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"L'Adieu" d'Apollinaire : un hommage à Victor Hugo, Résumés de Poésie

"L'Adieu" d'Apollinaire : un hommage à Victor Hugo ? Rendant compte de sa visite au cimetière de Villequier, la 16 septembre 1913, Apollinaire en vient à ...

Typologie: Résumés

2021/2022

Téléchargé le 08/06/2022

Liza91
Liza91 🇫🇷

4.2

(44)

97 documents

Aperçu partiel du texte

Télécharge "L'Adieu" d'Apollinaire : un hommage à Victor Hugo et plus Résumés au format PDF de Poésie sur Docsity uniquement! "L'Adieu" d'Apollinaire : un hommage à Victor Hugo ? Rendant compte de sa visite au cimetière de Villequier, la 16 septembre 1913, Apollinaire en vient à évoquer les tombes de Léopoldine Hugo et Charles Vacquerie : elles contiennent, écrit-il, les victimes d'un accident dont la mémoire ne passera que lorsque la douleur sublime et la poésie auront cessé d'émouvoir les hommes"1 . On aurait tort, me semble-t-il, de minimiser cette notation sous prétexte que, comme l'estime Madeleine Poisson2, les termes n'en visent pas à l'originalité. Elle-même, après Antoine Fongaro3 , a relevé maints souvenirs de Hugo dans les poèmes d'Apollinaire, et parmi eux des réminiscences des Contemplations, au nombre d'une dizaine. Je propose d'en ajouter une et non des moindres puisqu'en elle confluent plusieurs sources toutes issues des Contemplations, dont une du livre même de la douleur, dans ce recueil, "Pauca meae". Relisons le court texte publié dans Alcools sous le titre "l'Adieu" : J'ai cueilli ce brin de bruyère L'automne est morte souviens t'en Nous ne nous verrons plus sur terre Odeur du temps brin de bruyère Et souviens-toi que je t'attends Cette bruyère, cette attente d'un être au-delà de la mort il n'est pas besoin d'être très familier de l'œuvre de Hugo pour y reconnaître les éléments d'un célèbre poème : Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai, vois-tu, je sais que tu m'attends, (…) Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur4 Chez Apollinaire, la voix vient d'outre-tombe : on serait alors tenté de dire qu'il a composé l'invitation à laquelle répond Hugo. Cette hypothèse se heurte à une difficulté : c'est la morte (ou le mort) en attente qui paraît, dans le texte d'Alcools, avoir cueilli le brin de bruyère, offrandé chez Hugo du poète à celle qui est dans la tombe. Or la difficulté se dissipe si l'on remonte aux états antérieurs du poème d'Apollinaire, où celui-ci se présentait comme un dialogue. La trace en subsistait encore, sous la forme d'un blanc entre les vers 3 et 4, dans la version parue l'année précédents (Vers et Prose, t. XXXI, octobre-décembre 1912) et textuellement identique. Plus révélatrice encore est celle qu'Apollinaire avait publiée en décembre 1903 dans sa revue, le Festin d'Esope, et où des guillemets circonscrivent les parties des deux interlocuteurs : "J'ai cueilli ce brin de bruyère Mets-le sur ton cœur plus longtemps Nous ne nous verrons plus sur terre." "J'ai mis sur mon cœur la bruyère, Et souviens-toi que je t'attends." 1 Article du Mercure de France reproduit au tome 2 des Oeuvres complètes d'Apollinaire publiées par michel Decaudin, Paris, Balland Lecat, p. 393. 2 Communication au colloque Apollinaire de 1982; à Stavelot. 3 Voir "Apollinaire lecteur de Baudelaire et de Hugo", dans Guillaume Apollinaire 12, Minard, 1974. 4 les Contemplations, livre 4ème (Pauca meae), XIV, v.1-2 et 11-12 Ce dialogue, on le sait depuis le recueil posthume de 1952, le Guetteur mélancolique, est lui-même extrait d'un poème intitulé "la Clef" où il apparaissait ainsi. (p.480) : J'ai cueilli ce brin de bruyère Mets-le sur ton cœur pour longtemps Il me faut la clef des paupières J'ai mis sur mon cœur les bruyères Et souviens-toi que je t'attends5 Eh bien, on le constate, Apollinaire est tellement impregné en 1903 du poème de Hugo qu'en détachant ce morceau de dialogue de son contexte original, il apporte au deuxième vers une modification très légère mais grâce à laquelle s'entend un écho direct de la fin du premier quatrain de Hugo : Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. N'est-on pas autorisé à partir de ce triple indice à relever dans le poème de 1903 les liens qui l'unissent à d'autres vers encore des Contemplations? Le geste de cueillir une fleur, Apollinaire a pu le rencontrer à l'orée d'un poème du même volume qui apparaît en outre, par la destination qu'il propose à cette fleur, comme doublement apparenté au sien : J'ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline. (...) Pauvre fleur, du haut de cette cime, Tu devais t'en aller dans cet immense abîme Où l'algue et le nuage