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Le genre didactique de l’exercice à l’épreuve de la grammaire de texte, Guide, Projets, Recherche de Langue Française

Un parcours dans les moyens suisses romands d’enseignement

Typologie: Guide, Projets, Recherche

2018/2019

Téléchargé le 11/09/2019

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Télécharge Le genre didactique de l’exercice à l’épreuve de la grammaire de texte et plus Guide, Projets, Recherche au format PDF de Langue Française sur Docsity uniquement! Le genre didactique de l’exercice à l’épreuve de la grammaire de texte Un parcours dans les moyens suisses romands d’enseignement The didactic genre of the exercise and the test of the grammar of text. A journey into French-speaking Swiss ways of teaching Vincent Capt Haute école pédagogique – Vaud ; université de Lausanne, Suisse Vincent.capt@hepl.ch Dans un premier temps, cet article identifie et discute des caractéristiques principales du genre didactique de l’exercice, tel qu’inclus dans les activités d’apprentissage proposées aux élèves sur différents supports pédagogiques. Dans un deuxième temps, il évalue, à travers l’analyse des moyens d’enseignement prescrits officiellement en Suisse romande (niveau primaire / cycle 2 : 8-12 ans), l’adéquation de l’exercice à l’objet texte et aux savoirs mis en jeu par ce dernier sur le plan du fonctionnement de la langue (FDL). La comparaison des trois moyens permet de spécifier différents rôles didactiques dévolus à l’exercice dès lors que le texte constitue l’objet d’enseignement. Le propos développé a pour fondement l’intuition d’un lien fragile entre le genre de l’exercice et la nature de cet objet : plus radicalement, le sentiment d’une dissonance entre la fragmentation et la répétition caractéristiques des exercices et la globalité de l’unité texte. Cette dernière n’opère-t-elle pas un travail critique sur le genre scolaire « exercice », tel que caractérisé préalablement ? La réflexion proposée conduit à une critique de l’exercice moins pour lui-même (faisant partie de l’arsenal du dispositif didactique) que pour son lien avec l’objet d’enseignement (le texte). Quels impacts didactiques sur le genre peut-on alors identifier ? First this article identifies the main characteristics of the didactic genre of the exercise, included among activities of learning proposed to the pupils on different pedagogical materials. Secondly, it estimates, through the analysis of three French-speaking Swiss ways of teaching (primary sector/cycle 2: 8- 12 years), the adequacy of the exercise to the object-text and to the knowledges involved by the latter: mainly skills from the point of view of the functioning of the language. The comparison of the three ways of teaching allows to specify the different didactic roles allotted to the exercise, considering that the text is the object of teaching. The developed discussion has for foundation the intuition of a fragile link between the genre of the exercise and the nature of this object: more radically, the feeling of a dissonance between the characteristic fragmentation and the repetition of the exercises and the global nature of the text untiy. Does not the latter operate a critical work on the school genre “exercise”, such as characterized beforehand? The proposed reflection leads to a criticism of the exercise less for itself (being part of the arsenal of the didactic device) than for its link with the object of teaching (the text). Which didactic impacts on the genre can we then identify? Mots-clés : apprentissage, exercice, grammaire, compréhension, écriture Keywords: learning, exercise, grammar, comprehension, writing 1. Vous avez dit « exercice » ? 