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Poèmes saturniens de Paul VERLAINE, Slides de Poétique

Le regard de la femme est comparé à celui des statues. Verlaine publie Poèmes saturniens en 1866. Il fait une référence dans ce texte à « La ...

Typologie: Slides

2021/2022

Téléchargé le 08/06/2022

Marcel90
Marcel90 🇫🇷

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Aperçu partiel du texte

Télécharge Poèmes saturniens de Paul VERLAINE et plus Slides au format PDF de Poétique sur Docsity uniquement! Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence Poèmes saturniens de Paul VERLAINE : étude d’une œuvre intégrale. Séquence réalisée par Mme Aurélie RENAULT, professeure agrégée au Lycée Emile Zola d’Aix-en-Provence : classe de 1ère. Problématique didactique : comment la forme, la musicalité et l'intertextualité concourent- elles à construire le sens des poèmes saturniens ? Problématique littéraire : Pourquoi peut-on dire que le saturnisme ne se confond pas avec une simple mélancolie ? Supports : - "Mon rêve familier" - " M. Prudhomme" - "La ballade des ingénues" - "La mort de Philippe II" (extrait) Textes complémentaires : - Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, chapitre sur la Sylphide. - Gérard de Nerval, "Fantaisie" - Charles Baudelaire, "La vie antérieure", Fleurs du Mal. - Flaubert, Bouvard et Pécuchet - Stendhal, Le Rouge et le Noir - Verlaine, "Art Poétique" Ces textes complémentaires permettent d'approfondir la notion d'intertextualité abordée tout au long de la séquence, Verlaine ne cessant d'enrichir ses poèmes avec des références à des poèmes, romans, Mémoires… Etude de l'image fixe : - caricatures de M. Prudhomme - Goya, Aquellos polvos trajeron estos lodos ("Ces poussières apportèrent des boues"), 1799. Musée du Prado. Gravure numéro 23. Langue et culture de l'Antiquité : Le mythe de l'androgyne (Platon, Le Banquet) Méthode suivie : Les poèmes sont abordés le plus souvent de façon linéaire avec les élèves, ce qui permet : - de voir immédiatement quels contresens ils peuvent faire - de chercher ensemble (en utilisant le Trésor de la Langue Française – TLF en ligne) la signification de certains mots - de dégager les mouvements du poème - de construire ensemble le sens du poème Une fois l'analyse faite, nous cherchons les questions qui peuvent éventuellement être posées lors de l'EAF et construisons les plans. Dans le déroulé de séquence ci-dessous, vous voyez les analyses, questions, plans, tels qu'ils ont été faits en classe. Seul le commentaire littéraire de "La mort de Philippe II" ne correspond pas à une lecture analytique. INTRODUCTION Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence Recherches sur : - Verlaine - Les poèmes saturniens ( recueil de jeunesse ; saturnisme…) - Structure du recueil ( Mélancholia, eaux-fortes, paysages tristes, caprices) - Le Parnasse, le romantisme, le symbolisme L'un des objectifs de la séquence consiste à re-préciser ce qu'est le saturnisme en l'associant en plus de la mélancolie à l'ironie. Le mal-être du poète le conduit à porter un regard ironique sur le monde, regard que l'on peut voir notamment dans les trois derniers poèmes étudiés. Lecture analytique 1 : "Mon rêve familier", Verlaine Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime, Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend. Car elle me comprend, et mon cœur, transparent Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant. Est-elle brune, blonde ou rousse ? — Je l’ignore. Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore Comme ceux des aimés que la Vie exila. Son regard est pareil au regard des statues, Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a L’inflexion des voix chères qui se sont tues. Verlaine a écrit un "Art poétique" dans lequel il dit : « De la musique avant toute chose ! » Il recherche la musicalité dans ses poèmes comme dans « Mon rêve familier ». Verlaine s’inspire ici de la figure de la Sylphide mise en scène par Chateaubriand aussi bien dans Les Mémoires d’Outre-tombe que son roman, René. La Sylphide est une femme imaginaire. Verlaine s’inspire aussi des textes d’un autre poète romantique, Gérard de Nerval qui a écrit des textes sur la vie antérieure. « Mon rêve familier » est un sonnet composé de deux quatrains et de deux tercets aux rimes embrassées. Verlaine fait le choix de l’alexandrin. Le titre suppose une habitude ; on verra que « mon rêve » se confond avec l’existence d’une femme. Mouvements du poème - I / 2 quatrains : description d’une femme idéale dont rêve le poète - II/ 2 tercets : une femme inconnue qu’il aurait rencontrée ds une vie antérieure 1er mouvement (2 quatrains) : v.1-2 : Le locuteur utilise du présent de vérité générale, « je fais » et un adverbe de temps, « souvent » pour dire la fréquence du rêve. Le mot « rêve » est mis en relief derrière le déictique « ce » et à la césure. Le rêve envoute le poète < musicalité due au retour de « an » Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence Textes complémentaires : Texte 1 : Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, "la sylphide" Texte 2 : Nerval, "Fantaisie" Texte 3 : Baudelaire, "La vie antérieure" Texte 1 : Mémoires d’outre tombe, Chateaubriand, 1848 Ce délire dura deux années entières, pendant lesquelles les facultés de mon âme arrivèrent au plus haut point d'exaltation. Je parlais peu, je ne parlai plus ; j'étudiais encore, je jetai là les livres ; mon goût pour là solitude redoubla. J'avais tous les symptômes d'une passion violente ; mes yeux se creusaient ; je maigrissais ; je ne dormais plus ; j'étais distrait, triste, ardent, farouche. Mes jours s'écoulaient d'une manière sauvage, bizarre, insensée, et pourtant pleins de délices. Au nord du château s'étendait une lande semée de pierres druidiques ; j'allais m'asseoir sur une de ces pierres au soleil couchant. La cime dorée des bois, la splendeur de la terre, l'étoile du soir scintillant à travers les nuages de rose, me ramenaient à mes songes : j'aurais voulu jouir de ce spectacle avec l'idéal objet de mes désirs. Je suivais en pensée l'astre du jour, je lui donnais ma beauté à conduire afin qu'il la présentât radieuse avec lui aux hommages de l'univers. Le vent du soir qui brisait les réseaux tendus par l'insecte sur la pointe des herbes, l'alouette de bruyère qui se posait sur un caillou, me rappelaient à la réalité : je reprenais le chemin du manoir, le cœur serré, le visage abattu. Les jours d'orage en été, je montais au haut de la grosse tour de l'ouest. Le roulement du tonnerre sous les combles du château, les torrents de pluie qui tombaient en grondant sur le toit pyramidal des tours, l'éclair qui sillonnait la nue et marquait d'une flamme électrique les girouettes d'airain, excitaient mon enthousiasme : comme Ismen sur les remparts de Jérusalem, j'appelais la foudre ; j'espérais qu'elle m'apporterait Armide. Le ciel était-il serein ? je traversais le grand Mail, autour duquel étaient des prairies divisées par des haies plantées de saules. J'avais établi un siège, comme un nid, dans un de ces saules : là isolé entre le ciel et la terre, je passais des heures avec les fauvettes ; ma nymphe était à mes côtés. J'associais également son image à la beauté de ces nuits de printemps toutes remplies de la fraîcheur de la rosée, des soupirs du rossignol et du murmure des brises. D'autres fois, je suivais un chemin abandonné, une onde ornée de ses plantes rivulaires ; j'écoutais les bruits qui sortent des lieux infréquentés ; je prêtais l'oreille à chaque arbre. Je croyais entendre la clarté de la lune chanter dans les bois : je voulais redire ces plaisirs et les paroles expiraient sur mes lèvres. Je ne sais comment je retrouvais encore ma déesse dans les accents d'une voix, dans les frémissements d'une harpe, dans les sons veloutés ou liquides d'un cor ou d'un harmonica. Il serait trop long de raconter les beaux voyages que je faisais avec ma fleur d'amour ; comment main en main nous visitions les ruines célèbres, Venise, Rome, Athènes Jérusalem, Memphis, Carthage ; comment nous franchissions les mers ; comment nous demandions le bonheur aux palmiers d'Otahiti, aux bosquets embaumés d'Amboine et de Tidor. Comment au sommet de l'Himalaya nous allions réveiller l'aurore ; comment nous descendions les fleuves saints dont les vagues épandues entourent les pagodes aux boules d'or ; comment nous dormions aux rives du Gange, tandis que le bengali, perché sur le mât d'une nacelle de bambou, chantait sa barcarolle indienne. La terre et le ciel ne m'étaient plus rien ; j'oubliais surtout le dernier : mais si je ne lui adressais plus mes vœux, il écoutait la voix de ma secrète misère : car je souffrais, et les souffrances prient. Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence Texte 2 : « Fantaisie » de Nerval Il est un air pour qui je donnerais Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber, Un air très-vieux, languissant et funèbre, Qui pour moi seul a des charmes secrets. Or, chaque fois que je viens à l'entendre, De deux cents ans mon âme rajeunit : C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre Un coteau vert, que le couchant jaunit, Puis un château de brique à coins de pierre, Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs, Ceint de grands parcs, avec une rivière Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ; Puis une dame, à sa haute fenêtre, Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens, Que dans une autre existence peut-être, J'ai déjà vue... et dont je me souviens ! Texte 3 : Baudelaire, « La vie antérieure » La vie antérieure J'ai longtemps habité sous de vastes portiques Que les soleils marins teignaient de mille feux Et que leurs grands piliers, droits et majestueux, Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques. Les houles, en roulant les images des cieux, Mêlaient d'une façon solennelle et mystique Les tout-puissants accords de leur riche musique Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux. C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes, Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs, Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes, Et dont l'unique soin était d'approfondir Le secret douloureux qui me faisait languir. Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence Lecture analytique 2 : "La chanson des Ingénues", Verlaine Nous sommes les Ingénues Aux bandeaux plats, à l'oeil bleu, Qui vivons, presque inconnues, Dans les romans qu'on lit peu. Nous allons entrelacées, Et le jour n'est pas plus pur Que le fond de nos pensées, Et nos rêves sont d'azur ; Et nous courons par les prés Et rions et babillons Des aubes jusqu'aux vesprées, Et chassons aux papillons ; Et des chapeaux de bergères Défendent notre fraîcheur Et nos robes - si légères - Sont d'une extrême blancheur ; Les Richelieux, les Caussades Et les chevaliers Faublas Nous prodiguent les oeillades, Les saluts et les "hélas !" Mais en vain, et leurs mimiques Se viennent casser le nez Devant les plis ironiques De nos jupons détournés ; Et notre candeur se raille Des imaginations De ces raseurs de muraille, Bien que parfois nous sentions Battre nos coeurs sous nos mantes À des pensers clandestins, En nous sachant les amantes Futures des libertins. Dans le recueil de jeunesse Poèmes saturniens, le jeune Paul Verlaine se cherche et s'inspire de ceux qu'il considère comme ses maîtres, Nerval - pour "mon rêve familier" -, Hugo - pour "la mort de Philippe II"…Dans la "balade des ingénues", les références intertextuelles ne concernent plus seulement des poètes mais d'autres grandes figures de la littérature, comme Stendhal. En effet, la littérature fourmille de figures d'ingénues, ces jeunes femmes innocentes et naïves qui parfois arrivent à se jouer de ces hommes prédateurs qui les guettent. Verlaine reprend ici le genre de la chanson : pour donner plus de légèreté à son poème, il utilise un vers impair, l'heptasyllabe ( 7 syllabes). En effet, comme il le dira plus tard dans son "Art poétique "De la musique avant toute chose / Et pour cela préfère l'impair." Le vers impair Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence 3. Un libertinage futur La proposition subordonnée introduite par "bien que" marque l'opposition. Une certaine