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P. Salvage-Gerest_Adoptions prononcées à l'étranger_Revue ..., Résumés de Arts

2011, n° 391, citant l'arrêt Cornelissen (Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 05-14.082 : JurisData n° 2007-037466). 36. P. Salvage-Gerest, Adoption en Haïti, ...

Typologie: Résumés

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

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Maurice_sup 🇫🇷

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Télécharge P. Salvage-Gerest_Adoptions prononcées à l'étranger_Revue ... et plus Résumés au format PDF de Arts sur Docsity uniquement! 11 Entrée dans l’ordre juridique français des adoptions prononcées à l’étranger : quand cessera-t-on de marcher sur la tête ? Pascale SALVAGE-GEREST, professeur honoraire de l’université Grenoble Alpes L'adoption d'un enfant étranger prononcée à l'étranger a l'autorité de la chose jugée en France sans exequatur tant qu'elle n'est pas contestée en justice. Toutefois, elle ne produit tous les effets que la loi française attache à l'institution, et ne les produit définitivement, que si la décision étrangère est « reconnue » par une autorité française ou si nouveau jugement est prononcé en France. Notre droit en ce domaine est tel que même les professionnels s'y perdent, ce qui ne peut être dans l'intérêt supérieur des enfants concernés, qui sont traités de façon très inégalitaire et peuvent rester des années dans une situation juridique de précarité inconciliable avec une vie familiale normale. 1 - Une adoption prononcée à l’étranger en application d’une loi étrangère est considérée comme équivalente à une adoption plénière ou simple de droit français suivant son contenu. Qu’elle soit l’une ou l’autre, elle produit de plein droit ses effets en France en tant qu’elle porte sur l’état des personnes (les effets que la loi étrangère y attache) 1. Cette règle n’est déjà pas toujours connue des administrations, auxquelles il arrive de considérer l’enfant comme simplement recueilli en vue de son adoption, et leministre de la Justice semble lui-même ne l’avoir intégrée que difficile- ment 2. 2 - La décision étrangère n’a cependant qu’une autorité provi- soire (tant qu’elle n’est pas contestée en justice), et elle ne produit pas les effets qui relèvent de la loi française, tels l’obtention de la nationalité française ou la dévolution du nom de famille. C’est pourquoi les parents adoptifs, qui souhaitent en général que leur enfant soit intégré rapidement et complètement à leur famille et à la société française, envisagent de demander à bref délai soit la reconnaissance de la décision étrangère afin qu’elle soit définiti- vement opposable en France, soit un nouveau jugement d’adop- tion en France. Ils sont alors engagés dans un processus aléatoire, qui plus est dans un climat général de suspicion qu’ils ne comprennent pas lorsqu’ils ont respecté ou cru respecter à la lettre les nombreuses exigences françaises et étrangères qui ont émaillé leur parcours depuis l’agrément indispensable à leur projet (C. civ., art. 353-1). Pour s’informer sur la marche à suivre, ils ne peuvent que s’en remettre aux organismes chargés de cette tâche, dont malheureusement aucun ne sait les renseigner efficacement : le Service de l’adoption internationale duministère desAffaires étran- gères (SAI), rebaptiséMission de l’adoption internationale (MAI) 3, les Organismes privés autorisés pour l’adoption (OAA), l’Agence française de l’adoption (AFA), les Services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE), sont très performants sur le proces- sus adoptif jusqu’à l’arrivée de l’enfant au foyer de l’adoptant ainsi que sur les conditions de son accompagnement social en France ; en revanche, les informations qu’ils donnent sur l’entrée de l’adop- tion dans l’ordre juridique français, qui relève d’autorités dépen- dant du ministère de la Justice, manquent de rigueur, quand elles ne sont pas contradictoires entre elles, y compris lorsqu’elles émanent de lamême source 4. Les raresmanifestations d’intérêt du ministre de la Justice pour le sujet, qui sont loin elles aussi d’appor- ter la clarté que la complexité du sujet mériterait, paraissent passer plutôt inaperçues auprès de ces organismes 5. 