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Proposition de correction séance, Notes de Français

Prises de notes séance Incendies Wajdi Mouawad

Typologie: Notes

2022/2023

Téléchargé le 03/11/2023

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Télécharge Proposition de correction séance et plus Notes au format PDF de Français sur Docsity uniquement! 1 Proposition de correction de la séance 7 E. Carlier 1ère G  Etude d’ensemble sur le roman  Objectifs : Comprendre que l’amour, l’argent, le jeu sont les moteurs de l’action + Comprendre que l’œuvre de Prévost est un roman de mœurs qui brosse le portrait de la société de l’Ancien Régime sclérosée.  Supports : Votre édition Classicolycée de Manon Lescaut – 1ère partie + Deux extraits de ML en annexe  En prolongement HDA : J.H Fragonard = Le Verrou (vers 1777-1778) + Le Baiser à la dérobée (1787) I. Un amour contraire à l’ordre social 1. Manon et Des Grieux n’ont pas le même rang social ni le même rapport à l’argent. Analysez la manière dont leur passion amoureuse défie les normes de la société du XVIII° siècle en vous appuyant sur quelques exemples précis. [Demandez-vous donc QUI incarne la NORME sociale et morale dans le récit.] LA PASSION DE DG ET MANON : UN DEFI A LA NORME SOCIALE ET MORALE (= ils sont des victimes)  Ex 1 du défi lancé à la norme sociale : Lorsque le lecteur découvre les deux amants à Pacy, par le biais du récit de Renoncour, le lecteur constate que la passion de DG et Manon est condamnée par la justice et les forces de police : Manon est conduite contre sa volonté en Amérique et elle est éloignée de DG par les gardes. D’emblée, cette relation amoureuse est donc présentée par Prévost comme un défi aux normes sociales puisque la sanction vise avant tout à séparer celle qui est considérée comme une débauchée de son amant qui jouit toujours d’une forme de respectabilité du fait de sa naissance.  Cf. pp.20-21 : 1ère apparition pathétique de Manon décrite par l’homme de qualité = Renoncour évoque « une chose barbare » = le convoi des douze filles « enchainées six à six par le milieu du corps » dont l’héroïne qui se distingue par sa grâce. Elle a été « tirée de l’Hôpital […] par ordre de M. le Lieutenant général de Police ». L’archer interrogé ajoute : « Il n’y a pas d’apparence qu’elle y eut été enfermée pour ses bonnes actions » = Elle est ainsi traitée comme une criminelle…  Cf. p.21 : 1ère apparition pathétique de DG, toujours perçu par Renoncour = Ce dernier écrit « Il paraissait enseveli dans une rêverie profonde. Je n’ai jamais vu de plus vive image de la douleur. Il était mis simplement mais ; au premier coup d’œil, un homme qui a de la naissance et de l’éducation ».  Cf. p.22 : Paroles rapportées au discours direct de DG qui explique les raisons de son triste sort : « C’est que je l’aime avec une passion si violente, qu’elle me rend le plus infortuné de tous les hommes. J’ai tout employé à Paris pour obtenir sa liberté ».  Ex 2 du défi lancé à la norme sociale : Dès que DG commence son récit, il ne cesse de reconstituer une passion qui apparaît, dès son origine, comme une infraction aux règles familiales. La rencontre à Amiens est placée sous le signe de la rupture avec les devoirs que les deux familles imposent aux jeunes gens : Manon ne rejoint pas son couvent et DG ne rentre pas chez son père qui le fait arrêter un mois après par crainte d’une mésalliance.  Cf. p.21 : ET13 « Elle me répondit ingénument qu’elle y [à Amiens] était envoyée par ses parents pour être religieuse » / « C’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir » = DONC : DG, en décidant de fuir avec Manon, défie la société, incarnée par la famille et l’Eglise.  