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Juste la fin du monde, prologue, analyse linéaire, Lectures de Français

Juste la fin du monde, prologue, analyse linéaire

Typologie: Lectures

2020/2021

Téléchargé le 03/06/2021

denis-bressan
denis-bressan 🇫🇷

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Télécharge Juste la fin du monde, prologue, analyse linéaire et plus Lectures au format PDF de Français sur Docsity uniquement! Karine Girard – Karine.girard1@ac-grenoble.fr J.-L. LAGARCE, Juste la fin du monde PROLOGUE LOUIS- Plus tard‚ l’année d’après – j’allais mourir à mon tour – j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai‚ l’année d’après‚ de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire‚ à tricher‚ à ne plus savoir‚ de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini‚ l’année d’après‚ comme on ose bouger parfois‚ à peine‚ devant un danger extrême‚ imperceptiblement‚ sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt‚ l’année d’après‚ malgré tout‚ la peur‚ prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre‚ malgré tout‚ l’année d’après‚ je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire le voyage‚ pour annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision – ce que je crois – lentement‚ calmement‚ d’une manière posée – et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un homme posé ?‚[…] Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, 1990. Karine Girard – Karine.girard1@ac-grenoble.fr Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde (PROLOGUE)…– LECTURE LINEAIRE Juste la fin du monde (qui s’est tout d’abord intitulé Les Adieux puis Quelques éclaircies) est la pièce de théâtre la plus connue de Jean-Luc Lagarce. (1957/1995). Louis, le personnage principal, est un écrivain qui a quitté sa famille des années plus tôt. Il décide de revenir leur annoncer qu’il va mourir mais il n’y parviendra pas. La fable traite de la famille, du retour, des relations de famille, et surtout, de la difficulté de communiquer sur ce qui est important. D’emblée, l’écriture est surprenante, empruntant à la typographie de la poésie. L’extrait qui nous intéresse est le début du prologue qui se présente sous la forme d’un monologue de Louis. Mouvements du texte : 1. Jusqu’à « c’est à cet âge que je mourrai » = Entrée de scène de Louis qui assure la parole dans le prologue, - espace théâtral qui est à la fois la pièce et autre chose que la pièce, et annonce qu’il va mourir. L’énonciation est surprenante et donne le sentiment d’être face à la voix d’un mort. 2. Jusqu’à « j’attendais d’en avoir fini » = retour sur les mois qui ont précédé la scène et évocation de la peur, de l’angoisse, face à la mort, qui est à la fois attendue et redoutée. 3. Jusqu’à la fin = Louis retrace la façon dont est venu le désir de retourner auprès des siens, s’inscrivant dans une reprise de la parabole du fils prodigue qui vient chercher le pardon et la protection d’une famille qu’il a laissée pour vivre autre chose que ce qu’elle avait à proposer, mais l’idée de ce retour auprès des siens semble, paradoxalement, être une source d’angoisse supplémentaire. Nous pouvons donc constater que chacun des mouvements met en scène le paradoxe, l’intermédiaire et l’entre-deux. Nous analyserons donc cet extrait en nous demandant comment il annonce un moment de crise aux allures de rhapsodie (une œuvre composée de « morceaux » juxtaposés) aux coutures apparentes. Compte-tenu de la spécificité de l’écriture de Lagarce (des phrases très longues), nous ne procèderons pas à l’analyse phrase par phrase mais effectuerons des « coupures » au cœur des phrases. 1er mouvement : la révélation de la mort imminente • Prologue - Il convient tout d’abord de remarquer que nous sommes face à un prologue, c’est-à-dire un discours « avant le discours » (d’après l’étymologie). Le prologue est une tradition qui vient de l’Antiquité. Il s’agit d’un moment durant lequel les acteurs exposent la trame de la pièce. On en retrouve la trace dans le théâtre français dès le Moyen-Age. Le prologue a la particularité d’être un moment théâtral ambigu : il est à la fois dans la pièce et hors de la pièce. Il s’agit donc d’un entre-deux, d’un espace et d’un temps indéterminé. • « Plus tard, l’année d’après » = - Ce qui surprend d’emblée, dans la parole de Louis, c’est la forme que prend son monologue. Il s’agit d’une longue phrase à la syntaxe complexe dans la mesure où les groupes syntaxiques sont juxtaposés les uns aux autres sans qu’il soit toujours possible de rétablir des liens les unissant. L’écriture se présente comme une rhapsodie mimant les mouvements désordonnés de la pensée. - Par ailleurs, la typographie mérite attention : la phrase est découpée sur la page, avec des retours à la ligne qui soulignent les « jointures » entre les différents groupes syntaxiques. Cette disposition, qui fonctionne comme une respiration, n’est pas sans évoquer la poésie. On a donc un texte à mi-chemin entre la poésie et le théâtre. Karine Girard – Karine.girard1@ac-grenoble.fr volonté de retour à la vie, qui pourrait hâter la mort (=ce qui reviendrait à dire que le fait de se sentir de nouveau vivant est inquiétant dans la mesure où cela pourrait accélérer la venue de la mort… il