3 - Quoi qu’il en soit, ce n’est pas à une meilleure information qu’il faudrait s’appliquer, c’est à lamise en place d’une procédure unique, cohérente, susceptible d’être comprise ne serait-ce que par la ou les autorités chargées de l’appliquer, et surtout assurant l’égalité de tous devant la justice. Actuellement, la régularité de l’adoption desmilliers d’enfants adoptés dans plus de soixante États différents 6 est d’abord contrôlée par la MAI, mais uniquement en vue de l’octroi d’un visa pour l’enfant. Le droit ainsi acquis de vivre sur le territoire ne préjuge en rien du statut qu’y aura cet enfant, car les décisions relatives à l’adoption elle-même sont prises, suivant les cas, soit par le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nantes, soit par l’un des trente-sept tribunaux de grande instance ayant reçu compétence en matière d’adoption internationale 7, dont les vues sont loin de s’accorder sur bien des points 8. Avant de savoir quel sera finalement ce statut, l’adoptant doit franchir des étapes qui, lorsque les relations ne sont pas soli- dement et durablement établies entre l’État d’origine de l’enfant et la France, peuvent s’apparenter à une course d’obstacles juridiques et financiers pouvant durer des années. 1. Première étape pour l’adoptant 4 - Savoir s’il a le choix entre demander la reconnaissance de l’adoption prononcée à l’étranger ou requérir un nouveau juge- 1. Cass. 1re civ., 14 févr. 1990, n° 88-16.385. 2. Dans une première réponse à un sénateur, le ministre indiquait que l’enfant arrivé de l’étranger était « placé en vue de l’adoption » (Rép. min. n° 11952 : JO Sénat Q 4 févr. 2010, p. 220). Il corrigeait discrètement cette erreur peu après dans une seconde réponse au même sénateur en écrivant que « l’adop- tion prononcée à l’étranger par décision administrative ou judiciaire étrangère est reconnue de plein droit en France, tant que sa régularité internationale n’est pas contestée devant un tribunal français » (Rép. min. n° 12826 : JO Sénat Q 29 juill. 2010, p. 1985). – sur ces réponses, V. P. Salvage-Gerest, Adoption inter- nationale posthume : un feuilleton déplorable : Dr. famille 2011, étude 6. – La circulaireCirc. JUSC1119808C, 28 oct. 2011, relative aux règles particulières à divers actes de l’état civil relatifs à la naissance et à la filiation : BOMJL n° 2011- 11, 30 nov. 2011, n° 374, confirme en la développant la réponse du 29 juillet 2010 précitée. 3. A. 28 déc. 2012, art. 5 et 13, III : JO 30 déc. 2012. 4. V. notamment infra note 14. 5. Ni l’Instruction générale relative à l’état civil (IGREC) ni la circulaire du 28 octobre 2011, destinée à la compléter, ne sont citées dans la documenta- tion fournie sur le site Internet de la MAI (www.diplomatie.gouv.fr). 