contradiction surgit dans ce vers 28. La synérèse sur "sen-tions" montre qu'un glissement de l'intellect à l'émotion a eu lieu : les ingénues sentent qqch. Dernier quatrain L'enjambement interstrophique vient mettre l'accent sur les battements de cœur qui s'emparent des Ingénues. Ces "pensers clandestins", interdits sont bien l'antithèse de la pureté de pensée dont se réclamaient les ingénues dans le second quatrain. les Ingénues sont alors présentées comme les "amantes ( à la rime) futures des libertins", périphrase qui opère un véritablement revirement par rapport à l'image que voulaient donner les Ingénues. Libertins rime avec clandestin, ce qui est bien une façon de dire que les relations entre les libertins et les ingénues seront cachées, dissimulées. Dans un célèbre roman du XVIIIe siècle, Les Liaisons dangereuses de Laclos, les personnages libertins ont une réputation de personnages parfaitement sérieux. Verlaine s'amuse ici de la figure de l'Ingénue. Personnage type du roman - notamment pastoral -, l'ingénue ne l'est pas véritablement. On le voit dans ce poème, tout est fait pour attiser le désir des hommes. Verlaine s'est amusé ici à dialoguer avec plusieurs auteurs célèbres, que ce soit Racine, Stendhal, D'Urfé, Hugo, ou peut-être même Laclos. Il s'agit de rire d'un personnage type qui finit bel et bien dans les bras des libertins. Questions possibles : Comment sont présentées les Ingénues? I/ Des personnages purs II/ Qui attisent le désir des hommes III/ et vivent des amours clandestines Comment s'exprime l'intertextualité dans ce poème? I/ Une intertextualité qui dit la pureté 1. Racine 2. Stendhal 3. D'Urfé II/ …pour mieux la nier 1. Des personnages de fiction 2. Des personnages qui se donnent aux libertins : Laclos, Hugo… De quoi Verlaine se moque-t-il? I/ Des romans/ pièces qui présentent des Ingénues II/ Des femmes En quoi ce poème justifie-t-il son titre? I/ Un rythme léger 1. Heptasyllabes 2. Rimes croisées II/ Des ingénues qui se présentent comme innocentes III/ Un titre ironique : les Ingénues ne sont pas si innocentes… Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence Texte complémentaire : Stendhal, Le Rouge et le Noir, livre I, chapitre 8 Elle passait ses journées à courir avec ses enfants dans le verger, et à faire la chasse aux papillons. On avait construit de grands capuchons de gaze claire, avec lesquels on prenait les pauvres lépidoptères. C’est le nom barbare que Julien apprenait à Mme de Rênal. Car elle avait fait venir de Besançon le bel ouvrage de M. Godart ; et Julien lui racontait les mœurs singulières de ces pauvres bêtes. On les piquait sans pitié avec des épingles dans un grand cadre de carton arrangé aussi par Julien. Il y eut enfin entre Mme de Rênal et Julien un sujet de conversation, il ne fut plus exposé à l’affreux supplice que lui donnaient les moments de silence. Ils se parlaient sans cesse, et avec un intérêt extrême, quoique toujours de choses fort innocentes. Cette vie active, occupée et gaie, était du goût de tout le monde, excepté de Mlle Élisa, qui se trouvait excédée de travail. Jamais dans le carnaval, disait-elle, quand il y a bal à Verrières, madame ne s’est donné tant de soins pour sa toilette ; elle change de robes deux ou trois fois par jour. Comme notre intention est de ne flatter personne, nous ne nierons point que Mme de Rênal, qui avait une peau superbe, ne se fît arranger des robes qui laissaient les bras et la poitrine fort découverts. Elle était très bien faite, et cette manière de se mettre lui allait à ravir. Jamais vous n’avez été si jeune, madame, lui disaient ses amis de Verrières qui venaient dîner à Vergy. (C’est une façon de parler du pays.) Une chose singulière qui trouvera peu de croyance parmi nous, c’était sans intention directe que Mme de Rênal se livrait à tant de soins. Elle y trouvait du plaisir ; et, sans y songer autrement, tout le temps qu’elle ne passait pas à la chasse aux papillons avec les enfants et Julien, elle travaillait avec Élisa à bâtir des robes. Sa seule course à Verrières fut causée par l’envie d’acheter de nouvelles robes d’été qu’on venait d’apporter de Mulhouse. Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence Lecture analytique 3 : "Monsieur Prudhomme" Monsieur Prud'homme Il est grave, il est maire et père de famille, Son faux-col engloutit son oreille, ses yeux Dans un rêve sans fin flottent insoucieux Et le printemps en fleurs sur ses pantoufles brille Que lui fait l'astre d'or, que lui fait la charmille Où l'oiseau chante à l'ombre et que lui font les cieux Et les prés verts et les gazons silencieux. Monsieur Prud'Homme songe à marier sa fille, Avec Monsieur Machin, un jeune homme cossu, Il est juste milieu, botaniste et pansu Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles, Ces fainéants barbus mal peignés, il les a Plus en horreur que son éternel coryza Et le printemps en fleurs brille sur ses pantoufles. Présentation des poèmes saturniens et de Verlaine puis Dans les poèmes saturniens, Verlaine ne fait pas toujours preuve de mélancolie. Il lui arrive même de s'amuser. C'est le cas lorsqu'il se livre au genre de la caricature en dressant le portrait d'un bourgeois, Monsieur Prudhomme dont le nom même fait sourire puisqu'il est composé de l'adjectif "prude" qui désigne une personne qui se choque facilement lorsqu'on va à l'encontre de la morale, des bonnes mœurs, etc. + du nom "homme". Cet homme prude n'est autre qu'un bourgeois dont nous allons rire avec Verlaine. N. B : M. Prudhomme est un personnage type mis à la mode à partir de 1830 par Henri Monnier. Problématique : Comment Verlaine fait-il la satire de la bourgeoisie à partir du portrait de Monsieur prudhomme? Pour mener à bien cette satire, Verlaine emprunte le genre du sonnet (deux quatrains + deux tercets) et choisit d'utiliser le vers noble, l'alexandrin, qui contraste avec le sujet du Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence matérialisme bourgeois qui s'oppose à toute vision poétique du monde : Monsieur Prudhomme recherche l'aisance chez son futur gendre, qu'importe que sa fille l'aime ou non ! Le portrait de Monsieur Prudhomme vire à la caricature dès lors que ses oreilles sont englouties sous son faux col. Il fait rire le lecteur et ce d'autant plus que Verlaine n'hésite pas à exprimer son mépris pour le personnage en disloquant l'alexandrin à l'aide notamment de contre-rejets et d'enjambements interstrophiques. Ce mépris est partagé par Monsieur Prudhomme qui regarde de haut les poètes qui lui semblent précisément trop détachés du matérialisme. Ce poème n'est pas si saturnien que le titre du recueil voudrait nous le laisser croire ! Comment se met en place la satire de la bourgeoisie? I/ une satire qui passe par l'intermédiaire du portrait physique (choix de la caricature) II/ une satire qui passe par l'intermédiaire du portrait moral (choix du gendre, rejet de la poésie et des poètes, vision matérialiste du monde) Qui méprise qui ? ou Comment s'exprime l'opposition entre le poète et Monsieur Prudhomme? I/ Mépris du poète pour M. Prudhomme II/ mépris de Monsieur Prudhomme pour les poètes En quoi pouvons-nous dire que nous sommes face à une caricature? I/ Caricature physique 1. Gravité du personnage 2. Un faux col ridicule 3. Les pantoufles, symboles du confort bourgeois II/ Caricature morale 1. Un personnage matérialiste 2. Fermé à toute vision poétique du monde 3. et qui rejette les poètes Quelles sont les fonctions de ce poème ? I/ Jouer avec un personnage type issu de la littérature comique (références à Molière) II/ Faire rire en ridiculisant les bourgeois II/ Dénoncer le mépris des bourgeois pour des poètes comme Nerval Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence Texte complémentaire : Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, 1880 Comme il faisait une chaleur de trente-trois degrés, le boulevard Bourdon se trouvait absolument désert. Plus bas le canal Saint-Martin, fermé par les deux écluses étalait en ligne droite son eau couleur d’encre. Il y avait au milieu, un bateau plein de bois, et sur la berge deux rangs de barriques. Au delà du canal, entre les maisons que séparent des chantiers, le grand