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TD N°3 Le pouvoir réglementaire.pdf, Slides de Droit

Sujet 2 : CE, Assemblée, 10 septembre 1992, Meyet, Rec. P. 327 (Ext.) ... quelles touche le très important arrêt du 6 décembre 1907.

Typologie: Slides

2021/2022

Téléchargé le 03/08/2022

Marcel90
Marcel90 🇫🇷

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Télécharge TD N°3 Le pouvoir réglementaire.pdf et plus Slides au format PDF de Droit sur Docsity uniquement! DROIT ADMINISTRATIF Jean-François Brisson, Professeur. Licence 2, droit, Série 2 Année universitaire 2018-2019 L’activité normative de l’administration TD n°3 Documents : - HAURIOU Maurice, Note sous Conseil d'Etat, 6 décembre 1907, Chemins de fer de l'Est, Sirey, 1908.3.1 - FAURE Bertrand, « La crise du pouvoir réglementaire : entre ordre juridique et plura- lisme institutionnel », ADJA, 1998, p. 547. - FRIER Pierre-Laurent, « Le pouvoir réglementaire local : force de frappe ou puis- sance symbolique ? », ADJA, 2003, p. 559. - DENOIX DE SAINT MARC Renaud, L’État, PUF, Collection Que sais-je ?, 2016, 3e édition (extraits). Exercice : Sujet 1 : Le pouvoir réglementaire se limite-t-il à l’exécution des lois ? Sujet 2 : CE, Assemblée, 10 septembre 1992, Meyet, Rec. P. 327 (Ext.) « Vu, 2°) sous le n° 140 377, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 août et 24 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M Alain Meyet ; M Meyet demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 92-771 du 6 août 1992 portant organisation du référendum ; Vu, 3°) sous le n° 140 378, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 12 août 1992, 27 août 1992 et 31 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M Alain Meyet ; M Meyet demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 92-772 du 6 août 1992 relatif à la campagne en vue du référendum !1 (…) Sur les moyens tirés d'une violation de l'article 34 de la Constitution : Considérant, d'une part, que si aux termes du 3ème alinéa dudit article : "la loi fixe les règles concernant le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales", cette disposition n'est pas applicable aux référendums qui constituent des scrutins d'une autre nature ; Considérant, d'autre part, que si aux termes du 2ème alinéa du même article : "la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques", il appartient au pouvoir réglementaire, en l'absence de dispositions législatives, dans le respect de ces règles et garanties, de fixer les modalités né- cessaires à l'organisation du référendum en rendant notamment applicables, avec les adapta- tions justifiées par ce type de consultation, les dispositions législatives et réglementaires ré- gissant d'autres consultations électorales ; Sur les moyens tirés d'une violation de l'article 21 de la Constitution : Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13 de la Constitution : "Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres" ; qu'aux termes de l'article 21 : "Le Premier ministre dirige l'action du gouvernement Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire" ; que les décrets attaqués ont été délibérés en conseil des ministres ; que, par suite, et alors même qu'aucun texte n'imposait cette délibération, ils devaient être signés, comme ils l'ont été, par le Président de la Répu- blique ; (…) » Document n°1 : HAURIOU Maurice, Note sous Conseil d’État, 6 décembre 1907, Che- mins de fer de l’Est, Recueil p 913. Nous n’avons pas l’intention de reprendre dans cette note toutes les questions aux- quelles touche le très important arrêt du 6 décembre 1907. Le texte en est très clair, et les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Tardieu sont tellement complètes et tel- lement ordonnées qu’elles ne laissent rien dans l’ombre et qu’elles constituent un commen- taire parfait. Nous désirons revenir seulement et insister sur l’évolution de jurisprudence qui fait rentrer le règlement d’administration publique dans la catégorie normale des actes admi- nistratifs susceptibles de recours pour excès de pouvoir. Cette évolution de jurisprudence était attendue; elle était désirable, parce que la pratique des règlements d’administration publique s’étend constamment, et que, la masse de ces textes s’accroissant, il était important d’organi- ser sur eux un contrôle. Notre arrêt accomplit l’évolution d’une façon solennelle, après une discussion magistrale et avec une netteté de formules qui ne laissent subsister aucun doute sur la solution pratique. Le caractère administratif des règlements d’administration publique est affirmé; deux conséquences pratiques en sont déduites : d’une part, ces règlements sont sus- !2 texte des lois nouvelles à l’ensemble des