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Séminaire Pensée Politique Italienne : Lire les Cahiers de prison d ..., Résumés de Histoire

processus d'écriture propres aux Cahiers de prison, nous analyserons au cours des deux séances suivantes (6 et 20 novembre) des textes touchant quelques-uns ...

Typologie: Résumés

2021/2022

Téléchargé le 08/06/2022

Clemence
Clemence 🇫🇷

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Télécharge Séminaire Pensée Politique Italienne : Lire les Cahiers de prison d ... et plus Résumés au format PDF de Histoire sur Docsity uniquement! Séminaire Pensée Politique Italienne : Lire les Cahiers de prison d’Antonio Gramsci (2) Responsable(s) scientifique(s) : Jean-Claude Zancarini - Romain Descendre - Séminaire animé par Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini Après deux séances introductives (9 et 23 octobre) qui seront consacrées, à partir des apports de la littérature critique récente [notamment des travaux philologiques et historiques italiens: Gianni Francioni et Giuseppe Vacca], au profil biographique et historique de Gramsci et aux processus d'écriture propres aux Cahiers de prison, nous analyserons au cours des deux séances suivantes (6 et 20 novembre) des textes touchant quelques-uns des principaux concepts gramsciens: concepts politiques – hégémonie, guerre de mouvement vs guerre de position, Etat et société civile etc. – et (si nous avons le temps de le faire!)concepts historiques – Réforme, Renaissance, jacobinisme, Risorgimento...) dans le but de mieux comprendre, selon une perspective diachronique, comment et à quelle fin ils ont été élaborés. Dans un troisième temps (séance des 4 et 18 décembre), nous nous arrêterons sur les notions linguistiques qui sous-tendent une large partie de sa pensée et le conduisent à placer les questions de traduction et de "traductibilité" au cœur même de sa réflexion. Nous travaillerons à partir de l'édition critique italienne (éd. Gerratana, Einaudi, 1975) et de sa traduction française (Robert Paris [dir.], Gallimard, 'Bibliothèque de philosophie', 1983) Séance 1 : Eléments historiques et biographiques 9 octobre 2012, à l’ENS de Lyon, Site Descartes, en salle R253 Notes prises par Camille, Amélie, Adeline, Martin, relues par R. Descendre et J.C. Zancarini. Eléments de biographie [Romain Descendre] : Togliatti [ Secrétaire général du PCI ; premier éditeur de Gramsci avec Felice Platone,] dit en 1958, lors du premier colloque international d’études gramsciennes : « Gramsci fu un teorico della politica, ma soprattutto fu un politico pratico, cioè un combattente […] Tutta l’opera scritta da G dovrebbe essere trattata partendo da [questa] considerazione, ma è compito che potrà essere assolto soltanto da chi sia tanto approfondito nella conoscenza dei momenti concreti della sua azione da riconoscere il modo come a quei momenti concreti aderisca ogni formulazione e affermazione generale di dottrina, e tanto imparziale da saper resistere alla tentazione di far prevalere false generalizzazioni dottrinarie al nesso evidente che unisce il pensiero ai fatti e movimenti reali » Gramsci fut un théoricien de la politique, mais surtout un praticien de la politique, c’est- à-dire un combattant. Toute l’oeuvre écrite de Gramsci doit être traitée en partant de cette considération... Bref, lien nécessaire à établir entre pensée et fait réel/mouvements du réel. Il y a toujours une chronologie précise dans son écriture, avant et après son incarcération. Gramsci naît en 1891 en Sardaigne. 4ème enfant d’une famille de 7 de la petite bourgeoisie provinciale ; père funzionario del registro (= fonctionnaire fiscal) ; s’occupe de tout ce qui est la collecte des impôts indirects. Vit dans des conditions pas faciles, enfance compliquée par deux choses : il a une maladie de croissance (il va être rapidement bossu, petit, il a du mal à avoir des activités physiques ordinaires) ; son père est accusé de malversation dans le cadre de son travail et emprisonné, mais on ne dit pas aux enfants qu’il n’est pas là pour ça. Enfants élevés par la mère, contexte économique difficile etc., obligé d’arrêter l’école, la reprend après (pression des instituteurs) Arrive jusqu’au lycée à Cagliari (1908-11), où il vit avec son frère Gennaro, secrétaire d’une section socialiste. Dès les années de Ginnasio (collège), il a des influences politiques fortes à la fois socialistes et régionalistes qu’il gardera lorsqu’il partira à Turin. Il y va grâce à une bourse donnée par une institution turinoise (1911) en même temps que Togliatti. Se spécialise en glottologia (linguistique historique et dialectologie) et veut faire sa thèse avec le linguiste Bartoli (université de Turin) sur des questions liées à l’histoire du sarde. Mais suit aussi des cours de philo, histoire, économie, droit, et littérature. De 1911 à 1915. Mais arrête à plusieurs reprises (raisons de santé et de situations financières catastrophiques) A partir de 1913 commence son activité auprès des groupes socialistes (ouvriers-étudiants ; caractéristique turinoise = liés au PS mais pas chapeautés directement) et devient journaliste et vit de sa plume : on compte plus ou moins 2000 articles selon Vacca, dont 80% ne sont pas signés. A partir de 1915, d’abord dans le journal socialiste (dirigé à l’époque par Mussolini) L’Avanti puis dans Il Grido del popolo. Se trouve à Turin tout au long des années de guerre. 1917 : Soutien à la révolution russe qu’il suit depuis le début. Il fait partie de ce qui est appelé de façon non officielle mais courante la fraction non-révolutionnaire du PSI. Publie au mois de décembre un texte célèbre : « la révolution contre le Capital » dans lequel la cible est le matérialisme mécaniste, le déterminisme jugé trop mécanique et typique de la deuxième Internationale (il écrit que« Le Capital de Marx était en Russie le livre des bourgeois plus qu’il n’était celui des prolétaires…. »). Il s’agit de réfuter tout ce que le "marxisme après Marx" comporte de « scories positivistes » (terme de Gramsci). Retour à l’esprit des textes de Marx. Ce texte fait montre d’un fort volontarisme et du refus du dogme. Années décisives : 1919-1920 (il biennio rosso), celle de la création de L’Ordine Nuovo (rassegna settimanale di cultura socialista). La question de la culture est posée dès le départ comme centrale (de celle dite aristocratique à celle populaire) [Un grand nombre d’articles de Gramsci sont purement culturels : critiques théâtrales et littéraires] ; mot d’ordre qui s’adresse au prolétariat de Turin : « Instruisez-vous parce que nous aurons besoin de toute votre intelligence. Agitez-vous parce que nous aurons besoin de tout votre enthousiasme. Organisez-vous parce que nous aurons besoin de toute votre force » En dépit d’un succès et d’un prestige important, cette revue est diffusée essentiellement à Turin. Gramsci théorise et diffuse l’idée des conseils d’usine comme centres de la vie prolétaire. Pas que Gramsci : Palmiro Togliatti, Angelo Tasca, et d’autres. Question de la création des conseils d’usine importante à un moment d’intense mobilisation sociale. Année "rouge", surtout à Turin. Création de conseils d’usine avec élection par les ouvriers de commissaires, idée développée par l’Ordine Nuovo. Donc avril 1919 : échec de la grande grève des métallurgistes turinois (> 200 000) qui ne réussit pas à avoir d’extension nationale, et n’est pas soutenue ni par le PSI ni par les Syndicats (syndicat socialiste et CGL) Expérience de démocratie prolétarienne forte. Concrétisé dans une de ces expériences militantes et révolutionnaires qui marquent les gens à jamais et qui va rester une référence fondamentale avec l’idée que le travail politique est d’abord travail culturel : rapport entre la classe intellectuelle et la classe ouvrière. + le fait que Il faut faire émerger le prolétariat comme classe dirigeante en s’appuyant sur la masse du prolétariat organisé dans les conseils d’usine L’objectif final : unifier les masses anti- capitalistes à partir de l’alliance avec les autres forces socialistes, et l’alliance avec les paysans. La question de l’Eglise est fondamentale (dans son rapport avec les masses paysannes). La masse paysanne potentiellement la plus révolutionnaire aux yeux de Gramsci est celle du sud. Gros travail intellectuel et idéologique nécessaire (question de l’Eglise fondamentale par rapport aux paysans : elle tient les consciences paysannes). La question du rôle des intellectuels dans la création d’un consensus paysan ou ouvrier en général est posée dans ces thèses. A son sens, les conditions ne sont pas réunies en Italie pour qu’il y ait une insurrection révolutionnaire immédiate. Il faut réussir à obtenir l’assentiment des larges masses paysannes car il n’y aura pas de dictature du prolétariat s’il n’y a pas au prélable une hégémonie politique avant même la prise du pouvoir. Ce sera une idée centrale des Cahiers. Il la développe dans un texte écrit en octobre 1926 : Quelques thèmes de la question méridionale (Alcuni temi della quistione meridionale). Il mène dans ce texte une analyse sur les structures sociales et les fonctions de la bourgeoisie intellectuelle dans le sud de l’Italie. Il écrit : "La société méridionale est un grand bloc agraire constitué de trois couches sociales : la grande masse paysanne amorphe et inorganisée, les intellectuels de la petite et de la moyenne bourgeoisie rurale, les grands propriétaires fonciers et les grands intellectuels. Les paysans méridionaux sont en effervescence perpétuelle, mais, en tant que masse, ils sont incapables de donner une expression organique à leurs aspirations et à leurs besoins. La couche moyenne des intellectuels reçoit de la base paysanne les impulsions nécessaires à son activité politique et idéologique. Les grands propriétaires sur le plan politique, et les grands intellectuels sur le plan idéologique, sont ceux qui centralisent et dominent en dernière analyse tout cet ensemble de manifestations. Naturellement, c’est sur le plan idéologique que cette centralisation se fait avec le plus d’efficacité et de précision. C’est pourquoi Giustino Fortunato et Benedetto Croce