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L'exotisme de Pierre Loti, Slides de Histoire de la Musique

Pendant ce sejour il se decIda a aller a Constan tinople pour chercher des renseignments sur Aziyade. De ces trois Jours passes a Constantinople il a tire.

Typologie: Slides

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

Jaqueline82
Jaqueline82 🇫🇷

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Télécharge L'exotisme de Pierre Loti et plus Slides au format PDF de Histoire de la Musique sur Docsity uniquement! L *EXOTISME DE PIERRE LOTI A Thesis Presented to the Faculty of THE RICE INSTITUTE in Partial Fulfillment of the Requirements of the Degree of MASTER OF ARTS in the .Department of Romance Language by LOIS DAYLE BRISKET June 1949 V INTRODUCTION L*oeuvre &e Loti est immense, trente-sept volumes d*impressions de voyages, dont quelques-unes sous forme de roman. Un examen detailTe de tous ses livres depass- ait largeraent le cadre de cette “etude. C’est pourquoi nous nous sommes bornes a prendre les aspects principaux de lTexotisme de Pierre Loti, en choisissant les livres les plus caractferistiques de son oeuvre, dans ceux que nous avoi-'S delib/renent ecartes il y a certes bien des details interessants, mais aucun aspect nouveau de sa pensee ou de son art. Nous avons essaye de donner une idee de ses voyages par une biographie assez comnl^te et la conclusion s’efforce de rassembler les traits gen- eraux de Involution de sa rensee. r| - Dans Paul et Virginie surtout il s’efforfait de nous amener a 1’Ile Bourbon en jetant 9a et la dans son livre quelc-es passages exotiques. Le romantisme, surtout 1’oeuvre de A Chateaubriand, developpa non seulement le gout du passage lointain ou de I’atmosphere pittoresque, mais aussi ce be- soin d •'evasion vers une vie meilleure. Chateaubriand, par son exotisme represente bien la transition entre la fin du 18 sieele et le commencement du 19. Mais Chateaubriand a trop laisse errer son imagination, et a decrit de fa con d’ailleurs somptueuse, des paysages qu’il n’avait pas vus. D1autre part I’exotisme de Paul et Ylrglnie ou d’Atala 'etait encore gate par les theses que ses romans soutiennent et font valoir. Au temps da romantisme 1’exotisme a vrai dire ne s’^tendait pas tres loin. L’ltalie, I’Espagne "etaient pour les Prancais des pays exotiques. Le Yoyage en Esnagne de T^ophile Gautier est le type mene de la litt- "erature ronantique exotique. Disons que 1*Europe, le moyen Orient formaient le champ habituel de vo;/ageurs litteraires. Avec le dfeveloppement des moyens de communication et aussi avec 1’accroicse ent de la nuissance coloniale francaise la < vision du monde des "eerivains eut vite fait de rlfnetrer \ \ \ des pays jusqu®. la inconnus et a la fin du 19 sieele Loti est le plus representatif des auteurs dont 1’oeuvre chercnait / ^ \ A par une evocation pittoresque, a saisir et a fixtr l’arae de pa3^s encore mal connus CHAPITRE II LA VIE ET LES VOYAGES DE JULIEN VIAUD / V Julien Viaud qui devalt devenir celebre sous le pseudonyme de Pierre Loti naquit a Rochefort en 1850* II / v . f etait le troisieme enfant de Theodore et Nadine Texier Viaud. J-t ) M. Viaud, Catholique, oblige de devenir protestant avant / / d*epouser Mile. Texier qui etait d'une famille de huguenots fervents* Julien grandit dans un milieu silenoieux et presque ) * isole. Bien que la vie dans cette famille de huguenots fut v / A / f f austere, il etait gate et choye par sa famille, composee de la mebe, du p^re, des aieules, des tantes, tous plus ages que • ) » lui. II fut extremement bien eleve, entoure de protection et de sensibilite feminines, circonstance qui contribua a lui A faire une ame sensible. \ Sa vie paisible, monotone et sans peines donnait a Julien la peur de s’ennuyer. Ses jeux etaient solitaires. Cette solitude jointe a une imagination riche ^faisait souvent avoir ^ . A a 1* enfant reveur des hallucinations.* Toute son enfance et sa jeunesse furent fortement / s* influencees par des femmes, en particulie^ par sa mere, femme douce et pieuse, qu*il aimait profondement. ^ J Apres avoir fait ses premieres etudes sous la direction de sa tante, sa mere, et de quelques maltres Julien fut envoye, - A V ) a l*age de douze ans au college de Rochefort.* Etudiant medi#gre, A ce moment Julien passa un examen pour obtenir le grade d* aspirant de premiere classe, et prit son poste de N combat sur la corvette "Deeres'1 le 8 aout 1870. V / % / Le voyage sur la corvette "Deeres" etait tres different de celui du "Jean-Bart." II navlgua dans les brumes de la mer du Nord et de la mer Baltique. Ce voyage dura sept mois et fit connaitre a Julien la vie dure, rude et dangereuse d*un voyage dans la mer du Nord. Apres la guerre, Loti embarqua sur le "Vaudreuil" pour ✓ un voyage en Amerique du Sud. En route il y eut des eseales a Lisbonne, a Las Palmas et a P&tar. A la Terre-de-Feu, Loti descendit a terre pour observer des sauvages.1 II e^rit de nombreuses pages sur ces indigenes. Cependant, il n*eprouva aucun gout pour la vie primitive comme il le devait trouver plus tard a Tahiti. Le 11 octobre 1871 Loti est a Valparaiso. Pendant son escale ici il rejut l*ordre d*embarquer sur la "Flore" et de partir pour Tahiti; l*ile dont il avait reve eytant enfant. Avant d*arriver a Tahiti, la fre^ate fit escale a l'lle de Paques et Nuka-Hira. Enfin le 29 janvier 1872 Julien arriva V / V a Tahiti.8 C’est ici que fut donne a Julien le nom de Loti. Promu enselgne de vaisseau le 26 juin, Loti fut envoye/ au t* I 6 Senegal.' En Afrique 11 vit peu de temoignages de la civilisa— - 7- tlon moderne. Mais ici la nature semblait hostile, le A / /I climat monotone et brulant* C*etait un lieu desole et triste. C*est a ce moment-la que Loti s*eprit de la femme d*un hqut fonetionnaire colonial qui refusa de L*epouser parce qu*ilune voulait briser sa carriere de raarin* En / | f / 1874 il rentra en Prance, ecoeure et devaste par cet amour / qui etait le plus grand de sa vie* Puis en 1876 il partit pour la Turquie* Cette Turquie / lui plaisait beaucoup* C‘etait un pays enchanteur ou les gens doux et sinceres l*accueillirent avec beaucoup d*amitie* N \ ^ V Apres quelques mois a Salonique Loti fut envoye a Constan¬ tinople* Ici il trouva une certaine paix qui lui fit bien rafraichissaitt. Il vivalt une vie sans conventions dans le saint faubourg d’Eyoub. Mais cette vie ne dura pas Ibng- temps en 1877 la guerre e*tait imminente et il dut partir. Il pensait meme a s'engager dans l’armee turque mais le souvenir de sa mere l*en empecha* A vingt-sept ans Loti se trouva moralement las et presque sans foi "Il n*y a pas de Dieu" Cynique il croyait que S "Les vraies miseres ce sont les maladies, les laldeurs et la vieillesse" ^^ais ce cynisme n'e^ait qu’une reaction sentimentale. Il e*tait profondement triste, incapable de repousser ses tentations et il s*abandonna parfois a l*idee (1) Brodin, Loti, page 110 (2) Brodin, Loti, page 111 turque de la fatalite. Cependant il ne voulait pas etre / V a thee ou sceptique. Ainsi il alia chercher dans un monastere une paix qu’il ne trouvait point, Mais il retrouva bien des souvenirs d* enfance, qui lui apporterent quelque reconfort. t En 1878 Loti etait gueri de ce nihilisme car il avait / s eerit son premier^ roman, Il ne songfcait jamais que ce roman, Azivade qui parut en janvier 1879 serait un succes, Il ne se croyait meme pas ecrivain et de plus il ne voulait pas I'etre Dans son second roman, La Mari age de Loti il y avait / moins de profondeur et moins de tourment, que dans Aziyade, Il fut recu favarablement par les critiques qui trouvent en Loti quelque chose# de nouveau et d*original, > ' Son troisieme ouvrage, L®. Roman d»un Spahl fut ecrit pour 1*edition. Pour la premierefois Loti composait vraiment. Ce roman est un “beau, un tragique drame humain” (1) Le heros, Jean Peyral, personnifie le soldat colonial, obsede/par la nostalgie de son pays notal, Ces deux livres, La Mariage de Loti et L§ Roman d*un • / / / Spahi ffrent de Loti une celebrite, Il eut bientot un grand nombre d’admirateurs et aussi/ce qui fut pour lui une satis¬ faction, il fut promu lieutenant de vaisseau,’ (1) Brodin, Loti, page 126 / v 1‘avait familiarise; mais a part cela, il ne lisait pas. \ II est done vain, a propos de Loti, de chercher des sources et des influences. II a vraiment tout tire de son propre esprit. Dans ses jours de college^il avait *Jlu Virgile, Homere et Plutarque dont il se rappelait maint passage et il connaissait un peu quelques auteurs contemporains, Flauber^ Daudet, Gautier, et les Goncourt. ) j Loti aussi attaque le realisme et le naturalisme, qu il / S / trouvait nefastes. Il se moquait des hommes a theories. Tout / ce qu'il demandait d’un roman etait qu’il ait "la vie" et "le charme'! t Loti fit un voyage