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L'art et le beau Introduction Qu'est que l'art ?, Résumés de Arts

Pour que nous puissions le reconnaitre, il faut que la technique appliquée puisse être reconnue dans l'objet ou l'œuvre d'art façonnée, ...

Typologie: Résumés

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

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Télécharge L'art et le beau Introduction Qu'est que l'art ? et plus Résumés au format PDF de Arts sur Docsity uniquement! Page 1 L’art et le beau Introduction Dans son acception latine, ars se réfère à l’habileté acquise, se distinguant de l’habileté naturelle. L’art renvoie également au terme technè, c'est-à-dire le savoir-faire, les techniques. L’art peut donc désigner aussi bien un talent, celui avec lequel on réalise une œuvre ou un objectif (l’art de plaire, par exemple), qu’un savoir-faire acquis et appliqué. Quant à l’art assimilé aux beaux-arts, il semble se distinguer dans sa finalité, à savoir la recherche de la beauté. C’est alors le propre de l’artiste, mais encore faut-il définir ce qu’on entend par beauté, autrement dit comment parvenons-nous à considérer un objet comme beau ? Y a-t ’il un jugement logique, objectif, qui permette de déterminer certaines propriétés de l’objet comme beau ? Ou bien est ce que le jugement esthétique ne renvoie qu’à une notion de plaisir, c'est-à-dire la satisfaction que procure, tant à ses sens qu’à son esprit, la manière même dont la chose se présente à lui ? Si l’on considère le beau comme un jugement subjectif, il y a le risque de réduire le beau à la notion d’agréable, en lien avec la constitution psychophysique de l’individu, ou bien son appartenance à un milieu social (le conditionnement social influençant les goûts). Le beau serait donc uniquement lié au plaisir, sans valeur ou caractère universelle. Encore faut-il définir de quel plaisir il s’agit, soit un plaisir physique lié au plaisir de posséder une chose, soit un plaisir de réflexion, lié à la perception d’une chose mais sans la posséder. C’est donc la nature de ce lien entre le sujet et l’objet dont il est question ; comment, sous quelles conditions un objet peut-il procurer un plaisir sensible ou une réflexion à penser ? Le beau interroge les possibilités de l’art des Hommes et ses limites et l’art interroge sur notre rapport à la beauté, que celle-ci soit le résultat de la liberté ou au contraire le respect de règles établies. Qu’est que l’art ? L’art est avant tout une capacité, celle de produire des objets pour assouvir nos besoins ou satisfaire nos désirs. La technè permet donc de compléter la nature pour servir l’homme. L’art serait donc une puissance de production, dont l’Homme en serait la cause efficiente, le déterminant. L’art et la nature, pour Aristote, sont la cause de leurs productions respectives. Pour réaliser une œuvre d’art, l’artiste ou le technicien doit se représenter idéalement l’objet, sa fin précédant son existence et étant sa cause finale. L’artiste doit ensuite être capable de produire, l’art de l’artisan étant alors la cause matérielle et cause formelle de son ouvrage. (quels outils et quels matériaux pour donner quelle forme à l’objet ?). C’est donc un acte de création, de transformation. Par exemple, le bois de la table était différent du bois de l’arbre dont on l’a extrait, son existence est différente de celle qui lui conférait la nature. Page 2 Le savoir-faire correspond donc non seulement à un savoir théorique, mais aussi à la capacité de produire des objets (dont l’Homme reste le principe, la cause efficiente). Pour Aristote, l’artisan est la cause motrice de son objet (c'est-à-dire la cause finale, formelle et matérielle) et peut donc être considérer artiste (producteur d’art), s’il est capable de :  Se représenter une fin, répondant à une fonction ou un usage  Choisir, en fonction de cette fin, les moyens nécessaires à sa réalisation effective  Sélectionner la matière et la forme qu’on instituera comme les moyens les mieux adaptés à la fin  Harmoniser, adapter, ajuster les matériaux entre eux, la matière et la forme, en fonction de la fin visée. Pour Aristote, la poiesis est cette puissance de l’Homme de produire selon son principe, mais dont la production finit par acquérir une forme d’existence indépendante de l’auteur. Plus qu’une capacité, l’art est donc plutôt une disposition afin d’orienter cette puissance naturelle. Pour Aristote, cette disposition doit s’accompagner de règles vraies. Le défaut d’art n’est