représentent les clefs de voûte du système méridional et, en un certain sens, sont les deux plus grandes figures de la réaction italienne." (Ecrits politiques, vol. III) Sur la question du fascisme : pour Gramsci et la direction du PCd’I c’est une question "subsidiaire". Dans les thèses de Lyon, G. énonce que la victoire du fascisme est une conséquence de la faiblesse intrinsèque des forces révolutionnaires ("La vittoria del fascismo nel 1922 deve essere considerata quindi non come una vittoria riportata sulla rivoluzione, ma come la conseguenza della sconfitta toccata alle forze rivoluzionarie per loro intrinseco difetto" : la victoire du fascisme en 1922 doit donc être considérée non comme une vctoire remportée sur la révolution mais comme la conséquence de la défaire subie par les forces révolutionnaires du fait d’un défaut intrinsèque" La tâche des communistes est donc de développer une ligne politique qui remèdie à ce défaut intrinsèque : la lutte politique interne (contre les diverses "déviations") est donc considérée comme fondamentale et prioritaire dans la mesure où elle détermine la façon de lutter contre le fascisme. Positions hétérodoxes de Gramsci sur les luttes pour le pouvoir en Russie : Lutte qui ne cesse pas entre Staline et les oppositions : Décembre 25,congrès du PC Russe impose le mot d’ordre du socialisme dans un seul pays. Puis avril 26 : Trotski revient d’Allemagne : opposition se forme entre Staline et Boukharine d’un coté, Trotski, Kamenev et Zinoviev de l’autre. Staline impose à l’internationale que tous les partis communistes se prononcent sur l’alternative Révolution permanente (Trotski) vs. Socialisme dans un seul pays (Staline). Gramsci voit ces combats depuis Rome, et considère que c’est suicidaire. Il envoie une lettre le14 octobre 1926 au Comité Central du PC russe, au nom du PCI, pour dire que ces combats, ces divisions, ces méthodes sont en train de tuer la révolution mondiale. "Camarades, vous avez été durant ces neuf années d’histoire mondiale l’élément organisateur et moteur des forces révolutionnaires de tous les pays : le rôle que vous avez joué n’a, dans toute l’histoire du genre humain, aucun précédent qui l’égale en ampleur ni en profondeur. Mais vous êtes aujourd’hui en train de détruire votre œuvre, vous dégradez et vous courez le risque d’annuler le rôle dirigeant que le Parti communiste de l’U.R.S.S. avait conquis sous l’impulsion de Lénine ; il nous semble que la violence de votre passion pour les problèmes russes vous fasse perdre de vue les aspects internationaux des questions russes elles-mêmes, vous fasse oublier que vos devoirs de militants russes ne peuvent et ne doivent être accomplis que dans le cadre des intérêts du prolétariat international. [...] Les dommages causés par une faute commise par le Parti uni sont facilement réparables, les dommages que causerait une scission ou un état prolongé de scission latente peuvent être irréparables et fatals." Gramsci accuse Staline d’avoir des positions de type nationaliste, ou en tous cas de se replier sur des positions russo-soviétiques, sans prendre en compte la question de la perspective des révolutions mondiales. "Vous êtes en train de détruire votre oeuvre...". Il s’agit, selon G., d’un reniement du léninisme (unité entre ouvriers et paysans) qui était la base sociale du lien entre la révolution russe et la révolution mondiale. Conflit très dur avec Togliatti : l’hétérodoxie de Gramsci avec les positions de l’Internationale sont claires. Arrestation, procès et prison 31 octobre 1926 : attentat raté de Bologne contre Mussolini -> mise en place de mesures exceptionnelles. Gramsci est arrêté le 8 nov. 1926. Il est envoyé en relégation. Il s’y retrouve avec Bordiga. Le tribunal spécial pour la défense de l’Etat est créé en 1927 par Mussolini, avec la volonté de faire le procès de ces communistes, un "grand procès" (le "processone") qui va démontrer la nouvelle puissance du régime. A partir de janvier 1927, G est transféré et incarcéré à Milan dans la prison de San Vittore. A partir de là les contacts avec l’extérieur se font grâce à sa belle-soeur, Tania. Elle est la seule à pouvoir aller le voir de façon régulière, et à entretenir une correspondance régulière avec lui. L’autre interlocuteur principal est un ami de Gramsci, Piero Sraffa, économiste à Cambridge et neveu du président de la cour de cassation. C’est lui, principalement, qui sert de "courroie de transmission" entre Gramsci et le parti en exil (Paris et Moscour), tout au long des années de prison. G est transféré à Rome pour le procès en mai 1928. Le procès commence le 28 mai. Mots du procureur à la fin du procès "Nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner pendant 20 ans". Dans un premier temps il était prévu qu’il soit condamné à la détention et pas à la réclusion criminelle. Mais, en avril 1928, la recrudescence des activités d’opposition au fascisme ont entrainé des sanctions plus forte de la part du régime, notamment contre les communistes. La lettre de Ruggero Grieco (février 1928, avant le procès). Grieco fait partie du comité central du parti communiste. Il envoie sa lettre en février 1928 depuis Bâle à Moscou pour qu’elle soit visée par le parti et par les membres du parti russe chargé des affaires étrangères et notamment des relations avec les partis d’Occident. Lettre adressée à Gramsci disant en gros que tout le parti le soutient et fait tout pour le libérer. Elle est qualifiée par Gramsci de "lettre étrange". C’est la seule lettre de ce type que Gramsci reçoit en prison. C’est le juge qui la lui donne en commentant "vos amis semblent avoir envie de vous voir rester longtemps en prison..." Gramsci est persuadé que cette lettre est un coup fourré mené pour le maintenir en prison. cf. Lettre à Giulia, 30 avril 1928 : Je ne veux pas écrire à l’étranger ; peut-être m’y autoriserait-on, mais je ne le veux pas, par principe. J’ai, par exemple, reçu récemment, une étrange lettre signée Ruggero, qui me demandait une réponse. Peut-être la vie en prison m’a-t- elle rendu plus méfiant que ne l’exigeait la sagesse normale ; mais le fait est que cette lettre, malgré son timbre et le cachet de la poste, m’a exaspéré [mi ha fatto inalberare]. Lettre à Tania, 5 déc. 1932 : Tu te souviens qu’en 1928, quand j’étais en prison à Milan, j’ai reçu une lettre d’un « ami » qui était à l’étranger. Tu te souviens que je t’ai parlé de cette lettre très « étrange » et je t’ai rapporté que le juge d’instruction, après me l’avoir remise, ajouta textuellement : « Monsieur le député, vous avez des amis qui désirent certainement que vous restiez longtemps en prison ! ». Toi-même tu m’as rapporté une autre opinion sur cette même lettre, opinion qui allait jusqu’à la qualifier de « criminelle ». Xe congrès de l’Internationale de juillet 1929 : abandon de la tactique du front unique et identification de tout ce qui n’est pas purement stalinien au social-fascisme. C’est le "tournant". La commission italienne est ensuite réunie où toute la politique suivie par le PCI depuis l’assassinat de Matteotti est condamnée ( = toute l’action de Gramsci). Le congrès de Lyon est renié en bloc. La nouvelle stratégie imposée est l’insurrection immédiate dans un contexte de nouvelles vagues révolutionnaires. Togliatti et Grieco plient. En 1930 Gramsci s’y oppose et propose comme mot d’ordre à ses camarades en prison la "Constituante" (reconstitution du front unique, avec l’idée qu’il va falloir envisager une période transitoire démocratique dans un régime démocratique parlementaire une fois que le régime sera tombé, avant de pouvoir prendre le pouvoir, et nécessité de créer une Constituante réunissant toutes les forces anti-fascistes). Les camarades communistes disent alors que Gramsci est de fait hors du parti. En novembre 1930, i.e. au moment même du conflit entre G et ses camarades communistes en prison : première apparition dans les Q du concept de "guerre de position" comme interprétation du processus révolutionnaire, qui s’oppose à l’idée de guerre de mouvement : il affirme l’impossibilité d’envisager la révolution comme insurrection généralisée et passage immédiat à la dictature du prolétariat. En avril 1931, le 4ème congrès du PCI défend officiellement le "tournant" et condamne toute perspective envisageant une phase intermédiaire entre le début de la révolution et la dictature Le prolétariat ne peut devenir une classe dirigeante que s’il parvient à surmonter cette contradiction : sacrifier ses intérêts immédiats aux intérêts généraux de la classe. Alcuni temi della quistione meridionale oct.-nov. 1926 "Les communistes turinois s’étaient posé concrètement la question de l’« hégémonie du prolétariat », celle de la base sociale de la dictature du prolétariat et de l’État ouvrier. Le prolétariat peut devenir la classe dirigeante et dominante dans la mesure où il parviendra à créer un système d’alliances de classes qui lui permettra de mobiliser contre le capitalisme et contre l’État bourgeois la majorité de la population laborieuse, ce qui, dans le cas de l’Italie, compte tenu des rapports réels qui existent entre les classes, revient à dire dans la mesure où elle réussira à obtenir l’assentiment des larges masses paysannes. Mais en Italie, la question paysanne est historiquement déterminée, ce n’est pas la « question paysanne et agraire en général » ; en Italie, la tradition italienne déterminée et le développement déterminé de l’histoire italienne ont fait que la question paysanne a pris deux aspects typiques et particuliers : la question méridionale et le problème du Vatican. Le premier problème à résoudre, pour les communistes turinois, consistait à modifier la ligne politique et l’idéologie générale du prolétariat lui-même […] Il va sans dire que, pour que cette ligne ait une efficience politique, il fallait qu’elle soit adoptée par le prolétariat. Aucune action de masse n’est possible si la masse elle-même n’est pas convaincue des objectifs à atteindre et des méthodes à appliquer ; le prolétariat, pour être capable de gouverner en tant que classe, doit se dépouiller de tout résidu corporatif, de tout préjugé et de toute scorie