Docsity
Docsity

Prépare tes examens
Prépare tes examens

Étudies grâce aux nombreuses ressources disponibles sur Docsity


Obtiens des points à télécharger
Obtiens des points à télécharger

Gagnz des points en aidant d'autres étudiants ou achete-les avec un plan Premium


Guides et conseils
Guides et conseils

Saisine du Conseil constitutionnel, Résumés de Arts

Le Conseil constitutionnel a affirmé directement, sur le fondement de l'article 16 de la DDHC, le caractère constitutionnel du droit à un ...

Typologie: Résumés

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

Bernadette_88
Bernadette_88 🇫🇷

4.2

(48)

105 documents

1 / 24

Toggle sidebar

Documents connexés


Aperçu partiel du texte

Télécharge Saisine du Conseil constitutionnel et plus Résumés au format PDF de Arts sur Docsity uniquement! 1 Saisine du Conseil constitutionnel PAR DES DEPUTES DU GROUPE LES REPUBLICAINS DE L’ASSEMBLEE NATIONALE SUR LA LOI DE PROGRAMMATION 2018-2022 ET DE REFORME DE LA JUSTICE 2 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers, Conformément au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, les députés soussignés ont l’honneur de vous déférer l’ensemble de la loi telle qu’elle a été adoptée par le Parlement le lundi 18 février 2019. Ils estiment que la loi déférée porte atteinte à plusieurs principes et libertés constitutionnels. A l’appui de cette saisine, sont développés les griefs suivants. Sur la méconnaissance du principe de clarté et de sincérité du débat parlementaire Votre Conseil requiert du débat parlementaire qu’il soit clair et sincère, considérant qu’un débat de qualité est une exigence pour l’élaboration d’une bonne législation. L’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose que « la Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation (…) ». Au premier alinéa de l’article 3 de la Constitution « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants (…) ». Ainsi, apparu dans votre décision 512 DC du 21 avril 2005, puis explicitement dégagé le 13 octobre suivant (526 DC), le principe de clarté et de sincérité du débat parlementaire est présenté comme une garantie nécessaire pour assurer le respect de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Ce principe, a été interprété par vous comme ayant vocation à tempérer un usage débridé du droit d’amendement, donc de lutter contre l’obstruction parlementaire, et ce dès la première lecture. En 2003, dans une décision 468 DC du 3 avril 2003, votre Conseil a considéré que le « bon déroulement du débat démocratique, et partant, le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels, supposent que soit pleinement respecté le droit d’amendement…et que les parlementaires comme le Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur dispositions à ces fins ; que cette double exigence implique toutefois qu’il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ces droits ». De fait, ce principe fut intégré parmi les normes des décisions rendues, le 25 juin 2009 dans une décision 581 DC, sur le règlement des assemblées. Dans cette décision, le principe est mobilisé à six reprises pour des questions diverses telles que le caractère exhaustif du compte rendu des commissions, la durée maximale pouvant être assignée à l’examen d’un texte, la durée des prises de parole ou les délais de dépôt opposables aux amendements. Votre Conseil, a par exemple censuré, en 2009, la clôture automatique de la discussion d’un article dès lors que quatre orateurs seraient intervenus, en considérant que cela « pourrait avoir pour effet d’interdire aux membres d’un groupe d’opposition d’intervenir dans la discussion ». De même que dans une décision 607 DC du 10 juin 2010, il a sanctionné le dépôt tardif et l’adoption précipitée d’amendements. 5 Toutefois, cette exception n’est pas reprise dans l’article 2 II de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice. En conséquence, deux parties en litige qui auraient préalablement essayé de trouver une solution amiable à leur litige mais qui n’auraient pas respecté la forme prévue par la présente loi (conciliation, médiation ou procédure participative) seront dans l’obligation de réaliser de nouvelles démarches amiables avant de pouvoir saisir le juge. Si la présente loi n’impose pas aux parties de trouver une solution amiable à leur litige avant de saisir le juge, elle impose en revanche de saisir un tiers (conciliateur ou médiateur) voire un avocat (procédure participative), avant de saisir un juge. En cas d’absence de volonté des parties de trouver une solution amiable, ces tiers auront pour unique fonction de constater l’absence de rapprochement possible entre les parties. Cette démarche constitue alors une obligation supplémentaire avant d’accéder aux juges. 