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Journal des tribunaux, Notes de Droit

Cour de justice19 avant l'arrêt Francovich du. 19 novembre 1991,qui, on s'en souvient, a dit pour droit qu'un Etat membre est obligé de.

Typologie: Notes

2021/2022

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Télécharge Journal des tribunaux et plus Notes au format PDF de Droit sur Docsity uniquement! Journal /) novembre 1996 n°33 - 4c année des tribunaux I ' ' l 1 BUREAU DE DÉPÔT: GENT X MENSUEL. SAUF JUILLET/AOÛT DROIT EUROPÉEN Editeur: LARCIER, rue des Minimes, 39 - B-1000 BRUXELLES Dossier NOV. 1995 LA RESPONSABILITÉ TS MEMBRES ENVERS LES PARTICULIERS ùlt'MANQUEMENTS AU DROIT COMMUNAUTAIRE 1. - Dans son arrêt du 5 mars 19961 , la Cour de justice d~s Communautés européennes a jugé que les Etats membres engagent leur respon­ sabilité s'ils violent des dispositions de droit communautaire et doivent, partant, réparer les dommages qui en résultent pour les particu­ liers, lorsque ces violations sont le fait du législateur national. Cet arrêt éclaire sous un jour relativement nouveau le principe de la primauté du droit communautaire, spécialement dans ses rap­ ports avec l'autonomie juridiçtionnelle dont jouissent, classiquement, les Etats membres. Il trace incontestablement une limite nouvelle à celle-ci. Il nous semble néanmoins difficile de parler d'un arrêt de principe, tant l'arrêt Franco­ vich2, par la généralité de ses termes, ne lais­ sait aucun doute sur la possi9ilité de mettre en cause la responsabilité des Etats membres en cas de manquements de leur part au droit communautaire. L'arrêt du 5 mars 1996 a le mérite, et non des moindres, d'en préciser les conditions lorsque le reproche açticulé par un particulier à l'en­ contre d'un Etat membre repose sur une loi contraire aux dispositions du droit commu­ nautaire directement applicables. L'objet de la présente note est limité au régime général de cette responsabilité conçu par la jurisprudence communautaire, par touches successives, depuis plus de trente ans. Aucune disposition du traité ou du droit dérivé ne règle, en effet, la question3 . Nous tenterons d'en dégager un système rela­ tivement cohérent qui puisse s'intégrer dans (1) C.J.C.E., Brasserie du PêcheuretFactortame, C-46/93 et C-48/93, publié en extraits au J.T.D.E., 1996, p. 111; non encore publié au Rec. (2) C.J.C.E., arrêt du 19 novembre 1991, Francovich, C-6/90 et C-9/90, Rec., I, p. 5357. la matière plus vaste, que nous n'aborderons pas, de la protection efficace et immédiate des droits que les particuliers tirent du droit communautaire avant d'en étudier les appli­ cations en droit belge de la responsabilité. 11.-DEL'AR BELGEÀL' LETC. ÉTAT NCOVICH 2. -À l'occasion d'un litige concernant l'ap­ plication du protocole sur les privilèges et immunités de la C.E.C.A., la Cour de justice a jugé, le 16 décembre 19604, que si elle cons­ tate «dans un arrêt qu'un acte législatif, ou administratif émanant des autorités d'un Etat membre est contraire au droit communau­ taire, cet État est obligé, en vertu de 1' article 86 du traité C.E.C.A.5, aussi bien de rapporter l'acte dont il s'agit que de réparer les effets illicites qu'il a pu produire; [ ... ] cette obliga­ tion résulte du Traité,et du protocole qui ont force de loi dans les Etats membres à la suite de leur ratification et qui l'emportent sur le droit interne». Cet arrêt laissait évidemment plus de ques­ tions ouvertes qu'il n'en résolvait. J,,a Cour avait-elle posé en principe que les Etats membres étaient responsables, de ma­ nière générale, pour tout type d'actes pris en violation du droit communautaire, alors qu'il (3) Voy. néanmoins la résolution du Parlement ~uropéen du 9 février 1983 sur la responsabilité des Etats membres en matière d'application et d'ob­ servance du droit communautaire, J.O.C.E., C 68, p. 32 ainsi que les suggestions de la Cour de justice sur l'Union européenne, Bull. C.E., suppl. 9/75, p. 17. (4) C.J.C.E., Humblet c. État belge, 6/60, Rec., p. 1125, spéc. p. 1146. (5) Analogue dans Se§ termes à l'article 5 du traité CE selon lequel «les Etats membres prennent tou­ tes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent Traité ... ». ISSN 0779-7656 E Dossier: La responsabilité des États membres envers les particuliers en cas de manque­ ments au droit communautaire, par J.-N. Pardon et R.O. Dalcq . 193 Examen de jurisprudence: La libre circulation des marchandises (septembre 1995 - août 1996), par J.-P. Keppene . 204 Décisions récentes: 1 Responsabilité des États membres - Réglementation nationale interdisant l'exportation d'animaux vivants en raison des traitements infligés dans le pays destinataire - Incompatibilité avec le droit communautaire (C.J.C.E., 23 mai 1996, Hedley Lomas) . 209 1 Concurrence - Eurovision - Restric­ tions imposées à la concurrence - Statut de la mission d'intérêt public poursuivie par les entreprises (T.P.I., 11 juillet 1996, Métropole télévision e.a. c. Commission) . 210 1 Droits de l'homme - Allocation d'ur­ gence à un chômeur en fin de droits - Différence de traitement fondée sur la nationalité - Discrimination (Cour eur. D.H., 16 septembre 1996, Gaygusuz c. Autriche) 211 Échos 212 Publications récentes Colloques . Nouveau LA LOYAUTÉ Mélanges offerts à Etienne CEREXHE Sous la coordination du professeur Joe Verhoeven Format 16 x 24, 456 pages, 1996 216 216 3.250 BEF avant le 22 novembre - 3.800 BEF après le 22 novembre .l LARCIER Commandes: LARCIER c/o Accès+, s.p.r.l. Fond Jean-Pâques 4, B-1348 Louvain-la-Neuve Tél. (32-10) 48.25.00 - Fax (32-10) 48.25. 19 ------------------------------ Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN 199 6 193 199 6 194 s'agissait en l'espèce d'obtenir la restitution de sommes perçues indûment en vertu de ce droit? Quels étaient les fondements du droit à répa­ ration: l'article 86 du traité CECA équivalent à l'article 5 du traité CE ou le principe de la primauté du droit communautaire auquel la Cour semblait également faire allusion? Un arrêt en, constatation de manquement à charge de l'Etat défaillant, conformément à la procédure prévue aux articles 169 à 171 du traité CE, devait-il être préalablement P,ro­ noncé par la Cour de justice, avant que l'Etat ne soit tenu à réparation? Dans ce cas, pou­ vait-on concevoir quel' obligation de répara­ tion soit fol)dée sur l'article 171 du traité qui impose à l'Etat membre dont le manquement a été constaté de «prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice»6 • Il est en tout cas certain que la Cour a voulu, dès cette époque, mettre en évidence les con­ séquences qui devaient se déduire d'un arrêt en constatation de mal}quement sur le plan de la responsabilité de l'Etat défaillant vis-à-vis des particuliers. En effet, dans l'hypothèse où l'État défen­ deur, dans le cadre d'une procédure en man­ quement, venait à remédier au grief qui lui était reproché avant le prononcé del' arrêt de la Cour, celle-ci a toujours considéré que la poursuite de la procédure comportait «un inté­ rêt matériel en vue d'établir la base d'une responsabilité qu'un État membre peut être dans le cas d'encourir, en conséquçnce de son manquement, à l'égard d'autres Etats mem­ bres, de la Communauté ou de particuliers»7 ou encore, selon une jurisprudence plus ré­ cente, à l'égard de ceux qui tirent des droits dudit manquement» 8 • ~e principe même de la responsabilité des Etats membres envers les particuliers était posé. On pquvait déduire de ces arrêts que tout acte d'un Etat membre, qui aboutissait à un arrêt en manquement, était susceptible d'engager sa responsabilité envers les particuliers. 3. - La Cour a encore eu l'occasion de se prononcer en la matière dans un arrêt du 22 janvier 19769 • Un producteur italien de blé avait soumis à la Cour des questions préjudicielles relatives à l'interprétation d'un règlement du Conseil européen portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales. Il était notamment demandé à la Cour de tirer les conséquences d'une ingérence illicite de (6) Voy. F. SrnocKWEILER, «La responsabilité de l'autorité nationale en cas de violation du droit communautaire», R.T.D.E., 1992, p. 27, spéc. p. 37. (7) C.J.C.E., arrêt du 7 février 1973, Commission c. Italie, 39172, Rec., p. 101, point 11; C.J.C.E., arrêt du 20 février 1986, Commission c. Italie, 309/ 84, Rec., p. 599, point 18; voy. les références citées par l'avocat général Tesauro dans ses conclusions précédant l'arrêt Brasserie du Pêcheur, p. 17, note 29. (8) C.J .C.E., arrêt du 24 mars 1988, Commission c. Grèce, 240/86, Rec., p. 1835, point 14. (9) C.J.C.E., Russo, 60175, Rec., p. 45. Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN l'État italien dans les mécanismes de forma­ tion de prix prévus par l'organisation com­ mune du marché, qui aurait eu pour effet de léser les droits conférés à cet opérateur par la réglementation en question. Les réponses de la Cour fournissent deux précisions importantes. Selon celle-ci, le dommage réparable dont se prévalait le particulier, devait être apprécié par rapport à la finalité du règlement, c'est­ à-dire «au regard du droit communautaire» 10• La réglementation communautaire tendant à ce que le producteur n'obtiennne pas un prix inférieur au prix dit d'intervention, il ne pou­ vait se prévaloir d'un dommage si le prix effectivement obten,u était supérieur, même si l'intervention de l'Etat était déclarée incom­ patible avec l'organisation commune du mar­ ché. Le juge national était dès lors invité par la Cour à constater si «un tel préjudice» 11 avait été causé au producteur individuel. Ce n'est que dans l'hypothèse où un tel préju­ dice aurait été causé que la Cour a el)suite dit pour droit qu' «il incomberait à l'Etat d'en assumer, à l'égard de la personne lésée, les conséquences dans le cadre des dispositions du dr9it national relatives à la responsabilité de l'Etat» 12 • Deux conclusions s'imposaient à la lecture de cet arrêt, qui répondaient partiellement aux questions soulevées par la jurisprudence anté­ ri~ure. Les conditions de la responsabilité de l'Etat devaient être recherchées dans le droit national de chaque État membre. Le dom­ mage devait être apprécié, dans les circons­ tances de l'espèce, au regard du droit com­ munautaire. Il ,semblait enfin que la condamnation de l'Etat défaillant dans le cadre d'une procédure en manquement, ne constituait pas une étape obligée et préalable à la mise en cause de sa responsabilité 13. 4. - La référence au recours en manquement a une nouvelle fois été omise et le renvoi aux règles nationales de la responsabilité con­ firmé dans un arrêt de la Cour de justice du 13 février 197914 • Dans cette affaire, était mise en cause la res­ ponsabilité d'un organisme national qui avait refusé de délivrer à une entreprise un certificat de protéines pour certains aliments végétaux et ce, conformément à un règlement du Con­ seil déclaré ultérieurement invalide par la Cour de justice. À cette occasion, la Cc~ur a dit pour droit que la responsabilité de l'Etat pouvait être enga­ gée «soit du fait d'une violation du droit communautaire, soit par un acte ou une omis­ sion contraire du droit national, à l'occasion de l'application du droit communautaire». Acte ou omission contraire au droit com­ munautaire ou à l'application qui doit en être ( 10) Arrêt précité, point 7. (11) Arrêt précité, point 8. (12) Arrêt précité, point 9. , (13) Voy. en ce sens: D. SIMON, «Le Conseil d'Etat et les directives communautaires: du gallicanisme à l'orthodoxie», R.T.D.E., 1992, pp. 276 et 277. (14) C.J.C.E., Granaria, 101/78, Rec., p. 623, point 14. faite 15, tels sont, parfaitement résumés dans cet arrêt lapigaire pour le surplus, les compor­ tements des Etats membres susceptibles d'en­ gager leur responsabilité envers. les particu­ liers. 5. - Par ailleurs, la doctrine 16 a vu dans la jurisprudence relative à la répétitjon d'impo­ sitions indûment perçues par un Etat membre au regard du droit communautaire, une confir­ mation implicite du renvoi aux règles,nationa­ les en matière de responsabilité de l'Etat, sous deux réserves importantes sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir. Nous nous limiterons à citer l'attendu célèbre d'un arrêt rendu en la matière le 10 juillet 198017 : <;Il appartient à l'ordre juridique de chaque Etat membre de désigner les juridictions com­ pétentes et de régler les modalités procédu­ rales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit commu­ nautaire, étant entendu que ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles con­ cernant des recours similaires de nature in­ terne et qu'en aucun cas elles ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits que les juri­ dictions nationales ont l'obligation de sauve­ garder.» On remarquera qu'après avoir limité, dans un premier temps, la référence au droit national en ce qui concerne les conditions de forme des actions en répétition, la Cour a étendu son raisonnement aux conditions de fond 18 • 6. - Tel était l'état de la jurisprudence de la Cour de justice 19 avant l'arrêt Francovich du 19 novembre 1991,qui, on s'en souvient, a dit pour droit qu'un Etat membre est obligé de réparer les dommages découlant pour les par- (15) On songe à l'application des directives, des règlements et des déçisions qui sont autant d'actes obligatoires pour l'Etat qui en est le destinataire: voy. sur ce point, J. VERHOEVEN, Droit de la Com­ munauté européenne, Bruxelles, Larcier, 1996, pp. 240 à 245; F. SCHOCKWEILER, op. cit. ( 16) Chr. BERTRAND, «La responsabilité des États membres en cas de non-transposition des directives communautaires», Rev. dr. publ. se. pol., 1994, p. 1512; D. SIMON et A. BARA V, «La responsabilité de l'administration nationale en cas de violation du droit communautaire», Rev. M.C., 1987, p. 165; R. KovAR, «Voies de droit ouvertes aux individus devant les instances nationales en cas de violation des normes et décisions du droit communautaire», in Les recours des individus devant les instances nationales en cas de violation du droit européen, Bruxelles, Larcier, 1978, p. 245; F. HuBEAU, «La répétition de l'indu en droit communautaire», R.T.D.E., 1981, p. 442. (17) C.J.C.E.,Ariete, 811/79, Rec., p. 2545, point 12. (18) C.J.C.E., arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, Rec., p. 3595, point 12 et les réf. jurisprudentielles citées; M. W AELBROECK, «La ga­ r;mtie du respect du droit communautaire par les Etats membres. Les actions au niveau national», obs. sous l'arrêt San Giorgio, Cah. dr. eur., 1985, p. 30. ( 19) Voy. aussi les conclusions de l'avocat géné­ ral J acobs, précédant l'arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Enichem, 380/87, Rec., p. 2491, point 19; C.J.C.E., arrêt du 27 février 1980, Hans Just, 68/ 79, Rec., p. 501. vement difficile l'obtention de la réparation» (point 43). L'arrêt du 5 mars 1996 viendra illustrer ce double mécanisme autonome et minimal de non-discrimination et de l'effet utile39 . Retenons qu'il a été appliqué par la Cour, par exemple, dans le