syndicaliste. [...] il faut qu’ils pensent en ouvriers, en membres d’une classe qui tend à prendre la direction des paysans et des intellectuels, d’une classe qui ne peut vaincre et ne peut construire le socialisme que si elle est aidée et suivie par la grande majorité de ces deux couches sociales. Si l’on n’obtient pas cela, le prolétariat ne deviendra pas la classe dirigeante et ces couches sociales qui, en Italie, représentent la majorité de la population, en restant sous la coupe de la bourgeoisie, donneront à l’État la possibilité de résister à l’élan prolétarien et de le briser." Il se pose concrètement la question de l’hégémonie du prolétariat. Le prolétariat peut devenir la classe dirigeante et dominante s’il parvient à établir une alliance de classes afin de mobiliser la majorité de la population laborieuse contre le capitalisme et l’Etat bourgeois. La question paysanne ne peut être considérée indépendant des conditions historiques réelles ; elle est "historiquement déterminée" et se dit sur deux plans : la question méridionale et la question vaticane, i.e. le rôle de l’Eglise dans l’orgaisation des paysans du Centre et du Nord (quistione meridionale e quistione vaticana). Mais une telle politique ne va pas de soi parce qu’elle doit combattre les données de départ , i.e. la ligne politique première du prolétariat + remettre en question l’alliance de tout le nord (prolétariat) contre tout le sud (masses paysannes). Et détruire l’idéologie véhiculée à propos du Sud : le sud serait le boulet qui retient l’Italie sur le chemin du progrès etc. Pour que cette nouvelle ligne ait une efficience politique, elle doit être adoptée par le prolétariat. Cela implique que le prolétariat se dépouille "de tout résidu corporatif, de tout préjugé, de toute scorie syndicaliste." Il faut vaincre certains égoïsmes qui peuvent subsister au sein de la classe ouvrière. Il faut dépasser le stade du syndicalisme corporatif pour atteindre le stade de la politique. Ce stade implique de comprendre que la classe ouvrière ne peut devenir dominante, que si elle est suivie par les deux autres couches (strati) sociales (paysans et intellectuels). Dans la suite du texte, G. s’attache à définir la société méridionale : un grand bloc agraire composé de trois couches sociales : la grande masse paysanne désorganisée ; problème : effervescence perpétuelle mais pas d’expression centralisée de leurs aspirations et leurs besoins les intellectuels de la petite et moyenne bourgeoisie rurale (petit et moyen propriétaire de terre qui n’est pas paysan mais qui, à partir du peu de terre qu’il a, veut tirer de quoi vivre et assurer l’ascension sociale de sa famille) les grands intellectuels. Gramsci définit ici leur rôle : ils sont sur le plan idéologique ceux qui "centralisent et dominent en dernière analyse tout cet ensemble de manifestations". Dans les autres pays où le capitalisme s’est développé la couche des intellectuels a été profondément modifiée. L’industrie fait se développer un nouveau type d’intellectuel : "le technicien de l’organisation, le spécialiste de la science appliquée". Or en Italie où prédomine encore l’agriculture, c’est l’ancien type d’intellectuel qui domine. L’intellectuel méridional vient en majorité (prevalentemente) d’une classe qui joue encore un rôle important dans le Mezzogiorno : le petit et moyen propriétaire de terre qui n’est pas paysan : petite bourgeoisie rurale. Cette partie-là des intellectuels du sud ont une aversion pour le paysan travailleur, considéré comme une machine de travail qui doit être épuisée jusqu’à l’os, et qui est facilement remplaçable. Autre sentiment qui vient de cette appartenance de classe : peur des violences destructrices, du brigandage, etc. Analyse du clergé : analyse contrastive entre le catholicisme et le clergé du nord d’une part et du sud d’autre part. "Dans le Nord, le prêtre est très souvent un fils d’artisan ou de paysan, il a des sentiments démocratiques, il est davantage lié à la masse des paysans, il est moralement plus correct que le prêtre du Midi, qui souvent vit, presque ouvertement, en ménage avec une femme ; c’est pourquoi il exerce une fonction spirituelle socialement plus complète". L’attitude du paysan vis-à-vis du clergé est résumée ainsi par le dicton populaire : « Le prêtre est prêtre devant l’autel, ailleurs il est homme comme tous les autres. » G. analyse la position du paysan méridional vis-à-vis de ces intellectuels : c’est là que réside cette faiblesse de l’organisation paysanne (à l’exception de la Sardaigne et de la Sicile) : absence d’organisation paysanne susceptible de promouvoir des cadres paysans d’origine paysanne. La guerre a semblé introduire un élément nouveau avec le groupe des anciens combattants (où faisaient bloc les paysans-soldats et les intellectuels-officiers) . Mais cela ne dure pas en raison de la prise du pouvoir par les fascistes. La seule région où le mouvement des anciens combattants a pris une structure plus précise, c’est la Sardaigne où la classe des propriétaires terriens est restreinte, et ne joue pas le rôle intellectuel qu’elle joue dans le Mezzogiorno continental. G. évoque également la situation de la Sicile qui a une tradition spécifique. Il existe un socialisme de masse sicilien qui s’est développé dans les années 1890. G. insiste sur l’idée qu’il faut récuser toutes les formes de l’égoïsme de classe, tous les restes du syndicalisme corporatiste. Les Cahiers : Q1,43 ; Q1, 44 ; Q19, 24 G. annonce son premier programme de travail en février 1929. Il commence à écrire les premières notes à partir de juin 1929. Entre-temps il a surtout beaucoup traduit. Il y a une 40aine de notes relativement courtes sur la totalité de cette année 1929. Q1,43 ; Q1, 44 : ces textes datent de janvier-février 1930. Le programme de travail commence à être mis en oeuvre dans le cahier 1 à partir des notes intitulées Revues types , dont fait partie la note 43.Recensement des revues existantes pour faire le point sur le rôle joué par les revues dans l’organisation de la culture en Italie, avec des réflexions sur ce qu’il resterait à faire. C’est dans le cadre de cette note que commence le travail historique de reprise des questions posées par l’essai Alcuni temi della quistione meridionale. L’impression à la lecture est qu’il n’a pas le texte sous ses yeux, mais qu’il l’a suffisamment à l’esprit pour le réécrire et l’approfondir. Il place au coeur de sa réflexion le rôle des intellectuels dans l’alliance du prolétariat avec les paysans : idée que la classe ouvrière doit diriger à la fois les paysans et les intellectuels, retour sur l’expérience fondatrice de l’Ordine Nuovo. Dans le texte sur la question méridionale, on était encore dans une réflexion contemporaine, menée dans une perspective stratégique de type révolutionnaire. Ici, on entre dans un travail beaucoup plus historiographique. G. développe une réflexion sur le rôle des intellectuels qui dépasse la seule perspective de la question révolutionnaire contemporaine. Il déplace cette question sur un terrain historique précis qui est celui du Risorgimento, et il développe en même temps une réflexion théorique générale au cours de laquelle il construit ses outils d’analyse théoriques. Ces outils d’analyse naissent à partir de textes qui traitent de questions politiques contemporaines (thèses de Lyon, essai sur la question méridionale, 1926). G. évoque le rôle des intellectuels dans le processus du Risorgimento, le rôle des modérés (moderati, c’est à dire l’unité italienne faite par Cavour avec Victor Emmanuel II - mais surtout Cavour - ainsi qu’une série de penseurs parmi lesquels notamment Vincenzo Gioberti ; positions libérales, fédéralistes ; on les appelait même les "neo guelfi" = alliance avec le Vatican nécessaire) et du parti d’action (partito d’azione, avec Mazzini qui militait pour une république unitaire et Garibaldi, l’homme d’action), qui sont les deux grands mouvements qui ont donné lieu au Risorgimento. G. commence à réfléchir sur le rapport de forces entre les modérés et les révolutionnaires du parti d’action, et il analyse de quelle façon les modérés ont réussi à imposer leur hégémonie dès le début, à savoir avant même l’arrivée au pouvoir au niveau national. Il analyse les raisons pour lesquelles le parti d’action n’a pas réussi à imposer son hégémonie, et a été au contraire dirigé par les modérés. Dans Q1,43, G. met aussi au point précisément ce que sont les intellectuels : il faut comprendre non seulement les groupes que l’on comprend habituellement sous cette dénomination mais en général l’ensemble des masses sociales qui exercent des fonctions de direction au sens large, ce qui correspond aux officiers subalternes dans l’armée, et une partie des officiers supérieurs (mais pas l’état-major, ceux qui sont directement au pouvoir). On a donc, en lien avec une analyse historique, un début de théorisation des concepts. Cela explique que la théorie d’hégémonie pour Gramsci va avoir une extension plus large que la seule hégémonie du prolétariat. On voit enfin ici apparaître la première formulation de "l’intellectuel organique" ("organique" = les intellectuels d’une même classe expriment immédiatement la position même du groupe social). [Per analizzare la funzione politico sociale degli intellettuali occorre ricercare ed esaminare il loro atteggiamento psicologico verso le classi fondamentali che essi mettono a Séance 4 : « Egemonia » 20 novembre 2012, 10h-13h, à l’ENS de Lyon, Site Descartes, en salle R253 Notes prises par Adeline, Amélie, Martin et relues par JC et Romain Avant de reprendre sur la notion d’hégémonie, une précision sur la signification d’intellectuel organique qu’on avait commencé à discuter lors de la dernière séance. Q1, 44 : l’intellectuel « au sens organique » est celui qui exprime immédiatement sa classe d’appartenance ; il y a alors « concentration organique », et ces intellectuels exercent dans ce cas une « puissante attraction » sur toute la masse des intellectuels, « de façon spontanée ». Nous reprendrons ces questions plus tard, à partir de l’analyse de la note Q4,49 (nov. 1930), Gli intellettuali, [>1932, Q12,1]. G. y