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Provocation, badinage et liberté à travers les Fêtes galantes et ..., Slides de Poétique

1 Les références relatives à Verlaine renvoient à l'édition des Œuvres poétiques ... 2 Verlaine, P., « À la promenade », in Fêtes galantes, Op. cit., p.

Typologie: Slides

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

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Télécharge Provocation, badinage et liberté à travers les Fêtes galantes et ... et plus Slides au format PDF de Poétique sur Docsity uniquement! 253 Provocation, badinage et liberté à travers les Fêtes galantes et les Fêtes foraines Ilda TOMAS Universidad de Granada Real, E.; Jiménez, D.; Pujante, D. y Cortijo, A. (eds.), Écrire, traduire et représenter la fête, Universitat de València, 2001, pp. 253-262, I.S.B.N.: 84-370-5141-X. Historiens, folkloristes, ethnologues et sociologues se penchent sur les mul- tiples aspects, officiels ou populaires, de la fête. Celle-ci, en effet, révèle croyan- ces, interdits, déviations, puissance des pouvoirs politiques et profondeur des sentiments religieux. Cérémonie rituelle, réjouissance communautaire, instru- ment de libération et de renversement des hiérarchies sociales, divertissement théâtral ou forain, la fête bénéficie d'innombrables représentations, expressions, significations. Ce qui est caractéristique de l'exercice de la fête, c'est qu'elle passe par le spectacle, l'ostentation, l'étalage de couleurs, de formes, de sons ; c'est qu'elle est le domaine électif de l'illusion. Elle semble, d'autre part, n'avoir d'existence que collective. Pourtant, elle va se révéler, à travers les Fêtes galantes et les Fêtes foraines,1 lieu, carrefour d'une interrogation renouvelée, individuelle, subjective et ce, parce que décrite par Verlaine, bohème alcoolique et Pierre Mac Orlan, rapin montmartrois : les deux poètes, privilégiant le paraître, sont, au-delà de ce paraître, à la recherche de leur être. Les seuls titres ne laissent pas d'être explicites : Fêtes galantes (1869) et Fêtes foraines (1926). L'acception de « galant », conjecture des relations amoureuses (séduction et tendre badinage) que confirme la référence à Watteau, alors que celle de « forain » suppose tréteaux, décorations, déguisements, costumes. Le souvenir du sens étymologique du premier adjectif (« galer » de l'ancien français « s'amuser », « mener joyeuse vie ») recoupe la signification du second, attaché au monde multiforme des bateleurs, mélange plaisant de calme et de tumulte, 1 Les références relatives à Verlaine renvoient à l'édition des Œuvres poétiques complètes, donnée chez Gallimard en 1962. Les références relatives à Pierre Mac Orlan renvoient à l'édition des Poésies documentaires complètes, donnée chez Gallimard en 1982. ILDA TOMAS 254 de vulgaire et de poétique, de comique et de peur, combinaison bigarrée de jeux, danse et musique. À ces attributs correspondent les personnages : d'un côté, Pierrot, Clitandre, Cassandre, Arlequin et Colombine, Scaramouche et Pulcinella, Tircis et Aminte, des masques et bergamasques ; de l'autre, un bonimenteur, un domp- teur, un patron de manège, un devin, une magicienne, des lutteurs, tous dégui- sés de « ...costumes clairs / qui vont flottant légers, avec des airs / De noncha- lance et de mouvements d'ailes ».2 Parce qu'ils jouent constamment un rôle. Les premiers correspondent à des types littéraires, ceux de la commedia dell'arte, de la comédie, de la pastorale ; ils sont élégants, raffinés, conventionnels. Leurs vêtements impliquent frivolité, artifice, manque de fidélité à eux-mêmes et aux autres. Les seconds remplissent une fonction et répondent à l'attente du public qui vient les voir : le clown enfariné, l'écuyère rose et le dompteur à dolman écarlate incarnent véritable- ment la fête ! Le « langoureux rossignol », de Fantoches, les « deux silvains hilares » des In- dolents ou bien le « vieux faune »3 s'opposent au lion qui a « toujours mal aux dents », aux vaches blanches qui vont danser la ronde sur le Pont-du-Nord « après avoir massacré les tueurs » des abattoirs de la Villette et au corbeau de la route de Béthune qui attendait « dans le froid de l'hiver 1915, le petit claque- ment sec des balles ».4 Les « donneurs de sérénades » et les « mystiques barcarolles »5 se rient du « quadrille des clodoches » et luths et tambourins se démarquent de l'accordéon qui « rythme les appels de la rue et celui de la petite Rose Blanche qui mourut d'un coup de couteau [...] ».6 L'espace où se déroulent ces fêtes diffère aussi : jets d'eau, boulingrins, jar- dins pleins de balustrades, de statues ; paysages de rêve, promenades du diman- 2 Verlaine, P., « À la promenade », in Fêtes galantes, Op. cit., p. 109. 