Cf. pp. 40-41 : Discours moralisateur du père de DG, qui incarne l’ordre moral et social qui ironise sur l’aventure de son fils qui n’a duré que « douze jours » ... En utilisant de manière récurrent la périphrase « ta maitresse » montre que Manon est une fille avec qui on s’amuse, une fille qu’on achète étant donné sa condition modeste ; ce n’est pas une fille qu’on marie, encore moins avec un aristocrate comme son fils. 2  Le pouvoir religieux agit aussi contre les amants au nom de la morale chrétienne mais aussi dans le souci de faire respecter l’ordre social établi. Si le père de Des Grieux accède à la demande de son fils de regagner Paris, c’est parce qu’il sait qu’il sera surveillé par les jésuites de Saint-Sulpice.  Cf. p. 47-48 : Entrée au Séminaire de Saint-Sulpice après six mois d’emprisonnement dans chambre, chez son père : « Je convins avec Tiberge de nous mettre ensemble à Saint-Sulpice ». Il endosse l’habit ecclésiastique et devient « Abbé DG ». L’Eglise est le symbole de l’ordre moral… LE RAPPORT A L’ARGENT DES AMANTS ACCENTUE LEUR MARGINALISATION (= ils sont coupables) Même si la société est intolérante et injuste à l’endroit des deux amants, elle n’est pas la seule responsable de leur tragédie. En effet ils PROVOQUENT la collusion avec les forces incarnant l’autorité (l’aristocratie, la bourgeoisie commerçante, la police et l’Église), que l’on observe après la dénonciation du vieux G… M… (p.81). Ils n’ont de cesse de commettre des infractions. Et la cause de leurs infractions est avant tout la recherche d’argent pour satisfaire aux besoins matériels.  DG se rend coupable d’escroquerie au jeu, dès lors que Lescaut entre dans leur vie (Cf. description du malotru p.56 « Manon avait un frère, qui était garde du corps […] homme brutal et sans principe d’honneur »)  p.58 : Après l’incendie de leur maison à Chaillot, DG, est « dans l’indigence » et affirme « Je compris qu’on peut aimer l’argent sans être avare », lui qui n’a jamais vécu que l’aisance.  p. 58 : Clairvoyant sur la nature de Manon, il semble dès lors prêt à tout pour la garder Manon : « Elle aimait trop les plaisirs pour me les sacrifier ».  p.61 : Dans « l’indigence » (mot récurrent dans le roman !!!), il se tourne vers Lescaut qui lui propose de « de profiter de [sa] jeunesse et de [sa] figure avantageuse pour[le] mettre en liaison avec quelques dame libérale ». Il refuse !!! Le brigand lui fait alors une autre proposition qui mérite tout de même l’approbation des membres de La Ligue (groupe de tricheurs dont il fait partie), car « le jeu, à la vérité, était une ressource » !  p.62-65 : En attendant, dans « l’indigence », DG fait appel à Tiberge = Rencontre au Palais-Royal où il lui demande une aide financière, ce que ce dernier accepte, en ami fidèle qu’il est, non sans l’avertir sur « la violence de [ses] passions ». Pourtant, notez que DG explique que celui-ci « n’était pas riche » (p.65). Le héros déclare : « je sentis tout le prix de sa générosité. J’en fus touché jusqu’au point de déplorer l’aveuglement d’un amour fatal qui me faisait violer tous les devoirs ». (p.65). Savoureusement lucide, il concède tout aussitôt : « Mais ce combat fut léger et dura peu ». (Même peiné, il est amusant ce DG, non ?)  pp.66-67 : Notre néophyte entre dans « l’Ordre » (autre périphrase pour désigner ce cercle de tricheurs) ; 1ère soirée à L’Hôtel de Transylvanie (véritable résidence d’exil d’un prince hongrois = ce que souligne d’ailleurs le nom à clé « Cette académie se tenait au profit de M. le prince de R » [pour le réel prince hongrois Rakoczi]. Bref, DG, joue aux « cartes », « au Pharaon », « aux dés » et gagne. Notez bien comment DG sombre dans le vice et semble être un parfait comédien…Il sait que « sa physionomie qui sentait l’honnête homme » est un atout majeur pour lui pour duper ses adversaires : « personne ne se défierait des [ses] artifices » !!!! Notre héros est en passe de devenir un antihéros …  p. 70 : Vol des domestiques = Les amants à nouveau face à « l’indigence » !  Manon finit par duper des hommes riches, comme le vieux G… M…, dont elle recherche les largesses en échange de ses faveurs de jeune libertine.  