développe une opposition entre intellectuels « organiques » et intellectuels « traditionnels » (opposition qui n’est pas exactement assimilable à l’opposition intellectuels critiques vs intellectuels non critiques, i.e. intellectuels conscients de leur appartenance de classe vs intellectuels s’illusionnant sur leur identité socialement et politiquement constituée). Plusieurs points sont à souligner dans le premier approfondissement de la notion d’hégémonie dans le Q1 (notes de 1930)  1. G. déploie cette notion dans une perspective comparatiste ; la question ville- campagne. G. part d’une analyse du Risorgimento (modérés vs parti d’action) au cours de laquelle il fait une comparaison avec le rôle des jacobins dans la révolution française avec la question : pourquoi le parti d’action n’a pas joué le rôle que les jacobins ont joué ? « On peut faire une comparaison entre les jacobins et le Partito d’Azione. Les jacobins luttèrent infatigablement pour assurer un lien entre ville et campagne et ils y réussirent victorieusement » (Q1, 44 >Q19, 24 ; cf. pp. 62 63 de l’édition française des cahiers 19 à 29) . Gramsci affirme que les jacobins ont réussi avec succès à allier la ville et la campagne. Il prend également un exemple littéraire avec Eugène Sue qui a transformé en litttérature la position jacobine : lien intime entre les intellectuels et le peuple. Un peu plus loin dans Q1, 44 (pp. 73-75), G. fait une analyse de la révolution française. Les jacobins ont su gagner les campagnes. Les paysans ont compris que leurs intérêts rejoignent ceux des bourgeois. Cela n’a pas pu marcher dans la situation italienne de 1848, notamment parce que le "spectre" communiste faisait déjà trop peur pour que l’idée jacobine puisse s’imposer. Autre volet de cette approche comparatiste : comparaison avec l’histoire italienne plus ancienne, depuis les Communes du Moyen-Age jusqu’à la Renaissance. La question du rapport ville-campagne apparaît là centrale, et Machiavel est présenté comme celui qui l’avait directement posée : « le maître d’art politique le plus classique des groupes dirigeants italiens, Machiavel, avait lui aussi posé le problème, dans les termes et avec les préoccupations de son temps, cela va de soi. Dans les écrits politico-militaires de Machiavel, la nécessité de subordonner de façon organique les masses populaires aux couches dirigeantes, pour créer une milice nationale capable d’éliminer les compagnies de mercenaires, est assez bien perçue ». Il fait souvent cette articulation entre la ville de Florence et la campagne qui entoure directement Florence qui est sous domination florentine : rapport fondamental pour Machiavel qui a permis la mise en place de la "milizia", l’armée de Florence composée de paysans sous juridiction florentine, destinée à remplacer les troupes de mercenaires étrangers à la solde de Florence. Cette forme d’émancipation de la notion d’hégémonie gramscienne par rapport à son substrat léninien d’hégémonie du prolétariat est permise par cette grille d’analyse comparatiste. Ce n’est pas seulement une notion stratégique.  2. La notion d’hégémonie est placée dès le début des Cahiers sur le terrain politique et culturel. Plusieurs hypothèses pour l’expliquer, à trouver dans les Cahiers, dans les textes antérieurs, dans son expérience :  o 2.1 : Il fait directement référence à l’expérience de l’Ordine Nuovo de 1919/1920. "Direzione consapevole" (= en conscience de cause, bien informée, avertie) ; ce type de travail est opposé à la spontanéité des masses, des situations révolutionnaires, qui ne sont pas pour autant à "mépriser", mais à prendre en compte (idée d’un "Socrate du prolétariat", pratique constante qui ne serait pas dirigée par le Parti). Q3, 48 (juin-juillet 1930), rubrique "Passé et présent", "spontanéité et direction consciente" : il se penche sur la question de la spontanéité dans l’histoire des classes subalternes, qui justifie toute l’importance donnée à la question de la direction lors du mouvement turinois. « Trascurare e peggio disprezzare i movimenti così detti « spontanei », cioè rinunziare a dar loro una direzione consapevole, ad elevarli ad un piano superiore inserendoli nella politica, può avere spesso conseguenze molto serie e gravi. Avviene quasi sempre che a un movimento « spontaneo » delle classi subalterne si accompagna un movimento reazionario della destra della classe dominante, per motivi concomitanti : una crisi economica, per esempio, determina malcontento nelle classi subalterne e movimenti spontanei di massa da una parte, e dall’altra determina complotti dei gruppi reazionari che approfittano dell’indebolimento obbiettivo del governo per tentare dei colpi di Stato. Tra le cause efficienti di questi colpi di Stato è da porre la rinunzia dei gruppi responsabili a dare una direzione consapevole ai moti spontanei e a farli diventare quindi un fattore politico positivo. ». "Négliger, et, ce qui est pire, mépriser les mouvements dits « spontanés », c’est-à-dire renoncer à leur donner une direction consciente, à les hausser sur un plan supérieur en les insérant dans la politique, peut avoir souvent des conséquences très sérieuses, très graves. Il arrive presque toujours qu’un mouvement « spontané » des classes subalternes soit accompagné d’un mouvement réactionnaire de la droite de la classe dominante, pour des motifs concomitants : une crise économique, par exemple, détermine d’une part un mécontentement des classes subalternes et des mouvements spontanés des masses, et de l’autre elle détermine des complots de la part de groupes réactionnaires qui profitent de l’affaiblissement objectif du gouvernement pour tenter des coups d’État. Parmi les causes efficientes de ces coups d’État il faut placer le refus des groupes responsables de donner une direction consciente aux mouvements spontanés et à faire par là qu’ils deviennent un facteur politique positif." Quand il parle de direction ici il fait directement référence à l’expérience de l’Ordine Nuovo. Mais malgré tout, il nous dit que cela n’a pas suffi, car le résultat de tout cela a été le fascisme ; Il évoque clairementla responsabilité du parti socialiste dans l’arrivée au pouvoir de Mussolini. : "le renoncement des groupes responsables à donner une direction consciente aux mouvements spontanés..."). Les Cahiers de prisonsont la poursuite de cette réflexion sur cet échec de la révolution qui a donné lieu au fascisme. Il faut donc s’interroger sur ce qu’il faut faire à présent dans le cadre d’une dictature fasciste. "Hégémonie" est ici synonyme de "direction" : c’est aussi un travail culturel et non purement politique.  o 2.2 L’expérience des modérés pendant le Risorgimento. C’est avant tout sur la base de cette réflexion historiographique que se construit la notion gramscienne d’hégémonie : sur la base d’une "révolution sans révolution", appelée dans un second temps "révolution passive" (emprunt du concept de Cuoco). C’est-à-dire une révolution bourgeoise mais non jacobine, un mouvement de transformation menée par la classe dominante. Q1-46 (>19-27), texte de février 1930 ("les modérés et les intellectuels"). C’est là qu’il commence à parler d’éducation et de pédagogie comme mode, pratique concrète de construction de l’hégémonie. Il identifie dans le Risorgimento la réussite d’une hégémonie essentiellement assurée par les intellectuels - les modérés. Peut nous amener à poser l’hypothèse suivante : est-ce que la place si importante de l’éducation, de la culture dans la théorie gramscienne de l’hégémonie, vient en grande partie de ce qu’il a développé cette réflexion sur la base d’une réflexion sur le Risorgimento ? Quel est le rôle du Risorgimento dans la place qu’il accorde à la culture dans la construction de l’hégémonie ? Importance comme instrument d’hégémonie des structures culturelles et pédagogiques. Ici hégémonie = le processus à mettre en oeuvre et non le résultat. G. définit ce principe comme une conception générale de la vie ou philosophie (pour lui Gioberti avait réussi d’une certaine manière, même si c’est discutable) ; et d’autre part comme programme pédagogique, avec tout ce qui sera développé sur le fonctionnement de l’université, la réforme Gentile, les programmes scolaires avant le fascisme puis sous le fascisme. [Q1-46 (>19-27) : "L’egemonia di un centro direttivo sugli intellettuali si afferma attraverso due linee principali : 1) una concezione generale della vita, una filosofia (Gioberti), che offra agli aderenti una « dignità » intellettuale che dia un principio di distinzione e un elemento di lotta contro le vecchie ideologie dominanti coercitivamente ; 2) Un programma scolastico, un principio educativo e pedagogico originale che interessi e dia un’attività propria, nel loro campo tecnico, a quella frazione degli intellettuali che è la più omogenea e la più numerosa (gli insegnanti, dal maestro elementare ai professori di Università)"]. Les modérés de ce point de vue sont sinon un modèle du moins une source d’inspiration. Bien des notes précisent que ce qui définit le Risorgimento, c’est de n’avoir pas su intégrer les revendications et besoins des masses populaires ; mais ce n’est pas la faute des modérés, ça n’était pas leur rôle, leur objectif ni de classe, qu’il faudra suivre pour le prolétariat. Dans une partie de Q4, 38 [> Q 13, 17] on trouve l’analyse de cette dynamique de la constitution en classe consciente de ses fonctions et devoirs de classe, capable de devenir hégémonique avant même de "s’unifier dans l’Etat" ; la dynamique de la constitution de classe découle de l’analyse des différentes phases des rapports de force. L’essentiel du phénomène hégémonique réside dans la superstructure. C’est comme ça que G. interprète la phrase de Marx selon lequel les hommes prennent conscience des conflits principaux (entre formes de production et structures sociales) dans le domaine de l’idéologie. La politique se déroule dans le domaine de la superstructure et c’est là que l’hégémonie peut prendre place. Premier moment : "Un rapporto di forze sociali strettamente legato alla struttura, obbiettivo, indipendente dalla volontà degli uomini/ un rapport de forces