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Hugo, ou la jubilation du Verbe, Notes de Poésie

noyée à Villequier avec son mari Auguste. Vacquerie le 4 septembre 1843. « Ce livre doit être lu comme celui d'un mort », écrit-il dans la préface.

Typologie: Notes

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

Marcelle_88
Marcelle_88 🇫🇷

4.5

(36)

89 documents

Aperçu partiel du texte

Télécharge Hugo, ou la jubilation du Verbe et plus Notes au format PDF de Poésie sur Docsity uniquement! Victor Hugo dans son cabinet de travail, avenue d’Eylau. Paris, Maison de Victor Hugo Hugo, ou la jubilation du Verbe Je le trouvais au travail. De sa haute écriture, il couvrait régulièrement, lentement, les épaisses feuilles de papier d’un blanc de crème. Il prenait vivement l’encre dans l’encrier, tournait un peu la plume dans ses doigts avant que d’écrire ; l’ongle long de son petit doigt faisait sur le papier un léger bruit qui accompagnait celui de la plume. Tout cela en souriant, le front calme, le corps bien droit. Quand il avait fini, il laissait la plume dans l’encrier, mettait ses deux mains dans ses poches, et, sans relire, regardait jouer les oiseaux sur la véranda. Georges Hugo, Mon grand-père, 1902 Être écrivain, pour Victor Hugo, c’est écrire en toutes circonstances, au hasard du papier tombé sous la main : petits carnets remplis de notes, d’esquisses, ou grandes feuilles volantes où se succèdent les différentes étapes de la rédaction. Dans la montagne de documents légués à la Bibliothèque nationale, on trouve très peu d’ébauches et premiers jets. Mais les superbes mises au net, avec leurs marges prêtes pour les remaniements ultérieurs, dont l’aspect monumental magnifie l’inépuisable créativité hugolienne, donnent suffisamment à voir la liberté jubilatoire de son écriture. « Mémoires d’une âme », c’est ainsi que Victor Hugo définit les Contemplations dans le prologue du recueil : « ce sont, en effet, toutes les impressions, tous les souvenirs, toutes les réalités, tous les fantômes vagues, riants ou funèbres, que peut contenir une conscience, revenus et rappelés, rayon à rayon, soupir à soupir, et mêlés dans la même nuée sombre ». En découvrant aujourd’hui les brouillons des poèmes, le lecteur a le sentiment d’accéder à la source de cette création. Et pourtant, de grands pans d’ombre couvrent encore les processus d’écriture du poète. Le spectaculaire manuscrit de travail de « Dolor », poème XVII du sixième livre des Contemplations (publié en 1856), en est un bel exemple. Dans ce feuillet 417, le poète met au net les trois premières strophes de « Dolor ». Cette page, très claire, permet de comprendre la simplicité de la méthode d’écriture et de relecture adoptée par Hugo. À partir de ses années d’exil à Bruxelles (1851) puis à Jersey (1852-55), Victor Hugo écrit ses poèmes sur des feuilles volantes pliées en deux, procédé déjà utilisé pour la rédaction de certains de ses romans et pièces de théâtre. Seul le recto, numéroté, de ces feuillets mobiles est destiné, dans un premier temps, à recevoir du texte. La page est partagée en deux colonnes par une pliure verticale. La colonne de droite est réservée à une première « mise au net » du poème. Le texte de cette première version définitive y est continu et recopié à partir de brouillons non conservés. Cette copie permet à Victor Hugo d’éprouver son texte. Les Contemplations, « Dolor » Manuscrit autographe. BnF, Manuscrits, N. a. fr. 13379, f. 417. Modifications ultérieures, au stade de la copie destinée à l’impression ou lors de la correction des épreuves : « hagards et stupéfaits » au lieu de « effarés et pensifs ». Variantes : « double » ou « spectre », « gravement » ou « simplement ». Le titre Dolor semble bien avoir été écrit en même temps que le texte situé en-dessous. Or Victor Hugo choisissait souvent le titre d’un poème une fois celui-ci presque terminé. Preuve supplémentaire que le texte est ici une mise au net et non un premier jet. La colonne de gauche permet, après relecture, d’apporter des corrections au texte