lois. Cette intervention ne se manifestant plus d’une façon préalable au vote de la loi, le législateur a fini par sentir lui-même qu’il ne fallait pas essayer d’entrer dans de certaines difficultés de rédaction, et, dans bien des cas, il a préféré s’abstenir de légiférer, renvoyant les complications et les détails à un règlement d’administra- tion publique qui serait fait ultérieurement par le Conseil d’Etat. Le règlement d’administra- tion publique est donc essentiellement la collaboration du Conseil d’Etat à l’oeuvre législative apportée a posteriori, une fois la loi votée, alors qu’autrefois elle était ci priori, au moment de la préparation de la loi. Le législateur ne dit plus au Conseil d’Etat : « Préparez-nous une loi »; il lui dit : « Complétez-nous, et, au besoin, arrangez-nous cette loi. » Le concours du Conseil d’Etat n’est plus apporté à la préparation, il l’est à l’exécution de la loi. Il y gagne en importance. Le projet de loi du gouvernement préparé par le Conseil d’Etat pou- vait ne pas aboutir devant le Parlement; le règlement d’administration publique, rédigé par le Conseil d’Etat, s’appliquera sûrement. Ainsi, il n’y a pas délégation du Parlement au gouvernement pour que celui-ci complète la rédaction d’un texte qui, dans son ensemble, deviendrait législatif; il y a association du gou- vernement au Parlement pour que le gouvernement assure par un second texte, qui sera ré- glementaire, l’exécution d’un premier texte qui est législatif. Seulement, — et c’est en cela que le règlement d’administration publique diffère du règle- ment ordinaire, — l’association des deux pouvoirs n’est pas cette association ordinaire qui résulte du jeu des lois constitutionnelles, et qui est imposée par elles; c’est une association volontaire procédant d’une invitation du pouvoir législatif, contenue dans une loi déterminée à propos d’une matière particulière, et, quand le gouvernement, obéissant à l’invitation rédige le règlement d’administration publique, on peut dire que celui-ci est rédigé en vertu d’un pacte volontaire intervenu entre les deux pouvoirs. Et si, par ce pacte, le gouvernement s’associe au Parlement dans l’œuvre législative, en même temps, le Parlement s’associe au gouvernement dans le règlement d’administration publique en lui donnant une compétence plus ou moins étendue. Voilà pourquoi on peut dire et pourquoi nous avons dit, dans la 6° édition de notre Précis de dr. adm., p. 309, que le règlement d’administration publique était le résultat d’un pacte entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, tandis que le règlement ordinaire était l’oeuvre du pouvoir exécutif tout seul, en vertu de la Constitution (V. aussi 11° édit., p. 471). Il nous semble que ces idées de pacte et d’association seraient très explicatives de la nature du règlement d’administration publique. Dans un pacte, chaque pouvoir conserve son caractère propre. Par conséquent, si le gouvernement en Conseil d’État fait un règlement en vertu d’un pacte conclu avec le Parlement, le règlement conserve bien la nature d’un acte administratif avec toutes les conséquences pratiques que cette nature comporte, recevabilité des recours, possibilité de refaire l’acte. D’un autre côté, le Parlement a bien consenti quelque chose par le pacte, et il est visible qu’il a consenti à donner au gouvernement une compétence plus étendue que celle qu’il tient des lois constitutionnelles. De là la possibilité, pour le règlement d’admi- nistration publique, de contenir des règles qui, à raison des matières sur lesquelles elles portent, sembleraient être du domaine de la loi, les règles pénales, des taxes, des règles re- streignant des libertés. De là aussi la question capitale des limites de la compétence conférée au gouvernement et la possibilité de l’annulation du règlement, si ces limites ont été dépas- !5 sées. Nous ne dirions plus que le gouvernement a excédé sa délégation, mais nous dirions qu’il a excédé les termes du pacte. Enfin, il paraît bien que l’idée du pacte serait commode encore pour expliquer d’autres solu- tions récentes qui ont été données par le Conseil d’Etat à propos du règlement d’administra- tion publique dans la matière de la limitation des heures de travail. Le Conseil a décidé qu’une loi, qui prévoit la rédaction d’un règlement d’administration publique (spécialement la loi du 13 juill. 