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La question de la jeunesse dans une anthologie poétique d'Arthur Rimbaud (1869 et 1872), Notes de Littérature française

Typologie: Notes

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Télécharge La question de la jeunesse dans une anthologie poétique d'Arthur Rimbaud (1869 et 1872) et plus Notes au format PDF de Littérature française sur Docsity uniquement! LA QUESTION DE LA JEUNESSE DANS UNE ANTHOLOGIE POÉTIQUE D’ARTHUR RIMBAUD (1869 ET 1872) Lady Yohana Acosta Valencia. Février 2017. Universidad del Valle. Escuela de ciencias del lenguaje. Lic. En lenguas extranjeras inglés - francés 1 Illustration par Daniel Santoro 4 JeUNESSE..... einen neneeenreenens 49 5 INTRODUCTION Del Rimbaud que traficó en Abisinia no nos resta nada merecedor de recuerdo; del adolescente que se desangró sobre los filos de un imposible queda la obra más viva y más honda de la poesía moderna. (Cortázar, 1941) La passion et la révolte ce sont des caractéristiques de la jeunesse. Rimbaud les vit intensément en imprégnant sa poésie d'extase. Son œuvre poétique est le reflet d'une vie changeante et vagabonde qui constitue l'exemple fidèle du poète bohème qui vit son écriture. Son passage à travers le monde de l’écriture est vertigineux et malgré sa jeunesse, il réussit à proposer un changement dans les lettres de son temps. Ainsi, en défiant les mouvements littéraires qu'il admire, Rimbaud construit un style particulier remarquable tant pour les générations à venir que pour les écrivains de son temps. Dans le cadre de cette démarche littéraire, la quête de liberté est un des symboles de la jeunesse, une jeunesse qui se caractérise par la quête des nouvelles expériences : l’amour, le voyage ou la pauvreté, deviennent donc la source d'inspiration de ses textes (poèmes, prose et lettres). De ce point de vue, ce mémoire de Licence vise à analyser les éléments linguistiques associés au champ sémantique de la jeunesse dans un corpus de douze poèmes qui se trouvent dans le recueil Poésies. Pour ce faire, l'on se concentrera sur les isotopies depuis la perspective de la sémantique structurelle. Ce type d'étude permet d'identifier les idées concrètes liées à la thématique de la jeunesse, exprimées dans les poèmes et de mieux saisir le sens de l'œuvre. 6 1. JUSTIFICATION Dans le domaine de la littérature, il existe la possibilité d’étudier différents aspects de l’œuvre : esthétiques, linguistiques, sociaux et historiques. Ce mémoire de Licence propose une analyse des isotopies et des motifs littéraires liés à la question de “la jeunesse” en tant qu´axe thématique d'un corpus de poèmes de Rimbaud. Ce type d'étude me permet de mettre en pratique ma connaissance de la langue française et les acquis de théorie littéraire développés dans les cours de “literatura en francés VIII y IX” tout en relevant des traits caractéristiques de l'œuvre. Cela aboutit à une meilleure compréhension et mise en valeur de l'œuvre étudiée. De plus, l´on trouve que ce travail peut complémenter le panorama d'études rimbaldiennes, étant donné qu'il y a beaucoup d'études qui portent sur un poème d'un recueil. En revanche, il n'y en a pas beaucoup qui portent sur un corpus précis de textes dans le but de dégager une problématique. Or dans le champ de la sémantique interprétative, les études portant sur un texte poétique sont peu nombreuses. C'est pourquoi, l'on croit que ce mémoire est un exercice intéressant d'analyse qui peut servir de point de départ pour d'autres étudiants ou chercheurs qui voudraient également articuler les études littéraires avec celles de la linguistique du texte. Par rapport à la thématique choisie, je voudrais dire que c'est un sujet de mon intérêt, avec lequel je m'identifie pleinement. Pendant la lecture des différents recueils, je me suis retrouvée dans cet esprit de liberté et de curiosité qui caractérise l'étape de la jeunesse non seulement comme une époque de la vie mais comme un état d'âme où la pensée et les passions s’épanouissent. 9 Dans cette recherche, l'on trouve un parcours historique de la vie d'Arthur Rimbaud focalisé sur la première période de sa vie en relation avec son œuvre. Les éléments biographiques présentés par Xiang, ainsi que les réflexions à propos de l’influence du professeur Georges Izambard en tant que mentor et son influence sur la création d'un style littéraire caractérisé par l'esprit de liberté, le voyage, les fugues et la vie vagabonde deviennent alors, une référence fondamentale, d'après l'auteur, pour comprendre les concepts développés dans chaque poème. Dans ce sens, l’auteur s'interroge sur : “comment, d’une part, limiter la référence à la vie de Rimbaud et réagir contre l’interprétation de son œuvre par sa vie et, d’autre part, réagir contre l’usurpation, ou la banalisation du texte poétique au profit de l’explication de sa vie, tandis que l’existence de Rimbaud explique toujours certains effets de sa création poétique et celle-ci, en retour, le modèle, au fur et à mesure qu’elle se lit ? ” (p.109). Afin d´y répondre, l’auteur s’attarde sur des poèmes comme Sensation ou Le bateau ivre, pour définir le style particulier de Rimbaud et sa manière de créer. Par rapport à cela, il affirme : Ses poèmes, surtout de l’année 1871, montrent le souci constant d’introduire en poésie des mots nouveaux empruntés aux argots, et dialectes, aux terminologies scientifiques, ou inventés par lui-même. Ainsi s’effectue-t-elle l’alchimie du verbe, ou bien, la chimique poétique” (p. 137). Finalement, sur le plan biographique, l’auteur analyse le passage de la poésie à la vie “de nègre” et la connexion que le poète établit avec d'autres cultures lors de ses voyages, dans le but de poursuivre une analyse qui rende compte de l’arrivée des influences européennes en Chine. En somme, Xiang affirme que “des premières fugues d’adolescent jusqu’aux aventures réalisées en Afrique et en Arabie, Rimbaud, l'homme aux semelles de vent, est toujours en marche, en action” (p.169). 