Télécharge Rimbaud, Les Effarés - Commentaire et plus Guide, Projets, Recherche au format PDF de Littérature sur Docsity uniquement! = Arthur Rimbaud, Les Effarés Noirs dans la neige et dans la brume, Au grand soupirail qui s'allume, Leurs culs en rond, A genoux, cinq petits, - misère ! - Regardent le Boulanger faire Le lourd pain blond. Ils voient le fort bras blanc qui tourne La pâte grise et qui l'enfourne Dans un trou clair. Ils écoutent le bon pain cuire. Le Boulanger au gras sourire Grogne un vieil air. Ils sont blottis, pas un ne bouge, Au souffle du soupirail rouge Chaud comme un sein. Quand pour quelque médianoche, Façonné comme une brioche On sort le pain, Les Effarés Quand, sous les poutres enfumées, Chantent les croûtes parfumées Et les grillons, Que ce trou chaud souffle la vie, Ils ont leur âme si ravie Sous leurs haillons, Ils se ressentent si bien vivre, Les pauvres Jésus pleins de givre, Qu'ils sont là tous, Collant leurs petits museaux roses Au treillage, grognant des choses Entre les trous, Tout bêtes, faisant leurs prières Et repliés vers ces lumières Du ciel rouvert, Si fort qu'ils crèvent leur culotte Et que leur chemise tremblote Au vent d'hiver. 20 septembre 1870. Rimbaud, Les Effarés 1) Première lecture Un croquis réaliste, une « chose vue », peut-être même une chose vécue. Non seulement Rimbaud a pu voir une scène semblable dans les faubourgs de Charleville, mais il a peut-être été lui-même un de ces « effarés », lors de ses fugues en Belgique. Il se souvient des jours sans pain qui le faisaient semblable à ces petits malheureux. Cf. Lettre à Delahaye : « J'ai soupé en humant l'odeur des soupiraux d'où s'exhalaient les fumets de viande et de volailles des cui- sines bourgeoises de Charleroi. » Dans ce type de lecture, deux aspects sont particulièrement à souligner : CRE dans le dessin et la couleur, art du croquis et de l'attitude, du détail caractéristique ; art du Contre-jour aussi : « Museaux roses » éclairés d'un reflet. C'est à la fois du Daumier et du La Tour (Cf. les tableaux avec des personnages à la bougie). QUE, compréhension, sympathie profonde qui illumine et idéalise ce tableau réaliste, à la limite de l'attendrissement parfois : « Les pauvres Jésus! pleins de givre... », mais aussi avec une touche tendrement caricaturale : « culs, museaux » : on dirait de petits animaux. Pour toutes ces raisons, c'est un des poèmes de Rimbaud que Verlaine préférait : cf. son étude sur Les poètes maudits : « Nous ne connaissons pour notre part, dans aucune littérature, quelque chose d'un peu farouche et de si tendre, de gentiment caricatural et de si cordial, de si bon et d'un jet franc, sonore, magistral comme Les Fffarés ». EXT TER AA TES Mais une lecture attentive de certains détails suggère une autre interpréta- tion. CONS CIC TC EEE nNJE juxtapose et oppose deux univers proches l'un de l'autre, mais irrémédiablement séparés : d'un côté du soupirail, un monde hostile de neige, de brume et de froid, de l'autre un univers inacces- sible de lumière et de chaleur « chaud comme un sein », « qui souffle la vie ». 2/3