1.1. L’épreuve du texte La présente contribution se donne pour objectif d’apprécier l’adéquation du genre didactique de l’exercice à un objet de savoir désormais central dans l’enseignement du français, à savoir le texte. Pour mener à bien cette réflexion, nous allons plus particulièrement comparer différents exercices contenus dans les moyens d’enseignement romands (MER) du point de vue du fonctionnement de la langue (FDL) et son articulation avec la lecture/écriture. Les enjeux de savoir impliqués par l’objet texte dépassent le repérage et la connaissance de phénomènes textuels. Il s’agit aussi pour les élèves de mobiliser en acte ces derniers du point de vue de la compréhension et de la production d’une diversité de genres de texte (écrit dans le cadre de cet article). L’articulation entre le FDL et la lecture/écriture est mentionnée dans le plan d’études romand (PER)1, auquel tout·e praticien·ne est tenu·e de se conformer : « Aborder les activités décrites ci-contre [relatives principalement à l’énonciation, aux reprises anaphoriques et aux temps verbaux] de manière décrochée implique un réinvestissement de celles-ci dans des activités de production et de compréhension de textes. » (nous soulignons). L’exercice est pratiqué et nommé comme tel par les élèves et les enseignant·e·s (Reuter, 2007, p. 14-15), autant que proposé dans certains manuels (Brissaud et Cogis, 2011). C’est précisément à partir d’exercices contenus dans trois MER consacrés à l’enseignement du français que nous mènerons notre analyse, soit L’Ile aux mots, S’exprimer en français et Mon manuel de français (cycle 2 : 8-12 ans)2. Du point de vue de l’alignement curriculaire des savoirs abordés durant la scolarité obligatoire, ce cycle est intéressant puisqu’il est intermédiaire aux cycles 1 et 3, qui tous deux abordent aussi le texte du point de vue du fonctionnement de la langue (FDL). La comparaison entre les trois moyens les plus répandus en Suisse dans les classes francophones permettra de voir comment les exercices abordent des problématiques textuelles (Adam, 2015). Il s’agira ainsi de spécifier les rôles didactiques dévolus à l’exercice relativement aux modalités d’apprentissage proposées dans chacun des MER. Nous allons également repérer quels sont les opérateurs textuels préférentiellement abordés (liages sémantiques, logiques…) retenus et nous intéresser aux logiques d’exercisation proposées. L’analyse nous permettra en particulier de voir en quoi les procédés de textualisation, considérés du point de vue cognitif comme des opérateurs de haut rang, sont exercés pour eux-mêmes et/ou en faveur de la compréhension et la production écrites. L’analyse sera menée à partir d’une grille 1 <https://www.plandetudes.ch/web/guest/L1_26/> 2 Moyens retenus par la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin. À noter que le premier et le troisième moyen cités sont français. En classe, les enseignant·e·s recourent librement à ces moyens officiels, ou, s’ils le souhaitent, à d’autres manuels de leur choix. 1.3. De l’identification à la compréhension/production : un impossible transfert ? Pour tenter de comprendre comment fonctionne la « boite noire » à l’œuvre dans les exercices portant sur le texte, la réflexion doit intégrer des éléments liés à la problématique didactique du transfert, telle que décrite par Nadeau et Fisher (2005, p. 120) : « Transférer ses apprentissages signifie être capable d’utiliser des connaissances ou des compétences dans un contexte différent de celui où elles ont été acquises. En grammaire, cela se traduit par l’application, dans les textes qu’on écrit, des règles apprises en classe. […] Les enseignants sont nombreux à se préoccuper du transfert des apprentissages, ou plus exactement à s’alarmer du peu de transfert qu’ils constatent chez leurs élèves, surtout en grammaire. » Le constat est plutôt inquiétant et provoque l’interrogation : y a-t-il une tache aveugle des savoirs didactiques sur l’enseignement/apprentissage du FDL dans les textes ? Plus précisément, comment favoriser d’une part l’identification d’opérations de textualisation et d’autre part le réinvestissement de celles-ci dans des activités de compréhension et de production écrites ? Comment « exercer » ce transfert, justement ? Reprenant la terminologie de Nadeau et Fisher, il s’agit de combiner « tâche source » et « tâche cible » (2005, p. 122), sans hiérarchiser l’une au détriment de l’autre. Simard et al. proposent à ce sujet une succession de tâches à articuler progressivement : « Dans le domaine du langage, leur portée pédagogique [des exercices] est cependant limitée du point de vue du transfert parce qu’il s’agit seulement d’activités décontextualisées. Certaines précautions peuvent être cependant prises pour que les exercices sur la langue entrainent à l’application des règles en situation de production de texte. 