a Jerusalem en 1894, voyage auquel il *. t / avait longtemps reve. Il passa un mois traversant le desert mais comme ailleurs et plus que jamais il y fut de^u. De 1891 a 1893 et puis de 1896 a 1898 Loti fut le comman- \ / S dant d'une petite canonniere stationnee sur la Bidassoa, a la frontiere espagnole. Ses devoirs n'occupaient pas une grande partie de son temps et il pouvait poursuivre sa carriere litteraire. De ses impressions du Pays Basque il a tireX, Ramuntcho qui ressemble par Men des cotes a Mon F&ere Yves N A et a Pecheur dMslande. Loti airaait profondement ce pays pittoresque, ses belles montagnes et ses gens primitifs et fiers, ce qui apaisa pour un temps son "conflit interieur." Au prlntemps de 1898 Loti fut mis a la retraite. Ce fut un coup dur pour cet homme qui avait passe/trente *et .un t t , , ans dans la marine. Loti protesta et il fut reintegre l’annee suivante. V / V Apres un bref sejour a Berlin, Loti partit pour l'Inde pour remettre une decoration au Maharadja du Travancore du gouvernement franeais. II visita les ruines des temples bou- \ > ddhiques qui ne l’impressionnerent auere. Il.lui semble que / . le bouddhisme etait mort, finl. D’abord la nature d*Inde l*enehanta mais vite elle le laissa indifferent. Pourtant dans le royaume du maharadja ou il voyagea dans / \ / une charrette trainee par des zebres, il trouva une region tranquille et isolee ou la civilisation n*avait pas penetreV \ \ I Il visita Pondichery, dont il avait reve etant enfant et il / # ne fut pas decu; il y trouva tout un passe franeais, qui lui rappela Rochefort et sa famllle et son enfance. Les religions de I’Inde n’avaient point satisfait l*ame inquiete de Loti. En quittant I'Inde Loti fut rempli d’une I if profonde pitie pour cette "pauvre Inde profanee et pillee, en / /v grande e^loitation manufacturiere, ou sevit deja 1‘affreuse contagion des usines et des ferrailles, ou le peuple des villes s'empresse et souffre."(^ifcn outre;son anglophobie et son horreur pour le progres allaient en grandissant. (1) Vers Ispahan, page 43 Au printemps &e 1900 Loti se dirigea vers 1‘Iran pour arriver enfin a Ispahan, De ce voyage en Perse, Loti tira Vers Ispahan. Loti /tait alors devenu un des grands noms de la litterature franqaise, meme mondicale. II semblait Insensible a cette gloire a cause de sa modestie et sa reserve. II n’ai^mait pas le bruit de la gloire et il ne posait jamais au grand homme. II ne s'ab&issa jamais devant les journalistes. En 1900 Loti, aide-de-camp du vice-amiral Pottier, partit \ f pour Chine pour accomplir deux missions a Pekin. Pendant i ces deux sejours il put voir toutes les destructions / occasionnees par la guerre des Boxers. Au cours de la meme / ' annee il fit un court sejour au Japon ou il revit des lieux / et des personnel famlliers. Pendant ce sejour Loti comprit A mieux l'ame japonaise. Mais il partit avec nostalgie de ce pays que le modernisme corrompait rapidement. En 1903 Loti rentra en Turquie pour prendre le commande¬ ment d'un petit croiseur a Constantinople. C’est a cette occasion que Claude Farrere fit sa connaissance. Il retrouva la Turquie avec d'autant plus de bonheur que Stanboul ne . / / / s*etait pas modernisme. La ville etait aussi sale que jadis. C*'est pendant ce voyage que se place 1*anecdote, origine des CHAPIT PTE III LA TURQUIE ET SES DESE1TCHANTEES En 1876 il y eut une grave crise dans les Balkans; l’Autriclie et la Russie etaient en rivalite pour le controle de la peninsule; 1*administration des Sultans 'etait mau- vaise; et les minorities ehretiennes 'etaient dans 1 Agita¬ tion. Apres l’assassinat ei Balonique des consuls de Erance et d’Allema^gJe^les grandes puissances europeenes envoyerent des navires de guerre dans les eaux turques. Ainsi Loti qui 'etait sur la fregate "La Gouronne" arriva a Salonique t le 16 mai. II y vit les assassins des consuls "executer N leur contorsion finale, pendus a des potences si basses que leur pieds toucliaient la terre." (1) Cependant aucune trace des 'ev^nemen.ts auxquels Loti assista ne se trouve dans Aziyade, son premier roman sur la Turquie. Loti ne s’interesse pas a la politique ou aux‘evenements mondiaux, nous en reparlerons, mais de ses differents se Jours il a tire trois livres, Aziyade, Eant'ome d*Orient, Les Desenchantees« Ce ne fut pas la premiere rencontre de Loti avec I’Orient. En 1870 il avait croise dans le goiFe de Smyrne. (1) Brodin, Loti, page 99 -;7- Mais en ce temps-la 1*Orient ne avait pas impressionne particulierement comrae il devait l^tre plus tard, En 1887 Loti fut invitee par Elizabeth, Reine de Roumani a sa cour. Pendant ce sejour il se decIda a aller a Constan tinople pour chercher des renseignments sur Aziyade. De ces trois Jours passes a Constantinople il a tire Eantome d*Orient. Son troisieme roman sur la Turquie fut ecrit pour plaider la cause de la femme turque. Etant devenu com¬ mandant dfun petit croiseur, le "Vantour", a Constantinople, il re jut une lettre, en 1904, d’une femme turque qui le supplia de lui accorder un entretien. Il arranges un rendez-vous secret. A ce rendez-vous trois Turques racon- tirent a Loti la vie penible des femmes de leur pays. Il en fut touche et promit d’ecrire leur histoire. La Turquie Agonisante, le dernier livre de Loti sur i la Turquie, est une serie d’articles de Journaux. Les articles furent Merits eomme plaidoyer en faveur de la Turquie. Il essaie de montrer aux Europeens que les Turcs ne sont pas un peuple arriere et barbare mais au contraire noble et courageux. Il est tres “evident que Loti aime la Turquie plus que le Japon. Dans ce pays il trouve le mystere qu'il cherche. toujours. Le mystere qui n’est ni horrible ni L’atmosphere des cafes lui plait, Des iioma.es djscutent politique d’une maniere serieuse; il n’y a pas de ’’poison” anglais ou am.ricain ■ que Loti deteste. La Turquie est resfee orientale et mysterieuse. Tout peut arriver la. C’est un milieu revivifiant pour un homme “fecoeure et inerte, fatigue par la vie bruyante et modern¬ ises d’Europe. D’abord, Loti n’a pas le grand amour de la Turquie qu’il se sent plus tard. II ne connait personne et il ne peut pas a precier les idees des Turcs sur la mort. Eyoub, le vieux quartier musulnan, est sinistre et desole. Il lui donne des sentiments vagues, de tristesse, d’isolement. N Le paysage turc est nu, rocheux, <^a et la des grands arbres seculaires, foment des -asses noires contre le ciel. Il est inliospitalier et peu sur. A Constantinople Loti vit parmi le peuple. Il ne eircule pas dans la haute societe de Pera, mais il cherche des amis parmi les bateliers et les portefaix des auais. Il se sent plus a 1’aise avec des gens simples, na'ifs, plus primitifs que les hommes de la civilisation europe- enne. Il trouve les turcs nobles, de vrais gentilhommes. Bien que les Turcs soient plus primitifs et parfois plus violents que nous^ils sont raffiries. Loti est enchante par ce raffinement d’un peuple noble. Ils sont honrietes, - ^.J - "braves, et bons. Ils montrent la plus grande bonte pour les animaux. Loti aime ces gens a cause de leur douceur, temoin Samuel, ce batelier qui lui montre tant de devouement. Loti, qui deteste les gens vulgaires et laids, trouve dans les Turcs un peuple digne de ses espoirs. Les superstitions de ces gens ajoutent a leur charme. Une fois Loti essaie d’expliquer une eclipse a Aziyade et "k Samuel^mais il y renonce, Ce serait une sottise de corrompre les croyances na'ives d’un peuple simple. II pense que la science est sotte, les homines ont plus de charne et de naturel sans elle. Ce Loti qui a trop vu et trop vecu est ramene a la vie par Aziyade, Achmet, et Samuel. II oublie la tristesse de la vie en les regardant. Loti, lui-meme blase, cherche des gens simples et naifs, des gens avec des sentiments sinceres. Dans ces trois personnes^il trouve tout ce qu’il cherche. Ce n*est pas surprenant que Loti soit heureuX ici. Mais au fond il salt que ce bonheur ne durera pas. Ce qui lui plait le plus est 1’amour des Turcs pour le passe, 1*immobilite, la stagnation. Loti qui etait si oppose au modernisme et a la science se sent en vraie sympathie avec ces vieux Turcs. Dans les cafes des hommes riches et pauvres sont assis cote a cote. Il y a une egalite en la Turquie qui <1- est inconnue dans les pays soit-disant democratiques de 1*Occident. Loti aime tenement la vie turque qu’il songe a rester la. C’est une vie sans conventions ou il n’y a pas d’obligations sociales. II envie aux Turcs leur foi; il ne pense plus que leur idee de la Fatalite soit stupide. Il voudrait pouvoir croire en quelque chose. Le Christianisme lui serai)ie un "Sublime illusion qui peut elever le courage de certains hommes...Cette illusion m*est refusee." (1) Encore une fois c'est la propre personalite de Loti qui donne sa pro-re touche a son