sociales étroitement lié à la structure, objectif indépendant de la volonté des hommes" Ce premier moment permet de savoir ce que sont les possibilités objectives de transformation, il permet de savoir si dans la société existent les conditions nécessaires et suffisantes pour sa transformation [permette di studiare se nella società esistono le condizioni necessarie e sufficienti per una sua trasformazione] Deuxième moment : moment du rapport des forces politiques. Il va alors distinguer trois différents moments (ou degrés ou phases) correspondant aux divers degrés de la conscience collective :  o Il primo e più elementare è quello economico corporativo : le premier et le plus élémentaire de ces mouvements est un moment "économique et corporatif" (ou "économico-corporatif") o Un secondo momento è quello in cui si raggiunge la coscienza della solidarietà di interessi fra tutti i membri del gruppo sociale, ma ancora nel campo meramente economico : le deuxième moment est celui où on atteint la conscience de la solidarité d’intérêt parmi tous les membres du groupe social, mais encore dans le domaine purement économique. La question de l’Etat se pose alors mais il s’agit uniquement d’atteindre une égalité politico-juridique avec les autres groupes : obtenir le droit de participer aux décisions politiques et administratives au sein du cadre existant. o Un terzo momento è quello in cui si raggiunge la coscienza che i propri interessi corporativi, nel loro sviluppo attuale e avvenire, superano la cerchia corporativa, di gruppo meramente economico, e possono e debbono divenire gli interessi di altri gruppi subordinati . Questa è la fase più schiettamente politica, che segna il netto passaggio dalla struttura alla sfera delle superstrutture complesse, che segna il netto passaggio dalla struttura alla sfera delle superstrutture complesse. Ce troisième moment est cellui où on atteint la conscience que ses propres intérêts corporatistes, dans leur développement actuel et à venir, dépassent le cercle corporatif, de groupe purement économique et qu’ils peuvent et doivent devenir les intérêts d’autres groupes subordonnés. C’est la phase la plus purement/proprement politique [è la fase più schiettamente politica ] qui marque le net passage de la sphère de la structure à celle des superstructures complexes. Jusque là on était encore dans du politico-économique (phases économico-corporatives). Dans cette phase, on n’a pas seulement la compréhension d’un intérêt de groupe pour le groupe social, mais aussi pour d’autres groupes subordonnés. Or si on atteint cette conscience de l’intérêt des autres groupes subordonnés, on atteint alors l’hégémonie avant même la prise de pouvoir d’Etat. On est là au coeur de l’idée déja évoquée de la nécessité des compromis avec les groupes subordonnés / alliés, de la nécessité de mettre fin à l’égoïsme de classe. L’idée d’obliger et de forcer (par la coercition) les groupes alliés à agir dans le sens de l’intérêt d’un seul groupe, est illusoire. Il est nécessaire qu’un réel enthousiasme existe. "Le recours aux armes et à la coercition est une pure hypothèse méthodique". On a besoin de la bonne volonté et de l’enthousiasme de l’ensemble des alliés. => Lutte contre l’égoïsme de classe, nécessité des compromis et refus de la coercition. cf. Q 9, 40 (> 13, 23) : cit. Q13, 23 : "Se l’unione di due forze è necessaria per vincere una terza, il ricorso alle armi e alla coercizione (dato che se ne abbia la disponibilità) è una pura ipotesi metodica e l’unica possibilità concreta è il compromesso, poiché la forza può essere impiegata contro i nemici, non contro una parte di se stessi che si vuole rapidamente assimilare e di cui occorre la « buona volontà » e l’entusiasmo." [Si l’union de deux forces est nécessaire pour en vaincre une troisième, le recours aux armes et à la coercition (pour autant qu’on en ait la possibilité) est une pure hypothèse de méthode et l’unique concrète est le compromis, dans la mesure où la force peut être employée contre les ennemis, non contre une partie de soi-même que l’on veut rapidement assimiler et dont la "bonne volonté" et l’enthousiasme sont nécessaires.] Il terzo momento è quello del rapporto delle forze militari [le troisième moment est celui des rapports des forces militaires] où l’on peut distiguer le militaire proprement dit et le politico-militaire. Quelques conclusions historiques : le lien « teoria dell’egemonia », « teoria dello Stato », « storia degli intellettuali » Sur les intellectuels, Q4, 49, novembre 1930, qui fait un lien explicite avec Q4, 38 : G. y pose les questions suivantes : Les intellectuels : sont-ils un groupe social autonome ? Ou alors chaque groupe social a-t-il sa propre catégorie d’intellectuels ? Le problème est complexe évidemment. Problème des intellectuels italiens dans l’histoire (notamment ecclésiastiques) : il n’étaient pas national-populaires mais cosmopolites, ils avaient une vision universelle l’empire d’un côté, la papauté de l’autre... Deuxième grande question : les limites de l’acception du terme d’intellectuel. Les intellectuels sont tous ceux qui jouent un rôle d’organisation et de lien (funzione « organizzativa » o connettiva") dans la société ; c’est donc une très large acception. Une fois établies ces distinctions, G. met en évidence que les intellectuels ont pour fonction d’organiser l’hégémonie : Q4, 49 : "Fatte queste distinzioni si può concludere per ora : il rapporto tra gli intellettuali e la produzione non è immediato, come avviene per i gruppi sociali fondamentali, ma è mediato ed è mediato da due tipi di organizzazione sociale : a) dalla società civile, cioè dall’insieme di organizzazioni private della società, b) dallo Stato. Gli intellettuali hanno una funzione nell’« egemonia » che il gruppo dominante esercita in tutta la società e nel « dominio » su di essa che si incarna nello Stato e questa funzione è precisamente « organizzativa » o connettiva : gli intellettuali hanno la funzione di organizzare l’egemonia sociale di un gruppo e il suo dominio statale, cioè il consenso dato dal prestigio della funzione nel mondo produttivo e l’apparato di coercizione per quei gruppi che non « consentono » né attivamente né passivamente o per quei momenti di crisi di comando e di direzione in cui il consenso spontaneo subisce una crisi. Da quest’analisi risulta un’estensione molto grande del concetto di intellettuali, ma solo così mi pare sia possibile giungere ad una approssimazione concreta della realtà" [Une fois faites ces distinctions on peut conclure pour le moment : le rapport entre les intellectuels et la production n’est pas immédiat, comme il en va pour les groupes sociaux fondamentaux, mais il est médié et il est médié par deux types d’organisation sociale : a) par la société civile, c’est-à-dire par l’ensemble des organisations privées de la société, b) par l’Etat. Les intellectuels ont une fonction dans l’hégémonie que le groupe dominant exerce dans toute la société et dans la "dominattion" sur cette dernière qui s’incarne dans l’Etat, et cette fonction est précisément "organisatrice" ou connective [=consiste à organiser et à relier] ; les intellectuels ont pour fonction d’organiser l’hégémonie sociale d’un groupe et sa domination étatique, c’est-à-dire le consentement donné par le prestige de la fonction dans le monde productif et l’appareil de coercition pour les groupes qui ne "consentent" ni activement ni passivement ou pour les moments de crise de commandement et de direction dans lesquels le consentement spontané subit une crise. De cette analyse découle une extension très large du concept d’intellectuels, mais ce n’est qu’ainsi, me semble-t-il, qu’il est possible d’atteindre une approximation concrète de la réalité"] Sur l’Etat et l’hégémonie [rappel : les citations sont tirées ici de 13, 17 et 18 mais elles sont formulées sans changement majeur en Q4, 38, i.e. en octobre 1930 et il est clair qu’elles s’opposent au "tournant à l’intérieur du PCUS] : Q13, 17. « Lo Stato è concepito sì come organismo proprio di un gruppo, destinato a creare le condizioni favorevoli alla massima espansione del gruppo stesso, ma questo sviluppo e questa espansione sono concepiti e presentati come la forza motrice di un’espansione universale, di uno sviluppo di tutte le energie « nazionali », cioè il gruppo dominante viene coordinato concretamente con gli interessi generali dei gruppi subordinati e la vita statale viene concepita come un continuo formarsi e superarsi di equilibri instabili (nell’ambito della legge) tra gli interessi del gruppo fondamentale e quelli dei gruppi subordinati, equilibri nei quali gli interessi del gruppo dominante prevalgono ma fino a un certo punto, non cioè fino al gretto interesse economico-corporativo » L’ Q13, 18 : Il fatto dell’egemonia presuppone indubbiamente che sia tenuto conto degli interessi e delle tendenze dei gruppi sui quali l’egemonia verrà esercitata, che si formi un certo equilibrio di compromesso, che cioè il gruppo dirigente faccia dei sacrifizi di ordine economico corporativo, ma è anche indubbio che tali sacrifizi e tale compromesso non possono riguardare l’essenziale, poiché se l’egemonia è etico politica, non può non essere anche economica, non può non avere il suo fondamento nella funzione decisiva che il gruppo dirigente esercita nel nucleo decisivo dell’attività economica. morale, la justice, la bienfaisance, l’assistance, etc. La catégorie des ecclésiastiques peut être considérée comme la catégorie intellectuelle organiquement liée à l’aristocratie foncière ». Les intellectuels sont donc organiques à une classe (au sens où ils sont créés par "chaque groupe social, naissant sur le terrain originel d’une fonction essentielle", où ils sont "organiquement liés à une classe"), et, en même temps, ils représentent une continuité historique. A ce titre, ils tendent à se penser et à se définir comme un groupe à part, comme un groupe autonome. La continuité historique crée chez ces intellectuels l’idée d’une autonomie propre que G. appelle "utopie sociale". Les intellectuels ressentent cette autonomie par rapport au groupe social dominant, en