10 3. OBJECTIF 3.1 Objectif général • Analyser le concept de jeunesse dans un corpus de 12 poèmes d'Arthur Rimbaud, à la lumière de la perspective de la sémantique interprétative de François Rastier. 3.2 Objectifs spécifiques • Déterminer les isotopies et les motifs littéraires liés à la question de la jeunesse. • Identifier les images qui représentent ce concept. • Réfléchir à propos de la relation entre la jeunesse, en tant que concept, et la personne du jeune Rimbaud. • Comprendre le processus de construction des images et des figures qui se rapportent au domaine de la jeunesse dans le corpus. 11 4. APPROCHE THÉORIQUE 4.1 La jeunesse Depuis la fin du XIXème siècle le concept d’adolescence, entendu comme l’entrée à la jeunesse, a obtenu l’attention des auteurs et leur considération, d'où les nombreuses études sur les aspects physiques, sociaux et psychologiques de cette étape de la vie, qui datent de cette époque-là. Au XXème siècle, ces recherches ont été poursuivies également mais de façon plus systématique. C'est pourquoi, l'on trouve un grand nombre d'études qui portent sur le développement des différentes thématiques liées à des situations qui concernent “la jeunesse”. Par exemple, Erikson (1972) fait référence à la formation de l’identité dans l’adolescence. Pour cet auteur, le stade psychosocial où les personnes commencent leur développement en tant que jeunes comporte un processus dénommé Identité versus Confusion des rôles (12-18 ans), qui se caractérise par une quête d’identité : La formation de l’identité commence là où cesse l’utilité de l’identification. Elle surgit de la répudiation sélective et de l’assimilation mutuelle des identifications de l’enfance ainsi que de leur absorption dans une nouvelle configuration qui, à son tour, dépend du processus grâce auquel une société (souvent par l’intermédiaire de sous-sociétés) identifie le jeune individu en le reconnaissant comme quelqu’un qui avait à devenir ce qu’il est. (Erikson 1972, p. 167) Le jeune commence à prendre en compte l’image des autres, et non seulement celle de ses parents, pour construire sa personnalité. Dans ce processus, l'on envisage un avenir où il deviendra adulte. Par ailleurs, la construction de l’ego, compris comme la reconnaissance des aspects propres liés à la personne, permet à l’individu de forger son caractère depuis l'enfance malgré les conflits internes qui en découlent : Ce que j’ai appelé identité du moi embrasse bien plus que le simple fait d’exister, ce serait plutôt la qualité existentielle propre à un moi donné (the ego quality of this existence). Envisagée sous son aspect subjectif, l’identité du moi est la perception du fait qu’il y a une similitude-avec-soi-même et une continuité jusque dans les processus de synthèse du moi, ce qui constitue le style d’individualité d’une personne, et que ce style coïncide avec la similitude et la continuité qui font qu’une personne est significative pour d’autres, elles-mêmes significatives, dans la communauté immédiate (Idem, pp.48-49). 14 vers devient un mystère exploré par le poète, de structure surtout libre et parfois dépourvu des rimes. Quant à Rimbaud, comète de la littérature il a fréquenté les milieux symbolistes sans réellement s’y intégrer, adhérer à leur dogmes, ni servir de modèle. Son goût de la provocation le rapproche des Décadents alors que sa volonté de découvrir de nouveaux horizons poétiques loin du réel s’accorde aux tendances poétiques symbolistes (Idem p. 130). 4.3 Sémantique interprétative La sémantique interprétative est une théorie issue de la sémantique structurelle qui cherche à intégrer les aspects sémantiques avec la dimension pragmatique du langage. C'est pourquoi, François Rastier propose des questions telles que: “que fait-on lorsque l'on lit un texte ?, quels sont les éléments qui permettent de le configurer en tant qu'unité de sens ? ” (Rastier, 1987 p.9). Dans un cadre micro, méso et macro, la sémantique interprétative prend des unités de sens afin d'analyser leur usage au sein du texte. Cette analyse se développe à partir de concepts tels que: sème (afférente ou inhérente), isotopie et sémème, en fonction de la relation entre les mots et un sujet général. Sans postuler une linguistique textuelle autonome, il s’agit de décrire le texte comme une région de l’objet linguistique, en précisant sa spécificité et ses relations avec les paliers de l’énoncé et du comme une région de l’objet linguistique, en précisant sa spécificité et ses relations avec les paliers de l’énoncé et du morphème. Pour rendre compte de la cohésion textuelle, il faut élaborer des concepts comme celui d’isotopie, qui ne soient pas directement dépendants des structures syntaxiques et restent donc indifférents à la prétendue limite de la phrase (Idem p. 9-10). Tout en tenant compte le concept de cohésion textuelle, Rastier reprend la notion d´isotopie, en tant qu´unité qui se développe au-delà des catégories linguistiques qui analysent la phrase. Le terme isotopie a été introduit par Greimas, auteur qui l'a emprunté des sciences physiques afin d´expliquer l'homogénéité de sens compte tenu d'un contexte précis. Ainsi, dans le but de l'analyse, il s'agit de distinguer les isotopies figuratives et thématiques qui