pas une incapacité à produire, mais à produire en suivant des règles fausses. La technè et les « règles de l’art » L’art est une aptitude à nous disposer correctement en regard de notre puissance de production, en vue d’en faire le meilleur usage possible ; c’est donc une aptitude à réfléchir en acte sa propre puissance de production, donc régler par lui-même les règles de son art. Un savoir-faire s’acquiert seulement en pratique. C’est ce qui distingue la technè de la sophia : il y a séparation du pouvoir pratique et théorique, savoir n’est pas pouvoir. « Seul ce que l’on n’a pas aussitôt l’habileté de faire du simple fait qu’on le connait de la manière la plus parfaite relève de l’art. », nous dit Kant. L’art est donc une aptitude productrice de l’agent qui sait réfléchir aux règles de son métier pour les appliquer à son œuvre. Il s’adapte et se perfectionne avec la pratique de son métier. Une distinction traditionnelle a longtemps divisé les arts libéraux des arts mécaniques. Les arts libéraux se divisent entre le Trivium (le pouvoir de la langue, divisé entre la grammaire, la dialectique et la rhétorique) et le Quadrivium (le pouvoir des nombres, soit l’arithmétique, la musique, la géométrie et l’astronomie). Quant aux arts mécaniques, ils comprennent sans être exhaustifs la fabrication de la laine, l'armement, la navigation, l'agriculture, la chasse, la médecine et le théâtre. Selon Kant, ce qui distingue les arts libéraux des arts mécaniques, c’est surtout le degré de liberté de l’agent face aux contraintes et c’est de ces contraintes que nait la liberté de l’esprit. Il y a donc une double exigence : 1) connaitre les contraintes du métier et 2) acquérir un pouvoir régulateur pour ajuster soi-même les règles à sa propre puissance productrice. Cependant, l’art ne se réduit pas seulement aux objets produits par l’homme, car la technicité d’un objet ne peut se réduire à ce que l’homme à produit artificiellement. Pourquoi cette Page 5 laquelle l’artiste va mettre en œuvre les moyens nécessaires à la réalisation d’un objet. Le beau est-il une propriété objective par laquelle l’art ou la nature rend belles certaines choses ? Qu’est que le beau ? Beauté et objectivité S’interroger sur le beau, c’est s’interroger sur les caractères universels et nécessaires qui constituent l’essence de la beauté. Par contre, « ce qu’il y a de beau » n’est qu’un exemple de beauté, qui pourrait tout aussi bien être laid. Nos jugements de beau sont multiples, ils portent sur des hommes, la nature, des objets, des divinités, etc. La beauté peut donc être présente partout, il n’y a pas une certaine forme, érigée en norme, qui serait un modèle universelle. Sinon, on jugerait la beauté de la chose produite en fonction de son modèle. Pour Socrates, la cause formelle de la beauté est donc une illusion. De même, il n’est pas possible de reconnaitre la beauté d’une chose à sa cause matérielle. Dans « Le grand Hippias », ce dernier considère que plus la matière utilisée est précieuse, plus la chose parait belle car elle ferait partie de l’essence de la beauté. Or, ce n’est pas la valeur de la matière, son côté précieux qui est important, mais la manière dont l’artiste choisit et organise ses matériaux en vue de les intégrer dans son œuvre. Il n’y a donc pas de matière-norme qui serait un critère objectif et universel du jugement du beau. De plus, la beauté ne se base pas sur une apparence superficielle, une parure ou dorure trompeuse. S’il n’est pas possible de baser un jugement esthétique sur la forme ou la matière, il n’est pas non plus possible de prendre comme référant une conduite des actions humaines, car elles sont déterminées par des critères subjectifs d’ordre sociologique. Il s’agit alors d’un jugement de bien et non de beau, qui est anthropocentrique. Une autre hypothèse d’individualisation du beau se base sur la cause finale, qui permettrait de définir la beauté de manière objective, la cause finale déterminant alors l’harmonie qui préside à l’ensemble de la composition et qui fait que chaque élément qui entre dans la constitution de l’œuvre semble être celui qui sied ou qui convient parfaitement. Ce qui rendrait beau quelque chose serait alors son adéquation parfaite à la fin à laquelle elle est destinée, c’est donc la propriété qui permet le développement ontologique1 de l’être même de la chose, son être véritable. Le risque est alors de confondre le beau, le bien et le vrai, car le beau serait alors assimilé à un pouvoir, puisque cela serait la cause, le