s’agirait alors d’une sorte de superstition) ? Ou bien est-ce le fait de revoir sa famille qui pourrait ainsi le « détruir[e] » ? Dans cette dernière hypothèse, le retour auprès des siens n’est pas envisagé comme la recherche d’un refuge mais au contraire comme une prise de risque supplémentaire. • « l’année d’après / malgré tout / la peur / prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre / malgré tout » - Une reprise de « l’année d’après » scande de nouveau le monologue, dramatisant la prise de décision dont le lecteur/spectateur ignore tout encore. - Les lignes qui suivent participent à cette dramatisation en répétant le sentiment de danger (avec le terme « risque » et avec l’expression « malgré tout » dans laquelle on peut lire une reprise de ce qui a été dit plus haut) et en nommant le sentiment que l’on pouvait lire entre les lignes : la « peur ». - On peut remarquer qu’ici plus qu’ailleurs la syntaxe joue de la juxtaposition presque hasardeuse des groupes de mots, rendant la lecture difficile : il s’agit sans doute de rendre compte de la confusion qui existe chez le personnage. • « l’année d’après / je décidai de retourner les voir, revenir sur mes pas, aller sur mes traces et faire le voyage, pour annoncer, lentement, avec soin, avec soin et précision ». - Après une dernière reprise de « l’année d’après », la décision prise est enfin annoncée. L’emploi du verbe « décider » associé au pronom personnel de la première personne dit le retour de la vitalité et de la volonté : Louis devient le sujet agissant de son existence. - Si le pronom « les » peut sembler énigmatique, il désigne néanmoins de façon évidente des êtres liés au passé de Louis : on le voit au terme « traces » et à l’emploi de deux verbes construits à partir du préfixe « re-». C’est donc le retour auprès d’une famille longtemps délaissée qu’envisage Louis. Son histoire est donc une réécriture de la parabole biblique du fils prodigue (à ceci près que celui qui revient ne sera pas sauvé). - On peut remarquer une modification progressive du sens :  « retourner les voir » = idée d’un « retour », c’est-à-dire d’un demi-tour avec pour objectif le contact à la famille, aux autre,  « revenir sur mes pas » = disparition des autres, le discours se resserre sur soi et la démarche est moins en lien avec les membres de la famille qu’avec l’idée de retracer le chemin à l’envers (avec l’idée d’effacer celui-ci ? de le comprendre mieux ?)  « aller sur mes traces » = on peut reconnaître une altération de l’expression « suivre la trace de »… la pensée se recentre sur soi et se dessine une volonté de se comprendre, de se « pister » pour comprendre comment on est devenu ce que l’on est devenu, qui l’on est.  « faire le voyage » = disparition de tout pronom personnel = le but n’est plus de retrouver les autres ou de se découvrir mais de se mettre en mouvement La phrase précise donc, petit à petit, la pensée initiale jusqu’à arriver à l’expression la plus juste : celle d’une volonté de se mettre en mouvement et d’accomplir un « voyage » (qui annonce peut-être le voyage ultérieur et définitif). - Un complément de but précise la raison de ce retour : « annoncer ». Le prologue a donc réalisé ce que la pièce doit réaliser : l’annonce de la mort prochaine. - La difficulté que rencontrera Louis dans son projet peut se lire aux quatre compléments de manière qui suivent : « lentement, avec soin, avec soin et précision ». Si le projet semble murement réfléchi, l’accumulation de ces compléments montre une volonté de justesse dans la parole qui pourra/va bloquer la parole. On comprend, au premier et au deuxième compléments, que Louis veut être précautionneux (il sait que l’annonce aura l’effet d’une bombe auprès de ceux qui l’aiment). Le « soin » n’est pas sans évoquer l’univers médical : le malade veut prendre soin de ceux qui ne le sont pas. Le terme « précision » entre en conflit avec les précédents dans la mesure où la « précision » nécessite une exactitude rigoureuse qui ne peut manquer d’évoquer, dans le cas de la maladie, la dégradation du corps. Le personnage est donc dans une volonté toute paradoxale d’exposer ses proches à sa réalité et de les protéger. Karine Girard – Karine.girard1@ac-grenoble.fr En conclusion, ce prologue, qui permet à Louis de présenter au spectateur/lecteur l’idée directrice de la pièce construit un personnage dans une situation de « crise » dans la mesure où une crise est un moment crucial annonçant le changement. Vivant, presque-mort, solitaire qui veut retourner auprès des siens, désireux de dire mais aussi de protéger, Louis est un personnage de l’entre-deux et l’esthétique de la pièce, qui relève de la rhapsodie, souligne cet entre-deux. Annexe : parabole du fils prodigue Jésus dit encore: Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père: “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit: “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai: Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.” Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit: “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.” Mais le père dit à ses serviteurs: “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer. (source : AELF)
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