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la poésie de luis antonio de villena : alchimie du mal, Lectures de Poésie

dans la lignée de Baudelaire -« mi Prîncipe verde » 1 ... Charles Baudelaire, « Alchimie de la douleur», Les Fleurs du Mal, 1868, Paris: GF Flammarion,.

Typologie: Lectures

2021/2022

Téléchargé le 08/06/2022

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Télécharge la poésie de luis antonio de villena : alchimie du mal et plus Lectures au format PDF de Poésie sur Docsity uniquement! LA POÉSIE DE LUIS ANTONIO DE VILLENA : ALCHIMIE DU MAL CLAUDIE TERRASSON Université Charles de Gaulle - Lille 3 Tel Hermès, le poète qu'est Luis Antonio de Villena (mais tout poète n'est-il pas un Hermès?) transforme le mal en bien et le bien en mal, dans la lignée de Baudelaire -« mi Prîncipe verde » 1- auquel il rend hommage dans son œuvre, aussi ce travail s'est-il permis de les associer en paraphrasant un titre baudelairien2 . La question du mal, supposant de définir le concept et d'en délimiter les contours, appelle donc quelques remarques préliminaires. Toutefois, précisons immédiatement que cet article ne prétend nullement présenter une réflexion d'ordre philosophique mais proposer des éléments d'analyse, de multiples interrogations ainsi que des suggestions portant sur l'œuvre du poète contemporain Luis Antonio de Villena. Aussi suffira-t-il de rappeler ce que l'on peut entendre par le Mal ou le mal. Traditionnellement, on distingue trois signifiés principaux. D'abord, un signifié qui a occupé et occupe encore la philosophie, le mal métaphysique autrement dit l'imperfection de la création et donc de l'homme; viennent ensuite (sans que cela soit hiérarchique), les sens que l'on rencontre fréquemment dans la langue courante: d'une part, le mal que l'on fait aux autres ou le mal que l'on subit soi-même, mal que l'on 1 Luis Antonio de Villena, « Peliculas de Romanos», Las Herejias privadas, Barcelona: Tusquets editores, colecci6n « Nuevos textos sagrados », 2001, p. 54. 2 Charles Baudelaire, « Alchimie de la douleur», Les Fleurs du Mal, 1868, Paris: GF Flammarion, édition de Jacques Dupont, 1991, p. 119. HISP. XX - 22 - 2005 297 Claudie TERRASSON désigne dans ce cas par les mots de souffrance, douleur, par l'expression faire mal ou avoir mal ; enfin, le mal au sens moral, ce qui est considéré comme dérogeant aux normes de la morale, ce que l'on exprime en disant « c'est mal». La langue espagnole, contrairement à la française, distingue clairement tous ces champs de signifiés par des signifiants distincts : « el mal, hacer dafio, el dolor, dolerle a uno algo, esta mal ». Pour qui a fréquenté l'œuvre de Villena, il apparaît aisément que celle-ci constitue, à bien des égards, une longue méditation sur le mal, entendu sous ces divers signifiants et signifiés, méditation qui a pris la forme désormais d'une confrontation résolue au mal. Par ailleurs, les réflexions et hypothèses que je vais exposer ne portent que sur l'œuvre poétique de Luis Antonio de Villena, je choisis pour l'instant de laisser délibérément de côté toute la partie ( et elle est importante comme chacun sait) qui englobe les essais, la critique, les anthologies. Pour ce qui est donc de la poésie, je ne ! 