principe sans lequel ni le bien ni le vrai ne pourrait apparaître. La beauté ne peut donc être, pour Platon, une propriété objective. Elle ne peut être objet, mais seulement sujet, c'est-à-dire dépendre de celui qui énonce le jugement esthétique. Le beau serait alors l’agréable, qui produit un plaisir sensoriel. Or, il est impossible de réduire un jugement du beau à l’expression d’une telle sensation, cela serait trop réducteur et porté vers la contradiction : ce qui plait à l’œil pourrait déplaire à l’oreille. Il faut alors que la beauté plaise à tous les sens, au sujet en entier, dans les sens et dans l’esprit. Cependant, ce jugement du beau ne peut être réalisé sans soumettre au pouvoir critique de la réflexion personnelle nos propres 1 Ontologique : relatif à l’être en tant que tel, indépendamment de ses déterminations particulières. Page 6 jugements de beau, sous peine d’être prisonniers de préjugés sociaux et d’idées préconçues. Finalement, il est possible que, plutôt que de chercher le beau dans l’objet ou le sujet, celui-ci existe dans la relation qui unit le sujet et l’objet. Beauté et subjectivité La beauté est l’expression d’un rapport entre la représentation d’un objet par un sujet, ce rapport procurant du plaisir. Pour mieux comprendre cette relation entre sujet et objet, il est possible de s’interroger sur le type de jugement auquel renvoie cette estimation de la beauté d’un objet par un sujet. Pour Kant, on distingue un jugement esthétique (d’appréciation du beau) et un jugement logique (basé sur la connaissance) : Le jugement esthétique (du grec aisthesis, qui signifie sensibilité) exprime notre sensibilité, soit un rapport subjectif entre le sujet et l’objet. Il trouve son moteur déterminant dans l’imagination qui anime librement nos facultés (y compris l’intellect) pour conserver et cultiver en nous le plaisir pris dans la représentation de l’objet. Le jugement logique instaure un rapport objectif entre le sujet et l’objet, où la représentation de l’objet exprime la connaissance que le sujet a de l’objet, mais non sa valeur subjective. C’est l’entendement qui prime dans la détermination de la représentation de l’objet, mais en s’appuyant sur l’imagination et les sens. La notion d’agréable Dans tous les cas, le beau semble exprimer au sujet le plaisir que lui procure l’objet, que ce soit les sensations plaisantes (c’est la notion d’agréable), soit parce que la représentation apparait conforme à un concept de l’utile ou du bien moral fourni par la raison du sujet (l’objet sera alors qualifié de bon). Selon Kant, « est agréable ce qui plait ans sens dans la sensation ». Cette sensation est soi une sensation subjective, lorsque le sujet ressent une émotion quand il considère la représentation de l’objet et qui modifie son état par l’affection qu’il porte à un objet (par exemple la colère, la jalousie, la joie, la tristesse), soit une sensation objective, en tant que perception des sens (par exemple la couleur verte des prairies) et qui est donc lié à des qualités existantes dans l’objet. Par exemple, lorsqu’on dit d’une chose « elle me plait », on ne révèle rien de la chose, seulement la manière d’exprimer en moi une sensation (subjective) de plaisir ou de satisfaction. Quand je dis « ce son me plait, il me fait plaisir », pour Kant ce plaisir exprime l’attachement de notre existence à celui de l’objet (et donc à son contenu matériel). Pour Descartes, le rapport sensible qui nous attache à l’objet n’est pas du tout un jugement de connaissance, mais un rapport affectif par lequel nous exprimons bien moins ce qu’est la chose que la manière dont qualité sensible (de l’objet) et sensation subjective (du sujet) s’enchevêtrent. Page 7 Le jugement subjectif de plaisir est aussi un jugement d’inclination. Le sujet qui déclare qu’un objet lui est agréable exprime son désir pour l’objet. La faculté de désirer attache le sujet à l’objet, c’est un jugement intéressé et empiriquement déterminé (par le contenu matériel de l’objet). Mais si je ne peux maintenir une distance avec l’objet, suis-je encore capable de juger ? Le sentiment d’agrément ne nuirait-il pas au jugement ? Ceux qui ne se soucient que de jouissance se dispensent volontiers de jugement. La satisfaction ne suppose pas seulement un jugement à mon état, mais le rapport de l’existence de l’objet à mon état. L’agréable fait plaisir. Cela engendre une inclination pour l’objet, donc on est plus dans le jugement. Approfondissement de la notion de beau Le jugement de beau