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l'invention et l'imaginaire Séquence « Jacques Prévert, un, Lectures de Poétique

Cet amour. 140. L'orgue de barbarie. 143. Page d'écriture. 146. Déjeuner du matin. 148. Fille d'acier. 150. Les oiseaux du souci.

Typologie: Lectures

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

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Télécharge l'invention et l'imaginaire Séquence « Jacques Prévert, un et plus Lectures au format PDF de Poétique sur Docsity uniquement! Première professionnelle Objet d’étude Créer, fabriquer : l’invention et l’imaginaire Séquence « Jacques Prévert, un poète » Parcours de lecture Jacques Prévert, Paroles (1949) Je travaille sur le nouveau programme de première en Français et je me suis intéressée à l'objet d’étude « Créer, fabriquer : l'invention et l'imaginaire ». J’ai en tête les finalités et les enjeux de cet objet d'étude qui sont lire et étudier des poèmes et s'interroger sur les processus de la création artistique. Dans le cadre de l’objet d’étude, j’ai choisi de faire étudier le recueil poétique Paroles (1946) de Jacques Prévert. « Le poète le plus populaire de son siècle serait-il méconnu ? »1 Cette phrase, ouvre l’introduction des Œuvres complètes de Jacques Prévert dans la collection de la « Bibliothèque de la Pléiade » des Editions Gallimard. C’est ainsi que Danièle Gasiglia- Laster a présenté l'écrivain : bien que personne n’ignore le nom de Jacques Prévert, il reste trop souvent associé à un auteur facile, tout juste bon à être abordé à l’école primaire. En lisant du Prévert, je constate que sa poésie ne se laisse pas enfermer ; elle déroute le lecteur. Je veux que mes élèves se questionnent sur Prévert et son œuvre ; je veux que mes élèves ne se contentent pas de voir l’écriture de Prévert comme simple, naïve et enfantine ; je veux les intéresser à la lecture des poèmes du recueil et les faire réfléchir à ce qui différencie Prévert des autres poètes. Dans quelle mesure l'œuvre poétique de Prévert, véritable laboratoire littéraire d'expérimentations artistiques, donne-telle à lire une définition de la poésie ? Les questions qui ont guidé ma réflexion sont les suivantes : qu’est-ce qui fait que Prévert est Prévert ? En quoi est-il Prévert ? Pourquoi fait-il du Prévert ? Quelles sont les spécificités de Prévert et de son œuvre ? Qu’est-ce qui caractérise l’écriture prévertienne ? Quelles sont ses sources d’inspirations ? La connaissance des autres 1 Danièle Gasiglia-Laster, « Introduction », in Jacques Prévert Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1992, « Bibliothèque de la Pléiade », Tome I, p.IX. arts pratiqués par Jacques Prévert aide-t-il à comprendre sa poésie ? Comment étudier la poésie d’un homme qui disait justement ne pas être un poète ? Dans la mise en œuvre, je fais un focus sur une séquence ouvrant sur d'autres arts articulant les œuvres aux documents qui explicitent leur projet et leur genèse permettant ainsi d'amorcer ou d'approfondir la réflexion. J’ai en tête l’acquisition des quatre compétences du programme ; la dominante de cette séquence s’appuie sur la compétence lire, analyser, écrire et adapter son expression écrite selon les situations et les destinataires. Lire et étudier des poèmes conduisent les élèves à éprouver les richesses du langage poétique et s’interroger sur les liens entretenus entre la poésie et les autres formes de création artistique. Mon objectif est de me centrer sur l’étude des poèmes du recueil Paroles qui occupe une place particulière, autant qu’il éclaire le processus de création des futurs recueils de Prévert. Cette séquence doit ainsi permettre d’aborder les processus de la création artistique, les sources d’inspiration et le travail de l’artiste, la genèse