Docsity
Docsity

Prépare tes examens
Prépare tes examens

Étudies grâce aux nombreuses ressources disponibles sur Docsity


Obtiens des points à télécharger
Obtiens des points à télécharger

Gagnz des points en aidant d'autres étudiants ou achete-les avec un plan Premium


Guides et conseils
Guides et conseils

LA SEANCE DE « LECTURE ANALYTIQUE » AU COLLEGE, Résumés de Littérature

Analytique, méthodique : les deux épithètes avaient fini par l'emporter sur le mot « lecture », et transformer le texte en « prétexte » (vous connaissez l' ...

Typologie: Résumés

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

Laurent_BB
Laurent_BB 🇫🇷

4.5

(52)

91 documents

Aperçu partiel du texte

Télécharge LA SEANCE DE « LECTURE ANALYTIQUE » AU COLLEGE et plus Résumés au format PDF de Littérature sur Docsity uniquement! AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 LA SEANCE DE « LECTURE ANALYTIQUE » AU COLLEGE A l’intention d’abord des stagiaires lauréates et lauréats des concours de Lettres. Vous êtes nombreux.ses chaque année à présenter une séance de lecture analytique lors de vos visites de conseil. Vous suivez tous.tes, peu ou prou, le canevas préconisé, à savoir, dans ses grandes lignes : lecture magistrale du texte / oral collectif : « qu’avez-vous compris ? ressenti ? » : recueil des propositions et impressions des élèves / questionnement plus pointu destiné à faire émerger certains éléments d’analyse littéraire / trace écrite. Pourtant vous n’êtes pas forcément très satisfait.e.s de votre séance. Peut-être vous semble-t-il par ailleurs (du moins certain.e.s d’entre vous l’ont exprimé) que les attentes divergent, d’un formateur à l’autre, d’un tuteur à l’autre. Dans l’espoir de lever certains malentendus, je vous propose donc une mise au point, dont il me semble important pour vous de préciser qu’elle a été validée par Madame Isabelle Niveau, IA-IPR de Lettres. Tout ce qui suit est directement inspiré de pratiques de classe vécues en tant qu’enseignante autant qu’observées au cours de ces dernières années. Il s’agit donc ici de réexaminer le Prescrit au regard du terrain, des problèmes rencontrés et des questions soulevées par les enseignants. J’essaierai également de faire quelques propositions. AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 MAIS QU’EST-CE QU’UNE « LECTURE ANALYTIQUE » ? QUELQUES MISES AU POINT Une première remarque s’impose, qui mérite réflexion : en 2020, le terme a pour ainsi dire disparu des textes officiels. Au collège : une seule occurrence dans les Programmes de cycle 4 (version 2018), concernant les deux approches possibles de l’œuvre intégrale (« en lecture analytique ou cursive »). Au lycée, on parle désormais de « lecture expliquée », en l’occurrence sur un mode linéaire. Que déduire de cette évolution terminologique ? Voilà plusieurs années déjà qu’est dénoncée la dérive techniciste qui préside en gros depuis les années 70 à l’enseignement de la littérature. Vous souvenez-vous du temps pas si lointain de la « lecture méthodique » ? Analytique, méthodique : les deux épithètes avaient fini par l’emporter sur le mot « lecture », et transformer le texte en « prétexte » (vous connaissez l’expression) : prétexte à définir tel genre, tel mouvement littéraire, à explorer tel procédé de style, tel fait de langue… Simple « support », donc. Quant à nous, professeurs de Lettres, cette perspective nous convenait, et d’autant mieux si nous avions suivi un cursus universitaire suffisamment poussé. Nous étions dans notre élément. Nous avions également gagné le sentiment d’enseigner en quelque sorte une « science exacte », une méthode, des outils, des stratégies, bref, tout ce qui fonde une discipline honorable. De nombreux signaux d’alerte ont pourtant été lancés quant aux conséquences de cette technicisation. La première étant la suivante : disparition du texte en lui-même, dans sa singularité, dans sa chair et son humanité, dans son inévitable subjectivité. Disparition qui en entraîne une autre : celle de la réception elle aussi forcément subjective, émotive avant toute analyse, celle du lecteur en tant que personne. Je ne vais pas m’arrêter sur ce point, à explorer en formation, et que les experts ont