1. L’article 2 porte atteinte au droit à un recours effectif Le Conseil constitutionnel contrôle le respect du principe de valeur constitutionnelle de libre accès au juge (Décision n°96-373 DC du 9 avril 1996, cons. 85). Ce contrôle, fondé sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, porte sur la proportionnalité des effets de la disposition législative : le Conseil constitutionnel examine le caractère « substantiel » de l’atteinte portée au droit à un recours effectif (Décision n°2014-406 QPC du 9 juillet 2014, cons. 9). Il n’est guère discutable que l’article 2.II de la loi porte atteinte au droit à un recours effectif, dès lors qu’il dresse un obstacle procédural entre les justiciables quant à l’exercice de leur droit d’agir en justice. La question déterminante est donc celle de la proportionnalité de l’atteinte. Les considérations qui suivent militent en faveur d’une qualification d’atteinte substantielle. 1. La portée de l’obligation – et, par suite, de l’atteinte – est potentiellement très étendue. En effet, le législateur laisse au pouvoir réglementaire le soin de définir le seuil du montant du litige ainsi que de préciser la notion de conflit de voisinage, laquelle peut être entendue de façon extensive (troubles anormaux, servitudes, mitoyenneté, sinistres, permis de construire, etc.). L’étendue de l’atteinte n’est donc pas encadrée par le législateur tout comme la notion de voisinage. En outre, le critère d’application de l’obligation, tenant à la nature du litige, crée une distinction injustifiée entre les justiciables (Décision n°2013-314 QPC du 14 juin 2013). En effet, si le critère d’application tenant au montant de la somme en litige peut s’entendre – les litiges de faibles montants ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’accords amiables, en effet le fait que les parties sont incapables de se mettre d’accord sur un enjeu économique faible révèle la présence d’un profond clivage - le critère tenant à la nature du litige paraît arbitraire. Les conflits de voisinage peuvent revêtir des enjeux considérables. Les personnes engagées dans un conflit de voisinage devraient ainsi subir, sans justification objective convaincante, une atteinte substantielle à leur droit à un recours effectif. 2. Ensuite, le coût des procédures de règlements alternatifs des différends – conciliation, médiation et procédure participative – est de nature à entraver l’accès au juge. Le Conseil constitutionnel contrôle l’atteinte que le coût d’une procédure est susceptible de porter au droit à un recours effectif (Décision n° 2011-198 QPC du 25 novembre 2011, cons. 4. Dans cette affaire, le Conseil constitutionnel avait jugé qu’eu égard au faible montant des droits de plaidoirie – alors de 8,84 euros – leur paiement ne portait 6 pas une atteinte substantielle au droit à un recours effectif). Il n’est pas exclu, à la lecture de cette décision, que l’obligation de suivre une procédure obligatoire payante avant d’accéder au juge puisse être analysée comme une atteinte substantielle au droit à un recours effectif. La conciliation demeure à ce jour gratuite pour les particuliers. En revanche, les autres modes de règlements – médiation et procédure participative – sont des procédures payantes. La mise en œuvre de ces modes de règlement entrainera donc un surcoût potentiellement élevé et rédhibitoire pour certains justiciables. Or, le législateur ne garantit pas l’accès à un mode de résolution gratuit – ou d’un prix très modique – au profit du justiciable. L’article 2.II prévoit certes la possibilité de déroger à l’obligation de règlement alternatif lorsque qu’aucun conciliateur de justice n’est disponible dans un délai raisonnable - d’autant que la position du juge ne sera connue qu’a posteriori puisqu’il aura fallu de saisir sans conciliation préalable avec le risque de voir la procédure déclarée irrecevable - mais cette exception, rédigée de façon vague, serait laissée à la libre appréciation du juge, lequel manierait donc seul le curseur de la proportionnalité de l’atteinte au droit à un recours effectif. Un juge pourrait estimer, par exemple, qu’un délai d’un an pour accéder à une procédure de conciliation serait raisonnable. Il en résulterait une rupture de l’égalité entre justiciables : ceux disposant des ressources leur permettant d’accéder à la médiation et la procédure participative pourraient engager rapidement ces procédures de règlements alternatifs, tandis que les justiciables les moins fortunés devraient subir une atteinte à leur droit à un recours effectif se traduisant par un allongement disproportionné des délais de procédure. 3. L’article 2.II de la loi ne règle pas l’hypothèse d’un désaccord entre les parties quant au choix du mode de règlement alternatif du litige, et la situation de blocage qui en résulterait. Certes, un juge pourrait considérer que cette situation caractériserait un motif légitime permettant de déroger à l’obligation de l’article 2.II. Toutefois, un juge serait peu enclin à retenir une telle interprétation : il suffirait en effet aux parties de manifester leur désaccord quant au choix de mode alternatif de règlement des différends pour échapper à l’obligation de l’article 2.II, lequel se trouverait alors vidé de sa substance. Par ailleurs, le législateur laisse ici encore le soin au juge d’apprécier le risque d’atteinte au droit à un recours effectif, sans prévoir aucune garantie permettant d’assurer le respect de ce droit constitutionnel. Si cette hypothèse de désaccord était réglée par le décret en Conseil d’Etat annoncé par cet article 2.II, il en résulterait néanmoins une étape procédurale supplémentaire ainsi qu’un allongement corrélatif des délais et, partant, une atteinte au droit à un recours effectif. Signalons enfin que la sanction d’irrecevabilité prévue en cas de non-respect de l’obligation prévue par l’article 2.II pourrait être exploitée par l’une des parties à un litige, afin d’entraver le droit de l’autre partie d’accéder au juge. Certes, le juge a une simple faculté – et non une obligation – de prononcer d’office l’irrecevabilité de l’action. 