1) les exercices doivent autant que possible amener l’élève à mettre en pratique un raisonnement grammatical complet (par exemple, pour un exercice d’accord, l’élève identifie lui-même la classe du receveur, trouve le donneur et met la marque morphologique appropriée de genre, de nombre ou de personne) ; 2) les énoncés à traiter doivent offrir une variété suffisante sur le plan morphologique, syntaxique, sémantique, voire textuel ; 3) les tâches demandées doivent aussi être variées : a) tâches d’identification (d’un graphème, d’une classe, d’un groupe, d’une fonction, d’un type de subordonnée…) ; b) tâches de transformation (changer le temps verbal, changer le type de phrase, réunir deux phrases en une seule par la subordination, réduire une relative en participiale, ponctuer un texte non ponctué…) ; c) tâches de production à partir de contraintes grammaticales (écrire des phrases contenant des GN avec deux adjectifs, composer un passage narratif avec le passé simple, réécrire un texte avec quatre procédés de reprises différents…) ; d) tâche de correction (corriger des erreurs d’accord du verbe, corriger des erreurs de ponctuation, corriger des emplois erronés de connecteurs…) ; e) tâches d’explicitation (justifier les accords des adjectifs dans des phrases, expliquer pourquoi des phrases sont agrammaticales, justifier l’emploi de tirets et des virgules d’incise dans un dialogue, justifier le découpage d’un texte en paragraphes…). » (2010, p. 316, nous soulignons). Bien que les auteurs réduisent la réflexion à la question des exercices FDL en lien avec la production (ils omettent la compréhension), les tâches proposées à la suite retiennent l’attention en raison de leur caractère combiné. Un principe de progressivité et de complémentarité régit la répartition des tâches et leur organisation au sein d’un système d’activités interdépendantes. Bien que Simard et al. ne proposent pas une typologie d’exercices (texte à trous, manipulations…), ils insistent sur des points fondamentaux pour notre réflexion, notamment l’ancrage des énoncés soumis à l’analyse au sein d’un contexte communicationnel. Les énoncés à partir desquels les exercices sont réalisés doivent, autant que faire se peut, faire sens aux yeux des élèves. Chacune des tâches doit mettre l’élève en situation de raisonner grammaticalement. Enfin, d’après ces auteurs, un apprentissage mobilisant des exercices peut articuler la connaissance de la langue (des phénomènes textuels) et la production à condition que les tâches d’identification soient relayées par des tâches de transformation, de production, de correction puis d’explicitation. C’est à travers le prisme de cette grille que nous allons analyser maintenant les énoncés de consignes des exercices proposés dans les MER4. 2. Analyse de moyens d’enseignement romands 2.1. L’Ile aux mots Le premier moyen d’enseignement étudié ici est réparti en six chapitres (lecture, expression, grammaire, orthographe, conjugaison, vocabulaire), les quatre derniers concernant le FDL. Distribué en Suisse romande dès 2011, ce MER (guide pédagogique, livre de l’élève et cahier d’exercices) propose d’intéressantes pistes didactiques pour l’écriture (par exemple le rôle structurant et préparatoire de l’oral en vue d’un texte à rédiger), pour la lecture (notamment ses incursions vers les textes composites et les formes réticulaires d’organisation du savoir), et plus globalement sur l’orientation pragmatique de certains textes. Ce qui apparait rapidement à la lecture de l’ouvrage, c’est d’une part l’importance donnée à une diversité générique de textes et une variété des types de discours dans la première partie « lecture et expression », et d’autre part la « relégation » du texte dans la seconde partie « langue », centrée principalement sur la phrase, la conjugaison et l’orthographe. Nous allons commenter les effets de cet apparent déséquilibre sur l’enseignement de la « grammaire de texte ». Sont mentionnés dans la première partie de L’Ile aux mots (« lecture et expression ») de nombreux opérateurs textuels : les organisateurs spatio-temporels (trois fois), le lexique (systématiquement), les anaphores, les plans d’énonciation (historique/discursive), le système verbo-temporel, l’embrayage