se trouvent liées à la thématique principale du texte. Ceci dit, Rastier propose de travailler avec le concept d'isotopie sur le plan du contenu et sur le plan de l'expression. De ce fait, il définit cette notion comme: “un ensemble redondant de catégories sémantiques qui rend possible la lecture uniforme du récit, 15 telle qu'elle résulte des lectures partielles des énoncés et de la résolution de leurs ambiguïtés qui est guidée par la recherche de la lecture unique” (A. J. Greimas, 1970 p. 30). L’analyse isotopique comporte une détermination des éléments observables plus spécifiques appelés sèmes dont la répétition de ces éléments dans un contexte forment une classe générale qui déterminera les isotopies et alors nous laisse observer les champs sémantiques composants de l'œuvre. Interpréter un texte inclut alors, le considérer comme un processus dont on considère les éléments et sa relation entre eux et avec le contexte, cette relation offre au lecteur une compréhension du texte et une sensation d'unité dans la signification des idées. Le contenu d’une classe sémantique est composé par des sèmes et groupé dans des isotopies. Situés sur les plans du contenu et d’expression du texte, les sèmes sont considérés comme des éléments qui constituent les sémèmes. La signification d’un sème se présente uniquement en relation (de ressemblance ou d'opposition) avec des autres sèmes du texte Les sèmes (unités minimale de signification) qui font partie d’une isotopie quelque soit le type, peuvent être classifiés en sèmes inhérents (Si), s’ils ont un rapport directe au signifié représenté dans l’isotopie, et en sèmes afférents (Sa), s'ils sont compris uniquement dans le contexte apporté par le texte. Ce sont quelques éléments desquels Rastier se sert pour proposer une théorie d’analyse du texte littéraire. Le texte littéraire comporte beaucoup d’outils pour connaitre une langue et ainsi son peuple et sa culture, il est plein des grandes concepts et également des petits détails qui mènent au lecteur à découvrir les idées non seulement explicites mais aussi celles contenues dans un niveau plus profond d’analyse qui exige des stratégies pour leur compréhension. Dans le cas du texte poétique il y a des catégories d’analyse dans chaque texte qui se composent de l’usage de figures littéraires et de la récurrence des certaines références sur des différents sujets qui créent la perception d’unité d'expression dans le texte. 16 5. LE JEUNE RIMBAUD. Fils de Frédéric Rimbaud, une figure absente, et de Vitalie Cuif, une femme disciplinée et sévère, Jean Nicolas Arthur Rimbaud naît le 20 Octobre 1854 dans un village qui pour lui sera trop petit et qu’il appelle “Charlestown” (Roca, 1999, p. 4). page 10. Découragé au désespoir, timide et tête basse, Rimbaud mène une vie d’ennui où déplore le manque d’émotion dans son environnement. Chez lui les spontanéités ne sont pas autorisées. Il est également entouré par la discipline, le christianisme et l’austérité. Le petit garçon trouve plaisir à écrire. Cela se reflète dans une performance exceptionnelle dans les études où il remporte différents concours de poésie avec ses compositions en latin. L’œuvre de Rimbaud, remontant à la période de son extrême jeunesse, c’est-à-dire 1869, 70, 71, est assez abondante et formerait un volume respectable. Elle se compose de poèmes généralement courts, de sonnets, triolets, pièces en strophes de quatre, cinq et de six vers. Le poète n’emploie jamais la rime plate. Son vers, solidement campé, use rarement d’artifices. Peu de césures libertines, moins encore de rejets. Le choix des mots est toujours exquis, quelquefois pédant à dessein. La langue est nette et reste claire quand l’idée se fonce ou que le sens s’obscurcit. Rimes très honorables. (Verlaine, 1888 p. 21) En 1970, Rimbaud, grâce à son professeur de littérature, découvre l’œuvre de Victor Hugo. Plus tard, sa tête s’ouvre à plusieurs possibilités qui présentent d’autres auteurs, non seulement de la poésie ancienne et moderne, mais aussi de la révolution. Ainsi, quelque chose change pour toujours à l’intérieur du soi, Rimbaud trouve, dans l’écriture des autres la réponse à ses préoccupations et l’humeur par l’expression des idées de jeunesse de liberté et de rébellion. Charles Baudelaire, lui marque particulièrement, étant donné que Rimbaud sent qu’il est identifié avec son mode de vivre la poésie et sa relation avec la réalité du poète. Il se sent qu’il doit explorer tout et même le plus laid de l’être humain. Prévisiblement, Rimbaud doit chercher sa destination ailleurs et puis il s’enfuit. Paris, Douai (France), Londres, Charleroi (Belgique), la rue, la prison, le train… Rimbaud marche en cherchant à satisfaire une envie de poésie. Ses voyages ne sont jamais luxueux. Avec 16 ans, il commence sa traversée qui ne finira jamais. Une et autre fois il retourne chez lui pour retrouver une envie de partir chaque fois plus forte en tant que son corps se consomme à cause de la pauvreté et le vagabondage. 