vertu d’un "esprit de corps", qui génère cette "utopie sociale". Il s’agit là d’une sorte d’illusion utopique des intellectuels, alors que dans la réalité ils sont aussi des intellectuels organiques liés à une classe. L’exemple de la haute hiérarchie catholique et de Benedetto Croce (développé en Q12, 1) est particulièrement clair : "Il faut noter cependant que si le Pape et la haute hiérarchie de l’Église se croient davantage liés au Christ et aux apôtres qu’ils ne le sont aux sénateurs Agnelli et Benni, il n’en est pas de même pour Gentile et pour Croce, par exemple ; Croce, particulière- ment, se sent fortement lié à Aristote et à Platon, mais il ne cache pas, bien au contraire, qu’il est lié aux sénateurs Agnelli et Benni, et c’est précisément là qu’il faut chercher le caractère le plus remarquable [rilevato] de la philosophie de Croce." Croce est donc un intellectuel traditionnel qui sait en fait parfaitement qu’il est aussi un intellectuel organique (lié aux grands industriels Agnelli=FIAT et Benni=Montecatini). Autre point : G. met en évidence une "erreur de méthode" à partir de la question "quelles sont les limites "maxima" pour l’acception du terme d’intellectuel ? "L’erreur de méthode la plus répandue me parait être d’avoir recherché ce critère de distinction dans ce qui est intrinsèque aux activités intellectuelles et non pas dans l’ensemble du système de rapport dans lequel ces activités (et par conséquent les groupes qui les personnifient) viennent se trouver au sein du complexe général des rapports sociaux". L’erreur de méthode réside donc dans le fait de s’attacher à la qualité de l’activité d’intellectuel, et non pas à sa fonction au sein des rapports sociaux. Tous les hommes sont des intellectuels mais seuls certains exercent cette fonction. C’est donc sur la fonction qu’il faut s’interroger. Pour donner une définition de cette fonction, G. nous dit qu’il faut établir une "échelle des fonctions et des superstructures de bas en haut". Il existe alors deux grands "étages" dans les superstructures : l’étage de la société civile qui correspond à la fonction d’hégémonie l’étage de la société politique ou de l’Etat qui correspond à la fonction de domination directe qui s’exprime dans l’Etat ou dans le gouvernement juridique. Les intellectuels jouent des fonctions d’organisation et de connexion (mise en lien entre un groupe et un autre...). Les intellectuels sont les "commis" du groupe dominant pour l’exercice des fonctions subalternes de l’hégémonie sociale et du gouvernement politique. Ils servent à fabriquer du consensus, de l’accord actif ou passif. Cet accord naît historiquement du prestige qu’a le groupe dominant. ils sont liés à l’appareil de coercition de l’Etat. Il s’agit ici des intellectuels directement liés à l’appareil d’Etat. Quand l’hégémonie est en crise, il faut assurer la discipline des groupes qui refusent cet accord. Il faut interroger le rapport entre les intellectuels organiques d’un nouveau groupe social et les intellectuels traditionnels qui préexistent. Cela est lié à la fonction d’un parti. NB : G. ne pense pas seulement à la fonction dans le parti communiste, même si c’est évidemment fondamental à ses yeux. "Une des caractéristiques les plus pertinentes de tout groupe qui se développe vers la domination est sa lutte pour l’assimilation et la conquête "idéologique" des intellectuels traditionnels, une assimilation et conquête qui est d’autant plus rapide et efficace que le groupe donné élabore simultanément ses propres intellectuels organiques." Une classe a besoin, pour "s’unifier dans l’Etat", donc pour devenir hégémonique, de générer l’accord spontané, non seulement de ses propres intellectuels organiques, mais aussi d’assimiler les intellectuels traditionnels. G. développe ici le rôle spécifique que peut jouer le parti pour tous ces groupes émergents (bourgeoisie, bloc agraire pendant le Risorgimento, hégémonisés par le royaume du Piémont, etc.). "Le parti politique, pour tous les groupes, est précisément le mécanisme qui dans la société civile accomplit la même fonction que l’Etat accomplit dans une mesure plus large et plus synthétique, dans la société politique, c’est-à-dire qu’il crée la soudure entre intellectuels organiques d’un groupe donné, celui qui est dominant, et intellectuels traditionnels, et cette fonction que remplit le parti dépend précisément de sa fonction fondamentale, qui consiste à élaborer ses propres membres, éléments d’un groupe social qui est né et s’est développé comme "économique", jusqu’à les faire devenir des intellectuels politiques qualifiés, dirigeants, organisateurs de toutes les activités et fonctions inhérentes au développement organique d’une société intégrale, civile et politique [...]" L’Etat a pour fonction, dans la société politique, de souder les intellectuels dominants et les intellectuels traditionnels. Le parti, lui, le fait dans la mesure où il se donne pour tâche d’élever les membres de son groupe du simple terrain économique au terrain politique et civil. L’objectif est de les faire devenir des intellectuels politiques qualifiés, qui ont pour fonction d’obtenir le développement organique d’une société intégrale. Dans ce passage, Gramsci a en tête l’expérience historique des conseils d’usine de Turin et l’expérience théorique de l’Ordine Nuovo. [cf. un peu plus loin, Q12§3 : "Le problème de la création d’une nouvelle couche d’intellectuels consiste donc à développer de façon critique l’activité intellectuelle qui existe chez chacun à un certain degré de développement […] C’est sur cette base qu’a travaillé L’Ordine nuovo hebdomadaire pour développer certaines formes de nouvel intellectualisme et pour déterminer ses nouveaux concepts, et ce n’a pas été une des moindres raisons de son succès, parce qu’une telle façon de poser le problème correspondait à des aspirations latentes et était conforme au développement des formes réelles de la vie"]. Il ne s’agit pas d’un processus unilatéral, de l’apport de la vérité d’un groupe à l’autre. On a bien ici l’idée d’un processus de synthèse et de réciprocité entre intellectuels et ouvriers. Les concepts centraux de la théorie de l’hégémonie sont ici présents. Etat / société politique, société civile / partis, intellectuels. L’hégémonie comme perspective stratégique se déploie dans la société civile et se développe dans une perspective idéologique : conquête et assimilation des intellectuels traditionnels. L’idée d’assimilation implique celle de réciprocité des apports des uns aux autres. La question est toujours : comment une classe subalterne peut-elle devenir une classe hégémonique et dominante ? Il formule cette question de façon générique ("tout groupe"). Les deux points d’appui de sa réflexion sont la bourgeoisie française pendant la Révolution, et le processus de Risorgimento. Le terrain de la structure, de l’économie n’est jamais considéré comme étant le seul terrain à investir. Il lutte en permanence contre les analyses économicistes de la vulgate marxiste de son époque. Il faut passer à un terrain qui est celui du politique et du culturel. Il part toujours d’une analyse historique et historiographique, dans une visée d’une philosophie de la praxis. Assimilation entre politique et Histoire. Perspective stratégique toujours en question : que faut-il faire, vers où faut-il aller pour que cette classe l’emporte ? "Guerre de mouvement, guerre de position" Q 13-24 (fin 1932-33) ; il découle du Q7, 10 (Écrit en novembre 1930 ; le Q7 prend la suite directe du Q4 dans le processus d’écriture) La question abordée, c’est la confrontation entre les concepts de guerre de mouvement et guerre de position dans les domaines militaire et politique : il s’agit d’étudier les "rapprochements qu’on fait entre concepts de guerre de mouvement et guerre de position dans l’art militaire et les concepts correspondants dans l’art politique". Il part d’une critique du livre de Rosa Luxembourg, Grève générale, parti et syndicats de 1906. G. met en garde contre les lectures économistes et spontanéistes de l’Histoire (selon lesquelles une crise économique grave peut suffire à provoquer un bouleversment et un changement de domination spontanée.) G. critique les thèses de Luxembourg (spontanéité des masses) et de Trotski (révolution permanente), et invite à faire des distinctions fondamentales entre la situation politique en Orient et en Occident. La guerre de mouvement l’a emporté en Orient pour des raisons historiques liées au rapport entre Etat, société politique d’un côté et société civile de l’autre : en Orient, "les cadres de la vie nationale étaient embryonnaires" (Q7,16), alors que dans "les États les plus avancés, où la « société civile » est devenue une structure très complexe et résistante aux « irruptions » catastrophiques de l’élément économique immédiat (crises, dépressions, etc.) : les superstructures de la société civile sont comme le système des tranchées dans la guerre moderne" (Q7, 10). Il met en parallèle la pensée de la guerre et la pensée de la politique. Il va se focaliser sur la première guerre mondiale (force de la société civile dans les pays d’Europe, d’occident). Le livre de Luxembourg, nous dit Gramsci, est victime d’un certain préjugé "économiciste" et spontanéiste. Elle a négligé dans l’analyse des évènements de 1905 les éléments "volontaires" Occident, entre Etat et société civile il y avait un juste rapport. L’Etat n’était qu’une tranchée avancée, derrière laquelle se trouvait une robuste chaîne de forteresses et de casemates ; plus ou moins d’un Etat à l’autre, s’entend, mais c’est justement ce qui demandait une attentive reconnaissance de caractère national. Conclusion : Etat, société politique, société civile Q 6-88 [printemps-été 1931] On s’approche d’une conceptualisation de la société civile et de la société politique. Dans la notion générale d’Etat entrent des éléments qu’il faut ramener à la notion de société civile (Etat = société politique + société civile, c’est-à-dire hégémonie cuirassée de coercition). L’Etat élargi, intégral, est celui qui comporte les deux. Dans cette note, G. pense à ce que pourrait être ou devrait être