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L'apprenant face à l'autre : l'empathie et l'enseignement de la ..., Notes de Littérature

Béni ou le paradis privé d'A. Begag (1989) traite avec beaucoup d'ironie et d'humour du racisme envers les Magrébins de la deuxième génération en France.

Typologie: Notes

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

Hector_Bel
Hector_Bel 🇫🇷

4.2

(93)

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Télécharge L'apprenant face à l'autre : l'empathie et l'enseignement de la ... et plus Notes au format PDF de Littérature sur Docsity uniquement! Les actes de colloque des XXes Rencontres des chercheurs en didactique de la littérature sont disponibles selon les termes de la Licence Creative Commons. Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. L’apprenant face à l’autre : l’empathie et l’enseignement de la littérature francophone dans un cours de FLE The learner facing the other : empathy and the teaching of French literature in a French language course Kirsten Husung, maitresse de conférences Linnaeus University/Suède, Département des langues, laboratoire : Linnaeus University Centre for Concurrences in Colonial and Postcolonial Studies Cet article analyse, à l’aide d’une étude menée dans un cours universitaire de FLE en Suède, comment l’enseignement de la littérature francophone peut contribuer à une meilleure compréhension des impacts de l’héritage (post)colonial en sensibilisant l’apprenant au destin des personnages dans leur situation socio-culturelle particulière. La recherche est basée sur les théories d’empathie dans le cadre de la réception des textes fictionnels, notamment celles de S. Keen (2007) et B. Scheele (2004). Les résultats permettent d’affirmer que l’empathie est surtout suscitée par des passages dans lesquels les personnages expriment leurs sentiments permettant à l’apprenant de comprendre leurs mobiles et de s’identifier à eux. L’empathie permet une vue diversifiée, car elle est aussi suscitée pour des personnages antipathiques ou ambigus. L’étude montre que l’approche didactique doit laisser de la place à la subjectivité de l’apprenant. Mots-clés : empathie du lecteur, empathie fictionnelle, FLE, littérature francophone, (post)colonial This article based on a study conducted in a university course in Sweden examines how the teaching of francophone literature can contribute to a better understanding of the impact of (post)colonial heritage by generating the students’ empathy for a novel’s main characters. The focus lies on the narrative and didactic means that facilitate students’ emotional immersion, thus contributing to a better understanding of the Other in certain socio-cultural situations, particularly those existing in (post-)colonial conditions. The research is based on the theories of narrative empathy within the framework of the reception of fictional texts, notably as defined by Suzanne Keen (2007) and Brigitte Scheele (2004). The result shows that student empathy is strongest in passages in which the characters express their feelings allowing the reader to understand their motives. Empathy enables diverse perspectives as it also can be generated by antipathic or ambitious characters. The study shows that the didactic approach has to leave room for student’s subjectivity. Keywords : narrative empathy, French as a foreign language, Francophone literature, (post)colonial Dans cet article, la notion de sensible concerne le sentiment d’empathie qu’un texte littéraire peut susciter chez l’apprenant1 de Français langue étrangère (FLE). Quand le lecteur partage les sentiments qu’un texte met en scène, qu’il a un rapport fusionnel avec un ou plusieurs personnages, nous pouvons parler d’une lecture empathique ou d’empathie fictionnelle selon V. Larrivé (2017). L’empathie que nous pouvons définir comme « ressemblance émotive interpersonnelle » (Gefen, 2013 : 290) se dirige vers l’autre dans l’adoption des mêmes émotions dans une situation particulière. La capacité d’adopter la perspective d’autrui avec 1 Pour faciliter la lecture, j’utilise généralement la forme masculine comme forme neutre quand je parle des apprenants, des étudiants et des lecteurs, impliquant tous genres confondus, masculin, féminin et autres. 