6. En 2012, 1569 enfants venant de soixante-cinq États, selon les statistiques de la MAI, disponibles sur www.diplomatie.gouv.fr. 7. V. liste in COJ, art. D. 211-10-1, tableau VIII-I. 8. P. Salvage-Gerest, Nom, prénom et état civil de l’adopté simple dans l’adop- tion internationale (à propos de la circulaire du 28 octobre 2011) : comprenne qui pourra : Dr. famille 2012, étude 9. DROITDE LA FAMILLE - REVUEMENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - SEPTEMBRE2013 7 Études ment auprès d’un tribunal français. – Selon le professeur Guin- chard – qui le déplorait d’ailleurs – un tel choix existe bien 9. Le ministre de la Justice est d’un avis contraire : pour lui l’autorité de la chose jugée qui s’attache à la décision étrangère s’oppose au dépôt d’une requête en vue d’un nouveau jugement d’adoption en France 10. Cette opinion a été émise à propos de l’adoption plénière, mais rien ne permet de dire qu’elle serait différente à propos de l’adoption simple. Au contraire, le ministre semble confirmer cette opinion à propos des deux sortes d’adoption dans sa circulaire du 28 octobre 2011, en n’indiquant la possibilité de requérir un jugement d’adoption en France que « principalement » dans trois cas : la conversion des adoptions simples en plénières, l’absence d’adoption prononcée à l’étranger, le refus de transcrip- tion directe des adoptions étrangères par le procureur de la Répu- blique de Nantes – auquel cas la requête en adoption devrait s’accompagner de la justification d’éléments nouveaux ou de la production de nouvelles pièces 11. 5 - La MAI semble suivre le ministre de la Justice sur le principe à propos de l’adoption plénière lorsqu’elle écrit : « Si la décision d’adoption étrangère produit en France les effets d’une adoption plénière : vous devez adresser au procureur de la République du tribunal de grande instance (TGI) deNantes une demande de trans- cription » 12 (transcription directe de la décision étrangère sur les registres du Service central de l’état civil duministère des Affaires étrangères, valant reconnaissance, donc opposabilité, de cette décision en France, et tenant lieu d’acte de naissance à l’adopté). Mais cet organisme envisage des exceptions à cette obligation au moins pour les enfants originaires de certains États : « S’agissant des familles adoptantes qui n’auraient pas pu effectuer la démarche de changement de nom et prénom de l’enfant dès obtention de la décision d’adoption [auVietnam] : nous vous conseillons de dépo- ser une requête en adoption plénière auprès du TGI spécialisé en matière d’adoption internationale territorialement compétent (...) » 13 : il ne précise pas aux intéressés que cette requête dispense de la transcription directe qu’il a pourtant déclarée obligatoire dans sa présentation générale 14. À propos de l’adoption simple, l’auto- rité de la chose jugée à l’étranger ne serait pas, selon lui, un obstacle à une nouvelle demande en France : « Si l’adoption produit les effets de l’adoption simple : vous pourrez déposer une requête en adoption devant le TGI compétent dans le ressort de votre domicile. Le tribunal examine les pièces du dossier d’adop- tion et pourra alors prononcer une adoption simple » 15. Ici, étran- gement, l’autorité de la chose jugée à l’étranger ne s’oppose pas à une requête en vue d’un nouveau jugement ayant le même objet, et ni la possibilité de demander la reconnaissance de la décision étrangère ni celle de demander la conversion en adoption plénière ne sont évoquées. 6 - À cet imbroglio gouvernemental viennent s’ajouter quelques discordances au sein des juridictions, certains greffes refusant par principe le dépôt des requêtes lorsque les adoptions ont été prononcées dans le cadre de la Convention de LaHaye du 29 mai 1993 16 sous prétexte que ces adoptions seraient obligatoirement plénières, donc soumises au contrôle du Parquet deNantes en vue de leur transcription directe. Il s’agit d’une pure invention, même si elle est très répandue : la convention, qui n’est que de coopéra- tion, laisse aux États parties le soin de décider s’ils organisent une adoption avec ou sans rupture du lien de filiation préexistant (critère de l’adoption plénière ou simple selon l’article 370-5 du Code civil) et se contente de prévoir des solutions de coordination au cas où les législations des États d’origine et d’accueil de l’adopté ne seraient pas conformes sur ce point 17. Le modèle français est « un »modèle parmi d’autres, comment peut-on croire qu’il a été « le » modèle pour les rédacteurs de la convention ! 