domaine déjà cité des actions en répétition de l'indu et dans celui del' égalité de traitement entre hommes et femmes, pour déclarer tantôt incompatibles avec le droit communautaire, la règle de preuve qui vise à rejeter sur le contribuable la charge d'établir que les taxes indûment payées n'ont pas été répercutées sur d'autres sujets ou qui exclut des modes de preuves autres que la preuve documentaire40 ou encore des délais de re­ cours et de forclusion commençant à courir avant la transposition correcte d'une directive si les droits invoqués sont basés sur celle-ci41 , tantôt pour déclarer compatible avec le droit communautaire la règle limitant l'effet ré­ troactif des demandes introduites en vue de faire reconnaître une incapacité de travail42 • 16. - Un dernier élément doit encore être souligné. La Cour a en effet constaté, au terme de son raisonnement et comme s'il s'agissait d'une condition supplémentaire à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat italien, que la violation du droit communautaire avait été constatée par un arrêt en manquement. Or, selon la jurisprudence antérieure, la réfé­ rence à cette condition semblait avoir été abandonnée43 • On ne pouvait dès lors que s'en étonner"'. III. -L'AR BRASSER FAC 17. - Les circonstances de fait à 1' origine des deux affaires jointes qui ont donné lieu à l'arrêt du 5 mars 1996 étaient les suivantes. Dans l'affaire C-46/93, une brasserie alsa­ cienne, la SA Brasserie du Pêcheur s'était vu refuser, à la fin de 1981, le renouvellement de son contrat de distribution par son importateur exclusif allemand au motif que les autorités · allemandes contestaient la conformité de la bière qu'elle fabriquait aux exigences de «pu­ reté» imposées par la loi fiscale sur la bière. (39) Pour une illustration complète du principe de l'effet utile: P. OuvER, «Le droit communautaire et les voies de recours nationales», Cah. dr. eur., 1992, p. 348; R. JoLJET, «La protection juridic­ tionnelle des particuliers contre les manquements étatiques», R.F.D.A., 1994, p. 865. (40) C.J.C.E., arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, Rec., p. 3595, point 14, précité. (41) C.J.C.E., arrêt du 25 juillet 1991, Emmott, C- 208/90, Rec., I, p. 4269, point 23; C.J.C.E., arrêt du 27 octobre 1993, Steenhorst-Neerings, C-338/91, Rec., I, p. 5475; J.T.D.E., 1994, p. 16. (42) C.J.C.E., arrêt du 27 octobre 1993, Steen­ horst-Neerings, précité; C.J.C.E., arrêt du 6 dé­ cembre 1994, Johnson, C-410/92, Rec., I, p. 5483; voy. aussi: C.J.C.E., arrêt du 14 décembre 1995, van Schijndel e.a., C-430/93 et 431/93, Rec., I, p. 4705, sur la compatibilité du principe dispositif. (43) Supra, n'" 3 et 4. (44) Voy. A. BARAV, note sous l'arrêt, J.CP., 1992, II, 21783, p. 16, précité. Cette loi interdisait, d'une part, de commer­ cialiser sous la dénomination «Bier» des biè­ res légalement fabriquées dans d'autres États membres selon des méthodes différentes et, d'autre part, d'importer des bières contenant des additifs. Dans un premier temps, la Commission a engagé une procédure en manquement à 1' en­ contre de la République fédérale d' Allema­ gne qui fut condamnée par un arrêt du 12 mars 1987, en ce que cette double interdiction comminée par la loi fiscale était contraire à l'article 30 du traité45 • A la suite de cet arrêt, la République fédérale d'Allemagne a modifié sa législation de manière à la rendre conforme à cette disposition. Forte de cette décision de condamnation, la société Brasserie du Pêcheur a assigné la Ré­ publique fédérale d'Allemagne en réparation du préjudice-que cette restriction de ses expor­ tations lui avait fait subir entre 1981 et 1987. La juridiction allemande saisie a estimé que le droit allemand ne fournissait auncune base légale qui permettait une telle réparation dans l'hypothèse envisagée où le législateur avait tardé à modifier sa législation pour la rendre conforme au droit communautaire. Elle a saisi par conséquent la Cour de justice d'une demande de décision à titre préjudiciel, afin c!' établir si le principe de la responsabilité de l'Etat pour des dommages causés aux par­ ticuliers par des violations du droit com­ munautaire qui lui sont imputables, tel qu'il résultait de l'arrêt Francovich, était appli­ cable en l'espèce. En raison de leur importance pratique, nous résumons les questions qui étaient posées à la Cour: - la responsabilité de l'État s' applique-t-elle «également lorsque la violation résulte du fait qu'une loi parlementaire formelle n'a pas été adaptée aux normes du droit communautaire, dont le rang est supérieur»? - les restrictions del' ordre juridique national en matière de droit à indemnisation peuvent­ elles être appliquées mutatis mutandis? - «!' ordre juridique national peut-il subor­ donner le droit à indemnisation à l'existence d'une faute (intentionnelle ou de négligence) imputable aux organes étatiques responsables de la non-adaptation?»; - l'indemnisation doit-elle comprendre «!' ensemble des atteintes portées au patri­ moine, y compris le manque à gagner» ainsi que les «dommages qui étaient déjà nés avant que la Cour de justice européenne» n'ait cons­ taté le manquement de la République fédérale d'Allemagne? 18. - Les faits relatifs à l'affaire C-48/93 Factortame (Ill) étaient plus complexes. Nous les résumons brièvement. Des sociétés propriétaires et exploitantes de bateaux de pêche, dont la société Factortame Ltd., ainsi que leurs administrateurs et action­ naires dont la plupart étaient des ressortissants espagnols, ont contesté devant la High Court (45) Commission c. Allemagne, 178/84, Rec., p. 1227. of Justice la compatibilité du Merchant Shipping Act de 1988 avec, notamment, l'ar­ ticle 52 du traité qui interdit les restrictions à la liberté d'établissement et ont réclamé la réparation des dommages qu'ils avaient pré­ tendûment subis du fait de 1 'application de cette loi. Celle-ci, entrée en vigeur le 1er avril 1989, prévoyait 1' établissement d'un nouveau regis­ tre naval pour tous les bateaux de pêche, en ce compris ceux qui étaient déjà inscrits dans l'ancien registre, et subordonnait la nouvelle immatriculation à certaines conditions de na­ tionalité, d~ résidence et de domicile des pro­ priétaires. A défaut de réunir ces conditions, les navires étaient privés du droit de pêcher sous pavillon du Royaume-Uni. La juridiction britannique saisie a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice sur la compatibilité de cette législation avec, notamment, l'article 52 du traité. Dans son arrêt du 25 juillet 1991, la Cour de justice a jugé que le droit communautaire s'opposait aux exigences de nationalité, de résidence et de domicile des proprétaires et exploitants de bateaux, imposées par cette loi, mais que, en revanche, il ne s'opposait pas à ce qu'il soit exigé que ceux-ci soient exploités et leur utilisation dirigée et contrôlée à partir du Royaume-Uni46 • Entre-temps, la Commission avait introduit un recours en manquement contre le Royau­ me-Uni. Par un arrêt du 4 octobre 1991, la Cour confirma l'incompatibilité des condi­ tions de nationalité avec le droit commu­ nautaire47. Le Royaume-Uni modifia sa législation avec effet au 2 novembre 1989 tandis que la High Court devait encore statuer sur les différents chefs de dommages réclamés par les proprié­ taires et exploitants, comprenant notamment les frais encourus et les pertes subies depuis le 1er avril 1989 jusqu'au moment où ils avaient pu reprendre la pêche. Estimant que le droit anglais n'offrait pas ou difficilement des possibilités de réparation, la juridiction britannique a posé à la Cour de justice des questions préjudicielles analogues à celles posées par son homologue allemande. La High Court relevait, plus spécialement, que la législation imposant des conditions de nationalité avait fait l'objet d'un recours en manquement qui avait abouti à la condamna­ tion du Royaume-Uni et s'interrogeait sur la possibilité d'ordonner la réparation de dom­ mages spécifiques tels que des dommages­ intérêts «exemplaires» pour comportement inconstitutionnel des autorités publiques (exemplary damages for unconstitutional behaviour). A. - Sur la responsabilité de l'État du fait des actes et omissions du législateur natio­ nal contraires au droit communautaire 19. - La jurisprudence Francovich était-elle applicable lorsque le reproche articulé par un !ifflWM! @fflilm!tU@1!!!!1llB!!l~ffli~-t RBM~ (46) C.J.C.E., 25juillet 1991, Factortame Il, C- 221/89, Rec., I, p. 3905. (47) C.J.C.E., Commission c. Royaume-Uni, C- 246/89, Rec., I, p. 4585. ______________________________ Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN 199 6 197 199 6 198 particulier à l'encontre de l'État n'était pas fondé sur la non-transposition d'une directive mais sur une loi nationale contraire au droit communautaire ou sur le défaut d'abrogation en temps utile d'une telle loi? Pour répondre de manière affirmative à cette question, la Cour considère tout d'ab9rd que le principe de la responsabilité de)' Etat est valable «quel que soit l'organe de! 'Etat mem­ bre dont l'action ou l'omission est à l'origine du manquement» (point 32). Un autre principe fonde cette conclusion: ce­ lui de l'uniformité d'application du droit communautaire qui ne saurait dépendre «des règles internes de répartition des compétences entre les pouvoirs c9nstitutionnels»48 • Toutes les instances de l'Etat sont donc tenues au respect des normes imposées par le droit communautaire. Le principe de la primauté du droit communautaire sur la Constitution est au passage rappelé"9 • 20. - La Cour devait également rencontrer un argument important opposé par certains gou­ vernements qui avaient présenté des observa­ tions en cours d'instance. De manière habile, ceux-ci avaient en effet fait VJ!loir que le principe de la responsabilité de l'Etat ne s'imposait qu'en cas de violation de dispositions de droit communautaire non directement applicables. En d'autres termes, le principe devait exclusivement s'appliquer dans l'hypothèse qui était celle de l'arrêt Francovich, où les particuliers ne pouvaient se prévaloir del' effet direct. Or, en l'espèce, les articles 30 et 52 du traité qui interdisaient les mesures législatives litigieuses, répon­ daient aux conditions de l'effet direct. Selon ces gouvernements, la protection de l'effet direct devait en quelque sorte suffire. L'argument est catégoriquement rejeté aux termes de quatre attendus qui sont parmi les plus importants de l'arrêt (points 20 à 23). En cas de lésion d'un droit que les particuliers peuvent directement invoquer devant les juri­ dictions nationales, la Cour considère que «le droit à réparation constitue le corollaire né­ cessaire del' effet direct reconnu aux disposi­ tions communautaires dont la violation est à l'origine du dommage causé» (point 22). La protection des droits que les particuliers tirent directement du droit communautaire est ainsi complétée par un droit à réparation, en cas de manquement à ces droits par un Etat membre. La raison en est simple et est pleinement justifiée. Les circonstances de l'espèce le dé­ montrent. Nonobstant l' applicabi!ité directe des articles 30 et 52 du traité, les Etats mem­ bres concernés n'avaient pas pris les mesures ( 48) l'appui de cette allégation, la Cour cite son arrêt du 21 février 1991, Zuckerfabrik, C-143/88 et C-92/89, Rec., I, p. 415, point 26, qui a décidé que les conditions d'octroi du sursis à l'exécution d' ac­ tes administratifs nationaux fondés sur un règle­ ment communautaire dont la validité est contestée mais non encore constatée par la Cour, devaient être celles du référé devant la Cour. ( 49) Cfr. J .-V. Louis, «La primauté, une valeur relative?», Cah. dr. eur., 1995, p. 23. Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN nécessaires en vue d'effacer complètement les situations préjudiciables dans lesquelles se trouvaient les sociétés Brasserie du Pêcheur et Factortame. Dans ces circonstances, il était clair que la protection conférée par le mécanisme de I' ef­ fet direct, ne présentait qu'une garantie insuf­ fisante, «minimale», comme le souligne la Cour à l'appui de sa jurisprudence anté­ rieure50. Les principes de la responsabilité de l'État et de l'effet direct sont donc complémentaires, en ce sens que le premier s'applique là où le second ne confère pas une protection efficace, immédiate et complète des droits que les par­ ticuliers tirent du droit communautaire. En vertu de l'obligation imposée aux particu­ liers de limiter leur dommage en utilisant, notamment, toutes les voies de droit qui sont à leur disposition (point 84 de l'arrêt), on pourrait admettre que le juge national refuse ainsi de retenir la responsabilité de l'Etat s'il est établi que le mécanisme de l'effet direct aurait suffi à conférer cette protection. Relevons également qu'à ces mécanismes de protection des droits s'ajoute celui de l'inter­ prétation du droit national conformément au droit communautaire, depuis la jurisprudence Marleasing51 selon laquelle, en appliquant le droit national, qu'il s'agisse de dispositions antérieures ou postérieures à une directive, la juridiction nationale appelée à l'interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci. Ce principe de l'interprétation conforme ne constitue aussi qu'une garantie minimale, complétée, le cas échéant,,par la mise en cause de la responsabilité de l'Etat. Un arrêt de la Cour du 16 décembre 1993 l'illustre parfaitement52 • La loi espagnole portant statut des tra­ vailleurs, antérieure à la directive 80/987 / CEE sur l'insolvabilité des employeurs déjà en cause dans l'affaire Francovich, avait ins­ titué un fonds de garantie en sorte que l'Espa­ gne n'avait pas estimé nécessaire de modifier son droit national pour l'adapter à cette direc­ tive. Toutefois, selon la législation espagnole, ce fonds de garantie ne s'appliquait pas au personnel de direction. Un membre de ce personnel d'une entreprise espagnole porta le litige qui l'opposait à son employeur, par voie préjudicielle, devant la Cour de justice qui constata tout d'abord que les membres du personnel de direction ne pouvaient être ex­ clus, en l'espèce, du champ d'application de la directive. En outre, en l'absence d'effet direct de celle-ci, le personnel de direction ne pou­ vait revendiquer la protection du fonds de garantie prévue par la législation espagnole (50) Arrêts cités au point 20 de la décision com­ mentée. (51) C.J.C.E., arrêt du 13 novembre 1990, Marleasing, C-106/89, Rec., I, p. 4135, point 8. (52) C.J.C.E., Wagner Miret, C-334/92, Rec., I, p. 6911; J.T.D.E., 1994, p. 33, obs. J. JACQMAIN; D. SIMON et A. RIGAUX, obs., Europe, février 1994, p. 9. pour les autres catégories de travailleurs sala­ riés. Enfin, la Cour releva que le droit national ne pouvait, apparemment, être interprété comme incluant le personnel de direction parmi les bénéficiaires des garanties, après avoir constaté que «le principe del' interpréta­ tion conformes' impose tout spé,cialement à la juridiction nationale lorsqu'un Etat membre a estimé, comme en l'espèce, que les disposi­ tions préexistantes de son droit national ré­ pondaient aux exigences de la directive con­ cernée» (point 21 ). Dans ces conditions, le demandeur était en droit d'invoquer la res­ ponsabilité de l'État du fait de l'inexécution de la directive 80/987 /CEE. End' autres termes, si les principes de l'effet direct et de l'interprétation conforme suffi­ sent ou auraient suffi, s'ils avaient été invo­ qués, à protéger efficacement, c'est-à-dire complètement, les droits que les particuliers tirent du droitcommugautaire, il n'y a pas lieu à responsabilité de l'Etat53 . 