Le Malade Imaginaire, Notes de Français

Télécharge Le Malade Imaginaire et plus Notes au format PDF de Français sur Docsity uniquement! P a g e | 1 Le Malade Imaginaire L’auteur : Jean Baptiste Poquelin dit Molière (né en 1622) est un des plus célèbres dramaturges du XVIIème siècle. Également acteur et directeur de troupes (il écrit et joue), cet homme de théâtre complet est la figure de proue de la comédie classique qu'il hausse au rang de la tragédie. S'il excelle dans un premier temps avec la farce, c'est dans la comédie, plus profonde, où la peinture satirique des vices humains se colore d'une visée morale, qu'il se distinguera. Protégé par Louis XIV, Molière est pourtant de nombreuses fois attaquées, notamment par les religieux pour ses critiques des faux dévots dans Le Tartuffe (1664). Molière s’illustre dans le nouveau genre de la comédie-ballet en 1670 grâce au Bourgeois gentilhomme, puis ne 1673 avec Le Malade imaginaire, destiné aux fêtes célébrant les victoires militaires de Louis XIV et dont la musique est composée par Charpentier. Il meurt en 1673, à la suite d’un malaise lors d'une représentation d'une malade imaginaire. (ironie tragique) Contexte : - Le rayonnement politique, artistique et culturel du Roi-Soleil : Louis XIV, devenu roi à 13 ans, commence à exercer le pouvoir personnellement en 1661 après la mort de Mazarin. Son règne marque l'apogée de la monarchie absolue et une politique de conquête. Il centralise la culture, soutenant les artistes et créant des institutions comme les académies royales. Grand amateur de danse, il organise des fêtes somptueuses à Versailles. Jean-Baptiste Lully et Molière collaborent régulièrement à ces spectacles royaux, créant une dizaine d’œuvres, dont plusieurs comédies- ballets. - Molière et Lully : de la collaboration amicale à la discorde : Lully et Molière deviennent rapidement amis et collaborent fréquemment sur scène. Lully, d'origine italienne, est partisan de la musique italienne et du développement de l'opéra. En 1672, Lully obtient un privilège royal qui lui accorde un monopole sur les œuvres musicales au théâtre en France. Cela cause une rupture avec Molière, malgré l'intervention du roi. Pour sa dernière comédie-ballet, Le Malade imaginaire, Molière travaille avec Marc-Antoine Charpentier au lieu de Lully. Pourquoi me fait-on étudier Le Malade imaginaire ? Le Malade imaginaire s'inscrit dans une thématique fréquente chez Molière : celle de la satire de la médecine, qui symbolise la prétention scientifique à maîtriser la nature. Le Malade imaginaire est également un spectacle total, car la comédie- P a g e | 2 ballet, intègre la musique, le chant et la danse, offrant un divertissement des plus plaisants. Enfin cette pièce a contribué à la légende de Molière, car le dramaturge qui souffrait de tuberculose, fait un malaise lors de la 4ème représentation le 17 février 1673 dont il meurt quelques heures plus tard. La composition et les enjeux :  La pièce se compose de 3 actes ponctués d'intermèdes dansés et chantés, précédés d'un prologue précisant la volonté de « délasser (le roi) de ses nobles travaux »  Argan est un hypocondriaque, soumis à son médecin et son apothicaire. Aussi veut-il contraindre sa fille Angélique à épouser un médecin mais les manœuvres de cette dernière, de son amant Cléante et de la servante Toinette parviennent à lui ouvrir les yeux.  Comique farcesque, quiproquos, travestissements rythment une pièce qui invite à recouvrer sa lucidité face aux abus d’une médecine moquée à travers des personnages grotesques. Les intermèdes = au XVIIème siècle, des courts divertissements chorégraphiques qui interviennent entre les actes d’une comédie. Résumé : Dans le prologue : des personnages antiques chantent le retour victorieux de Louis XIV de sa campagne guerrière contre la Hollande. Dans l'acte I, Argan, hypocondriaque invétéré, compte ses traitements et s'affronte avec sa servante Toinette qui le met en garde contre l'apothicaire M. Fleurant et le médecin M. Purgon, qui ne font que tirer profit de lui, sans le soigner. Angélique, la fille d'Argan, confie à Toinette son amour pour Cléante. Mais pour réduire ses frais médicaux, Argan veut marier sa fille à un médecin, Thomas Diafoirus. Toinette s'oppose à ce mariage tandis que Béline, la seconde femme d'Argan et belle-mère d'Angélique, défend le projet de son mari et pousse ce dernier à rédiger un testament en sa