7 - La vérité est que la transcription directe des adoptions plénières prononcées à l’étranger ne peut pas être la voie obliga- toire, et ce pour au moins cinq bonnes raisons : - le législateur prévoit lui-même la possibilité d’exequatur de ces adoptions, donc la transcription directe n’est pas une voie exclu- sive (C. civ., art. 357-1) 18 ; - une décision étrangère simplement transcrite conserve une autorité fragile puisque, la transcription n’étant qu’unemesure de publicité 19, elle peut encore théoriquement être contestée en justice ; - la transcription directe ne permet pas de changer le prénom de l’enfant 20, ni de rectifier une erreur substantielle qui apparaîtrait dans la décision étrangère, par exemple sur le lieu ou la date de naissance de l’enfant ; - il n’est pas contesté que, en cas de refus de transcription directe, l’adoptant peut présenter une requête en vue d’un nouveau juge- ment d’adoption auprès du tribunal compétent 21, alors que l’auto- rité de la chose jugée attachée à la décision étrangère est restée la même puisque celle-ci n’a pas été contestée en justice ; - surtout, la qualification de l’adoption – plénière ou simple – n’est pas une donnée objective a priori, mais résulte de l’analyse de la décision étrangère effectuée a posteriori par le procureur de la République de Nantes ou le tribunal saisi 22. Elle n’est donc même pas une donnée objective a posteriori puisque les analyses du procureur de la République et des trente-sept tribunaux compé- tents – donc leur interprétation des lois et des décisions étrangères – peuvent être divergentes. C’est donc bien « marcher sur la tête » que d’obliger les particuliers à effectuer une démarche dont il ne leur sera dit qu’après coup s’ils se trouvaient bien dans la situation où ils devaient l’effectuer. 2. Deuxième étape pour l’adoptant 8 - Parier sur le caractère plénier ou simple de l’adoption prononcée à l’étranger. –Comme il vient d’être vu, l’adoptant doit, avant toute démarche, décider si, à son avis, l’adoption prononcée à l’étranger est plénière ou simple, car cela conditionne la suite de ses démarches : la transcription directe n’étant possible que pour les adoptions plénières, il devra obligatoirement saisir un tribunal 9. S.Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, Rapport auGarde des Sceaux 2008 :Doc. fr. 2009 ;www.ladocumentationfrançaise.fr., p. 214. – sur ce rapport, V. P. Salvage-Gerest, L’adoption internationale dans le rapport de la commission Guinchard sur la répartition des contentieux : Dr. famille 2008, étude 19. 10. Rép. min. n° 14907 : JO Sénat Q 4 nov. 2010, p. 2907. 11. Circ. JUSC1119808C, 28 oct. 2011, n° 375 et 403. 12.www.diplomatie.gouv.fr/fr/adopter-a-l-etranger/comment-adopter-a-l-etranger/ le-guide-de-l-adoption-a-l/ 13.www.diplomatie.gouv.fr/fr/adopter-a-l-etranger/comment-adopter-a-l-etranger/ les-fiches-pays-de-l-adoption/fiches-pays-adoption/article/adopter-au- vietnam. Ce conseil, au demeurant, est inutile pour le changement de nom, qui peut être obtenu à l’occasion de la transcription directe de la décision étran- gère (C. civ., art. 357-1, al. 2). 