'aborderai pas en y analysant successivement les trois signifiés rapidement énoncés plus haut, je souhaite me pencher sur sa structuration et son devenir, sur l'émergence en elle d'une voix qui assume une identité de plus en plus claire (bien que fictionnelle puisque, selon les mots de Juan Antonio Gonzalez Iglesias, « ... la poesia de Luis Antonio de Villena, ya se ve, traza una original autobiografia literaria » '), une voix de plus en plus identifiable donc et ceci à mesure qu'elle discerne davantage ce qui relève de l'ombre et que nous appellerons -et qu'elle nomme aujourd'hui- le mal. Le postulat que je fais sera que l'œuvre poétique de Luis Antonio de Villena en est venue à laisser apparaître un discours qui peut être reçu comme un paradoxe et, sans nul doute, une provocation : ce discours suggèrerait qu'il convient de repenser et/ ou relativiser le platonisme, voire de s'en éloigner. Par platonisme, on désignera la construction par Platon d'un système rationnel fondé sur le dualisme: l'idée du Bien à laquelle ne peut qu'aspirer l'âme (la part divine de l'homme) ce qui a entraîné comme corollaire celle du Mal où se complaît le corps (la part la moins noble) assujetti aux sens, aux passions. Un tel dualisme a structuré toute la pensée occidentale judéo-chrétienne : avoir pensé et désigné le Bien comme un absolu a renvoyé fatalement (mal-heureusement) tout ce qui n'en relève pas ou y échappe dans la sphère du Mal. Il faudra attendre 1 Luis Antonio de Villena, Alejandrias, (antologia 1970-2003), Sevilla: edici6n, selecci6n y pr6logo de Juan Antonio Gonzâlez lglesias, Renacimiento, 2004, p. 21. 298 HISP. XX - 22 - 2005 La poésie de Luis Antonio de Villena de chuter et de retomber dans la boue, métaphore récurrente dans l'œuvre pour dire la réalité de l'humaine condition. Mais si cette beauté lumineusement sombre « Quien ha visto con sus ojos la Belleza/ toc6 ya la sombra 1 • » est appelée à disparaître dans la vie ( « cenizas », « ruinas », « la muerte » désignent, métaphoriquement ou pas, ce mal inéluctable), l'instant d'émerveillement et de transport, lui, est sauvé, il échappe à Chronos l'anthropophage car il demeure attesté à tout jamais dans le poème. D'autre part et plus essentiellement, c'est ce même instant de contemplation hors du temps qui justifie à lui seul cette vie en un monde cependant présenté et senti « como a lugar extrafio 2 » à cause de la présence de l'imperfection, des limites humaines, du mal, « Busco siempre/ lo hermoso, lo gnicil, lo efimero también/ porque pone en la belleza como un punto malvado. »3 Le sujet lyrique présente ainsi la vie humaine comme un tout où se mêlent le bien et le mal, l'ombre et la lumière, seule et même réalité, contradiction qui ne peut se résoudre, qu'il faut alors accepter et regarder en face, à moins de la contourner et de la rejeter comme le fait Platon. La création poétique, une des formes de la vie, trouve sa raison d'être et sa source vive dans l'incantation aux corps, pour autant, il serait réducteur de définir seulement la poésie villénienne en tant que poésie homo-érotique ; le terme est certes élégant mais facile, car il dédouane, le mot sexe étant ainsi banni. Non pas qu'il s'agisse de gommer ou nier la dimension homosexuelle de cette poésie, elle est bien trop évidente pour qu'on y puisse songer un seul instant, mais disons plutôt que là n'est peut-être pas le propos de Villena, ou plus précisément, il ne peut se résumer à ce seul aspect. En effet, l'affirmation de l'homosexualité n'est qu'une des facettes d'une création qui vise à libérer les esprits du sentiment de la culpabilité que la dichotomie corps et esprit (ou âme, peu importe) a instituée comme dogme depuis le platonisme et qui, via les Stoïciens, a été relayée et accentuée par le christianisme, principalement le catholicisme, le puritanisme et autres variantes. Dès lors, a été consacrée la hiérarchisation de l'âme et du corps, la première louée et chantée car synonyme du Bien tandis que le second se voit décrié car assimilé au Mal. 'Ibid.,« Tristan», p. 134. 