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Le concept de l’ombre collective appliqué à Roberto Zucco de B.M. Koltès, Essai de Littérature

Typologie: Essai

2018/2019

Téléchargé le 14/10/2019

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Télécharge Le concept de l’ombre collective appliqué à Roberto Zucco de B.M. Koltès et plus Essai au format PDF de Littérature sur Docsity uniquement! Ar ch ive o f S ID Plume, première année, numéro 2, Automne-hiver 2005, publiée en été 2007, pp. 124-137 Le concept de l’ombre collective appliqué à Roberto Zucco de B.M. Koltès Shahnaz Shahin Université de Téhéran e-mail: shahnazshahin@yahoo.com Résumé Le Soi, concept regroupant le conscient, l’inconscient personnel et l’inconscient collectif, intervient dans le processus d’individuation. Le Soi est l’archétype qui préforme le moi. La conjonction des opposés est un concept junguien majeur, et la séparation des opposés a pour conséquence la constitution de l’ombre. Dès que nous devenons conscients, le bon et le blanc se manifestent, tandis que le méchant et le noir sont maintenus, autant que possible, dans l’inconscient pour être projetés à la première occasion sur autrui. Le concept de l’ombre collective sera ici traité à partir et autour de trois personnages ambigus de la littérature. Mots-clés: Koltès, ombre, archétype, inconscient, Roberto Zucco. I. Introduction L’inconscient personnel correspond en grande partie à ce que Jung appelle l’«ombre», qui est une partie vivante de la personnalité. Non seulement un individu mais aussi une nation voire une ethnie possède sa propre ombre collective. Qu’elle soit ignorée ou réprimée, l’ombre figure l’essentiel reflet connu de l’inconscient. Elle en est le symbole. www.SID.ir Ar ch ive o f S ID Le concept de l’ombre collective appliqué... 125 L’étude de l’ombre, qui est le fondement de la connaissance de soi, permet souvent la reconnaissance des aspects les plus obscurs de la personnalité. La conjonction des opposés est à l’oeuvre dans le processus d’individuation ainsi que le travail sur l’ombre. Or la séparation des opposés contenus dans la totalité potentielle inconsciente est nécessaire, selon Jung, à la conscience humaine qui s’observe au niveau collectif aussi bien qu’individuel. Roberto Zucco, le protagoniste de la pièce éponyme (1990) de Bernard -Marie Koltès (1948-1989) est l’un des personnages criminels de la littérature dont la double personnalité présente de multiples intérêts. Son cas pathologique appartiendrait au domaine de la délinquance juvénile .Le mal dont il est capable puise ses racines dans son ombre brutale et cruelle qui se présente comme son autre moi , bien différent du masque ou la «persona» qu’il montre publiquement . Dans le présent article nous nous proposons d’étudier l’ombre collective dans les traits caractéristiques de Roberto Zucco et quelques personnages ambigus de la littérature, tels que Dorian Gray ou le Docteur Jekyll. II. Le concept de «l’ombre» Carl Gustav Jung utilisa le premier en psychanalyse le terme du Soi en tant que concept, et il en fit par la suite l’un des piliers de sa psychologie analytique. « Le Soi est la donnée existant à priori dont naît le moi. Il préforme en quelque sorte le moi. Ce n’est pas moi qui crée moi-même ; j’adviens plutôt à moi-même. » (Jung, 1971, p.281). Le Soi regroupe en un même ensemble le conscient, l’inconscient personnel et l’inconscient collectif. Le Soi intervient dans le processus que Jung appelle d’"individuation" ; il en est le moteur, l’organisateur et, dans une certaine mesure, le but. Le processus d’individuation se déroule à la www.SID.ir Ar ch ive o f S ID 128 Plume nègre et de chiens qui, selon un schéma cyclique, commence par une mort et se termine par une autre, la mort de Cal dont la «tête éclatée est surmontée du cadavre d’un chiot blanc qui montre les dents» (Koltès, 2003, p.108), les chiens symbolisent plutôt la race blanche. La présence symbolique des animaux se fait également sentir dans Dans la Solitude des champs de coton où le personnage du Dealer dit au Client : «Vous