de son œuvre. La question retenue pour la problématique est la suivante : « Quelle définition de la poésie se dégage de l’œuvre de Jacques Prévert ? » Au fil des séances, les élèves travaillent sur la lecture et l’analyse d’un groupement de textes, d’œuvres artistiques et documents et supports organisés autour de la question de la création. A partir des réflexions construites au fil des activités, les élèves répondent aux questionnements de la problématique. Différentes modalités de lecture sont pratiquées : lecture personnelle, cursive, documentaire, analytique. Plusieurs supports sont à disposition pour travailler les autres arts et l’univers poétique de Prévert : le recueil poétique, Paroles. Première parution en 1949. Collection folio (n° 762), Gallimard mais aussi une édition numérique avec la Bibliothèque Numérique Francophone Accessible (BNFA). Il existe de nombreuses références de lecture des poèmes faites par des artistes. L’œuvre de Prévert se décline en plusieurs champs artistiques (cinéma, chanson, collages, photographies) pouvant éclairer le travail du poète et permettant d’élargir la réflexion des élèves sur la création. En lancement, je fais écouter la voix du poète à travers une interview posthume de la chroniqueuse Christine Gonzalez sur France Inter. Le questionnement est le suivant : que reste-t-il de Prévert aujourd’hui ? J’ai pour objectif d’intéresser les élèves au parcours de vie de Jacques Prévert permettant de comprendre ce qui a fait que Prévert est Prévert. Prévert est un homme de la parole. C’est un homme libre qui s’engage dans les combats de son temps. Les engagements de ce « libertaire exquis » comme le souligne le titre d’une émission radiophonique de France Culture (le 8/04/2017) vont influencer l’écriture de ses textes Un exemple de groupement de documents autour du recueil Paroles de Jacques Prévert (1949) Jacques Prévert, Paroles, Première parution en 1949, Collection Folio (n° 762), Gallimard LA LECTURE Document de lancement complémentaire Document de lancement La musique voyage s'en va revient La musique c'est le soleil du silence qui jamais ne se tait tout à fait du silence qui chante ou grince en images dans l'aimoir ou la mémoire des gens Carmina Burana Mais parfois la musique reste là Inécoutée déjouée alors s'en va très vite mais revient de loin tout doucement Carminée burinée et ceux qui faisaient la petite bouche il n'y a pas si loin longtemps font la grande oreille maintenant […] Carmina Burana "Si tu veux être heureux sois-le!" dit un vieux proverbe chinois Carmina Burana Ce vieux proverbe parfois la musique l'entend et le dit et le joue et le chante merveilleusement simplement. Doc 1 Jacques Prévert, « Carmina Burana » (extrait), Choses et autres, 1972. Doc 4: Jacques Prévert, Première de couverture, Octobre, Sketchs et chœurs parlés pour le Groupe Octobre (1932-1936). Textes réunis et commentés par André Heinrich, Nrf, Gallimard. Doc 5: Lettre de Lazare Fuchsmann à Jacques Prévert, 7 avril 1932. Coll. A. Heinrich. 7 avril 1932 Léon Moussinac nous a adressés à vous pour l’exécution d’un sketch relatif à la campagne électorale. Il s’agirait de trouver quelques idées directrices pour la présentation et l’agencement des différentes parties de ce sketch. Pourrions-nous nous voir dans le cours de cette semaine ? Pour plus de simplicité, veuillez écrire à l’adresse suivante : Lazare Fuchsmann, 1, rue du Marché- Popincourt (XI). Excusez-nous de nous présenter de façon aussi impromptue. POUR PRÉMICES L. FUCHSMANN On pense à tort que cette lettre adressée à Jacques Prévert par Lazare Fuchsmann marque le début de ses relations avec la Fédération du théâtre ouvrier français (la FTOF), section française de l’Union internationale du théâtre ouvrier, dont dépendait le « groupe