1906, sur le repos hebdomadaire), est applicable, même dans celles de ses disposi- tions qui devraient être complétées, alors même que le règlement d’administration publique ne serait pas encore fait (V. Cons. d’Etat, 30 nov. 1906, Jacquin, S. et P. 1907.3.19, et les conclu- sions de M. le commissaire du gouvernement Romieu. Adde, Cons. d’Etat, 22 févr. 1907, An- got, et 22 févr. 1907, Bourlière, Rec. des arrêts du Cons. d’Etat, p. 189). C’est que le législa- teur, quand il prescrit le règlement d’administration publique, fait une proposition au gouver- nement; mais, si celui-ci n’adhère pas à la proposition et n’accepte pas l’invitation, ou tarde à l’accepter, la loi qui est faite n’en doit pas moins s’appliquer. L’invitation concerne unique- ment le règlement d’administration publique à faire. Sans doute, ce règlement devait faciliter l’exécution de la loi, et dans son ensemble l’œuvre législative, mais, si le gouvernement se dérobait sur ce point, le Parlement s’y prendrait autrement et compléterait lui-même sa loi; en attendant, ce qui est fait doit s’exécuter. Finalement, cette théorie pose la question constitutionnelle de savoir si le gouvernement peut refuser de prendre les règlements d’administration publique auquels on l’invite, si, du moins, il est juridiquement libre de le faire. C’est une liberté qui serait assez dans la logique de la théorie du pacte, et que nous serions assez disposé à lui reconnaître. M. Esmein emploie les deux expressions d’invitation ou d’injonction adressées par le législateur au gouvernement [Elém. de dr. constitut., 4° éd., p. 581], sans se prononcer pour l’une ou pour l’autre des deux idées. Nous optons pour l’idée de simple invitation. Document n°2 : FAURE Bertrand, « La crise du pouvoir réglementaire : entre ordre juri- dique et pluralisme institutionnel », ADJA 1998, p. 547. On ne peut aborder une réflexion sur les sources normatives en droit public français sans s'immerger dans les études déjà consacrées à ce sujet. Et les entreprises doctrinales qui ont traité des conditions de dévolution du pouvoir normatif dans notre État ne font pas défaut. Mais, prises globalement, elles laissent une impression paradoxale. Si l'on se place du côté du droit administratif, on devine une dispersion de la réglementation dans l'État et, face au développement incessant de la production réglementaire, on constate les difficultés de fonctionnement propres à l'administration et l'impossible efficacité des poli- tiques de déréglementation . La jurisprudence administrative parvenant mal de surcroît à 1 contenir dans de strictes limites la propagation de la réglementation. Mais est-il possible de Faisant ressortir l'aspect mythique du phénomène, J.CHEVALLIER, Les enjeux de la déréglementation, RDP 1 1987, p. 281. !6 s'écarter de ce mouvement dans un Etat qui se veut tour à tour « providence », puis « régula- teur » ? . 2 Si l'on se place du côté du droit constitutionnel, on réclame, au nom de l'État de droit, un dé- veloppement des normes par le haut (domaine réservé de la loi lorsque les droits et libertés sont en jeu, recensement des sources à partir de la Constitution, débat sur la supraconstitu- tionnalité) et, corrélativement, on doute de l'aptitude des autorités administratives secondaires à exercer l'une des fonctions les plus éminentes de la puissance publique, celle d'édicter des normes générales, que l'Acte fondamental recentre au niveau du Parlement et du gouverne- ment. On ne voit désignées par la Constitution que deux autorités réglementaires à l'exclusion de toute autre : le Premier ministre et le président de la République. Sur ce point, la continuité du droit administratif et du droit constitutionnel n'est pas faite, cha- cun des deux droits laissant ressortir sa personnalité. C'est même un constat de crise qui a été dressé à l'égard du pouvoir réglementaire. La crise tient dans l'idée que le pouvoir réglemen- taire s'éloigne du centre, la loi puis le décret n'étant plus à la hauteur des objectifs nouveaux de l'interventionnisme public dont la maîtrise réglementaire est rabattue, par la force des choses, sur les administrations d'exécution. Pourtant, soulevé dans les années soixante-dix, ce constat de crise n'est que plus évident au- jourd'hui où l'on observe simultanément une perfection de la constitutionnalisation du droit public et une dispersion des autorités administratives secondaires (promotion des collectivités locales depuis 1982, déconcentration, démembrements de l'administration en personnes pri- vées-relais, superposition d'administrations nouvelles : autorités administratives indépen- dantes et la toute récente Banque de France ). 