tâchez glisser une épine sous la selle de mon cheval»(Koltès, 2004, p.20) ou bien, «moi, je tiens ma langue comme un étalon par la bride pour qu’il ne se jette pas sur la jument»(Ibid., p. 21) ; et le Client lui rappelle que «le regard du chien ne contient rien d’autre que la supposition que tout, autour de lui, est chien de toute évidence»(Ibid., pp.45-46). Au niveau des représentations collectives, la façon dont les personnages se représentent les animaux est différente selon leur niveau de conscience. Dans Roberto Zucco, où conformément au même schéma cyclique, les deux évasions de Roberto indiquent le début et la clôture de la pièce, la gamine n’a plus de nom et on l’interpelle systématiquement avec des noms de petites bêtes fragiles et innocentes: poussin, pinson, moineau, alouette, colombe ou rossignol. Cependant, étant donné qu’elle a apporté le déshonneur à la famille, elle préfère être appelée «rat, serpent à sonnette ou porcelet» (Koltès, 2004, p.24). Elle veut ainsi projeter son impureté sur des animaux provoquant la crainte et la répugnance ou représentant la saleté et l’impureté. Quant à Roberto, il estime que pour vivre en toute tranquillité, il faut être à l'image d'un «(…) caméléon sur la pierre, passer à travers les murs, n’avoir ni couleur ni odeur» (Ibid., p.36). Il se voit «comme un hippopotame enfoncé dans la vase et qui se déplace lentement» (Ibid., p.38) ou comme un rhinocéros fort et solitaire (Ibid., p.92), aussi songe-t-il «à l’immortalité du crabe, de la limace et du hanneton» (Ibid., p.49). Parfois conscient de sa faute, il veut passer pour invisible, mais son moi idéal le pousse à se montrer aussi brutal que les animaux sauvages. www.SID.ir Ar ch ive o f S ID Le concept de l’ombre collective appliqué... 129 Par moments les rôles s’inversent et c’est le Bien qui domine le Mal. C’est alors que Roberto, aussi doux qu’un agneau, se présente au vieux monsieur qu’il a rencontré dans le métro, comme un garçon normal et raisonnable qui ne s’est jamais fait remarquer, et il pense que pour vivre tranquille, il faut être aussi transparent qu’une vitre. Autrefois bon élève, il suit à ce moment des cours de linguistique à la Sorbonne. Il ajoute dès l'entrée qu’il n’est pas un héros, que les héros sont des criminels, et que leurs habits sont souillés de sang. N’oublions pas qu'il porte lui-même des habits ensanglantés (le sang de ses parents), lorsqu’il avance ce raisonnement. Il écoute attentivement le vieux monsieur. Il l’aide même à se lever et l’accompagne. Ce qui le rapproche davantage des personnages ambigus des romans britanniques tels que L’étrange cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde (Stevenson,1885) ou Le Portrait de Dorian Gray (Wilde, 1891). Le dr. Jekyll qui, le jour est un chercheur humaniste et qui pourrait incarner le lièvre, selon les croyances des Indiens Nord-Américains, se transforme la nuit venue en une bête féroce. De son côté le sournois Dorian rappelle plutôt le renard, célèbre pour sa ruse dans les contes populaires. Mais qu’en est -il de l’archétype dans ces exemples? Il s’agit d’un conflit entre les opposés, le Bien et le Mal. Le complexe obscur de l’ombre s’empare des personnages et se manifeste sous les traits caractéristiques de divers animaux. IV. Un double refusé Au début du roman d’Oscar Wilde (1859-1900), Dorian Gray est décrit comme un jeune homme beau, avec des lèvres vermeilles, des yeux bleus pleins de franchise et des cheveux en boucles d’or. Grâce à la candeur et la pureté juvénile que reflète son visage, il inspire une confiance immédiate, comme s’il avait réussi à se préserver de la souillure du monde. Il y avait en lui quelque chose d'ensorcelant. On se réjouissait à le contempler. Roberto Zucco, tel qu’il est décrit dans la pièce de Koltès, est un jeune www.SID.ir Ar ch ive o f S ID 130 Plume homme doux et gentil, qui a «l’air timide» (Koltès, 2004, p. 56). Il est si beau qu’on le croit incapable d’aimer les femmes. Pourtant, comme Dorian Gray, il a un grand penchant pour les femmes, il les cherche partout et les fréquente