de choc Prémices », troupe d’agit-prop. Il agirait de son premier contact avec une organisation communiste. Or, fin 1926, les surréalistes – Prévert en était – s’étaient déjà posé la question de leur adhésion au Parti communiste. Et lors de la séance du 26 novembre, Prévert s’exprimait en ces termes : J’étais révolutionnaire à sept ans. Je suis complètement incapable d’ouvrir un livre de Marx ; cela m’emmerde. Là-dessus, je m’en remets à d’autres. Il serait pour moi très facile d’adhérer au PC, mais je crois que cela n’aurait aucun sens. Pourtant, un mois plus tard, le 24 décembre 1926 : DESNOS – Je ne demande pas à adhérer. DUHAMEL – Je pose ma candidature au PC. ÉLUARD – Moi aussi. LEIRIS – Je n’ai pas encore réalisé comme je voudrais le faire le passage de l’idéalisme au matérialisme. Cependant je pose ma candidature. MALKINE – Non. MORISE – Non. PRÉVERT – Oui. TANGUY – Oui . 1 Archives du surréalisme. Adhérer au Parti communiste ? présenté par Marguerite Bonnet, Gallimard, 1992, p. 56. 1 Ibid. Comment justifier cette volte-face ? Était-ce pour agacer Breton qui, lui, hésitait ? Raymond Queneau nous a confié que Prévert, dans ces séances, provoquait et contrariait Breton. L’unanimité du « trio de la rue du château » (Yves Tanguy, Marcel Duhamel et Prévert) pourrait en effet le faire croire, d’autant plus que Prévert refusait de « se faire mettre en cellule ». Et pourtant, Prévert dut assez vite s’intéresser aux activités du PC. En 1928, il sympathise avec les rédacteurs de La Revue du cinéma (Jean George Auriol, Jacques-Bernard Brunius, etc.) et il entraîne l’un d’entre eux, le jeune Jean-Paul Dreyfus – il a six ans de moins que Prévert –, à des meetings communistes. Lorsque, à l’été 1931, il publie Le Dîner de têtes, il reste dans le courant des scandales surréalistes : il dénonce, provoque, sans opter pour une solution. Mais la crise va déferler en Europe et ses conséquences économiques, surtout dans le monde du travail, vont amener les intellectuels à se positionner politiquement. Et Prévert penche vers le communisme, sans adhérer au Parti. Il devient ce qu’on appellera plus tard un compagnon de route. […] Enfin, Prévert écrit à cette époque plusieurs textes « engagés » sur le spectacle. Il donne le premier, « Courrier de Paris », à La Revue du cinéma (octobre 1931), repris sous un autre titre en janvier-février 1932 dans Spectateurs. En janvier 1932 également – bien avant, donc, la lettre de Fuchsmann –, il livre à La Scène ouvrière, la revue de la FTOF, « Sans fards. ANDRÉ HEINRICH Doc 6: Jacques Prévert, Extrait de l’ouverture, Octobre, Sketchs et chœurs parlés pour le Groupe Octobre (1932-1936). Textes réunis et commentés par André Heinrich, Nrf, Gallimard. Le professeur Élève Hamlet ! L'élève Hamlet (sursautant) ... Hein... Quoi... Pardon.... Qu'est-ce qui se passe... Qu'est-ce qu'il y a... Qu'est-ce que c'est?... Le professeur (mécontent) Vous ne pouvez pas répondre "présent" comme tout le monde? Pas possible, vous êtes encore dans les nuages. L'élève Hamlet Être ou ne pas être dans les nuages ! Le professeur Suffit. Pas tant de manières. Et conjuguez-moi le verbe être, comme tout le monde, c'est tout ce que je vous demande. L'élève Hamlet To be... Le professeur En Français, s'il vous plaît, comme tout le monde. L'élève Hamlet Bien, monsieur. (Il conjugue :) Je suis ou je ne suis pas Tu es ou tu n'es pas Il est ou il n'est pas Nous sommes ou nous ne sommes pas... Le professeur (excessivement mécontent) Mais c'est vous qui n'y êtes pas, mon pauvre ami! L'élève Hamlet C'est exact, monsieur le professeur, Je suis "où" je ne suis pas Et, dans le fond, hein, à la réflexion, Être "où" ne pas être C'est peut-être aussi la question. Doc 7: Jacques Prévert, «L’accent grave», Paroles, 1949. Doc 10 : Jacques