2 Como a lugar extraiio est le titre du dernier recueil de La belleza impura, op. cil. 3 Luis Antonio de Villena,« El poema esboza al hombre» in La belleza impura (Hymnica), op. cit., p. 97. HISP. XX - 22 - 2005 301 Claudie TERRASSON Tous les recueils postérieurs à La belleza impura en portent un témoignage de plus en plus manifeste et sans équivoque. Luis Antonio de Villena exalte ce qu'il nomme le vitalisme, à la fois philosophie de vie et de tolérance mais aussi l'appétit ou la soif de vivre. Ces deux métaphores dénotent à loisir -il conviendrait de dire à plaisir- une attitude vitale, une disposition d'esprit qui réconcilie le corps et l'esprit, qui prône non pas le dualisme qui hiérarchise et oppose, mais la quête de l'unité du sensible et de l'intellect : « Y es que s6lo lo que nuestro deseo construye e idea, lo que nuestro pensamiento levanta, sera el sur: la perfecci6n, la luz, la justicia, el amor absoluto y sin tabues, la perfecci6n del cuerpo convertido en alma » 1 • Dans sa conclusion à l'étude qu'il propose de la pensée de Platon, François Châtelet évoque un possible discours qui remettrait en question le projet platonicien de la rationalité, seule façon selon lui de sortir du platonisme. Il s'agit d'une remise en cause radicale de la Raison: celle-ci ne serait plus considérée de ce fait comme la part divine de l'homme « cette valeur omnipotente et omniprésente, juge de toute pensée, de tout discours, de toute conduite »2, mais il faudrait désormais la regarder comme une instance répressive. Instance répressive car elle institue la norme absolue, la loi qu'on ne discute pas, de la rationalité, de la mesure et de l'équilibre. Mais alors on peut poser à l'inverse que la raison institue aussi la platitude et l'ennui, qu'elle impose la norme de la médiocrité et de la timidité, ce serait la norme des timorés qui jugulent leurs passions, leurs désirs, qui disciplinent leur corps et leur vie (N'est-ce pas précisément l'argumentation brutale de Calliclès face à Socrate? « Ah ! Tu es vraiment charmant ! Ceux que tu appelles hommes raisonnables, ce sont des abrutis ! »3 ). La peur des timorés (Calliclès les désigne avec le mépris de l'aristocrate par le mot de« masse») serait ainsi à l'origine du mal, elle aurait conduit à penser comme le mal tout ce qui n'est pas inscrit dans l'ordre du rationnel et du modéré, à commencer par le corps et ses pulsions. Très symboliquement, la première phase de l'œuvre poétique de Villena intitulée, je le rappelle, avec malice et irrévérence La belleza impura, comme un pied de nez au système platonicien, se clôt avec un poème au titre éponyme« Platon »4 qu'il convient ici d'évoquer. 1 Luis Antonio de Villena, « El mita del sur», A la contra, ensayo, Mérida: Editora regional de Extremadura, 1989, p. 102. 2 François Châtelet, Platon, Paris : Gallimard, Folio essais, 1965, p. 246. 3 Platon, Gorgias, op. cil., p. 229. 4 Luis Antonio de Villena,« Platon» in La belleza impura, op. cil., pp. 352-353. 302 HISP. XX - 22 - 2005 La poésie de Luis Antonio de Villena Le seul nom de Platon laisse d'ordinaire supposer une attitude de révérence envers celui qui, selon la tradition, a institué les canons de la méthode et de la pensée philosophique ; Platon est reconnu, présenté comme le philosophe par excellence, auréolé d'un immense prestige et d'une autorité qui n'ont cessé de croître au fil du temps et que nul ne s'aviserait de contester. De sorte que l'absence de tout déterminant ou élément annexe et complémentaire au nom propre n'a rien ici qui puisse étonner, dans le même temps il faut toutefois reconnaître que cette conc1s10n extrême du titre renforce l'impression de statue