exotlsme. On voit ceci meme plus clairement que dans ces livres sur le lapon. On apereoS/b sa haine de la civilisation europeenne, et des fajons modernes -de la vie. La science et le progress n'ont pas aide a rendre les hommes plus bienfaisants ou plus dour, et n'ont pas produit de plus grande comprehension entre les hommes. Ils les ont seulement corrompus et ont enleve^S leur charme. Ces livres sur la Turquie revelent une fois de plus son amour imaginatif de la vie mysterieuse en opposition avec la vie civilisee. Il evite la societe europeenne de (1) Aziyade, page 58 / f / part, toujours poussee par un desire insatiable d'evasion. Dans ce pays selon son coeur Loti devait revenir onze ans plus tard. Profitant du se,iour qu’il fit en Roumanie en 1887 il retourna a Constantinople pour revoir uns fois encore celle dont 1’amour partage avait illumine son rrenier voyage. Curiosite un peu morbide et bien digne de lui, il voudrait unir en une meme sensation le passe et le present tout en restart eonscient de l’avenir. Il va done surtout chercher des nouvelles d’Aziyade. CTest le recit de ce voyage qui constitue le livre Pantone d*Orient. La veille de son depart pour la 'fur qui e Loti est bante par des souvenirs d’Orient. Il a l’espoir de revoir Aziyade, mais au fond il croit qu'elle est morte. Il se souvient des plus petits details de ce pa s cuTil aime tenement, un paps ebarmant mais triste. 11 est obsede par . /\ \ des reves de Constantinople, des reves ou Constantinople a un aspect sombre et opprimant, presque terrible. Quant il arrive en fin, il s’apercoit one Constantinople en soimne est rests come toujours; il y a les :memes femes voilees, les memes palais splendides et les rues tortueuses avec leur maison fermees. Mais la ville senble £tre plus morne qu’autrefois. Halgre le soleil il sent la melancolie de sa mort. En sus de sa propre tristesse, il 3/ a une autre tristesse qu’il ne peut pas exprimer: -M- "on dirait jqu’une cendre recouvre ce pays, sur leauel trop de races d’hornmes on passe, trop de civilisations, trop d’epuisantes splenaeurs." (1) Loti est envalii par un grand d.hjae en revoyant cette Turquie. C’est comme s’il ne l’avait jamais quittee. C’est le seal pays ou il se sent chez lui; il avait vrai- ment vecu avec le neuple. Il essaie de trouver les endroits qui lui etaient familiers. Il est pousse par un desir fi&vreux de revoir ces lieux qui lui donnent tant de tristesse et tant de desespoir. Ils se souvient de son premier sejour a Constantinople, Alors il'etait jeune et sa vie "etait penible, mais r1enchantee.’’ Maintenant il se sent superieur a I’homme qu'il'etait mais il lui manque quelque chose, quelque chose qui s’est evanoui avec Aziyade. Il n*est pas toujours hant'e par le souvenir d’Aziyade*' et il se sent coupable. Co ment 'etait-il possible qu’il puisse 1’outlier un moment? Ne devrait-il pas toujours se sentir triste, accable” par sa mort? Au tombeau d’Aziyade il ne pleure pas, il est depu, A v mais peut-etre est-ce a cause des spectateurs curieux, V Il revient le lendemain pour dire un adieu dernier a Aziyade. (1) Pantorxe d’ Orient, page 70 II avait reve maintes fois a cette scene et a la grande douleur qu'il sentirait, une douleur sans charme. II est desespere parce qu'il n»avait pas pu penetresses pensees ou lui dire les siennes. Mais, maintenant qu’il est ici sa douleur efct plus douce, il devient plus calme et il se sent une "tristesse infinie". II sent que Aziyade et lui ne sont plus separes, qu'elle a connai- ssance de sa presence. Il ne lui reste aucune ''amertume". Cependant il trouve des changements. Il y a des maisons d'une laideur europeeneequi gatent le charme et 1'orientalisme des mosquees et des minarets du voisinage. En cherchant des lieux familiers il aperpolt des quartiers neufs. Il a 1'impression que sa jeunesse et une partie de lui-m&me sont mortes. En quittant la Turquie il est rempli du sentiment qu'Aziyade mourut quand elle 'etait jeune. Dans Eantome d'Orient Loti donne ses idees sur la mort. Il ne peut pas supporter la pensee qu'apres sa mort on l'oubliera un peu. Et quand ses gens qui 1'ont connu seront morts, il ne restera aucune trace ou aucun souvenir de lui sur cette terre. La vie continuera sans v. ^ lui. C'est une fois de plus un retour a cette pensee otsedante de 1'aneantissement total par' la mort? pensee normale dans ce cas puisqu'il retrouve la tomhe de celle qu'il aimait. Apr e& son re tour d’Orient en 1902 suivi d'un conge* de convalescence de trois mois et d'un sejour a Rochefort d’un an et demi, Loti fut designe pour prendre le commande- ment d’un petit croiseur stationne a Constantinople. La vie dans les harems exige beaucoups d’elles et elles ont pas le temps d’oublier leur misere pax ”1’action". Cette vie est une vie solitaire et ennuyeuse. Leurs jours s’ecoulent sans 'kvenements, elles n’attendent rien. II y a un grand vide dans leur existence, il leur est defendu de parler aux hommes hors de leur1families* Et ces fewimtefc Turques ont un grand besoin d*£changer leurs pensees et leurs idees avec des hommes qui leur donneraient peut-'etre un peu de force et un peu d’entendement. Pourquoi sont-elles regardees commes des jouets pour plaire aleurs maltres. Peuvent-elles penser aussi bien que les hommes! Elles ont ete/eLevees mais on ne les traite# pas comme des etres humain* Leur vie ne les satisfait plus. Le savoir d’Occident l’a corrompue. Dans Zeynet, une des deux cousines de Zahide, Loti decouvre une vraie desenchantee, elle est "une decourage^e de la vie, ne desirant plus rien, n’attendant plus rien, mais resignee avec une douceur inalterable", (l) En depit du fait que Loti voudrait voir 1’^mancipation des femmes de la Turquie il ne veut pas qu’elles soient pleineraent emancipees car il est lui-meme un "homme du passe". Ces femmes turques qui ont ete elevees dans une (l) Les Desenchantees, page 260 telle reclusion ne pourraient pas supporter d’etre mises / / en contact avec la realite. Loti admire leur douceur et leur manieres gentilles. Qu’est ce qui leur arriveraitT si elles devaient vivre la vie d’une femme d’Occident? Leur charme et leur mystere seraient perdus. Loti au fond ne fait qu’attirer notre attention sur le probleme. II nous met au courant d’une situation para- doxale, celle de ces femmes aimables, gentilles, intelli- gentes, et instruites qui vivent renf^rmees une vie sans int&ret imposee par des coutumes ancestrales. Mais il ne propose aucune solution. II sait combien le probldm«est difficile et il est visible qu’il ne veut pas s’en meler. D’ailleurs il est paradoxal de le voir plaider une cause qui ressemble a celle du modernisme. Il regrette les temps anciens, celui des sultanes mysterieuses et enchan- teresses. "Rappelez-vous les belles legendes du vieux temps, la Walkyrie qui domaait dans son burg souterrain* jLa princesse dubois-dormant, qui dormait dans son ctfateau au milieu de la foret. Mais, helasj on brisa 1’enchante- ment et elles s'eveillerent.” (l) C’est la en effet toute la question; On a'eveille les IV] S s / £ musulmanes de leur someil enchante mais on ne les a eveilles qu’a moitie. En ceci Loti blame encore 1’influence destruc- trice de la civilisation occidentale. Elle a penetre jusqu’a la. Comment, 1’arreter maintenaAt? ffaut-il la (1) Les Desenchantees, page 184 'll- laisser continuer son chemin? II s’arrete done sqrft conclure "Prenez garde, si j’allais plaider votre cause a rebours, moi qui suis un homme du passe... J’en serais bien capable, allezji Guerre aux institutrices, aux professeurs tran- scendants, st tous ces livres qui 'elargissent le champ de l’angoisse humaine. Retour a la paix heureuse des a’ieules." (l) Ifais la paix des aleules ne peut plus exister puisqu’on a ouvert les yeux des jeunes musulmanes au mal de vivre a la souffranee de savoir. Cette soufranee Loti la connalt bien^uisque e’est la sienne. La these du livre n’a pas empeche 1’auteur de se livrer a quelques-unes de ses descriptions qui restent se5 pages favorites. Invocation de Constantinople au coucher du soleil est un chef d’oeuvre. L’impression de paix et de majeste dans la couleur est presque inimitable. II en A. \ oublie meme la "misere" et la hideur de quelques modernes batisaes. Toutes les evocations de Constantinople avec son charme myst'erieux et ses couleurs Orientales sont des pieces majfcstrales de literature descriptive. De tous ses livres sur la Turquie e’est peut-etre le plus reussi. D’ailleurs il eut un succes 'enorme et malgre les reformes d’Ataturk on le lit aujourd’hui avec un vif interet. Le dernier livre, ,-La Turquie Agonisante, est tres different. C’est presqu’un livre politique tendantf. (l) Brodin, Loti, page 289 -SV I1 aspect etrange et exotique des villes avec leurs iaosquees et leur minarets, la violence et la variete des couleurs, tout cela l’avaient eeduit. Ses amours avec Aziyade* y avaient ajoute un charme sentimental#. Pour un temps loti avait pu se croire dans un autre monde, mais la vision du monde nouveau le poursuivait= partout car la civilisation occidentale se manifestait la comme ailleurs. Loti’tetait destine a £tre decu puisqu’il voyageait \ \. v dans un temps ou le "progres moderne" avancait a pas immenses et envahissait les coins les plus recules de la terre. Les livres merveilieux qu’il avait lus dans son enfance dataient deja de trente ou quarante ans auparavant et dans certain cas d’avantage. Le monde se modernise assez vite pour que dans ses 30 ou 40 annees un changement "enorme soit survenu. On peut meme se demander s’il n’a pas vu les femmes turques avec plus de romantisme et d'imagination que de sens exact de 1'observation. Pourtant / tous ce livres restent des documents precieux du temps ou ils furent ecrits. CHAPITRE IV LE VOYAGE Ei TTEUR À TAMTITI En 1871 Loti partit sur 1*aviso °Vaudreuiltt pour Dakar, Cayenne, Bahia, Montevideo et Valparaiso. 