nouvel accrochage à la sortie de Mont avec des fantassins U.S. du 2e bataillon du 359e R.I. bivouaquant cette nuit-là dans les sapinières et les bosquets situés dans l’angle des routes Longuyon- Briey (N 381) et Mercy-le-Haut - Briey (N 52 bis). Le combat est plus sérieux. La colonne est stoppée mais les 15 véhicules de tête ont pu franchir la passe et se retrouve au nord de Mainville, contre la route Mainville-Norroy-le-Sec. Le reste de la colonne, stoppée dans Mont, s’engage alors sur la petite route menant de Bonvillers à Mairy. Et ce sera la terrible bataille de Mairy qui débutera vers 8 heures. Nos 15 blindés, 5 ou 6 chars « Panther » et environ 8 semi-chenillés « Panzerwagen » type 251, se retrouvent à 4 heures du matin entre Mainville et Norroy. Ils vont se heurter à un petit contingent de G.I. retranchés dans l’angle de routes Norroy-Mainville et Norroy-Landres. Les fantassins qui disposent de petits canons antichars et de bazookas stoppent immédiatement un char ’’Panther’’ d’un coup de bazooka en pleine tourelle. Celle-ci présente un trou béant de 30 cm, bien rond. Le char prend feu immédiatement, et il est abandonné sur le terrain de La Malgré. Le reste des blindés prend la fuite en direction de l’ouest avec l’intention de contourner le bois de ’’La Proye’’ (entre Norroy et Piennes) par le sud. 117 Parvenu à mi-distance entre Norroy et Joudreville, vers 5 heures 30 du matin, l’un des chars allemands aperçoit un jeune homme qui lui fait des saluts, croyant avoir affaire à un véhicule américain. Il s’agit du jeune Marcel ANTOINE, âgé de 19 ans environ, commis de culture, qui a décidé, à 5 heures du matin, d’aller chercher des chevaux qui passaient la nuit au parc. Le S.S. chef de char arrête son véhicule et interpelle le jeune homme, pistolet au poing. Les Allemands, égarés, le réquisitionnent et le font monter sur le bord du char de tête pour leur montrer le chemin leur permettant de revenir vers Mont où ils pensent retrouver le gros de la brigade ’’Felderrnhalle’’, en passant par Piennes et Landres. » Dans les premières lueurs de l’aube, la colonne passe par Joudreville, La Mourière, le chemin du Trébois, le vieux Piennes, puis remonte la route de la gare vers les cités de la mine Landres. Une ambulance américaine qui passait sur le pont entre Landres et Piennes a vu les blindés ennemis, vient s’abriter dans la première rue des cités (rue Mousty). Mais les Allemands aussi l’ont aperçue et tirent dessus à la mitrailleuse sans l’atteindre (des impacts sont encore visibles dans le crépi des cités n°13 et n°15 de cette rue), puis continuent leur progression. Deux véhicules pénètrent sur le carreau de la mine. « Les autres débouchent bientôt des cités de Landres et descendent la côte en direction de la route Longuyon-Briey (N.381) avec l’intention de rejoindre Mont. » « Mais d’importantes forces U.S. du 359e régiment d’infanterie sont retranchées avec des canons antichars et des mitrailleuses le long de la route (N.381) et entre la route et le village. Des blindés U.S. du 712e bataillon de chars sont également en position sur la colline au sud de la D.14, Piennes-Landres (au-dessus du L.P.R. actuel). » « Dès que les blindés boches apparaissent, ça se met à tirer de tous les côtés surprenant totalement les allemands... Et bien vite la cuvette se remplit d’un halo bleuté qui sent la poudre. » « Le ’’Panther’’ de tête attire toutes les salves et le jeune Marcel ANTOINE, toujours sur le bord du char, reçoit de nombreux éclats, en particulier dans la jambe qui pendait le long du blindé. Il est projeté en bas du véhicule et, fort heureusement, il tombe dans un fossé où, bien que souffrant atrocement, il peut se blottir et échapper aux autres projectiles. Le ’’Panther’’ a pris feu tout à côté de lui et il entend à l’intérieur les cinq membres de l’équipage qui hurlent de douleur dans leur prison surchauffée. Il n’y aura aucun survivant... » « Pendant une demi-heure, il restera dans son trou, entendant les rafales de mitrailleuses qui sifflent au-dessus de sa tête, et les éclats d’obus qui se plantent dans le sol tout autour de lui. Puis brusquement, à 7 heures, le combat cesse. La plupart des chars et des semi-chenilles ont été détruits... » « Le jeune homme souffre horriblement. Il ne sent plus sa jambe. Puis il entend parler anglais... des G.I. arrivent... comble de l’infortune, on l’accuse d’être un collaborateur qui fuyait avec les Allemands...Heureusement, des civils de Landres et de Piennes arrivent, des F.F.I. en particulier, on le reconnaît, il explique qui il est, et la mésaventure qui lui est arrivée... » « Il est conduit dans un hôpital américain à Verdun. Sa jambe est en bouillie, et il faut l’amputer de la totalité du membre. » (1) Après les tirs d’artillerie, les « Shermans », les « Tanks Destroyers »(2) et les troupes américaines se portent sur Mairy où se trouve le gros de la colonne blindée allemande. C’est sur cet objectif que les canons ont tiré dès 6 h 30 le matin. Ce violent pilonnage de l’artillerie n’était que le prélude de l’importante bataille qui s’engage à Mairy. Toute la matinée la 106e Panzerbrigade S.S. allemande et la 90e D.I. U.S. (359e R.I. et 712e bataillon de chars) s’affrontent en un combat sanglant. Plusieurs Panzers, réfugiés dans le bois de Landres, essaient de sortir en direction du village. Ils sont très vite repérés et aussitôt l’artillerie les prend pour cible. Ils font demi-tour, et se camouflent à nouveau dans le bois. L’un d’eux, atteint de plein fouet, flambe au milieu des arbres, quatre autres sont touchés. Vers midi, sachant leur unité détruite, deux chars intacts sortent à nouveau du bois. (1) Docteur Pierre MANGIN. Op. Cit. Article paru dans « Mercy Magazine » N° 188 (2) T.D :’’Tanks Destroyers’’ blindés américains à la puissance de feu plus importante que les ’’Shermans’’. Leurs obus arrivaient à percer le blindage des ’’Tigres’’ les tout nouveaux chars allemands. 120 Les Américains sont généreux avec la population Une infirmerie est installée dans la mairie et dans l’école. Un médecin aidé de plusieurs infirmiers reçoivent les militaires malades ou blessés, et donne souvent des soins gratuits aux civils, surtout aux enfants. Les soldats, mais surtout les personnels médicaux cherchent à faire laver leur linge et celui de l’infirmerie par des femmes du village. Beaucoup acceptent volontiers car les militaires paient bien, d’autant qu’ils fournissent du bon savon, denrée devenue rare et très médiocre pendant la guerre. Ils apportent aussi très souvent quelque chose pour les parents ou les enfants : cigarettes, tabac, café, chocolat, bonbons... Toutes ces activités militaires amènent beaucoup de troupes à Landres. Seuls les officiers sont logés chez l’habitant. Les sous-officiers et les soldats sont cantonnés dans une trentaine d’immenses tentes chauffées, installées dans les champs autour du dépôt et de la gare. Pour nourrir tout ce monde, de nombreuses « roulantes » préparent quantités de repas. Les cuisiniers distribuent généreusement tout le surplus aux civils qui subissent toujours et subiront encore quelques années, les restrictions et les tickets d’alimentation. Les enfants du village en profitent pour aller chercher des desserts, suppléments fort