19 Puis l'enfant Jésus devient un jeune garçon, un ouvrier travailleur, sage et fort, qui malgré son âge, est prêt à faire les sacrifices que “le destin” lui a infligé. Dans ce poème, Rimbaud attribue aux jeunes, à travers l'image de Jésus, une sagesse supérieure à celle des personnes plus âgées. En 1870 le désir de liberté et d'exploration du monde naturel sont repris dans le poème 3 “Sensation”. Ce petit texte de huit vers contient essentiellement trois isotopies: fuite, liberté et pauvreté. Le bohémien auquel Rimbaud fait référence dans ce poème est quelqu'un de libre et indépendant. En effet, l'on retrouve encore la figure du jeune garçon qui profite de la nature, qui rêve, qui est libre. De plus, le jeune Rimbaud commence à envisager la vie “bohème” comme un projet d'avenir, un programme de bonheur dans lequel il se déplace dans la nature et le monde est à lui. La jeunesse est conçue encore dans un cadre printanière et celle-ci est toujours liée à l'idée de liberté, d'espace ouvert, de mouvement, de rêverie dans le cadre du printemps. Dans le quatrième poème Soleil et chair, Rimbaud récrée des personnages de la nature, comme le soleil et les animaux, et des êtres de la mythologie, afin de revenir encore une fois sur le sujet de la jeunesse et de la fécondité de la nature. L'on trouve huit références à l’isotopie de l’âge associées aux éléments de l’environnement. De la même façon, et en égal proportion, les évocations aux notions de liberté et de pauvreté liées à la question de la jeunesse sont présentes afin d'exprimer l'idée de la nostalgie des temps où l’homme se trouvait plus connecté avec la nature. Rimbaud évoque le motif du soleil en tant que foyer de vie et l´associe avec l'éclat, la joie et l'esprit jeune. Cette démarche littéraire consolide l'idée du printemps et de l´été comme les saison de “la jeunesse”. Ce poème montre également une prise de distance et du recul par rapport à cette étape de la vie. L'on a l'impression que le jeune poète n'est plus jeune et regrette ces temps- là, lorsque la grand saison de la “jeunesse” lui procurait du bonheur et de la liberté. La structure de ce poème correspond, à la différence des autres poèmes analysés, à un schéma de métrique classique de 14 syllabes. Dans le poème cinq, intitulé Première soirée, l'on se trouve face à l’exploration de la sexualité. Une des isotopies retrouvée dans le texte est la passion étant donné que le jeune Rimbaud, semble être très intéressé aux expériences romantiques qui passe par la découverte du corps et les sensations propres de l´amour. Le poème rend compte donc de la “première” (si l'on tient 20 compte du titre) rencontre sexuelle qui semble devenir perpétuelle: le poète reprend le premier quatrain à la fin du texte, démarche narrative qui donne l'impression que l'histoire recommence. Ce poème initiatique suggère une idée de jeunesse liée à la notion de découverte et d'exploration de l'amour et de la sexualité. De nouvelles sensations deviennent alors l'objet de l'expérimentation et une nouvelle source de joie et liberté. Le texte a une structure classique composée par des quatrains et des ennéasyllabes. Ensuite, les propositions d'un adolescent amoureux et la réponse indifférente de l'être aimé déclenche le lyrisme dans le sixième poème de ce corpus. Les reparties de Nina présentent trois isotopies: amour, passion et fuite. Ce poème ressemble beaucoup au précédent car il raconte également, l'expérience d'une rencontre amoureuse et la jouissance du moment. Cependant, dans ce texte, il s´agit de l´amour ainsi que de la rupture car “Nina” va et vient systématiquement. Cette figure intermittente soumet le poète dans une sorte d'incertitude qui le dérange. Dans ce poème, Rimbaud propose une opposition entre la campagne, lieu du plaisir, solitude et liberté où se déroule les rencontres; et le village, lieu de travail et des tâches quotidiennes où l'on est entouré de gens. En effet Nina semble se perdre lorsqu'elle doit se rendre en ville après les rencontres campagnardes. Elle semble devenir une image floue lorsqu'elle quitte la campagne et s'intègre dans les foules citadines. À la fin, le texte laisse entendre que l'avenir des deux amants et incertain et que malgré l'intérêt de l'homme pour revoir la femme, celle-ci ne s'y intéresse pas. Cette situation devient frustrante pour l'esprit du narrateur-personnage. Ensuite Roman est un poème qui aborde la question de l’âge, une des isotopies principales du texte. La première expression qui attire notre attention aux premiers vers et qui d'ailleurs apparaît à plusieurs reprises tout au long du poème est: “dix-sept ans”. En 1870 Rimbaud avait 15 ans (presque 16). Dans ce poème d'initiation en alexandrins, le narrateur assume le rôle de l'amoureux naïf qui se promène lorsqu'il fait beau tout en profitant de la ville et de ses endroits pour s'amuser. L'image du jeune correspond à celui qui veut être libre pour se promener, pour aimer, qui ne prend rien au 21 sérieux, qui est prêt a la découverte de nouvelles expériences. Dans cette perspective, l'importance de sensations dans l'évocation des lieux récrées dans le poème devient capital. À nouveau, Rimbaud reprend l'idée du printemps et de l´été en tant que synonyme de jeunesse et liberté (car l'on peut sortir grâce au beau temps). L´on trouve ainsi un texte rempli des sèmes qui constituent l’isotopie nature comme des images flamboyantes qui mènent au jeune au plaisir de la saison. Tels que c´est le cas dans certains poèmes précédents, la période de la jeunesse est associée aux premières rencontres amoureuses. Dans ce poème, l'ivresse des émotions déclenchée par la découverte de l'amour est présente sous la forme d'une construction romanesque qui se voit frustrée avec l'arrivée de l'automne. Ceci marque la fin du vagabondage et des échanges amoureux, autrement dit du roman Dans le huitième poème analysé, intitulé Ma Bohème, l'on trouve les isotopies correspondant à la pauvreté, à l’âge, à la fuite et à la révolte. Rimbaud met en scène un jeune personnage sensible et bohème qui “écoute les étoiles” et qui vit en harmonie avec la nature. L'on met l'accent sur le fait que la bohême est un style de vie qui permet au poète d'établir une connexion directe avec la nature, qui