Prévert, «Pater noster », Paroles, 1949. PATER NOSTER Notre Père qui êtes aux cieux Restez-y Et nous nous resterons sur la terre Qui est quelquefois si jolie Avec ses mystères de New York Et puis ses mystères de Paris Qui valent bien celui de la Trinité Avec son petit canal de l’Ourcq Sa grande muraille de Chine Sa rivière de Morlaix Ses bêtises de Cambrai Avec son océan Pacifique Et ses deux bassins aux Tuileries Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets Avec toutes les merveilles du monde Qui sont là Simplement sur la terre Offertes à tout le monde Éparpillées Émerveillées elles-mêmes d’être de telles merveilles Et qui n’osent se l’avouer Comme une jolie fille nue qui n’ose se montrer Avec les épouvantables malheurs du monde Qui sont légion Avec leurs légionnaires Avec leurs tortionnaires Avec les maîtres de ce monde Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs reîtres Avec les saisons Avec les années Avec les jolies filles et avec les vieux cons Avec la paille de la misère pourrissant dans l’acier des canons. Rassurez-vous braves gens ce n'est pas un appel à la révolte c'est un évêque qui est saoul et qui met sa crosse en l'air comme ça... en titubant... il est saoul il a sur la tête cette coiffure qu'on appelle mitre et tous ses vêtements sont brodés richement il est saoul il roule dans le ruisseau sa mitre tombe c'est le soir ça se passe rue de Rome près de la gare Saint-Lazare sur le trottoir il y a un chien il est assis sur son cul il regarde l'évêque l'évêque regarde le chien ils se regardent en chiens de faïence mais voilà l'évêque fermant les yeux l'évêque secoué par le hoquet le chien reste immobile et seul mais l'évêque voit deux chiens dégueulis... dégueulis... dégueulis... voilà l'évêque qui vomit dans le ruisseau passent des cheveux... ... des vieux peignes... ... des tickets de métro... des morceaux d'ouate thermogène... des préservatifs... des bouchons de liège... des mégots l'évêque pense tristement Est-il possible que j'aie mangé tout ça le chien hausse les épaules et s'enfuit avec la mitre l'évêque reste seul devant la pharmacie ça se passe rue de Rome rue de Rome il y a une pharmacie l'évêque crie le pharmacien sort de sa pharmacie il voit l'évêque il fait le signe de la croix puis plaçant ensuite deux doigts dans la bouche de l'évêque il l'aide... ... il aide l'évêque à vomir... l'autre l'appelle son fils fait le signe de la croix puis recommence à vomir le pharmacien avec les doigts qui ont fait le signe de la croix aide encore l'évêque à vomir puis fait le signe de la croix et ainsi de suite alternativement signe de la croix et vomissement plus loin derrière une palissade dans une maison en construction ou en démolition enfin dans une maison pour les humains il y a une grande réception c'est la grande réception chez les chiens de cirque la grande rigolade il y en a qui ont apporté des os d'autres des escalopes beaucoup de choses ceux qui ont la queue en trompette font l'orchestre c'est le grand cirque des chiens celui qui a lieu le premier vendredi de chaque mois mais seuls les chiens savent ça devant tous les chiens assis les autres chiens font leur numéro le chien d'aveugle le chien de fusil le chien de garde le chien de berger mais voilà le grand délire et les spectateurs aboient du vrai grand rire le chien de la rue de Rome vient d'arriver il a sur la tête la mitre et il fait le pitre Doc 11 : Jacques Prévert, «La crosse en l’air », (extrait), Paroles, 1949. Dans une boîte de paille tressée Le père choisit une petite boule de papier Et il la jette Dans la cuvette Devant ses enfants intrigués Surgit alors Multicolore La grande fleur japonaise Le nénuphar instantané Et les enfants se taisent Émerveillés Jamais plus tard dans leur souvenir Cette fleur ne pourra se faner