est un jugement esthétique pur, désintéressé est lié à la notion de plaisir, dérivée de la perception de quelque chose, sans désir ou intérêt de sensation. C’est un jugement contemplatif, se différenciant des intérêts pratiques. La représentation de la chose belle est en contact avec notre imagination, qui est en lien avec l’entendement et la sensibilité pour donner formes à de nombreuses idées, de manière libre c'est-à-dire sans normes préconçues. La représentation jugée belle est une présence sensible, tout en étant quelque chose à penser. Le jugement du beau se distingue du jugement du bon. Est bon ce qui plait en tant que moyen utile pour le sujet, qui satisfait son intérêt, liant le sujet à l’existence de l’objet. Est bon un objet qui correspond à un concept de bien ou d’utile. Dans les deux cas, c’est le rapport à une fin, c’est un rapport de la raison au vouloir. L’estimation par laquelle je juge bon un objet suppose une connaissance de l’objet. Au contraire, le jugement esthétique est libéré de ce besoin de connaitre la fin d’un objet, son utilité ou son concept. Le jugement de beauté doit être, pour Kant, libéré de toute considération intellectuelle, libérant l’objet de toute considération morale ou utilitaire. Le beau exprime un pur état d’esprit du sujet et non une propriété ou une valeur objective de la chose. Le beau est donc l’objet d’une satisfaction ou d’un plaisir, mais délivré de tout intérêt déterminé. Il s’agit d’une force supérieure de plaisir, « une libre satisfaction » ou d’un pur sentiment d’accord immédiat de soi à soi et de soi au monde, suscitée par une présence s’accordant librement à la nôtre. JUGEMENTS LOGIQUES OBJECTIFS JUGEMENTS ESTHETIQUES SUBJECTIFS Théoriques : déterminent l’objet comme objet de connaissance (le vrai) Empiriques : expriment la manière qu’à la matière d’une représentation d’affecter mes sens (l’agréable) Pratiques : déterminent l’objet comme moyens ou comme fins (l’utile) (le bien) Purs : expriment la manière qu’a une pure forme perçue de plaire aux pouvoirs représentatifs et réflexifs du sujet (le beau) Tableau : La place du jugement esthétique dans nos jugements en général Page 10 habituel d’un objet comme objet de jouissance ou de consommation (valeur qui ne vaut que pour l’individu solitaire), la valeur esthétique d’un objet, postulée en droit pour tout homme, est une des conditions de possibilité du vivre ensemble des hommes. Individualiste, le consommateur ne comprend pas l’autre, il n’en a pas la capacité. Résumé : Le beau, loin de renvoyer à un concept, une norme ou un usage déterminé auquel devrait correspondre l’objet estimé beau, exprime une relation, non pas logique, mais purement esthétique entre un objet tel qu’il apparaît et le sujet à qui il apparait. Le beau n’est donc, ni dans l’objet ni dans le sujet. Cette relation est une relation purement esthétique. Le sujet, en estiment belle une chose exprime la manière même dont la chose a le pouvoir de produire en lui une mobilisation à la fois libre et réglée de ses sens et de son esprit, un libre accord entre la chose et lui et en lui. C’est cette mobilisation et cette harmonie non préétablie, mais suscitée par la chose jugé belle, de ses facultés animées par le « libre jeu de l’imagination » qui constitue le pur plaisir esthétique. Si je pouvais déterminer à l’avance quelle propriété objective doit posséder un objet pour pouvoir être juger beau, cela signifierait que je possède un concept général et prédéterminé de la beauté, et dès lors mon jugement ne serait plus un jugement esthétique, mais un jugement logique. Je ne peux donc répondre à cette question qu’en indiquant les conditions de possibilité de ce jugement purement subjectif qu’est le jugement esthétique : une chose fait l’objet d’un jugement esthétique si et seulement si le sujet ne tient compte en lui que de sa représentation, c’est-à-dire de la pure et simple manière qu’a l’objet d’apparaître tant à ses sens qu’à son esprit. Par là le sujet fait l’expérience de la pure et pleine présence de l’objet, tel qu’il se manifeste, et sans que le sujet cherche à s’en saisir pour en faire un usage quelconque. Dire donc du sujet qu’il juge esthétiquement l’objet, ce n’est pas dire qu’il lui confère une valeur en fonction de ses fins subjectives ; ce n’est donc pas relativiser la valeur de la chose jugée belle, mais soutenir au contraire que le sujet ici laisse la chose être pleinement ce qu’elle apparaît, de sorte qu’en l’estimant belle, il ne fait qu’exprimer la valeur