devient d'ailleurs sa maison. Ce style de vie l'éloigne évidemment des amarres de la société de l'époque: pas de famille, pas de soucis d'argent, pas de travail, etc. Le fait d'adopter cette forme de vie “bohème” donne au poète la possibilité de s'adonner à son imagination et de consacrer tout son temps à la création littéraire. À la fin du texte, l'on a l'impression de trouver une espèce de prémonition à propos de ce qui arrivera à Rimbaud dans sa jambe gauche, plus tard en Afrique. Un an plus tard apparaît le poème Le bateau ivre. En 1871 Rimbaud a 17 ans. Dans ce texte le poète semble se comparer avec un bateau à la dérive qui voyage par des eaux inconnues qui, tout en étant révoltées, lui donnent une sensation de liberté. D'où le sentiment de révolte et d´incertitude évoqués dans le poème par rapport aux nouveaux paysages. De ce point de vue, le concept de jeunesse se caractérise par le goût de l'expérimentation poétique et par le goût du voyage, un voyage qui marque le passage de l'enfance à l'adolescence. D'ailleurs, il y a des références directes aux enfants et leur imaginaire enfantin ainsi que des 24 La sémantique interprétative et l’analyse du corpus 's ém èm es ' // jeunesse// /isotopies/ /âge/ /liberté/ /amour/ /passion/ /nature/ /pauvret é/ /révolte /fuite/ 'ingénuité physique' Si 'rien t’arrête' Sa 'plein des fleurs' Sa 'fort déshabill ée' Si 'printemp s' Si 'poches crevées' Si 'noir ennui' Sa 'longues errances' Si 'adolesce nce' Si 'rien ne t’arrête' Sa 'c’est l’amour' Si 'ta poitrine sur ma poitrine' Sa 'vaste plaine' Sa 'unique culotte' Si 'le temps' Sa 'membres fatigués' Si 'cette enfance' Si 'plus hautes aspiratio ns' Sa 'rayon buissonni er' Sa 'virginité' Si 'miracles de la terre' Si 'au bord des routes' Sa 'éloigné de l’étude' Si 'au bord des routes' Si 'oisive' jeunesse Si 'frappé de stupeur' Sa 'mouche au rosier' Sa 'grande chaise' Sa 'contempl ation' Sa 'large trou' Si 'l’école rebutante' Si 'laisse' Si 'cœur d’enfant' Si 'éveillé' Sa 'muet d’amour' Si 'boirais' Sa 'été' Sa 'bohémie n' Sa 'tu seras poète' Sa 'esprit épuisé' Si 'l’enfant' Si 'aux cieux sont parties' Sa 'amoureu se' Si 'baiser qui la fait rire' Si 'le soleil brillant' Sa 'l’homme est triste et laid' Sa 's’élance de son front' Si 'saisis l’occasio n' Sa 'croissait en âge' Si 'laisse' Sa 'ton amant' Si 'malinem ent' Si 'plein de fleurs' Sa 'habits puant' Si 'pas sérieux' Si 'ailes' Sa 'mirent à rosir' Sa 'sentirai la fraîcheur à mes pieds' Sa 'amoureu se' Si 'la première audace permise' Sa 'nuit de juin' Sa 'être courtisan e' Sa 'on se laisse griser' Sa 'j’irai dans les sentiers' Si 25 'bras enfantins' Si 'le vent baigne ma tête nue' Sa 't’aime' Si 'chair de fleur' Sa 'concert des oiseaux' Si 'poches crevées' Si 'les poings' Sa 'j’irai loin, bien loin' Si 'puberté tardive' Si 'je regrette les temps' Sa 'le cœur fou' Sa 'petite morte' Sa 'une couronne de laurier' Sa 'unique culotte' Si 'fleuves impassibl es' Sa 'irions' Si 'jeune ouvrier' Si 'relever sa tête libre et fière' Si 'charmant s' Si 'palpitant e' Sa 'rayons du soleil' Si 'large trou' Si 'tohu- bohus' Sa 'flânant' Si 'frêle roseau' Sa 'l’air est parfois si doux' Sa 'cavatines ' Si 'oiseau' Sa 'soirs bleus d’été' Si 'grande- ourse' Sa 'tempête' Sa 'au ciel mi-noir' Sa 'robe blanche tachée' Sa 'ferme la paupière' Sa 'amoureu x' Si 'noisetier' Sa 'herbe menue' Si 'souliers blessés' Si 'sans regretter l’œil' Sa 'mon bureau' Sa 'antique jeunesse' Si 'j’ai dansé' Sa 'ton féal' Si 'dans ta bouche' Sa 'la vallée' Si 'ne me sentis plus guidé' Sa 'me lava' Sa 'on va' Si 'mûre' Si 'je me suis baigné dans le poème de la mer' Sa 'amours splendide s' Si 'ton corps' Sa 'eau de fleuve' Si 'heurté' Sa 'soleil bas' Sa 'la ville n’est pas loin' Sa 'jaunes crimes' Si 'bleuités' Sa 'oh là là' Sa 'il n’est plus chaste' Si 'arbres verts' Si 'bateau perdu' Sa 'j’ai vu' Sa 'robinson ne' Sa 'un petit enfant' Si 'rêvé' Sa 'prairie amoureus e' Si 'tiens !' Si 'mère nature' Si 'maigres doigts' Si 'querelles ' Si 'm’en allais' Si 'jouant sur ses 'ailé' Sa 'rousseur s amères 'les saveurs 'splendeu r de la 'lune atroce' Sa 'paletot idéal' Sa 26 genoux' Sa de l’amour' Si de sa peau' Sa riche nature' Si 'la première beauté' Sa 'libre' Si 'cœurs s’éprenne nt' Si 'lèvre d’en bas' Si 'laurier- rose' Si 'soleil amer' Sa 'j’allais sous le ciel' Si 'l’homme naît si tôt' Sa 'fileur éternel' Sa 'veuvages ' Sa 'hombre si lente au bas du ventre' Si 'ciel silencieu x' Si 'devoir' Sa 'bord des routes' Sa 'la vie est si brève' Sa 'regrette' Sa 'tirons- nous la queue' Sa 'bon matin bleu' Si 'répugnan ces' Sa 'je tirais les élastique s' Sa 'un enfant le corps nu' Sa 'aubes' Sa 'frambois e et fraise' Si 'suait d’obéissa nce' Sa 'insoucie ux de tous équipage s' Sa 'fleurit sa chevelure ' Sa 'papillon de mai' Sa 'le soir' Si 'tics noirs' Sa 'les fleuves m’ont laissé' Sa 'dix-sept ans' Si 'fraîcheur des latrines' Sa 'bons soirs de juin' Si 'hypocrisi es' Sa 'courus' Si 'cher petit' Si 'livrant ses narines' Sa 'azur sombre' Si 'tirait la langue' Sa 'suivi' Sa 'petite sœur ' Si 'des visions écrasant son œil' Sa 'petite branche' Si 'deux poings' Sa 'cataracta nt' Sa 'baiser' Si 'liberté ravie' Si 'mois d’août' 'fronts nus' Sa 't’exiles' Sa 29 CONCLUSIONS Le concept de jeunesse chez Rimbaud se construit sur la base d'une poétique qui comporte des éléments issus de la nature et des émotions humaines. Pour Rimbaud, le paysage campagnard est le meilleur décor pour le développement de l'esprit du jeune poète. D'où l'opposition récurrente entre lieux fermés et lieux ouverts : les premiers ce sont des endroits problématiques où l’on exerce un