énonciatif de certains textes (deux fois), la ponctuation, la complémentation du nom (deux fois) et la mise en page (disposition). Cette diversité, bienvenue, ne provient pas de la recherche d’une certaine exhaustivité et moins encore de celle 4 Notons que Nadeau et Fisher (2005, p. 127-129) proposent un déploiement très proche : exercices de repérage, de transformation, de production et de correction. d’une systématicité globale : la liste des opérations de textualisation n’est pas complète et il ne s’agit pas de dresser une typologie linguistique de ces phénomènes dans pareil manuel. Toutefois le caractère aléatoire ou du moins non argumenté des phénomènes textuels sélectionnés peut susciter l’interrogation. Pourquoi par exemple aucune information explicite n’est-elle délivrée sur le paragraphe, les plans de texte ou l’organisation séquentielle des textes (narration, dialogue, argumentation…) ? La présence des opérateurs textuels dépend simplement des textes retenus (tel genre favorisant l’exemplification de tel ou tel phénomène). Comme la régulation générique des opérateurs textuels ne fait aucun doute, pourquoi ne pas proposer un apprentissage explicite de ce lien entre opérateurs et genres textuels ? Dans L’Ile aux mots, l’apprentissage des opérations de textualisation est en grande partie dissocié du FDL et se trouve dispersé au sein des activités de lecture/écriture. Cette répartition peut être intéressante dans la mesure où le FDL est lié à la lecture/écriture. Elle est problématique toutefois car les mécanismes de liage du texte ne sont abordés préalablement pour eux-mêmes. Le problème concerne ainsi leur mise à l’écart du MER. Dans la première partie, les opérateurs textuels apparaissent en fait simplement sous forme de conseils ou de rappels : c’est plus précisément le statut présupposément connu de ces objets linguistiques qui est problématique. Évoqués dans la partie « lecture et expression », ils sont égrainés le long de séquences mais n’intègrent pas le cadre d’un apprentissage qui constituerait un objet de savoir à part entière. Or nombre d’unités apparentées à cette classe linguistique sont mentionnées dans le plan d’études romand pour la production de l’écrit (au cycle 2) : – organisation du texte selon un modèle donné (anticipation globale de la mise en page du texte) ; – utilisation d’organisateurs verbaux (temporels : le jour suivant…) et non verbaux (titre, sous- titre, paragraphe, ponctuation…) ; – utilisation de reprises pronominales et nominales ; – utilisation adéquate des temps des verbes. Seuls les deux derniers objets sont abordés dans la partie FDL, uniquement sous forme d’exercices visant à insérer au sein d’un texte prérédigé des mots apparentés à une famille grammaticale (type de l’exercice « texte à trous », dont la faible capacité à être transféré a été mentionnée notamment par Nadeau et Fischer ou Simard et al., cités supra). Comment faire travailler les élèves sur les connecteurs logiques, par exemple, en favorisant la compréhension et la production textuelles ? C’est cette périlleuse articulation qui explique la difficulté de faire coller le genre de l’exercice aux opérateurs textuels. En introduction à la partie « langue », l’ouvrage indique, comme un commandement : « tu t’entraineras au travers d’exercices » (2011, p. 105). Cette annonce est particulièrement intéressante puisqu’elle garantit une place au genre de l’exercice au sein des activités grammaticales qui suivent. L’exercice est ainsi configuré comme une des activités attendues en FDL. Dans cette même introduction figure toutefois cette indication aussi : « tu vas découvrir comment les mots s’écrivent et s’organisent dans les phrases et dans les textes » (2011, p. 105). L’objectif de combiner identification et lecture/écriture n’est donc pas explicité. Le genre de l’exercice est pourtant présent dans l’ensemble de L’Ile aux mots et il y bénéficie d’une position toujours identique. Le guide pédagogique mentionne en page 15 des « exercices d’entrainement, en général écrits (exercice lacunaire, puzzle de lecture, consigne d’écriture brève…) », ainsi qu’une piste de différenciation : « selon les niveaux des élèves, ces exercices seront individuels ou réalisés en petits groupes ». Enfin sont annoncés les