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Sujet de dissertation n°à
La suite d’une fugue, Rimbaud écrit Le 2 novembre 1870 àsonprofes- |
seur: «Que voulez-vous, je m'entête affreusement à adorer la liberté
libre L.]» En quoi cette citation éclfire-t-elle votre lecture de l'œuvre ?
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé. Votre
réflexion prendra appui sur Les Caÿiers de Douai, sur les textes et documents
étudiés dans le cadre du parcour# « Émancipations créatrices », ainsi que sur |
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Introduction — SANes |
[Présentation du sujet.et de sa problématique] Écrits par Rimbaud, à
peine âgé de dix-sept ans, les Cahiers de Douai retiennent l'attention par
leur audace. En dépit d'influences encore décelables, ils ouvrent un chemin
jusqu'alors inexploré. En quoi ce recueil illustre-t-il cette quête d'une «liberté
libre » dont, usant d'un pléonasme, Rimbaud se revendiquait: [Annonce du
plan] une liberté totale, à la fois physique, intellectuelle et artistique ?
D) La liberté d'aller et venir à sa guise À L. JA
+ La biographie de Rimbaud nous apprend qu'il ne supporte plus la pesanteur
du foyer familial dominé par sa mère bigote ainsi que l'étroitesse de Charle-
ville, la ville de province dans laquelle il réside. Rimbaud préfère fuir et fugue
à plusieurs reprises. La liberté que réclame donc en premier lieu le poète est
la liberté-d'aller et venir à sa guise: n'était-ce pas l'une des libertés fondamen-
tales réclamées par les Révolutionnaires français de 1789 dont Le souvenir est
toujours vivace en Rimbaud comme en témoigne «Le Forgeron » ?
+ De nombreux poèmes des Cahiers de Douai mettent en scène La figure du
en train de marcher, d’«aller». Ce verbe apparaît dès le premier vers du poème
«Sensation»: «j'irai dans les sentiers ». On le retrouve dans «Ma Bohême»,
aui relate une expédition nocturne à travers champs: «Je m'en allais »
+ Le poète se déplace fréquemment à Charleville, dans sa ville et dans la
campagne environnante, Dans «Roman», il va sous les tilleuls verts de La
promenade», avec Nina, il gagne «la ravine puis les grands bois» («Les Re-
arties de Nina»). …
L <: l/ éenee errant)
\kvotre culture personnelle D
« Cette envie d'aller et venir à sa guise se concrétise surtout par des fugues tout
au long de l'année 1870, lesquelles sont évoquées dans plusieurs des poèmes
du recueil écrit la même année: par exemple, dans « Rêvé pour l'hiver» ou «Au
Cabaret-Vert»: «Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines / Aux cailloux
des chemins.»
«influencé par Rimbaud en qui il voit un modèle d'émancipation, Le poète René
Char lui rendra hormmage en 1948 dans son texte «Tu as bien fait de partir,
Arthur Rimbaud!» (Fureur et mystère) et louera son goût de la liberté, sa ca-
pacité à fuir, à s'émanciper de sa «famille ardennaise un peu folle » et à «[l']
éparpiller au vent du large ».
Transition La liberté que revendique avec force Rimbaud ne se limite toutefois
pas à la possibilité, physique, de circuler à sa guise. Le poète entend également
pouvoir exprimer librement sa pensée.
La liberté de penser et la remise en question
de La pensée dominante dep.
La soif de liberté du poète passe également et remise en question de la
pensée dominante sur le plan social, politique et religieux. \dS a OR
+ Sur le plan social, tout d'abord. Pour Rimbaud qui vit au quotidien avèc sa
mère al sein dé cette bourgeoisie de province qu'il exècre, cette contestation
est absolument nécessaire. Nombre de poèmes attaquent les travers bour-
geois, en dénoncent la bêtise et les ridiculisent. «À la musique » met ainsi en
lumière la bassesse matérialiste et l'étroitesse d'esprit des bourgeois
+ Sur le plan politique, Rimbaud fait l'éloge de l'esprit républicain dont il loue
la pureté”et la force dans «Le Forgeron». Dans le sillage de Victor Hugo, le
poète conteste le régime politique de la France de son époque. Ainsi, « Morts
de Quatre-vingt-douze » fait écho au poème « Aux morts du 4 décembre » (Les
Châtiments, 1953) de Victor Hugo qui fustige Le régime arbitraire de Napoléon
Il. Les poèmes de Rimbaud dénoncent à leur tour La tyrannie de l'Empereur
et sa cohorte de choix politiques désastreux: «Rages de Césars» brosse un
portrait acide de Napoléon III tandis que « L'Éclatante Victoire de Sarrebrück»
dénonce la propagande mensongère du régime. Lors de la guerre franco-
prussienne, Rimbaud s'indigne également de la privation de liberté et du mas-
sacre de tant de soldats pour satisfaire le narcissisme d’un souverain. «Le Dor-
meur du val», en particulier, s'insurge contre les atrocités de la guerre.