du Commandeur qui se dégage de ce seul nom. Cette impression, loin d'être infirmée, se voit renforcée au contraire par la structure du poème qui est tout entier bâti et sur la rigueur formelle et sur l'extériorité. Pour ce qui est de la rigueur formelle, elle est manifeste dès le tout premier vers structuré sur un parallélisme (hypozeuxe) des plus stricts, « Arno el Amor y am6 la Belleza », construction qui joue à la fois sur la syntaxe, sur le rythme, le lexique, le sémantisme. De surcroît, les allitérations doublées par les assonances (a- 6) viennent encore renforcer l'impression d'un discours répétitif et cadencé. D'entrée de jeu, tout est bien à sa place, tout est défini et ordonné sagement dans le vers, la structuration extrêmement marquée de la formulation ne laisse aucune place à la diversité, à l'improvisation, à la fantaisie ou au mélange des genres. La norme est édictée. Le caractère normatif, répressif, est suggéré constamment au long du texte par une écriture fondée sur l'idée centrale de férule, de règle, de discipline, laquelle est fort logiquement introduite en toute fin de phrase : « sofiaba en ... imponer al boy estricta disciplina.» Le dualisme de la pensée platonicienne est, de manière très évidente, dénoncé par la binarité de la forme ; ce ne sont que parallélisme et répétitions jAhi estaba la vida! Y él sofi6 una vida mas pasional y exacta. jAhi flotaba la luz! Y él llen6 su sonido de significados. De la carne hizo un templo, de lajuventud Un raro gamo alado; Del entender el mundo una caverna Piena de genios y sonidos y sistros de mi rada ... HISP. XX - 22 - 2005 303 Claudie TERRASSON études sur la mélancolie, Jackie Pigeaud 1 traite de cette conception dualiste qui, en s'imposant, a écarté la notion d'unité, de l'un, le monisme des pré-socratiques. Or toute l'œuvre de Villena affirme le refus de quitter ce monde en dépit de la boue et des ténèbres, elle affirme le désir et l'ivresse poussée jusqu'au paroxysme; le je poétique ne cesse de revendiquer la jouissance de l'instant, la plénitude de la sensation, de toutes les sensations, et non pas de la seule contemplation, celle que Diotime évoque devant Socrate « Tel est dans la vie, mon cher Socrate, le moment digne entre tous d'être vécu: celui où l'on contemple la beauté en elle-même »2 • Le poème « Platôn » présente de plus le philosophe au soir de sa vie (comme c'est le cas de bien d'autres portraits dans le recueil, portraits de personnages connus, Titien, Gongora, Cervantès ou portraits d'anonymes, ce qui s'inscrit bien entendu dans la tradition léguée par l' Antiquité) ; c'est un constat d'échec qui est présenté, comme en écho, il sera répété ultérieurement dans le portrait d'Epicure intitulé« Viviendo en peligro » 3 . Un pas de plus est franchi dans l'éloignement avec le platonisme; le poème nous décrit, non sans ironie, le philosophe Epicure, « amasijo de huesos », se lamentant en sa vieillesse et se prenant à regretter tous les plaisirs auxquels il renonça par souci de tempérance, « El habia sido frugal y casto/ y transcurrido un humilde vivir entre templanza y lejania ». On objectera bien entendu que revendiquer la démesure, « arrojo », « frenesi », c'est prendre des risques, risquer de perdre l'équilibre et de connaître la chute, c'est risquer de se rendre esclave de ses sens et de ses passions. Tel est le point de vue de la raison raisonnante et raisonnable, c'est celui de toute la philosophie post-socratique. Mais le sujet lyrique le conteste ou tout au moins il inverse l'argument dans son évocation d'Epicure car, en entendant les jeunes gens,« Oia los arrebatos de los que retornaban borrachos/ de las casas permisivas », notre philosophe en vient à se demander, « i_.lmporta? ... i_.Qué importa que el éter vuelva al éter,/ cuando y cômo? » 1 Jackie Pigeaud, colloques sur la Mélancolie, CRIN!, Université de Nantes, avril 2001, avril 2002, actes réunis par Jocelyne Bourligueux, sous presse. Voir aussi l'introduction et les notes de Cicéron, Le Bien et le Mal, De finibus, Ill, Paris: Les Belles Lettres, « Classiques en poche». Introduction à Aristote, l'homme de génie et la mélancolie, Paris: Petite bibliothèque Rivages, 1988. 