ciel pur se découpait en plaques d’outremer, et sous la réverbération du soleil, les façades blanches, les toits d’ardoises, les quais de granit éblouissaient. Une rumeur confuse montait du loin dans l’atmosphère tiède ; et tout semblait engourdi par le désœuvrement du dimanche et la tristesse des jours d’été. Deux hommes parurent. L’un venait de la Bastille, l’autre du Jardin des Plantes. Le plus grand, vêtu de toile, marchait le chapeau en arrière, le gilet déboutonné et sa cravate à la main. Le plus petit, dont le corps disparaissait dans une redingote marron, baissait la tête sous une casquette à visière pointue. Quand ils furent arrivés au milieu du boulevard, ils s’assirent à la même minute, sur le même banc. Pour s’essuyer le front, ils retirèrent leurs coiffures, que chacun posa près de soi. Et le petit homme aperçut écrit dans le chapeau de son voisin : « Bouvard » ; pendant que celui-ci distinguait aisément dans la casquette du particulier en redingote le mot : « Pécuchet ». — « Tiens ! » dit-il « nous avons eu la même idée, celle d’inscrire notre nom dans nos couvre- chefs. » — « Mon Dieu, oui ! on pourrait prendre le mien à mon bureau ! » — « C’est comme moi, je suis employé. » Alors ils se considérèrent. L’aspect aimable de Bouvard charma de suite Pécuchet. Ses yeux bleuâtres, toujours entreclos, souriaient dans son visage coloré. Un pantalon à grand- pont, qui godait par le bas sur des souliers de castor, moulait son ventre, faisait bouffer sa chemise à la ceinture ; – et ses cheveux blonds, frisés d’eux-mêmes en boucles légères, lui donnaient quelque chose d’enfantin. Il poussait du bout des lèvres une espèce de sifflement continu. L’air sérieux de Pécuchet frappa Bouvard. On aurait dit qu’il portait une perruque, tant les mèches garnissant son crâne élevé étaient plates et noires. Sa figure semblait tout en profil, à cause du nez qui descendait très bas. Ses jambes prises dans des tuyaux de lasting manquaient de proportion avec la longueur du buste ; et il avait une voix forte, caverneuse. Cette exclamation lui échappa : — « Comme on serait bien à la campagne ! » Mais la banlieue, selon Bouvard, était assommante par le tapage des guinguettes. Pécuchet pensait de même. Il commençait néanmoins à se sentir fatigué de la capitale, Bouvard aussi. Et leurs yeux erraient sur des tas de pierres à bâtir, sur l’eau hideuse où une botte de paille flottait, sur la cheminée d’une usine se dressant à l’horizon ; des miasmes d’égout s’exhalaient. Ils se tournèrent de l’autre côté. Alors, ils eurent devant eux les murs du Grenier d’abondance. Décidément (et Pécuchet en était surpris) on avait encore plus chaud dans les rues que chez soi ! Bouvard l’engagea à mettre bas sa redingote. Lui, il se moquait du qu’en dira-t-on ! Tout à coup, un ivrogne traversa en zigzag le trottoir ; – et à propos des ouvriers, ils entamèrent une conversation politique. Leurs opinions étaient les mêmes, bien que Bouvard fût peut-être plus libéral. Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence Lecture analytique 4 : "La mort de Philippe II", Paul Verlaine, extraits Et la Confession commence. Sur le flanc Se retournant, le roi, d'un ton sourd, bas et grêle, Parle de feux, de juifs, de bûchers et de sang. - " Vous repentiriez-vous par hasard de ce zèle ? " Brûler des juifs, mais c'est une dilection ! " Vous fûtes, ce faisant, orthodoxe et fidèle. " - Et, se pétrifiant dans l'exaltation, Le Révérend, les bras en croix, tête dressée, Semble l'esprit sculpté de l'Inquisition. Ayant repris haleine, et d'une voix cassée, Péniblement, et comme arrachant par lambeaux Un remords douloureux du fond de sa pensée, Le Roi, dont la lueur tragique des flambeaux Éclair le visage osseux et le front blême, Prononce ces mots : Flandre, Albe, morts, sacs, tombeaux. - " Les Flamands, révoltés contre l'Église même, " Furent très justement punis, à votre los, " Et je m'étonne, ô Roi, de ce doute suprême. " Poursuivez. " - Et le Roi parla de don Carlos. Et deux larmes coulaient tremblantes sur sa joue Palpitante et collée affreusement à l'os. - " Vous