Télécharge Lecture Analytique 18_Excipit [Incendies de Wajdi Mouawad] et plus Résumés au format PDF de Français sur Docsity uniquement! Texte 4 Incendies W. Mouawad 38. Lettres aux jumeaux Simon ouvre l’enveloppe. NAWAL. Simon, Est-ce que tu pleures ? Si tu pleures ne sèche pas tes larmes Car je ne sèche pas les miennes. L’enfance est un couteau planté dans la gorge Et tu as su le retirer. À présent, il faut réapprendre à avaler sa salive. C’est un geste parfois très courageux. Avaler sa salive. À présent, il faut reconstruire l’histoire. L’histoire est en miettes. Doucement Consoler chaque morceau Doucement Guérir chaque souvenir Doucement Bercer chaque image. Jeanne, Est-ce que tu souris ? Si tu souris ne retiens pas ton rire Car je ne retiens pas le mien. C’est le rire de la colère Celui des femmes marchant côte à côte Je t’aurais appelée Sawda Mais ce prénom encore dans son épellation Dans chacune de ses lettres Est une blessure béante au fond de mon cœur. Souris, Jeanne, souris Notre famille, Les femmes de notre famille, nous sommes engluées dans la colère. J’ai été en colère contre ma mère Tout comme tu es en colère contre moi Et tout comme ma mère fut en colère contre sa mère. Il faut casser le fil, Jeanne, Simon, Où commence votre histoire ? À votre naissance ? Alors elle commence dans l’horreur. À la naissance de votre père ? Alors c’est une grande histoire d’amour. Mais en remontant plus loin, Peut-être que l’on découvrira que cette histoire d’amour Prend sa source dans le sang, le viol, Et qu’à son tour, Le sanguinaire et le violeur Tient son origine dans l’amour. Alors, Lorsque l’on vous demandera votre histoire, Dites que votre histoire, son origine, Remonte au jour où une jeune fille Revint à son village natal pour y graver le nom de sa grand-mère Nazira sur sa tombe. Là commence l’histoire. Jeanne, Simon, Pourquoi ne pas vous avoir parlé ? Il y a des vérités qui ne peuvent être révélées qu’à la condition d’être découvertes. Vous avez ouvert l’enveloppe, vous avez brisé le silence Gravez mon nom sur la pierre Et posez la pierre sur ma tombe. Votre mère. SIMON. Jeanne, fais-moi encore entendre son silence. Jeanne et Simon écoutent le silence de leur mère. Pluie torrentielle.