type de contrôle qui emprisonne l'âme du poète, comme dans l’école ; les deuxièmes ce sont des endroits où l'on peut contempler la nature, se mettre en harmonie avec le paysage et l'articuler avec une rêverie créatrice qui aboutit à un état de liberté absolue. À la campagne l'on peut vivre la jeunesse telle que Rimbaud la conçoit : une période d'exploration et d'ouverture, de curiosité et de liberté, une liberté que se traduit dans la possibilité de se consacrer à la création littéraire sans se soucier des contraintes sociales. Cette idée d´une vie décontractée est entièrement consacrée à la poésie se matérialise dans la “bohème”. Également, la jeunesse chez Rimbaud est représentée comme une période de la vie dans laquelle l'on découvre l'amour et la passion. C'est l'étape des premières rencontres amoureuses et sexuelles. Ceci évoque un ensemble de sensations liées aux plaisirs du corps et à la liberté, ce qui se traduit par une joie de vivre. Cette joie passe par la possibilité de se déplacer et de se promener dans la quête de nouvelles expériences sensorielles qui deviendront les sources d´inspiration poétique. Par ailleurs, Rimbaud conçoit la jeunesse comme un voyage initiatique qui marque le passage de l'enfance à l'adolescence. Ce voyage devient possible grâce au goût de l'expérimentation et la curiosité systématique qui se développe à cet âge-là. Il s'agit d'un déplacement dans le temps et dans l'espace qui entraîne une révolte intérieure qui le mène à faire face à sa vocation de poète et à parcourir de nouveau horizons grâce au déclenchement de la puissance créatrice qui s'empare de lui. C'est donc pendant la jeunesse que l'on construit une identité, une identité de poète qui se démarque de tous les maux de la société afin de s'imposer comme un devoir, comme le seul destin possible. 30 Références Aguillon, B. (2012). Impassible n’est pas Rimbaud : étude sur les différences entre la poésie d’Arthur Rimbaud et la poésie parnassienne de 1870 à 1871 (Mémoire de Master 1 “ Master Arts, Lettres, Langues”. Pau, France: Université de Pau et des Pays de l’Adour . Barbachano, C. J. (1984, abril). Dossier Rimbaud. Quimera(37), 29-44. Cortázar, J. (1941). Obra crítica volumen 2 (éd. Jaime Alazraki 1994). Buenos aires, Argentina: Alfaguara. Debesse, M. Adolescence,1942, p. 7 en CNRTL: Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (2012). Ortolang: Outils et Ressources pour un Traitement Optimisé de la Langue. Consulté le Octobre 7, 2016, sur Lexicographie: Jeunesse: http://www.cnrtl.fr/definition/jeunesse. Erikson, E. (1972). Adolescence et crise. Dans E. 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Prose “Jeunesse” - (Illuminations) 34 Il reprit alors son ouvrage commencé ; et sa mère en silence et toute pâle, tourne son blanc visage à terre, réfléchissant beaucoup, et de nouveau portant sur son fils ses yeux tristes : “Grand Dieu, que ta sainte volonté soit faite !” Sensation Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l’herbe menue : Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue. Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : Mais l’amour infini me montera dans l’âme, Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la Nature, – heureux comme avec une femme. Soleil et chair I Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie, verse l’amour brûlant à la terre ravie, Et, quand on est couché sur la vallée, on sent Que la terre est nubile et déborde de sang ; Que son immense sein, soulevé par une âme, Est d’amour comme dieu, de chair comme la femme, Et qu’il renferme, gros de sève et de rayons, Le grand fourmillement de tous les embryons ! Et tout croît, et tout monte ! – ô Vénus, à Déesse ! Je regrette les temps de l’antique jeunesse, Des satyres lascifs, des faunes animaux, Dieux qui mordaient d’amour l’écorce des rameaux Et dans les nénuphar baisaient la Nymphe blonde ! Je regrette les temps où la sève du monde, L’eau du fleuve, le sang rose des arbres verts Dans les veines de Pan mettaient un univers ! 35 Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre ; Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre Modulait sous le ciel le grand hymne d’amour ; Où, debout sur la plaine, il entendait autour Répondre à son appel la Nature vivante ; Où les arbres muets, berçant l’oiseau qui chante, La terre berçant l’homme, et tout l’Océan bleu Et tous les animaux aimaient, aimaient en Dieu ! Je regrette les temps de la grande Cybèle Qu’on disait parcourir gigantesquement belle, Sur un grand char d’airain, les splendides cités ; Son double sein versait dans les immensités Le pur ruissellement de la vie infinie. L’Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie, Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux. – Parce qu’il était fort, l’Homme était chaste et doux. Misère ! Maintenant il dit : Je sais les choses, Et va, les yeux fermés et les oreilles closes. – Et pourtant, plus de dieux ! plus de dieux ! L’Homme est Roi, L’Homme est Dieu ! Mais l’Amour voilà la grande Foi ! Oh ! si l’homme puisait encore à ta mamelle, Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle ; S’il n’avait pas laissé l’immortelle Astarté Qui jadis, émergeant dans l’immense clarté Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume, Montra son nombril rose où vint neiger l’écume, Et fit chanter Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs, Le rossignol aux bois et l’amour dans les cœurs ! II Je crois en toi ! je crois en toi ! Divine mère, Aphrodité marine ! – Oh ! la route est amère Depuis que l’autre Dieu nous attelle à sa croix ; Chair, Marbre, Fleur Vénus, c’est en toi que je crois ! – Oui, l’Homme est triste et laid, triste sous le ciel vaste, Il a des vêtements, parce qu’il n’est plus chaste, Parce qu’il a sali son fier buste de dieu, Et qu’il a rabougri, comme une idole au feu, Son corps Olympien aux servitudes sales ! Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles Il veut vivre, insultant la première beauté ! – Et l’Idole où tu mis tant de virginité, Où tu divinisas notre argile, la Femme, Afin que l’Homme pût éclairer sa pauvre âme. Et monter lentement, dans un immense amour 36 De la prison terrestre à la beauté du jour, La Femme ne sait plus même être Courtisane ! – C’est une bonne farce ! et le monde ricane Au nom doux et sacré de la grande Vénus ! III Si les temps revenaient, les temps qui sont venus ! – Car l’Homme a fini ! l’Homme a joué tous les rôles ! Au grand jour fatigué de briser des idoles Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux, Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux ! L’Idéal, la pensée invincible, éternelle, Tout le dieu qui vit, sous son argile charnelle, Montera, montera, brûlera sous son front ! Et quand tu le verras sonder tout l’horizon, Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte, Tu viendras lui donner la Rédemption sainte ! – Splendide, radieuse, au sein des grandes mers Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers L’Amour infini dans un infini sourire ! Le Monde vibrera comme une immense lyre Dans le frémissement d’un immense baiser ! – Le Monde a soif d’amour : tu viendras l’apaiser. ô ! L’Homme a relevé sa tête libre et fière ! Et le rayon soudain de la beauté première Fait palpiter le dieu dans l’autel de la chair ! Heureux du bien présent, pâle du mal souffert, L’Homme veut tout sonder – et savoir ! La Pensée, La cavale longtemps, si longtemps oppressée S’élance de son front ! Elle saura Pourquoi ! ... Qu’elle bondisse libre, et l’Homme aura la Foi ! – Pourquoi l’azur muet et l’espace insondable ? Pourquoi les astres d’or fourmillant comme un sable ? Si l’on montait toujours, que verrait-on là-haut ? Un Pasteur mène-t-il cet immense troupeau De mondes cheminant dans l’horreur de l’espace ? Et tous ces mondes-là, que l’éther vaste embrasse, vibrent-ils aux accents d’une éternelle voix ? – Et l’Homme, peut-il voir ? peut-il dire : Je crois ? La voix de la pensée est-elle plus qu’un rêve ? Si l’homme naît si tôt, si la vie est si brève, D’où vient-il ? Sombre-t-il dans l’Océan profond Des Germes, des Fœtus, des Embryons, au fond De l’immense Creuset d’où la Mère-Nature Le ressuscitera, vivante créature, Pour aimer dans la rose, et croître dans les blés ? ... 39 – Pauvrets palpitants sous ma lèvre, Je baisai doucement ses yeux : – Elle jeta sa tête mièvre En arrière : “Oh ! c’est encor mieux ! ... Monsieur, j’ai deux mots à te dire…” – Je lui jetai le reste au sein Dans un baiser, qui la fit rire D’un bon rire qui voulait bien... – Elle était fort déshabillée Et de grands arbres indiscrets Aux vitres jetaient leur feuillée Malinement, tout près, tout près. Les reparties de Nina LUI – Ta poitrine sur ma poitrine, Hein ? nous irions, Ayant de l’air plein la narine, Aux frais rayons Du bon matin bleu, qui vous baigne Du vin de jour ?… Quand tout le bois frissonnant saigne Muet d’amour De chaque branche, gouttes vertes, Des bourgeons clairs, On sent dans les choses ouvertes Frémir des chairs : Tu plongerais dans la luzerne Ton blanc peignoir, Rosant à l’air ce bleu qui cerne Ton grand oeil noir, Amoureuse de la campagne, Semant partout, Comme une mousse de champagne, Ton rire fou : 40 Riant à moi, brutal d’ivresse, Qui te prendrais Comme cela, – la belle tresse, Oh ! – qui boirais Ton goût de framboise et de fraise, O chair de fleur ! Riant au vent vif qui te baise Comme un voleur ; Au rose, églantier qui t’embête Aimablement : Riant surtout, ô folle tête, À ton amant !…. ……………………………………………….. – Ta poitrine sur ma poitrine, Mêlant nos voix, Lents, nous gagnerions la ravine, Puis les grands bois !… Puis, comme une petite morte, Le coeur pâmé, Tu me dirais que je te porte, L’oeil mi-fermé… Je te porterais, palpitante, Dans le sentier : L’oiseau filerait son andante Au Noisetier… Je te parlerais dans ta bouche.. J’irais, pressant Ton corps, comme une enfant qu’on couche, Ivre du sang Qui coule, bleu, sous ta peau blanche Aux tons rosés : Et te parlant la langue franche – ….. Tiens !… – que tu sais… Nos grands bois sentiraient la sève, Et le soleil Sablerait d’or fin leur grand rêve Vert et vermeil 41 ……………………………………………….. Le soir ?… Nous reprendrons la route Blanche qui court Flânant, comme un troupeau qui broute, Tout à l’entour Les bons vergers à l’herbe bleue, Aux pommiers tors ! Comme on les sent tout une lieue Leurs parfums forts ! Nous regagnerons le village Au ciel mi-noir ; Et ça sentira le laitage Dans l’air du soir ; Ca sentira l’étable, pleine De fumiers chauds, Pleine d’un lent rythme d’haleine, Et de grands dos Blanchissant sous quelque lumière ; Et, tout là-bas, Une vache fientera, fière, À chaque pas… – Les lunettes de la grand-mère Et son nez long Dans son missel ; le pot de bière Cerclé de plomb, Moussant entre les larges pipes Qui, crânement, Fument : les effroyables lippes Qui, tout fumant, Happent le jambon aux fourchettes Tant, tant et plus : Le feu qui claire les couchettes Et les bahuts : Les fesses luisantes et grasses Du gros enfant Qui fourre, à genoux, dans les tasses, 44 Comme des lyres, je tirais les élastiques De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur ! Le bateau ivre Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. J’étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands ou de cotons anglais. Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais. Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l’autre hiver plus sourd que les cerveaux d’enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants. La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots ! Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures, L’eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin. Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d’astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend ; Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rythmes lents sous les rutilements du jour Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l’amour ! Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : je sais le soir, L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes, Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir ! 45 J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très-antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets ! J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs ! J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l’assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs ! J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux ! J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant ! Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises ! Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés des punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums ! J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants. – Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants. Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux... Presque île, ballottant sur mes bords les querelles Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds. Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir à reculons ! Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses 46 N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ; Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d’azur ; Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ; Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l’Europe aux anciens parapets ! J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : – Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t’exiles, Million d’oiseaux d’or à future Vigueur ? - Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes. ô que ma quille éclate ! ô que j’aille à la mer ! Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai. Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, à lames, Enlever leur sillage aux porteurs de cotons, Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons. Les poètes de sept ans Et la Mère, fermant le livre du devoir S’en allait satisfaite et très fière, sans voir Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences, L’âme de son enfant livrée aux répugnances. 49 J’ai tant fait patience Qu’à jamais j’oublie ; Craintes et souffrances Aux cieux sont parties. Et la soif malsaine Obscurcit mes veines. Ainsi la Prairie À l’oubli livrée, Grandie, et fleurie D’encens et d’ivraies Au bourdon farouche De cent sales mouches. Ah ! Mille veuvages De la si pauvre âme Qui n’a que l’image De la Notre-Dame ! Est-ce que l’on prie La Vierge Marie ? Oisive jeunesse À tout asservie, Par délicatesse J’ai perdu ma vie. Ah ! Que le temps vienne Où les cœurs s’éprennent ! Jeunesse I Dimanche Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel et la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit. - Un cheval détale sur le turf suburbain, et le long des cultures et des boisements, percé par la peste carbonique. Une misérable femme de drame, quelque part dans le monde, soupire après des abandons improbables. Les desperadoes languissent après l'orage, l'ivresse et les blessures. De petits enfants étouffent des malédictions le long des rivières. - Reprenons l'étude au bruit de l'œuvre dévorante qui se rassemble et remonte dans les masses. II Sonnet Homme de constitution ordinaire, la chair n'était-elle pas un fruit pendu dans le verger ; - ô journées enfantes ! - le corps un trésor à prodiguer ; - ô 50 aimer, le péril ou la force de Psyché ? La terre avait des versants fertiles en princes et en artistes et la descendance et la race vous poussaient aux crimes et aux deuils : le monde votre fortune et votre péril. Mais à présent, ce labeur comblé, - toi, tes calculs, - toi, tes impatiences - ne sont plus que votre danse et votre voix, non fixées et point forcées, quoique d'un double événement d'invention et de succès + une raison, - en l'humanité fraternelle et discrète par l'univers, sans images ; - la force et le droit réfléchissent la danse et la voix à présent seulement appréciées. III Vingt ans Les voix instructives exilées... L'ingénuité physique amèrement rassise... - Adagio - Ah! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant... - Un chœur, pour calmer l'impuissance et l'absence ! Un chœur de verres, de mélodies nocturnes... En effet les nerfs vont vite chasser. IV Tu es encore à la tentation d'Antoine. L'ébat du zèle écourté, les tics d'orgueil puéril, l'affaissement et l'effroi. Mais tu te mettras à ce travail : toutes les possibilités harmoniques et architecturales s'émouvront autour de ton siège. Des êtres parfaits, imprévus, s'offriront à tes expériences. Dans tes environs affluera rêveusement la curiosité d'anciennes foules et de luxes oisifs. Ta mémoire et tes sens ne seront que la nourriture de ton impulsion créatrice. Quant au monde, quand tu sortiras, que sera- t-il devenu ? En tout cas, rien des apparences actuelles.
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