Cette fleur subite Faite pour eux A la minute Devant eux. Doc 12 : Jacques Prévert, « L’Ecole des Beaux-Arts », Paroles, 1949. A J.Brunius (1) N'y va pas tout est combiné d'avance le match est truqué et quand il apparaîtra sur le ring environné d'éclairs de magnésium ils entonneront à tue-tête le Te Deum et avant même que tu te sois levé de ta chaise ils te sonneront les cloches à toute volée Us te jetteront à la figure l'éponge sacrée et tu n'auras pas le temps de lui voler dans les plumes ils se jetteront sur toi et il te frappera au-dessous de la ceinture et tu t'écrouleras les bras stupidement en croix dans la sciure et jamais plus tu ne pourras faire l'amour. 1. Jacques-Bernard Brunius, acteur et homme de cinéma, ami de Prévert. Il a joué dans plusieurs films dont Prévert a été le dialoguiste. Doc 13 : Jacques Prévert, « Le combat avec l’ange», Paroles, 1949. A Arles où roule le Rhône Dans l’atroce lumière de midi Un homme de phosphore et de sang Pousse une obsédante plainte Comme une femme qui fait son enfant Et le linge devient rouge Et l’homme s’enfuit en hurlant Pourchassé par le soleil Un soleil d’un jaune strident Au bordel tout près du Rhône L’homme arrive comme un roi mage Avec son absurde présent Il a le regard bleu et doux Le vrai regard lucide et fou De ceux qui donnent tout à la vie De ceux qui ne sont pas jaloux Et montre à la pauvre enfant Son oreille couchée dans le linge Et elle pleure sans rien comprendre Songeant à de tristes présages Et regarde sans oser le prendre L’affreux et tendre coquillage Où les plaintes de l’amour mort Et les voix inhumaines de l’art Se mêlent aux murmures de la mer Et vont mourir sur le carrelage Dans la chambre où l’édredon rouge D’un rouge soudain éclatant Mélange ce rouge si rouge Au sang bien plus rouge encore De Vincent à demi mort Et sage comme l’image même De la misère et de l’amour L’enfant nue toute seule sans âge Regarde le pauvre Vincent Foudroyé par son propre orage Qui s’écroule sur le carreau Couché dans son plus beau tableau Et l’orage s’en va calmé indifférent En roulant devant lui ses grands tonneaux de sang L’éblouissant orage du génie de Vincent Et Vincent reste là dormant rêvant râlant Et le soleil au-dessus du bordel Comme une orange folle dans un désert sans nom Le soleil sur Arles En hurlant tourne en rond.Doc 16 : Jacques Prévert, « Complainte de Vincent », Paroles, 1949. 1. Il s’agit de Vincent Van Gogh (1853- 1890), célèbre peintre néerlandais qui vécut une partie de sa vie à Arles, dans le Sud de la France. Dans les ruines d'une cathédrale Un boucher pleure comme un veau A cause de la mort d'un oiseau Et couchée sur les dalles craquelées Une cloche écroulée et fêlée Montre son battant rouillé On dirait un gros prêtre obscène Dont le vent soulève la soutane Et dans la sacristie en miettes Trois ou quatre drôles en casquette Pont la quête A l'occasion du mariage du Ciel et de l'Enfer Cela se passe en Angleterre Et aussi en l'honneur de la Révolution française Et même de la mort de Louis XVI Le garçon d'honneur s'appelle William Blake Il est tout nu et très correct Mais il garde son chapeau sur la tête Parce que le Saint-Esprit est dedans C'est le Saint-Esprit de Contradiction Quand on lui demande Esprit es-tu là Toujours avec un doux sourire cet oiseau répond Non A la fin de la noce William Blake en fera cadeau au boucher Il oubliera défunt son perroquet Et s'en retournera tuer les bêtes Avec un gros maillet Nous ne sommes pas à un oiseau près Pense William Blake Tout en pensant à autre chose C'est-à-dire à rien d'autre qu'à regarder Une éblouissante fille invitée à la noce on ne sait pas par qui Et qui est là très belle et aussi nue que lui Une beauté Pense William une beauté d'un calme éclatant Pure comme le vin rouge Et innocente comme le