faveur. Lors du premier intermède musical, Polichinelle chante sa douleur face à l'inflexibilité de son amante Toinette et se fait rouer de coups de bâton dans une scène de commedia dell'arte. À l'acte II, Cléante s'introduit dans la maison familiale en se faisant passer pour un remplaçant du professeur de musique d'Angélique. Le père Diafoirus et son fils arrivent, mais la scène de compliments est cocasse : Thomas Diafoirus confond Angélique avec sa belle-mère, Béline. Sur la demande d'Argan, Cléante donne une leçon de chant à Angélique. Les deux jeunes amants profitent de cet opéra improvisé pour se déclarer leur amour indirectement. Argan apprend par sa cadette, Louison, la présence d'un jeune homme à la porte de la chambre d'Angélique. Furieux, il décide qu'Angélique ira au couvent si elle ne veut pas épouser Thomas Diafoirus. Béralde, le frère d'Argan, intervient et propose, pour calmer son frère, un intermède de danses d'égyptiennes (le deuxième intermède). P a g e | 5 temps dans ses comédies, notamment dans Le Malade imaginaire, où ils se montrent dogmatiques, incapables de poser un diagnostic fiable (celui de Diafoirus contredit celui de M. Purgon), ivres de leur pouvoir : Et incompétents. Mais il vise moins des individus qu’une institution, la faculté de médecine, qui dispense un enseignement voire rétrograde. Le mariage Le quiproquo de Thomas Diafoirus qui confond au départ sa future femme Angélique avec sa belle- mère : II, 5 Citation ? Le subterfuge utilisé par Toinette pour révéler les intentions vénales de Béline : acte III, scène 11, 12 La figure paternelle qui utilise ses enfants pour servir ses propres intérêts : Argan veut marier sa fille à un Le Malade imaginaire confronte quatre types de mariages possibles : - Le mariage avec Dieu : c’est la menace du couvent qui pèse sur Angélique - Le mariage d’intérêt : celui que Béline a contracté avec Argan - Le mariage arrangé (ou mariage de raison) : celui d’Angélique et Thomas Diafoirus arrangé par Argan - Le mariage fondé sur les sentiments (ou mariage d’amour) : celui d’Angélique et Cléante Le mariage de raison est discrédité avec : Molière critique ironiquement le mariage de raison (arrangé) fondé sur des personnes interchangeables. Le mariage d’intérêt est également blâmé à travers : P a g e | 6 médecin alors qu’elle aime Cléante, pour assurer sa propre surveillance médicale. Le mariage d’amour est mis à rude épreuve à travers : Mais le mariage d’amour finira par triompher grâce Molière se montre conscient de l’injustice de la condition des femmes à son époque, il défend une conception du mariage dans lequel l’avis des femmes devrait être prit en compte. La vérité Il croit en la médecine, en l’amour de Béline, au mariage arrangé entre sa fille et Thomas Diafoirus. Toinette par son subterfuge (III, 12), fait émerger la vérité : Argan comprend que Béline est intéressée et qu’Angélique est raisonnable et aimante. Citations ? Ni les discours de Béralde, ni la colère causasse de M. Purgon ne parviennent à lui ouvrir les yeux sur les médecins. Argan reste jusqu’au bout prisonnier de sa peur de mourir. Il demande à Cléante de se faire médecin avant de le devenir lui-même : (III, 14 & 3ème intermède) Citations ? Au début de la pièce, Argan vit dans l’illusion : La maladie qui l’affecte est bien plus l’erreur et le manque de lucidité que la pneumonie. Toutefois la vérité ne triomphe pas dans cette pièce Néanmoins, Argan persiste dans ses illusio.ns sur la médecine. Prisonnier de sa peur de mourir : Le divertissement  Eglogue : divertissement pastoral chanté et dansé : deux bergers rivalisent d’éloquence poétique pour chanter les louanges du roi, afin Thématique fondamentale du Malade imaginaire. Cette comédie-ballet est un spectacle total qui intègre la musique, le chant et la danse. Les intermèdes occupent une part importante de la pièce, en termes de temps et d’investissements P a g e | 7 d’impressionner et de séduire les bergères dont ils sont amoureux.  