2 ses ressemblances et différences par rapport à soi-même a des répercussions pour la compréhension et l’interprétation des personnages et des évènements au centre de l’intrigue. Selon S. Husvedt (2017), nous comprenons mieux la complexité des faits historiques quand ils sont présentés sous forme de fiction romanesque qu’uniquement présentés sous forme d’archive ou de fait, étant donné que la vie d’une ou de plusieurs personnes est au centre du texte fictionnel. M. Petit soutient que la lecture d’œuvres littéraires est « un moyen peu égalé de connaître l’Autre de l’intérieur, de se glisser dans sa peau, dans ses pensées, sans redouter son chaos, sans craindre d’être envahi, sans trop s’effrayer de la projection de son intériorité en nous » (Petit, 2014 : 55). À ce titre, l’empathie peut jouer un rôle dans l’enseignement du FLE des textes fictionnels postcoloniaux. L’objectif principal de l’article est d’étudier comment l’enseignement de la littérature francophone peut contribuer à une meilleure compréhension des impacts de l’héritage (post)colonial en sensibilisant l’apprenant au destin des personnages. Les questions auxquelles l’étude donne quelques pistes de réponses sont les suivantes : quelles stratégies littéraires, quelles techniques narratives et quels procédés didactiques pourraient favoriser l’immersion émotionnelle de l’apprenant ? Quel est le rapport entre le sentiment d’empathie et des sentiments proches tels que la sympathie, la compassion et la pitié ? Quel rôle joue l’âge, le genre, la situation particulière de l’apprenant, ses motifs et ses attentes ? Pour analyser ces questions, une enquête à l’aide d’un questionnaire à sélection multiple, comprenant la fonction de commentaire (voir l’annexe), ainsi que quatre interviews en profondeur ont été menées dans un cours universitaire en Suède. Les étudiants ont lu cinq romans qui mettent en scène les impacts du colonialisme, parmi lesquels trois ont été choisis pour l’étude. Dix-sept étudiants ont fait partie de l’étude, dont six de genre masculin. Le but des enquêtes anonymes était d’obtenir une vue générale sur les réactions suscitées par les romans. Les personnes dans les entretiens semi-dirigés ont été choisies en raison de leurs différents âges, genres et origines culturelles, sans pour autant prétendre qu’elles soient représentatives pour un groupe social particulier. Il s’agit donc d’une étude de type qualitatif. L’enseignement a eu lieu en ligne, donné via une plateforme internet. Le travail des étudiants consistait à discuter par écrit du contenu, du style et de leurs opinions personnelles dans un forum à l’aide de fiches de travail et de guides de lecture offerts par la professeure sous forme de courtes conférences virtuelles. Ces conférences ont été surtout des explications quant à la structure des livres, aux procédés narratifs et au contexte littéraire et historique pour faciliter la lecture d’un roman dans le délai très bref d’une semaine. L’approche didactique était axée sur une lecture subjective de la part de l’apprenant, compris comme sujet lecteur tel que théorisé à partir des travaux d’A. Rouxel et de G. Langlade (2004), dans le but de favoriser un accès individuel à l’ouvrage littéraire. En effet, si le texte littéraire donne une connaissance du monde à travers une expérience singulière, un point de vue unique sur la réalité, à son tour « le lecteur en fait une lecture singulière, en fonction de la manière dont il s’implique, affectivement et imaginairement, en s’identifiant plus ou moins au point de vue qui lui est présenté » (Godard, 2015 : 50). Les romans faisant partie de l’étude ont été choisis en raison des différents styles et contextes culturel et historique de la trame de l’histoire : Une vie de boy de F. Oyono (1956) traite de la relation entre colonisés et colonisateurs, entre Noirs et Blancs, dans les années 50 au Cameroun. Le livre est composé de deux journaux intimes que le narrateur a reçus lors de la mort du protagoniste, Toundi. Les recherches sur l’empathie montrent que la forme du journal 5 algérien de la première génération, qui travaille dur et ne comprend pas la société française qui l’angoisse. Considéré par quelques-uns comme antipathique parce qu’autoritaire, il a quand même suscité de la compassion et de la pitié chez la plupart des étudiants. Un des étudiants a dit avoir ressenti de l’empathie pour Abboué, « même s’il a tort de traiter Béni de façon violente et qu’il est machiste » (Pia). Cette réponse montre que l’empathie peut être aussi suscitée pour un personnage peu sympathique. Dans Une vie de boy, très peu disent d’avoir ressenti de l’empathie pour le commandant et encore moins pour Madame, deux personnages représentant l’attitude raciste de l’idéologie coloniale, considérés par tous les étudiants comme antipathiques. Ils attribuent leurs sentiments au fait, d’une part, que le comportement des personnages va à l’encontre de leurs valeurs – phénomène appelé dans les théories sur l’empathie du lecteur résistance imaginative (Reboul, 2011 : 132) –, et, d’autre part, que les situations dans lesquelles les personnages se trouvent sont trop étrangères pour