appréciés. Les premiers morceaux de chocolat, les premières oranges ou bananes que beaucoup d’enfants n’ont encore jamais goûtés ainsi que les premiers chewing-gum ont souvent été offerts par des soldats tout contents de leur faire plaisir. Certains Américains échangent aussi parfois leur pain très blanc (un pain de farine de riz, au léger goût de gâteau et à la mie un peu collante), contre le pain gris contenant beaucoup de son, souvent aigre, acheté avec les tickets. Si, dans un premier temps l’échange a beaucoup de succès car le pain de guerre est fort peu apprécié, rapidement les gens trouveront que ce pain trop blanc devient vite écoeurant. Tout ce qui peut servir est récupéré et utilisé. Les réservoirs vides largués par les avions font, une fois coupés en deux, de grands abreuvoirs pour le bétail ou même des canoës pour les jeunes. Et combien de parachutes ont terminé leur vie comme corsages soyeux très appréciés des jeunes filles. Parallèlement, toutes sortes de petits trafics se développent : essence, cigarettes, nourriture, habillement... Mais ils resteront toujours très modestes. Beaucoup de soldats en permission recherchent de l’eau-de-vie et la « mirabelle » se paie très cher. Pendant toute la guerre, la distillation des fruits a pu se faire et presque toutes les familles possèdent quelques arbres fruitiers. Comme il est interdit aux militaires de ramener de l’alcool dans les casernements, ils consomment sur place dans les nombreux bistros du village, et même directement chez les particuliers. S’ils sont pris en état d’ivresse, ils peuvent être sévèrement punis, mais les officiers et les patrouilles ferment souvent les yeux. Le racisme dur des Etats-Unis de l’époque n’est pas de mise, il est plutôt larvé, plus insidieux : les Blancs ne donnent pas leur linge à laver dans les maisons qui lavent pour des Noirs, ils ne vont pas boire dans les cafés fréquentés par des Noirs. Il y a bien eu quelques bagarres entre Noirs et Blancs mais sans gravité. Privés de fêtes pendant quatre années, les jeunes du village organisent de nombreux bals. Les jeunes Américains leur montrent les nouvelles danses et essaient de courtiser les filles du village. Certaines se laisseront séduire. Il y aura même quelques mariages, et après la guerre, les jeunes femmes suivront leurs maris aux U.S.A. Tous les Américains ont toujours été très corrects et même très gentils avec la population qui en a gardé d’excellents souvenirs. 121 Les décisions du Conseil municipal Pendant la durée de la guerre, aucune décision importante n’a pu être prise. • Le 2 août 1941 : électrification des écarts dont la ferme DAUPHIN à « la Maladrie ». • Le 9 janvier 1942 : vote d’un crédit de 105 F pour payer les oranges distribuées aux enfants de la commune lors de l’arbre de Noël de 1941. • Par temps de sécheresse, le lavoir ne reçoit plus assez d’eau de la source qui l’alimente habituellement. Il faut alors l’approvisionner avec l’eau du réseau public. En novembre 1942, après le débarquement américain à Alger, les allemands occupent toute la France et oblige chaque Conseil municipal à faire acte d’allégeance envers le Maréchal Pétain. Ce qui est transcrit en ces termes à la date du 29 novembre 1942 : « Le Conseil municipal rend un hommage respectueux au Maréchal Pétain, chef de l’Etat Français et lui exprime l’assurance de son indéfectible attachement. » Pendant toute l’Occupation, Monsieur Auguste BOLZINGER, le père du résistant, ancien conseiller municipal, a fait office de maire, car messieurs BOSQ et RAYNAL, maire et adjoint en 1939, n’étaient pas rentrés au village après l’exode de juin 1940. Il a su ménager les intérêts de la population face aux exigences de l’occupant pendant toute cette période troublée. Après la Libération, le 4 novembre 1944, il est élu maire de Landres. Noël 1944 Et Noël 1944 arriva, premier Noël libéré ! Alors, pour fêter Noël avec leurs libérateurs, beaucoup d’habitants invitèrent des militaires américains à partager leur repas. Le ciel était gris et triste, et il neigeait. Depuis quelques jours, on entendait à nouveau le grondement sourd du canon dans le lointain : le 16 décembre, la 5e et la 6e armée de Panzers S.S. du général Von Rundstedt avaient amorcé une contre-offensive dans les Ardennes belges. Aidées par le mauvais temps, elles bloquaient l’armée Patton et encerclaient Bastogne. Sans aucune information, les Français craignaient tous le retour des Allemands. Alors, à nouveau, l’angoisse noua la gorge, coupa l’appétit et gâcha la fête. Les soldats américains, pas inquiets du tout, gardèrent toujours un moral d’acier. Heureusement cette contre-offensive ne dura guère. Le 26 décembre, le temps s’éclaircit et permit à l’armée U.S. de libérer Bastogne. Le 4 janvier, les Allemands reculaient à nouveau, au grand soulagement de tous. Un « coucou » dans le champ Depuis février 1945, un « coucou », ce petit avion de reconnaissance, « Piper-Cub » qui surveillait le dépôt, se servait régulièrement du champ près du cimetière comme piste d’atterrissage et y stationnait souvent. Quelques jeunes fanfarons du village prétendirent que ces petits avions étaient faciles à piloter, que le pilote avait bien de la chance de se « promener » dans son engin... Un beau jour du printemps, il les invita donc pour faire un tour dans son avion et leur donna un baptême de l’air. Il leur fit subir de telles acrobaties, les secoua si bien, que de retour au sol, verts de peur, l’estomac retourné, ils durent admettre leur forfanterie et firent leurs excuses au pilote. Enfin, c’est fini ! Cette effervescence dura jusqu’au mois de mai, dans une atmosphère très détendue. Les nouvelles de la capitulation de l’Allemagne et de l’armistice le 8 mai ne furent pas une surprise car depuis quelques semaines les informations reçues permettaient d’espérer une fin prochaine. Mais ce fut une grande joie et un énorme soulagement pour tous. Quatre ans et demi de privations, de craintes, d’angoisse et d’oppression venaient de se terminer. 122 L’APRÈS - GUERRE Chronique des années ’’cinquante’’ et ’’soixante’’ La vie communale Cette guerre a causé beaucoup moins de dégâts au village que celle de 1914-1918. Avec la paix retrouvée, tout se remet très vite en place. Mais la gare est fermée aux voyageurs et la ligne Audun-Baroncourt ne sert plus désormais qu’au seul trafic des marchandises, et essentiellement aux immenses rames de wagons remplis de minerai. La population est appelée à élire un nouveau Conseil municipal les 29 avril et 13 mai 1945. Le dimanche suivant, le 20 mai, Monsieur Charles MARTIN, un employé de la mine, est élu maire de Landres. Il sera réélu en 1947 et 1953. Monsieur BOLZINGER, premier adjoint en 1947, deviendra Conseiller général du canton d’Audun-le-Roman quelques années plus tard. Le 10 août 1946, le C.M. propose que « la rue de la mine s’appelle désormais rue Yves et Paul KAUFFMAN, en souvenir des deux jeunes gens victimes de la barbarie allemande ». Cette proposition restera sans suite. En août 1947, la commune fait entourer les cours à l’arrière des écoles par un grillage, car « l’ancien mur a été démoli par les camions américains ». Pendant la longue grève des mineurs de 1948, le C.M. vote, le 12 octobre, un crédit de 2500 F