Deuxième intermède : des « Egyptiens vêtus en Mores (habitants de l’Afrique du Nord) chantent et dansent en célébrant la jeunesse et l’amour. dramaturgiques (musique réalisée par le compositeur : Marc- Antoine Charpentier, costumes, décors, chorégraphie). Par ces intermèdes qui chantent le triomphe ou de la joie, Molière cherche avant tout à plaire aux goûts du public de son temps. Mais ces intermèdes font également partie d’un décorum de cour qui montre la puissance du règne de Louis XIV et visent à s’attirer les bonnes grâces du roi. L’hypocondrie Il glisse dans sa pièce un débat sur ses propres comédies : « Béralde - (…) pour vous divertir, vous vener voir sur ce chapitre quelqu’une des comédies de Molière. » « Argan- C’est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies, et je le trouve bien plaisant d’aller jouer d’honnêtes gens comme les médecins. » (III, 3) Sous les traits d’Argan : Molière insulte Molière et lui souhaite les pires maux. En 1669, le texte d’une comédie satirique, intitulée : Elomire hypocondre ou les Médecins vengés, qui ne sera jamais représentée, commence à circuler et à faire parler d’elle dans les salons parisiens. Elle met en scène un certain Elomire, dont le nom est une anagramme de « Molière », présenté sous les traits d’un hypocondriaque, personne bien portante mais, ici, obsédée par sa toux. Molière souffrant d’une toux chronique. Ce dernier a eu connaissance de cette pièce, et a répondu en créant le personnage d’Argan. Dés le départ, Argan est donc Molière, et Molière qui interprète le personnage lors de la création de la pièce est Argan. Cette confusion entre l’auteur et son personnage, entre vérité biographique et illusion théâtrale, est entretenue par Molière lui-même : P a g e | 10 Parcours : Spectacle et comédie Spectacle = issu du mot latin spectaculum formé à partir du verbe spectare, qui signifie « regarder », un spectacle est d’abord quelque chose qui attire le regard. Ce terme désigne aussi, plus spécifiquement, la représentation publique d’un divertissement, en particulier d’une pièce de théâtre. Le mot « théâtre » lui-même, qui vient du grec theatron, signifie « le lieu où l’on regarde ». Les termes de « spectacle » et « théâtre » ont donc en commun cette référence au regard, un regard orienté vers la scène. Alors, en ce sens mettre en lien le spectacle avec un genre théâtral : la comédie, est une manière d’interroger et d’explorer la dimension visuelle, ou en tout cas proprement scénique, de la comédie. EN QUOI LA COMÉDIE EST-ELLE D’ABORD UN SPECTACLE   ? EN QUOI LA DIMENSION SPECTACULAIRE NOURRIT-ELLE LA COMÉDIE   ? CONTEXTE   : LE XVIIÈME SIÈCLE QUE L’ON APPELLE PARFOIS «   LE SIÈCLE DE LOUIS XIV   », A ÉTÉ MARQUÉ PAR LE RÈGNE DE CE ROI QUI A PRIS LE SOLEIL COMME EMBLÈME ET MET EN SCÈNE SA RICHESSE ET SA PUISSANCE. LES FÊTES ROYALES, EN PARTICULIER CELLES ORGANISÉES À VERSAILLES, FONT APPEL À TOUS LES SENS (LA MUSIQUE POUR L’OUÏE, LES PARFUMS DE JASMIN ET DE FLEUR D’ORANGER POUR L’ODORAT), MAIS SURTOUT À LA VUE, SENS CONSIDÉRÉE COMME LE PLUS «   NOBLE   » ET LE PLUS INTELLECTUEL   : JARDINS AUX PERSPECTIVES SOIGNEUSEMENT DESSINÉES, ILLUMINATIONS, JEUX D’EAU DES FONTAINES, FEUX D’ARTIFICE FONT DE CES FÊTES UN DÉLICE CONÇU, D’ABORD ET AVANT TOUT, POUR ÊTRE REGARDÉ. Au théâtre, cette primauté de la vue se traduit par un goût pour les pièces « à machines », c’est-à-dire faisant intervenir des effets de mise en scène spectaculaires, ce qu’on appellerait aujourd’hui des « effets spéciaux ». La comédie-ballet : un genre spectaculaire  A cet égard, la comédie-ballet est un genre théâtral emblématique, dont l’existence même est liée au règne de Louis XIV, qui la voit naître et disparaître. Mêlant théâtre, chants et danses, c’est un spectacle d’apparat où la dimension visuelle est primordiale : elle suppose des changements de décor et emplit la scène de personnages aux costumes fantaisistes, de musiciens bouffons, de danseurs qui tournoient. La « folie » de la comédie, son rythme vif qui entraîne l’intrigue, de coups de théâtre en quiproquos, vers le dénouement, se nourrit, dans la comédie-ballet, de cette dimension spectaculaire des intermèdes et « entrées de ballet ». La cérémonie burlesque en est l’exemple le plus frappant : - M. Jourdain est fait « Mamamouchi »(faux titre de noblesse turc, inventé par Molière) à la fin de l’acte IV du Bourgeois gentilhomme (1670) P a g e | 11 -Argan qui est fait médecin : troisième intermède du Malade imaginaire Spectacle et comédie dans le Malade imaginaire Cette pièce propose une véritable réflexion sur le spectacle et la comédie :  Argan et Béralde discutent des « comédies de Molière » (III,3) : « ARGAN -C’est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies, et je le trouve plaisant d’aller jouer d’honnêtes gens comme les médecins ». (+ cette citation montre les mises en abymes, Molière se met ici lui-même en abyme en restituant les attaques de ses détracteurs)  La pièce comporte un nombre impressionnant de scènes relevant du théâtre dans le théâtre, de l’opéra improvisé par Cléante et Angélique (II,5) à la fausse consultation de Toinette (III,10), en passant par toutes les scènes de fausse mort : celle de Louison (II,8) et celles d’Argan (III, 12 et 13).  