assidûment. Comme lui, il est également très aimé des femmes. Partout où il apparaît, il leur plaît aussitôt. La gamine, lui reste très attachée, et la dame du jardin public tombe sous son charme. Dorian était né de la passion entre sa mère et un jeune sous-officier sans argent qui sera tué en duel par un homme payé par son grand-père maternel. La jeune mère meurt alors de chagrin et laisse son fils entre les mains d’un vieil homme tyrannique et incapable d’amour. Si la nature empêche le jeune Dorian, cet orphelin pur et innocent, de savourer l’amour familial, le beau Roberto Zucco se prive de son côté volontairement de cet amour qui lui semblait sans doute despotique, en éliminant ses parents. Mais ce qui transformera la vie du jeune Dorian, c’est la rencontre avec Lord Henry Wotton, la figure même de la tentation diabolique. Le jeune homme apprendra par lui, dans l’atelier du peintre Basil Hallward, que sa beauté disparaîtra avec l’âge. Dorian fait alors le voeu de donner son âme pour rester jeune, et que son portrait vieillisse à sa place. Ce voeu, fait en face d’un démon, se réalisera. Dorian ne cessera plus de commettre des péchés qui dévoreront lentement son portrait tandis que de son côté, il conservera tout le charme de la jeunesse. Le double de Dorian s’extériorise donc sous forme de son portrait. Le dédoublement du personnage prend des dimensions plus spectaculaires tout en restant caché aux yeux d’autrui, car lui seul a le droit de le contempler. «L’être humain est contradictoire dans ses réactions et déjà dans ses aspirations à cause de la constitution scindée de son psychisme» (Bellemin- Noel, 1999, p.110). Mais qu’est-ce qui pousse Roberto à refuser son double? Il est démontré que la délinquance a des fondements sociaux et www.SID.ir Ar ch ive o f S ID Le concept de l’ombre collective appliqué... 133 tueurs» (Koltès, 2004, p.79). «D’ailleurs je deviens fou, maintenant» ajoute- t-il, après son dernier meurtre. Ainsi, lorsqu’il sort de sa condition inconsciente, retrouvant toute sa lucidité, il avoue tous ses crimes lors de son arrestation: «Je suis le meurtrier de mon père, de ma mère,d’un inspecteur de police et d’un enfant. Je suis un tueur.» (Ibid., p. 89). Si nous essayons de retracer l’enfance et l’adolescence de Roberto Zucco, choyé par sa mère qui ne peut rien lui refuser, nous constatons que sa mère, se soucie même de ses menus besoins vestimentaires. C’est peut-être la raison pour laquelle le jeune homme fuit la banalité de sa vie quotidienne qui le rend mal à l’aise. En tuant ses parents, il essaie de se détacher de leur pouvoir qui lui était devenu insupportable, pour savourer la liberté et la toute puissance. Loin d’eux, il cherche une vie qui lui était jusqu’alors impossible. S’étant construit un idéal, Roberto fait tout pour ressembler à ce moi idéal. A tout prix, il veut s’identifier à lui, à ce «Je est un autre», selon le mot de Rimbaud. Il aime devenir un autre, ignorant que cet autre n’est autre que lui-même. Les psychologues estiment qu’un adolescent ne se réveille pas à quinze ans, se disant qu’il souhaite devenir délinquant ; car le socle du développement de l’enfant se forme entre les trois premières années de sa vie. Si l’on répète constamment à un enfant qu’il est un délinquant, il va le devenir pour se montrer digne de cette image qui lui est attribuée. Tout comme lorsqu’un professeur traite quelqu’un de bon élève et qu’il le devient. La constitution de l’ombre chez l’enfant coïncide avec celle de son moi. Autrement dit, le développement du moi est parallèle à celui de l’ombre. Du point de vue génétique, le Soi, selon Jung, est à l’origine de la constitution du Moi, première étape du processus d’individuation. En ce qui concerne Roberto, Dorian et Dr. Jekyll, leur ombre se manifeste par le biais d’actions erronées, elle surgit en tant qu’une figure extérieure concrète, et se présente comme un autre moi. Incarnant la partie www.SID.ir Ar ch ive o f S ID 134 Plume sombre de leur être, elle combat l’identité qu’ils s’étaient forgée pour s’intégrer dans la société. Ce double qui