3 Verlaine, P., « Fantoches », in Fêtes galantes, Op. cit., p. 114 ; « Les Indolents », in Op. cit., p. 118 ; « Le Faune », Op. cit., p. 115. 4 Mac Orlan, P., « Grande ménagerie moderne », in Fêtes foraines, Op. cit., p. 157 ; « Le beau manège », in Op. cit., p. 189 ; « Le Tir scientifique », in Op. cit., p. 166. 5 Verlaine, P., « Mandoline », in Fêtes galantes, Op. cit., p. 115 ; « À Clymène », in Op. cit., p. 116. 6 Mac Orlan, P., « Jeu de massacre », in Fêtes foraines, Op. cit. ; « Le Tir scientifique », in Op. cit., p. 166. PROVOCATION, BADINAGE ET LIBERTÉ À TRAVERS LES FÊTES GALANTES ET LES FÊTES FORAINES 257 Second Empire opportuniste et corrompu contre lequel s'indignent à la fois le poète et le républicain intellectuel. Rien à voir avec Mac Orlan, autodidacte qui fit l'apprentissage de la vie au contact de milieux non seulement populaires, mais misérables ; à la fois humo- riste, dessinateur, peintre, globe-trotter, au carrefour des arts et des artistes, comme en témoignent ses relations et amitiés avec Apollinaire, Colette, Breton, Aragon, Picasso, G. Grosz, Chas Laborde et Pascin. Il est également présent dans ses Fêtes foraines. Acteur permanent et principal, il s'intègre partout à sa fiction, ouvertement, sous le « je » d'un narrateur goguenard, ou secrètement. De sorte que, sous l'affabulation poétique et sous la surface d'un discours ludi- que brûle une flamme, partout latente, se devinent des confidences, s'entend le chant des profondeurs. Mais, à la différence de Verlaine qui cherche à enchan- ter son tourment secret, Mac Orlan allie circonspection, angoisse et humour pour dire, de façon scandaleuse, insolente et sournoise, sa conscience du monde. Chez les deux poètes, la fête satisfait la création d'une atmosphère, d'un émerveillement, véritable théâtre d'ombres et de fantasmagories, jeux d'eaux ou de lumière, réhabilités par Watteau, Picasso ou Rouault, permettant un dédou- blement fantastique de la réalité qui fait participer de l'évanescence et de la transcendance des contingences physiques. Toutes les pièces des Fêtes galantes tendent à la suppression de la pesanteur du réel ; et les poèmes des Fêtes foraines diffusent une perception insolite par le maniement de la lumière, de l'ombre et de l'éclairage, rappelant le goût de Mac Orlan pour le cinéma expressionniste allemand. Si la fête permet une spéculation sur l'espace, elle admet aussi une manipu- lation du temps, appropriation du passé pour Verlaine, dans une somptueuse rêverie consolatrice ; brouillage et mélange des époques pour Mac Orlan, dans une homogénéité chaleureuse, dans une transitivité permanente qui réconcilie le temps et l'éternité, le réel et le fictif, faisant se côtoyer Adam et Ève, Oscar Wilde, les réservistes du mellah de 1915, Guillaume Apollinaire et la Dame de Montsoreau. Elle crée une temporalité particulière qui combine les deux critères en une durée infléchie sur soi et qui dégénère en vertige chez Verlaine alors que chez Mac Orlan, elle implique nutrition, inclusion, résonance et échange, pos- tulant une unité substantielle du réel, du senti et du rêvé. ILDA TOMAS 258 La symbiose entre Verlaine et Watteau amène à s'interroger sur la significa- tion poétique et psychologique des Fêtes galantes. Nul doute que l'univers sym- bolique du peintre – audacieux, romanesque et frivole – ne soit incompatible avec le sombre et trouble monde intérieur du poète, où tout sentiment se fait lourd et menaçant ; il fournit assurément une compensation à la difficulté à être de Verlaine qui s'efforce de subjuguer son mal. Ce qui compte, par contre, pour Mac Orlan, c'est, conjointement, de célé- brer le présent, la modernité et d'en dénoncer l'absurdité oppressante et in- quiétante. D'où ces pied-de-nez d'un poète moqueur et indiscret qui associe les « jolies fesses de la Pompadour » et « l'ouverture des portes de la Bastille »10 à une séance de tir à la carabine, dans une prose vigoureuse