p.35 = 1ère apparition de M. de… B ... . DG surprend « la visite et la sortie furtive de M de B… […] », qui depuis permet à Manon de faire des « petites acquisitions » qui « semblaient surpasser [leurs] richesses actuelles ». Et DG de conclure : « Cela semblait sentir les libéralités d’un nouvel amant ».  pp.71 = : 1ère apparition de M. de G… M… présenté à Manon par son frère, juste après l’épisode du vol des domestiques. Lisez la lettre envoyée par Manon à DG pour justifier son infidélité (que je reproduis infra). 5 salons de jeu et Manon entre chez le vieux G… M… Cette dégradation de l’idéal amoureux les conduit en prison, lieu par excellence de l’immobilité. Les espaces qui sont associés à une forme de stabilité sont donc incompatibles avec le bonheur. À la fin de la première partie, on comprend ainsi que le retour à Chaillot est d’avance voué à l’échec, même s’il amorce un possible retour aux temps heureux dans la mesure où les deux amants sont à présent libérés de Lescaut. 2. La ruse, le jeu, la tromperie sont des éléments moteurs de l’intrigue. Montrez qu’ils sont à l’origine de nombreuses péripéties. [Lisez en particulier le texte n°2 proposé en annexe].  Le récit de DG met bien vite en lumière le recours à la ruse. Si le jeune homme confie spontanément à Tiberge son élan vers Manon, il se ravise presque aussitôt : « je résolus de le tromper [Tiberge] à la faveur d’une équivoque » (p. 31).  Le départ au point du jour de Manon et DG constitue ainsi la toute première péripétie. Le couple se construit donc grâce à un art de la tromperie que les amants ne cesseront de développer et qui fera aussi bien leur bonheur que leur malheur (p.32 = donne rendez-vous à Tiberge à neuf du matin et part « à la pointe du jour » avec Manon !  Retenu au domicile familial, Des Grieux parfait sa capacité à tromper ceux qui l’entourent : son père et Tiberge en sont les premières victimes : « Mon père, me croyant tout à fait revenu de ma passion, ne fit aucune difficulté de me laisser partir » (p. 47).  Conseillé par Lescaut, il joue et triche à une table de pharaon : « j’escamotais assez légèrement pour tromper les yeux des plus habiles, et ruiner sans affectation quantité d’honnêtes joueurs » (p. 67). Il met à profit ses talents de comédien pour tromper G… M… en se faisant passer pour le jeune frère de Manon.  C’est encore en abusant de la confiance du Supérieur de Saint-Lazare qu’il parvient à s’évader, devant un criminel (Cf. texte n°2 ou pp.96-98) puis à libérer Manon à qui il prête des vêtements d’homme. (pp. 105-106) = cf. annotions du texte n° 2 en annexe = DG, héros de l’amour ou criminel ? (« Notre héros était fort peu héros en ce moment » aurait dit Stendal [in son roman La Chartreuse de Parme à propos de Fabrice del Dongo] !  Cependant, Manon, qui semble encore plus douée en la matière, fait de DG la victime de ses ruses. Elle cherche à dissimuler sa liaison avec M. de B… grâce à leur domestique. Puis, elle le quitte pour rejoindre G… M… en annonçant fièrement : « Malheur à qui va tomber dans mes filets ! » (p. 71). Par deux fois, les stratagèmes de Manon portent DG au comble de la douleur et conduisent à une arrestation qui survient comme un coup de théâtre. 3. Des effets de surprise (placere) tiennent en haleine les lecteurs. Expliquez comment le sort (hasard, chance, malchance…) semble agir sur la vie des amants. Si les personnages contribuent par leurs actions à la dynamique de l’intrigue, le sort intervient également et perturbe le déroulement des événements.  La rencontre de Manon et DG est fortuite, elle est le fruit d’un concours de circonstances. DG précise qu’il aurait pu quitter Amiens « un jour plus tôt » (ET13).  Par la suite, l’installation à Paris, rue V…, près de chez M. de B…, relève aussi du hasard — à moins de considérer que Manon sait parfaitement qu’elle s’installe dans un quartier où logent de nombreux hommes ayant fait récemment fortune. 