21. - Il en résulte également5 ., que la juris­ prudence Francovich est susceptible de s' ap­ pliquer, selon nous, en cas de non-transposi­ tion d'une directive répondant aux conditions de l'effet direct. Ainsi que la doctrine l'a souligné, la consécration de la responsabilité de l'Etat en cas de manquement au droit communautaire est un principe général de droit55. En outre, comme l'effet direct des directives a été reconnu non seulement vis-à-vis d'autori­ tés étatiques proprement dites, mais égale­ ment d'autorités fiscales, de collectivités ter­ ritoriales, d'autorités constitutionnellement indépendantes chargées du maintien de l'or­ dre et de la sécurité publique, d'autorités pu­ bliques assurant des services de santé publi­ que, d'entreprises nationalisées chargées d'un service d'intérêt public56, le principe de cette responsabilité doit évidemment être étendu dans ces mêmes conditions. La référence aux directives57 conduit égale­ ment à se demander si la consécration de la responsabilité de l'État pourrait être envisa­ gée comme un palliatif à leur absence d'effet direct horizontal. On sait en effet que la Cour rejette58 , en dépit de l'opinion de certains de ses avocats géné­ raux, la notion d'effet direct horizontal des directives en ce sens que celles-ci ne créent pas d'obligations dans le chef des particuliers. (53) En ce sens: C.J.C.E., arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91/92, Rec., I, p. 3325, point 27; J.T.D.E., 1994, p. 182. (54) Contra: M. PÂQUES, op. cit., p. 194, n' 40. Voy. aussi: Ch. BERTRAND, op. cit., p. 1515. (55) L. Dusou1s, «La responsabilité del' État pour des dommages causés aux particuliers par la viola­ tion du droit communautaire», R.F.D.A., 1992, p. l, spéc. p. 4. (56) Voy. C.J.C.E., arrêt du 12 juillet 1990, Foster, C-188/89, Rec., I, p. 3348. (57) Voy. sur la question de la responsabilité de l'Etat à l'occasion de l'application des règlements communautaires, les conclusions del' avocat géné­ ral Capotorti, C.J.C.E., arrêt du 13 février 1979, précité. Cfr aussi le paragraphe 3 ci-avant. (58) C.J.C.E., 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec., p. 723. En l'état actl}el de la jurisprudence, le ressor­ tissant d'un Etat membre qui ne peut invoquer à l'égard d'un autre ressortissant les disposi­ tions d'une directive, peut néanJ11oins mettre en cause la responsabilité de l'Etat en cas de non-transposition de celle-ci, moyennant le resp~ct des conditions examinées ci-avant. Les Etats membres payent ainsi un lourd tribut à l'absence de reconnaissance del' effet direct horizontal des directives59 • De même, il y a lieu de relever que la matière de la protection des droits des particuliers n'a pas encore été étendue par la jurisprudence communautaire à la mise en cause de la res­ ponsabilité des ressortissants en cas de viola­ tion du droit communautaire qui leur serait imputable60 . 22. - L'arrêt commenté fournit encore deux précisions sur)e principe même de la respon­ sabilité de l'Etat, qui méritent d'être souli­ gnées. D'une part, la Cour de justice peut connaître, en vertu des articles 16461 et 177 du traité, de toutes questions préjudicielles posées en la matière par les juridictions nationales. D'au1re part, le principe de la responsabilité de l'Etat est calqué sur l'article 215 du traité qui consacre l'obligation ,des Communautés européennes, comme des Etats membres, pré­ cise la Cour, de réparer les dommages causés dans l'exercice de leurs fonctions. C'est dès lors sur la base del' ensemble de ces considérations que la Cour conforte la jurisprudence Francovich en, présentant la rè­ gle de la responsabilité de l'Etat, inhérente au système du traité, comme «valable pour toute hypothèse de vjolation du droit commu­ nautaire par un Et~t membre, et ce quel que soit l'organe de l'Etat membre dont l'action ou l'omission est à l'origine du manquement» (point 32). B. - Les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité de l'État 23. - Rappelant la jurisprudence Francovich, la Cour énonce que ces conditions «dépendent de la nature de la violation du droit com­ munautaire qui est à l'origine du dommage causé» (point 38). Elles doivent, en toute hypothèse, assurer la pleine efficacité des normes communautaires et la protection ef­ fective des droits qu'elles reconnaissent. Elles qppellent, pour ce faire, la coopération des Etats membres conformément à l'article 5 du traité. L'arrêt innove en ce qu'il systématise ces conditions, d'une manière qui pourra paraître définitive. (59) Cfr C.J.C.E., arrêt du 7 mars 1996, El Corte lnglés, C-192/94, J.T.D.E., 1996, p. 87; C.J.C.E., arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dari, précité, points 26 à 29. (60) Voy. les conclusions de l'avocat général W. Van Gerven, précédant l'arrêt du 14 avril 1994, Banks, C-128/92, Rec., p. 1209, pp. 1212 à 1267; J.H. HERBOTS, «La responsabilité délictuelle des personnes privées pour violation du droit com­ munautaire», J.T., 1995, p. 225. ( 61) L'article 164 du traité énonce que «la Cour de justice assure le respect du droit dans l'interpréta­ tion et l'application du présent traité». Un droit à réparation est econnu par le droit communautaire dès lors ue trois conditions sont réunies: - la violation de la règl de droit commu­ nautaire doit être «suffi amment caractéri­ sée»; - cette règle doit avoir p ur objet de conférer des droits aux particulier ; - un lien de causalité dir et doit exister entre cette violation et le do mage subi par les personnes lésées. La Cour précise néanm ins que «les trois conditions visées ci-dess s sont nécessaires et suffisantes pour engendr au profit des parti­ culiers un droit à réparati n, sans p,our autant exclure que la responsab lité de l'Etat puisse être engagée dans des conditions moins restrictives sur le fondement du droit natio­ nal» (point 66). a) La violation suffisamment caractérisée de la règle de droit communautaire 24. - Cette condition particulière est réalisée en cas de «méconnaissance manifeste et grave, par un État membre comme par une institution communautaire, des limites qui s'imposent à son pouvoir d'appréciation» (point 55). La référence aux institutions communautaires se justifie par la transposition aux États mem­ bres de la responsabilité extracontractuelle mise à charge de la Communauté par l'article 215, alinéa 2, du traité, comme le préconisait l'avocat général Tesauro dans ses conclusions précédant l' arrêt62 . Il semble en effet logique que «la protection des droits que les particuliers tirent du droit communautaire ne saurait varier en fonction de la nature nationale ou communautaire de l'autorité à l'origine du dommage» (point 42). Notre propos n'est pas d'analyser ce régime complexe de responsabilité des institutions communautaires63 dont les conditions, en matière d'activité normative, ont été transpo­ sées par l'arrêt c,ommenté en matière de res­ ponsabilité des Etats membres. Les rares cas où la responsabilité de la Communauté a été retenue, en raison de son caractère très restrictif, pourraient laisser supposer qu'il en sera de m~me en ce qui concerne la responsa­ bilité des Etats membres. Nous doutons néan­ moins qu'il en soit ainsi, compte tenu, notam­ ment, de la nature des règles de droit dont la violation est susceptible d'engager la respon­ sabilité, tantôt de la Communauté, tantôt des États membres. 25. - La méconnaissance manifeste et grave des limites qui ~'imposent au pouvoir d'ap­ préciation de l'Etat dans l'accomplissement (62) Selon cette disposition, «en matière de res­ ponsabilité non contractuelle, la Communauté doit réparer, conformément qux principes généraux communs aux droits des Etats membres, les dom­ mages causés par ses institutions ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions». (63) Voy. F. FINES, Étude de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté économique européenne, Paris, L.G.D.J., 1990; F. SrnocK­ WEILER, «L'accès à la justice dans l'ordre juridique communautaire», J. T.D.E., 1996, p. 1. de sa mission communautaire, est laissée par la Cour à l'analyse des juridictions nationales. Il ne faut toutefois pas s'y tromper. La Cour propose un ensemble de critères qui «com­ munautarise»64 cette condition. Ces critères sont tous mentionnés à l'attendu n° 56. Nous les reprenons: «Le degré de clarté et de précision de la règle violée, l'étendue de la marge d'appréciation que la règle enfreinte laisse aux autorités nationales ou commu­ nautaires, le caractère intentionnel ou invo­ lontaire du manquement commis ou du préju­ dice causé, le caractère excusable ou inexcu­ sable d'une éventuelle erreur de droit, la cir­ constance que les attitudes prises par une institution communautaire ont pu contribuer à l'omission, l'adoption ou au maintien de me­ sures ou de pratiques nationales contraires au droit communautaire». On a fait remarquer que le crit~re de la marge d'appréciation laissée aux Etats membres peut surprendre lorsque la règle violée est une disposition d'effet direct, comme les articles 30 et 52 du traité, étant donné que le critère essentiel del' effet direct est précisément l' ab­ sence de pouvoir discrétionnaire des Etats membres65. L'argument doit être nuancé. Selon une jurisprudence constante de la Cour, pour qu'une disposition produise,des effets directs dans les relations entre les Etats mem­ bres et leurs justiciables, il faut, on l'a vu, «qu'elle soit claire et inconditionnelle et qu'elle ne soit subordonnée à aucune mesure d'exécution discrétionnaire»66 . Sil' exécution d'une disposition d'effet direct ne peut illJpli­ quer un pouvoir discrétionnaire des Etats membres, il n'en est pas nécessairement ainsi de toutes les mesures normatives prises par ceux-ci, qui ne se résument pas à l'exécution d'une telle disposition. Dans çette hypothèse, l'obligation qui incombe à l'Etat est de ne pas violer la disposition d'effet direct. C'est la marge d'appréciation laissée pour les modali­ tés d'exécution de cette obligation qui est, notamment, la mesure de sa violation. Dans un arrêt du 23 mai 1996, la Cour a jugé que le refus du ministère britannique de 1 'Agriculture de délivrer des licences d'ex­ portation en violation de l'article 34 du traité, sans qu'il ait pu être valablement justifié par un recours à l'article 36, constituait une in­ fraction au droit communautaire suffisante pour «établir l'existence d'une violation suf­ fisamment caractérisée», étant donné qu; au moment où il a commis l'infraction, l'Etat «n'était pas confronté à des choix normatifs et disposait d'une marge d'appréciation consi­ dérablement réduite, voire inexistante»67 • Pareillement, le défaut de transposition d'une directive constitue, en lui-même, une viola­ tion suffisamment caractérisée du droit com­ munautaire parce que l'État al' obligation de (64) A. RIGAUX, «L'arrêt Brasserie du Pêcheur~ Factortame Ill»: Le roi peut mal faire en droit communautaire», Europe, mai 1996, Chr. p. 1. (65) A. RrGAUX, op. cit.; cfr ci-avant, note 30. (66) C.J.C.E., arrêt du 15janvier 1986, Hurd. 44/ 84, Rec., p. 29, point 47. (67) C.J.C.E., Lomas, C-5/94, non encore publié au Rec. ------------------------------ Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN 199 6 199 1 9 9 6 202 organes (voyez le titre premier du livre l de la deuxième partie du Code judiciaire: «Organes du pouvoir judiciaire») et disposent à ce titre des pouvoirs définis par le Code judiciaire8 \ cela ne confère pas davantage unt; telle per­ sonnalité au pouvoir judiciaire. L'Etat fédéral est un et un seul pouvoir, le pouvoir exécutif, en représente les compétences diverses. La confirmation en est donnée, en ce qui concerne le pouvoir législatif, par l'affaire dont eut à connaître la Cour de cassation le 27 mai 1971 s-1_ L'action fondée sur une violation du droit communautaire (art. 12 du traité CEE) résul­ tait d'arrêtés royaux qui avaient imposé une taxe sur l'importation de produits laitiers. La Commission de la Communauté écsmomique européenne ayant estimé que l'Etat belge avait manqué aux obligations qui lui incom­ baient en vertu du traité en établissant ces droits spéciaux exerça contre lui un recours devant la Cour de justice. Sur ce recours, la Cour de justice avait, par arrêt du 13 novem­ bre 1964, décidé qu'en établissant et en appli­ quant après le 1 cr janvier 1958 un droit spécial perceptible à l'occasion de la délivrance des licences d'importation de produits laitiers, le gouvernement belge avait enfreint les dispq­ sitions impératives de l'article 12 du traité. A la suite de cet arrêt, les droits spéciaux à l'importation des produits laitiers ont été sup­ primés par l'arrêté ministériel du 29 octobre 1964 et par l'arrêté royal du 23 octobre 1965, mais les arrêtés en vertu desquels les droits avaient été perçus antérieurement ont été, comme l'arrêté royal du 3 novembre 1958, ratifiés pour le passé par la loi du 19 mars 1968 dont le texte était le suivant: «Les sommes versées en application de ces arrêtés sont définitivement acquises. Leur paiement est irrévocable et ne peut donner lieu à contesta­ tion devant quelque autorité que ce soit». On se souviendra que la Cour de cassation, dans son arrêt, a consacré à cette occasion la primauté du droit international sur le droit national et a considéré dès lors que la loi du 19 mars 1968 devait être écartée comme con­ traire à l'article 12 du traité instituant la Com­ munauté économique européenne. Il s'agis­ sait donc bien d'une mise en cause du pouvoir législatif; néanmoins, l'action fut intentée contre le ministre des Affaires économiques et non contre le Parlement85 . 37. - Il en est d'ailleurs de même en ce qui concerne le pouvoir judiciaire. Dans l'affaire qui a donné lieu aux arrêts de la Cour de cassation du 19 décembre 1991 et du 8 décem­ bre 199486, c'est uniquement le ministre de la Justice qui a été mis en cause. (83) Voy. le Livre II de la deuxième partie du Code judiciaire, qui définit «Les fonctions judiciaires» et la troisième partie du Code judiciaire qui détermine la compétence et donc les pouvoirs des organes de la magistrat~tre. (84) Arrêt Etat belge, Ministère des Affaires éco­ nomiques c. S.A. Fromugeriefrunco-suisse Le ski, Pas., 1971,1,886. (85) Voy. aussi pour l'application d'une règle de droit international: Civ. Bruxelles, 15 janvier 1976 cité par fy1. Leroy dans son étude: «La responsabi­ lité de! 'Etat législateur», J. T .. 1978, n ° 33, p. 328. Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN B. - Responsabilité des organes législatifs des entités fédérées 38. - Il n'y a guère lieu de s'étendre à cet égard, les règles applicables sur le plan natio­ nal pouvant être transposées mutatis mutandis aux entités fédérées. Si les Communautés et les Régions (et les Commissions communau­ taire française et flamande) jouissent indiscu­ tablement de la personnalité juridique, ce sont les organes du pouvoir exécutif qui les repré­ sentent, sans que «leur pouvoir législatif» puisse l'être de manière distincte. Il existe ici également un certain contrôle exercé par la Cour d'arbitrage, soit si les décrets ou ordonnances devaient être considé­ rés comme pris en violation des articles 10, 11 et 24 (anciennement 6, 6bis et 17) de la Cons­ titution, soit s'ils étaient édictés dans des matières échappant à la compétence des enti­ tés fédérées. C. - Critères de la responsabilité: la viola­ tion du droit communautaire 39. - La responsabilité de l'État belge, des Communautés ou des Régions en cas de vio­ lation par le pouvoir législatif de ses obliga­ tions sur le plan du droit communautaire ne peut donc être mise en cause que par l'action dirigée contre le ministre dans la compétence duquel se situe la matière concernée. Il reste dès lors à vérifier dans quelle mesure les critères de notre droit commun de lares­ ponsabilité des pouvoirs publics - faute, lien de causalité et dommage - satisfont aux exi­ gences formulées par la Cour de Luxembourg dans son arrêt du 5 mars 1996. Rappelons que ces conditions, comme nous l'avons indiqué ci-dessus 87 , exigent que l'on soit en présence d'une violation du droit communautaire suffisamment caractérisée, que la règle violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, qu'un lien de cau­ salité direct entre le dommage et cette viola­ tion soit établi. L'arrêt du 5 mars 1996 évite soigneusement d'employer le mot «faute»; il parle de méc5rn­ naissance manifeste et grave, par un Etat membre, comme par une institution commu­ nautaire, des limites qui s'imposent à son pouvoir d'appréciation. La référence aux «institutions communautaires» révèle le sou­ hait 9e la Cour d'aligner ici la responsabilité des Etats et les règles de l'article 215, alinéa 2, du traité concernant la responsabilité des ins­ titutions communautaires88 • (86) Voy. Cass., 19 décembre 1991, J.T., 1992, p.499 et note R.O. DALCQ; Cass., 8 décembre 1994, J. T., 1995, p. 497 et note R.O. DALCQ. (87) Voy. n° 23. (88) Voy. aussi à ce sujet les développements très nuancés de l'avocat général Tesauro: ~ 61 et s. de ses conclusions; l'éminent magistrat souhaite que l'on distingue selon quïl s'agit d'une activité lé­ gislative ou réglementaire; il souligne aussi qu'il serait intolérable ( ~ 66) que la protection des droits des particuliers selon l'ordre juridique commu­ nautaire impose des critères plu~ restreints que ceux qui prévalent dans certains Etats. L'arrêt ne reprend cependant pas expressément cette distinc­ tion. 40. - Cela implique-t-il qu'il y aurait dans notre droit des restrictions à la protection des particuliers en cas de violation du droit communautaire et qu'il faudrait ici se référer «aux principes généraux communs aux Etats membres»? Cela nous paraîtrait très discu­ table même si la Cour affirme que «la protec­ tion des droits que les particuliers tirent du droit communautaire ne saurait varier en fonction de la nature nationale ou commu­ nautaire de l'autorité à l'origine du dom­ mage»89. L'arrêt précise toutefois la portée de cette affirmation en indiquant que la violation du droit communautaire ne peut être retenue que si elle est suffisamment caractérisée90 , ce qui doit s'apprécier en tenant compte, notam­ ment, du degré de précision et de clarté de la règle violée91 . Si l'obligation violée imposait une obligation de résultat, comme c'était le cas dans l'arrêt Francovich (absence de trans­ position d'une directive dans le délai fixé)92, il n'y a évidemment pas de marge d'apprécia­ tion. Si, au contraire, la disposition n'est pas claire, il faudra tenir compte de cette marge93. La Cour ajoute ensuite qu'elle «ne saurait substituer son appréciation à celle des juridic­ tions nationales, seules compétentes pour éta­ blir les faits des affaires au principal et pour caractériser les violations du droit com­ munautaire en cause»9 .i. La Cour croit néan­ moins utile de rappeler, en l'espèce, certaines circonstances dont les juridictions nationales pourraient tenir compte. 41. - Si la Cour laisse aux juridictions natio­ nales l'appréciation des faits qui constituent la violation du droit communautaire, faut-il en déduire que ces juridictions seraient liées à cet égard par les principes découlant de l'article 215 du traité? Ne peuvent-elles au contraire, en suivant leur droit national, être éventuelle­ ment plus sévères et, si le droit national le permet, leur appréciation ne pourrait-elle être plus rigoureuse que celle qui résulterait des critères retenus par l'arrêt du 5 mars 1996? L'affirmation que dès lors que les conditions rappelées ci-dessus sont réunies95 , «c'est dans le cadre du droit na!ional de la responsabilité qu'il incombe à l'Etat de réparer les consé­ quences du préjudice causé»96 n'invite-t-elle pas les juridictions nationales à se montrer éventuellement plus sévères que ne l'exige­ rait uniquement le droit communautaire? On pourrait, mais à tort nous semble-t-il, opposer à cette interprétation l'affirmation «que l'obligation de réparer les dommages causés aux particuliers ne saurait être subor­ donnée à une condition tirée de la notion de faute allant au-delà de la violation suffisam­ ment caractérisée du droit communautaire. En effet, l'imposition d'une telle condition sup- (89) Point42del'arrêtdu5 mars 1996: voy. infi·a, n° 41 de la présente note. (90) Voy. point 51 de l'arrêt. (91) Voy. point 56 de l'arrêt. (92) Voy. point 46 de l'arrêt. (93) Sur les critères applicables pour apprécier la marge d'interprétation, voy. supra n° 25. (94) Voy. point 58 de l'arrêt. (95) Voy. n"' 23 et 40 de la présente note. (96) Voy. point 67 de l'arrêt. ' 1 1 'Il 1 ' plémentaire reviendrait à remettre en cause le droit à réparation qui trouve son fondement dans l'ordre juridique communautaire»'n. Les termes employés par l'arrêt sont peut-être ambigus lorsqu'il parle de «condition tirée de la notion de faute allant au-delà de la violation du droit communautaire». Une faute légère, au sens où l'admet l'article 1382 du Code civil, va au-delà du droit communautaire, qui ne retient la responsabilité qu'en cas de «vio­ lation suffisamment caractérisée» de la norme. Il apparaît toutefois de la suite de la motivation que l'arrêt n'a envisagé ici que le cas où le droit national ne retiendrait la res­ ponsabilité qu'en présence d'une faute inten­ tionnelle ou considérerait qu'en soi une viola­ tion caractérisée de la norme ne serait pas à elle seule suffisante pour engager la responsa­ bilité. Cette interprétation nous paraît confir­ mée par l'affirmation du point 42 del' arrêt98 , qui indique que la protection des particuliers ne peut varier selon la natu,re nationale ou communautaire de l'autorité à l'origine du dommage. Les conditions posées par la Cour pour assurer la protection des particuliers constituent donc un minimum sans po,ur autant exclure que «la responsabilité de l'Etat puisse être engagée dans des conditions moins restrictives sur le fondement du droit national»99 • 42. - Il y a deux cas où la violation du droit communautaire est tellement évidente que le pouvoir d'appréciation du juge national doit pratiquement disparaître: a) Il en est ainsi tout d'abord, nous l'avons déjà vu 100, lorsque le droit communautaire impose une obligation de résultat comm_e c'était le cas dans l'affaire Francovich 101 • A cette hypothèse doit être assimilée celle où, sans aller jusqu'à imposer une obligation po­ sitive (de faire), le droit communautaire con­ tient néanmoins une obligation - qui est alors une obligation négative, de ne pas faire - qui a été «manifestement» violée par la loi natio­ nale. S'il en est ainsi, la violation est caracté­ risée et le juge saisi ne peut que la constater. Mais ne peut-on pas aller plus loin et considé­ rer que pour le juge, l'application de la règle de droit est toujours une obligation de résul­ tat? Ce serait, bien sûr, confondre l'obligation du juge avec celle du justiciable dont il doit apprécier le comportement même lorsque le manquement est imputable au pouvoir légis­ latif ou à l'exécutif.C'est l'interprétation don­ née au droit communautaire par l'auteur de sa violation qui doit révéler une violation carac­ térisée. (97) Voy. point 79 de l'arrêt. (98) Cf n° 42 ci-dessus. (99) A. R1GAUX, op. cit., spéc. p. 6, 2' col. (100) Voy.supra, n°41. (101) Voy. poii1t 46 de l'arrêt. Exemple de con­ damnation del' Etat belge pour mauvaise exécution d'une directive: C.T. Liège, 4° ch., 6 avril 1995, C.D.S., 1995, p. 337. note J. JACQMAIN, Voy. aussi Bruxelles, 25 janvier 1994, Pas., 1993 [ndlr: ces dates correspondent aux indications données par la Pasicrisie], II, p. 50 C. DOYEN, «Approche sur le plan çiu droit communautaire de la,responsabilité de l'Etat membre en général, de l'Etat-législat.;ur en particulier», in Droit de la responsabilité, Ed. Formation permanente CUP, 1996, vol. X, p. 164. b) L'arrêt du 5 mars 1996 donne une seconde indication utile: «Une violation du droit communautaire est manifestement caractéri­ sée lorsqu'elle a perduré malgré le prononcé d'un arrêt constatant le manquement repro­ ché, d'un arrêt préjudiciel ou d'une juris­ prudence bien établie de la Cour en la matière, desquels résulte le caractère infractionnel du comportement en cause» 102 . Ce second critère peut être rapproché de notre jurisprudence concernant l' ~utorité des arrêts d'annulation du Conseil d'Etat vis-à-vis des juridictions de l'ordre judiciaire amenées à apprécier la responsabilité de l'autorité admi­ nistrative, auteur de l'acte annulé 1111. D. - Le dommage: protection des droits des particuliers 43. - La Belgique est l'un des rares ·pays où l'élaboration des règles concernant la respon­ sabilité des pouvoirs publics a été entièrement prétorienne depuis l'arrêt de la Cour de cassa­ tion du 5 novembre l 920 111", avec comme conséquence que cette responsabilité est en­ tièrement soumise au droit commun des arti­ cles 1382 et suivants du Code civil. L' évolu­ tion a certes été longue, mais on peut considé­ rer aujourd'hui que la protection des citoyens contre les conséquences des fautes commises par les organes et les préposés des pouvoirs publics est remarquable et aussi étendue qu'à l'égard des autres auteurs de dommage. 44. - Les restrictions envisagées par la Cour de Luxembourg dans l'arrêt Brasserie du Pê­ cheur1115 ne paraissent guère concerner la Bel­ gique. En ce qui concerne l'étendue de la réparation, la Cour de Luxembourg estime qu'en l'ab­ sence de dispositions communautaires appli­ cables, il appartient à! 'ordre juridique interne de chaque Etat membre de fixer les critères permettant de déterminer les modes et l' éten­ due de la réparation du préjudice 106 . La Cour indique qu'il faut que la règle de droit communautaire violée ait pour objet de confé­ rer des droits aux particuliers. Or, on sait qu'en droit belge, depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 16 janvier 1939, confirmé par l'arrêt du 2 mai 1955107 , une lésion d'un droit n'est plus exigée, en telle sorte quel' action en réparation est permise dès quel' on invoque la simple lésion d'un intérêt légitime. Notre con­ ception est donc plus large que celle que la (102) Voy.point57del'arrêt. (103) Voy. Cass., 13 mai 1982, J.T., p. 772 et con cl. de I' av. gén. Velu; R. C.J.B., 1984, p. 5 et obs. R.O. DALCQ (qui concernent aussi l'arrêt du 19 décembre 1980); voy. aussi M. LEROY, op.cil.,§ 32, p. 327 et S. (104) Voy. R.O. DALCQ, Traité du droit de la responsabilité civile, t. !, n° 1286 et s.; voy. égale­ ment du même auteur: Les examens de jurispru­ dence dans la R.C.J.B., 1968, p. 329, §§ 63 et s.; 1973, p. 253, §§ 81 et s.; 1981, p. 87. §§ 73 et s.; l988,p.391,§§73ets.; 1995,p.667.§§ 101 ets. ( 105) Voy. point 68 et s. ainsi que 81 et s. de l'arrêt. (106) Voy. points 74 et 83 de l'arrêt. (107) Cass., 16janvier 1939, Pas., L 25; Cass., 2 mai 1955, Pas, I, 950; sur cette question voy. également R.O. DALCQ, Traité du droit de la res­ ponsabilité civile, t.lI, n°' 2868 et s. Cour exige comme un minimum puisqu'elle requiert seulement «que les conséquences du préjudice causé par la violation du droit co,mmunautaire qui lui est imputable» (à l'Etat) ne pourraient être soumises à des con­ ditions moins favorables «que celles qui con­ cernent des réclamations semblables de na­ ture interne ni aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement dif­ ficile l'obtention de la réparation» 108. En droit belge, on ne voit pas, en dehors de toute disposition législative, comment sem­ blable action pourrait être soumise à des con­ ditions plus exigeantes puisqu'elle serait, comme toute action en responsabilité contre les pouvoirs publics, soumise au droit com­ mun. 45. - La Cour énonce dans son arrêt certaines règles à respecter: obligation pour la partie lésée de faire preuve d'une diligence raison­ nable pour limiter le préjudice au risque de devoir supporter une partie de son dom­ mage10'l; obligation d'accorder la réparation du manque à gagner110; possibilité d'accorder des dommages et intérêts exemplaires si le droit national le prévoit ( ce qui n'existe pas en droit belge) 111 ; réparation du dommage passé et du préjudice futur 112 . Sur tous ces points, le droit belge apparaît donc comme conforme aux exigences formu­ lées par l'arrêt du 5 mars 1996. 46. - Il y a toutefois deux questions qui n'ont pas été abordées par cet arrêt. La première concerne la prise en charge totale ou partielle par la partie qui succombe des frais et honoraires exposés, pour sa défense, par la partie requérante. Or, on sait que la jurisprudence de la Cour impose à la partie condamnée la prise en charge de ces montants dans une mesure raisonnable. On peut imaginer que dans un cas semblable à ceux soumis à la Cour, la Belgique soit condamnée à cet égard, en application du droit communautaire. Les parties à un procès de­ vant une juridiction belge qui invoqueraient donc une violation du droit communautaire pourraient, à juste titre, réclamer la prise en charge, dans une mesure raisonnable, des frais et honoraires exposés, en invoquant que la réparation de leur préjudice doit être au moins conforme aux principes applicables dans le cadre de l'article 215 du traité 113. 47. - La seconde question qui n'a pas été posée à la Cour dans l'affaire Brasserie du Pêcheur et qui paraît susceptible d'être criti- ioµ,•~•,~;:•1,;iii'"ioi~'!i'll, ..... ]!'1,~ll•';:&i!i-1'.