Docsity
Docsity

Prépare tes examens
Prépare tes examens

Étudies grâce aux nombreuses ressources disponibles sur Docsity


Obtiens des points à télécharger
Obtiens des points à télécharger

Gagnz des points en aidant d'autres étudiants ou achete-les avec un plan Premium


Guides et conseils
Guides et conseils

Lettres à Lou, Notes de Droit

mission de convalescence pour Nice, où résidait son frère, il entraîna Apollinaire avec lui. Le 3 septembre, notre poète arrive dans cette ville qu'il.

Typologie: Notes

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

Henriette_90
Henriette_90 🇫🇷

4.3

(51)

97 documents

Aperçu partiel du texte

Télécharge Lettres à Lou et plus Notes au format PDF de Droit sur Docsity uniquement! GUILLAUME APOLLINAIRE Lettres à Lou PRÉFACE ET NOTES DE MICHEL DÉCAUDIN uf GALLIMARD Extrait de la publication Extrait de la publication Extrait de la publication À i i j i ARTII TILLEUR | TT Tale | Extrait de la publication En août 19 14, Apollinaire se trouve à Paris seul et désœu- vré. La guerre a dispersé presque tous ses amis. Les journaux auxquels il collaborait ont cessé leur publication ou paraissent sur un nombre de pages restreint qu'absorbent entièrement les informations politiques et militaires. Les maisons d'édition sont en sommeil. Toute activité littéraire ou artistique est suspendue. Comme un grand nombre de ses camarades que n'attei- gnait pas la mobilisation, il avait voulu s'engager dès le début des hostilités. Mais il ne fut pas immédiatement accepté par les autorités militaires. Étranger, il devait d'abord déposer une demande de naturalisation, ce qui fut fait dans les der- niers jours du mois, l'enregistrement de son dossier au minis- tère de la Justice étant du ier septembre. Il n'avait plus qu'à attendre l'issue, encore problématique et sans doute lointaine, de ses démarches; rien ne le retenait dans la capitale, que l'approche menaçante des armées allemandes vidait chaque jour davantage. Aussi ne dut-il pas hésiter longtemps lorsque l'occasion lui fut offerte de s'éloigner. Une de ses rares relations pendant ce mois d'août était Siégler-Pascal, un collaborateur de Paris- Journal qui, mobilisé dans les environs de Paris et par surcroît malade, jouissait de quelque liberté. Devant partir en per- mission de convalescence pour Nice, où résidait son frère, il entraîna Apollinaire avec lui. Le 3 septembre, notre poète arrive dans cette ville qu'il n'avait pas revue depuis son départ de la Côte d'Azur au Extrait de la publication début de 1899. Il occupe 26, rue Cotta, une chambre garnie au troisième étage. Il a lui-même confié à Serge Férat dans une longue lettre remarquable de précision, qui date du 4 janvier 1915, ce que furent les premières semaines de son séjour. Dans la maison meublée où j'habitais, lui écrit-il, des amis à tous les étages. Fait vite connaissance avec le commandant du port, des aviateurs, etc. Fumerie, cocaïnerie, la guerre était devenue un paradis artificiel. Des amis, il n'en rencontre pas seulement à son domicile, où Siégler-Pascal est son voisin et où il ne tarde pas à faire la connaissance d'un autre locataire, Henri Simoni, secrétaire général du Petit Niçois. Il retrouve aussi le peintre Robert Mortier et sa femme Jane, qui ont des attaches niçoises, les artistes Zak, Archipenko, Tobeen, le poète Cremnitz, pitoyable deuxième classe au 65e régiment d'infanterie, bien d'autres encore dont les noms reviennent dans ses lettres. Il se plaît particulièrement au sein de la petite société qui se réunit autour de Borie, commissaire à l'inscription mari- time promu commandant du port. « Ce marin est poète et romancier [.], charmant et raffiné », dira-t-il plus tard dans un fragment