14.www.diplomatie.gouv.fr/fr/adopter-a-l-etranger/comment-adopter-a-l-etranger/ le-guide-de-l-adoption-a-l/ 15. Ibid. 16. Conv. La Haye, 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, entrée en vigueur en France en 1998 :www. Hcch.net. 17. Conv., art. 26-2 : « Si l’adoption a pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, l’enfant jouit, dans l’État d’accueil et dans tout autre État contractant où l’adoption est reconnue, des droits équivalents à ceux résultant d’une adop- tion produisant cet effet dans chacun de ces États ». Art. 27-1 : « Lorsqu’une adoption faite dans l’État d’origine n’a pas pour effet de rompre le lien préexis- tant de filiation, elle peut, dans l’État d’accueil qui reconnaît l’adoption confor- mément à la Convention, être convertie en une adoption produisant cet effet (...) ». 18. V. aussiCirc. 29 mai 2013 : BOMJ n° 2013-05, 31 mai 2013, annexe, modèle de déclaration d’option de nom 4-3. 19. Circ. JUSC1119808C, 28 oct. 2011, n° 374, citantCass. 1re civ., 29 mars 1989 : Bull. civ. 1989, I, n° 144 ; JDI 1989, 1015 ; Rev. crit. DIP 1990, p. 352. 20. L’article 357-1 duCode civil (réd. L. n° 2013-404, 17 mai 2013) exclut expres- sément de son renvoi le dernier alinéa de l’article 357. 21. Circ. JUSC1119808C, 28 oct. 2011, n° 375. 22. En ce sens, V. Circ. JUSC1119808C, 28 oct. 2011, n° 390. DROITDE LA FAMILLE - REVUEMENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - SEPTEMBRE2013 8 Études tement à une rupture complète et irrévocable du lien de filiation, dans les conditions de l’article 370-3, alinéa 3, du Code civil, considéré comme édictant une règle de droit matérielle (« quelle que soit la loi applicable ») 40. Selon laCour de cassation, qui a déjà rendu en peu de temps une série inhabituelle d’arrêts sur ce sujet, ce consentement n’a pas à être examiné si l’acte qui lematérialise, qui doit être authentique, n’a pas été légalisé, du moins lorsqu’il n’existe pas de convention dispensant de cette formalité entre la France et l’État dans lequel l’acte a été dressé 41. 22 - Tout a été dit et écrit sur cette jurisprudence d’une rigidité sans faille, appliquée de façon rétroactive à des affaires datant d’une époque où les adoptants n’avaient pas et ne pouvaient pas avoir connaissance de cette exigence, et sans que l’autorité appe- lée à effectuer la légalisation soit clairement définie 42. Mais pour- quoi faut-il que la MAI renchérisse sur cette rigidité en disant aux parents d’enfants vietnamiens, par exemple, que, en plus de la décision vietnamienne désormais considérée comme prononçant une adoption plénière, sera exigé, pour la transcription directe de celle-ci, un acte de consentement à une rupture complète et irré- vocable du lien de filiation, comme s’il s’agissait de convertir une adoption simple ? Ce consentement a nécessairement été donné en vue de la décision étrangère d’adoption plénière, il n’y a donc pas d’acte complémentaire à produire, pas plus pour les enfants vietnamiens que pour les autres. En outre, selon lamême MAI, un consentement à une rupture complète (et non irrévocable) de ce lien devrait suffire, puisque le Vietnam est partie à la Convention de La Haye du 29 mai 1993 43 ! Encore un exemple criant de la pauvreté de l’information fournie aux usagers. B. - Exequatur 23 - Lorsque l’adoptant pense que le dossier de l’enfant ne lui permet pas d’obtenir une adoption plénière, ou lorsqu’il ne souhaite pas celle-ci, la démarche qui paraît s’imposer à lui est de demander l’exequatur de la décision étrangère. C’est en effet ce qu’exige le décret du 30 décembre 1993 pour que l’adopté acquière la nationalité française de son ou ses parents par décla- ration en application de l’article 21-12, alinéa 1er, duCode civil 44. L’exequatur, une fois obtenu, fait l’objet d’une transcription sur les registres du service central de l’état civil, mais cette transcription, effectuée sur un registre spécial, n’a qu’un objet : être présentée au greffier en chef du tribunal d’instance en vue de la déclaration d’acquisition de la nationalité française ; en aucun cas elle ne peut tenir lieu d’acte de naissance à l’adopté qui n’est pas encore fran- çais 45. Inutile de préciser que même les magistrats spécialisés n’ont pas tous compris qu’une même formalité, dite « transcrip- tion », puisse avoir des effets aussi différents suivant que l’adoption prononcée à l’étranger est plénière ou simple 46. 