printemps Et il la regarde parce qu'il a envie d'elle Elle le regarde aussi parce que peut-être elle aussi elle a envie de lui C'est alors qu'arrive avec son petit orgue Un grand canard de Barbarie Et il joue un air de tous les temps et de tous les pays Et la noce commence La noce proprement dite Précise William Blake Car il y a des choses qui sont si mal dites Et si malproprement C’est pour la messe que vous dites ça Demande un vieil homme à tête de prophète ou d'évêque Et qui a l'air très contrarié Mais William Blake est un gentleman Un homme gentil comme on dit en Angleterre Et il n'a pas du tout envie de discuter avec un évêque Le jour du mariage du Ciel et de l'Enfer Et aussi même qui sait peut-être par la même occasion Le jour de ses propres noces Puisque la jolie fille est si belle Et que sans aucun doute il l'aime Et que peut-être elle l'aime aussi Alors il se contente de dire A l'homme à la tête d'évêque ou de prophète ou d'épingle de sûreté « De même que la chenille choisit pour y poser ses œufs les feuilles les plus belles ainsi le prêtre pose ses malédictions sur nos plus belles joies » Et alors en avant la musique Pour la messe nous en reparlerons une autre fois Et comme il a dit En avant la musique La musique s'avance Et derrière elle la fille éblouissante Qui sourit à William Blake Parce qu'un jour il a dit aussi « C'est avec les pierres de la loi qu'on a bâti les prisons et avec les briques de la religion les bordels. » Et elle lui donne le bras Et tout le reste avec Et qui est-ce qui est bien content C'est William William Blake. Doc 17 : Jacques Prévert, « Noces et banquets », Paroles, 1949. A William Blake (1) 1. William Blake (1757-1827) est un poète et graveur anglais. Sur une assiette bien ronde en porcelaine réelle une pomme pose Face à face avec elle un peintre de la réalité essaie vainement de peindre la pomme telle qu'elle est mais elle ne se laisse pas faire la pomme elle a son mot à dire et plusieurs tours dans son sac de pomme la pomme et la voilà qui tourne dans une assiette réelle sournoisement sur elle-même doucement sans bouger et comme un duc de Guise qui se déguise en bec de gaz parce qu'on veut malgré lui lui tirer le portrait la pomme se déguise en beau bruit déguisé et c'est alors que le peintre de la réalité commence à réaliser que toutes les apparences de la pomme sont contre lui et comme le malheureux indigent comme le pauvre nécessiteux qui se trouve soudain à la merci de n'importe quelle association bienfaisante et charitable et redoutable de bienfaisance de charité et de redoutabilité le malheureux peintre de la réalité se trouve soudain alors être la triste proie d'une innombrable foule d'associations d'idées Et la pomme en tournant évoque le pommier le Paradis terrestre et Ève et puis Adam l'arrosoir l'espalier Parmentier l'escalier le Canada les Hespérides la Normandie la Reinette et l'Api le serpent du Jeu de Paume le serment du Jus de Pomme et le péché originel et les origines de l'art et la Suisse avec Guillaume Tell et même Isaac Newton plusieurs fois primé à l'Exposition de la Gravitation Universelle et le peintre étourdi perd de vue son modèle et s'endort C'est alors que Picasso qui passait par là comme il passe partout chaque jour comme chez lui voit la pomme et l'assiette et le peintre endormi Quelle idée de peindre une pomme dit Picasso et Picasso mange la pomme et la pomme lui dit Merci et Picasso casse l'assiette et s'en va en souriant et le peintre arraché à ses songes comme une dent se retrouve tout seul devant sa toile inachevée avec au beau milieu de sa vaisselle brisée les terrifiants pépins de la réalité. Doc 18 : Jacques Prévert, «Promenade de Picasso», Paroles, 1949. La présence obsédante d’une clef cachée sous un paillasson Et la ligne de mire et la