•·•l.il'ïll!MIIIIJlr. .... _.... (108) Voy. points 74 et 83 de l'arrêt. (109) Voy. le point 89 de l'arrêt; voy. en droit belge R.O. DALCQ: «L'obligation de réduire le dommage dans la responsabilité quasi délictuelle», R.G.A.R., 1987, n° 11271; «Examen de jurispru­ dence», R.C.J.B., 1988, p. 432, § 107. ( 110) Voy. points 87 et 89 de l'arrêt; voy. en droit belge R.O. DALCQ, Traité du droit de la responsa­ bilité civile, t.II, n°' 3533 et s. (111) Voy. points 89 et 90 de l'arrêt. (] 12) Voy. points 91 et § 9 de l'arrêt; voy. en droit belge, R.O. DALCQ, Traité du droit de la responsa­ bilité civile, t.II, n°' 3411 et s. (113) Voy. pour le droit belge sur cette question J. LINSMEAU, «La répétibilité des honoraires d'avo­ cat», R.G.A.R, 1992, n° 1242. ______________________________ Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN 199 6 203 1996 04 quée si un litige à ce sujet était porté devant la Cour concerne les limitations apportées par le droit belge aux possibilités d'exécution for­ cée d'une décision judiciaire à charge des pouvoirs publics 114 • Certes, le législateur est intervenu pour remé­ dier partiellement à cette situation 115 , mais les effets pratiques de cette législation semblent jusqu'à présent limités faute notamment pour de nombreuses institutions - Etat, Régions, Communautés, provinces, communes, orga­ nismes d'intérêt public - d'avoir déposé la liste des objets qui pouvaient être saisis. E. - Le lien de causalité 48. - L'arrêt du 5 mars 1996 ne s'étend pas sur la notion de causalité; il se limite à formuler l'exigence d'un lien de causalité direct entre la violation du droit communautaire et le dommage 116 • Le mot «direct» a-t-il été em­ ployé à dessein? Exiger un lien de causalité direct impliquerait que seules les conséquen­ ces immédiates du manquement puissent être retenues, ce qui paraît à première vue en contradiction avec l'allocation de dommages et intérêts exemplaires ou avec la réparation du manque à gagner. On sait en tout cas que le droit belge n'exige pas que le lien de causalité soit direct; il suffit qu'il soit certain, ce qui permet la réparation de toutes les conséquen­ ces immédiates ou médiates de la faute, l'ex­ pression de dommages indirects souvent em­ ployée étant au surplus ambiguë 117 • Faut-il assimiler l'appréciation du lien de cau­ salité à celle relative à la réparation du dom­ mage pour laquelle l'arrêt Brasserie du Pê­ cheur permet l'application des critères rele­ vant du droit national, faute de dispositions communautaires en ce domaine 118? La réponse nous paraît certainement affirma­ tive, d'une part, faute de disposition du droit communautaire concernant la causalité, d'autre part, en raison de la liaison nécessaire qui existe entre la causalité et la détermination des dommages réparables. La notion de causalité telle que le droit belge l'a développée doit donc s'appliquer en cas de litige concernant une violation caractérisée du droit communautaire par un pouvoir public. V.- 49. -a) L'arrêt du 5 mars 1996 systématise les conditions dans lesquelles les Etats engagent (114) Voy. sur cette question J. LINSMEAU «Immu­ nité d'exécution des pouvoirs publics», in Lares­ ponsabilité des pouvoirs publics, Bruylant 1991, pp. 479 et S. (115) Voy. laloidu30juin l994(art.1412bisdu Code judiciaire). (] 16) Voy. point 51 de l'arrêt et point 2 du dispo­ sitif. (117) Voy. sur ces questions R.O. DALCQ, Traité du droit de la responsabilité civile, t.II, n°' 2333 et s.; sur les notions de préjudices direct et indirect, voy. spéc. n"' 2469 et s. (118) Voy. point 83 de l'arrêt. Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN leur responsabilité en cas de manqµements de leur part au droit communautaire. A cet égard, il se situe dans le prolongement de l'arrêt Francovich qui avait posé les bases de cette responsabilité. Il est en principe destiné à servir de cadre de r,éférence dans tous les cas de violation par un Etat membre du droit communautaire, tant sur le plan législatif que réglementaire. L'avenir nous dira s'il a la portée pratique que nous lui prédisons, même si des zones d'ombre ne manqueront pas d'apparaître. b) L'arrêt innove en ce qu'il encadre davan­ tage le pouvoir d'appréciation des juges natio­ naux au point de constituer un frein supplé­ mentaire au principe de l'autonomie juridic­ tionnelle des Etats. Cette restriction est justi­ fiée sil' on songe à l'enjeu spécifique du débat qui est la responsabilité «communautaire» de ces mêmes Etats. Mais les juges nationaux seront également confrontés à des limites dans leur pouvoir d'appréciation lorsqu'ils seront, sans doute fréquemment, dans l'impossibilité de savoir, en fonction du «degré de certitude» de la,règle de droit communautaire violée, si l'Etat a dépassé de manière manifeste et grave les limites qui s'imposent à son pouvoir d'appré­ ciation. Le principe de collaboration entre les juridictions nationale et communautaire trouve ici un champ d'application fécond. Examen de jurisprudence LA LIBRE CIRCULAt (septembr··· 1. - La période couverte par le présent article n'a pas connu de bouleversement majeur dans la jurisprudence de la Cour de justice des CE relative à la libre circulation des marchandi­ ses. On a davantage assisté à une confirmation et un approfondissement des grands principes dégagés les années antérieures. Dans le domaine des obstacles tarifaires entre les États membres (articles 12 à 17), on relè­ vera en particulier le développement de la jurisprudence Legros et Lancry (points 2 à 5). En ce qui concerne les obstacles non tarifaires (articles 30 à 36), la présente chronique exa­ minera d'abord la jurisprudence récente rela­ tive à l'article 30 et à la notion de mesure d'effet équivalent: condamnation du système des millésimes automobiles en France (point 7); confirmation de la jurisprudence Keck, notamment en matière d'ouverture des maga­ sins le dimanche (point 8) et de monopole de la vente au détail de tabacs (point 9); apprécia­ tion del' affectation des échanges (points 10 et 11 ). Une deuxième partie sera consacrée aux inter­ dictions et restrictions aux échanges qui ont été examinées par la Cour au regard des critè­ res de l'article 36, dans les domaines de la mise sur le marché des produits biocides c) Nous retiendrons de l'analyse concernant les solutions du droit belge dans un cas sem­ blable à celui dont la Cour de Luxembourg a eu à connaître le 5 mars 1996 que toute action concernant une violation du droit commu­ nautaire par un Parlement ne peut donner lieu en droit belge qu'à une action contre l'exécu­ tif correspondant. d) L'appréciation du manquement doit con­ duire à la constatation d'une violation caracté­ risée du droit communautaire, sans pour autant exclure une appréciation plus sévère du droit national. e) L'arrêt du 5 mars 1996 est parfois ambigu dans le mélange qu'il impose entre l'applica­ tion des règles du droit communautaire et des règles du droit national. Un tel arrêt ne devrait-il pas inciter la Com­ mission à entreprendre une étude en vue de l'harmonisation d'au moins certaines disposi­ tions du droit de)a responsabilité civile pour l'ensemble des Etats de l'Union? Jean-Nicolas PARDON Avocat R.O. DALCQ Avocat Professeur émerite à l'Université catholique de Louvain ES MARCHANDISES oût 1996) (point 13), del' étiquetage des denrées alimen­ taires (point 14 ), de la protection des animaux (point 15) et des importations parallèles de médicaments (points 16 à 20). Enfin, l'attention du lecteur sera attirée sur un arrêt important dans le domaine des normes et réglementations techniques (point 21) 1.-LES D DELAJ LEGR 2. -C'est à propos de la taxe française dénom­ mée octroi de mer que la Cour avait eu l'occa­ sion, en 1992, de se prononcer sur la nature de taxes perçues en raison de l'introduction de marcgandises dans une région du territoire d'un Etat membre. La Cour avait dit pour droit qu'une taxe proportionnelle à l,a valeur en douane des biens perçue par un Etat membre s,ur les marchandises importées d'un autre Etat membre en raison de leur introduction dans une région du territoire du premier État membre constitue une taxe d'effet équivalent à un droit de douane à l'importation, en dépit du fait que la taxe frappe également les mar­ chandises introduites dans cette région en nent nécessairement des substances dange­ reuses»311. Dans un tel cas, «en l'absence de règles d'harmonisation, les États membres restent libres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et de la vie des personnes et de l'exigence d'une autorisation préalable à la mise sur le marché de tels produits»31 . Soucieuse d'éviter autant que faire se peut des entraves injustifiées, la Cour a réitér~ sa jurisprudence en vertu de laquelle les Etats membres sont toutefois tenus de contribuer à un allégement des contrôles dans le com­ merce intracommunautaire et de prendre en considération les analyses techniques ou chi­ miques ou les essai§ de laboratoire déjà effec­ tués dans un autre Etat membre32 . On ne peut toutefois s'empêcher de penser que, dans des domaines d'une telle technicité et en l'ab­ sence de toute harmonisation communau­ taire, ce genre d'exhortation relève dans une large mesure du vœu pieux, la possibilité d'utiliser de façon )-ltile des documents qui émanent d'un autre Etat membre apparaissant largement illusoire ou, au mieux, entièrement dépendante du bon vouloir des autorités de contrôle nationales. 14. - La Cour (cinquième chambre) a égale­ ment examiné la compatibilité d'une régle­ mentation allemande qui exige, en matière d'étiquetage de certaines denrées alimen­ taires, une mention spécifique précisant l'uti­ lisation de certaines substances, même si cel­ les-ci figurent déjà dans la liste des ingré­ dients33. Elle a confirmé que, en l'absence d'harmonisation communautaire, comme en l' espèce3 .i, des mesures nationales nécessaires pour garantir les dénominations correctes des produits, évitant toute confusion dans l'esprit du consommateur et assurant la loyauté des transactions commerciales, sont compatibles avec les articles 30 et suivants du traité. En l'espèce, la Cour a toutefois estimé que la mesure litigieuse n'était pas nécessaire, l'in­ formation du consommateur attentif à la com­ position du produit étant suffisamment assu­ rée par la liste des ingrédients qui doit figurer sur son étiquetage, conformément à l'article 6 de la directive 79/ l 12/CEE du Conseil, du 18 décembre 197835 • 2. - Secteurs harmonisés 15. - Tout autre est la situation en présence de règles d'harmonisation communautaires. La Cour (plénière) a eu l'occasion de le réitérer à l'occasion del' examen d'une affaire qui con­ cernait une interdiction par les autorités bri- (30) Ibid., point 10. (31) Ibid., point l !. (32) Ibid., point 12. (33) C.J.C.E., arrêt du 26 octobre 1995, Commis­ sion c. Allemagne, C-51/94, Rec., 1, p. 3599. (34) Dans le cas d'espèce, étant donné l'existence d'une directive qui prescrivait l'indication de la liste des ingrédients sur l'étiquetage, on peut toute­ fois se demander si on se trouvait vraiment dans un cas d'absence d'harmonisation communautaire. (35) Directive,relative au rapprochement des lé­ gislations des Etats membres concernant l'étique­ tage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publi­ cité faite à leur égard, 1.0.C.E., L 33, p. 1. tanniques d'exportation d'ovins vivants du Royaume-Uni vers l'Espagne36• Ils' agit d'un des rares cas d'application de l'article 34 du traité, qui prohibe les restrictions quantitati­ ves à l'exportation, ainsi qu~ toutes mesures d'effet équivalent, entre les Etats membres. La directive 74/577/CEE du Conseil, du 18 novembre 197437, supprime les disparités en­ tre les législations des Etats membres en ce qui concerne l'étourdissement des animaux avant leur abattage. Malgré cette harmonisation, les autorités britanniques avaient refusé de déli­ vrer des licences pour l'exportation d' ani­ maux vivants de boucherie v~rs l'Espagne au motif que les abattoirs de cet Etat leur faisaient subir un traitement contraire à ladite directive. Confrontée à un tel refus, la société Hedley Lomas Ltd. a porté l'affaire devant une juri­ diction nationale, qui a interrogé la Cour sur la validité des pratiques des autorités britanni­ ques, en précisant que, selon ces dernières, tout indiquait un degré élevé d'inobservation de la directive en Espagne. La Cour répond avec force que le recours à l'article 36 du traité n'est plus possible lors­ que des directives communautaires prévoient l'harmonisation des mesures nécessaires à la réalisation de l'objectif spécifique que pour­ suivrait le recours à l'article 36. Cette conclu­ sion apparaît entièrement conforme à la jurisprudence constante de la Cour qui a sou­ ligné dès l'origine que, en raison de la nature de l'ordre juridique créé pa~ le Traité de Rome, les rapports entre les Etats membres devaient être basés sur une confiance mu­ tuelle et a exclu le recours à des mesures unilatérales destinées à obvier à une mécon­ naissance éventuelle, par un autre État mem­ bre, des règles du droit communautaire. Cette conclusion reposant sur une base jurisprudentielle aussi solide, il est étonnant de constater que la Cour a semblé, aux points 15 et 16 de l'arrêt, limiter la validité de sa réponse au cas d'espèce, dans lequel l'attitude des autorités britanniques reposait unique­ ment sur une conviction non étayée qu'un certain nombre d'abattoirs espagnols ne res­ pectaient pas les règles de la directive. On peut donc se demander si la solution eût été la même si les autorités britanniques avaient pu s'appuyer sur des faits avérés. Dans un tel cas, n'~urait-il pourtant pas été aussi du devoir de l'Etat membre d'exportation, au lieu d'impo­ ser un embargo unilatéral, d'épuiser les voies de recours à sa disposition et, en particulier, de saisir la Cour en référé? 3. - La libre circulation des médicaments 16. - Le domaine difficile de la libre circula­ tion des médicaments a connu plusieurs déve­ loppements importants au cours de la période sous examen. Ce secteur est délicat, car il concerne à la fois des aspects de santé publi­ que et des aspects liés au droit de marque: les autorités nationales doivent pouvoir exercer un certain contrôle sur la qualité des produits pharmaceutiques mis en vente sur leur terri- ~fi&t&mMmw-n:wmll@l m; 1 (36) C.J.C.E., arrêt du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C-5/94, non encore publié. (37) Directive relative à l'étourdissement des ani­ maux avant leur abattage, 1.0.C.E., L 316, p. 10. toire, et il faut également que les entreprises pharmaceutiques soient protégées afin de pouvoir amortir les investissements en re­ cherche considérables qu'elles consentent pour créer de nouveaux produits. Mais il est tout aussi évident que, sous couvert de ces préoccupations légitimes, les entreprises pharmaceutiques cherchent trop souvent à cloisonner le marché européen de façon artifi­ cielle afin de maximiser leur profit. À cet égard, des signaux plutôt contradictoi­ res ont été lancés ces douze derniers mois en ce qui concerne l'importation parallèle des médicaments. 