6  Il en va de même des retrouvailles de Manon et son frère : « Il se trouva malheureusement logé, à Paris, dans la même rue que nous. Il reconnut sa sœur, en la voyant le matin à sa fenêtre. Il accourut aussitôt chez nous » (p. 56). Ainsi, au fil des pages, le lecteur sait que le hasard romanesque peut venir à tout moment engendrer des rebondissements d’autant plus dramatiques que les coups du sort qui se succèdent relèvent presque tous de la malchance (ironie tragique). Par le biais d’artifices romanesques, Prévost démontre la précarité du bonheur face aux vicissitudes de la vie. 4. Des Grieux subit des formes de violence (arrestation, privation de liberté) et connaît la souffrance (trahison, séparation). Montrez que de tels épisodes visent à rendre le récit dramatique et à susciter la compassion (movere) de son auditoire et des lecteurs. Avant de commencer son récit, DG place son propos sous le signe de la souffrance : « Je veux vous apprendre, […] mes malheurs et mes peines » (p. 24). Renoncour avait déjà préparé le lecteur à une telle intensité pathétique : « Je n’ai jamais vu de plus vive image de la douleur » (p. 21). L’abbé Prévost donne à ces affirmations une fonction programmatique puisqu’elles suscitent une attente que le récit rétrospectif viendra combler par la suite… Ainsi, DG est privé de ses libertés à plusieurs reprises :  Ex 1 : Arrestation par les laquais de son père (« je me vis saisir par trois hommes », p. 37)  Ex 2 : Arrestation par une demi-douzaine de gardes envoyés par G… M… (« Nous étions encore au lit […] nous ayant fait lever brusquement, ils nous conduisirent à la porte », p. 81), DG connaît la privation de liberté à deux reprises. Il connaît aussi les affres de la jalousie et de la trahison par deux fois.  À chaque fois qu’une situation se reproduit, elle est plus dramatique : - Il passe de la maison paternelle à Saint-Lazare, Manon le trahit une première fois avec M. de B…, mais elle verse des larmes, tandis que, la seconde fois, elle annonce par anticipation sa trahison par une lettre que Des Grieux juge monstrueuse. Cette stratégie romanesque du pire que met en place Prévost assure ainsi une dramatisation croissante. À cette trame narrative dense, se superposent les jugements de DG narrant qui ponctuent son récit de mises en perspective tragiques : « Mais j’étais né pour les courtes joies et les longues douleurs » (p. 77). Il souhaite ainsi s’attirer la sympathie de son auditoire mais aussi s’innocenter de toute faute. III. Prolongements HDA… Baisers volés ➦ Le Verrou + Le baiser à la dérobée de Fragonard 1. Comment la sensualité est-elle mise en valeur par Fragonard dans ses deux tableaux ? - Le premier plan du Baiser à la dérobée est baigné d’une lumière douce qui fait ressortir des éléments décoratifs (tapis, mobilier) et des tissus froissés (étole, robe, rideaux). Le boudoir, dont le désordre est savamment maîtrisé, devient ainsi un plateau de théâtre où de jeunes amoureux jouent une scène de séduction. Les corps des jeunes gens entrent en contact au prix de torsions qui traduisent sans doute un désir sinon interdit, du moins clandestin. - Dans Le Verrou, tout concourt à l’exacerbation de la sensualité et de l’érotisme : le grand rideau rouge aux plissés voluptueux, la demi-pénombre, l’intimité provoquée, la pomme posée sur la table. Enlacés, les amants sont transis par le désir, tous deux sur la pointe des pieds. Le jeune homme, jambes écartées et main tendue, impose sa force virile. La lumière souligne sa forte musculature. La jeune femme, dont le corps n’est que courbes, semble venir se lover et s’abandonner au plaisir, comme le suggère le basculement de son visage. La sensualité est ainsi mise en valeur par Fragonard par le choix de lieux intimes, par des jeux sur les couleurs et les lumières, par les formes des corps en mouvement qui se dévoilent. 