inédit d'une lettre à Madeleine Pagès, sans cacher à sa correspondante que cet hôte délicat ne dédaignait pas de faire partager à ses invités les enchantements fournis par l'opium. C'est chez lui, sans doute au cours d'une séance de fumerie, qu'un jour de la fin de septembre il est le voisin de la comtesse Louise de Coligny-Châtillon. Elle a alors trente-trois ans. Geneviève-Marguerite-Marie- Louise de Pillot de Coligny-Châtillon c'est ainsi que la nomment les registres de l'état civil était née à Vesoul le 30 juillet 1881. Elle descendait en ligne directe de l'amiral de Coligny, selon une filiation qui, à trois reprises, s'était faite par les femmes. A la fin du xviie siècle, en effet, Anne, arrière-petite-fille de l'amiral, épousa le comte Georges de Extrait de la publication Wurtemberg, assurant par ce mariage la continuité de la souche. Au siècle suivant, la petite-fille d'Anne, Léopoldine- Eberhardine, épousa le comte Charles-Léopold de Sandersle- ben et lui apporta le titre de comte et marquis de Coligny. Enfin, des deux filles issues de cette union, la cadette épousa le comte de Faucigny-Lucinge, l'aînée Thomas de Pillot, les deux branches conservant les titres de comte de Coligny et de comte du Saint Empire romain germanique. A la cinquième génération des Pillot de Coligny, Gonzague, né en 1854, quatrième fils de Louis, épousa une demoiselle d'Amé- dor de Mollans, issue d'une famille de bourgeois de Vesoul anoblie au xvie siècle. Louise Lou de Coligny fut leur unique enfant. Selon André Rouveyre, qui l'a bien connue, elle avait été soumise à l'éducation rigoureuse d'une mère sévère. Elle avait fréquenté l'école des Dames de Saint-Maur à Vesoul, puis, après l'installation de ses parents à Dijon, l'établissement des Dominicaines de cette ville. Elle s'y était mariée le 7 mars 1904 à Emmanuel de Coudenhove, propriétaire agri- cole en Algérie, d'origine dijonnaise. Ce mariage ne dura pas et fut rompu le 11mars 191par un jugement de divorce. Au début de la guerre, Lou était à Nice, sans ressources ou presque, à la suite d'un litige avec sa mère à propos de l'héritage paternel, s'il faut en croire André Rouveyre. Elle était hébergée par sa cousine dans la luxueuse villa Baratier de Saint-Jean-Cap-Ferrat. C'était une jeune femme ardente et indépendante; « gracieuse et novice aventureuse, frivole et déchaînée, prodigue à la fois et avare de soi, imprudente et osée, et plutôt d'ailleurs pour la frime que pour l'enjeu », ainsi la dépeint Rouveyre. Indifférente et pleine d'allant, égoïste et prête à donner, assez superficielle en fin de compte, apte à s'offrir et à se soustraire, moins par coquetterie que par caprice et saute d'humeur, elle acceptait l'aventure et même la cherchait, agissant avec une franchise qui confinait au cynisme, prévenant le partenaire élu qu'il n'avait acquis aucun droit, le prenant au piège de la seule amitié, le mettant Extrait de la publication dente complaisance telles pratiques qui semblent lui plaire d'autant plus qu'elles paraissent imposées à une partenaire qui les redoute. Le peu que nous savons de ses amours anté- rieures nous permet d'entrevoir des attitudes analogues, quoique moins exaspérées; et, dans ses lettres à Madeleine Pagès, il évoquera les joies partagées de la « correction conju- gale » ou lui expliquera qu'il ne lui est soumis que dans la mesure où elle est son esclave. Mais rien n'est simple chez Apollinaire, et le poète ne s'ef- face jamais complètement derrière l'amant. Dès la deuxième lettre, il pense à faire un livre sur Lou et cette préoccupation affleure sous des formes diverses tout au long de cette corres- pondance, au point qu'on a parfois l'impression qu'il écrit pour lui autant que