17. -Tout d'abord, par trois arrêts prononcés le même jour, la Cour (plénière) a abordé le problème du reconditionnement des produits pharmaceutiques38 • On entend par là l'opéra­ tion par laquelle certains intermédiaires in,dé­ pendants achètent les produits dans un Etat membre et en modifient le conditionnement (emballage, notice d'utilisation, etç.), pour ensuite les revendre dans un autre Etat. Ces intermédiaires jouent ainsi sur les différences de p~ix, parfois très élevées, qui existent entre les Etats membres, soit à l'instigation des entreprises pharmaceutiques, soit en raison de la divergence des réglementations nationales. La Cour avait déjà largement abordé ces as­ pects dans 1' affaire Hoffmann-La Roche39 • Les principes sont connus: l'article 36, pre- mière phrase, permet en principe au titulaire 1 9 9 6 de la marque de s'opposer à ce que l'on reconditionne ses produits. Il faut toutefois 207 éviter les restricti9ns déguisées dans le com- merce entre les Etats membres, au sens de l'article 36, deuxième phrase. Pour cette rai- son, un reconditionnement qui n'affecte pas l'état originaire du produit doit être autorisé et le détenteur de la marque ne saurait s'y oppo- ser. La Cour a dans une large mesure opéré une simple application de ces principes aux cas qui lui étaient soumis, en y apportant une série de précisions. Il en ressort que, pour que la revente de produits reconditionnés soit autori­ sée, plusieurs conditions doivent être réunies: il faut établir que l'utilisation du droit de marque par le titulaire contribue à cloisonner artificiellement les marchés, mais il ne doit pas être établi que ce titulaire a délibérément cherché à opérer ce cloisonnement; il doit être démontré que le reconditionnement ne saurait affecter l'état originaire du produit; il doit être indiqué clairement sur le nouvel emballage l'auteur du reconditionnement du produit et le nom de son fabricant; la présentation du pro­ duit reconditionné ne doit pas être telle qu'elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire; il faut enfin que l'impor­ tateur avertisse, préalablement à la mise en vente du produit reconditionné, le titulaire de la marque et lui fournisse, à sa demande, un spécimen du produit reconditionné. (38) C.J.C.E., arrêts du 11 juillet 1996, Bristol­ Myers Squibb a.e., C-427/93, C-429/93 et C-436/ 93, Eurim-Pharm e.a., C-71/94, C-72/94 et C-73/ 94, et MPA Pharma e.a., C-232/94, non encore publiés. (39) C.J.C.E., arrêt du 23 mai 1978, 102/77, Rec., p. 1139. ______________________________ Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN 199 6 208 On voit que la Cour cherche ainsi à établir un équilibre raisonnable et praticable entre les exigences du marché intérieur et les intérêts légitimes des producteurs. L'inconvénient de cette approche réside dans la nécessité, pour la Cour, d'entrer dans des détails approfondis pour chaque affaire, afin de tenir compte de toutes les circonstances du cas d'espèce ( dé­ coupage des plaquettes alvéolaires, etc.). 18. - Cette approche favorable aux importa­ tions parallèles de produits pharmaceutiques semble par contre avoir été perdue de vue par le président du Tribunal de première instance dans son ordonnance en référé du 3 juin 199640. La requérante, la firme Bayer, sollicitait le sursis à l'exécution d'une décision de la Com­ mission relative à une procédure d' applica­ tion de l'article 85 du traité à son encontre. Cette firme commercialise un médicament, I' Adalat, dans les différents États membres, qù il est vendu à des prix très variables d'un Etat à l'autre, notamment en raison de certai­ nes réglementations nationales. Pour cette rai­ son, de nombreuses importations parallèles ont lieu, certains intermédiaires achetant en particulier le produit aux grossistes espagnols pour le revendre sur le marché britannique. Face à cette situation, Bayer a décidé de ne plus honorer l'intégralité des commandes passées par les grossistes établis en Espagne et en France, afin de stopper ces importations parallèles vers le Royaume-Uni. La Commis­ sion a considéré qu'ils' agissait d'une entente entre Bayer et les grossistes espagnols et fran­ çais, contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et a enjoint à Bayer de mettre fin à cette infraction, notamment en envoyant une circu­ laire aux grossistes en France et en Espagne précisant que les exportations sont permises au sein de la Communauté et ne sont pas sanctionnées. L'ordonnance a enjoint le sursis à l'exécution de cette injonction de la Commission, sur base d'une argumentation qui, en tout cas s' agis­ sant de l'urgence du sursis sollicité et de la balance des intérêts, est pour le moins éton­ nante. L'ordonnance a estimé en effet que l'application immédiate de la décision «serait tout spécialement susceptible de causer un grave préjudice à la requérante dans le con­ texte du secteur pharmaceutique, qui se carac­ térise par la mise en œuvre, par les services de santé nationaux, de mécanismes de fixation ou de contrôle des prix et de modalités de remboursement engendrant de fortes dispari­ tés dans les prix pratiqués, pour un même médicament, dans les divers Etats mem­ bres»41. L'ordonnance considère que «la né­ cessité dans laquelle la requérante pourrait se trouver de baisser les prix d' Adalat au Royaume-Uni, en vue d'éviter un accroisse­ ment sensible des importations parallèles»42 risquerait de lui causer un préjudice grave, qui l'emporte sur celui des autres parties en pré­ sence et justifie donc l'octroi du sursis solli­ cité. (40) T.P.I., Bayerc. Commission, T-41/96 R, non encore publié. (41) Ibid., point 55. (42) Ibid., point 59. Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN Il apparaît ainsi que, en prenant en considéra­ tion le préjudice allégué par la requérante, l'ordonnance a considéré que la politique de cloisonnement artificiel des marchés natio­ naux menée par Bayer afin de maximiser ses profits, au détriment du marché intérieur, était plus légitime quel 'intérêt des consommateurs de la Communauté. Cette approche semble difficilement compatible tant avec les exigen­ ces du marché intérieur qu'avec la juris­ prudence de la Cour. 19. - Trois jours après cette ordonnance, cette attitude plus restrictive à l'égard des importa­ tions parallèles de produits pharmaceutiques trouvait une confirmation dans les conclu­ sions présentées par l'avocat général N. Fen­ nelly dans l'affaire Merck /1 43. Ce dernier propose en effet à la Cour de renverser sa jurisprudence découlant de l'arrêt Merck 1 44 de 1981, à propos du régime juridique appli­ cable aux importations parallèles de produits pharmaceutiques. En vertu de cette ancienne jurisprudence, les règles contenues dans le traité concernant la libre circulation des marchandises s'opposent à ce que le détenteur d'un brevet au titre d'un médicament, qui a)ibrement commercialisé le produit dans un Etat membre où ce produit n'est pas brevetable, puisse fai~e usage de son droit de brevet dans d'autres Etats membres pour interdire les importations parall~les dudit produit en provenance du premier Etat membre, en vertu du principe del' épuisement des droits. L'avocat général estime que cette jurispru­ dence porte atteinte aux droits du titulaire du brevet parce qu;elle a pour conséquence d'ex­ porter dans l'Etat d'importation non seule­ ment le produit, mais également les consé­ quenc,es commerciales du choix législatif fait par l'Etat d'exportation. Il craint donc que, en réaction, les titulaires de brevets ne refusent de livrer des, unités de leurs produits aux marchés des Etats membres où leurs droits ne sont pas reconnus, afin de rendre le produit indisponible pour les négociants parallèles: «En d'autres termes, cette solution favorise­ rait des décisions irrationnelles sur le plan commercial, consistant ,à refuser d'approvi­ sionner les marchés des Etats dans lesquels les ventes du produit offriraient des perspectives de profit»45 . Cette attitude s'appuie notam­ ment sur l'arrêt Jdeal-Standard 46 , qui a fait l'objet d'une analyse fouillée par M. P. Oliver dans ce journal47 . La position qu'adoptera la Cour dans cette affaire sera d'une importance considérable pour l'évolution de la libre circulation des médicaments dans l'Union européenne. 20. - Il en ira de même, dans une moindre mesure, à propos del' arrêt qui sera rendu dans l'affaire Smith & Nephew48 , relative à la déli- ( 43) Conclusions présentées le 6 juin 1996, C- 267 /95 et C-268/95, non encore publiées. (44) C.J.C.E., arrêt du 14 janvier 1981, 187/80, Rec., p. 2063. (45) Ibid., point 108. ( 46) C.J.C.E., arrêt du 22 juin 1994, C-9/93, Rec., I, p. 2789. (47) P. ÜLIVER, op. cit., points 16 et suiv. (48) C-201/94. vrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments dans le cadre de l'importation parallèle. On sait que la mise sur le marché d'un médicament nécessite une autorisation nationale, l 'AM.fyi, qui n'est va­ lable que sur le territoire de l'Etat membre qui l'a accordée. La question qui se pose dans cette affaire est de savoir à quelles conditions un importateur _parallèle qui veut mettre en vente dans un Etat membre un médicament qu'il a acheté dans un autre État membre peut éviter de devoir solliciter une nouvelle AMM, en se prévalant d',une AMM déjà accordée dans le premier Etat pour un médicament «similaire». La Cour avait indiqué, dans son arrêt De Peijper49, que, si les deux produits étaient en tout point identiques, l'article 36 ne justifiait pas que celui qui bénéficiait del' AMM puisse l'utiliser pour bloquer toute importation pa­ rallèle. Dans l'affaire Smith & Nephew, le même problème se pose, avec la particularité que les deux produits, qui portent le même nom, sont fabriqués par deux producteurs différents, à partir d'un donneur de licence commun. La Cour devra donc décider si et à quelles conditions la jurisprudence De Peijper peut trouver à s'appliquer dans un tel cas50 • C. - L'arrêt CIA Security International 21. - La Cour (plénière) a rendu le 30 avril 1996 un arrêt51 d'une très grande importance pratique à propos de la directive 83/189/CEE prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques52, directive qui joue un rôle crucial en matière de libre circulation des marchandi­ ses. Cette directive oblige notamment les États membres à communiquer préalablement tous leurs projets de normes techniques à la Com­ mission,, qui les porte à la c,onnaissance des autres Etats membres. Les Etats doivent en­ suite reporter l'adoption de ces projets pen­ dant une c~rtaine période si la Commission ou un autre Etat émet un avis selon lequel la mesure envisagée doit être modifiée afin d'éliminer ou de limiter les entraves à la libre circulation ou si ces projets portent sur une matière cou verte par une proposition de direc­ tive ou de règlement présentée par la Commis­ sion. La directive comprel}d également une procédure permettant aux Etats, en cas d'ur­ gence ayant trait à la protection de la santé des personnes et des animaux, à la préservation des végétaux ou à la sécurité, d'arrêter et de (49) C.J.C.E., arrêt du 20 mai 1976, 104/75, Rec., p. 613. (50) Les conclusions dans cette affaire ont été présentées par l'avocat général P. Léger le 30 janvier 1996. (51) CIA Security International, C-194/94, précité. (52) Directive du Conseil du 28 mars 1983, J.O.C.E., L 109, p. 8, telle que modifiée par la directive 88/182/CEE du Conseil, du 22 mars 1988, J.O.C.E., L 81, p. 75. Cette directive a également été abordée dans deux récents arrêts de la Cour, Semeraro Casa Uno, précité et l'arrêt du 11 janvier 1996, Commission c. Pays-Bas, C-273/ 94, non encore publié. mettre en vigueur immédiatement certaines mesures. L'arrêt déclare que cette obligation de noti­ fication préalable est une obligation incondi­ tionnelle et suffisamment précise, qui peut donc être invoquée par les particuliers devant les juridictions nationales. En outre, la mé­ connaissance de l'obligation de notification, constituant un vice de procédure dans l' adop­ tion des règles techniques concernées, en­ traîne l'inapplicabilité de ces règles techni­ ques, de sorte qu'elles ne peuvent pas être opposées aux particuliers. Cet arrêt est susceptible d'avoir des répercus­ sions considérables, dans la mesure où les juges nationaux pourront ainsi être amenés à refuser d'appliquer toutes les normes techni­ ques nationales qui n'auront pas été commu­ niquées préalablement à la Commission conformément à la directive. En outre, dans la mesure où la question préjudicielle s'inscri­ vait dans le cadre d'un litige entre particuliers, il semble également que la Cour ait admis implicitement quel' effet direct de cette direc­ tive puisse être invoqué «horizontalement», à l'encontre de particuliers. Jean-Paul KEPPENNE Référendaire à la Cour de justice des CE' (*) Le présent article n'engage que son auteur. Décisions récentes Réglementation britannique interdisant d'exporter des animaux vivants vers l'Espagne en raison des traitements qui leur sont infligés avant l'abattage dans ce pays - Incompatibilité avec le droit communautaire - Responsabilité de l'État membre Siège: MM. Rodrfguez Igliesias, Kakouris, Edward, Hirsch, Mancini (rapporteur), Shockweiler, Moitinho de Almeida, Kapteyn, Murray, Ragnemalm et Sev6n. Avocat général: M. Léger. Renvoi préjudiciel en interprétation, High Court of Justice, Queen's Bench Division (Royaume-Uni), aff. C-5/94, Cour plénière. • Un État membre ne peut limiter unilatéra­ lement l'exportation de marchandises vers un autre État membre au motif que ce dernier ne respecte pas une directive d'harmonisation, lorsque cette directive ne prévoit ni procédure de contrôle ni sanction en cas de violation des obligations qu'elle contient. La responsabilité du premier État est engagée en cas de simple infraction au droit commu­ nautaire dès lors qu'au moment où ladite infraction a été commise, ce dernier n'était pas confronté à des choix normatifs et dispo­ sait d'une marge d'appréciation réduite, voire inexistante. Extraits 3. -Entre le mois d'avril 1990 et le 1er janvier 1993, le ministère de l' Agriculture, de la Pê­ che et de 1' Alimentation de 1' Angleterre et du Pays de Galles a systématiquement refusé de délivrer des licences pour l'exportation d' ani­ maux vivants de boucherie vers l'Espagne au motif que ces d,erniers subissaient dans les abattoirs de cet Etat un traitement contraire à la directive 74/577/C.E.E. du Conseil, du 18 novembre 197 4, relative à l'étourdissement des animaux avant leur abattage (J.O.C.E., L 316, p. 10, ci-après la «directive»). [ ... ] 1 O. - Le 7 octobre 1992, Hedley Lomas a sollicité une licence d'exportation pour un certain nombre d'ovins vivants destinés à l'abattage dans un établissement espagnol désigné nommément. La licence n'a pas été délivrée, alors même que, selon les informa­ tions obtenues par Hedley Lomas, l'abattoir en question était agréé depuis 1986 et se conformait aux directives communautaires relatives à la protection des animaux, et que les autorités du Royaume-Uni ne disposaient pas de preuve en sens contraire. 