ligne de mort dans la main autoritaire et potelée d’un simulacre d’homme obèse et délirant camouflant soigneusement derrière les bannières exemplaires et les crucifix gammés drapés et dressés spectaculairement sur le grand balcon mortuaire du musée des horreurs et des honneurs de la guerre la ridicule statue vivante de ses petites jambes courtes et de son buste long mais ne parvenant pas malgré son bon sourire de Caudillo grandiose et magnanime à cacher les irrémédiables et pitoyables signes de la peur de l’ennui de la haine et de la connerie gravés sur son masque de viande fauve et blême comme les graffiti obscènes de la mégalomanie gravés par les lamentables tortionnaires de l’ordre nouveau dans les urinoirs de la nuit Et derrière lui dans le charnier d’une valise diplomatique entrouverte le cadavre tout simple d’un paysan pauvre assailli dans son champ à coups de lingots d’or par d’impeccables hommes d’argent Et tout à côté sur une table une grenade ouverte avec toute une ville dedans Et toute la douleur de cette ville rasée et saignée à blanc Et toute la garde civile caracolant tout autour d’une civière Où rêve encore un gitan mort Et toute la colère d’un peuple amoureux travailleur insouciant et charmant qui soudain éclate brusquement comme le cri rouge d’un coq égorgé publiquement Et le spectre solaire des hommes aux bas salaires qui surgit tout sanglant des sanglantes entrailles d’une maison ouvrière tenant à bout de bras la pauvre lueur de la misère la lampe sanglante de Guernica et découvre au grand jour de sa lumière crue et vraie les épouvantables fausses teintes d’un monde décoloré usé jusqu’à la corde vidé jusqu’à la moelle D’un monde mort sur pied D’un monde condamné Et déjà oublié Noyé carbonisé aux mille feux de l’eau courants du ruisseau populaire Où le sang populaire court inlassablement Intarissablement Dans les artères et dans les veines de la terre et dans les artères et dans les veines de ses véritables enfants Et le visage de n’importe lequel de ses enfants dessiné simplement sur une feuille de papier blanc Le visage d’André Breton le visage de Paul Éluard Le visage d’un charretier aperçu dans la rue La lueur du clin d’œil d’un marchand de mouron Le sourire épanoui d’un sculpteur de marrons Et sculpté dans le plâtre un mouton de plâtre frisé bêlant de vérité dans la main d’un berger de plâtre debout près d’un fer à repasser A côté d’une boîte à cigares vide A côté d’un crayon oublié A côté des Métamorphoses d’Ovide A côté d’un lacet de soulier A côté d’un fauteuil aux jambes coupées par la fatigue des années A côté d’un bouton de porte A côté d’une nature morte où les rêves enfantins d’une femme de ménage agonisent sur la pierre froide d’un évier comme des poissons suffoquant et crevant sur des galets brûlants Et la maison remuée de fond en comble par les pauvres cris de poisson mort de la femme de ménage désespérée tout à coup qui fait naufrage soulevée par les lames de fond du parquet et va s’échouer lamentablement sur les bords de la Seine dans les jardins du Vert-Galant Et là désemparée elle s’assoit sur un banc Et elle fait ses comptes Et elle ne se voit pas blanche pourrie par les souvenirs et fauchée comme les blés Une seule pièce lui reste une chambre à coucher Et comme elle va la jouer à pile ou face avec le vain espoir de gagner un peu de temps Un grand orage éclate dans la glace à trois faces Avec toutes les flammes de la joie de vivre Tous les éclairs de la chaleur animale Toutes les lueurs de la bonne humeur Et donnant le coup de grâce à la maison désorientée Incendie les rideaux de la chambre à coucher Et roulant en boule de feu les draps au pied du lit Découvre en souriant devant le monde entier Le puzzle de l’amour avec tous ses morceaux Tous ses morceaux choisis choisis par