objectifs globalement visés et présentés, des enchainements d’activités ainsi que des suggestions de correction. Alors que Simard et al. proposaient une combinaison d’exercices structurée par des tâches d’identification, transformation, production, correction et explicitation, L’Ile aux Le texte est le point de départ de la réflexion et le point final de la démarche (production finale). Sa valeur d’unité de sens n’est ainsi pas secondarisée, instrumentalisée ou simplement neutralisée. À noter toutefois que des exercices de réécriture, de transformation ou de substitution sur des objets textuels circonscrits, comme la ponctuation ou les verbes introducteurs de parole, sont également proposés. C’est ici la dimension parcellisante des exercices qui peut être mise en avant : a priori, le fait de travailler sur des opérateurs textuels sans requérir de production à part entière tient de la gageüre. Sur un plan didactique, le défi est relevé toutefois dans S’exprimer en français dans la mesure où toute opération de (re)textualisation maintient un horizon communicationnel. La réécriture, la transformation ou la substitution de tel ou tel opérateur textuel a en effet toujours un impact certain sur l’ensemble du texte, la globalité de sens que celui-ci constitue. Dans certains cas, ces opérations peuvent même changer l’orientation pragmatique ou l’assise générique d’un texte (l’on pense par exemple à l’appareil énonciatif d’un texte qui raconte, établi sur le plan de l’histoire selon Benveniste, modifié en un texte qui relate, qui relève de l’énonciation discursive). D’autres fois, la portée textuelle concernée par tel ou tel opérateur est moins forte mais demeure signifiante : par exemple, le remplacement de désignations par des mots de sens proche dans une chaine anaphorique va modifier l’image du référent au fil du texte et attribuer à l’objet de discours une valeur différente selon les lexèmes employés (exemple de la fiche no 13 sur les liages du référent « hirondelle »). Bien sûr des exercices plus détachés et plus atomisants sont présents aussi dans S’exprimer en français. À nouveau, l’objectif n’est pas d’en faire une critique. C’est bien la restriction des exercices à une dimension infratextuelle qui est moins légitime en termes d’apprentissages du FDL. Ces exercices, placés dans le manuel en amont de productions partielles, sont complémentaires aux exercices centrés sur le FDL dans les textes. Il apparait alors que ce MER développe des apprentissages où le FDL n’est pas disjoint du texte. La tache aveugle que nous mentionnions supra tend à s’estomper. Dès lors que le raisonnement grammatical est inséparé de la production, le transfert de la compétence d’identification vers celle de production semble plus fermement saisi. Avec ce MER, le FDL est partie prenante de l’acte d’écriture. 2.3. Mon manuel de français Les grands principes organisateurs de Mon manuel de français rejoignent ceux de S’exprimer en français : le texte est installé d’entrée comme unité minimale de sens et se trouve au centre de chacune des six séquences proposées, relativement à un genre textuel (oral ou écrit). Plaçant radicalement l’accent sur la dimension transversale du français en classe, ce moyen est réparti en trois ouvrages. Le livre du maitre déclare travailler en FDL la cohérence des textes (système verbo-temporel, chaines anaphoriques, organisateurs, prise en charge énonciative et typologies textuelles), tandis que la dimension textuelle semble être absente des compétences langagières déclarées dans le livre de l’élève. Enfin le fichier de l’élève suit pour sa part les grandes sections des deux autres ouvrages et comporte des activités de lecture/écriture finalisées par une plage d’institutionnalisation (partielle et globale). Ce manuel de français, paru dès 2005, situe systématiquement les activités de FDL relativement à des textes de genres très variés : l’ambition est d’aborder le français dans la diversité de ses emplois effectifs en classe, relativement à des genres relevant parfois d’autres savoirs disciplinaires (documents historique, géographique…). Le livre du maitre mentionne à juste titre le rôle prépondérant de l’enseignant·e dans l’organisation des savoirs des élèves relatifs au français dans un cadre d’activité