l’Etat de la transition vers le communisme. Il y a ici une référence à la notion marxiste et léniniste de dépérissement de l’Etat. On peut imaginer l’élément Etat-coercition comme s’épuisant au fur et à mesure, à mesure que la part dévolue à la société civile croît : " [...] il faut noter que dans la notion générale d’État entrent des éléments qu’il faut ramener à la notion de Société civile (au sens, pourrait on dire, où État = société politique + société civile, c’est-à-dire hégémonie cuirassée de coercition). Pour une doctrine de l’État qui entend concevoir ce dernier comme susceptible tendanciellement de dépérir et de se résoudre dans la société « réglée », c’est une question fondamentale, On peut imaginer l’élément État- coercition comme s’épuisant au fur et à mesure que s’affirment les éléments toujours plus importants de société « réglée » (soit État éthique, soit société civile)." Séance 6 : "Langages et traductibilité" 18 décembre 2012, à l’ENS de Lyon, Site Descartes, en salle R253 Notes prises par Adeline et Michelle, relues par Jean-Claude et Romain. Questions de langue, langage, traduction, traductibilité très présentes dans les Cahiers de prison. Mais pendant longtemps elles n’ont pas fait l’objet d’étude spécifique. Le premier à avoir mis au jour toute l’importance de la formation linguistique de Gramsci : Franco Lo Piparo (univ. de Palerme), Lingua intellettuali egemonia in Gramsci, Laterza, 1979. Première analyse et thèse centrale de l’ouvrage : le concept d’hégémonie appartient effectivement à la tradition marxiste, mais la spécificité gramscienne de la notion d’hégémonie vient de sa formation linguistique. A. Langue-langages 1- linguistique historique et pensée politique (notions : interférence, prestige, hégémonie linguistiques) Cf. débat fondateur pour la linguistique italienne dans le dernier tiers du XIXe siècle, au moment de l’Unité : Alessandro Manzoni (l’auteur de I promessi sposi (Les fiancés)) envisage réforme de la langue italienne pour aboutir à un italien unifié pour tous - en finir avec les dialectes, obtenir une langue unifiée y compris dans les couches populaires (projet d’un langue "national-populaire" selon formule ultérieure de Gramsci). En 1868, le texte de Manzoni, Dell’unità della lingua e dei mezzi per diffonderla, est envoyé au ministre de l’éducation et publié. Opposition de Graziadio Isaia Ascoli le plus grand linguiste italien de l’époque. Position de Manzoni : la langue officielle doit être le florentin, qu’il faut substituer au dialecte en vigueur, grâce à un nouveau dictionnaire, ou plutôt lexique ("vocabolario") qu’on cherche à imposer partout grâce à l’école. Volontarisme linguistique centralisé autour d’une langue vivante ("belle et bien formée"). Ascoli (1829-1907) - d’une famille juive polyglotte de la zone frontière du Frioul italo- slovène où l’on parle plusieurs dialectes + italien, allemand ; Ascoli parle aussi l’hébreu - considéré comme le père fondateur de la linguistique italienne : professeur à l’université de Milan de 1861 à 1902, un des premiers en Europe à faire une étude comparée des dialectes in L’Italia dialettale (1880) Ses travaux sont importants pour comprendre les problématiques d’interférences linguistiques (problèmes posés par l’entrée en contact de plusieurs langues). Il théorise l’interférence et considère qu’elle est la première cause de l’évolution des langues. La vie des langues vient de la mise en contact de plusieurs phénomènes, aux origines diverses, socio-historiques et non linguistiques. Il théorise aussi l’action qu’ont des modes linguistiques des différentes couches sociales. Les travaux d’Ascoli ont une grande importance pour la théorisation et la compréhension des phénomènes d’interférence linguistique, c’est-à-dire d’action d’un système linguistique sur un autre, les effets produits par l’entrée en contact de plusieurs langues. L’interférence est pour lui la première cause d’évolution des langues. Dans les phénomènes d’interférence linguistique, pour des raisons extra-linguistiques, une langue indigène peut subir l’influence de langues allogènes dont le prestige est éventuellement supérieur.Le prestige est en quelque sorte le capital (symbolique, politique, culturel) dont la langue est porteuse. Ascoli théorise la notion de substrat : langue dominée par une langue nouvelle : exemple : langues souches celtiques influencées par le latin dans certaines langues latines. Au début des années 1870, Ascoli répond à Manzoni dans son "Proemio" au premier numéro de l’Archivio glottologico italiano : texte fondateur de la première revue italienne de science du langage, fondée en 1873. Il y critique radicalement les théories de Manzoni : l’idée d’imposer une langue à la totalité de l’Italie ne peut pas fonctionner car les mécanismes linguistiques ne fonctionnent pas ainsi. L’Italie à peine unifiée ne permet pas d’intégrer, d’accepter une langue locale dans l’ensemble de la péninsule ; il faut créer les conditions faborables grâce à l’école, l’éducation, lutte contre l’analphabétisme, les medias de masse. La base linguistique commune à toute l’Italie est en revanche la langue littéraire, la langue classique qui peut devenir celle du peuple grâce au développement de l’éducation. Deuxième débat important dont Ascoli est une figure centrale : le débat entre néolinguistes et néogrammairiens. La pensée linguistique des néogrammairiens a des origines allemandes. Il s’agit de la tradition qui a donné lieu aux reconstitutions de l’indo-européen / proto indo- européen. Ces recherches ne se fondent pas, alors, sur les descriptions et reconstitutions de l’histoire des langues vivantes, mais reconstituent ce qui serait la couche initiale, théorique des langues. Elles se fondent sur la théorisation des lois phonétiques qui seraient propres aux différents peuples, et qui trouveraient leur explication dans l’appareil phonatoire. Aux yeux d’Ascoli puis des représentants de la "néolinguistique", cela donne lieu à des théorisations linguistiques détachées de toute forme de contexte historique, social... Ces théories néo-grammairiennes rencontrent tout particulièrement l’opposition des spécialistes des langues romanes : d’abord Ascoli, mais aussi Jules Gillièron en France, ainsi qu’ Antoine Meillet (collègue de Saussure et prof. de Benveniste), et Matteo Bartoli qui est le prof. de Gramsci (cf lettre du 19/03/1927 à Tania : sur la douleur de Bartoli persuadé que G. serait "l’archange qui terrasserait les néo-grammairiens", et regret de Gramsci de l’avoir décu : « L’un des plus grands remords intellectuels de ma vie est la profonde douleur que j’ai provoquée chez mon bon professeur Bartoli de l’Université de Turin qui était persuadé que j’étais l’archange destiné à terrasser définitivement les néo-grammairiens ».) G. était supposé faire sa thèse avec Bartoli. Avant cela, il était déjà considéré comme un très bon linguiste. ( voir Q3, 74, p. 352, août 1930 :« L’innovazione del Bartoli è appunto questa, che della linguistica, concepita grettamente come scienza naturale, ha fatto una scienza storica, le cui radici sono da cercare « nello spazio e nel tempo » e non nell’apparato vocale fisiologicamente inteso ».) thèse de Gramsci prévue sur l’interférence du sarde ...Fin 1919- 1920 les conseils de Turin mettent un point final à la thèse de Gramsci. Bartoli s’est intéressé également aux phénomènes spatiaux (histoire et espace). Il est l’auteur du premier atlas des dialectes italiens. Cahier 6, 71, 738, début 1931 Idée : les langues sont des produits sociaux, l’expression culturelle d’un peuple donné. Langue = histoire. (et pas langue = art, comme l’affirme Croce) Histoire des langues, histoire des innovations linguistiques, provenant de communautés sociales, nella lingua non c’è partenogenesi, cioè la lingua che produce altra lingua, ma c’è innovazione per interferenze di culture diverse "dans la langue il n’y a pas de parténogenèse, c’est-à-dire une langue qui produit une autre langue" ; il y a innovation par interférences de cultures diverses" (c’est la thèse d’ Ascoli). [L’innovazione] avviene per intere masse di elementi linguistici, e avviene molecolarmente : Cette innovation peut advenir "par masse d’éléments linguistiques" ou de façon "moléculaire" (par exemple le latin a modifié "en masse" le celtique des Gaules). Une classe nouvelle qui devient dirigeante innove "en masse" (alors que l’argot des métiers innove de façon moléculaire) La thèse de Lo Piparo : les luttes d’hégémonie sont pensées sur la base d’outils liés à l’interférence linguistique. Le rapport entre direction, hégémonie / domination, dictature est du même ordre que l’opposition entre Ascoli et Manzoni. La question de la domination, i.e de l’action politique étatique centralisée, imposée, ne passant pas par la mise en place d’un consensus est vouée à l’échec. Note 76 du Cahier 3, août 1930 "la question de la langue et les classes intellectuelles italiennes" sur les langues vulgaires, qui deviennent écrites dans des moments historiques où le peuple a une importance spécifique. Question du lien dialectes/langue nationale : Idée : si l’on veut réussir une hégémonie, il faut que les classes populaires les plus "arriérées" sémantique : le nouveau apparaît sur de l’ancien, de la même manière qu’une nouvelle classe d’intellectuels apparaît mais doit composer avec une tradition intellectuelle ancienne. La langue est métaphorique par essence dans la mesure où l’histoire de la langue est avant tout une histoire des modifications sémantiques de mots qui restent formellement identiques (pas seulement une histoire des formes, mais aussi une histoire des contenus). Q9, 15, 1105 (mai 1932) "La langue se modifie dans sa partie sensible bien moins que le contenu culturel". => des mots qui vont rester les mêmes vont changer de sens. Cette modification du sens est bien plus rapide dans l’histoire que la modification de la forme. C’est ce qui fait dans les processus de transformation sociale rapide, quand doit apparaître une nouvelle conception du monde qui devient dominante, cette conception doit nécessairement jouer avec des mots sémantiquement chargés dont le sens se