2. L’article 2 porte atteinte à la liberté individuelle et la liberté contractuelle 4. L’article 2.II permet de déroger à l’obligation de suivre une procédure préalable de règlement alternatif des différends lorsque l’une des parties sollicite l’homologation d’un accord. En revanche, 7 l’article ne tient aucunement compte de l’hypothèse dans laquelle les parties se seraient préalablement entendues pour conclure à l’impossibilité d’un règlement amiable. L’obligation de suivre une telle procédure s’affranchit donc de la volonté des parties. Le Conseil constitutionnel retient selon une jurisprudence constante qu’il « est loisible au législateur d’apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi. Par ailleurs, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 » (Décision n°2018-769 DC du 4 septembre 2018, cons. 50 ; voir ég. Décision n°2016-742 DC du 22 décembre 2016). 5. En l’espèce, il existe, il est vrai, un intérêt général à favoriser les modes de règlements alternatifs des différends. En revanche, le refus de tenir compte d’un accord intervenu entre des parties et constatant, au terme d’une tentative de rapprochement, leur volonté mutuelle de ne pas aboutir à un règlement amiable, ne paraît pas justifié par un intérêt général déterminé. Au contraire, en contraignant des parties, déjà déterminées à obtenir une résolution contentieuse de leur différend, à suivre artificiellement une procédure de règlement alternatif, le texte aurait un effet inverse à celui recherché : des structures de règlements alternatifs des différends seraient ainsi inutilement mobilisées par des parties qui auraient déjà manifesté leur volonté d’agir en justice, au détriment d’autres justiciables qui pourraient bénéficier de ces modes alternatifs de règlement des différends. Sur l’inconstitutionnalité de l’article 6 a. L’incompétence négative du législateur Dans sa décision n°2006-540 du 27 juillet 2006 sur la loi relative aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, le Conseil constitutionnel indique qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et que le plein exercice de cette compétence lui impose « d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques » (Cons. Constit. Déc. n° 2006-540 DC, 27 juillet 2006, cons. 9). Le Conseil constitutionnel considère également que le législateur « doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi » (même considérant de la même DC.). L’article 6 du projet de loi laisse une marge d’appréciation trop importante au directeur de CAF, s’agissant de la révision du montant des pensions alimentaires : L’alinéa 8 de l’article 6 est ainsi rédigé : « L'organisme compétent rejette la demande lorsque l'une des conditions prévues aux 1° à 7° n'est pas remplie ou lorsque la complexité de la situation financière de l'une ou de l'autre des parties ne permet pas l'application du barème. » 10 Ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu’aucune autorité administrative (ou privée avec mission de service public) ne peuvent empiéter sur les fonctions des juges (décision n° 2007-551 DC du 1er mars 2007). La CAF n’a donc aucune vocation à trancher la révision d’une pension alimentaire, sauf si les parties sont toutes d’accord (mais rien n’est prévu pour s’assurer de la sincérité et de la réalité du consentement de chacune des parties puisque aucune audience n’est prévue), et auquel cas il faut vérifier l’équilibre entre les deux, ce qui suppose déjà une appréciation qui est impartie au pouvoir juridictionnel, donc nécessairement à une autorité indépendante, ce que n’est pas la CAF. Statuant à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé, le 25 mars 2011, que la composition des commissions départementales d'aide sociale (CDAS) était contraire aux principes d'indépendance et d'impartialité qui doivent régir l'exercice des fonctions juridictionnelles. Il a estimé qu'aucune disposition ne permettait de garantir l'impartialité de ces juridictions qui comprenaient des conseillers généraux (désormais dénommés conseillers départementaux) élus et de fonctionnaires de l'État en activité (Cons. const., déc., 25 mars 2011, n° 2010-110 QPC). Il reprend les principes dégagés par la jurisprudence du Conseil d'État en 2002, à l'occasion d'un litige portant sur la composition des anciennes commissions départementales des travailleurs handicapés (CE, 6 déc. 2002, n° 221319). Le juge constitutionnel a également déclaré contraire à la Constitution la présence des fonctionnaires au