7 2. Comment, dans les deux tableaux, les portes accentuent-elles l’impression de secret et de marge ? - Dans Le Baiser à la dérobée, on peut distinguer trois espaces. Le boudoir, dans lequel les jeunes gens se retrouvent, communique en effet avec deux autres pièces. Deux portes, une à gauche, une autre, entrebâillée, à droite suggèrent donc qu’il s’agit d’un lieu de passage. Le galant semble d’ailleurs s’être introduit par surprise pour voler un baiser à la jeune fille dont le mouvement du corps laisse à penser qu’elle vient chercher son étole laissée sur le fauteuil. La rencontre a-t-elle été programmée ? est-elle fortuite ? La jeune fille détourne-t-elle la tête par gêne ou cherche-t-elle à se soustraire à la contrainte ? Les ambiguïtés demeurent. Mais cet espace dans lequel se trouvent les jeunes gens est une coulisse qui échappe aux regards de la maisonnée. En effet, l’arrière-plan donne à voir un salon, espace de sociabilité, où sont réunis des joueurs de cartes ignorant la scène qui est en train de se produire… - Par son titre même, Le Verrou de Fragonard fait de la porte le sujet central. Grâce à une dynamique en diagonale (de gauche à droite et de bas en haut) qui construit un mouvement ascendant, l’œil se dirige vers la main du jeune homme qui referme le verrou sur lequel se focalise la lumière. La précipitation et l’énergie virile du jeune homme sont peut-être à mettre sur le compte d’un désir transgressif : pousse-t-il le verrou pour ne pas être dérangé ou pour empêcher la jeune femme de fuir ? Dans ces deux célèbres tableaux, Fragonard met ainsi au premier plan l’intime, ses secrets et ses ambiguïtés. Textes annexes : lectures cursives de deux extraits mettant en scène DG Lecture cursive n°1 - La discussion entre Des Grieux et Tiberge : un dialogue impossible Cf. votre édition pp. 90-92 Après l’épisode à Saint-Sulpice, les amants vivent à nouveau leur idylle, et, pour satisfaire les goûts de luxe de Manon, DG fait tout pour gagner de l’argent : il fréquente les salles de jeu et triche sur les conseils de Lescaut. Il se laisse ensuite convaincre de soutirer de l’argent à M de G…M, un riche aristocrate, qui, pour mieux profiter de ses charmes, est prêt à la couvrir de cadeaux et d’argent. Mais la police arrête les délinquants qui sont partis avec l’argent. Alors que Manon est enfermée à la Salpêtrière, DG est conduit à Saint-Lazare. C’est là qu’il reçoit la visite de son fidèle ami Tiberge. S’engage un débat sur l’amour… […] Notre entretien fut plein d’amitié. Il voulut être informé de mes dispositions. Je lui ouvris mon cœur sans réserve, excepté sur le dessein de ma fuite. Ce n’est pas à vos yeux, cher ami, lui dis-je, que je veux paraître ce que je ne suis point. Si vous avez cru trouver ici un ami sage et réglé dans ses désirs, un libertin réveillé par les châtiments du Ciel, en un mot un cœur dégagé de l’amour et revenu des charmes de sa Manon, vous avez jugé trop favorablement de moi. Vous me revoyez tel que vous me laissâtes il y a quatre mois : toujours tendre, et toujours malheureux par cette fatale tendresse dans laquelle je ne me lasse point de chercher mon bonheur. Il me répondit que l’aveu que je faisais me rendait inexcusable ; qu’on voyait bien des pécheurs qui s’enivraient du faux bonheur du vice jusqu’à le préférer hautement à celui de la vertu ; mais que c’était, du moins, à des images de bonheur qu’ils s’attachaient, et qu’ils étaient les dupes de l’apparence ; mais que, de reconnaître, comme je le faisais, que l’objet de mes attachements n’était propre qu’à me rendre coupable et malheureux, et de continuer à me précipiter volontairement dans l’infortune et dans le crime, c’était une contradiction d’idées et de conduite qui ne faisait pas honneur à ma raison. 