11 vit le Karoni, la Guyartne et la Terre de Feu ou il trouva des sauvages dont la "hideusd* figure le fascina, Pendant ce voyage il nota chaque nuit ses impressions* Apres avoir fait relache a Valparaiso, Il mit la voile sur la fregate “FloreM pour l’ile de Paques et Tahiti ou il arriva le 29 Janvier 1872* Des annees auparavant son frere aine, medecin de la marine, avait passe quelque temps a Tahiti* Il ecrivit a sa familie des lettres remplies de descriptions de la ‘beaute et du drarme de cette lie, A son retour il donna a Julien quelques souvenirs de son s“e jour et easeigna a 1’enfant quelques mots de la langue tahitienne. Et dans un livre, cadeau de son frere, il vit des gravures merveilleuses de Tahiti, Ce Tahiti etait pour Julien un pays d*enchantement, Ses \ A s cheres. Les impressions d’un enfant qui rev ait au mystere, a I’exotisme et a la Leaute. Puis voici sa jeune amie Raraha seduisante, d’un eta.arme naturel, indtruite pour une Tahitienne, mais restee simple et d’ailleurs tres i A / paresseuse, G’est surleconseil meme de la Keine Pomare que Loti l’epousa par un de ces mariages qui ne sont pas un lien 'eternel. En effet si sa naivete sauvage plait a Loti il se rend Lien compte des differences qui existent entre eux. En Rarahgc Loti trouve des idees du Lien et du mal melangees. Elle est essentiellement Lonne mais il y a . chex elle un peu de coquetterie et de jalousie. Elle est capricieuse, et elle change d’idees de jour en jour. Mais malgre cette attitude frivole^Loti a 1’impression qu’elle a un vrai amour pour lui, amour sincere et fidele. Il sent qu’il existe un certain: lien entre lui et cette petite sauvage. Et cependant il y a un tel fosse -de race et milieu- entre Loti et elle. Les conceptions de si race, leurs idees, leurs pensees sont entierement differentes des s'iennes, ou de moins de celle selon lesquelles il a ete el eve*, car il trouve dans le fond de sa nature et la sienne propre une affinite" de gout et de temperament. Loti se livre presque tout entier dans cette page aue nous devons citer. o - "Tres jeune encore, Loti avait £te lance dan^s les agitations de 1'existence europeenne, de tres "bonne heure il avait souleve le voile qui cache aux enfants la scene du monde; 1 anc e brusquement , a seise ans, dans le tourbillon de Londres et de Paris, il avait souffert a un age ou d’ordinaire on commence si penser...... v ^ "Loti etait revenu tres fatigue de cette campagne faite si matin dans la jie; - et se croyait deja fort "bias's. Il avait ‘ete profonderaent, £coeure et decu, - pares que, avant de devenir un gar<jon semblable auix autres jeunes hommes, il avait commence par etre un petit enfant pur et feveur, 'sieve dans la douce paix de la famine; lui aussi avaitetst un petit sauvage, sur le coeur duquel s’inscrivaient dans lfisolement une foule d’id£es fralches et d’illusions r&dieuses. Avant d*siller i^ver dans les "bois d’Oceanie, tout enfant il avait longtemps reve seul dans les hois du Yorkshire....," (l) Pourtant grace peut-etre aux revss de Loti / / "il y avait une foule d’affinites mysterieuses entre Loti et Harahu, nes aux extremites du monde. Tous deux avaient 1’habitude de l’isolement et de la ontem£)lation, 1*habitude des hois et des solitudes e la nature; tous deux s’arrangeaient;de passer de longues heures en silence, "etendus sur l’herbe et la mousse, tous deux aimaient passionement la reverie, la musique, - les heaux fruits, les fleurs et I’eau fratche." (2) Ils ont en commun la sincerite, la grandeur de la vie sereine ou l’homme peut enfin etre lui~meme, loin des obligations morales ou sociales. L’homme aussi est en coromunion complete avec la nature qui presente les meme caracteres de grandeur vierge et mysterieuse. "Longtemps, je restai en contemplation du ciel. Des 'fetoiles et des ^toiles. Des myriades d’^toiles (1) Mariage de Loti, page 75 (2) Mariage de Loti, page 75 brillantes, dans l^etonnante profondeur "bleu©; toutes les constellations invisibles a 1’Europe, tournant lentement autour de la Croix-du-Sud ....Rarahu contemplait, elle aussi, les yeux grands ouverts et sans rien dire; tour 'k tour elle me regardait en souriant ou regardait en 1’air" (l) Dans ces lieux ou il peut enfin etre lui-meme, sa pensee s’'elargit et englobe la to tali te de la vie. "Je pense^ 6 ma petite amie, que sur ces mers lointaines sont dissemiries des archipels perdus; que ces archipels sont habites par une race mysferieuse bientot destinee a disparaitre, que tu es une enfant de cette race primitive." (2) /\ / Cette citation nous montre que^meme quand il etait ce que nous pourrions appeler heureux et avait enfin realise le reve qu’il avait nourri depuis qu’il etait un petit garcon, il ne pouvait point se livrer qu’ a* i A j o ix x s s ore e du moment present, mais 11 etait toujours obsede/ par l’idee de la tristesse et du mystere de la vie humaine. Au fond cela etait pour lui le grand mystere comme pour nous tous, mais la difference est que ce mystere de la destinee humaine 'etait pour lui une especs de torture qu’il ne pouvait jamais vaincre, meme quand son esprit aurait du etre occupe d’autre chose. N’imports ou il allait Loti etait toujours lui-meme. Avec Rarahu, il retrouve 1*amour innocent de l’homme primitif. C’est un sentiment spontane d’admiration pour (1) Le Mariaee' de Loti, page 154 (2) Le Mariage de Loti, page 151 Ici de tristes arbres de fer se balancent au-dessus des tombeaux blancs. Les masques horribles oui ornent ess tombeaux rapi^elent le passe de ce peuple qui jadis faisa.it des sacrifices d ’horar.es aux morts. Les forets de cette tie ne ressemblent a aucune autre. Elies sont sombres, silencieuses: il n’y a aucun' oiseauu dont le chant pourrait rornpre le silence melancolique. II n’y a que des lianes et des -fougeres formant une ombre 'epaisse. Aucun indigene n'entre dans ces forets, qui leur donnent un sentiment de frayeur. Ic| Loti se livre a ses reves et 33s pensees melancoliques. Loti aime aussi ces indigenes de Tahiti dont il aecouvre les bons traits. Ils sont un peu commes des enfants, / changeants, capricieux mais toujours honnetes et d’une hospitalite extreme. Il est accueilli partout par sux et il ne rencontre aucun sentiment d’hostilife comme au dapon. Il trouve rafraichissantes leur simplicite et leur caractere primitif. Lui, qui est si sensible, trouve en eux un sensi- bilite pareille a la sienne. Ils ne sont ni vulgaires ni rudes. Ils passent leurs jours dans la contemplation, accroupis devant leurs petites cabanes. £ quoi revent-ii'S, a leur passe eloigne et inconnu ou a rien? Leur vie est sans souci, ils ne sont pas obliges de travailler car la nourriture est abondante et aucune peur d’animaux ne trouble leur paix. II n *y a pas de rnisere ni aucune lutte pour la vie. IIs sont gracieux, d’une beaute Strange. Leurs corps d’un teint ambre sont ornes de petis tatouages bleus leur donnant un aspect bizarre. Leurs cheveux sont arranges en coiffures fantastiques, avec de plumes et fleurs. Les costumes (des tapas simples et laches aux couleurs voyantes) des indigenes ajoutent a leur grace. Mais au fond ils sont primitifs et sauvages, superstitieux. Leur langue est remplie de mots de la vie/lle religion mystique, tant de mots qui expriment des terreurs, des 'epouvantes et l’inconnu. Ils ont peuples les forets de fantomes. Ce voyage a Tahiti, ce premier grand voyage vraiment exotique fut done pour Loti un enchantement. II 'etait encore Men jeune, vingt-et-un ans, et trouva la, malgre les quelques traces deploraMe de civilisation europeenec le pays selon ses reves. Enivre de couleurs et surtout de parfums, admire des Tahitiennes^Loti connutlla un melange de sensations nouvelles et d'amours exotiques. D'un seul coup il realisait aes ambitions