eux ou que les personnages les laissent insensibles. Un étudiant a déclaré qu’il rejette le comportement du commandant, mais que Madame, la femme adultère, le laisse indifférent peut-être parce qu’il est un homme. Une étudiante s’est dit avoir éprouvé de l’empathie pour Madame, car elle a fait l’expérience d’être une femme blanche dans un pays africain où elle a vécu pendant quelques mois. Une autre a dit ce qui suit : « J’ai beaucoup réfléchi sur la situation de Madame. D’abord, je n’ai pas eu de pitié pour elle, mais en réfléchissant un peu plus, j’ai commencé à comprendre de plus en plus qu’elle aussi est très limitée dans son rôle. Elle n’a pas de vrai pouvoir ou d’influence sur sa vie » (Ida). Les réponses confirment que les différentes émotions s’influencent mutuellement ; l’empathie pour le personnage dépend du sentiment de sympathie, d’antipathie, de pitié, de compassion et d’insensibilité, ce qui confirme le modèle circulaire et graduel de Scheele (2014). Dans les réponses mentionnées ci-dessus, le genre du lecteur ainsi que du personnage parait avoir eu une influence sur la possibilité de s’identifier avec le personnage et, par là, de ressentir de l’empathie, un aspect mentionné par Keen (2007). Cet aspect pourrait aussi jouer sur des réponses dans Béni et le paradis privé. Une étudiante a éprouvé de l’empathie pour la mère et la sœur, car le roman lui a montré que « ce n’est pas facile d’être en France, d’être une femme arabe » (Kim). La mère, décrite plutôt comme victime des circonstances, a suscité plus d’empathie que le père, ce qui pourrait être dû au fait que deux tiers des étudiants sont féminins. Il en va de même pour la sœur, Naoule, un personnage décrit comme victime du discours patriarcal. Si la moitié des étudiants dans les questionnaires ne croient pourtant pas que le genre ait influencé leurs réponses (question 2), il pourrait être nécessaire d’étudier de plus près le rôle de l’identification au genre des protagonistes ainsi que son rapport avec l’âge, l’origine ou l’appartenance culturelle. Le fait que les personnages sont des personnages empathiques entre eux, comme dans Le Message, est un facteur soulevé dans les réponses ayant une influence sur l’empathie. Par contre, dans Une vie de boy, chaque personnage est seul, ne soutient pas l’autre et, quand c’est le cas, comme quand Madame s’intéresse à la situation de Toundi, cela est voué à l’échec, car la hiérarchie sociale entre colonisateur et colonisé interdit une relation d’égal à égal. À la question 5, de savoir si, à travers le sentiment d’empathie, les trois livres ont montré aux étudiants quelque chose qu’ils ne savaient pas sur les effets de la colonisation, à peu près deux 6 tiers pensent que oui. Un étudiant a dit avoir compris ce que cela signifiait d’être un immigré de deuxième génération et que les parents ne comprennent pas leurs enfants : « J’ai mieux compris le racisme en France, ils sont à part, c’est aussi en Suède comme ça » (Jan), et un commentaire dans le questionnaire : « Une nouvelle perspective sur la situation des Magrébins en France ». Quant à Une vie de boy, un étudiant a dit que le livre l’a aidé à mieux comprendre les racines du racisme : « D’être traité de cette façon, c’est très direct de lire le livre, plus direct que dans un film, surtout le mot nègre » (Jan). Quant aux fiches de travail et aux guides de lecture (question 4a, b), deux tiers pensent que ce matériel a peut-être ou certainement facilité l’empathie. Un des facteurs ayant influencé ce résultat est sans doute le fait que les questions dans les fiches de travail portent souvent sur l’impact du texte sur le lecteur, aspect didactique appelé dans les recherches « le texte du lecteur » (Mazauric, Fourtanier et Langlade, 2011). Quant aux discussions dans les forums (question 4c), la moitié croient que ce travail n’a eu aucun effet sur l’empathie, tandis que l’autre moitié pensent le contraire. Il est possible que cela provienne du fait que l’empathie est une émotion surtout individuelle suscitée dans le moment de la lecture même. Ceux qui n’ont pas trouvé le travail avec les romans utile et/ou ont eu des problèmes à éprouver de l’empathie pour les personnages l’attribuent au fait que le délai pour lire les livres était trop court pour avoir le temps d’étudier les livres en profondeur. Regardons une réponse : « Au lieu de lire et répondre, je voudrais bien qu’on lise moins de romans, mais que l’on mette plus de temps à passer au crible les romans à lire durant la lecture. […] Ainsi, je pourrais peut-être éprouver plus d’empathie » (Pia). Même si cela est souhaitable, l’enseignement de la littérature dans le cadre des études françaises à l’université en Suède à ce