24 - Un adoptant soucieux de ses deniers préférera évidemment saisir le tribunal en vue d’une conversion de l’adoption simple en adoption plénière, même s’il doit pour cela attendre six mois de plus 47, en y ajoutant une demande subsidiaire d’adoption simple s’il est certain que la conversion ne lui sera pas accordée (encore que, au vu de la jurisprudence, il n’est pas exclu qu’il ait une bonne surprise...). C. - Dispenses d’exequatur ? 25 - Selon leministre de la Justice, il y aurait dispense d’exequa- tur lorsque l’adoption simple a été prononcée dans le cadre de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 48. S’il en est ainsi, ce ne peut être que le certificat de conformité prévu par l’article 23-1 de la Convention, délivré par l’État étranger, qui permettrait de faire la déclaration d’acquisition de nationalité 49. Cela paraît d’autant plus curieux que le même ministre considère que les adoptions plénières prononcées dans le cadre de cette Convention doivent, pour entrer dans l’ordre juridique français, faire l’objet d’un contrôle par une autorité de l’ordre judiciaire français 50. Comment pourrait-il en aller autrement de l’adoption simple, cette dispense, au surplus, ne résultant d’aucun texte ? Sur le fond, il serait d’ailleurs nouveauque la nationalité française soit accordée au seul vu d’une décision émanant d’une autorité administrative étrangère, en l’occurrence l’Autorité centrale pour l’adoption internationale imposée par la Convention de La Haye du 29 mai 1993. Le ministre, en tout cas, pas plus que la MAI, ne précise au vu de quel(s) document(s) autre(s) que l’exequatur la déclaration peut être faite. 26 - Il y aurait aussi dispense d’exequatur lorsque le tribunal, saisi d’une requête en conversion d’adoption simple en plénière, consi- dère que l’adoption prononcée à l’étranger, équivalente à une adoption simple, est opposable en France 51 : les décisions de ce type, qui consistent à reconnaître la décision étrangère à l’occasion d’une autre procédure, en l’occurrence celle tendant à la conver- sion de l’adoption simple en plénière, ne sont pas rares s’agissant des enfants haïtiens 52. Cela est acceptable, dumoins si le jugement est transcrit à Nantes de la même façon que les jugements d’exequatur, donc si les greffiers en chef des tribunaux d’instance n’ont pas à hésiter au moment de la déclaration d’acquisition de la nationalité française. D. - Requête en adoption simple 27 - Il est rare que les adoptants qui ont un jugement étranger d’adoption simple présentent une nouvelle requête en France. Néanmoins, cette possibilité ne devrait pas leur être refusée lorsqu’elle leur permet un changement de nom ou de prénom ou un autre effet que l’exequatur ne leur permet théoriquement pas d’obtenir. La MAI n’envisage d’ailleurs, étrangement, que cette possibilité 53. Le plus souvent, une telle demande est subsidiaire à une requête en adoption plénière. Elle permet de ne pas avoir à engager une nouvelle procédure si le tribunal refuse de prononcer l’adoption plénière demandée. Conclusion 28 - Il y a déjà quelques années, leGouvernement était alerté par deux rapports successifs sur la nécessité de simplifier l’entrée dans 40. Selon l’opinion dominante, pourtant, le tribunal devrait, par dérogation, se contenter d’un consentement à une rupture complète (et non irrévocable) du lien de filiation lorsque l’adoption a été prononcée dans un État partie à la Convention de La Haye (V. supra notes 25 et 26). 41. V. supra arrêts cités note 37. 