de jeunesse. D'ailleurs les forets de Tahiti ne lui rappellaient- elles pas celles de la Limoise ou il avait passe des heures calmes et paisibles en pensant a ses voyages futurs. Dans ce peuple naif il avait retrouve la sincerity et la bonte que dans son enfance on avait essaye de lui enseigner -avec Rarahu et ses semblables- car il est “evident que dans le caractere de Rarahu, sont peintes plusieurs Tahitiennes. Il etait presque redevenu un homme de l’age d’or de la terre. Le jeune aspirant pouvait-il souhaiter mieux pour un premier voyage? Il gardera de Tahiti un souvenir enchanteur meme apres de nombreuses disillusions. Non seulement les souvenirs lui resteront, mais temoignages precieux. Il gardera le nom de Loti, ce nom de bapteme maort qui voulait dire rose et qui lui avait ete donne "Au milieu des mimosas et des orangers dans une.atmosphere chaude et parfumee sous un ciel constelle d,'etoiles australes." (l) (1) Le Mariage de Loti, page 2 Loti a 'ecrit sufr le Japon deux types de livres entierement differents. line, Chrys ant heme et La troisieme .jeunesse de Mne. Prune peuvent etre consideres comme des romans. Dans, ces romans Loti decrit sa vie parmi les Japonais, tant&t objectivement, tantot d’une maniere personelle. Dans Japoneries d*automne Loti s’occupe seule- menti des descriptions des paysages, des temples, des vilies C ’est un simple "carnet de voyage". Ses descriptions i sont celles d 'un observateur attentif et fin, qui cependant ne sont relics entre elles par aueune transition* Pendant ses sejours au Japon il chercbe de nouveaux paysages, de nouvelles impressions, de nouvelies manieres de vie, entierement differents de ceux qu’il avait connus en Prance. Pourtant il ne sera entierement satisfait car il saisit bien le changement qui a ce moment-la se produit au Japon. C’est une civilisation millenaire deja envaMe par le modernisme. "Jusqu’a ces dernieres annees, elle 'etait inaccessible aux Europeens, mysterieuse; a present, voici qu’on y va en chemin de fer£ autant dire qu’elle est banalisee, dechue, finie." (l) Il trouve bien le Japon traditionnel avec son paysage enchanteur et feerique. n voit des jardins en miniature (l) Japoneries d’automne, page 1 avec leur petits lacs et montagnes, et leurs arbres nains, ou tout semble £tre trop arrange et trop joli . II y reste toujours les pagodes a toit course avec leurs mille^ d’idoles, de bouddhas et de monstres grotesques en or ou en bronze et les palais ou aucun meuble ne se voit et les murailles et les voutes, decorees en laque d'or avec une "etranget^ rare et exquise, sont magnifiques. II y a toujours de petites maisonettes de papier dt de bois, basses et noireies, mais a l’interieur propres, blanches et nues, qui bordent des rues tantot abandonees, tantSt bruyantes et encombrees de vendeurs de bronze et de porcelaine. Les djin courent encore a toutes jambes, tralnant leurs petites voitures legeres. Loti peut trouver encore des maisons-de-the entourees de petits jardins qui ont conserve leur proprete japonaise "Je me dechausse en entrant, et deux servantes, a mon aspect, tombent a quatre pattes, le nez contre le planchei, suivant la pure Etiquette d'autrefois, que je croyais perdue." (l) II s’assied sur les memes coussins de velours et on lui apporte la meme dinette de soupe aux algues, des patisse¬ ries imitant des paysages, des bonbon$sales, des piments sucres, servis dans de petites assiettes de porcelaine fine. II y a comme toujours des gtfechas dt des danseuses a louer, qui jouent de la musique triste sur la guitare et executent des danses en partant des masques differents. (l) La troisieme jeunesse de Mme. Prune , page 19 II retrouve la mousme toujours la meme, riante, comique et gracieuse. En revanche il trouve que le Japon a ete pris d’un engouement pour les choses modernes. En entrant dans la baie de Nagasaki Loti remarque que les belles jonques majestueuses d’aufefois ont disparu et a leur place restent des batelets en fer et de grand cuirass'es. La fumee des usines a noirci les toits des maisons et sur les montagnes il y a des reclames a 1’ame;ricaine. Sur les- quais sont des batiments modernes, des magasins et des cabarets. On peut passer par des quartiers cosmopolites - cabarets et tavernes ou se vendent tous les "poisons" d’Angleterre / et d’Amerique. Il y a des faubourgs modern® avec de hautes maisons en brique, des bees de gaz, des filS telegraphiques et des tramways qui donnent aces villes japonaises l’apparence d’une ville europeenjsequelconque et aussis des rues Elegantes o'u les mags^sins ont des ^talages \ ' , / 1’europeenne. Des officiers et des fonctionnaires partent des chapeaux melons et de petits complets ou aes uniformes europeens, qui indique que le gouvernement japonais cherche a moderniser ses services. Loti trouve d’autres temoignages de cette tentative ailleurs. Il assiste a un bal europeanise a Yeddo ou des "comtesses" et des "marquises" en toilette 'elegante, il d&couvre en elle une apparence de vulgaritel Dans ce mariage - peut-on vraiment appeler cela un mariage • il n'y a ni amour ni affection. Loti a choisi cette petite japonaise parce qu%lle lui avait parue joli«- de loin. C*est un caprice et rien de plus puisque Loti ne l’aime pas. Il ne nous dit meme pas tres clairement comment ou pourquoi il s’est ainsi "marie". Sans doute esperait-il ainsi avoir une sorts de "home" japonais qui lui permettrait de se sentir vraiment dans le pays. C’est une situation paradoxale puisqu’il parle a peine japonais. Il se trouve done dans la meme maison que cette petite / . / A / mousme qui deja ne l’interesse plus et qui passe son temps a fumer la pipe et a cracher dans son petit crachoir. Experience decevante pour un homme melancolique qui, par nature, cherche ce qui est beau, raffine, distingue, lointain et mysferieux. Il n’y a done aucune possibilite d’entente naturelle. Elle ne reussit meme pas \ l’amuser. Il se fatigue vite de ses mines de singe, de ses pipes, de ses enfantillages qui l’auraient amuse au premier abord Il aurait voulu que ce mariagd soit au moins une amitie, mais il n’y a aucun point de contact entre eux. la faute en est semble-t-il a Loti 'egalement. Il est venu vivre avec les Japonais, mais ne semble pas chercher beaucoup a les comprendre. En effet, Mne. Chrysantheme n’est pas si indifferente aux Europ'eens que nous pourrions le croire. Loti nous raconte le paradoxe de la situation. Chrysantheme aime Yves et Yves aime Chrysantheme. D'autre part Oyouki aime Loti , et il ajoute "Et moi (je n'aime) personne." On voit qu’au fond, Loti ne cherche meme pas l'aventure, il se tient a part et lui meme fait remarquer avec humeur que cette situation qui ailleurs serait un roman ou une trageWe ne donne ici aucun resultat. Lorsqu’il se s'epare de Chrysantheme il ne se sent aucun; sentiment de tristesse, / au contraire, il est amuse de la trouver "assise .par terre, 'etal'ees toutes les belles piastres blanches que, suivant nos conventions, je lui ai donnes hier au soir. Avec la competence et la dexterite d'un vieux changeur, elle les palpe, les tourne, les jettes sur le plancher et, armee d’un petit marteau ad hoc, les fait tinter vigoureusement a son oreille." (l”] Apres tout le mariage, pour Chrysantheme, n’e^tait qu’une affaire et elle oublie et meme ignore le bel officier romantique qui s ’en va le d^sespoir au coeur. Loti est frappe par les coutumes des Japonais, entierement differentes de celles des europeens. Les corteges funeraires sont suivis de dames et de mousmes riantes. M&me la mort n’a aucune signification de tristesse ou d’horreur au Japon. Quelle deception pour un homme obsede par l’idee du neant complet de voir que ce peuple, qu’il esperait grand, traite la mort comme une plaisanterie. \ (1) Madame Chrysantheme, page 293 Leur facon de se baigner est tres drole. Dans des bassins sont assis femmes et hommes ensemble, ce qui, dit-il, n’est pas a l’avantage des Japonaises. Tout ceci a lieu dans des jardins, des cours, des boutiques ou sur des seuils. Ils se causent l'un a 1'autre ou peut-'etre accueillent des visiteurs en sortant du bassin pour les faire asseoir. St comme le gout de ces gens est "etrange: Ils fabriquent des ornements d’une delicatesse extreme et les mettent ou l’on ne peut les voir. Et ainsi les interieurs japonais ont un aspect nu et desert, (l) Dans ce pays de gens riants et polis Loti s’ aper<^oit qu’il n’y a pas de vraie affection. II n’en voit qu’un temoignage; l’amour des japonais pour leur ■tfebes. Ils prennent plaisir a les vetir d’une maniere drole. Ils font des jouets ingenieux pour eux et ils se donnent de la peine en les amusant. Ils comprennent vraiment ces bebes et savent les rendre heureux. C’est Strange que Loti se soit apercu de ces details sentimentaux. Loti se sent seul dans ce pays ou tout