11. - Hendley Lomas a intenté un recours devant la High Court of Justice tendant à faire déclarer que le refus du ministère de l'agricul­ ture, de la Pêche et de l' Alimentation était contraire à l'article 34 du traité et à obtenir des dommages-intérêts. [ ... ] Sur les première et deuxième questions 14. - La première question doit être comprise en ce sens que la juridiction nationale cherche à savoir si)e droit communautaire s'oppose à ce qu'un Etat membre invoque l'article 36 du traité pour justifier une limitation de~ exporta­ tions de marchandises vers un autre Etat mem­ bre au seul motif que, selon le premier État, le second ne respecte pas les prescriptions d'une directive communautaire d'harmonisation poursuivant l'objectif que le recours à 1' article 36 tendrait à protéger, sans cependant prévoir de procédure de contrôle de leur application ni de sanction en cas de leur violation. [ ... ] 17. - D' abord,,il y a lieu d'observer que le refus par un Etat membre de délivrer des licences d'exportation constitue une restric­ tion quantitative à l'exportation, contraire à l'article 34 du traité. 18. - Ensuite, le recours à l'article 36 du traité permet de maintenir des restrictions à la libre circulation des marchandises justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des animaux, laquelle constitue une exigence fondamentale reconnue par le droit com­ munautaire. Toutefois, ce recours n'est plus possible lorsque des directives communau­ taires prévoient l'harmonisation des mesures nécessaires à la réalisation del' objectif spéci­ fique que poursuivrait le recours à l'article 36. 19. - Cette interdiction de recourir à l'article 36 ne saurait être affectée par la circonstance que, en l'occurrence, la directive n'aménage pas une procédure communautaire de con­ trôle de son observation ni ne prévoit de sanction en cas de violation de ses disposi­ tions. En effet, l'absence, dans la directive, de procédure de contrôle et de sanctiçm n'a pour conséquence que d'obliger les Etats mem­ bres, conformément aux articles 5, premier alinéa, et 189, troisième alinéa, du traité, à prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 21 septembre 1989, Commissio,n c. Grèce, 68/~8, Rec., p. 2965, point 23). A cet égard, les Etats mem­ bres doivent se témoigner une confiance mu­ tuelle en ce qui concerne les contrôles effec­ tués sur leur territoire respectif (voir égale­ ment arrêt du 25 janvier 1977, Bauhuis, 46/ 76, Rec., p. 5, point 22). 20. - Dans ce contexte, un État membre ne saurait s'autoriser à prendre unilatéralement des mesures correctives ou des mesures de défense destinées à obvier à une méconnais­ sance éventuelle, par un autre État membre, des règles du droit communautaire (arrêts du 13 novembre 1964, Commission c. Luxem­ bourg et Belgique, 90/63 et 91/63, Rec., p. 1217, et du 25 septembre 1979, Commission c. France, 232/78, Rec., p. 2729, point 9). 21. - En conséquence, il y a lieu de répondre à la première question que le droit commu- 1 9 9 6 nautaire s'oppose à ce qu'un Etat membre 09 invoque l'article 36 du traité pour justifier une 2 limitation des exportations de marchandises vers un autre État membre au seul motif que, selon le premier État, le second ne respecte pas les prescriptions d'une directive commu- nautaire d'harmonisation poursuivant l 'ob- jectif que le recours à l'article 36 tendrait à protéger, sans cependant prévoir de procédure de contrôle de leur application ni de sanction en cas de leur violation. 22. - Compte tenu de la réponse donnée à la première question, il n'y a pas lieu de répon­ dre à la deuxième question. Sur la troisième question 23. - Par sa troisième question, la juridiction nationale demande à la Cour ,de préciser les conditions dans lesquelles un Etat membre est obligé de réparer les dommages causés à un particulier par son refus de délivrer une li­ cence d'exportation, en violation de l'article 34 du traité. 24. - À titre liminaire, il y a lieu de rapp<:ler que le principe de la responsabilité de l'Etat pour des dommages causés aux particuliers par les violations du droit communautaire qui lui sont imputables est inhérent au système du traité (arrêts du 19 novembre 1991, Fran­ covich e.a., C-6/90 et C-9/90, Rec., p. 1-5357, point 35, et du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C-46/93 et C-48/93, non encore publié au Recueil, point 31 ). En outre, les congitions dans lesquelles la respon­ sabilité de l'Etat ouvre un droit à réparation dépendent de la nature de la violation du droit communautaire qui est à l'origine du dom­ mage causé (arrêt Francovich e.a., précité, point 38; arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, point 38). _____________________________ Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN 199 6 212 M. P. Pellonpaa était délégué à l'audience par la Commission. L'article 1 du Protocole n" 1 est applicable au droit à l'allocation d'urgence, qui constitue un droit patrimonial, sans qu'il faille sefon­ der uniquement sur le lien qui existe entre l'attribution de cette allocation et l 'obliga­ tion de payer des impôts ou autres contribu­ tions. Est discriminatoire le refus d'attribuer cette allocation en raison uniquement de la natio­ nalité étrangère du demandeur, qui se trouve dans une situation sinon analogue à celle des ressortissants del' État défendeur quant à son droit à l'obtention de cette prestation. Arrêt (extraits) En droit I. Sur la violation alléguée de l'article 14 de la convention combiné avec l'article 1 du protocole n° 1 33. - M. Gaygusuz se plaint du refus des autorités autrichiennes de lui attribuer l'allo­ cation d'urgence au motif qu'il n'avait pas la nationalité autrichienne, l'une des conditions requises en vertu de l'article 33, § 2, a), de la loi sur l'assurance chômage de 1977 [ ... ] pour bénéficier d'une allocation de ce type. Il se prétend victime d'une discrimination fondée sur l'origine nationale, contraire à l'article 14 de la Convention, combiné avec l'article 1 du Protocole n° 1. [ ... ] A. Applicabilité de l'article 14 de la Conven­ tion combiné avec l'article 1 du Protocole n° 1 36. -D'après la jurisprudence constante de la Cour, l'article 14 de la Convention complète les autres clauses normatives de la Conven­ tion et des Protocoles. Il n'a pas d'existence indépendante puisqu'il vaut uniquement pour «la jouissance des droits et libertés» qu'elles garantissent. Certes, il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences et, dans cette mesure, il possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s'appli­ quer si les faits du litige ne tombent pas sous l'emprise de l'une au moins desdites clauses (voir notamment l'arrêt Karlheinz Schmidt c. Allemagne du 18 juillet 1994, série A, n° 291- B, p. 32, § 22). [ ... ] 39. - La Cour relève qu'à l'époque des faits, l'allocation d'urgence était accordée aux per­ sonnes ayant épuisé leurs droits aux alloca­ tions de chômage et satisfaisant aux autres conditions légales énoncées à l'article 33 de la loi sur l'assurance chômage de 1977 [ ... ]. Le droit à 1' attribution de cette prestation sociale est donc lié au paiement de contribu­ tions à la caisse d'assurance chômage, condi­ tion préalable au versement des allocations chômage [ ... ]. Il s'ensuit que l'absence de paiement de ces contributions exclut tout droit à l'attribution de l'allocation d'urgence. 40. - En l'espèce, nul ne prétend que le requé­ rant n'avait pas satisfait à cette condition; le Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN refus de lui accorder la prestation sociale en question reposait exclusivement sur le constat qu'il ne possédait pas la nationalité autri­ chienne et ne figurait pas parmi les personnes dispensées de remplir cette condition [ ... ]. 41. - La Cour estime que le droit à l'allocation d'urgence - dans la mesure où il est prévu par la législation applicable - est un droit patri­ monial au sens de 1' article 1 du Protocole n° 1. Cette disposition s'applique par conséquent sans qu'il faille se fonder uniquement sur le lien qui existe entre l'attribution de l' alloca­ tion d'urgence et l'obligation de payer «des impôts ou autres contributions». Le requérant ayant été exclu du bénéfice de l'allocation d'urgence en vertu d'une distinc­ tion relevant de l'article 14, à savoir sa natio­ nalité, cette disposition est donc également applicable (voir notamment, les arrêts Jnze c. Autriche du 28 octobre 1987, série A n° 126, p. 18, § 40, et Darby c. Suède du 23 octobre 1990, série An° 187, p. 12, § 30). B. Observation de l'article 14 de la Conven­ tion combiné avec l'article 1 du Protocole n" 1 42. - Selon la jurisprudence de la Cour, une distinction est discriminatoire au sens del' ar­ ticle 14, si elle «manque de justification ob­ jective et raisonnable», c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un «but légitime» ou s'il n'y a pas de «rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé». Par ailleurs, les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour détermi­ ner si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d'autres égards analo­ gues justifient des distinctions de traitement. Toutefois, seules des considérations très for­ tes peuvent amener la Cour à estimer compa­ tible avec la Convention une différence de traitement exclusivement fondée sur la natio­ nalité. [ ... ] 46. - La Cour constate d'abord que M. Gaygusuz a légalement séjourné en Autriche et y a travaillé pendant certaines périodes[ ... ], en payant des contributions à la caisse d' assu­ rance chômage au même titre et sur la même base que les ressortissants autrichiens. 4 7. - Elle rappelle que le refus des autorités de lui accorder l'allocation d'urgence reposait exclusivement sur le constat qu'il ne possé­ dait pas la nationalité autrichienne, comme le prévoit l'article 33, § 2, a), de la loi sur l'assurance chômage de 1977 [ ... ]. 48. - Par ailleurs, il n'a pas été allégué que le requérant ne remplissait pas les autres condi­ tions légales pour l'attribution de la prestation sociale en question; il se trouvait donc dans une situation analogue à celle des ressortis­ sants autrichiens quant à son droit à I' obten­ tion de cette prestation. 49. - Certes, les articles 33 et 34 de la loi sur l'assurance chômage de 1977 [ ... ] prévoient quelques exceptions à la condition de nationa­ lité, mais l'intéressé ne relevait pas de celles­ ci. 50. - Dès lors, les arguments avancés par le gouvernement autrichien ne sauraient con­ vaincre la Cour. Elle estime avec la Commis­ sion, que la différence de traitement entre Autrichiens et étrangers quant à 1' attribution de l'allocation d'urgence dont a été victime M. Gaygusuz, ne repose sur aucune «justifica­ tion objective et raisonnable». [ ... ] 52. - Partant, il y a eu méconnaissance de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 1 du Protocole n° 1. [ ... ] ÉCHOS ÉCHOS Aides d'État La C.J.C.E. a rejeté le recours en annulation introduit par la France à l'encontre d'une décision de la Commission qualifiant d'aide d'État la participation financière du Fonds national de l'emploi à la mise en œuvre du plan social d'une entreprise (26 sept. 1996, C- 241/94 ). Asile et immigration Le 1.0.C.E. C 274 du 19 septembre 1996 publie une série de résolutions et recomman­ dations du Conseil en matière d'asile et d' im­ migration et concernant la limitation de 1' ad­ mission des ressortissants des pays tiers, les garanties minimales pour les procédures d'asile, l'éloignement des ressortissants des pays tiers, etc. Concurrence Annuaires téléphoniques Un recours en annulation a été introduit contre la décision de la Commission du 21 mai 1996 rejetant partiellement une plainte introduite par la société ITT Promedia sur la base de l'article 86 du traité CE, relative à la publica­ tion et à la commercialisation d'annuaires téléphoniques à usage commercial par la Compagnie belge de télécommunications (T- 111/96). Importation de véhicules Des importateurs de voitures japonaises en France avaient introduit un recours contre la décision de la Commission rejetant leur plainte pour entente illicite à l'encontre d'autres importateurs parce que le comporte­ ment dénoncé avait été imposé aux entrepri­ ses concernées par l'autorité publique et ne reflétait pas l'exercice d'un choix commer­ cial. Le T.P.I. a estimé au contraire que cette constatation constituait une erreur d'appré­ ciation et a dès lors annulé partiellement la décision de la Commission rejetant leur plainte (T.P.I., 18 sept. 1996, Asia Motor France e.a. c. Commission, T-387/94). Droits de l'homme Champ d'application de l'article 6, § l", C.E.D.H. et constitution de partie civile Lorsque le droit interne d'un État partie à de C.E.D .H. établit une distinction entre la cons­ titution de partie civile proprement dite et l'action civile en réparation du préjudice subi du fait d'une infraction, on ne peut considérer qu'est déterminante, pour le droit de caractère civil d'obtenir réparation, l'issue de la procé­ dure pénale, lorsque l'intéressé, bien que s'étant constitué partie civile, n'a pas introduit une demande en réparation.L'article 6, § 1er, C.E.D.H., ne trouve pas à s'appliquer en pa­ reille hypothèse (Coureur. D.H., arrêtHamer c. France du 7 août 1996, à paraître, Rec. des arrêts et décisions, 1996). Droit au respect de la vie familiale Même si la prise en charge de l'enfant par les autorités publiques peut se justifier au regard del' art. 8, § 2, C.E.D.H., lorsque les motifs de la prise en charge s'appuient sur les évalua­ tions minutieuses et détaillées des experts désignés par les autorités nationales compé­ tentes, la décision de priver une mère du droit de voir sa fille et des droits parentaux, n'est pas justifiée au regard de la même disposition, lorsqu'il n'est pas démontré que la mesure répond à un impératif primordial dans l' inté­ rêt del' enfant (Coureur. D.H., arrêtlohansen c. Norvège du 7 août 1996, à paraître, Rec. des arrêts et décisions, 1996). Demande en interprétation d'un arrêt antérieur Lorsqu'elle est saisie d'une demande en inter­ prétation d'un arrêt antérieur déposée par une partie ou par la Commission, en application de l'art. 57 de son règlement A, la Cour est amenée à clarifier le sens et la portée qu'elle a entendu attribuer à une décision antérieure issue de ses propres délibérations, en préci­ sant au besoin ce qu'elle y a tranché avec force obligatoire. Elle ne peut en revanche fournir une interprétation générale et abstraite d'une disposition de la Convention, ce qui excéde­ rait sa compétence contentieuse, ni modifier l'arrêt antérieur sur une question tranchée avec force obligatoire (Coureur. D.H., arrêt Allenet de Ribemont c. France du 7 août 1996 interprétation de l'arrêt du 10 février 1995, à paraître, Rec. des arrêts et décisions, 1996). Privation de propriété Le juste équilibre entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences del' intérêt géné­ ral doit être considéré comme rompu, et l'ar­ ticle 1 ~r du Protocole n° 1 à la C.E.D.H. violé, même·: 1orsque les préjudices subis par les propr(étaires concernés ont été intégralement indemnisés, lorsque la