pour le goûter des enfants de grévistes qui reçoivent lait, chocolat, pain et sucre. Le budget communal de 1949 est largement excédentaire avec 2 554 081 F de recettes totales et seulement 938 302 F de dépenses. Un énorme besoin de fer et d’acier Il faut d’énormes quantités de fer et d’acier pour relancer l’économie du pays. Cela amène un nouvel essor des mines qui ont à nouveau besoin d’une main-d’œuvre conséquente. La troisième vague de l’immigration italienne arrive, moins importante que les deux précédentes. Arrivent aussi les premiers travailleurs maghrébins. Certains jeunes prisonniers allemands restent en France après leur libération et trouvent du travail dans les mines ou dans l’agriculture. Cette demande importante de production génère de nombreux conflits. Ainsi de 1945 à 1950, après de longues luttes, des expulsions, des licenciements et des grèves dures (21 jours en 1948), les mineurs de fer obtiennent la revalorisation de leurs salaires et de leurs pensions accidents et vieillesse, le logement gratuit à vie, la création de la Sécurité Sociale minière (soins totalement gratuits) et la reconnaissance du statut des mineurs. L’âge d’or pour tous Pendant une bonne quinzaine d’années, de 1950 à 1965, c’est l’âge d’or dans le bassin. Les bons salaires, les avantages accordés attirent les jeunes. La population augmente, les commerces et les entreprises prospèrent rapidement et tout le monde en profite y compris les communes. La « redevance des mines » calculée d’après le tonnage extrait et le nombre de mineurs habitant la commune, alimente grassement les grosses communes minières. Pour Landres qui n’a que la moitié du carreau de la mine sur son territoire et peu de cités, cette redevance, bien moins importante, reste pourtant appréciable. Mais la commune ne profitera jamais d’infrastructures importantes comme celles implantées à Piennes, Bouligny ou Tucquegnieux (salles des fêtes et de cinéma, stades, piscines...) Les mines s’occupent de tout 125 mètres, formant une sorte de marche d’escalier qui surprenait les conducteurs. On vit alors « fleurir » le long des routes, dans tout le bassin, des panneaux avec le point exclamation signalant un danger avec l’indication : « Chaussée dégradée, affaissements miniers ! ». Toutes les routes partant du village ont été touchées : • celle d’Audun s’affaissa à la sortie de l’agglomération près du terrain militaire dans la côte de Murville et la petite maison à gauche se retrouva au fond d’un creux. • sur la vicinale de Mont, à la limite des deux communes, une faille et un décrochement apparurent en une nuit. Une crevasse de plus de 10 mètres de long de large et de profondeur s’était formée dans un champ voisin. La mine dut y faire déverser de nombreux camions de déblais pour la combler. Et l’ancien terrain de football de Mont se retrouva en pente. • la route de Norroy un peu avant le bois, celle de Mainville, et toutes les autres subirent des dégradations à des degrés divers. Quant aux constructions, on y découvrait souvent fissures et lézardes. Certaines se mirent même à pencher visiblement, fondations affaissées. L’une d’elle, presque neuve, construite dans la rue qui va à la gare de Piennes, put être redressée par des vérins et stabilisée grâce à des injections de béton sous les fondations. A Joudreville, beaucoup de bâtiments dont la mairie et de l’école du village ont dû être consolidés avec de gros ’’S’’ métalliques reliés par de longues tiges de fer qui traversaient, enserraient et maintenaient les murs. Mais ce n’était rien, comparé aux affaissements catastrophiques d’Auboué et de Moutiers de 1995, certainement dus à l’ennoiement des galeries des mines fermées. A la même époque, des mouvements de terrain se produisirent encore à Landres, bombant les chaussées, fissurant les bâtiments. Beaucoup d’anciennes communes minières furent déclarées sinistrées et classées dans des zones à risques. La mare est due aux affaissements De nombreuses mares apparurent dans les creux nouvellement formés, modifiant les paysages. Vers 1930, la mare de Landres se forma à la sortie du village, au bout de la rue du Thiam, jusqu’au pied de la côte du bois de « la Rappe ». Elle recevait les eaux de ruissellement et celles des sources venant du bois, et s’écoulait par le ruisseau. Elle couvrait plusieurs hectares en hiver et, par temps de grand gel, elle s’offrait aux glissades éperdues mais parfois risquées des enfants. Elle gardait beaucoup d’eau en été, mais n’a jamais été empoissonnée. Bordée de roseaux et de joncs, elle était le royaume des poules d’eau, des têtards et des grenouilles qui donnaient de bruyants concerts les nuit de printemps, et étaient victimes d’une pêche nocturne illégale mais peu sanctionnée. Malheureusement, ses berges au bord du chemin servaient aussi de décharge, non seulement pour les gravats, les matériaux de terrassement et de construction, mais aussi pour les ordures ménagères ; les rats d’eau y étaient nombreux. Puis un jour, vers 1960, après de nouveaux mouvements de terrain, certainement responsables de nouvelles fissures, elle se vida de son eau en été, la retrouvant pourtant partiellement en hiver et lors de fortes pluies. Ces fissures dans le calcaire étaient à l’origine de la disparition des eaux du ruisseau au nord du ban de la commune, au lieu-dit « la Colline », juste avant le bois de Preutin. Ces eaux resurgissaient plus loin, à Preutin pour former « la Gueule ». Mais elles pénétraient aussi plus profondément et aboutissaient dans les galeries de la mine de Murville dont la concession s’étendait au nord de la voie ferrée. Il y a toujours eu des infiltrations d’eau au fond des mines, mais celle-là était trop importante et obligea la mine à canaliser le ruisseau dans la vallée, et à bétonner son lit sur une longue distance. Le dépôt d’essence de l’armée En 1951, l’Armée française décida de réutiliser le terrain militaire près de la gare pour y installer un dépôt d’essence comme l’avaient fait les Américains en 1944. Quatre réservoirs 126 au lieu d’un seul furent alors construits près de la voie ferrée. Quelques jeunes de Landres y ont travaillé occasionnellement, chargés de serrer les milliers de boulons utilisés. Quand les réservoirs furent terminés, les essais d’étanchéité posèrent encore une fois quelques problèmes. En effet, lors du premier remplissage avec de l’essence, une fuite très importante pollua à nouveau gravement la nappe phréatique. Quelques maisons du village n’étaient pas branchées au réseau public. L’eau de plusieurs puits encore utilisés pour l’alimentation en eau potable, devint impropre à la consommation. Le terrain militaire fut entouré de grillage et de barbelés et pourvu de plusieurs miradors de surveillance. Pendant la guerre d’Algérie, vers 1957 ou 1958, alors que des attentats étaient à craindre, une compagnie de tirailleurs fut chargée de la garde du dépôt. Elle effectuait même quotidiennement des patrouilles de nuit dans le village, ce qui laissait la population plutôt indifférente. L’essence arrivait aux réservoirs par trains entiers de wagons-citernes, puis était transférée dans des centaines de jerricans répartis en différents endroits du dépôt. Plusieurs personnes civiles y étaient employées dont un chef