42. V. P. Salvage-Gerest, obs. ss Cass. 1re civ., 23 mai 2012, préc. : AJF 2013, 55. 43. V. supra notes 26 et 40. 44.D. n° 93-1362, 30 déc. 1993, art. 16 : Pour souscrire la déclaration prévue à l’article 21-12 duCode civil, le déclarant doit fournir : 3° (...) si l’adoption a été prononcée à l’étranger, l’acte qui la constate doit faire l’objet d’une décision d’exequatur rendue en France. 45. Circ. JUSC1119808C, 28 oct. 2011, préc., n° 374 et 402. 46. V. P. Salvage-Gerest, Nom, prénom et état civil de l’adopté simple (...), préc. 47. V. supra Requête en adoption plénière devant un tribunal français. 48. Circ. JUSC1119808C, 28 oct. 2011, préc. : « si la décision émane d’un pays ayant ratifié la convention de La Haye et est accompagnée du certificat de conformité, l’exequatur n’est pas nécessaire » (n° 376). 49. Circ. JUSC1119808C, 28 oct. 2011, n° 399 (a contrario) : « cette procédure (l’exequatur) est également nécessaire dans le cadre de la demande de décla- ration de nationalité française lorsque la procédure d’adoption a été réalisée en dehors du cadre de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 (n° 399). 50. Circ. JUSC1119808C, 28 oct. 2011 : « La transcription d’une décision étran- gère d’adoption assimilable à une adoption plénière de droit français ne peut être réalisée sur les registres de l’état civil français sans vérification de sa régu- larité internationale par le procureur de la République dans le ressort duquel la transcription doit être effectuée » (n° 374), et « Si l’adoption a été pronon- cée dans le cadre de la Convention de La Haye, la vérification opérée par le parquet est un contrôle a minima » (n° 379). 51. Circ. JUSC1119808C, 28 oct. 2011 : « La régularité de la décision étrangère peut également être contrôlée, à titre incident, au cours de toute instance lors de laquelle elle est invoquée » (n° 377 et n° 403). 52. V. P. Salvage-Gerest, Nom, prénom et état civil de l’adopté simple (...), préc. 53. V. supra note 15. DROITDE LA FAMILLE - REVUEMENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - SEPTEMBRE2013 11 Études l’ordre juridique français des décisions étrangères d’adoption 54. Les seuls progrès ont été de diminuer le nombre de tribunaux compétents en matière d’adoption internationale – ce qui n’a pas empêché une jurisprudence chaotique – et de renforcer les effec- tifs à Nantes. En Belgique, si l’on en croit le site Internet officiel, c’est l’Autorité centrale fédérale, dépendant du service public de la Justice, qui reconnaît les adoptions prononcées à l’étranger, se prononce sur l’équivalence de l’adoption étrangère à une adoption plénière ou simple, opère les changements de nom et de prénom souhaités, confère à l’enfant la nationalité belge de l’adoptant... le tout avant l’entrée de l’adopté en Belgique. La conversion des adoptions simples en plénières y est aussi possible 55. Àméditer ! ê Mots-Clés : Filiation - Adoption - Adoption prononcée à l’étranger - Exequatur 12 Le refus de se soumettre à l’expertise biologique en matière de filiation et d’action à fins de subsides Solange MIRABAIL, maître de conférences (HDR), université Toulouse I Capitole, membre de l’Institut de droit privé L’expertise biologique est devenue la piècemaîtresse dans les procès relatifs à la filiation et à l’action à fins de subsides. La progression, dans ces deuxdomaines, de cemode de preuve a pour corollaire lamultiplication des hypothèses dans lesquelles les intéressés peuvent refuser de se soumettre à l’expertise ordonnée et, par là même, entraver cette recherche de la vérité biologique à laquelle notre droit accorde uneplace nonnégligeable. Cette évolution conduit à s’interroger sur le bien-fondé de ce pouvoir accordé à la volonté individuelle de contrecarrer cette vérité et à envisager les conséquences du refus. 