de la colonne de droite. Ces additions, amplifications, réfections, sont probablement elles-mêmes le résultat d’un travail exécuté en coulisses sur des brouillons, des « copeaux », disparus pour la plupart. Ici une nouvelle strophe est substituée à celle biffée à ses côtés. Cette strophe barrée sera réutilisée comme avant-dernière strophe du poème « Horror » (poème XVI du même livre des Contemplations). Brouillon de « Dolor » de Victor Hugo Dolor Création ! figure en deuil ! Isis austère ! Peut-être l’homme est-il son trouble et son mystère ? Peut-être qu’elle nous craint tous, Et qu’à l’heure où, ployés sous notre loi mortelle, Hagards et stupéfaits, nous tremblons devant elle, Elle frissonne devant nous ! Ne riez point. Souffrez gravement. Soyons dignes, Corbeaux, hiboux, vautours, de redevenir cygnes ! Courbons-nous sous l’obscure loi. Ne jetons pas le doute aux flots comme une sonde. Marchons sans savoir où, parlons sans qu’on réponde, Et pleurons sans savoir pourquoi. Homme, n’exige pas qu’on rompe le silence ; Dis-toi : Je suis puni. Baisse la tête et pense. C’est assez de ce que tu vois. Une parole peut sortir du puits farouche ; Ne la demande pas. Si l’abîme est la bouche, Ô Dieu, qu’est-ce donc que la voix ? Texte édité des trois premières strophes. La totalité des vingt strophes est disponible sur Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54075441/f294.image. r=Les%20Contemplations%20:%20Dolor%20de%20Victor%20Hugo Le poème y est numérisé en mode texte par Bibliopolis d’après l’édition de Paris, Bordas, 1985. Le poète face à la mort Les 11 000 vers des Contemplations marquent l’apogée du génie poétique de Victor Hugo. Commencé dès 1834, le recueil trouve ses sources d’inspiration dans l’expérience de l’exil et surtout dans la mort accidentelle de Léopoldine, fille aînée de Hugo tragiquement noyée à Villequier avec son mari Auguste Vacquerie le 4 septembre 1843. « Ce livre doit être lu comme celui d’un mort », écrit-il dans la préface. Pour le poète, la contemplation c’est le point de vue d’une âme après la mort mais c’est aussi ce qui lui permet de redonner un sens à sa vie. Le sixième livre « Au bord de l’infini », peuplé de spectres, d’ombres et d’anges, oscille ainsi entre angoisse et espérance. Hugo croit au caractère surnaturel de son verbe poétique, qui lui permet de traduire la voix de l’au-delà. En 1853 à Jersey, Victor Hugo reçoit une amie, Delphine de Girardin, qui l’initie au spiritisme. Lors de ces séances autour de la table parlante, il s’entretient avec des défunts proches ou lointains, Léopoldine, Dante, Chateaubriand, mais aussi avec des abstractions comme la Tragédie, l’Ombre, la Mort… Hanté par des idées funèbres, il s’en libère par l’écriture hallucinatoire de deux visions apocalyptiques : La Fin de Satan sur le problème du mal, et Dieu sur le problème de l’infini. Ces deux œuvres commencées en 1854 et 1855 ne paraîtront qu’après sa mort en 1886 et 1891. Victor Hugo fit une fable de la rature dans Religions et Religion : Dante écrit deux vers, puis il sort ; et les deux vers Se parlent. Le premier dit : – Les cieux sont ouverts ! Cieux ! Je suis immortel. – Moi, je suis périssable, Dit l’autre. – Je suis l’astre. – Et moi le grain de sable. – Quoi ! tu doutes étant fils d’un enfant du ciel ! – Je me sens mort. – Et moi je me sens éternel. – Quelqu’un rentre et relit ces vers, Dante lui-même ; Il garde le premier et barre le deuxième. La rature est la haute et fatale cloison. L’un meurt, et l’autre vit. Tous deux avaient raison. Carnet de notes, 1820-1821, 8 f. BnF, Manuscrits, N. a. fr. 13441, f. 4 v°-5 xixe : le siècle du manuscrit d’écrivain « Quand Victor Hugo commence à publier des poèmes, juste avant 1820, le document autographe est encore médiocrement prisé, et n’a guère qu’un intérêt sentimental. Lorsqu’il meurt, en 1885, le tournant est pris ». D’après Jean Gaudon (Genesis, n° 2, 1992), c’est un certain fétichisme, le culte des grands personnages et un goût grandissant des amateurs et professionnels pour les coulisses de la création