2 Platon, le banquet, op. cil., p. 74. 3 Luis Antonio de Villena, « Viviendo en peligro » in Asuntos de delirio /989-/996, Madrid: Viser, 1996, p. 59. 306 HISP. XX - 22 - 2005 La poésie de Luis Antonio de Villena Dans le recueil suivant Las herejias privadas 1 de 2001, le mal est clairement désigné, identifiable: l'intolérance et les souffrances qu'elle entraîne. Ce mal est omniprésent, représenté constamment comme pour mieux être exorcisé. Le sous-titre du livre, lnfancia y dano en un pequeno pais oscurecido, suggère que le mal apparaît toujours sous une couleur précise, le noir: c'est le noir du deuil qui enferme les femmes, les dissimule, les cloître de leur vivant, « i,Cuàntos afios tenian las viejas de negro?/ .. ./Mujeres y abuelas de permanente Negro »2. C'est surtout le noir de l'obscurantisme, l'obscurantisme de l'Espagne des années sans fin de la dictature franquiste « Todo era negro. Negro el color de la vida. /Ancianas bru jas de la Espafia negra » 3, mais au-delà, c'est celui de toutes les intolérances, qu'elles soient idéologiques, raciales, sociales ou sexuelles. Enfin le noir est la couleur de la tache d'infamie qui marque les dissidents et réfractaires qui se retrouvent en situation d'exclusion, de condamnation et que la morale désigne les mettant à l'index, « habian logrado ... mancharme de mi mismo hasta lo abyecto »4 Jusque-là, somme toute rien de bien nouveau, mais en réalité, le sujet lyrique ne se contente pas de dénoncer cet obscurantisme que bien d'autres avant lui ont dénoncé ; il inverse les normes, il rejette ainsi la vision chrétienne issue du platonisme qui identifie la Beauté et le Bien, autrement dit le corps et le Mal, il réfute la condamnation (la mal-édiction) qui s'attache au corps depuis le Banquet, texte où il est instauré comme un dogme et une vérité que la beauté des corps n'est qu'une sous-catégorie de la Beauté supérieure à laquelle l'homme ne peut accéder qu'une fois qu'il s'est libéré de la sujétion des sens, des passions, notamment du désir. C'est bien pourquoi, lorsqu'à la fin de la somme poétique, La belleza impura, le sujet lyrique énonce « Mataron a S6crates. El amor no fue carne >/ la phrase résonne comme une sentence pour tous les dissidents et les exclus. On peut envisager de considérer que La belleza impura forme une étape qui voit le sujet lyrique s'éloigner progressivement du système de rationalité construit par Platon. Il est inutile de souligner combien les titres des recueils ultérieurs disent crûment l'hétérodoxie du sujet lyrique, la subversion des codes et des normes. Après avoir jeté les divers masques portés auparavant, le 1 Luis Antonio de Villena, las Herejias privadas, op. cil. 2 « Mujeres de Zu\oaga y de Solana», ibid, p. 29. 3 Ibid 4 « Infancias y suicidios », in las herejias privadas, op. cit., p. 49. 