développé de façon lumineuse. Cf entre autres l’article d’Anne Vibert : https://eduscol.education.fr/lettres/im_pdflettres/intervention-anne-vibert-lecture-vf-20-11-13.pdf. Toujours est-il que ce qui nous a donné un jour le goût de la lecture, à nous professeurs de Lettres1, ce ne sont pas les méthodes et outils, ce n’est pas la connaissance du mouvement littéraire, mais bel et bien ce sentiment que tel livre, ses personnages, ses aventures, son univers, sa vision de la vie, les émotions déclenchées (rire ou pleurer à la lecture d’un roman, quand par miracle nos élèves en font l’expérience, c’est gagné !) … nous concernaient personnellement et de façon singulièrement vivante. D’où la question du « sujet lecteur », actuellement au centre de l’enseignement de la littérature, qui implique que soit encouragée au maximum la relation la plus directe qui soit entre le texte et l’élève. Les « entrées humaines » qui président depuis 2015 aux Programmes de littérature au collège vont très clairement dans ce sens. 1 Il est vrai aussi, mais c’est rare, que certains d’entre nous se sont découvert un goût pour la littérature sur le tard et par le biais de l’analyse. AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 Et pourtant, nos élèves aiment avoir peur, ressentir des émotions fortes. Que penser d’une séance dont l’objectif est de mettre en évidence les finesses du sentiment amoureux, quand personne n’a strictement rien compris au poème ? Et pourtant, nos élèves savent ce que c’est, être amoureux. Etc. Donc : un peu de logique et de bon sens ! Il ne s’agit pas de renoncer aux notions littéraires, mais de leur donner sens en s’assurant au préalable que le texte a été compris, que les émotions qui en émanent ont été ressenties, ou du moins pressenties. Les procédés sont des moyens, des outils. Ils servent à communiquer au plus juste, au plus près. Jamais un poète n’a écrit « pour faire des métaphores ». (Si, à vrai dire, mais ce n’est pas ce que la poésie a produit de plus beau). Et au lycée ? Là tout devient effectivement beaucoup plus compliqué. A priori, si tout allait comme dans le meilleur des mondes qui de toute évidence n’est pas le nôtre, nos collègues de lycée pourraient avec bonheur entrer dans la « lecture analytique » à proprement parler. Le sens littéral, cela va de soi, serait d’emblée compris par tous. Les émotions que l’auteur a voulu transmettre, sinon ressenties, du moins identifiées. Nous pourrions alors entrer dans le détail et les subtilités des connotations, du discours indirect libre, de la narratologie, et vivre avec les élèves ces moments tellement géniaux qui effectivement donnent beaucoup de sens à notre métier, ces moments où, précisément, c’est l’analyse proprement littéraire qui permet non seulement d’éclairer mais souvent de dépasser le sens proprement littéral. Mais ça ne se passe que rarement comme ça. D’accord, s’ils ont suivi une scolarité normale, ils voient à peu près ce que signifient schéma narratif, situation d’énonciation ou didascalie, mais… beaucoup de lycéens lisent encore avec difficulté, ne comprennent pas ce qu’ils lisent… n’ont jamais lu un livre, n’ont jamais pris plaisir à lire un livre, n’ont jamais ni ri, ni pleuré, ni réfléchi à leur propre existence à la lecture d’aucun texte ! Vous mesurez l’ampleur du problème ? Il faudrait donc réfléchir logiquement en termes de progressivité et nous poser pour objectif qu’à la fin du collège : tous nos élèves sachent lire fluidement, comprennent ce qu’ils lisent, et aient pris goût à la lecture. C’est déjà énorme. Tous les autres apprentissages peuvent se construire ultérieurement. Pour ma part je crois n’avoir découvert qu’à l’université bien des notions actuellement au programme de troisième. Pour en revenir au lycée, ajoutons le décalage, noté chaque année, entre ce qu’on nous demande d’éveiller chez les élèves et les modalités concrètes d’évaluation le jour des examens terminaux de l’EAF, lesquelles prouvent surtout que certains examinateurs en sont restés à des critères pourtant officiellement obsolètes. AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 LE DEROULEMENT D’UNE « SEANCE-TYPE » La première remarque va vous décevoir : il n’y a pas de