pour elle. Lou, de son côté, ne lui a pas laissé ignorer l'attrait qu'elle trouvait aux aventures menées avec des amis de rencontre. Il sait aussi qu'une liaison plus sérieuse l'attache à celui qui, désigné dans les lettres sous le nom de Toutou, est mobilisé comme artilleur dans la région de Baccarat liaison qui durera d'ailleurs jusqu'à la mort de Toutou en 1926. Mais cette franchise ne va pas sans une certaine ambiguïté. Lou a promis à Apollinaire en tout cas elle ne lui a pas refusé de venir à Nîmes vivre à ses côtés. Elle accepte de lui argent et, quand elle se rend à Paris, logement dans son appartement du 202, boulevard Saint-Germain si elle ne se sent pas liée par ces services, il ne peut s'empêcher de croire, lui, qu'elle accepte ainsi de s'engager un peu plus. Dans sa fascination, il commence par tout supporter. Il se met au ton de son amie, renchérit en matière de « cochon- cetés » car elle a le langage vif, ainsi que la pensée l'aide à obtenir le laissez-passer qui lui permettra d'aller voir Toutou (se montre dépité qu'elle l'ait par une autre voie) non seulement il admet en jouant le détachement, mais il s'efforce d'approuver avec une allégresse contrainte un par- tage peu conforme à son caractère. Le point culminant de cet amour est la permission qu'il Extrait de la publication passe à Nice pour le jour de l'an 1915. A peine rentré à la caserne, il fait le calcul de ses ressources, se met en quête d'une chambre. A cette femme qui s'ébroue dans le sno- bisme il propose l'idéal de Mimi Pinson. Il ne devait pas tarder à déchanter. Une seconde permission, trois semaines plus tard, sera moins exaltante. Les débordements de Lou l'inquiètent et, sans s'avouer jaloux, il tolère mal certaines rivalités. Ses réticences, ses marques d'indifférence le blessent douloureusement dans un amour qu'il croit être l'unique et pour lequel il bafoue les femmes dont il a déjà été épris. Des malentendus surgissent, mineurs, mais révélateurs de failles profondes il se plaint qu'elle croie trop au monde et pas assez à la poésie, qu'elle n'ait pas confiance en lui, que ses lettres s'espacent, deviennent de plus en plus courtes. Il l'adjure d'être sincère, de ne pas le leurrer davantage, de rompre quand il est encore temps. Il ne peut cependant se résigner à la perdre. Le moindre mot, la moindre attention suffisent à dissiper son amertume et sa lucidité passagère, une joie enfantine s'empare de lui, quitte à le laisser ensuite plus abattu. On se demande s'il veut vraiment cacher la réalité de leur liaison à Rouveyre, ou s'il tente seulement de se donner une contenance, quand il écrit à son ami le 15 février Dieux! que tu te trompes, cher ami Rouveyre. Il n'a jamais été question d'amour entre moi et la houri dont tu parles. J'avoue que de mon côté j'eusse volontiers ébauché une liaison sentimentale avec elle. Mais cette fille bizarre a eu soin dès notre première rencontre de bien établir entre nous la barrière de l'amitié. Si bien [que] je n'ai pas le droit de prétendreà plus qu'à de l'amitié pure et simple. Cette situation était douce, je m'en contentais. Plus rien maintenant, car elle est partie je ne sais où et je n'ai plus de ses nouvelles depuis quelque temps. Je crains que l'amitié même ne dure pas en cette âme charmante et inconstante. Et le 26 Tu te trompes, André, il n'y a aucun souvenir mauvais, ni pensée de regret de ma part. Amitié, camaraderie, c'est tout. Un moment de fatigue et un arrêt de ses nouvelles m'a fait écrire ces vers1 où tu as vu un regret d'amour qui n'est point. Jamais pensé à ça. Je pense à autre chose. Une ultime entrevue à Marseille le 28 mars dissipe les dernières illusions d'Apollinaire. Il ne fera plus rien pour rester à