5 «Platon», in La belleza impura, op. cit., pp. 352-353. HISP. XX - 22 - 2005 307 Claudie TERRASSON sujet lyrique se présente désormais sous les traits des condamnés et des perdants, « yo siempre preferi a los perdedores,/ a los otros, a los dafiados. (Decian, los malos) » 1 , mais l'amorce de ce vers sonne comme un défi, elle nous indique clairement que, loin de subir son sort, le sujet lyrique le revendique, qu'il affiche sa différence, bien plus, sa dissidence. Il se produit une prise de conscience qui lui permet d'inverser la norme morale, de se poser en immoraliste : « Los desahuciados por el infame reino del Bien. Saberme en el mal/ me devolvio entonces a la bondad de la vida 2 ». Il en vient à critiquer alors la légitimité et la validité de cette norme morale postulée comme seule et unique vérité ; il introduit le doute et il la conteste en réitérant sa question « l Y qué es la verdad?/ Dicit ei Pilatus: Quid est veritas? » La subversion de l'épisode biblique et, au­ delà, du dogme chrétien est ici totale, il brise ce dogme religieux qui symbolise et résume toutes les intolérances, ce dogme qui représente le mal absolu car il est la violence et la mort qui n'ont cessé de se produire en tout temps et en tout lieu, contre toute forme de différence, contre tout écart stigmatisé comme déviance : Por la verdad -por esa verdad- yo seria acusado. Por esa verdad moririan los Sioux. Por esa verdad caerian los romanos Y tantos como yo veria rodar, en los dias y en la Historia, Distintos, malos, lujuriosos, maliciosos, Gente de otra laya y otra grey. Nos dijeron: 'Dios os condena' Y los insultos se abrieron. Bueno, pero yo aun no lo sabia. i,lntuici6n, belleza, otra diferente busqueda del Bien?3 Les répétitions obsédantes, la litanie ainsi creee renvoient à la souffrance, au mal éprouvé par tous les condamnés. La dernière question reprend par ailleurs une série d'interrogations que se fait à lui-même le sujet lyrique et dans lesquelles il tente de comprendre d'où lui est venue la connaissance du bien et du mal : 1 « Pelîculas de Romanos »,in Las herejias privadas, op. cit., p. 53. 2 « lnfancias y suicidios », ibid.., p. 49. 3 « Pelîculas de Romanos», ibid., p. 54. 308 HISP. XX - 22 - 2005 La poésie de Luis Antonio de Villena ceux qui laissaient entrevoir une connaissance qui n'excluait pas le sensible , « el poema es un acto del cuerpo ». L'art réalisait le mythe du sud, ou plutôt ce qu'il en restait, « su ideal, el helenismo como proyecto vivo, el humanismo que nos presenta el arte » 1 • Or, comme le relève avec pertinence Juan Antonio Gonzalez Iglesias, outre que le solarium du recueil initial désigne déjà la mort, puisque c'est la terrasse où le roi monte pour mourir, la poésie de Villena surprend par l'absence de l'amour, « la ausencia arrasadora del amor », la tonalité en est fondamentalement tragique ce qui fait dire au critique : « Cr6nica también del desamparo, toda esta poesia » 2 . Le texte qui clôt le dernier recueil poétique de Villena ne semble pas dire autre chose: Desequilibrios soy yo siempre. l,Por qué no decirlo? Entre sublimidades, muertes y precipicios soy yo -unicamente yo- el protagonista de todos estas sonetos, desasosegados, lunares, nocturnos y coma su ejecutor, siempre discipulos de Hermes: dios, hermano, mi tahur predilecto ... L.A. deV. Enero-2004 La question que pose un tel texte est celle du prix à payer, question à laquelle une autre voix, elle aussi disciple d'Hermés, répond : Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.3 1 Luis Antonio de Villena,« El mito del sur», A la contra, op. cil., p. 102. 2 Juan Antonio Gonzâlez lglesias, « La estética disidente de un poeta pagano », introduction à l'anthologie de Villena, Alejandrias, (antologia 1970-2003), op. cit., pp. 23-24. 3 Charles Baudelaire, « Recueillement» ( 1861 in Revue européenne), Les Fleurs du Mal, op. cil., 1991, p. 235. HISP. XX - 22 - 2005 311
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