durée des procédures engagées en vue de l'indemnisation apparaît exceptionnellement longue et qu'en outre, les autorités expriment des réticences à liquider les sommes accordées en indemnisation par le tribunal (Coureur. D.H., arrêt Zubani c. Italie du 7 août 1996, à paraître, Rec. des arrêts et décisions, 1996). Expulsion et droit au respect de la vie privée et familiale Lorsqu'une mesure d'expulsion conduit à la séparation de la personne expulsée d'avec son enfant, ,et qu'en outre l'intéressé avait tissé dans l'Etat en cause de réels liens sociaux, la mesure constitue une ingérence dans le droit del' individu qui en fait l'objet au respect de sa vie privée et familiale. Pour évaluer la néces­ sité de la mesure querellée au regard del' art. 8, § 2, C.E.D.H., la gravité des infractions commises entre en ligne de compte. Le traite­ me,nt préférentiel accordé aux ressortissants d'Etats membres de l'Union européenne en la matière repose sur t,me justification objective et raisonnable, les Etats membres de l'Union européenne formant un ordre juridique spéci­ fique ayant instauré de surcroît une citoyen­ neté propre (Coureur. D.H., arrêt C. c. Belgi­ que du 7 août 1996, à paraître, Rec. des arrêts et décisions, 1996). Droit au respect de ses biens La notion de «biens» ayant une portée auto­ nome dans l'article 1er du Protocole n ° 1 à la C.E.D.H., peuvent relever de cette notion les droits incontestés des requérantes pendant une très longue période sur des terrains liti­ gieux et les profits qui sont tirés de leur exploitation, même s'il subsiste une incerti­ tude sur la propriété. La déclaration d'utilité publique frappant des terrains en vue de leur expropriation aux fins de la création d'une réserve naturelle, si elle n'est pas dépourvue de base raisonnable, produit des répercus­ sions sérieuses et dommageables entravant la jouissance normale des terrains en cause. Lorsqu'au surplus une incertitude a subsisté pendant une longue période tant à propos du sort des biens que concernant la question de l'indemnisation, il faut considérer qu'une charge spéciale et exorbitante a rompu le juste équilibre devant régner entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde du droit au respect des biens (Coureur. D.H., arrêt Matos e Silva, Lda. e.a. c. Portugal du 16 septembre · 1996, à paraître, Rec. des arrêts et décisions, 1996). Applicabilité de l'article 6, § Jn, C.E.D.H. aux procédures devant une juridiction constitutionnelle Lorsque son issue est déterminante pour les droits et obligations de caractère civil, la pro­ cédure devant une Cour constitutionnelle doit respecter l'article 6, § 1er, C.E.D .H.: tel est le cas lorsque le litige porté devant la Cour constitutionnelle est relatif au montant d'une pension. Si les États parties à la C.E.D.H. sont en principe tenus d'organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent remplir chacune des exigences de l'article 6, § 1er, notamment quant au délai raisonnable, ces exigences peuvent cependant s'interpréter différemment devant une Cour constitutionnelle que pour une juridiction or­ dinaire, et doivent être combinées avec les exigences d'une bonne administration de la justice (Cour eur. D.H., arrêt Süj3mann c. Allemagne du 16 septembre 1996, à paraître, Rec. des arrêts et décisions, 1996). Destruction de maisons Ayant à se prononcer sur des allégations sui­ vant lesquelles les forces de sécurité turques ont incendié des maisons dans le sud-est de ce pays, la Coureur. D.H. a d'abord rejeté l'ex- ception de non-épuisement des voies de re­ cours internes soulevée par le gouvernement défendeur, en considérant que les perspecti­ ves de succès des recours devant les juridic­ tions administratives ou civiles étaient négli­ geables en 1' absence de toute enquête offi­ cielle, et qu'il existait au surplus des risques de représailles contre les requérants. Consta­ tant ensuite que le gouvernements' est borné à nier la participation des forces de sécurité sans avancer aucune justification, la Cour a conclu que l'incendie délibéré des maisons et de leur contenu a constitué une violation des art. 8 et 1er du Protocole n° 1 à la Convention. Elle a également jugé quel' art. 25, § 1er, C.E.D.H., avait été violé, les requérants ayant été inter­ rogés sur leurs requêtes et ayant reçu à signer des déclarations indiquant qu'ils n'avaient pas présenté pareilles requêtes (Cour eur. D.H., arrêt Akdivar e.a. c. Turquie du 16 septembre 1996, à paraître, Rec. des arrêts et décisions, 1996). Égalité de traitement Partenaires de même sexe La C.J.C.E. doit répondre à une question préjudicielle en interprétation del' article 119 du traité CE et de la directive concernant le rapprochement des législations quant au prin­ cipe de l'égalité des rémunérations entre tra­ vailleurs masculins et féminins, à propos d'une réglementation permettant à des parte­ naires cohabitants des employés d'une com­ pagnie de chemins de fer de voyager à tarif réduit alors que ce droit est refusé aux parte­ naires du même sexe (L.J. Grant, C-249/96). Nationalité et libertés fondamentales La Cour est saisie d'une question préjudicielle en interprétation relative à l'interdiction d'opérer une discriminer à raison de la natio­ nalité (article 6, § 1er, du traité CE), du droit de circuler et de séjourner librement (article 8A, § 1er, du traité), et de la libre prestation des services (article 59 du traité) et concernant une législation nationale en matière de procé­ dure pénale qui admet l'emploi d'une langue minoritaire au seul pyofit du groupe linguisti­ que minoritaire de! 'Etat concerné (Horst Otto Bickel e.a., C-274/96). Cautio judicatum solvi La C.J.C.E., saisie d'une question préjudi­ cielle en interprétation del' article 6, § 1er, du traité CE, a estim1 que cette disposition s' op­ pose à ce qu'un Etat membre exige le verse­ ment d'une cautio judicatum solvi g'une per­ sonne morale établie dans un autre Etat mem­ bre, qui a introduit, devant l'une de ses juridic­ tions, une action à l'encontre de ses ressortis­ sants ou d'une société y établie, lorsqu'une telle exigence ne peut pa~ être imposée aux personnes morales de cet Etat, dans une situa­ tion où l'action est connexe à l'exercice des libertés fondamentales garanties par le droit communautaire (26 sept. 1996, Data Delecta Aktiebolag et Ronny Forsberg, C-43/95). Environnement Sanction pénales Les articles 5 et 189 du traité CE doivent être intergrétés en ce sens qu'ils n'interdisent pas à un Etat membre d'avoir recours à des sanc­ tions pénales pour assurer utilement le respect des obligations prévues par la directive du ______________________________ Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN 199 6 213 199 6 214 Conseil relative aux déchets, à condition que ces sanctions soient analogues à celles applicables aux violations du droit national d'une nature et d'une importance similaires et que, en tout état de cause, elles présentent un caractère effectif, proportionné et dissuasif (C.J.C.E., 12 sept. 1996, S. Gallotti e.a., C-58/ 95, 75/95, 112/95, 119/95, 123/95, 135/95, 140/95, 141/95, 154/95 et 157/95). Environnement Substances dangereuses Le 1.0.C.E. L 236 du 18 septembre 1996 publie une directive modifiant la directive concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administrati­ ves relatives à la classification, l' embaJlage et l'étiquetage des substances dangereuses. Les modifications introduites sont purement for­ melles puisqu'il s'agit de remplacer les ter­ mes «numéro CEE» et «étiquetage CEE» par les termes «numéro CE» et «étiquetage CE». Le 1.0.C.E L 248 du 30 septembre 1996 publie la directive portant 22e adaptation au progrès technique de cette même directive. Préparations dangereuses Le 1.0.C.E. C 283 du 26 septembre 1996 publie une proposition de directive concer­ nant le rapprochement des dispositions légis­ lftives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la classification, l 'embaJlage et l'étiquetage des préparations dangereuses. Après avoir déterminé son but et son champ d'application, la proposition fixe les principes généraux pour la détermination des propriétés dangerel!ses et édicte les obli­ gations et devoirs des Etats membres en ter­ mes d'étiquetage et d'emballage. Pollution Le J.O.C. E. L 257 du 10 octobre 1996 publie une directive relative à la prévention et à la réduction intégrées de la poJlution. Elle pré­ voit les mesures visant à éviter et, si possible, à réduire les émissions des activités indus­ trielles visées dans l'annexe 1 dans l'air, l'eau et le sol, y compris les mesures concernant les déchets, afin d'atteindre un niveau élevé de protection de l'environnement. La directive édicte ainsi «les principes généraux des obli­ gations fondamentales del' exploitant» et met en place les conditions de fond et de forme à l'obtention et au maintien d'une «autorisation d'exploitation». Cette directive est entrée en vigueur le 30 octobre 1996. Protection des forêts Le 1.0.C.E. C 268 du 14 septembre 1996 publie deux propositions de règlements rela­ tifs à la protection des forêts. L'un vise la protection contre la pollution atmosphérique, l'autre la protection contre les incendies. Établissement Une question préjudicielle en interprétation des articles 55, 56, 86 et 90 du traité CE est à l'examen relativement à une réglementation nationale réservant à des entités publiques l'exercice exclusif de l'activité de placement de travailleurs et de mise à disposition de main-9' œuvre temporaire même dans le cas où l'Etat membre n'est pas en mesure de Journal des tribunaux DROIT EUROPÉEN couvrir la demande de main-d' œuvre spécia­ lisée exprimée par le marché (Riccardo Piccaluga, C-250/96). Établissements de crédit Aux termes des dispositions de la directive visant à la coordination des dispositions légis­ latives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établisse­ ments de crédit et son exercice, la Commis­ sion doit établir et publier une liste de tous les établissements de crédit autorisés dans les États membres. La Commission s'acquitte pour la I Y fois de cette mission dans sa communication publiée au J.O. C.E. C 286 du 30 septembre 1996. Fiscalité Dégrèvement fiscal Une question préjudicielle a été posée à la C.J.C.E. en interprétation des articles 5 et 52 du traité CE, relativement à la compatibilité d'une loi nationale interdisant à une société, résidant dans un État membre, de demander un dégrèvement fiscal dans le cadre del' impôt sur les sociétés en raison de pertes commer­ ciales subies p~r une filiale, également résidante dans l'Etat membre, d'une société holding appartenant en partie à la société au motif que les activités de la société holding ne concernent pas uniquement ou P,rincipale­ ment des filiales résidentes dans l'Etat mem­ bre en question (Imperia/ Chemical Indus­ tries, C-264/96). Rassemblement de capitaux La directive du Conseil concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de ca­ pitaux, doit être interprétée en ce sens que, lorsqu'une société bénéficie d'un prêt sans intérêts, eJle est applicable au montant des intérêts économisés. Cette même directive ne s'oppose pas à ce qu'une société mère qui a accordé un prêt sans intérêts à l'une de ses filiales soit assujettie à l'impôt sur le revenu sur la base d'un intérêt fixé a posteriori (C.J.C.E., 26 sept. 1996, NS R. Frederiksen e.a., C-287/94). Véhicules à moteur Une question préjudicielle est à l'étude devant la C.J.C.E. aux fins d'interpréter l'article 95 du traité CE relativement à un système de taxation différenciée des véhicules à moteur qui prévoit des modalités de détermination de la puissance fiscale défavorable aux voitures importées (D. Tabouillot, C-284/96). Institutions Composition du T.P.I. Le T .P .1. a désigné les présidents de ses cham­ bres et a décidé l'affectation des juges àcelles­ ci pour la période allant du 1 "' octobre 1996 au 30 septembre 1997. I '" ch.: prés. A. Saggio, juges V. Tiili et R. Moura Ramos ( ch. élargie: avec H. Kirschner, A. Kalogeropoulos). 2' ch.: prés. C.W. Bellamy,juges H. Kirschner, A. Kalogeropoulos (ch. élargie avec C.P. Briët et A. Potocki). 3e ch.: prés. B. Vesterdorf,juges C.P. Briët (ch. élargie avec P. Lindh et J.D. Cooke). 4" ch.: prés. K. Lenaerts, juges P. Lindh et J.D. Cooke (ch. élargie avecJ. Azizi et M. Jaeger). 5" ch.: prés. R. Garcia-Valdecasas, juges J. Azizi et M. Jaeger (ch. élargie avec V. Tiili et R. Moura Ramos). Siège du Parlement européen La France a introduit un recours en annulation contre la délibération du P.E. du 17 juillet 1996 fixant le calendrier pour les périodes de session de 1997, en ce que celui-ci ne prévoit que 11 sessions à Strasbourg en violation de la décision relative à la fix~tion des sièges des institutions, adoptée à Edimbourg (C-267/ 96). Commission - Transparence Le J.O. C.E. L 24 7 du 28 septembre 1996 publie une décision de la Commission modi­ fiant la décision relative à l'accès du public aux documents de la Commission. La déci­ sion modifie le système de redevance existant quis' est avéré difficilement praticable et peu efficace. Parlement et Commission Le 1.0.C.E. C 282 du 26 septembre 1996 publie une série de communications du Parle­ ment relativement au programme législatif pour l'année 1996 et au programme de travail de la Commission pour la même année. Le J.O. C.E. C 303 du 14 octobre 1996 publie le treizième rapport annuel sur le contrôle de l'application du droit communautaire (année 1995). Ressources propres Le J.O. C.E. L 247 du 28 septembre publie une série de décisions concernant l'Autriche, la Finlande et la Suède, les autorisant à ne pas tenir compte de certaines catégories d'opéra­ tions et à utiliser certaines estimations ap­ proximatives pour le calcul de la base des ressources propres provenant de la TV A. Manquements d'État Personnes ( Libre circulation des -) En exigeant, comme condition pour l'octroi des allocations d'attente, que les enfants à la charge de travailleurs migrants communau­ taires résidant en Belgique aient terminé leurs études secondaires dans un établissement subventionné ou reconnu par l'État belge ou par l'une de ses Communautés, la Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48 du traité CE et du règle­ ment relatif à la libre circulation des tra­ vailleurs à l'intérieur de la Communauté (C.J.C.E., 12 sept. 1996, C-278/94). Télécommunications En adoptant, à l'égard des émissions de radiodiffusion télévisuelle par satellite, les critères énoncés dans le Broadcasting Act 1990 pour déterminer les organismes de radiodiffusion par satellite qui relèvent de la compétence du Royaume-Uni et en appli­ quant un régime différent aux services par satellite intérieurs et aux services par satellite autres, ainsi qu'en exerçant un contrôle sur les émissions transmises par un organisme de radiodjffusion relevant de la compétence d'un autre Etat membre, quand lesdites émissions sont transmises par un service par satellite autre qu' intérieur ou offertes au public en tant
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