de dépôt qui habitait dans la maison construite à l’intérieur du périmètre. Pendant les événements de Mai 68, alors que la France était paralysée et commençait à manquer de carburant, de nombreux trains militaires aux citernes pleines d’essence stationnèrent sur les voies de triages à Landres et à Piennes, prêts à servir à l’armée au cas où le conflit dégénérerait. Le village se développe Le plein emploi dans le bassin, l’augmentation rapide du nombre des naissances amenèrent une pénurie importante de logements. Il faut dire que mise à part la reconstruction du village, presque rien de nouveau n’avait été bâti depuis 1918 et qu’à Landres, une dizaine de « baraques Adrian » datant de cette époque servaient encore d’habitations. Toutes les demandes ne pouvaient pas être satisfaites, et les jeunes couples devaient cohabiter parfois pendant de longs mois avec leurs parents avant de trouver de quoi se loger. La mine manquait de cités pour ses ouvriers qui avaient droit au logement gratuit. Si bien qu’elle achetait toutes les maisons, tous les appartements qui étaient à vendre dans le village où l’on ne trouvait plus un seul logement de libre. Elle construisit même des cités neuves, à gauche de la rue de la mine, pour ses cadres et ses porions. Alors en 1953, la commune décida de créer sur un terrain de 100 ares échangé avec la mine, le petit lotissement de « La Prêle » et d’y faire une dizaine de parcelles, au bord de la route nationale, à l’entrée du village, entre la rue Alfred Mézières et la rue de Verdun. Ensuite, ce sont les premières maisons, rue de Metz, qui furent bâties sur la route de Xivry, après le carrefour. Puis vers 1960, viendront celles de la rue Alfred Mézières, et celles de la rue de Verdun, un peu plus tard. Les bâtiments H.L.M. et le lycée rue du collège datent de 1966. Le lotissement des Ormes sera achevé en 1980 et les quelques maisons du petit lotissement de la Chapelle vers 1982. La brasserie et les nombreux bistros de Landres Si la petite ruelle qui relie la rue de Mont avec le fond de la rue du Thiam s’appelle actuellement la « rue de la brasserie », c’est que jusqu’en 1965, il existait, à l’angle de cette ruelle et de la rue de Mont, un gros dépôt de limonade et de bière de la marque « Croix de Lorraine » puis « Champigneulles ». La cour et les abords de ce dépôt étaient 127 encombrés d’empilements de caisses et de bouteilles. Régulièrement, de gros camions assuraient son approvisionnement. On n’y a jamais fabriqué de bière mais en 1952, quelques ouvriers y produisaient encore de la limonade artisanale.   Ce dépôt et quelques autres fournissaient la boisson aux nombreux cafés de la commune et des environs. A Landres, en 1950, on comptait plus de 10 bistros, rarement espacés de plus de 50 m :   • Cafés BENZONI et BANDIERA dans rue du Thiam, le café MARTIN avait fermé avant 1940. • Cafés LESCANNE et LEONARD, sur la place. • Le bureau de tabac L’HUILLER, rue A. Mézières, et FREGONA à l’angle de la nationale. • L’HOTEL DE LA GARE et le CAFE DES CHEMINOTS, rue de la gare, bien sûr. • Celui de « LA MERE MICHEL » en bas de la côte des cités (maison rasée rue du collège) • le CAFE DU PONT avec, à côté, la « cantine » où logeaient quelques mineurs célibataires, juste avant le pont de Piennes. • le tout petit café SELEGHINI à côté de la boulangerie, rue de Verdun.   Il y avait de quoi désaltérer même les plus assoiffés ! Et gare aux conscrits qui en faisaient traditionnellement le tour au soir de leur conseil de révision ! Quelques-uns en ont de cuisants souvenirs. A côté de certains cafés, le propriétaire avait parfois installé un jeu de quilles. Les jeunes garçons allaient « requiller » pour se faire un peu d’argent de poche. Avec les cartes, c’étaient les seules distractions qui existaient au village pour les hommes qui travaillaient 48 heures par semaine, avec le dimanche comme seul jour de repos. A ses débuts, la télévision attira beaucoup de consommateurs dans les cafés qui la possédaient. Mais quand chaque foyer put s’équiper de son téléviseur et de son automobile, la façon de vivre changea considérablement, et l’un après l’autre, faute de clients réguliers, beaucoup de ces bistros fermèrent. Il n’en reste plus que trois actuellement. Le pont des cités est rectifié Le pont de la route de Piennes qui franchissait la tranchée du raccordement de la mine juste avant les cités, avait été construit, comme toujours à l’époque, perpendiculairement à cette tranchée, si bien que la route formait un ’’S’’ serré en haut de la côte. Quand, après la guerre, la vitesse des nouvelles voitures augmenta sensiblement, ce virage sans visibilité devint très dangereux et fut responsable de plusieurs accidents graves. Jusqu’au jour où une camionnette transportant des ouvriers de retour d’un chantier, manqua le virage, défonça le garde-fou et s’écrasa 6 mètres plus bas sur les rails de la voie ferrée. De la camionnette, on retira un mort et plusieurs blessés graves. Après cet accident, les « Ponts et Chaussées », l’Equipement de l’époque, décidèrent enfin de supprimer ce virage dangereux en construisant un nouveau pont qui permettrait d’aligner des deux parties de cette route. Ce n’est qu’en 1965, que fut réalisé le nouveau tronçon de route qui va du carrefour du monument jusqu'à ce pont. Avant, pour aller à Piennes, il fallait faire le détour par la « maison Barthélémy», en passant près du L.P.R actuel. Le rond-point ne date que de 1995. Un local pour le distillateur Chaque année, un bouilleur de cru itinérant, appelé plus couramment le distillateur, passait au village pour transformer en eau-de-vie les fruits récoltés. Presque toutes les familles possédaient un ou plusieurs arbres fruitiers et le surplus de mirabelles, quetsches et autres prunes, était mis en tonneaux. Après quelques semaines, le bouillonnement impétueux de la fermentation se produisait, et certains tonneaux trop remplis débordaient. Ensuite, ceux-ci 130 • Pour les plus petits, le jeu des ciseaux : avec les yeux bandés il fallait faire quelques pas et couper une ficelle (ou faire semblant) à laquelle pendait un petit jouet. • La course en sac ou la course à l’œuf : les candidats devaient traverser la place en courant avec dans la bouche une cuillère à soupe dans laquelle était posé un œuf dur. Et gare à celui qui le faisait tomber. • Les courses à pied autour de la place pour les enfants et dans les rues du village pour les plus grands, voire même à vélo quelquefois. • Le jeu du baquet, le plus spectaculaire et le plus amusant pour les spectateurs : un baquet monté sur un axe et rempli d’une trentaine de litres d’eau, était installé à 5m du sol entre les montants d’une double potence. Un jeune homme muni d’une longue perche se tenait debout en équilibre sur une charrette à deux roues que deux autres jeunes tiraient rapidement (un peu comme pour les joutes sur l’eau). Il devait faire basculer le baquet avec sa perche en passant dessous, et plus difficile, éviter de se faire mouiller. La foule hurlait joyeusement quand il se faisait violemment doucher. Heureusement le soleil de juillet se chargeait de le sécher bien vite, pas toujours hélas ! • Et bien d’autres encore selon les années et les modes. C’était « Intervilles » ou « Jeux sans