A l’intérieur même de la pièce, les différents personnages ne cessent de se donner en spectacle et de se jouer, les uns aux autres, la comédie. Béralde voit d’ailleurs dans le spectacle un remède plus efficace que la médecine à l’hypocondrie d’Argan : si le premier qu’il organise pour son frère : danses et chant, 2ème intermède : échoue. Le deuxième : la cérémonie burlesque qui suit le dernier acte : emporte l’adhésion d’Argan et chasse, momentanément du moins, sa mélancolie. Représentée durant le carnaval, la pièce est placée par Béralde sous le signe de moment très particulier de l’année où tout est permis, où les rôles s’inversent et où la folie devient la norme : « Le carnaval autorise cela (III, 14), dit-il en parlant de la fausse cérémonie au cours de laquelle Argan est fait médecin. Cette dimension carnavalesque rejoint l’aspect spectaculaire de la comédie-ballet et permet une surenchère à la fois scénique et comique : les danseurs-chanteurs du deuxième intermède sont doublement déguisés : « Egyptiens et Egyptiennes, vêtus en Mores » 2ème intermède. La cérémonie finale mobilise pas moins de 46 artistes costumés autour d’Argan. La dernière pièce de Molière est un hommage à la comédie, à l’art théâtral de l’illusion et à la magie du spectacle. La comédie : un genre conçu pour le spectacle Plus que tout autre genre théâtral, la comédie trouve dans la mise en scène son aboutissement. Le lecteur de la pièce rit en imaginant Toinette se déguiser en médecin de pacotille pour asséner à Argan un diagnostic burlesque (acte III, scène 10), mais moins que le spectateur qui la voit à l’œuvre sur scène. P a g e | 12 C’est particulièrement vrai des comédies proches de la farce : la scène des Fourberies de Scapin où le valet rusé enferme son maître dans un sac et le bastonne, évidemment beaucoup plus savoureuse quand elle est représentée. Numéro de l’acte Spectacle avant tout, la comédie utilise pleinement le principe de la double énonciation. Ainsi en est-il quand les personnages -pour parvenir à leurs fins- jouent la comédie, sous l’œil complice du public. Dans Le malade imaginaire, Béline feint son affection conjugale, puis Argan simule la mort, pour le plus grand plaisir du spectateur qui voit clair dans le jeu de chacun. Double énonciation : caractéristique essentielle du théâtre : les répliques d’un personnage sont destinées aux autres personnages, mais aussi au spectateur. La comédie : un spectacle complet et varié La comédie peut associer d’autres arts pour se transformer en un spectacle complet. Ainsi Molière, dans ses comédies-ballets, ajoute des parties chantées et dansées, qui offrent au public un divertissement réjouissant. 2 ans après la première représentation du Mariage de Figaro de Beaumarchais (1784), Mozart adapte la pièce en opéra, avec l’aide du librettiste Lorenzo Da Ponte, créant un spectacle dramatique et lyrique d’une grande puissance. Genre plastique, la comédie peut réunir une grande variété de registres. La satire de la médecine atteint ainsi son apogée lors de la cérémonie burlesque « d’un homme qu’on fait médecin » qui clôt Le Malade imaginaire. Dans Art (2000), Yasmina Reza propose une réflexion incisive et plein d’humour sur les affres de l’art contemporain, à partir d’un déconcertant tableau blanc. Introduction : Spectacle et comédie sont intimement imbriqués dans Le Malade imaginaire. Cette comédie-ballet offre en effet un spectacle total qui mêle chants, danses et musique. Mais les intermèdes ne sont pas des ajouts superflus pour divertir le spectateur : ils sont intimement liés à l’intrigue et accentuent son effet comique. Par ailleurs, cette comédie s’appuie sur le procédé de théâtre dans le théâtre : tout au long de la pièce, les personnages organisent des spectacles dans le spectacle, multipliant là aussi le plaisir comique. Parcours : Le Malade imaginaire est fondé sur le spectacle et la comédie. La comédie-ballet est le creuset de trois arts très prisés à la cour de Louis XIV : l’art dramatique, le chant et la danse.