sein de la Commission centrale d'aide sociale (CCAS) - en tant que membres des sections ou sous- sections la composant, rapporteurs ou commissaires du gouvernement. Aucune disposition législative n'instituait en effet les garanties appropriées qui auraient permis à ces fonctionnaires de satisfaire aux principes d'indépendance et d'impartialité. Depuis le 9 juin 2012, les fonctionnaires ne peuvent donc plus être membres de la CCAS, rapporteurs ou commissaires du gouvernement (Cons. const., déc., 8 juin 2012, n° 2012-250 QPC). La question de l'impartialité des fonctionnaires siégeant au sein de la formation de jugement de la CCAS avait déjà été soulevée devant le Conseil d'État. Pour ce dernier, la présence de fonctionnaires de l'État comme membres de cette juridiction ne pouvait pas, par elle-même, être de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur l'impartialité de celle-ci. Toutefois, il convenait d'écarter ceux qui, par leurs fonctions, participaient à l'activité des services en charge des questions d'aide sociale soumises à la juridiction (CE, 6 déc. 2002, n° 240028). De même, la Haute Juridiction administrative a estimé que le principe d'impartialité était méconnu lorsque la commission départementale d'aide sociale examinant le litige « comprend au moins un conseiller général » du département partie à l'instance (CE, 21 oct. 2009, n° 316881). Dans une autre affaire, le Conseil d'État a jugé qu'un assesseur, alors même qu'il exerçait les fonctions de chargé de mission auprès du Médiateur de la République, ne pouvait régulièrement siéger au sein de la formation de jugement (CE, 18 déc. 2013, n° 352843). La Cour de cassation en avait décidé de même pour le contentieux technique de la sécurité sociale, au début des années 2000. 11 d. Rupture de l’égalité entre les justiciables Sauf à l’ordonner (avec possibilité d’un recours si les conséquences sont manifestement excessives), la décision de révision rendue par le JAF en matière de pensions alimentaires n’est pas exécutoire de plein droit, de sorte que l’on peut craindre une inégalité de traitement processuelle entre les justiciables, selon que leur demande sera traitée par le JAF ou par la CAF. S’agissant de la barémisation, il est à craindre une multiplication des recours devant le JAF pour échapper au barème en soulevant l’existence d’un conflit sur les modalités d’organisation de l’autorité parentale. L’appréciation de la CAF ne reposera que sur des barèmes en fonction des seules ressources sans prise en considération de la situation patrimoniale globale de l’intéressé. Ainsi, une personne paiera plus de pension alimentaire sur décision de la CAF, suivant le barème applicable à cette tranche de rémunération, qu’une autre personne devant le JAF, ayant plus de revenus, tout simplement parce que sa situation patrimoniale globale sera prise en considération. Bien que la loi vise « l’évolution des ressources des parents », la demande de modification portée devant le directeur de CAF ne fera plus l’objet d’une appréciation individuelle contrairement à celle portée devant le JAF qui prend soin d’examiner les ressources du créancier. Outre que le résultat pourrait donc être aberrant, il serait ainsi source d’inégalité tant d’un point de vue processuel que sur le fond. Sur l’inconstitutionnalité de l’article 13 a. L’incompétence négative du législateur Comme déjà évoqué supra, le Conseil constitutionnel indique qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et que le plein exercice de cette compétence lui impose « d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ». Le nouvel article L.212-5-1. du code de l’organisation judiciaire prévoit que, devant le TGI, la procédure peut se dérouler sans audience, à l’initiative des parties, lorsqu’elles en sont expressément d’accord. Toutefois, le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande. En donnant au tribunal le pouvoir d’apprécier qu’une audience doit ou non se tenir, le législateur laisse à une autorité juridictionnelle une large marge d’appréciation. En agissant ainsi, le législateur n’a pas exercé pleinement sa compétence que lui confie notamment l’article 34 de la Constitution en matière de procédure pénale. b. Le droit à l’accès à un juge Le droit d’accès à un tribunal ou encore le droit à un recours juridictionnel ou enfin le droit à un juge, a pu être défini comme « le droit pour toute personne physique ou morale, française ou étrangère, d’accéder à la justice pour y faire valoir ses droits » (Louis Favoreu et Thierry-Serge Renoux, 12 « Le contentieux constitutionnel des actes administratifs », extrait du Répertoire Dalloz du contentieux administratif, Paris, Sirey, 1992, p. 90 et suiv) Le Conseil constitutionnel a affirmé directement, sur le fondement de l’article 16 de la DDHC, le caractère constitutionnel du droit à un recours juridictionnel effectif (Cons. Constit. Déc. n°93-335 DC, 21 janvier 1994, cons. 4). Dans sa décision n°96-373 du 9 avril 1996, le Conseil constitutionnel a considéré qu’il résulte de l’article 16 de la DDHC « qu’en principe il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours collectif devant une juridiction. » Ce droit à un recours effectif a été confirmé à plusieurs reprises, notamment par la décision QPC n°2014-387 du 4 avril 2014 (cons. 3) : « Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; qu’il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ». En donnant au juge le pouvoir de décider, sans avoir à justifier sa décision, de refuser de tenir une audience ou d’entendre les parties, le législateur remet en cause le droit à l’accès au juge et à un recours effectif. Sur l’inconstitutionnalité de l’article 19 À l’heure où la confiance dans les institutions est fragilisée, la publicité de la justice fait figure de socle fondamental pour la défense de notre démocratie. Elle se concrétise à travers la publicité des audiences mais aussi celle des jugements. C’est pourquoi la mise à disposition de toutes des décisions de justice a été consacrée et organisée par la loi pour une République numérique de 2016. Le rapporteur de cette loi, Christophe-André Frassa, avait alors indiqué au cours des débats : « L’ensemble des amendements visent un même objectif extrêmement important : garantir l’ouverture, le partage et la réutilisation, autrement dit l’open data des décisions de justice. Ces décisions de justice sont toutes rendues au nom du peuple français et sont publiques. Il apparaît donc opportun de prévoir la mise à disposition de toutes les décisions, et pas seulement de celles publiées par la Cour de cassation ou le Conseil d’État ». C’est sur ce dispositif, et ce malgré le fait qu’il n’ait toujours pas été mis en place, que l’article 19 de la loi pour une réforme de la justice entend aujourd’hui revenir, en modifiant considérablement le droit applicable à la publicité et à la diffusion des décisions. ● Les principes constitutionnels limitant les atteintes à la publicité des décisions de justice Ces modifications ont été opérées au vu d’une étude d’impact et d’éclairages apportés par la Ministre de la justice ainsi que par les rapporteurs à l’Assemblée nationale qui ont posé en postulat que le législateur serait libre de statuer comme bon lui semble en cette matière, aucune borne constitutionnelle n’existant, à lire les documents fournis au Parlement. 15 Recours abusif aux habilitations des articles 55 et 52 A Sur l’inconstitutionnalité de l’article 52 A La Garde des Sceaux a déclaré le vendredi 23 novembre 2018 devant les députés : « je propose de laisser un temps suffisant au Parlement pour modifier l’ordonnance une fois qu’elle aura été déposée, et de ne faire entrer en vigueur ce texte qu’un an après son adoption par le conseil des ministres. Cela laissera au Parlement la possibilité de jouer pleinement son rôle. » (Compte rendu. Ass. nat.. 2e séance du vendredi 23 nov. 2018). L’article 38 de la Constitution permet au Parlement, par le vote d’une loi d’habilitation, d’autoriser le Gouvernement, pour l’exécution de son programme, en raison de l’urgence ou de l’encombrement de l’ordre du jour du Parlement, à prendre par ordonnances, dans un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ordinaire. Ces ordonnances entrent en vigueur au moment de leur publication mais sont caduques si un projet de loi de ratification n’est pas déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation. Ainsi, la Garde des Sceaux, Ministre de la justice déposait un amendement visant à créer un article 52A aux termes duquel : - L’ordonnance est prise dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi (loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice) - Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de l’ordonnance. Suivant le processus législatif prévu par les dispositions de l’article 38 de la Constitution, afin de ne pas tomber sous le coup de la caducité de l’habilitation l’ordonnance modifiant la justice pénale des mineurs sera publiée et entrera en vigueur au plus tard six mois après la publication de la loi de réforme de la justice. Or la Ministre de la justice a expliqué à l’Assemblée nationale, pour tenter de justifier le dessaisissement de cette dernière sur un sujet aussi important, qu’elle ne ferait entrer en vigueur l’ordonnance qu’un an après son adoption en Conseil des ministres : cela paraît aller contre les règles constitutionnelles pour deux raisons : - Soit l’ordonnance n’est pas publiée et alors le délai de six mois entraine de facto la caducité de l’habilitation donnée au Gouvernement ; - Soit l’ordonnance est publiée avec l’indication qu’elle n’entrera en vigueur qu’un an après sa publication et c’est alors la justification de l’habilitation (urgence ou encombrement de l’ordre du jour du parlement) qui se trouve mise à mal au regard des conditions d’application de l’article 38 de la Constitution. La seule solution constitutionnellement recevable serait que l’ordonnance soit prise, publiée dans les six mois, entre en vigueur et soit ratifiée par le Parlement dans les deux mois. Ainsi, il est établi qu’en tentant de se justifier devant l’Assemblée nationale, la Ministre de la justice s’est moquée de la représentation nationale en tentant de lui proposer un