semble ^etre \ rebours. II a une impression d’indifferance, meme d’hostilite. Pourtant il a rencontre une seule marque d’interet pour lui. Un petit garcon a qui il avait donne quelques sous, l’attend plus tard pour lui donner un (l) Mme. Chrysantheme, pages 72, 41, 89 charme par le vieux jardin et la pagode ou elle habitait, il y a un certain risque a faire des Msites a Inamato qui ajoute au mystere. En revoyant Mae. Renoncule, sa 'belle-mere d»autre¬ fois il se rend compte qu’il auralt du l’epouser au lieu de sa fille Chrysantheme. Il trouve en elle son idee de la femme japonaise. Elle est tres correcte et ses petits th.es sont Men elegants. Elle joue sur la guitare de la musique triste qui le fait frissonner. En la re¬ gardant il voit que toutes les reveries de cette race, les reveries d’un peuple trompeur sont reftees dans ses yeux. Cependant elle est comique, cette femme qui voulait donner beaus oup de citoyens au. Japon et prenait sa tache serieusement. Loti sait que Mae. Prune a un sentiment pour lui, > s sentiment qui le decoit un peur a la fin. Il s'amuse de la vie sentimentale un peu chargee de cette vielle dame. D’autant plus qu*il en est l’objefc maintenant. Au fond La troisieme jeunesse de Mne. Prune est le meilleur de ces trois livres sur le Japon. Il est plus varie que les deux autres. Dans Japoneries d’automne Loti ne voit que le paysage, des temples, des ceremonies, des tombeaux, des villes, en effet il essaie de voir trop et finit par ne rien comprendre. Dans Mne. Chrysantheme il cto.erch.e un vrai milieu japonais mais il estennuye et decujt Mais dans La troisieme jeunesse de Mine. Prune il presente des scenes de la vie, des caracteres int€ressants et pittoresqueg. Ce livre est aussi plus amusant, il depeint des personnes comiques, et des situations droles. "...Sfur le temple ouvert, trois dames de qualite, aecompagnees d'um petit garcon de quatre ans, venaient de tomtoer en oraison. Leur*enfant, juponne en poupee, semblait prier comme elles avec une conviction touchante; et a chacun de sea plongeons., sa robe de soie se relevait pour nous montrer, avec une innocente candeur, son petit derriere." (l) •'Mme. Ichihara la marchande de singes qul doit etre contemporaijxe de Mine, Renoncule, est restee dans sa maturite 1'une des plus jdies personnes de Nagasaki; il est regrettable que ses frequentations si speciales impregnent ses vetements d'un p&nible arome: Mme. Ichihara sent le singe." (2) Loti lui-meme s'amuse, il ne se tient a part comme dansees autres visites au Japon. Il trouve ces dames nippones aimables et un peu coquettesf et il prend plaisir a leur parler, "Cette boutique de Madame L'ourse, la fleuriste, est un point ou je m'arr&te chaque jour, avant d'aller m'isoler la-haut, dans les bosquets des morts. Rous sommes du reste un peu en galanterie, Mme. L'ourse et moi: cretait fatal." (3) Il se sent heureux quand 11 apprend que son cuirasse va rester au Japon pour quelque temps avant de partir pour 1'Annam. "Dans la rue je trouve jolies toutesles mousmes; tant de verdure et de fleurs m'enchante* chaqune de ces (1) La troisieme jeunesse de Mine. Prune, page 249 (2) La troisieme jeunesse de Mme. Prime, page 164 (3) La troisieme jeunesse de Mine.Prune, page 89 petites personnes que je regarde ici me donne envie de rire, comme ces petites maisons, ces petits "bibelots, et ces petits jardins. Et on va se reposer un mois dans cette lie: mon Dieu, que la vie est done une chose amusantej" (l) II est plus en contact avec les Japonais et on se sent plus sympathique vers eux. II penetre davantage leur intimite et ainsi leur trouve des traits veritable- ment humains. On sent qud. d& jV il les connait mieux dans ce deuxieme sejour au Japon. En tout on recoit 1’impression que Loti a ete deQU par le Japon. II cherchait un immense mohde mysterieux et 'a la place il trouve un monde a demi modernise. II pense a la splendeur morte de la civilisation japonaise avec ses vieux temples, ses palais magnifiques et ses monstres et il voit de petites maisons noircis et de petits gens ridicules. Il n’y a pas de mystere dans ce pays ou tout semble etre fait pour rire. Les japonais / ne prennent rien serieusement, la mort, le temps froid, la religion. Bien que le paysage soit feerique, il n’y en a pad de vraie beaute. Tout semble etre faux et arrange. Ce n’est pas reel, c’est un copie pale de tout ce qu’il avait vue, comme quelque chose peinte d’un'eventail. Il est monotone. \ t A "D’Oasaka a Kioto, memes campagnes vertes, memes (1) La troisieme jeunesse de Mne. Prune, page 237 cette parce qu’il a ete impressionBed.es son arrivee par confusion et cette tristesse. D'autre part il ne se laisse pas aller a ses impress-: ons. II pense toujours a lui-meme, a son enfance. Ces bois du Japon rappellent ceux de la Limoise. II songe a^rec regret et tristesse aux annees <|ui ont pass's sans remplir les reves raerveilleux de son enfance• II sait qu’il ir.eu.rt sans rien com.prendre des mystenes de tant de pays jamais TUS. Certes il se contredit parfois. 1' occasi on il lit '"'ue lr vie ?.u Japon est arusmte. Il r e-marque des details cor.iques qui retiennent un moment son attention et detournent son esprit de la melancolie infinie qui le caraeterise. Il s’arrete a un spectacle divertissent ma.is il revient ton.,1 ours a son impreeeion generals de tristesse et de vulgarite. :>.i 8 cette tristesse, il IP port ait en lui, il est tres 'evident qu’il voya.it le pays avec ses yeux a, lui et Anatole Prance n’a pas manque de remarquer "Loti repand une tristesse vagu.e, subtile et penetrante qui vous enveloppe canine une brume et dont le gout acre, 1’amer parfum vous reste au coeur." (1) Cependant Loti se montre un ©bservateur intelligent. Il a crmpris 1’iiostilite des Japonais pour les blancs. Il a remarque* que cette activite" et cette lodcrnisc.tion s ont daiegereuses et il a ccnc’r.' q i e dans peu do trips il (1) Lrodin, Loti, page 19 4 pourrait y avoir une gaerre. II petit peapie pul cat si habile a une telle conception horrible temps si ruse. prevoit la force et si industrieux, de la guerre, et de cs qui en neme "Une fois tout cela evanoui, au souffle du bienfaisant ’progres1, qu’y restera-t-il? Le peuple le plus laid de la, Terre, physiquement parlant. Et un peuple agit'e, querelleur, bouffi d’orgueil, envieux du bien d’autrui, raaniant, avec une cruaute et une adresse de singe, ces machines et ces explosifs dont nous avons eu 1’inqualifiable inprevoyance de lui livrer les secrets. Un tout petit peuple qui sera, au milieu de la grande f ami lie jaune, le ferment de haine contre nos races blanches, 1'excitateur des tueries et des invasions futures." (1) Loti, dans ces lignes ecrites quelques annees avsnt la guerre russo-japonaise, ^tait presque un prophVce. II est interesssnt de comparer les impressions de Loti aux livres beaucoup plus complexes de Lafcadio Hearn sur le Japon. Les vues de '"earn sont forcements plus detailles puisqu’il passa, la une grande partie de sa vie comae orofesseur a 1’universite de Tokio. Ges deux livres Kokoro et Gleanings in Buddha fields nous donnent tout l’essentiel de son etude sur le Japon. Sur bien des points il est d’accord avec Loti, ce qui mentre que 1’observation necessairement superficielle de notre auteur a pourtant frappe juste sur plusieurs. Corame Loti, Hearn a vu» riais avec plus de pre”ci si on, 1’hostilite des jaunes (l) La troisieme .ieunesse de Kme. Prune, page 276 pour les blancs. II voit que ce n’est pas seulement une sortc de sentiment sournois mads presque une haine profonde- ment enrs,cinee. De la sa conclusion que le Japon est une nation forte dont la prosper it e ne fait que ccomencer et qui "could face any foreign power' on her own soil." ■St il ajoute "war hardened men, able to face any troops in the world." Mads la, grande difference entre les deux auteurs / . reside surtout dans le fait que Lafcadio Hearn, avant tout professeur cultive, observateur et intelligent ne rechercliait pas l’exotisme, la note rare ou la touche pittoresque, ses livres sont vraiment des "etudes. II a done vu les Japonais non comnie des petits singes amus&nts ou ridicules reads au contraire ccrame un peuple essentiellenient actif, travailleur, dur, pour lui-meme prtient sounds a l’iimpereur et suit out soucieux de son devoir envers le pays; c* est nous dit-il Is pr-enier de tons les devoirs. II insists d’ailleurs sur 1eur qual i te •morale, leur foi profonde, leur sens d$ devoir , leur CUT do To, 'beaut'e ♦ T out ouTo, f*cii*fc du Jap on ad s non sou lament un bon ouvrler, mads aussi un gr en< artiste. Loti voyait en eux des singes prompts a s'amuser et surtout propres a am3or, une sorts d'hunnnite inferieure peu ‘evoluee dont les reves spleiodi dos dt f^eriques d’autre¬ fois n’ oxi student plus que sous forme ^6 de dieux worts