si transversal. Ce rôle est aussi fondamental pour l’étude de chaque séquence, articulant chaque fois lecture, écriture, expression orale et FDL. Ce qui apparait à la lecture de Mon manuel de français, c’est que la lecture et l’écriture de textes sont systématiques et que le FDL dispose d’une place intermédiaire mais ne propose pas de tâches réflexives sur la part linguistique des textes. Le manuel mise davantage sur la brièveté des textes à produire (par exemple le haïku) pour soulager l’effort cognitif (des textes brefs ne peuvent-ils pas être toutefois très complexes du point de vue de leur agencement textuel ?). Comparativement à S’exprimer en français, les opérateurs textuels sont par ailleurs en nombre relativement restreint (complément du nom, valeur des temps, énonciation) et un accent très important est accordé au lexique (via l’étude des champs lexicaux, présents dans quatre séquences). L’absence d’autres opérateurs textuels est dommageable à l’ensemble des apprentissages linguistiques sur le texte. Il est loisible également d’interroger le statut dont bénéficie l’objet texte dans Mon manuel de français. La plupart des doubles-pages du livre de l’élève présentent des textes brefs accompagnés de consignes relatives à l’un ou l’autre des quatre domaines de l’enseignement du français mentionnés supra. L’aspect composite, voire diffracté du support requiert une grande attention de l’enseignant·e. Lui revient entièrement le travail de mise en lien entre les différentes activités. Chaque séquence est divisée en plusieurs séances, ce qui facilite en partie le déroulé chronologique des apprentissages prévus. Toutefois le statut énonciatif trouble des multiples textes disponibles rapproche ces derniers des objets « prétextes ». Plus particulièrement, le fait que chaque texte soit accompagné d’une tâche (d’identification par exemple) réduit la lecture à tel ou tel objet d’apprentissage préalablement identifié. Ainsi tel texte peut-il plus favorablement illustrer tel domaine d’apprentissage (lecture, FDL, expression orale…), et tel autre texte plutôt tel autre domaine. Le schéma prototypique d’activités de Mon manuel de français lie fortement la lecture et l’écriture et structure l’enchainement des exercices (même si cette désignation n’apparait pas) via le schéma de tâches suivant : identification, production, explicitation(s). Les tâches d’identification prennent des formes variées (soulignement, classement, comparaison ou substitution), tandis que l’explicitation est présente systématiquement à la fin de chaque séance. Alors qu’elle était soit absente, soit intégrée à la démarche d’apprentissage dans les deux manuels vus précédemment, l’explicitation est ici disponible à chaque fin de séance et dispose d’un statut toujours identique : celui de finaliser son apprentissage à travers la verbalisation a posteriori de celui-ci. Suivant notamment Simard et al. (2010), les opérations réflexives correspondent à une phase fondamentale des apprentissages, en ce sens qu’elles fonctionnent pour les élèves comme des miroirs de leur acquisition. La restriction du métalangage à une dimension rétrospective peut toutefois être discutable, quel que soit l’empan de l’apprentissage concerné (une séance ou une séquence). La réflexivité ne se réduit pas à son effet « rétroviseur ». Comme en attestent par exemple certains exercices de S’exprimer en français, elle est aussi motrice, au service notamment de l’écriture ou de la réécriture. Les postures de secondarisation requièrent des compétences de haute complexité : Mon manuel de français justifie peut-être pour cette raison le positionnement exclusivement final des tâches d’explicitation. Enfin, l’absence de toute tâche explicite de correction est aussi susceptible d’être interrogée. Alors que L’Ile aux mots propose de différencier les tâches de relecture et d’écriture et que S’exprimer en français distingue la production initiale de la production finale, aucune mention n’est faite à propos de la dimension processuelle des apprentissages dans Mon manuel de français, du moins pour ce qui concerne la production écrite. Peut-être la brièveté des genres de textes à produire et la multiplication des moments consacrés à l’écriture viennent-elles combler cette apparente omission