Télécharge Les Copains d'abord », de Georges Brassens. Cor et plus Lectures au format PDF de Littérature sur Docsity uniquement! Lecture analytique n°2 : « Les Copains d’abord », de Georges Brassens. Corrigé. Problématiques possibles : Comment Brassens s’inscrit-‐il dans une tradition culturelle ancestrale pour chanter l’amitié ? Comment Brassens actualise-‐t-‐il la notion d’amitié ? En quoi la métaphore maritime est-‐elle particulièrement signifiante pour évoquer l’amitié dans ce texte ? Analyse linéaire du texte : Ce texte poétique est dominé par l’omniprésence du vocabulaire et des références maritimes, qui sert de support à une métaphore filée. En effet, Brassens évoque l’amitié sous l’angle de la navigation, à la fois comme s’il s’agissait d’un bateau solide, mais aussi comme si le bateau qu’il possédait en réalité avec ses amis était le symbole d’une amitié parfaite. On y remarque par ailleurs une alliance entre les références culturelles érudites et le langage familier, qui est une des caractéristiques du style de l’auteur. Le texte se découpe ainsi en trois mouvements : une définition en négatif (ce que Les Copains d’abord ne sont pas) ; les caractéristiques et manifestations de cette amitié ; et en guise de conclusion, la courte déclaration d’amitié de l’auteur. Versification : Les sept couplets sont divisés en deux quatrains, composés chacun de trois octosyllabes et d’un pentasyllabe. Le dernier vers de chaque quatrain est donc impair et plus court, et est la reprise des cinq dernières syllabes du vers précédent : l’asymétrie casse le rythme, et la répétition fait l’effet d’une clausule qui appelle un ajout. Tous les couplets se terminent par la maxime « les copains d’abord », sauf le sixième (nous y reviendrons). • Titre : « Les Copains d’abord ». Il est intéressant principalement en raison de la polysémie de l’expression « d’abord ». Cette polysémie est un jeu sur les mots, que Brassens a coutume de pratiquer, et que l’on retrouvera dans l’ensemble du texte. Ici, il peut en effet signifier « en priorité », auquel cas le titre serait une sorte de précepte personnel. Il peut également être lu de façon décomposée, ce sont les copains d’à bord du bateau, qui s’appelle… les Copains d’abord ! • Vers 1 à 32 (strophes 1 à 4): Brassens définit l’amitié par la négative, en faisant la liste de tout ce que le bateau, ou son équipage, n’est pas. Strophe 1-‐ vers 1 et 2. Il est amusant à ce titre d’observer que le premier mot du texte est « non », ce qui montre d’emblée que l’auteur commence par ne pas dire, définir par la négative. La tournure est emphatique, puisque ce premier mot est mis en apposition, ce qui crée sur lui une insistance. L’emploi de l’imparfait, tout au long du texte, a valeur de description. Le présentatif à la forme négative « ce n’était pas » suivi du complément « le radeau de la Méduse» confirme la volonté de décrire cette amitié par ce qu’elle n’est pas. La référence au célèbre radeau peint par Géricault fait comprendre à l’auditeur/au lecteur, que le bateau dont il est question, désigné par le GN démonstratif « ce bateau », est solide, sûr, et que ses passagers sont unis. Tout ce qui a fait défauts aux passagers du fameux radeau. À noter que le mot « radeau », qui désigne habituellement une embarcation de fortune fabriquée lors d’un naufrage, est laissé en fin de vers, ce qui le met en valeur, en coupant le nom « radeau de la Méduse » par un retour à la ligne. -‐ Les vers 3 et 4 témoignent, par le biais d’une expression populaire « qu’on se le dise », de l’envie que l’auteur a d’évoquer les qualités de cette amitié. On retrouve bien sûr l’emploi du vocabulaire marin avec l’expression « au fond des ports », ce qui indique que cette amitié doit être racontée, transmise, dans les endroits les plus populaires. -‐ Vers 5 et 6. La métaphore du bateau est filée (et le sera jusqu’à la fin du texte). La navigation de ce bateau se fait tranquillement, calmement, sans effort, tant l’amitié est calme et évidente, comme le montre l’emploi de l’expression familière « en père peinard », en guise de complément circonstanciel de manière. L’impression de calme est présente de même dans la métaphore « la grand-‐mare des canards », qui désigne probablement la mer (bien que l’on sache que Brassens et ses amis