et C II A P I T R E 71 LOTI CHERCEE LS CHRIST A JERUSALEM IT EN GALILEE En 1894 Loti auitta Suez pour traverser la Her Rouge. II voulait traverser le Desert d’.Arable pour arriver enfin Jerusalem. II avait depuis longtemps desire faire ce pe- lerinage a la Terre Sainte et vingt ans plus tot il avait "ecrit dans Aziyade^ MJe pense aller blentot a Jerusalem, ou je taclierai de ressaisir quelques bribes de foi." (1). ETL effet il n’est pas surprennant aue Loti, voyageur errant en quete d*impressions neuves et de spectacles in- connus au reste des hommes ait tout de meme tourne ses nas vers les lieux saints ou la foi chretienne est nee. Il avait trop subi 1*Influence de son milieu protestant et cro*rant pour oublier completement les enseignements de son enfance. D’autre part il ne pouvait pas manquer de s'en approcher avec une sorte de vague espoir de trouver la cette grandeur et ce calme qu’il avait en vain ciierciie" ailleurs et que les lieux saints pouvaient lui donner. Il s’approche de la ca- pitale sacree avec un curieux melange de scepticisme !1mo- (1) Loti, Aziyade, page 22 derne" et de reste de foi. N’a-t-il pas mis en t'Ste de son livre la parole consacree "0 Crux, ave, spes unica" et ses premiers mots sont "Jerusalem l Oh 1"eclat mourant de ce nom. Cornme il rayonne encore, du fond des temps et de poussieres(1) Mais deja quelques lignes plus has il nous dit 1*ohjet de cetUetude. "Simplement essayer de noter les aspects actuels de sa desolation et de ses ruines; dire quel est, a notre epoque transitoire le degre d’effacement de sa grande omhre sainte qu1une generation tres prochaine ne verra meme plus". (2) A vrai dire Loti se connait hien et aussi il comprend hien son siecle. Il voit la menace que 1*esprit nouveau d’une epoque scientifique fait peser sur le christianisme. Renan., Auguste Comte ne sont pas encore hien loin et le monde moderne ne semhle pas se tourner vers la foi, le mysticisme ou la religion. Ceci Loti le comprend vaguement. C’est ce qu’il veut dire en parlant de notre Epoque transitoire. Mais cornme toujours c’est avant tout de lui-meme que Loti va nous parler. D^s la premiere page il se decrit lui-meme cornme une"des ames les plus tour- ment^es de ce siecle finissant" ... "un de ceux qui se meur- ent d*avoir posseder et perdu lTesperance unique..., un de ceux qui, a jamais incroyants cornme moi, viendraient encore au Saint-Sepulcre ave£ un coeur plain de priere, des yeux plein de larmes, et qui, pour un peu, s'y tralneraient a (1) and (2) Udii , Jerusalem, p.l -? 0 - aux juifs, mais par une fissure les p§lerins peuvent baiser les dalles du tombeau. 1'ant de fideles ont fait le p&leri- nage que ce continuel contact humain ont rendu les pierres 4fctisantes. JUt ceci est unique, sans doute, dans les annales des mortes: cette sepulture , primitivement si simple, qui les a reunis tous, n’a cesse, a aucune "fepoque de l'histoire, d'etre verieree, - quand les^plus somptueux tombeaux de l’Sgypte et de la Orece sont depuis^longtemps profanes et vides. vraisemblable- ment meme,,les patriarehes continueront de dormir en paix durant bien des siecles a venir, respectes par des millions de Chretiens, de musulmans et de juifs. (1J A mesure que Loti s'approche de isethleem la paysage ^ > i devient plus sombre et plus melancolique. Ici pas de vege¬ tation, la terre et le ciel sont gris et 9a et la sielevent de grandes ruines grises. Des partes ouvertes de sepulcres le long du chemin ajoutent au sentiment de deso¬ lation. Cette terre sainte ne revivra jamais. Les hommes ont abandonne cette terre paisible, dont le passe a ete si grand, pour se tourner vers des considerations medioores, pour amasser de l’argent. Loti se sent anxieux quand il pense a cette ville sainte. II se rappelle la foi de son enfance et les senti¬ ments que les visions de ces lieux saints lui apportaient. yuand il voit hethleem dans le lointain, l'&notion l’etreint. Enfin il est arrive a ce lieu ou il espere retrouver la foi qu’il a perdue. L’espere-t-il vraiment ? On peut en douter, (1) U 9 tin, Jerusalem, p. 18 -iv mais il est certain qu'il subit d&ja 1’influence mystique des lieux saints. 1*atmosphere, les souvenirs du passe meles a ceux de son enfance font revivre en lui ce qui peut paraltre un desir^ de foi. lous verrons qu'a Jerusa¬ lem ceci sera plus marque encore. Bethleem est au sommet d'une montagne. O'est une ville de mosquees, de minarets, d'eglises et de jardins. De belles femmes, les cheveux ornes de paillettes d'or et d'argent circulent dans les rues. Leur costumes, des voi¬ les blancs de mousseline, des vestes £cla±antes et brodees et des robes flottantes, et leur air noble font penser loti a la Vierge Marie. Mais quelle deception, dans eette ville qu'il esperait si differente il voit des hotels, des magasins, des restau¬ rants. Tout est devenu ordinaire, les touristes ont corrompu 1'atmosphere sainte. Avec leur journaux europ'eens et leurs vetements europ'eens ils ont apporte tout la banalite de 1' Occident. A quoi bon ^tre a Bethleem ? Pire encore, l'eglise et la grotte de la Wativite. Dans le couvent charg'e de l'entretien des lieux il y a des verres de vin, des graveurs de la reine Victoria, de l'empe- reur de l'Autraiche. Ge s'est pas du tout ce qu'il esperait. Pour quoi est-il venu ? loti ne peut pas supporter cette deception. Ses illusions ont ete detruites. La grotte est remplie de "chromos", de souvenirs, de choses communes. -H- II lui manque la splendour qu’il attendait. Cependant il trouve Men des temoignages de ees temps MMiques. Dans la campagne des bergers nenent leur trou- peaux. On peut entendre le tintement de leur clochettes et le carillon lointain des cloches. ”Et c’est la dans ces aspects ^ternels que reside encore le Grand Souvenir.” (1) Les lieux ont 6te gaches nais 1 atmosphere est toujours la. Jerusalem est une grande ville de toute sorte d’ar- / chitecture. En la voyant Loti est frappe d’un sentiment de confusion. II reste toujours les murailles et les naisons en pierre de 1’antique Jerusalem. Mais les hotels, les usines, une gare et des gens de tous pays ont vite fait de tuer en Loti, nlEmotion profonde" qu’il eprouve en entrant dans cette ville. Beaucoup de p^lerins narMent dans les rues. Ils ont endure la fatigue et la souffrance pour arriver ^ ce lieu saint. Mais tous, meme les plus ages ont un regard d’extase sublime. La place du Saint-Sepulcre est remplie de gens: tous p^lerins, pauvres et riches, qui prient. Lfinterieur du Saint Sepulcre est nanifique. Tout ce luxe,des colonnes de marbre, des ornaments, des lampes d’argent et des croix d’or, contrastent estrangement avec les haillons des pauvres. Et au milieu de deux chapelles se trouve le rocher du Calvaire on tant de gens font ”des supplications desesuerees ou des parce qu* au fond il est decu, le Christ ne correspond pas a ses espoirs. On ne peut pas s'emp^cher de penser a Kenan, dont 1’attitude envers la religion est psychologiquement la meme. II sent la beaute^ et l’appel de religion et au fond il reste encore quelque chose de la qualite demotion de cette religion dans son 'ajne mais son esprit refuse de l'accepter. Chez loti, cependant la deception vient surtout du fait que la figure du Christ ne ressuscite pas dans les lieux m£me ou il vivait. m marchant jusqu’au Calvaire il est accapare^ par la vue des chats et des chiens morts qui encombrent les rues et 'bes hordes bruyantes qui, dans notre Midi francais, se rendent a1 Lourdes" (1). Encore^.une fois^ nous avons ici l1idee favorite de Loti, que ces lieux ont ete corrompus par la civilisation des touristes, et les curieux^ Pour la plupart deplaisants et vulgaires, touristes sans respect ou pSlerins des classes moyennes, dont la devotion de routine^ est pour me glacer d‘avantage encore. - Tout ce Cote' de Jerusalem a pris une bana- lite d’e banliette parisienne. IE) Les hommes a*ont done meme pas respecte^ les lieux j -v ^ * sacres et leuis formes premieres. Ceci rend son pelerinage plus difficile et plus decevant encore, nans cette atmosphe^ re devenue banale il ne retrouve plus ce qu'il est venu chercher; la figure du Christ, le Christ de l'Evangile. Mais pour lui cette figure est a jamais disparue meme au (1 j Loti, . Jerusalem, p. 183 (2) Loti, Jerusalem p. 184 Gethsemani. Depuis tant d’annees j’avals reve que j’y viendrais passer une nuit de solitude, de recueillenent surrehe, presque de pri^re...Et t]*e n’ose plus, et je renets de soir en soir, redoutant trop de ne reneontrer la, comme ailleurs, que le vide et la mort. (1) Paroles frappantes quand on pense que le Christ se de- finissait avant tout come celui qui donne la vie. Chez Loti ce manque de foi n’est pas tenement un scepticisme raisonne et philosophique xnais plut^t une disposition- na- A. V. / turelle de l’ame a s’abandonner aux desespoirs