les habite, les dévore de l’intérieur, comme un démon. Ce n’est que lorsque l’homme parvient, à maîtriser ses démons intérieurs, qu’il devient en mesure de résoudre les problèmes qui l’affligent. « Tandis que l’inconscient freudien est principalement composé d’événements infantiles refoulés (c’est-à-dire, en quelque sorte refusés par la conscience) l’inconscient junguien est formé d’éléments hérités, appartenant au patrimoine de l’espèce humaine» (Chelebourg, 2000, p. 21). L’inconscient se définit différemment, en fonction des diverses écoles psychanalytiques. Pour Freud, c’est le lieu des sentiments refoulés, tandis que dans la pensée junguienne, c’est l’héritage génétique qui touche l’évolution des espèces dans le domaine psychique. C’est ce que Jung appelle l’inconscient collectif qui est donné par hérédité à chaque individu. Ainsi les parents peuvent influencer et modifier la composition de la personnalité de leurs enfants. Dans le cas de Roberto Zucco, celui-ci tue son père pour des raisons qui restent inconnues. Mais ce qui nous frappe encore davantage, c’est qu’il défenestre ce dernier, «comme on jette une cigarette» (Koltès, 2004, p.16), pour rayer de la carte toute trace de son héritage. Nous pouvons supposer que son père ait été aussi autoritaire et brutale que le père du personnage de la gamine dans cette même pièce de Koltès ; celui-là même qui lançait à ses enfants : «Votre mère a caché la bière: Je vais la battre comme je le faisais jadis» (Ibid., p.42). Dans ce cas pourquoi Robert élimine-t-il sa mère? La mère de Roberto se doute d’avoir mis au monde un fils comme lui, un enfant qui s’est comporté sagement jusqu’à l’âge de vingt-quatre ans, mais «(qui) est devenu fou brusquement». Elle ne reconnaît plus la conduite de son fils. C’est pourquoi, niant les liens familiaux, elle ne veut plus le voir. «Tu n’es plus mon fils, c’est fini» (Ibid., p.14), dit-elle. Elle veut l’oublier comme un train www.SID.ir Ar ch ive o f S ID Le concept de l’ombre collective appliqué... 135 qui a déraillé . Cependant Roberto, jouant l’innocent, la rassure, lui disant qu’elle ne court aucun danger, et qu’il a toujours été doux et gentil avec elle. Cette douceur fait encore tout oublier à la mère protectrice qui se montre de nouveau faible et indulgente envers son fils. Doucement, Roberto s’approche de sa mère, il «la caresse, l’embrasse, la serre ; elle gémit. Il la lâche et elle tombe étranglée» (Ibid., p.18). Il tue si facilement sa mère. Ensuite avec un grand sang-froid, il se déshabille, enfile ses habits militaires qu’il était venu chercher, et sort, coupant ainsi, du jour au lendemain tout lien filial avec ses parents. Aussi l’aspiration à l’indépendance et l’autonomie pousse-t-elle Roberto à se différencier de sa mère, en se comportant désormais d’une façon ferme et brutale. «L’inconscient est comme la nature : neutre. S’il est destructif d’un côté, de l’autre il est constructif. Il est la source de tous les maux possibles.»(Jung, 1989, p.159). Evoluant dans le mal, Roberto commet, sans raison apparente, son troisième meurtre, et sortant un poignard de sa poche, le «plante dans le dos de l’inspecteur» (Ibid., p.30). Il prend ensuite le revolver du pauvre homme, « le met dans sa poche et il s’en va, tranquillement, avec la tranquillité du démon» (Ibid., p.31). Ce même revolver lui servira dans le quatrième meurtre beaucoup plus spectaculaire dans le jardin public, qu’il commet devant plusieurs témoins. Avec cette arme il menacera d’abord la mère, puis il tuera son fils. Tous deux des innocents. Pourtant le jeune homme, devenu démon, ne pourra heureusement pas jouir longtemps de son aspiration à la puissance. Il sera arrêté et incarcéré. Il parviendra à s’évader encore une fois. Mais en vain, car sa chute finira par clore cette tragédie. Signalons également certaines ressemblances notables dans le comportement et les sentiments de l’auteur et son protagoniste, lorsque nous lisons, par exemple, que Koltès avait écrit dans une lettre à sa mère, que les www.SID.ir
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