modèle unique, pas de scénario applicable à tout texte, toute classe, en toutes circonstances et à tous niveaux. Un simple exemple : on n’abordera pas de la même manière l’incipit d’une œuvre intégrale que les élèves découvrent et les extraits étudiés par la suite. De la sixième à la classe de première, des variantes aussi, vous vous en doutez. Toutefois, nous allons dégager quelques principes. Certains d’entre eux sont de l’ordre du « non- négociable », mais la plupart soulèvent des questions, appellent des nuances, ouvrent à des variations et des adaptations. Reprenons dans l’ordre les « passages obligés », et interrogeons-les pas à pas. 1. LA PREMIERE LECTURE DU TEXTE, PRISE EN CHARGE PAR L’ENSEIGNANT (la « lecture magistrale ») Variantes : - Version audio - Lecture préparée en amont par deux ou trois élèves (d’autant plus quand il y a dialogues) D’une manière ou d’une autre : l’entrée orale est privilégiée. POURQUOI ? Pour ne pas exclure d’emblée les élèves qui ont encore des difficultés à lire (au sens « déchiffrage » du terme), et ils sont nombreux au collège. Cette démarche nous permet aussi de distinguer des compétences que trop souvent nous confondons au quotidien des cours, à savoir : - LIRE - CONSTRUIRE UNE CULTURE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - COMPREHENSION ORALE Il est clair que le scénario préconisé permet essentiellement de travailler les deux dernières compétences, auxquelles va venir s’en ajouter une troisième : L’EXPRESSION ORALE. OUI, MAIS… o Tous les textes ne se prêtent pas à une lecture magistrale. Exemple : un récit où interviennent différents personnages au discours direct ; une scène de théâtre… Là, au contraire, la lecture magistrale peut égarer les élèves. Autant projeter une captation vidéo, ou encore, comme mentionné ci-dessus, faire préparer la lecture par deux ou trois élèves. AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 Souvenir d’une séance où l’enseignant avait entrepris de lire à haute voix une planche de bande-dessinée ! Bref : faisons d’abord appel à notre logique, une fois de plus. o Tous les groupes ne l’exigent pas. Dans une classe où nous savons que tous les élèves peuvent être considérés comme « normo-lecteurs », cette procédure, sans être évacuée, n’a pas lieu d’être systématisée. Les moments de « lecture offerte » ne sont pas à éliminer pour autant mais peuvent trouver leur place à d’autres moments (en fin de séance, en fin de semaine… ) et avec d’autres objectifs. o Enfin, un point très important. Mener la séance essentiellement à l’oral permet d’y associer les élèves en difficulté de lecture, et c’est bien. MAIS il faut aussi que ces élèves se confrontent à un moment ou à un autre au texte écrit, faute de quoi : comment progresseraient-ils en ce domaine ? On peut : • Vidéo-projeter le texte • Lire le début et laisser les élèves continuer en autonomie, en binômes si besoin • Ménager un moment spécifique qui oblige à lire véritablement (nous y reviendrons). 2. LE DEBAT ORAL COLLECTIF au cœur de la séance de la lecture analytique POURQUOI ? - Explorer, construire ou re-construire progressivement le sens du texte, collectivement, c’est permettre à tous les élèves de s’en emparer. C’est aborder la littérature comme un partage auquel chacun est invité à apporter sa propre pierre et non comme un objet d’étude plus ou moins sacralisé dont l’accès ne serait réservé qu’aux happy few. - Il s’agit de faire ensemble et oralement ce qu’il faudra un jour savoir faire seul et « dans sa tête », devant le texte écrit. - Dans une perspective « socio-constructiviste », c’est faire l’expérience du travail collaboratif : on réfléchit mieux et on va plus loin à plusieurs que tout seul. - On observera en effet : ▪ des réactions en grappe autour d’une remarque initiale (confirmation, contradiction, approfondissement, prolongement) ; ▪ des réactions en chaîne, par associations d’idées ; ▪ ou encore en étoile, fusant dans diverses directions… - On observera aussi que certains élèves vont d’emblée être sensibles à certains d’aspects du texte, d’autres à d’autres aspects. Tel détail resté inaperçu à tous va frapper un élève en particulier… et pas forcément le « meilleur de la classe ». Différentes « postures de lecteur » (Cf Dominique Bucheton – explication dans l’article d’Anne Vibert) entrent en jeu : il y a celui qui remarque d’abord les caractéristiques formelles du texte, celui qui est surtout sensible aux sentiments et motivations des AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 … Et les notions d’analyse littéraire, encore une fois ?? les programmes ? Ou, plus simplement : comment passer d’une réception personnelle et subjective à une lecture (un peu) savante, (un peu) distanciée ? Un exemple (authentique) en guise de réponse. Voici le texte, étudié en 4ème - entrée dans la séquence – aucune idée de ce qu’est le lyrisme, etc. Baden, 1er septembre 1834 Voilà huit jours que je suis parti et je ne t’ai pas encore écrit. J’attendais un moment de calme, il n’y en a plus. Je voulais t’écrire doucement, tranquillement, par une belle matinée, te remercier de l’adieu que tu m’as envoyé, il est si bon, si triste, si doux : ma chère âme, tu as un cœur d’ange. Je voudrais te parler seulement de mon amour, ah ! George, quel amour ! Jamais homme n’a aimé comme je t’aime. Je suis perdu, vois-tu, je suis noyé, inondé d’amour ; je ne sais plus si je vis, si je mange, si je marche, si je respire, si je parle ; je sais que je t’aime. Ah ! si tu as eu toute ta vie une soif de bonheur inextinguible, si c’est un bonheur d’être aimée, si tu ne l’as jamais demandé au ciel, oh ! toi, ma vie, mon bien, ma bien-aimée, regarde le soleil, les fleurs, la verdure, le monde ! Tu es aimée, dis-toi, cela autant que Dieu peut être aimé par ses lévites, par ses amants, par ses martyrs ! Je t’aime, ô ma chair et mon sang ! Je meurs d’amour, d’un amour sans fin, sans nom, insensé, désespéré, perdu ! Tu es aimée, adorée, idolâtrée jusqu’à en mourir ! Et non, je ne guérirai pas. Et non, je n’essaierai pas de vivre ; et j’aime mieux cela, et mourir en t’aimant vaut mieux que de vivre. Je me soucie bien de ce qu’ils en diront. Ils disent que tu as un autre amant. Je le sais bien, j’en meurs, mais j’aime, j’aime, j’aime. Qu’ils m’empêchent d’aimer ! A.M. L’enseignant lit le texte à haute voix. Il précise à la fin qu’A.M. sont les initiales d’Alfred de Musset (ce qui ne dit absolument rien aux élèves). « Je vous écoute ». Silence. « Allez… chacun d’entre vous a forcément une chose à dire sur ce texte. » Réponses progressivement obtenues : « C’est nul – Il en fait trop – Il exagère – Il ment – Il la manipule, il dit ça pour qu’elle revienne - C’est fleur bleue – C’est cucul – Il se répète – Moi j’aime bien, c’est beau – C’est comme une poésie – Il y a comme des vers – C’est romantique – C’est de l’amour courtois ? – C’est une vraie lettre ? – C’est une lettre – Il y a le lieu et la date – C’est où Baden ? – Il y a la signature – Il manque la fin on dirait – Il lui dit « tu » - C’est une relation intime - C’est une lettre de rupture – Il lui dit adieu – Non, c’est une déclaration d’amour – C’est les deux – C’est une lettre d’amour – C’est elle qui le trompe – George c’est un homme, il écrit à un homme – Il est homo ! – (ah, ah, ah) - George est une femme ? – Il écrit à George - Le destinataire c’est George – C’est un makoumè ! – (ah, ah, ah, ah, ah, ah) - Mais non George c’est une femme – Celui qui dit « je » s’appelle Alfred – C’est l’expéditeur – C’est une vraie lettre alors ? – Il est fou en tout cas – On dirait qu’il crie tout le temps – Il pleure – Il pleure trop - Il est désespéré – C’est un chagrin d’amour – il est « limbé » - C’est sentimental – C’est hyper sentimental ! - Moi j’aime bien – (ah, ah, ah) – C’est un vieux texte non ? Les hommes aujourd’hui ils sont plus AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 comme ça – (Ah ah ah ah) - Il m’énerve – C’est « ennuyant » - Il dit une seule chose : je t’aime, je t’aime, je t’aime – C’est monotone – Il pense qu’à ça, c’est une obsession – C’est un obsédé - (ah, ah, ah) - Il est fou amoureux – C’est l’amour fou – C’est la passion – La passion ça fait mal - Une passion douloureuse – La maladie d’amour – On dirait une chanson – Un zouk love – (ah, ah, ah) - Il veut mourir pour elle – Elle est comme un Dieu pour lui – Un ange - C’est du n’importe quoi - Il la met sur un piédestal - Il y