1 - En droit civil français, nul ne peut être contraint de se soumettre à une expertise biologique. Émanation de la liberté indi- viduelle, le refus de se soumettre à cette mesure constitue un obstacle infranchissable à la recherche de la vérité. 2 - Ce droit de refusermérite plus d’attention aujourd’hui qu’hier en raison du rôle capital que joue l’expertise biologique. Ce sont les progrès accomplis en matière de biologie et de génétique et l’évolution juridique qu’ils ont entraînée qui lui ont conféré la place qu’elle occupe actuellement. L’expertise biologique est, en effet, devenue la pièce maîtresse dans les procès relatifs à la filiation et à l’action à fins de subsides. L’évolution scientifique ayant été progressive, l’adaptation du droit a, elle aussi, été progressive. 3 - En droit de la filiation l’évolution juridique s’est effectuée en trois étapes : la loi du 3 janvier 1972, la loi du 8 janvier 1993 et l’ordonnance du 4 juillet 2005. En 1972, le législateur a institué le principe de la liberté de la preuve dans le cadre des actions en contestation de filiation afin de pouvoir recourir à l’expertise biolo- gique qui, à l’époque, ne permettait que de prouver l’inexistence d’un lien de filiation. Par la suite, les progrès scientifiques ont été tels que les experts ont pu, non seulement conclure à l’inexistence d’un lien de filiation, mais aussi à son existence avec un taux de probabilité proche de la certitude. Prenant acte de cette nouvelle donnée, la loi du 8 janvier 1993 a facilité le recours à l’expertise biologique en assouplissant la réglementation des actions tendant à l’établissement d’un lien de filiation 1. L’ordonnance du 4 juillet 2005 a franchi un pas supplémentaire en adoptant le principe de la liberté de la preuve en droit de la filiation (C. civ., art. 310-3, al. 2). La jurisprudence a aussi participé à l’accroissement du rôle de ce mode de preuve en consacrant en ce domaine un véritable droit à l’expertise 2. En outre, les juges ont pu se contenter des seuls résultats d’une expertise pour donner gain de cause au demandeur ou au contraire pour le débouter. L’expertise biologique étant deve- nue la reine des preuves en matière de filiation, c’est quasiment dans tous les procès relatifs à ce domaine que se pose, pour les inté- ressés, la question de savoir s’ils acceptent ou refusent de se soumettre à la mesure ordonnée. 4 - Or, cette question ne se pose pas uniquement dans ce cadre mais aussi dans celui de l’action à fins de subsides où le rôle de l’expertise biologique s’est accru de lamêmemanière qu’en droit 54. S.Guinchard, Rapp. préc., supra note 8. – J. M. Colombani, Rapport sur l’adop- tion présenté au Président de la République : www.ladocumentationfrançai- se.fr, 2008. 55. http://diplomatie.belgium.be/fr/binaries/adoption_internationale_tcm313- 122248.pdf 1. Elle a, par exemple, remplacé les cas d’ouverture auxquels était subordonnée l’action en recherche de paternité par l’existence de présomptions ou indices graves. 2. V. notamment, s’agissant de l’action en recherche de paternité, Cass. 1re civ., 18 mars 2000 : Dr. famille 2000, comm. 72, obs. P. Murat ; D. 2000, p. 731, note T. Garé ; D. 2001, p. 976, obs. F. Granet ; D. 2001, p. 1427, obs. H. Gaumont-Prat ;D. 2001, p. 2868, obs. C. Desnoyer ; JCPG2000, II, 10409, concl. C. Petit et note M.-C. Monsallier-Saint-Mleux ; RTD civ. 2000, p. 304, obs. J. Hauser ; Defrénois 2000, p. 769, note J. Massip. – Cass. 1re civ., 30 mai 2000 : JCP G 2000, II, 10410, note T. Garé ; F. Granet, obs. préc. ; H. Gaumont-Prat, obs. préc. ; C. Desnoyer, obs. préc. DROITDE LA FAMILLE - REVUEMENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - SEPTEMBRE2013 12 Études
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