10 […] J’entrai dans sa chambre, et l’ayant tiré à l’autre bout opposé à la porte, je lui déclarai qu’il m’était impossible de demeurer plus longtemps à Saint-Lazare ; que la nuit était un temps commode pour sortir sans être aperçu, et que j’attendais de son amitié qu’il consentirait à m’ouvrir les portes, ou à me prêter ses clefs pour les ouvrir moi-même. Ce compliment devait le surprendre. Il demeura quelque temps à me considérer sans me répondre. Comme je n’en avais pas à perdre, je repris la parole pour lui dire que j’étais fort touché de toutes ses bontés, mais que, la liberté étant le plus cher de tous les biens, surtout pour moi à qui on la ravissait injustement, j’étais résolu de me la procurer cette nuit même, à quelque prix que ce fût ; et de peur qu’il ne lui prît envie d’élever la voix pour appeler du secours, je lui fis voir une honnête raison de silence, que je tenais sous mon juste-au-corps. Un pistolet ! me dit-il. Quoi ! mon fils, vous voulez m’ôter la vie, pour reconnaître la considération que j’ai eue pour vous ? À Dieu ne plaise, lui répondis-je. Vous avez trop d’esprit et de raison pour me mettre dans cette nécessité ; mais je veux être libre, et j’y suis si résolu que, si mon projet manque par votre faute, c’est fait de vous absolument. Mais, mon cher fils, reprit-il d’un air pâle et effrayé, que vous ai-je fait ? quelle raison avez-vous de vouloir ma mort ? Eh non ! répliquai-je avec impatience. Je n’ai pas dessein de vous tuer si vous voulez vivre. Ouvrez-moi la porte, et je suis le meilleur de vos amis. J’aperçus les clefs qui étaient sur sa table. Je les pris et je le priai de me suivre, en faisant le moins de bruit qu’il pourrait. Il fut obligé de s’y résoudre. À mesure que nous avancions et qu’il ouvrait une porte, il me répétait avec un soupir : Ah ! mon fils, ah ! qui l’aurait cru ? Point de bruit, mon père, répétais-je de mon côté à tout moment. Enfin nous arrivâmes à une espèce de barrière, qui est avant la grande porte de la rue. Je me croyais déjà libre, et j’étais derrière le père, avec ma chandelle dans une main et mon pistolet dans l’autre. Pendant qu’il s’empressait d’ouvrir, un domestique, qui couchait dans une petite chambre voisine, entendant le bruit de quelques verrous, se lève et met la tête à sa porte. Le bon père le crut apparemment capable de m’arrêter. Il lui ordonna, avec beaucoup d’imprudence, de venir à son secours. C’était un puissant coquin, qui s’élança sur moi sans balancer. Je ne le marchandai point ; je lui lâchai le coup au milieu de la poitrine. Voilà de quoi vous êtes cause, mon père, dis-je assez fièrement à mon guide. Mais que cela ne vous empêche point d’achever, ajoutai-je en le poussant vers la dernière porte. Il n’osa refuser de l’ouvrir. Je sortis heureusement et je trouvai, à quatre pas, Lescaut qui m’attendait avec deux amis, suivant sa promesse. Nous nous éloignâmes. Lescaut me demanda s’il n’avait pas entendu tirer un pistolet. C’est votre faute, lui dis-je ; pourquoi me l’apportiez- vous chargé ? Cependant je le remerciai d’avoir eu cette précaution, sans laquelle j’étais sans doute à Saint- Lazare pour longtemps. Nous allâmes passer la nuit chez un traiteur où je me remis un peu de la mauvaise chère que j’avais faite depuis près de trois mois. Je ne pus néanmoins m’y livrer au plaisir. Je souffrais mortellement sans Manon. – Il faut la délivrer, dis-je à mes trois amis. Je n’ai souhaité la liberté que dans cette vue. Je vous demande le secours de votre adresse ; pour moi, j’y emploierai jusqu’à ma vie. […]  On distingue trois grands mouvements dans cet extrait, si nous avions à en faire une étude linéaire, voici comment on pourrait les analyser dans les grandes lignes en prenant en compte la pb suivante : Comment la subjectivité de DG fait-il d’un criminel un héros de l’amour ? I. La liberté à tout prix  DG propose au Père Supérieur avec calme et civilité (« j’attendais de son amitié ») une alternative : soit lui ouvrir les portes, soit lui prêter ses clefs. Quand notre héros se retrouve face à la perplexité, c’est l’urgence 11 de la situation, le fait qu’il n’a pas de temps « à perdre » et donc son impatience qui changent son attitude et le conduit à la menace : « j’étais résolu de me la procurer cette nuit, à quelque prix que ce fût ».  Notons l’emploi de la métonymie « Je lui fis voir une honnête raison de silence, que je tenais sous mon juste- au-corps. ». Cette figure donne le résultat abstrait, « une honnête raison de silence » pour la cause concrète (le pistolet qu’il tient sous son juste-au-corps. La tournure est de plus ironique et antiphrastique car tenir un pistolet pour menacer quelqu’un n’a rien d’honnête. Le lecteur est donc amusé par l’audace de DG (plaisir coupable quand tu nous tiens ! = Cf. diaporama de la S1).  