bricolage 16 « contitutionalolégislatif » aux termes desquels l’ordonnance n’entrerait en vigueur qu’un an après son adoption, solution impossible avec notre Constitution…. De plus, l’adoption des codes par voie d'ordonnances aurait pour effet de faire perdre leur nature législative aux dispositions codifiées. Enfin, comme dit précédemment le Sénat a été privé en première lecture de débattre sur cette refonte fondamentale du code relatif à l’enfance délinquante. Sur l’inconstitutionnalité de l’article 55 L’article 38 alinéa 1 de la Constitution dispose que « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». L’article 55 de la loi dispose que le Gouvernement pourra prendre par ordonnances des mesures « y compris en apportant les modifications nécessaires pour remédier aux éventuelles erreurs et omissions de la présente loi, et abroger les dispositions devenues sans objet ; » Qu’est-ce qu’une erreur ? Qu’est-ce qu’une omission ? Ainsi, le Gouvernement pourra totalement modifier l’intégralité de sa loi sans de nouveau passer par le Parlement. Dans une décision 421 DC, votre conseil précise que la notion de « programme » de l'article 38 fait « obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention ». Or, l’article 55 de la loi portée à votre connaissance démontre manifestement un usage abusif de l’utilisation des ordonnances de l’article 38. Sur l’inconstitutionnalité des articles 53 et 54 I. LE LÉGISLATEUR NE RESPECTE PAS LES TERMES DE L’ARTICLE 34 DE LA CONSTITUTION ET POURRAIT ENCOURIR UNE SANCTION FONDÉE SUR SON INCOMPÉTENCE NÉGATIVE Le dispositif des deux articles relèverait du I de l’article 34 de la Constitution, la spécialisation de certaines juridictions exigeant du législateur qu’il fixe les règles précises et claires concernant lesdites juridictions. Selon les deux articles litigieux, le critère de spécialisation des juridictions concernées se fonde sur deux critères : - Volume des affaires concernées - Technicité des matières afférentes à ces affaires. Il ressort que ces critères ne sont pas clairement définis, l’Assemblée nationale ayant refusé les précisions de garantie apportées par le Sénat et proposées par les députés LR. 17 En réalité, ces critères sont laissés à l’appréciation du seul pouvoir règlementaire et surtout à des autorités juridictionnelles, en l’espèce les chefs de cours concernés, ces deux autorités (1ers présidents des cours d’appels et procureurs généraux) en définissant les contours et l’intensité des critères de volumétrie et de technicité. Il s’agit donc d’incompétence négative. Celle-ci est caractérisée lorsque le législateur adopte des dispositions législatives imprécises ou encore ambiguës, renvoyant au pouvoir règlementaire ou à d’autres autorités des règles de garantie qu’il doit en tout état de cause fixer dans la loi adoptée. Le Conseil constitutionnel publiait sur son site en juillet-août 2014 un texte intitulé Le contrôle des incompétences négatives très explicite sur ce point : « La Constitution fixe, notamment en son article 34, le domaine de la loi. Le Conseil constitutionnel est attentif à ce que le législateur ne reporte pas sur une autorité administrative, notamment le pouvoir règlementaire, ou sur une autorité juridictionnelle le soin de fixer des règles ou des principes dont la détermination n'a été confiée qu'à la loi. Pour ne pas se placer en situation d'incompétence négative, le législateur doit déterminer avec une précision suffisante les conditions dans lesquelles est mis en œuvre le principe ou la règle qu'il vient de poser. Il incombe, par exemple, au législateur d'assortir un dispositif mettant en œuvre un principe constitutionnel de garanties légales suffisantes. De même l'incompétence négative est également caractérisée si le législateur élabore une loi trop imprécise ou ambiguë. De même encore, le législateur ne peut pas renvoyer au pouvoir règlementaire de façon trop générale ou imprécise. Cette jurisprudence de l'incompétence négative est aussi ancienne que constante. Elle s'applique de manière légèrement différenciée dans le cadre du contrôle a priori de l'article 61 et dans le cadre du contrôle a posteriori de l'article 61-1 de la Constitution ». En réalité, ce qui est sanctionné par le juge constitutionnel c’est l’abstention ou le refus du législateur d’assumer le rôle dévolu par la Constitution. En ne définissant ni la volumétrie ni la technicité des affaires contentieuses, le législateur n’a pas assuré la garantie des droits des justiciables qui pourtant relève de sa seule compétence au regard de la lecture de l’article 34 de la Loi fondamentale. Il convient de préciser que la toute première décision du juge constitutionnel intervient en 1975. Elle censure le législateur pour incompétence négative concernant des dispositions de procédure pénale. En l’espèce, l’article 398-1 du code de procédure pénale confiait au président du tribunal de grande instance un pouvoir discrétionnaire pour décider si les délits seraient jugés par une formation collégiale du tribunal ou par un juge unique (Décision n°75-56 DC du 23 juillet 1975. Loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale spécialement le texte modifiant les articles 398 et 398-1 du code de procédure pénale) : « 2. Considérant que les dispositions nouvelles de l’article 398-1 du code de procédure pénale laissent au président du tribunal de grande instance la faculté, en toutes matières relevant de la compétence du tribunal correctionnel à l’exception des délits de presse, de décider de manière discrétionnaire et sans recours si ce tribunal sera composé de trois magistrats, conformément à la règle posée par l’article 20 présenter des observation orales ; qu’elles ne sont qu’une modalité d’application du principe général de l’examen contradictoire des réclamations fiscales devant un tribunal administratif ; qu’elles ne concernent pas directement les modalités de recouvrement d’une imposition et qu’elles relèvent en conséquence de la compétence réglementaire. » Décision n°72-75 L du 2 décembre 1972, Nature juridique des dispositions de l’article 48, alinéa 2, modifié, de la loi du 22 juillet 1889 sur la procédure à suivre devant les tribunaux administratifs et article 13, paragraphes 1 et 2, de la loi du 27 décembre 1963 portant unification ou harmonisation des procédures, délais et pénalités en matière fiscale Dans une décision du 14 octobre 2010, n°2012-54 QPC, le Conseil constitutionnel a eu une nouvelle fois l’occasion de rappeler les grands principes de la manière suivante : « 1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 222-1 du code de justice administrative : « Les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d’appel sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l’objet du litige ou à la nature des questions à juger » ; 2. Considérant que le syndicat requérant soutient que ces dispositions portent atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la justice et aux droits de la défense ; 3. Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe notamment « les règles concernant … les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques … la création de nouveaux ordres de juridiction … » ; que les dispositions de la procédure applicable devant les juridictions administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu’elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par l’article 34 de la Constitution ou d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ; que l’article 37 de la Constitution, selon lequel « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire », n’a pas pour effet de dispenser le pouvoir réglementaire du respect des exigences constitutionnelles ; […] ». Il appert que tout ce qui touche aux règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice de leurs libertés publiques et à la création de nouveaux ordres de juridiction relève clairement de l’article 34 de la Constitution. Il ressort de cette jurisprudence constitutionnelle que les règles de compétence et de procédure qui concernent des matières qui, en raison de leur nature relèvent elles-mêmes de la compétence législative, autrement dit celles qui mettent en cause les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice de libertés publiques relèvent de la compétence exclusive du Parlement et du contrôle de constitutionnalité de la loi. Or, les deux articles incriminés sur la spécialisation des juridictions semblent porter une atteinte au fond sur l’une des garanties fondamentales, l’accès effectif à une juridiction, étant précisé qu’éloigner une juridiction du justiciable neutralise nécessairement en pratique l’accès à un juge et le recours effectif du justiciable devant le service public. En effet, le droit d’accès au juge est une garantie fondamentale relevant du domaine de la loi. 21 Le Conseil constitutionnel consacre ainsi le droit au juge sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, lequel fonde la garantie des droits (décision n°93- 335 DC du 21 janvier 1994, Loi portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction) : « 4. Considérant que la restriction apportée par les dispositions contestées est limitée à certains actes relevant du seul droit de l’urbanisme ; qu’elle a été justifiée par le législateur eu égard à la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces actes ; qu’en effet, le législateur a entendu prendre en compte le risque d’instabilité juridique en résultant, qui est particulièrement marqué en matière d’urbanisme, s’agissant des décisions prises sur la base de ces actes ; qu’il a fait réserve des vices de forme ou de procédure qu’il a considérés comme substantiels ; qu’il a maintenu un délai de six mois au cours duquel toute exception d’illégalité peut être invoquée ; que les dispositions qu’il a prises n’ont ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité ouverte à tout requérant de demander l’abrogation d’actes réglementaires illégaux ou devenus illégaux et de former des recours pour excès de pouvoir contre d’éventuelles décisions de refus explicites ou implicites ; que dès lors il n’est pas porté d’atteinte substantielle au droit des intéressés d’exercer des recours ; qu’ainsi le moyen tiré d’une méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen manque en fait ; » Dans une autre décision du 9 avril 1996 (Décision n°96-373 DC du 9 avril 1996, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française), le Juge constitutionnel a énoncé, se référant à l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen, « qu’en principe, il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction » : « 83. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; qu’il résulte de cette disposition qu’en principe il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ; 84. Considérant qu’aux termes du 1er alinéa de l’article 113 : « Sans préjudice de recours pour excès de pouvoir dirigé contre les délibérations de l’assemblée de la Polynésie française ou de sa commission permanente qui demeure, quant à sa recevabilité, régi par le droit commun, le recours pour excès de pouvoir formé contre les actes pris en application de ces délibérations doit, à peine de forclusion, avoir été introduit dans le délai de quatre mois suivant la publication de la délibération attaquée, lorsque la solution du litige conduit à apprécier s’il a été fait par ces délibérations une exacte application de la répartition des compétences entre l’État, le territoire et les communes » ; 85. Considérant que cette disposition a pour effet de priver de tout droit au recours devant le juge de l’excès de pouvoir la personne qui entend contester la légalité d’un acte pris en application d’une délibération de l’assemblée territoriale, plus de quatre mois après la publication de cette délibération, lorsque la question à juger porte sur la répartition des compétences entre l’État, le territoire et les communes ; qu’eu égard à l’importance qui s’attache au respect de la répartition des compétences entre ces autorités, le souci du législateur de renforcer la sécurité juridique des décisions de l’assemblée ne saurait justifier que soit portée une atteinte aussi substantielle au droit à un recours juridictionnel ; que dès lors le 1er alinéa de l’article 113 est contraire à la Constitution ; » 22 Le droit d’accès au juge comprend ainsi toutes les garanties se rattachant au principe d’égal accès à la justice, de gratuité du service public de la justice, d’accessibilité au droit et d’intelligibilité du droit pour le justiciable. Il est évident qu’en spécialisant les tribunaux de grande instance et les cours d’appel, on rend l’accès à la justice coûteuse et dissuasive pour le justiciable, ce dernier devant parcourir des centaines de kilomètres pour faire valoir ses droits. En conséquence, le droit d’accès à la justice impose à l’État l’obligation de tout mettre en œuvre pour assurer aux citoyens l’accès à un recours juridictionnel effectif tant par les règles d’organisation du service public de la justice que par celles relatives à la saisine du juge et à la procédure suivie devant lui. Le Conseil constitutionnel rappelle constamment (Décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure) « qu’il appartient au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » : « 20. Considérant qu’il appartient au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; qu’il lui appartient notamment d’assurer la conciliation entre, d’une part, la sauvegarde de l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, toutes deux nécessaires à la protection de principes et de droits de valeur constitutionnelle et, d’autre part, le respect de la vie privée et des autres droits et libertés constitutionnellement protégés ; ». Le juge constitutionnel exerce ainsi un contrôle de proportionnalité s’inscrivant dans la même optique que celui exercé par le juge européen au regard du droit d’accès à un tribunal et à un recours effectif : il considère que si l’atteinte au droit de recours peut, certes, poursuivre un objectif d’intérêt général, elle doit toujours être proportionnée au but ainsi poursuivi (Décision n°2014-390 QPC du 11 avril 2014, M. Antoine H. [Destruction d’objets saisis sur décision du procureur de la République) : « 3. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; qu’il ressort de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ; 4. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer la prévention des atteintes à l’ordre public, la bonne administration de la justice et le bon usage des deniers publics qui constituent des exigences constitutionnelles ; que ces dispositions permettent au procureur de la République d’ordonner, au cours d’une enquête, la destruction des biens meubles saisis lorsque, d’une part, la conservation de ces biens n’est plus utile à la manifestation de la vérité, et que, d’autre part, il s’agit d’objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles ou dont la détention est illicite ; que cette décision n’est susceptible d’aucun recours ; 5. Considérant qu’en permettant la destruction de biens saisis, sur décision du procureur de la République, sans que leur propriétaire ou les tiers ayant des droits sur ces biens et les personnes mises
Docsity logo


Copyright © 2024 Ladybird Srl - Via Leonardo da Vinci 16, 10126, Torino, Italy - VAT 10816460017 - All rights reserved