déplorez cet acte, et moi je vous en loue ! " L'Infant, certes, était coupable au dernier point, " Ayant voulu tirer l'Espagne dans la boue " De l'hérésie anglaise, et de plus n'ayant point " Frémi de conspirer - ô ruses abhorrées ! - " Et contre un Père, et contre un Maître, et contre un Oint !" - Le moine ensuite dit les formules sacrées Par quoi tous nos péchés nous sont remis, et puis, Prenant l'Hostie avec ses deux mains timorées, Sur la langue du Roi la déposa. Tous bruits Se sont tus, et la Cour, pliant dans la détresse, Pria, muette et pâle, et nul n'a su depuis Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence silence avec l'antithèse "sincère/ traîtresse": "(...) nul n'a su depuis/ Si sa prière fut sincère ou bien traîtresse". Il évoque ensuite "les pensers obscurs", ceux qui ne se disent pas car pouvant être dangereux pour qui les assume. Enfin, le silence de la cour est désigné avec l'aide de la périphrase "brouillard complice qui se dresse". En ne disant rien, la cour se fait complice des crimes de Philippe II. C'est donc à une dénonciation du Roi et de sa cour que nous assistons. Cette dénonciation se double d'une dénonciation de l'Église. II. La dénonciation de l'Eglise 1. Le confesseur félicite le roi de son zèle : utilisation du registre épidictique Alors même que le représentant de l'Eglise devrait reprocher à Philippe II ses crimes, il ne le fait pas. Cette attitude choque tellement le locuteur qu'il rapporte les paroles du moine au discours direct, ce qui est une façon de nous garantir qu'il nous dit la vérité. Le moine s'exclame donc : "brûler les juifs, mais c'est une dilection/" La diérèse sur "dilection" insiste sur ce mot qui renvoie à l'amour tendre qu'éprouverait Philippe II pour Dieu : tuer des Juifs deviendrait alors paradoxalement un acte d'amour à l'égard du divin. Au lieu d'accuser Philippe II de se comporter en pécheur, le confesseur le qualifie, vers 6, d' "orthodoxe et fidèle", deux adjectifs qui s'inscrivent dans le champ lexical de la religion et qui renvoient pour l'un à l'exercice de la juste foi, pour l'autre à l'exclusivité religieuse. L'intolérance religieuse du roi est perçue de façon profondément méliorative par le représentant de Dieu sur terre. On sent l'ironie verlainienne ici. Le moine en vient, alors que le Roi lui parle de ses conquêtes, à évoquer la justice elle-même : ils "furent très justement punis". L'adverbe "justement" est renforcé par l'intensif "très", de telle sorte que l'action du roi ne puisse qu'être perçue par ce dernier comme juste alors même qu'elle est allée contre la paix en Europe. Le polyptote "los" - louange - "loue" se trouve même en relief à la rime. Aussi comprend-on que c'est le registre épidictique qui domine les paroles du révérend père. Ce dernier en vient à féliciter Philippe II d'avoir fait tuer Charles d'Autriche, Don Carlos, son propre fils. Il insiste sur le statut de conspirateur de Don Carlos - "conspirer" est en relief à la césure - et il n'hésite pas à souligner ce qu'il juge une triple faute de la part de l'Infant : le rythme ternaire présente Philippe II non seulement comme un "Père" mais aussi comme un "Maître", en tant que Roi, et enfin comme un "Oint", une personne sacrée, protégée par l'Eglise. 2. Exaltation du révérend face à ce qu'il entend Non seulement le révérend juge que Philippe II n'a commis aucune faute mais en plus il manifeste une certaine exaltation face à la confession qu'il entend. C'est ce que l'on peut lire dans le troisième tercet où "exaltation" est à la rime. Cet homme est hors de lui, il connaît l'extase alors qu'il entend que Philippe II a encouragé l'Inquisition. Le verbe "pétrifier" va autoriser la comparaison du révérend avec une statue. Cette statue ressemble d'abord à celle de n'importe quelle allégorie de la religion chrétienne : "les bras en croix" mais la "tête dressée" la montre adoptant une position de défi qui autorise ensuite le locuteur à le comparer à "l'esprit sculpté de l'Inquisition". Une lecture allégorique de l'extrait est alors autorisée : le roi se confie à l'Inquisition en personne. Or, cette institution ne cesse de pratiquer le péché en tuant toutes les personnes qui ne partagent pas la religion catholique. On comprend alors que ce que le roi perçoit comme des péchés est au contraire digne de louanges pour l'Inquisition. 