Picasso Un amant sa maîtresse et ses jambes à son cou Et les yeux sur les fesses les mains un peu partout Les pieds levés au ciel et les seins sens dessus dessous Les deux corps enlacés échangés caressés L’amour décapité délivré et ravi La tête abandonnée roulant sur le tapis Les idées délaissées oubliées égarées Mises hors d’état de nuire par la joie et le plaisir Les idées en colère bafouées par l’amour en couleur Les idées terrées et atterrées comme les pauvres rats de la mort sentant venir le bouleversant naufrage de l’Amour Les idées remises à leur place à la porte de la chambre à côté du pain à côté des souliers Les idées calcinées escamotées volatilisées désidéalisées Les idées pétrifiées devant la merveilleuse indifférence d’un monde passionné D’un monde retrouvé D’un monde indiscutable et inexpliqué D’un monde sans savoir-vivre mais plein de joie de vivre D’un monde sobre et ivre D’un monde triste et gai Tendre et cruel Réel et surréel Terrifiant et marrant Nocturne et diurne Solite et insolite Beau comme tout. Premières lectures, premières impressions, premières hypothèses Partir de l'interview posthume de Jacques Prévert et de l’émission radiophonique « Prévert, le libertaire exquis » (document de lancement et document 1 en lien avec la chronologie contemporaine des évènements lors de la création du recueil). • Faire émerger les impressions des élèves à propos de l’homme et de sa poésie. Présentation rapide de la vie et de l’œuvre de Jacques Prévert. L’édition originale du recueil Paroles et la table des matières (documents 2 et 3). • Présenter l’histoire de ce recueil. Décrire la première de couverture de l’édition originale et le contexte de la genèse du recueil. • D’ une « Tentative de description » à une « Lanterne magique », l’intention poétique de Prévert à travers la structuration du recueil. Hypothèses à partir de l’ordre, de la longueur des textes et des poèmes; explicitation des thèmes du recueil. A partir des réflexions, les élèves répondent partiellement à la problématique. 1 2 Vers une lecture plus « experte » Lecture experte des extraits choisis d’Octobre, Sketchs et chœurs parlés pour le Groupe Octobre (1932-1936) et du poème « L’accent grave », extrait de Paroles (documents 4,5,6,7). • Mise en évidence de l’appartenance au groupe des surréalistes et les engagements politiques de Jacques Prévert. Montrer ce qui précède le poète : l’homme de parole, de conviction. • Mettre en relation l’entrée du théâtre dans l’espace du poème : une écriture dialoguée, une voie de recoupement entre poésie et théâtre. Lecture experte d’un groupement poétique extrait de Paroles (documents 8 à 11). • Mettre en évidence la démarche textuelle de Prévert. Il s’agit d’une remise en question de la société (dénonciation du pouvoir et de la bourgeoisie, de l'Église, de la guerre) qui passe par une réflexion sur la langue. A partir des réflexions, les élèves répondent partiellement à la problématique. 3 Lectures analytiques L'œuvre poétique de Prévert: véritable laboratoire littéraire d'expérimentations artistiques (document 7 «L’accent grave », document 9 « Histoire du cheval », document 15 « Cortège », document 16 «Complainte de Vincent », document 18 « Complainte de Vincent »). • Caractérisation de l’écriture prévertienne : des poèmes inventaires et des apports surréalistes. « Cortège », « Complainte de Vincent », « Promenade de Picasso » • Jeux et combinaisons de mots : contrepèteries, lapsus volontaires, inventions verbales, néologismes, calembours. « Histoire du cheval », « Promenade de Picasso » • Comparaisons, images et métaphores. « L’accent grave », « Complainte de Vincent » A partir des réflexions, les élèves répondent partiellement à la problématique.
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