et au nessi- misme, une sensation de vide immense dans le monde—uh vide que rien ne pent remplir. De ce point de depart- la disparition de la figure du Christ dans les lieux memes ou il a vecu il s’en va vers des considerations plus develorees sur le Christianisne. On le voit adopter 1’ictee commune dans son temps et qui dfailleurs trouve encore de no hre/u^ adept a savoir que le Christ est avant tout une grande figure en- touree ae symboies et de dogmes qui n’etait pas vraiment les siens. Ce sont les eroyances des generations passees qui se sont cristallisees autour de lui. Hais le Christ n’explique pas les problemes angoissants du mal et de la mort. Et puis son evangile n’explique pas non plus ce que la science moderne a cte couvert, ”1’ inf ini de I’^space, de la matiere et des mondes que 1’Evangile seiable n*avoir pas soupponrie.” (2) N / Loti ne retrouve done pas la foi en venant a Jerusalem. Mais ce p^lerinage lui inspire pourtant a la fin du livre des (1) Loti, Jerusalem, page 165 (2) Loti, Jerusalem, Page 216 pages superbes. Sans adopter les croyances du Christianisne il en comprend la subline pitie humaine. II ramene le Christ \ sa figure d’homme. Cet homme ne pouvait pas dormer plus qu’il ne savait. "II n’^tait pas charge de soulever le voile des causes et des fins inconnaissables." II est simplement "une lueur en attendant les revelations plus complete d’aores la mort," (1) Par une idee interessante Loti rattache 1’enseigne ment a sa propre angoisse... "Nous ne dfechiffrerons jamais le pourquoi de notre existence." (2) C’est pourquoi apres avoir au cours du livre parle du Christ avec une sorte d’ironique pitie, il en vient \ dire clans sa meditation finale qu’il a seul ose prononcer la parole de vie et d’amour. Sans cette croix et cette promesse eclairant le monde tout n’est plus qu’agitation vaine dans de la nuit re- muement de larves en marche vers la mort. (3) Si Loti ne retrouve pas la foi ni meme une presence cle- finie du Christ dans les lieux saints les dernieres pages du livre sont pourtant inspirees par le sentiment ra^ne de la per- sonne du Christ. Il envie les simples qui viennent ici- "et qui sont les sages, les logiques de ce monde." (4), admettant qu’ils ont une intuition et un'elan du coeur qu’il n’a ulus. Mais il s’abandonne aux spectacles "d’un viellard fini cle.ia touche par la mort" (5) et dont la foi et l’espoir rayonnent rialgre sa decrepitude. Sur son visage se lit la certitude (1) Loti, Jerusalem, page 217 (2) , (3), (4), and (5) Loti, Jerusalem, page 218 saint, le Pantateuque qui a plus de 2000 ans est le symbole de leur religion. Loti est frappe du fait que ce livre qui est si precieux n'a pas ete vendu dans cette £poque ou 1'argent pent acheter tout. Dans les plaines de la Galilee il reste des ruines de palais et de villes. Beaucoup de batailles ont ete livrees ici. Pendant les jours des Hebreux, des Groises, des Sarrazens et meme de Napoleon cette terre a vu maints hommes massacres. Pres de Nazareth dans les champs ou Christ errait petit enfant Loti sent un peu sa presence dans ce lieu tranquille, et il ressemblait peut-etre aux petits patres bruns aux yeux noirs que Loti voit dans le champ. Avant d’entrer dans Nazareth Loti a peur d'etre d&ju. Il ne se trompe pas, la ville ne semble pas ancienne. Elle est trop modernises avec ses hotels et ses touristes. Mais il trouve bien un debris qui represente l'ateliet de Joseph et de;>petites chambres qui pourraient ^etre la maison de Marie et Joseph. Les gens ici semblent etre plus doux et plus francs que ceux des villes musulmanes. Loti sent qu'il n’y a pas d’hostilite dans leurs sourires. Encore une fois dans le pays de Tiberiade^Christ re- v parait presque a Loti. C’est ici qu’il pronon^a les paroles qui ont console tant dThommes. Il sait que ses paroles sont presque oubliees et il sent un regret profond. Dans ce lieu ~n- Loti est envahi d’une grande paix, il se sent humble. Christ a vraiment laiss^ quelque chose de lui-meme ici. De loin Damas, le Perle et Reine d* Orient, semble une ville enchantee avec ses minarets et ses domes de nuances diverses de rose. Elle est entouree de vergers et de champs de fleurs et elle semble particulierernent fraiche ici dans le desert aride. Cette ville a presque cinq mille ans, fondee par lfarriere-petit-fils de No'S, elle a eprouve la destruction de beaucoup de grands con^uerants. Elle fut chretienne mais plus tard elle fut capturee par les musulmans qui construirent 1& desmosquees et des palais merveilleux. Mais quand Loti entre dans Damas il est decu encore une fois; il voit un pont de fer, des hotels, un gare et des fiacres. CTest une ville gaie avec ses gens riants. Cependant elle est reste orientals car le quartier dThStels et de touristes nTest qu'une petite partie de la ville. LI reste toujours des bazars bruyants et de vieilles maisons turques. Ces maisons sont ornees de mo- sal ques de marbre et de nacre, de grosses turquoises et de coussins et divins couverts de velours brode. Ici Loti trouve tout le luxe de Constantinople. Il y a aussi des maisons des Juifs ou les femmes : sont vetues a lTeuropeenne et les jardins ont des murs sculptes. Beaucoup de caravanes passent par les rues de Damas et elle a un air de grande animation avec ses gens en costumes voyants. IcI la route de la Mecque passe et se continue dans les deserts. Chaque printemps des pelerins quittent Damas pour faire leur long voyage. Cependant cela nTa pas la mime signification aujourdrhui qu’il avait autrefois car des milliers de pelerins arrivent maintenant a la Mecque par des navires a vapeur. Toujours ce conflit entre un monde pittoresque et sin¬ cere mais mourant et un modernisme affreux, impersonnel et vulgaire. Ce double aspect des villes se presente encore dans la ville de Baalbeck mime dans des villages. Ne voit-il pas dans la malson dTun riche israelite un mobilier et une deco¬ ration Louis XY ? Et pourtant ce pays garde une grande seduction. Les paysages en sont varies, montagnes sombres et mysterieuses / A ou deserts rouges et brulants et puis dominant tout cela le prestige de la ville de Damas, cite encore orientale. Dans la eampagne Loti voit de ces scenes qui semblent tireesT?de_'„la Bible elle-mlme. Les voyageurs sur leurs anes ou leurs chotmeaux, les femmes couvertes de leurs longs voiles qui le soir viennent prendre de lfeau a la fontaine. Les souvenirs d’ailleurs se superposent. Apr^s les souvenirs bibliques on retrouve les souvenirs du Christ dont lfombre affaible apparalt encore CHAPITE E VII LA CHIME EN GUERRE La guerre dqs Boxers en 1900 attira en Chine beau- coup drescadres et de.soldats des nations europeennes. En ce temps-la, Loti “etait aide-de-camp du vice-amiral Pottier, qui 'etait commandant en chef de I’escadre fran- caise dans les mers de Chine. Loti fut envoys en deux missions a Pekin, la premiere en septembre 1900 et la second© en avril 1901. En chemin il pouvait voir tous les t'emoignages de la guerre et le penible sort des Chinois. A son arrivee dans le golfe de Petchili, Loti est pris dans la confusion generale. On est en train de de¬ charger du materiel de guerre et des soldats du Japon, d’Autriche, dtAllemagne, de Russie, de la Grande-Bretagne et d’ltalie circulent partout. II est surpris de decouvrir que la cote chinoise ressemble un peu aux cotes de la Me- diterrannee. II y a les memes vergers et les maisonnettes sont assez semblables a celles de Prance. Seulement quel- ques vieille s pagodes orn^es de dragons et de monstres et la vue de la Grande Muraille lui rappellent qu’il est en Chine. II y a un air de gaiete; des soldats courent ca et la, heureux de decouvrir de nouvelles choses, cas- sant des vases et des statues et pillant les jardins. Jusqu’ici il n’y a rien d’horrible sauf la fuite des Chi- nois, grandes~meres, grands-peres, bebes, tous portant leurs Mens sur le dos. Le fort des Chinois "equipe a la moderne, a £te abandonne en hate, et tout est comme les Chinois l’avaient laisse, un tepas encore sur la table, de quelques autres signes de vie. Mais a mesure cpe Loti penetre plus loin dans ]s pays, il est frappe d’horreur par tous les tableaux qu’il voit. Partout des corps - flottant dans les fleuves ou "etendus par terre, mutiles d’une maniere horrible% Tout montre la desolation, tout est incendie^, rase, detruit, dans ce pay- sage laid. St de grandes taches rouges,faites par une cer- taine plante, ajoutent a l’horreur. La nuit, dans ce pay- sage monotone de champs de sorghos, on entend des cris horribles et des coups de feu. Dans les villes tout est sinistre, en ruine; il y a une odeur de mort. Ces villes ont subi le pillage et la destruction de tant de soldats. Les maisons restent sans toits, sans fenetres; quelques-unes incendiees, d’autres
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