Le dialogue entre DG et le Père supérieur est alors un dialogue de sourds car l’un est pressé d’agir, Des Grieux, l’autre craint pour sa vie. DG a beau argumenter, le prêtre ne peut l’écouter tellement il est terrorisé. Ne pas oublier tout de même : DG pense que le pistolet n’est pas chargé, le prêtre ne le sait pas et pense au contraire qu’il est chargé… II. Le meurtre du gardien : fatalité tragique ou dégât collatéral ?  Prévost nourrit le romanesque de l’enchaînement des événements… Au début, le texte présente une alternance d’imparfait et de passé simple, puis est employé le présent de narration au moment où le gardien intervient, afin de donner plus d’intensité à cet événement qui va précipiter les choses. Dans l’ensemble, les phrases sont simples, assez brèves, voire brèves, sans subordonnées, juxtaposées ou coordonnées, très factuelles afin de donner la priorité à l’enchaînement des faits, des actions.  D’ailleurs, des éléments qui créent un suspense. « je me croyais déjà libre » : la présence du portier qui « se lève et met la tête à sa porte » crée un effet de surprise et une inconnue sur sa réaction.  L’apparition du portier est-elle accidentelle ou fatale ? On est dans une prison. Comment imaginer qu’on puisse s’en échapper sans éveiller l’attention ? Ce n’est pas vraiment un accident, ce n’est pas non plus un coup du sort, c’est juste réaliste. Ce qui aurait été invraisemblable, c’est que Des Grieux puisse s’échapper sans faire de dégâts.  Le récit de DG édulcore la gravité de son crime. En effet, il ne se sent pas responsable du drame : selon lui, c’est le Père qui s’est montré « imprudent » et surtout, c’est le gardien qui est blâmable car il le qualifie de « puissant coquin », alors qu’il ne faisait que son travail.  Le jeune amoureux justifie son geste de deux manières et, ce faisant, se déculpabilise. C’est l’inconscience du Père (« Voilà de quoi vous êtes cause ») et la soi-disant malhonnêteté du gardien, qui s’est précipité sur lui (« sans balancer »), qui sont les causes du drame. Autrement dit, il plaide la légitime défense alors que c’était lui l’attaquant !!! III. Le meurtrier impénitent, aventurier de l’amour  La réaction de DG face à Lescaut contradictoire. En effet, il l’accuse (« C’est votre faute ») car il a chargé le pistolet. L’erreur (ou le mensonge) de Lescaut devient une « précaution » qui lui a permis de s’échapper.  Que penser de l’absence de regrets du DG narrateur ne dit rien de plus sur la mort du gardien et passe à la suite ? En effet, après s’être échappé, il va manger pour se remettre de « la mauvaise chère que j’avais faite ». Ses priorités semblent faire de lui un héros intrépide de l’amour ! Et, au lieu de se sentir coupable d’avoir tué quelqu’un, c’est l’absence de Manon qu’il déplore et qui génère chez lui de la souffrance et fait qu’il mange sans se « livrer au plaisir ». Ainsi, l’expression « Je souffrais mortellement dans Manon » est remarquable et exprime le caractère fusionnel de l’amour qu’il ressent pour Manon.  Enfin on note l’idée récurrente de la liberté (deux fois le nom « liberté » et deux fois l’adjectif « libre »). DG, comme dans l’extrait précédent, revendique ici le droit et la liberté d’aimer Manon. C’est la motivation qu’il met en avant avec insistance et qui, selon lui, justifie toute son attitude chevaleresque de DG qui se dit prêt à mourir pour délivrer sa dulcinée, Manon … Il y a un peu de Don Quichotte finalement chez notre DG fou d’amour ! Et comme je l’ai écrit un peu plus haut : Notre héros semble se métamorphoser sous nos yeux plus qu’à aucun autre moment dans le roman, en antihéros. Sa conduite aurait fait dire à Stendhal : « Notre héros était fort peu héros en ce moment » (La Chartreuse de Parme).
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