et les voiles s'en vont. Va mourir sur un cœur, abîme plus profond6 On n'hésiterait pas à parler d'un troisième signe matriciel dans la reprise variée par Hugo du vers initial : J'ai cueilli cette fleur pour toi, ma bien-aimée7 Si précisément Apollinaire n'avait découpé "l'Adieu" de façon à supprimer toute caractérisation des personnages en présence et particulièrement de la "bien-aimée" désignée dans "la Clef" comme celle qui est attendue (aux vers 36-37). Plus convaincant me paraît le rapprochement que l'on peut établir entre "l'Adieu" et le dernier poème des Contemplations adressé "A celle qui est restée en France" et dont Antoine Fongaro a déjà mentionné qu'Apollinaire avait repris une image pour son propre poème intitulé "Vendémiaire"8 En l'occurrence il lui doit, me semble-t-il, le détail du "brin de bruyère" et peut-être l'idée même de prendre pour titre du fragment qui trouvera sa place définitive dans Alcools un mot d'ailleurs répété dans "la Clef" (aux vers 10 et 15) : "Adieu" . Disons tout de suite qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que les souvenirs du poème final des Contemplations se soient croisés avec ceux des deux autres pièces du recueil auxquelles il été fait référence. Le rapport du texte avec "Demain dès l'aube..." et "J'ai cueilli cette fleur..." est assez évident; qu'on en juge : Autrefois, quand septembre en larmes revenait, Je partais (...) (...) seul, sans voir, sans penser, sans parler ……………………………………………. Que de fois j'ai cueilli de l'aubépine en fleur! 5 Marcel Adéma et Michel Decaudin ont noté ces différents états du poème dans l'édition des Œuvres poétiques d'Apollinaire, Paris, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1965, p. 1054. 6 les Contemplations, livre 5ème ("En marche"), XXIV, v.1 et 17-20 7 ibid. v.13 8 Voir "Apollinaire, lecteur de Baudelaire et de Hugo", Guillaume Apollinaire 12, Minard, 1974, p. 108-109. Apollinaire avait-il renoncé pour autant à la faire sentir à ses lecteurs? Peut-être convient-il de lire autrement que comme une indication de circonstance, assez négligeable, la remarque qu'il glissait dans son évocation du cimetière de Villequier en 1913 quelques mois après la publication d'Alcools : "Le cimetière pourrait être un lieu célèbre de pélerinage pour les hugolâtres, mais il en vient rarement ici, peut-être même commencent- ils à être rares ailleurs. Et tandis qu'ils diminuent, le grand poète compte chaque jour plus de secrets admirateurs parmi les jeunes poètes."22 Or cette "Epopée du ver" suit, dans la Légende des siècles, un poème intitulé " les Sept Merveilles du monde" où l'on peut lire : "(…) ainsi que l'eau coule et comme fuit le sable, / Les ans passent, mais moi je demeure" (XII, I, v.134-135). Et, piquante coïncidence, dans Alcools, "la Chanson du mal aimé" suit "le Pont Mirabeau" Signalons enfin, à -propos de ce dernier poème, que dans les éditions de Toute la lyre de Hugo, parues du vivant d'Apollinaire, succédaient un texte qui commençait par l'alexandrin suivant : N'est-ce pas mon amour, que la nuit est bien lente (V, XVIII) et une chanson, en vers de sept syllabes - le mètre donné par Apollinaire au distique qui revient à la fin chaque strophe du "Pont Mirabeau" comme un refrain- dont voici les passages les plus susceptibles d'être restés dans sa mémoire : L'heure sonne. (…) Laisse fuir la barque et l'onde! Ne laisse pas fuir l'amour. A nos cœurs qui se désolent les heures parlent parfois, (…) Les pires et les meilleures Sur nous passent tour à tour…- (…) laisse fuir les heures! Ne laisse pas fuir l'amour. (…) Le nuage est comme l'onde, Clair parfois, sombre souvent, Il s'en va! triste voyage, (…) sans retour…- Oh! laisse fuir le nuage! Ne laisse pas fuir l'amour. L'onde, la nuée et l'heure Tout -passe, et -nous pleurons tous! Qu'une chose en nous demeure Quand tout change autour de nous! (…) (Toute la lyre, VI, XIX. Edition "Ne Varietur", Hetzel, 1898, p. 195-196) 22 Article cité dans notre note 1, p.392. Tout n'a pas encore été écrit sur les traces hugoliennes dans la poésie d'Apollinaire. Un exemple parmi d'autres dans "la Chanson du Mal Aimé" : est-ce un hasard si, peu après avoir interpellé son ombre ainsi : "toi qui me suis en rampant", le poète évoque la "mort d'immortels argyrespides"? Souvenir, à n'en pas douter, de "I'Epopée du ver" épopée de cet être qui "rampe" et qu'on "extermine en vain", auquel Hugo fait dire : J'atteins tout ce qui vole et court. L'argiraspide Ne peut me fuir, eût-il un cheval plus rapide Que l'oiseau de Vénus. (la Légende des siècles, XIII, v.175 à 177) Arnaud Laster
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