Frontières » à l’échelle du village. Les « boîtes » de poudres Depuis la fin de la guerre, chaque 13 juillet, les enfants et les jeunes de 10 à 14 ans s’activaient à la fabrication de « boîtes de poudres ». A la Libération, les Américains avait installé un stock de caissettes de poudre à canon dans la côte de Norroy (du côté du L.P.R.). Un camion chargé de ces caissettes s’était renversé dans le fossé et le contenu des caisses éventrées s’y était répandu. Les caisses intactes avaient bien été récupérées, mais dans le fossé, il était resté quantités de bâtonnets de poudre, vite recouverts par la terre et la végétation. Et chaque année, le 13 juillet, des jeunes allaient creuser à cet endroit dans le fossé pour déterrer « des poudres », ces petits cylindres noirs, gros comme un crayon et longs de 3 cm environ. A la moindre étincelle, ils s’enflammaient et brûlaient en l’espace d’une seconde en dégageant une chaleur soudaine, beaucoup de gaz et très peu de fumée, ne laissant pour seul résidu qu’une toute petite pincée de cendre gris clair. Il fallait ensuite placer une dizaine de ces poudres dans une boîte de conserve vide, puis refermer la boîte pour la rendre le plus hermétique possible en repliant plusieurs fois l’ouverture, en la martelant sur une pierre dure jusqu'à ce qu’elle n’ait plus que quelques centimètres d’épaisseur. Ensuite, on faisait un tout petit trou au fond de la boîte, une sorte de « lumière » comme celle des anciens canons, qui permettait la mise à feu de la poudre. Et le soir du 13 juillet, quel feu d’artifice ! Quelques bâtonnets de poudre posés par terre pour servir d’amorce, la « boîte » placée dessus, la flamme d’une allumette, et une seconde plus tard, la « boîte » décollait puis s’élevait en tournoyant de façon désordonnée, émettant des sifflements et des chuintements bizarres, suivie par une longue traînée de fumée blanche. Il fallait alors s’écarter très vite pour ne pas la recevoir en plein visage lors du décollage. Puis la combustion terminée, elle retombait toute fumante, parfois éclatée, toujours brûlante. Quand elles étaient bien faites, et que la poudre était bien sèche, elles pouvaient monter très haut et retomber très loin, mais dans la plupart des cas, elles n’effectuaient que quelques bonds comiques puis finissaient en tournoyant sur place comme des toupies, dans un sifflement de vapeur semblable à celui d’une cocotte-minute. Ces « boîtes » remplaçaient les pétards, et les feux d’artifice rares à l’époque, et elles avaient le gros avantage de ne rien coûter. 131 Les parents, craignant des accidents graves, interdisaient souvent à leurs enfants de jouer avec la poudre. Heureusement il n’y en a jamais eu, sauf peut-être quelques très légères brûlures aux mains, sans aucune gravité. A la fin des années « cinquante » la poudre commença à s’éventer et les boîtes ne montaient plus bien haut. De plus, le stock de poudre s’épuisait. Alors les enfants du village perdirent peu à peu cette habitude qui avait duré près d’une quinzaine d’années. Enfin la construction de la troisième classe La troisième classe de l’école fonctionne toujours dans la salle de la mairie depuis 1938. Demandé depuis 1953, le projet de construction d’une classe avec logement dans le terrain disponible à l’arrière, et d’un préau avec sanitaires devant, est accepté le 19 août 1955, pour une valeur totale de 10 195 625 F. Elle sera mise en service à la rentrée 1956. Dès lors, seule la cour de devant sera utilisée. Auparavant, elle ne servait qu’aux accueils de 8 h 30 et 13 h 30 et avant l’étude entre 16 h 30 et 17 h. Pendant les récréations de 10 h et de 15 h, les enfants jouaient dans les petites cours à l’arrière, car les préaux et les sanitaires s’y trouvaient. Dommage que le nouveau préau construit devant masque la vue sur la rue ! Très peu d’employés communaux Monsieur Charles MARTIN, décédé le 27 septembre 1958, est remplacé par son premier adjoint, Monsieur Emile DAUPHIN. Celui-ci sera élu maire après le scrutin de mars 1959, puis réélu en 1965. La commune employait jusqu'à cette époque très peu de personnel, quatre personnes seulement, toutes à temps partiel : • un secrétaire de mairie qui, jusqu’à 1964, a toujours été le directeur de l’école de garçons. • un « cantonnier » qui assurait avec une pelle, un balai et une brouette, une propreté relative des rues du village. • une femme de ménage chargée le soir de balayer les classes et la mairie, et d’effectuer le grand nettoyage pendant les vacances. • un garde-champêtre, souvent un retraité, chargé de faire respecter les arrêtés du maire et le « bon ordre » dans la commune, surveillant d’un œil débonnaire les enfants toujours prêts à une maraude ou à une bêtise. Il servait surtout d’appariteur, collait les affiches, portait le courrier de la mairie et faisait les annonces au son du tambour, puis après 1959, progrès oblige, avec un porte-voix à piles. Il portait le képi, insigne éminent de sa fonction. Des dépôts d’ordures au milieu du village Le problème des ordures ménagères devint si pressant que le 30 avril 1959, le C.M. décida qu’un ramassage hebdomadaire serait effectué dans la commune. Jusqu’alors, chacun s’en débarrassait comme il le pouvait. Bien sûr, leur volume n’était pas comparable avec celui d’aujourd’hui et les matières plastiques étaient rares. On brûlait dans les fourneaux et les cuisinières tout ce qui pouvait brûler (papier, carton, bois...) et pour le reste, souvent des matières biodégradables et des déchets organiques, un petit dépotoir particulier au fond du jardin suffisait. Celui-ci produisait une sorte de compost qui, enfoui 132 avec la vidange de la fosse des « cabinets » lors du bêchage de printemps, remplaçait le fumier, et servait chaque année d’excellent engrais au potager. Il y avait dans la commune plusieurs dépôts légaux. Le plus important, éloigné du village, se situait dans l’ancienne grande carrière, de l’autre côté de la voie ferrée, et dans laquelle les ordures collectées seront déversées jusqu’en 1980. Un autre, plus petit, se trouvait dans la rue du Thiam, contre les garages situés à droite, face au n° 5. La municipalité le faisait vider régulièrement avec un tombereau, mais les rats venus du ruisseau tout proche y étaient nombreux. Il existait aussi plusieurs dépôts sauvages, l’un au bord de la mare et un autre au milieu du village à l’emplacement d’une maison détruite en 1914 entre les n° 5 et 7 de la rue A. Mézières. Il ne restait que le trou effondré de la cave et quelques pierres. Les ronces, les orties et les sureaux y poussaient en liberté. Les habitants du quartier y jetaient volontiers leurs détritus et autres objets encombrants : gravats, vieux matelas, bassines trouées, bidons vides... Les rats y foisonnaient et, par temps chaud, une puanteur soutenue s’en dégageait. Le comblement du trou d’abord, puis le ramassage communal avec interdiction de dépôt ailleurs que dans la carrière permirent d’assainir considérablement le village. Pourtant, en 1977, on voyait encore beaucoup d’eaux d’évier se déverser directement dans le caniveau de la rue, ou de larges dégoulinades de purin provenant du fumier d’une ferme, parcourir plusieurs dizaines de mètres avant de rejoindre l’égout puis le ruisseau. Par