a plein de métaphores - Mais George c’est un prénom d’homme, non ! - C’est une vraie lettre ? – Celui qui m’écrit une lettre comme ça, j’appelle la Police, moi ! – (ah, ah, ah )- Il fait peur – Un amour effrayant – Il va se suicider ou quoi ? - Il est ridicule – C’est trop beau, c’est poétique. » Que faire de tout ça ?? D’abord clarifier les points qui font débat, et qui vont justifier que le texte soit distribué et lu. - George : homme ou femme ? - Lettre de rupture ou déclaration d’amour ? (Accusé de réception d’une lettre d’adieu, qui dit en même temps que l’amour survit à la rupture, mais qu’il n’est sans doute plus réciproque). - Une vraie lettre ? (Pour répondre à cette question, il faudra faire une petite recherche biographique à la maison). Mais ce que je souhaitais avant tout mettre en évidence, c’est qu’avec leurs mots à eux, et à travers leurs « digressions » apparentes, les élèves ont finalement (et collectivement) perçu l’essentiel. En termes d’analyse littéraire, nous pouvons aisément en arriver à : - Une lettre, sa présentation et sa situation d’énonciation spécifique : un « je » qui s’adresse à un « tu » - Une lettre d’amour, d’amour fou, exalté (voire outrancier il est vrai !) : exclamatives, répétitions, énumérations et gradations, hyperboles, femme sacralisée, comparaisons et métaphores… - Topoï : la maladie d’amour – Eros et Thanatos - le chevalier et sa « dame » - romantisme, héritage courtois (fin’amor) - Lyrisme : musicalité, vers blancs, répétitions, rythme… 3. LA TRACE ECRITE La trace écrite nous obsède généralement. C’est compréhensible : c’est l’aboutissement mais aussi la mémoire de ce qui a été fait en classe, et d’une certaine manière la « preuve » … que nous avons travaillé. Je vais rappeler quelques principes, en m’appuyant sur l’exemple précédent (la lettre de Musset à George Sand). - La trace écrite doit être une synthèse issue des propositions des élèves. En l’occurrence, en quatrième, nous pourrions avoir un premier écrit : « C’est la lettre écrite par un homme fou d’amour à la personne qu’il aime. ». AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 - Celle-ci peut être formulée sous forme de questionnement / projet de lecture / problématique. Au lycée notamment, on pourrait imaginer : « Comment s’exprime la passion amoureuse sous la plume d’un poète romantique » ? - MAIS il serait malvenu d’inscrire d’emblée ce type de questionnement (cette problématique) au tableau, comme « objectif de séance », avant même d’avoir procédé à la lecture du texte. Ce projet de lecture doit émaner des élèves. L’exemple de la lettre de Musset n’est qu’un exemple, certes, mais, moyennant les conditions énumérées plus haut, ça fonctionne. Il nous reste à synthétiser puis « traduire » en termes un tant soit peu littéraires. - La trace écrite implique aussi, et devrait surtout impliquer, les notes en marge, les repérages, surlignages, entourages, flèches diverses sur le texte lui-même. En l’occurrence : marqueurs du genre épistolaire / ce qui éclaire la situation d’énonciation (réponse à une lettre d’adieu ; je et tu ; George est une femme) / les figures de style / etc. - La trace écrite peut être pensée en deux temps. La première est formulée par les élèves. La seconde, après retour au détail du texte, va inclure des éléments (d’ordre terminologique en particulier) fournis par l’enseignant. En l’occurrence : hyperboles, répétitions, musicalité, lyrisme, romantisme. - Vous l’aurez remarqué : cette « étape 3 » en implique deux, en réalité, puisqu’elle inclut un retour au texte, un temps de découverte autonome du texte écrit préalablement écouté. o Ce moment est nécessaire à plusieurs titres : ▪ Pour préciser, clarifier, approfondir des points que l’approche orale n’a pas suffi à élucider. ▪ Pour permettre aux élèves faibles déchiffreurs… de s’exercer à déchiffrer… o Ce moment gagne à être différencié : ▪ Pourquoi poser la même question, demander la même recherche, à tous les élèves ? A un groupe, un axe à explorer. La mise en commun n’en sera que plus intéressante… et plus rapide. ▪ Aux faibles déchiffreurs, pour lesquels le simple fait de déchiffrer constitue déjà un gros effort, on peut demander par exemple de comptabiliser