et induire un rapport à l’écriture qui soit stimulant et peu coercitif. Conclusion : la réflexivité au cœur des exercices La dimension linguistique de la textualité peut être traitée en classe de français (8-12 ans) de façon très diverse et inégale selon le MER employé. La transposition didactique de questions liées au FDL dans les textes n’est guère aisée et c’est au prix de modalités spécifiques d’apprentissage que des exercices peuvent favoriser le transfert entre des tâches d’identification (source) et d’autres de production (cible), sans que l’une prenne le pas sur l’autre. Les risques d’instrumentaliser le FDL sont d’autant plus importants lorsque celui-ci a pour fonction linguistique de « faire texte ». L’articulation entre deux domaines de l’enseignement du français n’éclaire-t-elle pas plus globalement la difficulté pour l’esprit humain – de surcroit en situation d’apprentissage (!) – d’appréhender conjointement des objets de savoir distincts ? Le positionnement intermédiaire du métalangage au sein d’un apprentissage sur les opérateurs linguistiques du texte apparait cependant comme un élément significatif des « bons exercices textuels » : la réflexivité, attitude cognitive requérant des opérations de haut rang, fonctionne autant comme révélateur de connaissances sur la langue que comme relayeur vers une bonne compréhension ou production de textes. Cette double fonction dont est investie la réflexivité est capitale : articulant FDL et compréhension/production, elle constitue le nerf didactique que le genre de l’exercice a permis ici de mettre en exergue. Précisons que le fait de situer la réflexivité au cœur de l’enseignement grammatical ne signifie pas qu’elle soit le but de celui-ci (ainsi que pourrait le faire croire par exemple une lecture rapide de Mon manuel de français, limitant la métacognition à une fonction terminale). La réflexivité n’est pas non plus le centre des apprentissages (dans le sens où elle ne doit pas être envahissante ou intimidante). Davantage, elle a pour rôle de faciliter le passage entre la phase de découverte dans un texte d’un objet de savoir grammatical et l’intégration de celui-ci dans un contexte communicationnel. Dans un premier temps, le texte est le lieu d’accueil du FDL, tandis que dans le second le texte a valeur d’horizon. En verbalisant les opérations linguistiques qu’il mobilise, l’élève enrichit sa relation au système de la langue et comprend mieux ce qu’il lit et ce qu’il écrit. En somme l’enseignant·e et les élèves doivent autant que possible métacommuniquer sur les vertus du métalangage textuel lui-même, notamment pour ce qui concerne ses apports en lecture et en écriture. Les vertus didactiques des opérations réflexives sont même maximisées dès lors qu’elles concernent des activités langagières dites naturelles (lire, parler, écrire). Idéalement, la relation d’identité entre l’objet et le moyen d’apprentissage – tous deux linguistiques – conduit l’élève à faire coïncider le dialogue qu’il entretient avec les connaissances grammaticales dont il dispose et le dialogue qu’il engage dans un contexte communicationnel donné. Pour ce qui a trait à l’objet d’enseignement, il est apparu que le texte, soumis au genre de l’exercice, peut valoir comme un objet modulaire d’apprentissages (anaphores, ponctuation, système verbotemporel, connecteurs…) qui transcende toutefois la logique de parcellisation. En compréhension comme en production, chaque module se répercute en effet sur la globalité de l’unité de communication. Il n’y a pas d’opérateur textuel qui vaille seul et qui ne résonne pas dans l’entier du texte dans lequel il s’inscrit (dans certains cas, un texte entier peut changer de genre si un seul de ses opérateurs linguistiques est modifié). Enfin, le statut des textes soumis aux exercices diffère relativement à la dimension phrastique ou textuelle des approches en FDL. Dans le cas où le regard grammatical ne dépasse pas l’échelle de la phrase, les textes ont surtout valeur de prétextes. Ce peut être aussi le cas d’approches a priori centrées sur le texte. Or le statut communicationnel des textes est un des garants d’un apprentissage qui fait sens aux yeux des élèves. L’horizon de la communication
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