positive, c’est-à-dire la pleine satisfaction que lui procure sa simple, mais riche présence. L’objet beau est donc l’objet qui se donne et nous donne toujours plus à percevoir et à penser que ce que notre perception usuelle, utilitaire, ou encore que ce que notre connaissance par concepts est en mesure d’en saisir. Mais que doit être alors le sujet du jugement esthétique pour pouvoir ainsi laisser être librement la chose ? Ce sujet doit justement pouvoir se faire lui-même et s’apparaître à lui-même, non comme un simple individu dont les jugements sont déterminés par des sensations, des émotions, des opinions ou des préjugés dont il n’est pas le maître, qu’il reçoit passivement en son esprit et qu’il va ensuite projeter mécaniquement sur les choses dont il peut faire l’expérience, mais comme le sujet libre et autonome de son jugement. Il y a une distinction entre le sujet (que nous avons à nous faire être par l’exercice libre et personnel du jugement) et l’individu que nous sommes (l’être naturel et social qu’il nous a été donné d’être empiriquement), car il en va de la compréhension même du sens et de la valeur de la subjectivité mise en jeu par le jugement esthétique et l’épreuve de la beauté. Cette subjectivité profonde, silencieuse au sens où elle doit d’abord faire taire en nous nos opinions préconçues sur ce que serait ou devrait être la beauté, suffisamment libre enfin pour Page 11 se faire pur accueil de la pleine présence de la chose, est donc une subjectivité capable d’universalité ; en ce sens, loin d’être un produit social, elle est bien plutôt condition de possibilité de toute socialité entre les hommes. Paradoxalement donc, cette subjectivité vraiment personnelle est, dans le même geste où elle s’institue, institution d’une réelle intersubjectivité entre les hommes ; l’élévation de chacun à la figure réfléchie de soi (à notre dimension authentiquement personnelle), est en même temps ouverture à autrui. C’est parce que j’éprouve librement mon sentiment du beau que, dans le moment où je l’éprouve, je l’universalise : « L’hypothèse de l’autre comme moi surgit dans le moment du saisissement esthétique5 où je suis le plus intimement – et le plus silencieusement – moi-même. Que doit-être l’art pour pouvoir prendre le sens spécifique des beaux-arts ? La représentation de l’objet, pour susciter un plaisir esthétique est inintentionelle, c'est-à-dire sans prédétermination et conceptualisation objective de la valeur de l’objet. Or, l’art, en tant que mode de production propre aux hommes, renvoie à une activité intentionelle et finalisée, basée sur des choix réfléchis et faisant usage de liberté et de raison. Nous considérons les produits de la nature comme les effets d’une causalité mécanique et inintentionelle, pas une production finalisée par liberté. C’est cette ignorance des fins déterminées dans le regard du sujet qui permet la liberté de jugement et donc de pouvoir juger les formes naturelles comme libres beautés naturelles. Il y a une différence entre beauté et perfection : la perfection correspond à l’adéquation avec le concept de la fin (utilité, bonté, agrément) de l’objet, c’est donc un jugement logique. Kant conceptualise la beauté adhérente, qui correspond au pur plaisir esthétique et à la satisfaction prise à l’adéquation avec une norme ou un concept. C’est donc un concept mixte, qui introduit une intention, une idée de la perfection. Il y a cependant le risque que l’intention de produire le beau détruise la grâce inintentionelle du beau, intégrant l’idée de perfection dans le beau artistique puisque l’art suppose toujours une fin dans la cause. Le risque est donc de tendre vers un jugement de perfection technique, un jugement objectif et déterminant qui ne suscite alors aucune émotion esthétique. L’artiste doit donc créer en usant d’un degré maximal de liberté et de réflexivité, y compris par rapport aux règles appliquées pour la production, afin de dépasser la simple perfection technique liée à l’application mécanique des règle, usant donc de son pouvoir régulateur pour utiliser avec liberté et réflexion des règles du métier. Dans l’œuvre d’art, art et nature s’harmonise, puisque l’œuvre répond à l’intention de l’artiste tout en gardant la liberté et gratuité de la libre beauté naturelle, usant des règles de manière libre et inventive. Il faut donc que l’artiste, tout comme le spectateur, ait du gout, c'est-à-dire le pouvoir de juger esthétiquement. L’artiste est le premier spectateur de l’œuvre en création et de