temps froid, le purin gelait, et les garçons s’amusaient à y faire des glissades. Du motocross dans la carrière De 1950 à 1974, la grande carrière située à l’angle des routes de Xivry et de Bertrameix, juste à gauche après le pont de la R.N. 43, a accueilli des compétitions internationales de motocross. Un circuit y avait été aménagé par l’U.S. Baroncourt. Sous l’impulsion de Maurice CLEMENT, ancien coureur motocycliste, ce club y organisa vingt-deux fois des rencontres de haut niveau. En 1959, pour le 10e motocross, un Belge, un Hollandais, un Danois, un Suédois, un Néo-Zélandais, un Australien, un Anglais et plusieurs Français étaient en compétition. Et chaque année, pendant tout un dimanche de juin ou de juillet, cette carrière était remplie du hurlement suraigu des moteurs poussés à haut régime, de la fumée bleutée des pots d’échappements et de l’odeur entêtante de l’essence et de huile. Cette compétition attirait dans la commune une foule considérable. Alors quel remue-ménage dans notre village si calme d’habitude ! Mais quel émerveillement pour les enfants et pour les adultes qui découvraient ce sport si spectaculaire ! Beaucoup de jeunes de Landres ont essayé un jour ou l’autre de faire, comme les champions, le tour de ce célèbre circuit avec leur vélo ou leur « mobylette » pour connaître eux aussi l’émotion d’un saut bien réussi. Le « radar » des Canadiens Vers 1957, on vit un étrange pylône s’élever en haut de la côte de Norroy, à gauche de la route de Briey. Haute de 25 à 30 m, cette fine structure métallique, soutenue par de nombreux haubans, portait tout en haut plusieurs grosses paraboles, si bien que la population la baptisa aussitôt et bien à tort « radar ». Tout en haut, une forte lampe rouge la signalait de loin dans la nuit. Ce « radar » n’était qu’une balise servant de relais radio pour les avions de la base canadienne de l’O.T.A.N. située à Marville près de Longuyon. Deux autres bases aériennes semblables tenues par l’U.S. Air-Force étaient installées à Rouvre près d’Etain et à Chambley. 135 Quelques années plus tard, les bâtiments administratifs, l’infirmerie, la salle des fête, les ateliers, les « accus » furent rasés, laissant place à une immense terrain vide devenu, comme beaucoup de carreaux de mines, une « friche industrielle » de plus. Seuls le « pointage » et les douches, vendus à des particuliers et reconvertis, subsistent encore aujourd’hui. Et petit à petit, toutes les mines du bassin ont fermé : Bazaille en 1981, Piennes Nord- Est et Anderny en 1984, Bouligny-Amermont et Joudreville en 1985, Tucquegnieux en 1988, et la dernière, Mairy-Mainville en 1992. Depuis longtemps toute la sidérurgie lorraine aussi était en crise. Les vallées industrielles perdaient une à une leurs usines fumantes : la Chiers à Longwy, l’Orne à Joeuf et Homécourt, Villerupt et Audun-le-Tiche, plus au sud Neuves-Maisons, Frouard et même Pompey qui avait fourni l’acier de la Tour Eiffel. La vallée de la Fensch, autour d’Hayange, a été un peu épargnée, mais pour combien de temps ? « Au nord, c’était les corons, la terre c’était le charbon » a chanté Pierre Bachelet. Mais en Lorraine, s’il y avait aussi des corons dans les cités ouvrières, c’est le minerai de fer qui pendant trois quarts de siècle a fait vivre toute la région ainsi que la sidérurgie qui le transformait. Mais les minerais de Mauritanie et d’ailleurs, avec une teneur en fer bien plus importante que la pauvre « minette » lorraine, un coût de production ridicule par le prix de la main d’œuvre et les mines à ciel ouvert, ont condamné définitivement les exploitations lorraines. C’était toute une époque qui s’achevait. Terminés les appels si fréquents du « gueulard » ; terminés les va-et-vient des nombreux ouvriers aux changements de postes ; terminés les passages bruyants des trains de minerai ; terminés les grondements sourds des coups de mine qui ébranlaient la terre et que l’on percevait parfois dans le silence de la nuit ; terminées ces soirées d’été illuminées du nord au sud-est par les coulées de fonte des usines qui embrasaient le ciel ; et terminée aussi cette ambiance laborieuse mais si amicale, si chaleureuse et si solidaire que connaissent tous les bassins miniers. La fin de la mono-industrie donna un rude coup à toute la région. Privées de la redevance minière, certaines villes connurent de grosses difficultés budgétaires. Les emplois disparus, leur population diminua très rapidement et vieillit considérablement. Le commerce périclita et de nombreux magasins durent fermer. Landres qui n’avait pas vécu uniquement de la « manne » distribuée généreusement par les sociétés minières, s’en tira plutôt bien, grâce au lycée et aussi à son emplacement privilégié au croisement de deux grands axes routiers. Et en 1985, une moyenne surface « INTERMARCHÉ » s’est implantée près du carrefour. Elle a apporté une bouffée d’oxygène qui a donné un regain d’activité au village alors que tout le secteur était économiquement sinistré. 136 Épilogue Hélas, les milliers d’emplois perdus n’ont pas été remplacés, et les jeunes sont contraints d’aller travailler dans les grandes villes, à Metz, à Nancy, ou au Luxembourg toujours prospère. Beaucoup partent même vers d’autres régions, mobilité et mondialisation obligent. Le slogan tant répété : « vivre et travailler au pays », n’est plus d’actualité. Un jour, un camarade de promotion, originaire de Nancy, inspecteur général des lycées techniques, me dit être venu en inspection à Landres, en arrivant par la route de Briey. « Tu roules en pleine campagne sur le plateau, puis brutalement tu tombes dans un trou : c’est Landres. Et ce qui est encore plus étonnant, c’est qu’il y a un lycée technique presque au milieu des champs ! ». Et en 1992, alors que je demandais au jeune proviseur du L.P.R. récemment nommé s’il se plaisait bien et s’adaptait à la région, il me dit regretter d’être si éloigné des grands centres, et ajouta d’un air dubitatif : « Landres n’est pas seulement loin de tout, c’est surtout au milieu de rien » Ces deux remarques, bien qu’incontestables, m’ont un peu peiné et ont légèrement blessé ma susceptibilité de « natif », si naturelle quand on est attaché à son pays. Que n’ont-ils connu l’époque héroïque où le bassin bourdonnait d’activités, et contribuait plus que largement à la prospérité de la Lorraine et de la France ? « La Lorraine vivra » scandaient 150 0000 Lorrains lors de la manifestation à Paris, le 13 mai 1984. Notre région n’est pas morte, loin de là, même si elle s’est mise un peu au ralenti. La vie continue et, heureusement, l’Homme parvient toujours à s’adapter. Mais foin de nostalgie ! Le chapitre « mines de fer » est terminé, il faut tourner la page et regarder l’avenir. L’histoire n’est pas finie, d’autres pages, banales ou glorieuses, seront écrites, comme toujours... La Lorraine, le Pays-Haut, notre village sont ce que l’Histoire et des hommes venus d’horizons très différents en ont fait... Et ils peuvent tous en être fiers ! Pour conclure, et pour rendre un légitime et sincère hommage à ce grand dessinateur et conteur qu’est Jean MORETTE, je voudrais, en toute humilité, reprendre à mon compte la fin de la postface de son album « Le Pays-Haut : Promenade au Pays des Miens ». « ... Je suis fier de ma région. Mes concitoyens furent grands sans le savoir, courageux et patriotes naturellement, fidèles jusqu’au sacrifice. Le destin fit de mon pays un champ de bataille où les nations se sont affrontées et où les civils ont beaucoup souffert. Mon pays est une terre d’accueil. Il fut un creuset où se sont fondus beaucoup de peuples qui ont travaillé au coude à coude, et leur fraternité a créé des Français. C’est un honneur que ni le temps, ni les crises n’effaceront. » Chez nous, c’était la Lorraine, Pays de sang et de peine... Janvier 2000 137 ANNEXES 1. Armoiries de LANDRES 2. Généalogie des seigneurs de LANDRES 3. Généalogie des ducs de Bar et des ducs de Lorraine 4. Tableaux de population 5. Liste des maires de LANDRES depuis 1811 6. Conseillers municipaux de 1899 à 2001 7. Liste des enseignants et dates importantes de l’école 8. Liste des curés et vicaires 9. Bibliographie : Ouvrages cités et remerciements AVERTISSEMENT : Ce document n’est pas actuellement destiné à être commercialisé. Je n’ai donc pas demandé l’autorisation de me servir de leurs textes aux auteurs des ouvrages cités ci-dessus. Qu’ils veuillent bien m’en excuser et soient assurés de ma sincère reconnaissance et de ma profonde gratitude. Quiconque le ferait publier, même partiellement, devrait s’assurer auparavant de l’autorisation des auteurs. Jean Costantini 140 3. 1 DUCS DE LORRAINE ET DUCS DE BAR LORRAINE BAR Ferrry IV Henri IV 1337-1344 1312-1329 + Yolande de Flandres Raoul Edouard II Robert I 1329-1346 1344-1352 1352-1411 Jean I Edouard III Louis Cardinal Yolande 1346-1390 duc de Bar duc de Bar + Jean I 1411-1415 1415-1430 roi d’Aragon Charles II Ferry 1393-1415 Yolande d’Aragon 1390-1431 + Marguerite de Vaudémont + Louis II d’Anjou Isabelle Antoine de Vaudémont René I duc de Bar 1430-1480 (...-1453) 1416-1458 duc de Lorraine 1431-1453 Ferri II de Vaudémont Jean II Yolande d’Anjou 1458-1470 1453-1470 ne règne pas Nicolas 1470-1473 René II comte de Vaudémont 1470-1473 duc de Lorraine 1473-1508 duc de Bar 1480-1508 Antoine Claude Jean Duc de Lorraine... Duc de Guise Cardinal de Lorraine 1508-1544 (1496-1556) François Ier François de Guise Charles 1544-1545 (1519-1563) Cardinal de Lorraine Charles III Henri de Guise Louis 1545-1608 (1550-1588) Cardinal de Lorraine (Les dates qui ne sont pas entre parenthèses sont les dates de règne) 141 3. 2 René II 1473-1508 Antoine 1508-1544 François Ier régence de Christine de Danemark 1544-1545 1545-1559 Charles III 1545-1608 Henri II Charles François II 1608-1624 cardinal de Lorraine 1625 (U1670) Nicole Claude Charles IV Nicolas-François 1624-1625 (U1657) U1645 1624-1675 1634 (U1670) Charles V 1675-1690 Léopold 1690-1729 François III 1729-1737 (U1765) épouse Marie-Thérèse d’Autriche Stanislas LESZCZYNSKI 1837-1866 reçoit les duchés en viager U : année du décès quand il survient après le temps du règne sur les duchés. 142 4. 1 Population de quelques communes du canton d’Audun-le-Roman de 1801 à 1946 1801 1836 1851 1873 1896 1901 1906 1911 1921 1926 1931 1936 1946 LANDRES 350* 1168* 873 482 718 750 628 659 349 556 502 475 359 431 1638 PIENNES 145* 470* 3313 1767 3872 4077 3416 3363 MONT 61* BONVILLERS 154 174 274 240 195 170 473 737 489 1809 1823 1576 1483 JOUDREVILLE 200 206 210 212 166 188 515 1419 855 1528 2434 2111 2051 MURVILLE 218 290 275 224 182 184 206 283 181 259 289 265 212 MAIRY-MAINVILLE 320 484 518 416 381 405 410 403 381 404 384 347 318 TRIEUX 375 390 432 480 291 258 699 1624 1367 2171 2452 2384 2020 TUCQUEGNIEUX 301 278 321 283 239 396 1124 2565 2121 3826 4747 3838 3480 XIVRY-CIRCOURT 400 547 529 440 432 390 416 417 347 335 377 357 327 AUDUN-LE- ROMAN 286 447 471 553 541 529 721 828 1153 2196 2668 2740 2641 TOTAL DU CANTON 7373 9426 9471 8894 7233 7834 11672 17704 13838 22069 26643 2623 0 2643 9 BOULIGNY 437 422 415 374 331 318 1124 2660 2473 4768 5533 5404 4816 * : Le nombre en italique suivi d’un astérisque indique le nombre d’habitants de chaque partie de la commune. Le total est inscrit en gras. Le décret impérial du 19 octobre 1811 a regroupé LANDRES, PIENNES et MONT en une seule commune, MONT ayant été de tous temps un hameau de LANDRES. Mont s’est séparé de LANDRES en 1847 pour se rattacher à BONVILLERS plus proche. PIENNES a formé une commune indépendante en 1910. 145 6 . CONSEILLERS MUNICIPAUX de 1899 à 2001 • 01.10.1899 : PATEL E. - JACQUES N. - RODICQ J. - RUSE A. - BERTIN T. - HENRY L. - CHARY E. ANDRE J. - FRANÇOIS J. - HUMBERT J. • 06.05.1900 : PATEL E. -FRANÇOIS M. - RUSE A. - BERTIN T. - JACQUES N. - CHARY E. - HUMBERT J. - HENRY L - RODICQ L. - SPONVILLE E. • 01.05.1904 : PATEL E. - RUSE A. - FRANÇOIS M. - BERTIN T. -VEYNACHTER P. - HURLAUX A. JACQUES N. - PIZEL -.JEANDON . CHARY E. • 03.05.1908 : DUVIVIER E. - JAMIN E. - RAYNAL L. - POTIER P. - MARTIN H- DUFOUR H. - DIDRY C. ROLLIN E. -JACQUES H. - DUPUY J. - LEPAGE N. - BICHE E. - CREHANGE J. • 14.08.1910 : RAYNAL L. - POTIER P. - BICHE E. - BOSQ G.- BONHOMME J. - ANDRE G. - BREGAND J. GARDET H. - ROLLIN P. - ANDRE M. - VEBER E. - CORDIER J. • 05.05.1912 : RAYNAL L. - ANDRE M. - BICHE E. - BONHOMME J. - BOSQ G. - BREGAND J. CORDIER J. - FRANÇOIS M. - GARDET H. - LACASSIE J. - MARTIN H. - VEYNACHTER P. • 30.11.1919 : BOSQ G. - FRANÇOIS M. - VEYNACHTER P. - MARTIN H. - JAMIN E. - BICHE E. ANDRE M. - RAYNAL L. - LEMOINE A. - GENETAY A. - BARE J.P. - MAILFERT J. • 03.05.1925 : BOSQ G. - FRANÇOIS M. - VEYNACHTER P. - JAMIN E. - BICHE E. - ANDRE M. RAYNAL L. - LEMOINE A. - GENETAY A. - BARE J.P. - HURLIN E. - VINCKEL H. • 05.05.1929 : BOSQ G. - FRANÇOIS M. - VEYNACHTER P. - JAMIN E. - BICHE E. - ANDRE M. RAYNAL L. - LEMOINE A. - BARE J.P. - MONTAIGU V. - BLENNY R. - DAUPHIN A. • 15.01.1933 : BOSQ G. - FRANÇOIS M. - BICHE E. - RAYNAL L. - LEMOINE A. - BARE J.P. MONTAIGU V. - DAUPHIN A. - MARTIN H. - HENRYON U. - HURLAUX J. - NOCARD C. (après décès de ANDRE et VEYNACHTER, et démission de JAMIN et BLENNY) • 05.05.1935 : BOSQ G. - FRANÇOIS M. - BICHE E. - RAYNAL L. - MONTAIGU V. - DAUPHIN A. HENRYON U. - HURLAUX J. - NOCARD C. - BOLZINGER A. - GENETAY A. - COLLIN J.B. • 29.04.1945 : MARTIN C. - BOLZINGER A. - BOUCHY R. - BIF J. - CLAUDET A. - GENETAY A. SCHNEIDER E. - ADMAND R. - COLLIN J. - HURLAUX J. - DAUPHIN E. - SELEGHINI E. • 19.10.1947 : MARTIN C. - BOLZINGER A. - BOUCHY R. - BIF J. - CLAUDET A. - GENETAY A. SCHNEIDER E. - COLLIN J. - HURLAUX J. - DAUPHIN E. - SELEGHINI J. - MATHIS C. JAMIN R. • 26.04.1953 : MARTIN C. -DAUPHIN E.-BIF J. - BOUCHY R. - CLAUDET A. - GENETAY A. - COLLIN J. HURLAUX R. - SELEGHINI J. - MATHIS C. - JAMIN R. - BOLZINGER R. • 20.03.1959 : DAUPHIN E. - BIF J. -BOURHOVEN G. - BOLZINGER R. - LECLERC G. - MONTAIGU A. SELEGHINI J. - LEBON T. - ZABEE A. - BOURCELOT C. - HURLAUX R. - HUMBERT R. - FREGONA R. • 14.03.1965 : DAUPHIN E. - MASTELLI E. - MONTAIGU A. - BOURHOVEN G. - PIERRON - BARBERI P ZABEE - BALTY M. - RICHER J. - HUMBERT R. - HURLAUX R. - MOYNOT J. - BOUCHY A. • 14.03.1971 : JEANDIN B. - BOUCHY M. - BARBERI P. - GAUCHE R. - KURTZMANN M - LAUNOY D - MASTELLI E. - MOYNOT J. - RAULLET D. - PEYROT Y.