les occurrences du verbe « aimer » sous toutes ses formes… ou tout simplement de s’exercer à lire et relire « avec le ton » une phrase qu’ils estiment poétique, « jolie »… - La trace écrite finale n’aboutit pas forcément à un « PLAN » ! Au collège, c’est évident. Mais, même au lycée, la construction du « plan » relève d’une séance distincte, dont l’objectif est différent : on se prépare alors au commentaire écrit. Toutefois, vous noterez qu’une « bonne » trace écrite comprend implicitement ce qui pourrait constituer les différents axes d’un plan de commentaire EAF… ou d’une réponse à 10 points le jour du Brevet des collèges ! En l’occurrence, pour en revenir à Musset : « C’est la lettre écrite par un homme fou d’amour à la personne qu’il aime » peut conduire à quelque chose comme : AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 o On peut aussi opter pour des étapes intermédiaires. Par exemple, une fois que vous avez lu, voire relu le texte : • Laissez 5 minutes pour une réflexion en groupes de 3 à 4 élèves. Ceci est particulièrement bénéfique à ceux d’entre eux qui ont du mal à formuler quoi que soit à brûle-pourpoint. Ce peut être aussi dans certains cas le moment de passer par la langue maternelle. Ne censurez surtout pas, tant qu’au final la prise de parole se fait en français. Au fil du temps, vous pourrez désigner comme « rapporteurs » les élèves qui, précisément, ne disent jamais rien d’habitude. • La technique des « petits papiers » est également efficace, à condition que les élèves sachent écrire. Demandez-leur d’écrire en une ou deux phrases ce qu’ils ont compris, retenu, ressenti du texte lu. Deux minutes top-chrono, et c’est anonyme. On ramasse, vous lisez à haute voix. Vous avez un panorama global sur lequel rebondir oralement. Question 4 : Après le « Je vous écoute ! », faut-il écrire au tableau toutes les propositions des élèves ? La question semble franchement secondaire, pourtant j’ai pu noter que cette pratique (qui a toujours été la mienne) peut poser problème. A priori, c’est très bien. - La relecture de tous ces mots notés en vrac va permettre ensuite de catégoriser, mettre ensemble ce qui va ensemble, définir des axes, ou tout simplement aider à la synthèse personnelle (la trace écrite) ; - Les mots sont bien orthographiés, ce qui aide les élèves à rédiger leur synthèse (banque de mots) ; - A condition qu’on ait pris soin (et il le faut) de noter toutes les propositions, même celles qui nous semblaient incongrues. Soit on note tout, soit rien. Mais alors, il faut que l’enseignant ait la capacité d’identifier très vite le mot-clé et de le noter au tableau tout aussi vite. Sinon, la spontanéité, la fluidité de l’échange, indispensables en phase 2, se trouvent compromises. Demander à un ou deux élèves de se faire « secrétaires » à notre place ne fonctionne pas. Identifier le « mot- clé » ne va pas de soi, c’est même une compétence à part entière. De plus, les questions relatives à l’orthographe du mot à écrire interrompent sans cesse le débat. On peut aussi prendre en notes sur un calepin les propositions des élèves. En lycée notamment, cela nous permet une première structuration, à partir de leurs remarques, des points de convergence et divergence, des points obscurs repérés. En collège, l’ennui est que les élèves ne disposent plus de leur « banque de mots » au tableau. Quelle que soit l’option choisie, l’exercice exige de l’enseignant rapidité (d’écriture, de pensée) et grande disponibilité. Si vous avez réussi à vous mettre en retrait, dans la position du « passeur », à l’écoute en premier lieu, ce doit être possible. Si par contre vous avez en tête les questions à poser et le plan à fournir… alors effectivement cela devient beaucoup plus compliqué ! AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 Question 5 : Faut-il décidément renoncer à poser des questions ?? Et si oui : pourquoi donc ? Non, il ne s’agit pas de renoncer à tout questionnement. Mais de même que nos élèves doivent apprendre à réfléchir à leurs réponses, réfléchissons à nos questions. - Les questionnaires des manuels (ou trouvés sur internet) sont la plupart du temps inadaptés à nos élèves. Nous-mêmes pouvons nous trouver en