€, * La révolte rimbaldienne concerne aussi la religion, Dans cette seconde moi
tié du xx siècle marquée par un anticléricalisme grandissant, il n'est guère
surprenant de voir Le jeune Rimbaud, épris d'émancipation, s'inscrire en faux
contre Le christianisme. IL en dénonce la cupidité dans «Le Mal». ILen appelle
avec force à une libération de l'homme qui doit impérativement passer par Sa
réconciliation avec la nature. C'est celle qu'il invoque particulièrement dans
«Soleil et chair» où revenant sur L'histoire de l'humanité, il souligne combien
l'homme écoutait avec sagesse une nature protectrice et bienveillante.
Transition À cette soif inextinguible de liberté aussi bien physique qu'intellec-
tuelle, Rimbaud ajoute une revendication: celle de pouvoir explorer de nou-
veaux territoires poétiques.
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ff 1 liberté de créer A .{4 Lu Loge
La force de Rimbaud est d'être parvenu à bouleverser la conception que l'on
se faisait de La poésie. Si Les Cahiers de Douai sont très influencés par ses deux
maîtres d'alors, Victor Hugo et Charles Baudelaire, Rimbaud n'en oublie pas
Î (| pour autant d'ouvrir des Chemins qui vont conduire à Un profond renouvelle-
Il ment de l'art poétique. La liberté de créer devient son mot d'ordre ultime.
+ Celle-ci appelle en premier lieu à se dégager des contraintes pesantes de la
versification. Même si, à la différence’ de certains de ses contemporains, il a
à cœur de conserver l'alexandrin, Rimbaud en brise la grande régularité clas-
sique en jouant sur des effets de rythme: dans «Rages de Césars », le rythme
se décompose en 4 + 8, comme dans ce vers: «L'Homme pâle/ Le long des
pelouses fleuries» (v. 7). IL n'hésite pas également à désarticuler syntaxe et
vers en utilisant abondamment enjambements, rejets et contre-rejets; c'est
notamment le cas dans «Le Dormeur du Val», où Rimbaud procède à 5 rejets
et contre-rejets (v. 3, 4, 7, 10 et 14).
+ Le poète rejette également l'éviction, dans la poésie classique, des sujets
quotidiens, prosaïques. Dans «Au Cabaret-Vert», il évoque ainsi un Simple
repas: «je demandai des tartines / De beurre et du jambon qui fût à moitié
froid.» Dans d'autres poèmes, il est question de sujets tabous dans la morale
bourgeoise, tels Les rencontres hors mariage et Le plaisir des sens («Roman»,
«Première soirée »).
+ Au-delà du sujet, il convoque une langue usuelle, qui peut être familière,
voire grossière: «Merde à ces chiens-tar» TLe Forgeron», 171)
Forgeron. Rimbaud use également fréquemment d'interjections et d'onoma-
topées: «Oh! la! lal Que d'amours splendides j'ai rêvées!» {v. 4) lit-on dans
«Ma Bohême », ou encore: « Peuh! Tartufe était nu du haut jusques en bas!»
{v. 14) dans «Le Châtiment de Tartufe ».
+ Les poètes de la modernité se souviendront de cette liberté langagière et
l'imiteront, comme c'est le cas notamment de Blaise Cendrars dans Lo Prose
du Transsibérien et de la petite Jehanne de France {1913) où le poète n'hésite
pas à mêler mots savants («mon cœur brûlait comme le terrple d'Éphèse »)
et vocabulaire familier (« J'avais faim »].
+ Cependant pour Rimbaud, la poésie n’est pas une simple aventure du lan-
: Be gage: c'est aussi une aventure existentielle, un art de vivre à part entière, en
liberté et en harmonie avec la nature: C'est certainement « Ma Bohême » qui
exprime le mieux cette revendication poétique : XX À LA.
«Et je les écoutais, assis au bord des routes, TS Ss/eae
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
Où, rimant au mieux des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur.»
Conclusion
Les Cahiers de Douai illustrent bien la quête d'une « liberté libre », absolue: à
la fois celle d'aller et venir, que réclame Le jeune fugueur; celle de penser et
de remettre en cause les-autorités illégitimes; enfin celle de créer une nou-
velle langue poétique capable de modifier notre rapport au monde. Présente
dès son premier recueil, cette liberté s'épanouit dans les recueils ultérieurs,
notamment dans les Hluminations, où le langage poétique fait advenir un
monde inédit.