- REIGNIER J.M. - WATIER C. - ZABEE L. • 13.03.1977 : MASTELLI E. - BASQUIN D. - COSTANTINI J. - BRYCHCY A. - KANAREK M - BARBERI A. ANDRE S. - BREDA J. - DE NICOLO M. - MONTAGLIANI S. - BALTY M. - PANDOLFI C. MULLER C. • 06.03.1983 : BRYCHCY A. - COSTANTINI J. - DE NICOLO M. - ANDRE S. - LANGARD D. - GARCHET C. LEMPEREUR J. - BREDA J. - POZNANSKI M. - HENQUINET J. - MULLER C.- FREGONA D. CANINI A. - QUIRIN J.P. - SUK J.M. • 12.03.1989 : SANTORO F. - SUK J.M. - WIECZNY C - LOESEL F. - BAUQUEREZ P. - DOMINICI M. BACKES D. - CECCATO M. - WATIER C. - HENRYON- N. - BOULY C. - MAZUREK L. ZUANAZZI M. - GELIOT T. - CAZZARO D. (C.M. démissionnaire en décembre 1991) • 05.01.1992 : FREGONA D. - DE RE M. - BLYCHARZ E. - KUS J. - PIECZAK B.- BALTY M. - PERSICO J.L. POLI M. - WIECZNY C. - BOURCELOT J.C - KOSZULINSKI S. - GRILLO S. Démissionnaires dès l’élection : LARICI N. - BAUCHIERO H. - RODICQ • 08.03.1995 : FREGONA D. - KUS J. - BLYCHARZ E. - PIECZAK B. - POLI M - WIECZNY C. - CASNER R BOURCELOT J.C.- VENANTE H. - PERSICO J.L. -KOSZULINSKI S. - BANAS A. - BRETON M.- GRILLO S.- VEYNACHTER M.O. 146 7 . Liste (incomplète) des instituteurs et institutrices ayant exercé à LANDRES o=o=o=o=o=o=o=o=o 1817 OTIGNIERE 1848 GILLAUDIN 1884 BILLIAIRE 1886 BEUVELOT 1899 CHOLLE 1909 NAUDIN Melle KIRCH 1914 Melle KIRCH 1919 NAUDIN Melle KIRCH 1924 BARTHELEMY+ ? 1931 PICARD Melle JOUHANNEAU 1935 HUGLA + ? 1939 Melle JULITA + ? + ? 1940 Mme PILMES CREUSOT Melle PETEUIL ( instituteurs prisonniers) 1945 HUGLA TEREL Mme RUOTTE 1949 = = Mme CHAIZE 1950 = BOURHOVEN = 1960 = = Mme KURTZMANN 1962 = = = Melle LAVABRE 1963 = = PEYROT Mme KURTZMANN Melle LAVABRE 1964 MATILLOT = = = = 1965 = = = = LEMPEREUR 1971 BOURHOVEN FREGONA BASQUIN = = 1973 = = = COSTANTINI = 1976 BRYCHCY = = = = 1982 = = = = 1988 = RIMLINGER = = = 1989 = = = = LARICI 1990 MIALE = = WEBER > LIAGRE = 1991 = MANGINOIS = = RINGENBACH = 1992 = BASQUIN > MAILLARD = MAGINEL = 1993 = DE CARLI = PULTIER = 1994 = STEPHANY = = = = 1995 = DESINDE DE CARLI > MULLER = = = 1996 = = MULLER = = = 1998 MIALE = = PAQUIER = GERARD 1999 = THOMAS = = = GOERGEN * Le classement des noms est fait de gauche à droite de la classe des plus grands à la classe des plus petits. Les années sans changement ne sont pas mentionnées. QUELQUES DATES IMPORTANTES POUR L’ECOLE 1909 : séparation école de garçons et école de filles avec création d’une 2e classe. 1923 : inauguration du nouveau groupe scolaire. La mixité existant depuis 1914 est reconduite. 1938 : création de la 3e classe rattachée à l’école de garçons installée dans la salle du Conseil. 1955 : construction d’une classe neuve à l’arrière et du préau devant. 1962 : création de la 4e classe, maternelle rattachée à l’école de filles. 1963 : le lycée professionnel et les H.L.M amènent une augmentation d’effectif qui rend nécessaire l’ouverture d’une 5e classe et la construction de 2 classes neuves. 1977 : les enfants de PREUTIN-HIGNY viennent à l’école de LANDRES. 1978 : l’école de garçons devient l’école Victor HUGO et celle de filles l’école Emile ZOLA. 1982 : suppression d’une classe. 1988 : construction de la maternelle. Les 2 classes maternelles permettent de scolariser les enfants de 3 ans, d’accueillir les maternelles de XIVRY et de retrouver la 5e classe. 1990 : une seule direction pour toute l’école (Emile ZOLA) et arrivée de tous les enfants de XIVRY. 1991 : création d’une 6e classe fermée l’année suivante. 1994 : la 6e classe est rouverte. 147 8 . CURES ET VICAIRES Paroisse de LANDRES puis de PIENNES-LANDRES La paroisse de Landres a été érigée en 1802 CURES VICAIRES 20.05.1860 François LERON 01.10.1891 HYACINTHE JEAN 09.10.1899 Paul MARCHAL 09.09.1909 Louis HOUBER (décédé le 16.03.1926) 23.08.1913 Paul RIZENTHALER 22.07.1922 Michel NICKELS 15.08.1925 Eugène CROISE 22.04.1926 Paul LAMSON 04.08.1930 Roger GAILLEMAIN 06.08.1932 Charles BURGARD 1936 Marc BEVILLON La paroisse de Piennes devient paroisse principale et les prêtres habitent à Piennes. 05.06.1936 Lucien THIRION André MAITRESSE 19.06.1946 Chrétien STRIEBEL J.M. PIERRON 1947 François DE VIENNE 1951 René FRANCOIS 1953 Eugène BAUDIER 1954 Jean Marie PINON 02.10.1955 Eugène CHAILLOT 1956 Bernard PHILIPPE 1958 Louis BURTON 08.07.1962 Jean BOHN 25.06.1967 Maurice JAMAIN 16.06.1974 François COZZI Jacky ROBIN 198? Luc WARIN 22.10.1986 Luc WARIN (remplace l’abbé COZZI qui est malade) 24.10.1987 Vincent THOMAS 22.06.1988 Roger DEGRELLE L’abbé HOUBER a été le curé de Landres de 1909 à 1926. C’est son visage qui apparaît en médaillon en bas du vitrail de St Louis côté sud de la nef de l’église. Une souscription paroissiale permit de faire ériger un monument à sa mémoire au centre du cimetière. Vers 1972, ont été fixées dessus les plaques de marbres où sont gravés les noms de ceux qui sont « Morts pour la France » au cours des deux guerres mondiales. Cette stèle n’est donc pas un monument aux morts. 150 TABLE DES MATIERES Avant - propos p. 3 La Préhistoire et l’Antiquité p. 4 Epoque gauloise p. 5 Epoque gallo-romaine p. 6 Le Moyen - Age : 476--1453 p. 9 Epoque mérovingienne : 476-751 p. 9 Epoque carolingienne : 751-987 p. 12 Epoque médiévale : 987-1453 p. 13 Le premier seigneur de Landres p. 17 Les « châteaux de Landres p. 19 Le système féodal p. 20 Le comté de Bar p. 22 L’unité de la Lorraine p. 24 La Renaissance : 1453-1610 p. 25 La fausse Jeanne d’Arc p. 27 La guerre contre la Bourgogne : 1475 p. 28 La pierre tombale de Catherine d’Aigremont p. 34 Les trois évêchés, les ducs de Guise p. 35 Les Guerres de religion en Lorraine p. 37 La Monarchie absolue : 1610-1789 p. 38 La Guerre de trente ans : 1618-1648 p. 38 Condé prend Briey p. 42 Les Suédois et les Croates p. 44 Peste et famine p. 47 Avant que la Lorraine ne devienne française p. 50 Dénombrement de François du Hautoy p. 50 La famille de Mercy p. 53 La Révolution et l’Empire : 1789-1815 p. 58 La Restauration et la Monarchie de Juillet : 1815-1845 p. 61 La Seconde République et le Second Empire : 1848-1870 p. 65 Le feuilleton de la construction de l’église p. 66 La Troisième République de 1870 à 1914 p. 71 La Lorraine s’industrialise p. 75 La séparation de Piennes p. 80 La Première Guerre Mondiale : 1914-1918 p. 82 L’Entre deux guerres : 1919-1939 p. 90 La Seconde Guerre Mondiale : 1939-1945 p. 95 La « drôle de guerre » : 1939-1940 p. 95 L’occupation : 1940-1944 p. 100 La libération p 106 La bataille de Landres-Mairy p.113 L’après-guerre ou chronique des années 50, 60,70 p.120 Epilogue p.134 Annexes p.135 Table des hors textes p.147 Table de matières p.148 151 Errata dans « HISTOIRE DE LANDRES » • Page 12, ligne 8 : “ résidences secondaires “ ajouter les S. • Page 14, encadré 1, ligne 6 : écrire “Baudouin“ au lieu de Beaudouin. • Page 23, ligne 18 : écrire “Charles VII“ au lieu de Charles VI. • Page 76, ligne 2 et légende photo du document 20-3 page 79-4 : Decauville (pas Découville) • Page 76, avant avant dernière ligne : disait une grand-mère (et pas disaient) • Page 90, 2e § ligne 2 : supprimer “du nom d’un ministre anglais“, et faire un renvoi en bas de page avec : « Louis Auguste ADRIAN (1859-1933) polytechnicien, adjoint au directeur de l’intendance au ministère de la guerre mit au point ces baraquements “préfabriqués“ ainsi que le célèbre casque du poilu. »
Docsity logo


Copyright © 2024 Ladybird Srl - Via Leonardo da Vinci 16, 10126, Torino, Italy - VAT 10816460017 - All rights reserved