plus frappante que chantante, plus impertinente que larmoyante. D'où le brassage permanent d'époques, d'êtres (vivants, morts, fictifs) et de lieux ; d'où l'amalgame de platitudes et d'extravagances, la discontinuité des relations, l'émiettement infini de tout ce qui est visible, les associations des catégories matérielles et éthiques, symboliques et dramatiques : « Cependant que l'idiot [...] tape comme un sourd pour essayer sa force et décrocher un contrepoids capable de laisser choir sur la tête des passants un tas d'astres empi- lés comme des plats sonores sur la voie lactée en fête. »11 Qu'il s'agisse des formes fluides de Verlaine ou des formulations dynamiques de Mac Orlan ; qu'on puisse parler d'impressionisme à cause de la juxtaposition et de la fusion des nuances, des tons, de l'art de rendre les aspects les plus fuga- ces, les moins perceptibles de la vie, qu'on hasarde les notions de cubisme litté- raire et de surréalisme à propos de Mac Orlan du fait de son refus d'un mono- lithisme du langage et d'une fragmentation des apparences d'une part, du fait de la réconciliation des contraires d'autre part, il est évident qu'il ne saurait y avoir, pour Mac Orlan du moins, aucune confusion entre un poème et un ta- bleau. Et il est difficile de ne voir dans les œuvres qu'une transposition de la peinture en poésie et de méconnaître l'inspiration intime. Ce qui est primordial, chez les deux poètes, c'est l'interpénétration de la per- ception, du souvenir et de l'imagination. C'est que, disponibles à cette syntaxe profonde du visuel et du pictural, Verlaine et Mac Orlan ont rencontré l'œuvre 10 Mac Orlan, P., « Le Tir à surprises », in Fêtes foraines, Op. cit., p. 160. 11 Mac Orlan, P., « Le Dynamomètre », in Fêtes foraines, Op. cit., p. 165. PROVOCATION, BADINAGE ET LIBERTÉ À TRAVERS LES FÊTES GALANTES ET LES FÊTES FORAINES 259 peinte à la fois en termes d'expressivité c'est-à-dire comme une activité d'ordre herméneutique et en termes d'expression, c'est-à-dire comme une création poé- tique. Tous deux se sont annexés Watteau, Fragonard, les toiles cubistes en pro- jetant, en surimpression, ce que Breton appelle les « mouvements du cœur ». Sous les inventions d'une fête, sensuelle ou intellectuelle, précieuse ou po- pulaire, se révèle le lien profond, énigmatique qui unit les célébrations et les requêtes de l'angoisse, les formes de l'invisible et les vertus d'émoi et d'ébranle- ment. Sentimentalement et spirituellement, Verlaine et Mac Orlan sont des hom- mes du Nord. Verlaine, « fils de l'Ardenne et de l'ardoise », selon l'heureuse formule de Claudel, et Mac Orlan, héritier de la Flandre, de l'Artois et de la Picardie, possèdent, de ce fait, un sens inné et quasi-mystique du mystère des choses, des instants, des saisons. À travers la fête, se morcelle, s'effrite et s'éva- nouit une vérité insaisissable alors que se multiplient et se diversifient failles, présomptions, doutes, frissons psychologiques, mélancolies viscérales et méta- physiques, oppressions, ondulations indicibles de l'âme ! Tout le système sur lequel fonctionnent texte poétique et rêverie est lézardé, fait sentir le hiatus, basculer la perception dans le malaise, divulguant le soubas- sement intime. La fête, dans les deux cas, recouvre une vérité spirituelle. Métaphore de l'ap- préhension de soi, support d'une récupération psychologique, elle joue en fait un rôle contradictoire chez Verlaine : au lieu de « sauver » psychologiquement le poète, par les images lumineuses et rassurantes qu'elle répand, elle est gâchée, contaminée par son âme affligée. Au raffinement précieux, à l'élégance costu- mée et à l'illusion lyrique, succèdent , voire se superposent, la débauche prosaï- que, la nudité cruelle et la désillusion. Alors se déchiffre l'attirance, dans les Fêtes galantes, pour les demi-teintes ; alors, par leur retour, les mots-clefs éclairent sur le fond, malgré le décor liber- tin : cœur (13 fois) ; amour (8 fois) ; rêver ou rêveur (8 fois) ; ombre ou assombri (6 fois) ; lune et nuit... Alors se comprend l'évolution du recueil qui va d'un jeu tendre, voire gaillard, à une inquiétude sourde puis précisée ; à un pessimisme schopenhaue- rien (Colombine), enfin à un affreux désespoir dans le duel spectral d'outre- tombe du Colloque sentimental.
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