littéraire qui sont, au xixe siècle, les facteurs d’une valorisation du manuscrit d’écrivain. Hugo cautionne ce mouvement en rendant publics ses propres manuscrits. « Ce que j’écris n’est pas à moi. Je suis une chose publique », écrit-il dans Choses vues. Et si Hugo transporte partout avec lui sa « malle aux manuscrits », il se distingue radicalement de Chateaubriand, qui interdit la publication de tout manuscrit de ses Mémoires autre que celui, définitif, que l’on trouvera à sa mort, dans une malle au pied de son lit. Le brouillon : une passerelle vers l’espace et le temps de la création ? Hugo poète se dit prophète. Mais peut-on découvrir des traces de l’inspiration à l’œuvre dans ses brouillons ? Georges Poulet (Études sur le temps humain, t.II, Plon, 1952) définit ainsi l’univers hugolien : « un immense entassement de formes sensibles, réfléchi par cet autre entassement, celui des œuvres et des mots ». Hugo note le 19 novembre 1846 : « C’est tout un immense horizon d’idées entrevues, d’ouvrages commencés, d’ébauches, de plans, d’épures à peine éclairées, de linéaments vagues, drames, comédies, histoire, poésie, philosophie, socialisme, naturalisme, entassement d’œuvres flottantes où ma pensée s’enfonce sans savoir si elle en reviendra ». Certaines de ces pensées sont transcrites dans ce que son testament nomme les « ébauches, fragments, idées éparses, vers ou prose, semées [sic] çà et là, soit dans mes carnets, soit sur des feuilles volantes ». Et c’est en prenant des notes documentaires, en notant des impressions, que Hugo sent naître sur le papier le rythme du poème. Quand il ne peut pas écrire, il compose de mémoire des strophes entières. Mais en l’absence de brouillons proprement dits, on ne saurait évaluer précisément la progression de la phase rédactionnelle. Les superbes mises au net, plus ou moins corrigées, ne doivent pas être regardées comme les premiers jets d’un génie inspiré. Pistes pédagogiques • Dans le manuscrit de « Dolor », distinguer les ratures selon leur fonction, suivant les définitions de Jean-Marc de Biasi : rature de substitution, rature de suppression, rature d’utilisation (pour enregistrer le fait qu’un segment a fait l’objet d’une exploitation ou d’une réécriture), rature de déplacement, rature de suspension (pour délimiter l’espace d’une rature à venir, en marquant un segment qui pourra donner lieu à une éventuelle annulation ou correction ultérieure). • Peut-on dire que Hugo relève plutôt de l’écriture à processus qui se construit dans l’avancée de la plume, ou plutôt de l’écriture à programme comme celle de Zola ? • Tout au long de sa vie créatrice, Hugo garde en réserve des fragments d’œuvres inachevées dont la destination n’est ni prévue ni assurée. Après sa mort, a-t-on eu raison de publier ces documents comme il le souhaitait ? Plus généralement, doit-on valoriser de la même manière un texte finalisé par son auteur et un brouillon ? À moins de considérer, avec Francis Ponge, que la genèse du poème, c’est le poème ? • À partir des sizains de « Dolor », retrouver quelques traits caractéristiques de la poésie de Hugo : l’utilisation lyrique de l’antithèse, l’abondance d’images visuelles, la maîtrise du rythme (alexandrin associé à l’hexasyllabe, alexandrin ternaire sans césure centrale), la richesse des sons. Pistes pédagogiques Sources : Jean Gaudon, « De la poésie au poème : remarques sur les manuscrits poétiques de Victor Hugo », Genesis, n° 2, 1992 Ce que j’écris n’est pas à moi. Je suis une chose publique Victor Hugo En réveillant son grand-père, Georges, le fils de Charles, voit parfois, sur une table placée contre le lit de son Papapa « des feuillets de papier, bandes de journaux, versos de lettres, semés d’indéchiffrables hiéroglyphes : les notes que, la nuit, sans lumière, il avait prises ; vers jetés là, au hasard, dans l’obscurité. » Georges Hugo, Mon grand-père, 1902 Les Misérables. « Reliquat » : notes et fragments manuscrits 790 f. BnF, Manuscrits, N. a. fr. 24744, f. 514 à 517
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