Nîmes toujours le besoin de partir. Volontaire pour le front, il abandonne le peloton d'élèves officiers auquel il était si fier d'appartenir et s'en va, simple canonnier de première classe, le 4 avril pour être affecté à une batterie de son régiment en position près de Mourmelon-le-Grand. Cependant, la rupture n'a pas été totale. De part et d'autre, on a sauvé la face. On s'est promis de rester bons amis, de s'écrire souvent, d'entretenir une franchise complète, notamment en tout ce qui concerne la vie amoureuse. Apol- linaire attendra avec une gourmandise équivoque les confi- dences de Lou, qui alimenteraient ses rêves de soldat -mais celle-ci en fera peu. Lui-même tente, par la littérature, une étonnante récupération de l'amour perdu, avec les lettres qu'il intitule Ombre de mon amour, sorte de monologue épis- tolaire destiné à la publication entreprise vite abandonnée, à la seconde de ces lettres. Tandis que le canonnier, bientôt brigadier Kostrowitzky s'initie à la guerre, Lou vit chez lui boulevard Saint-Germain, mène, selon sa propre expression, « une vie de patachon », passe de longues semaines auprès de Toutou non sans se ménager quelques intermèdes, court l'aventure. Il lui écrit i. Ce poème est celui qui est intitulé dans Calligrammes, « C'est Lou qu'on la nommait » Il est des loups de toutes sortes Je connais le plus inhumain Mon cœur que le diable l'emporte Et qu'il le dépose à sa porte N'est plus qu'un jouet dans sa main. Extrait de la publication veyre en avait donné quelques extraits dans La Nouvelle Revue française, puis dans son Apollinaire en 1945. Pierre-Marcel Adéma fut le premier à en faire connaître une suite impor- tante dans le numéro de La Table ronde de septembre 1952 consacré à Apollinaire. Pierre Cailler enfin avait, en 1947, extrait de la précieuse liasse, dont il avait eu communication, les poèmes et les parties rimées pour les publier sous le titre d'Ombre de mon amour, puis de Poèmes à Lou, que ce recueil a conservé. Il réalisa ensuite une admirable édition en fac- similé de toutes les lettres d'Apollinaire à Lou, avec une pré- sentation d'André Rouveyre. Mais, pour des raisons obscures et à cause d'interdictions formulées au dernier moment, il ne put la mettre dans le commerce et dut s'engager à la détruire, ne sauvegardant que quelques exemplaires de colla- borateurs. Aujourd'hui que Lou n'est plus (elle est morte le 7 octobre 1963), ni Jacqueline Apollinaire, que la plupart des personnes mises en cause dans cette correspondance ont disparu, rien ne s'oppose à une publication de ce document unique. Le présent volume a été établi d'après un exemplaire de l'édition mort-née Cailler. Il faut toutefois remarquer que cette édition est manifestement incomplète. En voici quelques preuves i° Dans la lettre 65 Apollinaire parle d'un conte en vers envoyé la veille; or nous n'avons rien, ni la veille, ni les jours précédents, qui corresponde à ce conte. 2° La lettre 74 fait état d'une image les nymphes de la fontaine de Nîmes contenue dans un poème envoyé à Lou qu'on n'identifie pas et qui doit donc manquer. 30 Dans la lettre 217, Apollinaire rappelle qu'il a réclamé des reconnaissances du mont-de-piété de Nice; nous n'en trouvons aucune trace dans les lettres précédentes. De plus, dans la même lettre, sa nouvelle adresse au 96e de ligne est donnée sans commentaire, comme si elle était déjà connue de sa correspondante; il serait surprenant que son passage dans l'infanterie, même dans l'état de dégradation où était Extrait de la publication | uf HSC/30/90 69-X1 Extrait de la publication
Docsity logo


Copyright © 2024 Ladybird Srl - Via Leonardo da Vinci 16, 10126, Torino, Italy - VAT 10816460017 - All rights reserved