l’œuvre à venir. C’est à l’artiste de réinventer les règles de son art, mises au service de la création, afin de créer une œuvre original. Pour Kant, l’artiste a non seulement du gout, mais du génie, c'est-à-dire cette qualité inexplicable dans le processus de création, qui relève d’un talent naturel. Tout ne s’apprend pas dans les arts du beau, il faut une vitalité créatrice, une inspiration dynamique et une puissance d’imagination pour dépasser la seule perfection technique d’un savoir-faire. Le génie, c’st cette ingéniosité de l’artiste pour régler de la manière la plus libre et la plus Page 12 harmonieuse possible sa démarche créatrice. Il doit trouver l’inspiration, c'est-à-dire puiser dans un esprit de liberté pour donner vie à l’œuvre et donc à ses idées, les idées étant la matière même de son œuvre. De plus, ce génie de l’artiste à un caractère invisible qui accompagne et inspire l’homme, qui ne peut se rendre totalement intelligible à l’artiste. Le créateur ne peut connaitre entièrement ce principe créateur, mais il peut l’exprimer dans ses œuvres. La création artistique suppose donc le gout et le génie : sans le génie l’œuvre d’art laisserait trop apparaitre la technique et sans le gout l’inspiration spirituelle ne saurait se régler et harmoniser des matériaux et les facultés mobilisées. La création artistique vise à conférer à l’art des hommes le pouvoir de produire des œuvres afin de cultiver notre appartenance à un monde commun, puisque l’art est l’expression singulière du génie de l’artiste tout en étant une création humaine s’adressant au jugement esthétique de chacun en se basant sur un sens commun. Pourquoi en l’homme le désir de la création artistique ? Le jugement esthétique est avant tout un plaisir qui vise à se prolonger le plus longtemps possible et à multiplier les occasions de le produire. La création artistique est donc la continuité de l’expérience esthétique des libres beautés naturelles ; elle prolonge et amplifie cette expérience de manière quantitative et qualitative. Le plaisir lié au jugement esthétique est un plaisir lié au sentiment de liberté. Cette liberté s’entretien et se cultive, en même temps qu’elle enrichit notre concept même de la nature. La liberté est alors une libre présence, plutôt qu’une idée qui se donnerait à nous comme un devoir à accomplir. Le beau est un apprentissage, une réflexion qui, tout en étant un plaisir, nous enseigne et cultive la liberté et la réalisation de soi, révélant en nous une nature capable de goûter au libre plaisir. Le jugement esthétique invite donc l’homme à la moralité, au goût de la liberté, sans être limité par des normes morales. En outre, le jugement esthétique porte l’Homme à concevoir la nature de manière beaucoup plus riche que de simples phénomènes strictement mécaniques. Les beaux-arts ont le pouvoir d’embellir la nature à travers ses représentations et élargit le jugement esthétique en le libérant de toute norme restrictive. Il peut même cultiver d’autres catégories que le beau, comme le sublime. Alors que le beau renvoie à une forme intuitivement en phase avec nos facultés, le sublime renvoie à l’intuition d’une réalité excédant toute forme, mesure ou norme (é-norme). Le sublime est cependant plus complexe car il rappelle à l’homme sa faiblesse et finitude face à l’immensité ou la grandeur. Cela peut susciter l’effroi, mais la perception réfléchie du plaisir esthétique et l’imagination vont au contraire permettre de nous représenter le sublime. L’art nous permet donc de cultiver le sublime, soit des grandeurs qui nous dépassent, tel que la liberté ou les divinités. C’est cette volonté qui a habité Michel-Ange ou Beethoven dans leurs œuvres, liant beauté et sublimité. Pour Kant, « le beau ne signifie rien ». Kant témoigne ici du caractère purement subjectif du jugement esthétique, n’exprimant rien sur la chose mais uniquement comment elle nous affecte librement dans sa représentation. Cette représentation ne peut-être discursive ou logique. Seul une forme pratique, poétique peut recueillir le plaisir suscité par une telle présence, si et seulement si l’artiste a cherché dans son œuvre la liberté et l’inintentionnalité de la beauté. Beaucoup d’œuvre, dite engagées, n’ont pas de valeur esthétique mais uniquement logique, c'est-à-dire qu’elles véhiculent un message, une valeur de signe vers un référant extérieur ; l’œuvre ne vaut donc pas pour elle-même. L’œuvre d’art est inséparable de la forme t de la
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