modifie. Cela a entrainé une discussion sur la base de Boukharine concernant la signification de termes issus de la philosophie ancienne comme matérialisme et immanence. Idée : la langue garde des traces de conceptions du monde anciennes. Il faut en avoir conscience dans le travail critique et dans le travail pédagogique. Q11-28 (été 1932), mais < Q4, 17, 438 (été 1930) : Réflexions critiques concernant la diffusion populaire du matérialisme historique. Il faut expliciter les concepts, ne pas donner des théories toutes faites (contre le dogmatisme dans la relation pédagogique). "Généralement, quand une nouvelle conception du monde succède à une autre conception, le langage précédent continue à être employé, mais justement métaphoriquement. C’est tout le langage qui est un continuel processus de métaphores, et l’histoire de la sémantique est un aspect de l’histoire de la culture : le langage est à la fois une chose vivante et un musée qui expose les fossiles de la vie et des civilisations. Quand j’emploie le mot désastre, personne ne peut m’accuser de croyances astrologiques, et quand je dis « per Bacco » personne ne peut croire que je sois un adorateur des divinités païennes, et pourtant ces expressions sont une preuve que la civilisation moderne est aussi un développement du paganisme et de l’astrologie. Le terme « immanence » a, dans la philosophie de la praxis, une signification précise qui se cache sous la métaphore, et c’est cette signification qu’il fallait définir et préciser ; en réalité, cette définition aurait été vraiment « théorie ». La philosophie de la praxis continue la philosophie de l’immanence, mais elle l’épure de tout son apparat métaphysique sur le terrain concret de l’histoire. L’emploi du mot est seulement métaphorique en ce sens que l’ancienne immanence est dépassée, qu’elle a été dépassée, tout en restant supposée comme un anneau dans le processus de la pensée qui a abouti au nouveau concept." La langue doit être pensée comme processus de métaphorisation et l’histoire intègre la permanence de l’ancien dans le nouveau, d’où nécessité d’avoir une conscience critique des concepts du marxisme. C’est précisément ce qui manque au Manuel de Boukharine. Q11, 24, (été 1932) [>Q7, 36, courant 1931] : " § Le langage et les métaphores. En certains point de l’Essai [i.e. le Manuel de Boukharine], est affirmé, comme cela, sans autre explication, que le premiers écrivains de la philosophie de la praxis emploient les termes d’"immanence" et d’"immanent" en un sens uniquement métaphorique ; il semble que cette simple affirmation se suffise à elle-même. Mais la question des rapports entre le langage et les métaphores n’est pas simple, bien au contraire. D’abord, le langage est toujours métaphorique. […] C’est parce qu’on ne tient pas compte de ce fait, et en somme parce qu’on n’a pas un concept critique et historiciste du phénomène linguistique, qu’on commet bon nombre d’erreurs aussi bien dans le domaine de la science que de la pratique […] Le langage se transforme en même temps que se transforme toute la civilisation, par le fait que de nouvelles classes naissent à la culture, par l’hégémonie qu’exerce une langue nationale sur d’autres, etc., et il prend précisément à son compte, avec des significations métaphoriques, les mots des civilisations et des cultures précédentes. […] La nouvelle signification « métaphorique » s’étend en même temps que s’étend la nouvelle culture, qui crée d’ailleurs également des mots flambant neufs ou les emprunte à d’autres langues, en les reprenant à son compte avec une signification précise, c’est-à-dire sans le halo extensif qu’ils avaient dans leur langue d’origine. Ainsi, il est probable que le terme d’ « immanence » ne soit pour beaucoup connu, compris et employé que dans sa seule signification « métaphorique » que lui a donnée la philosophie de la praxis." [c’est cette même conception de la langue qui conduit G à sa critique de l’esperanto "utopie des langues fixes et universelles"] => "Le langage est toujours métaphorique". Une certaine idée de l’histoire est véhiculée par cette prise en compte de l’histoire linguistique. Cette question réapparait justement au moment où il reformule le rapport entre intellectuels et intellectuels organiques. Q11,16 (été 1932, mais en fait >Q8, 171, nov 1931) "§ Questions de nomenclature et de contenu. Une des caractéristiques des intellectuels comme "catégorie sociale cristallisée" (c’est-à-dire qui se conçoit elle-même comme continuation ininterrompue dans l’histoire, et par conséquent indépendante de la lutte des groupes et non comme expression d’un processus dialectique selon lequel tout groupe social dominant élabore sa propre caté¬gorie d’intellectuels) [= ceux que G appellent aussi les "intellectuels traditionnels"] est d’établir, dans le domaine idéologique, une jonction avec une catégorie intellectuelle précédente, à travers une même nomenclature de concepts. Tout nouvel organisme historique (type de société) crée une nouvelle superstructure, dont les représentants spécialisés et les porte-drapeaux (les intellectuels) ne peuvent pas ne pas être conçus comme étant, eux aussi, de « nouveaux » intellectuels, nés de la nouvelle situation, et non pas la continuation du précédent groupe intellectuel. Si les « nouveaux » intellectuels se posent comme continuation directe de la précédente « intelligentsia », ils ne sont en aucune façon « nouveaux », ils ne sont pas liés au nouveau groupe social qui représente organiquement la nouvelle situation historique, mais ils sont un résidu conservateur et fossilisé du groupe social historiquement dépassé […] Il faut toutefois tenir compte d’un fait, à savoir qu’aucune situation historique nouvelle, en admettant même qu’elle soit due au changement le plus radical, ne transforme complètement le langage, tout au moins dans son aspect extérieur, formel. Mais c’est le contenu du langage qui devrait avoir changé, même s’il est difficile d’avoir, dans l’immédiat, une exacte conscience d’un tel changement. Le phénomène est d’ailleurs complexe et compliqué par l’existence de diverses cultures typiques dans les différentes couches du nouveau groupe social, dont certaines sont encore, sur le plan idéologique, plongées dans la culture de situations historiques, antérieures parfois même à celle qui a été le plus récemment dépassée. Une classe, dont certaines couches en sont encore à la conception du monde de Ptolémée, peut toutefois être la représentante d’une situation très avancée ; arriérées idéologiquement (ou tout au moins pour certaines sections de la conception du monde, qui se trouve encore chez elles à l’état fragmentaire et naïf), ces couches sont pourtant très avancées du point de vue pratique, c’est-à-dire du point de vue de la fonction économique et politique. Si la tâche des intellectuels est de déterminer et d’organiser la réforme morale et intellectuelle, c’est-à-dire de faire coïncider la culture et la fonction pratique, il est évident que les intellectuels « cristallisés » sont des conservateurs et des réactionnaires. Car, alors que le groupe social nouveau sent au moins qu’il est coupé du précédent, qu’il en est distinct, eux, ne sentent même pas cette distinction, et pensent pouvoir se rattacher au passé. Par ailleurs, il n’est pas dit que tout l’héritage du passé doive être rejetée : il y a des « valeurs instrumentales » qui ne peuvent pas ne pas être adoptées intégralement pour continuer à être élaborées et raffinées." Que les intellectuels doivent être nouveaux, et donc ne pas perpétuer la conception du monde des intellectuels cristallisés, n’empêche pas que la réforme morale et intellectuelle qu’ils doivent organiser ait lieu dans une langue qui est encore, formellement au moins, celle des conceptions du monde dépassées. Cette réforme se présente ainsi comme un travail sur un lexique ancien : c’est le cas, par exemple, de la notion de matérialisme : "C’est ainsi qu’on a vu le terme « matérialisme » adopté avec son contenu passé, et, en revanche, le terme « immanence » repoussé parce qu’il avait dans le passé un con¬te¬nu historique culturel déterminé." B. Traduction, traductibilité Gramsci entend "traduire" en italien (et dans la réalité italienne : c’était dit en toutes lettres dès avril 1924, dans Il programma dell’Ordine nuovo. "La diffusione raggiunta dai primi due numeri non può che dipendere dalla posizione che l’Ordine Nuovo aveva assunto nei primi anni della sua pubblicazione e che consisteva essenzialmente in ciò : 1) nell’aver saputo tradurre in linguaggio storico italiano i principali postulati della dottrina e della tattica dell’Internazionale comunista." /"La diffusion atteinte par les deux premiers numéros ne peut que dépendre de la position que l’Ordine nuovo avait prise dans les premières années de sa publications et qui consistait essentiellement 1) à avoir su traduire en langage historique italien les principaux postulats de la doctrine et de la tactique de l’internationale communiste." Dans ce même texte, on comprend très clairement que traduire "soviet" en italien signifiait défendre le mot d’ordre et la pratique des "conseils d’usine". Ce qui est en jeu, c’est donc la façon d’appliquer le marxisme et la politique révolutionnaire en fonction des réalités "nationales-populaires". Ce premier point s’appuie sur une idée de Lénine dont nous avons déjà parlé dans une séance du séminaire (cf. Q7, 2>Q11, 46 : "§ Traducibilità dei linguaggi scientifici e filosofici. Nel 1921 : quistioni di organizzazione. Vìlici disse e scrisse : « non abbiamo saputo “tradurre” nelle lingue “europee” la nostra lingua »." "§Traductibilité des langages scientiques et philosophiques. En 1921 : questions d’organisation.Illitch dit et écrivit : "nous n’avons pas su "traduire" notre langue dans les langues européennes"). Dès lors, se pose la question de ce qu’on peut traduire et, là, le point d’appui de la réflexion de Gramsci est une citation de La Saint Famille de Marx où il est affirmé que le langage politique français de Proudhon peut se traduire dans le langage de la philosophie allemande. Il
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