3. La mise en scène du pardon L'allégorie de l'Inquisition ne peut qu'accorder la communion au roi pécheur. Les étapes liturgiques sont respectées : "Le moine dit ensuite les formules sacrées". Or ces formules sont celles qui vont permettre au roi d'être traité de la même façon que n'importe quel pécheur alors même que ses crimes relèvent de la démesure. Les "formules" reçoivent ensuite l'expansion du nom suivante "par quoi tous nos péchés nous sont remis". Les "péchés" sont en relief à la césure. Contrairement à ce qu'affirmait le révérend, le roi a bien commis des péchés. Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence La proposition relative rappelle au lecteur la générosité biblique : tout est pardonné. Le surdéterminant "tous" montre que rien n'échappe au pardon, un pardon qui est présent derrière le verbe "remettre" et qui concerne l'ensemble de la communauté des pécheurs, comme le montre l'utilisation du déterminant possessif "nos" et du pronom personnel "nous". Une fois les formules consacrées prononcées, le confesseur propose l'Hostie au pécheur. L'hypallage "timorées" qualifie les mains au lieu de qualifier le confesseur lui-même. "Timoré" peut avoir deux significations : qui craint Dieu; craintif en général. Le confesseur est présenté comme un lâche car, en accordant le pardon divin à Philippe II, il couvre des crimes. Dans ce poème que Victor Hugo aurait qualifié d'épique, Verlaine s'en prend au pouvoir et à une Eglise qui protège des pécheurs comme Philippe II. La dramatisation de la confession aurait pu déclencher la pitié du lecteur, dès lors que Philippe II est présenté comme un moribond en proie au remords, mais ses actes et plus encore le pardon accordé à ses actes suscitent bien plutôt une certaine terreur en nous. Comment l'Eglise peut-elle non pas pardonner de tels crimes mais surtout en faire l'éloge? Si le pardon est bien universel pour la religion catholique, la notion de péché n'est pas pour autant niée. Or, c'est ce que fait le révérend père ici. Par un habile renversement rhétorique, il fait l'éloge de ce qui aurait dû être blâmé, s'inscrivant dans une double ligne de conduite, celle de l'Inquisition et celle des courtisans. Les Poèmes saturniens témoignent d'une période lors de laquelle Verlaine se cherche en imitant ses maîtres - Baudelaire, Hugo…Il n'écrira plus de poème historique de l'ordre de " La mort de Philippe II". Mme Aurélie RENAULT, Lycée Emile ZOLA, Aix-en-Provence Texte complémentaire Verlaine, "Art Poétique", 1874 De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l'Impair Plus vague et plus soluble dans l'air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. Il faut aussi que tu n'ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise : Rien de plus cher que la chanson grise Où l'Indécis au Précis se joint. C'est des beaux yeux derrière des voiles, C'est le grand jour tremblant de midi, C'est, par un ciel d'automne attiédi, Le bleu fouillis des claires étoiles ! Car nous voulons la Nuance encor, Pas la Couleur, rien que la nuance ! Oh ! la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor ! Fuis du plus loin la Pointe assassine, L'Esprit cruel et le Rire impur, Qui font pleurer les yeux de l'Azur, Et tout cet ail de basse cuisine ! Prends l'éloquence et tords-lui son cou ! Tu feras bien, en train d'énergie, De rendre un peu la Rime assagie. Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ? O qui dira les torts de la Rime ? Quel enfant sourd ou quel nègre fou Nous a forgé ce bijou d'un sou Qui sonne creux et faux sous la lime ? De la musique encore et toujours ! Que ton vers soit la chose envolée Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée Vers d'autres cieux à d'autres amours. Que ton vers soit la bonne aventure Eparse au vent crispé du matin
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