difficulté devant certains d’entre eux. Nous avons pourtant les compétences et les connaissances requises, mais ceci prouve tout simplement ceci : tout questionnement implique une progression, une logique, qui n’est pas transférable à tout public et toute situation. Bref : c’est à nous de construire nos questionnements, au vu de ce que nous savons de nos élèves, de nos objectifs du jour et donc de ce qui a été fait en amont. - Le questionnement, qu’il soit écrit OU ORAL n’est pas une situation d’apprentissage mais d’évaluation. Certains élèves ont tout compris dès la première lecture, d’autres pas tout, d’autres rien du tout. Et donc ?... - Pire : il est même fréquent que les réponses fournies ne nous permettent même pas d’évaluer correctement la compréhension globale. - Nos questions sont autant de grilles qui font écran entre le lecteur et le texte, entravent la libre circulation de l’un à l’autre, dénaturent la relation en transformant prématurément le texte en objet d’étude scolaire… Le plaisir de lire, avec tout ce que le plaisir implique de liberté individuelle, s’en trouve lourdement compromis … Quels terribles constats ! Faut-il arrêter de poser des questions ? C’est dur quand-même ! C’est un peu la base autant que le suc de notre métier… Et après tout, la maïeutique de Socrate ne repose-t-elle pas sur le questionnement ? Le questionnement n’est-il pas pédagogique par essence ? Sans (certaines de) nos questions, il est clair que jamais nos élèves n’iraient au-delà de ce qu’ils peuvent percevoir tout seuls. Or notre mission est bien de les conduire au-delà de ce qu’ils peuvent percevoir tout seuls. Ou… peut-être juste de les aider à percevoir consciemment (et nommer) ce qu’au fond… ils pourraient percevoir tout seuls ?... Pour tout ce qui relève du sens littéral o « Je vous écoute. » Laissez-les parler, laissez-leur le temps de raconter, vous verrez qu’ils n’ont pas besoin de nos questions pour dire où/quand/qui/quoi/comment. Ou bien, c’est qu’ils n’ont pas compris, alors relisez (mieux), ou laissez-leur le temps de relire. On peut aussi : AnneClaire Renaudin – Septembre 2020 o Faire dessiner (Cf le début de Croc-Blanc, supra - Si de plus la « boîte » a la forme d’un cercueil, si un décor de neige est figuré, alors on sait déjà que notre élève est doté d’une culture qui lui permet de faire des inférences). o Faire jouer (cf le début de Tom Sawyer, supra) o Trouver le titre ou le résumé le plus adéquat parmi différentes propositions Pour ma part je préfère le résumé au titre. En effet, on peut toujours trouver plusieurs titres pour un texte. Par contre, seul un résumé convient. o Choisir, parmi une liste de mots, ceux qui correspondent le mieux à l’histoire lue Que proposeriez-vous pour l’incipit de Croc-Blanc ? Si l’on vraiment tester la compréhension des élèves, le mot NEIGE par exemple pourrait figurer (bien qu’il n’apparaisse pas dans le texte, et justement parce qu’il n’apparaît pas). Et pourquoi pas « BALLE DE TENNIS », rapport à ces fameuses raquettes3… Pour le reste (interprétations plus subtiles, a fortiori repérage de certaines notions d’analyse littéraire) : o Commencez par des questions qui engagent l’élève dans sa subjectivité : « Quel est le personnage que tu préfères ? Pourquoi ? » « Comment aurais-tu réagi à la place de tel personnage ? » « Est-ce qu’un passage de l’histoire te rappelle un souvenir personnel ?... un film ?... une autre histoire ?... » « Quelqu’un a-t-il gardé en tête une phrase ? Pourquoi ? » « Toi tu trouves que c’est beau ? Et toi ça t’énerve, tu trouves ça ridicule ? Pourquoi ?» Etc. o Comme déjà dit, les réponses serviront de base aux tâches de repérage et/ou justification que vous pourrez proposer ensuite, sur le texte écrit. Et les « notions d’analyse littéraire », les termes précis, vous pourrez alors, enfin, les apporter, les définir, les expliquer. *** 3 L’intérêt de ces deux derniers exercices (le bon résumé, les bons mots) est qu’il oblige mes faibles déchiffreurs, incapables de déchiffrer le texte de London, à LIRE malgré tout, quelques phrases… quelques mots.
Docsity logo


Copyright © 2024 Ladybird Srl - Via Leonardo da Vinci 16, 10126, Torino, Italy - VAT 10816460017 - All rights reserved