niveau a différents buts en plus de promouvoir la compétence interculturelle, en l’occurrence l’augmentation du vocabulaire, des connaissances sur différents courants et genres littéraires, ainsi que l’analyse littéraire, raisons pour lesquelles cinq romans sont lus dans un délai bref. Conclusion L’analyse des réponses à des questionnaires et des entrevues semi-dirigées menées avec un groupe d’étudiants universitaires en Suède montre que le sentiment d’empathie à l’endroit de personnages dans trois romans issus de la littérature francophone postcoloniale pourrait favoriser la compréhension d’autrui dans sa situation socioculturelle particulière. L’empathie permet une vue diversifiée, car elle peut être aussi suscitée pour des personnages antipathiques et ambigus. L’empathie est surtout facilitée par des textes dans lesquels les personnages montrent leurs sentiments au travers de monologues intérieurs, de discours indirects libres et de focalisations internes ainsi que quand les personnages sont empathiques entre eux. Les fiches de travail doivent comprendre surtout des questions laissant de la place à la subjectivité du lecteur et à son expérience personnelle de lecture. La situation individuelle de l’apprenant, telle que l’âge, le genre et le fait d’avoir vécu dans une ex-colonie française ou en France pourrait jouer sur le résultat, mais devrait être étudiée de plus près. Une idée pour favoriser l’empathie pourrait être de donner plus de temps à l’étude intensive de quelques passages d’un roman, ceci permettant aux apprenants d’échanger plus entre eux leurs émotions à la lecture. En outre, la lecture oralisée pourrait contribuer à faire entrer les apprenants dans une démarche d’empathie – comme le soutient È.-M. Rollinat-Levasseur (2015), aussi bien avec le personnage qu’avec les autres apprenants dans leurs échanges sociaux à travers une action commune. 7 Bibliographie BEGAG, A. (1989). Béni ou le paradis privé. Paris : Éditions du Seuil. BREITHAUPT, F. (2012). Kulturen der Empathie. Francfort/M. : Suhrkamp. CHEDID, A. (2007). Le Message. Paris : Flammarion. GEFEN, A. (2013). « D’autres vie que la mienne » : Roman français contemporain, empathie et théorie du care, in A. Gefen et B. Vouilloux (éd.), Empathie et esthétique. Paris : Éditions Hermann. GODARD, A. (2015). La littérature dans la didactique du français et des langues : histoire et théories, in A. Godard (éd.), La littérature dans l’enseignement du FLE. Paris : Didier, Langues et didactique. HUSVEDT, S. (2017). Vivre, penser, regarder. Paris : Actes Sud, Babel. KEEN, S. (2007). Empathie and the novel. Oxford : Oxford University Press. LARRIVÉ, V. (2017). Empathie fictionnelle et théorie de la fiction, quelles implications en didactique de la littérature, in F. Le Goff et M.-J. Fourtanier (éds.), Les formes plurielles des écritures de la réception. Namur : PUN, Diptyque. MAZAURIC, C., FOURTANIER, M.-J. et LANGLADE, G. (2011). Le texte du lecteur. Bern : Peter Lang. OYONO, F. (1956). Une vie de boy. Paris : Réné Julliard. PETIT, M. (2014). Lire le monde. Expériences de transmission culturelle aujourd’hui. Paris : Éditions Belin. REBOUL, A. (2011). La résistance imaginative : émotions, valeurs et fiction, in C. Tappolet, F. Teroni, A. Konzelmann Ziv (éds.), Les ombres de l’âme : penser les émotions négatives. Genève : Markus Halter. ROUXEL, A. et LANGLADE, G. (2004). Le sujet lecteur : Lecture subjective et enseignement de la littérature. Rennes : Presses Universitaires de Rennes. ROLLINAT-LEVASSEUR, È.-M. (2015). La littérature en acte : voir, entendre, ressentir, in A. Godard (éd.), La littérature dans l’enseignement du FLE. Paris : Didier, Langues et didactique. SCHEELE, B. (2014). Empathie und Sympathie bei der Literatur-Rezeption, in C. Hildebrandt/E. Kampmann (éds.), Sympathie und Literatur. Zur Relevanz des Sympathiekonzeptes für die Literaturwissenschaft. Berlin : Erich Schmidt Verlag. ZILLMANN, D. (1995). Mechanisms of emotional involvement with drama, Poetics, 23 : 1-2, 33-51. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0304422X94000207 (page consultée le 31 juillet 2020). Annexe : Questionnaire (modèle) 1. Est-ce que tu as eu le sentiment d’avoir éprouvé parfois les mêmes sentiments que le(s) personnage(s) en lisant le livre ? Pour le protagoniste personnage 1 personnage 2 a) Oui, parfois b) Oui, souvent c) Non, rarement d) Non, pas du tout 1.1. Si oui, pourquoi ? a) le personnage est sympathique b) je comprends sa situation c) j’ai pu m’imaginer les émotions du personnage d) j’ai pu m’identifier avec le p. e) le texte montre souvent les pensées du p. f) le personnage est peu sympathique mais quand même
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