naviguaient souvent sur l’étang de Thau…). -‐ Enfin, la présentation est faite aux vers 7 et 8, avec le verbe « s’app’lait » et le nom de l’embarcation, qui incarne l’amitié : « Les copains d’abord », annoncé par le titre de la chanson. L’importance de ce nom, de ce bateau, et de l’amitié qu’il incarne, est révélée par sa répétition quasi systématique à chaque dernier vers de chaque strophe. Strophe 2 : Nouvelle définition négative, par le biais d’une nouvelle référence érudite. Le recours à la locution latine « flutuat nec mergitur », qui sert de devise à la ville de Paris, est effectué pour montrer que l’amitié des « copains » est bien réelle, qu’elle n’est justement pas une formule. Cela est visible au vers 10, avec l’expression « c’était pas d’la littérature ». Cette expression, familière par l’omission du premier terme de négation « ne » et l’élision du « e » de « de », insiste à la fois sur son coté réel, et non fictif, comme peut l’être la littérature, mais aussi sur la dimension simple de cette amitié, qui n’a pas besoin de références élevées (la « littérature », justement) pour être solide. -‐ Les vers 11 et 12 ont la même portée collective que les vers centraux de la strophe précédente. Ils s’adressent aux mauvais augures, désignés par l’expression « les jeteurs de sort ». On ne sait de qui il s’agit précisément, mais on peut supposer que certains esprit chagrins peuvent souhaiter la dissolution d’amitié enviables. -‐ les vers 13 et 14 opèrent un resserrement sur l’équipage, par l’expression « son capitaine et ses mat’lots », et l’on peut supposer que le nom « capitaine » désigne allégoriquement l’amitié, les « mat’lots » étant donc les amis, ceux qui sont soumis à cette force qui domine le reste. Le vers suivant poursuit la définition par la négative, avec la tournure « n’étaient pas », complétée par l’expression familière « des enfants d’salauds ». La grossièreté du dernier mot est coutumière de l’auteur qui était provocateur. Le sens est assez clair. Le vers 15 est la seconde partie de la phrase, sous la forme d’une proposition cordonnée par mais. Elle explicite pourquoi les copains ne sont pas des enfants de salauds, des gens qui se comportent mal les uns envers les autres, et l’on trouve à ce vers pour la première fois le nom « amis ». Ils sont qualifiés par l’expression « franco de port ». Cette expression est elle aussi polysémique. On peut en effet y lire la qualité de franchise « franco », mais aussi l’expression postale « port gratuit », qui indique qu’il s’agit d’une amitié offerte sans contrepartie, gratuitement, et enfin, le nom « port » poursuit subtilement la métaphore filée de la navigation. La strophe s’achève par une ultime définition, reprenant le titre de la chanson, dans son acception littérale, des copains avant tout. Strophe 3 : vers 17 et 18. Cette strophe consiste en une énumération de ce que les copains ne sont pas. Cette énumération débute avec la reprise anaphorique du présentatif « C’était pas » (qui sera de nouveau employé au vers 21) et va dans une unique direction : le refus de l’idée d’élection, de supériorité, d’élévation de ces amis. Le complément du nom « amis de luxe », insiste sur cette dimension, d’autant qu’elle est utilisée pour la rime avec le nom de Pollux, un des deux Dioscures, fils de Zeus, le roi des dieux. Cette idée est lisible également avec la référence à Montaigne et la Boétie, et l’adjectif « choisis » paraît alors antithétique avec nom « amis » qui le précède. Par ailleurs, c’est exactement la propos inverse de celui de Montaigne (LA 1), qui opposait son amitié avec La Boétie aux amitiés plus communes. La référence à Sodome et Gomorrhe n’est pas la plus lisible. Il est possible que Brassens ait voulu affirmer que cette amitié était virile et ne relevait pas d’homosexualité, ou que Sodome et Gomorrhe soit le symbole de la faillite de l’amour durable, ce que n’est pas l’amitié. (C’est par exemple le propos de la pièce de théâtre de Giraudoux du même nom [1943]). Pour prouver la simplicité de leur amitié, Brassens a recours au vers 23 à la métaphore « sur le ventre ils se tapaient fort », ce qui montre leur familiarité. Cela est renforcé par l’emploi de l’adverbe « fort » placé à la rime avec « d’abord », de l’expression récurrente « les copains d’abord ».