3 Cette contradiction avait eu l'occasion de s'exprimer avant que le Conseil constitutionnel ne se prononce à propos des autorités administratives indépendantes . Une doctrine s'était alors em4 - parée de l'article 21 de la Constitution pour l'interpréter comme une réserve exclusive de compétence réglementaire, qui interdirait à toute autre autorité administrative de recevoir une telle compétence, fût-ce par la volonté du législateur lui-même. Le législateur ne saurait, en effet, imposer son intervention avec une force égale à la Constitution. Sous la Cinquième Ré- publique, la loi exprime moins la volonté générale qu'une compétence conditionnée confiée par le Texte fondamental, elle ne peut donc « désétatiser » le pouvoir réglementaire en en Mentionnons d'abord les thèses sur le pouvoir réglementaire toujours d'actualité sur l'évolution générale du 2 pouvoir réglementaire : J.-C. DOUENCE, Recherches sur le pouvoir réglementaire de l'administration, LGDJ, 1968 ; C. WIENEr, Recherches sur le pouvoir réglementaire des ministres, LGDJ, 1970 J.-M. AUBY, Le pouvoir réglementaire des ordres professionnels, JCP 1973, n° 2545 ; J.-M. AUBY, Les aspects nouveaux du pouvoir ré- glementaire de l'administration en droit administratif français,Mélanges Stassinopoulos, LGDJ, 1974, p. 9 Récemment qualifiée d'établissement public par le Tribunal des conflits (16 juin 1997, Epx Muet, Sté La Fon3 - taine de Mars c/ Banque de France, RFDA 1997, p. 823, concl. J. Arrighi de Casanova ) et d'« institution de l'Etat » par le Conseil constitutionnel en conséquence du pouvoir réglementaire qu'elle se voit reconnaître par la loi du 4 août 1993, complétée par la loi du 31 décembre 1993 (déc. n° 93-324 DC du 3 août 1993). Le Conseil constitutionnel a admis que l'article 21 de la Constitution ne fait pas obstacle à ce que le législateur 4 habilite des autorités de l'Etat autres que le Premier ministre à « fixer dans un domaine déterminé, et dans le cadre défini par les lois et règlements, des normes mettant en oeuvre une loi » (Cons. constit. 18 septembre 1986, Rec. p. 141) !7 vrier 1936, Jamart, Lebon p. 172 ; CE 7 juillet 1950, Dehaene, Lebon p. 426 ; CE 9 juillet 1965, Pouzenc, Lebon p. 421 ; CE 13 février 1985, Syndicat communautaire pour l'agglomé- ration nouvelle de Cergy- Pontoise, Lebon p. 37, pour les collectivités locales). D'autres extensions de compétence de l'administration résultent de l'aptitude à édicter « toutes les mesures nécessaires à l'application d'une loi », de l'inadaptation d'une loi à des situations particulières. Un autre élément de crise réside dans l'accélération de la production réglementaire du gouver- nement dans le dessein de compléter en détail la loi au détriment des marges de manoeuvre de l'autorité réelle d'application. C'est nettement le cas en droit des collectivités locales. En in- vestissant largement le gouvernement du pouvoir de « déterminer, en tant que de besoin, les conditions d'application de la loi » (art. 140 de la loi du 26 janvier 1984 sur le statut de la fonction publique territoriale, art. 135 de la loi ATR du 6 février 1992, etc.), le législateur ne limite pas vraiment ses possibilités réglementaires. Il abandonne donc fatalement la part rési- duelle d'autonomie d'application des autorités décentralisées à la volonté du gouvernement dans un domaine pourtant couvert par le principe constitutionnel de libre administration. On a vu, en matière indemnitaire dans la fonction publique territoriale, l'arrêté ministériel du 6 sep- tembre 1991 valablement opérer les comparaisons avec les agents de l'Etat, cadre d'emplois par cadre d'emplois, pour attribuer les primes, alors que ce travail de comparaison aurait pu être exercé moins autoritairement par les collectivités employeur sous le contrôle du juge ad- ministratif . L'inflation normative procède aussi de la concurrence des pouvoirs réglemen11 - taires dans la volonté de résorber les lacunes de la loi tout en maintenant à l'échelon central « le dynamisme d'adaptation du droit ». La théorie des pouvoirs implicites permet ainsi de régler une question au-delà des strictes li- mites de la loi d'habilitation. Ce faisant, elle autorise le pouvoir réglementaire à vivre à la marge des règles d'habilitation et aboutit finalement à un développement parasitaire du droit. Sans être indifférentes à la théorie des pouvoirs implicites, les nouveautés constitutionnelles de 1958 ne l'ont pas récusée, mais simplement cantonnée à l'extérieur du domaine législatif par la sanction des innovations atteignant les droits des administrés. Et encore, le droit positif ne parvient pas à une séparation stricte des domaines législatif et réglementaire en raison du refus maintenu du juge administratif de contrôler la constitutionnalité des habilitations lé- gales, même lorsque les libertés sont en jeu. Les extensions implicites de compétence peuvent donc toujours prospérer autant qu'elles sont utiles à la loi. A des degrés très divers, la théorie des pouvoirs implicites imprègne tout le droit organique de l'administration et vivifie le pouvoir d'exécution des lois. Si, d'aventure, le juge administratif décidait d'exclure en bloc ces manifestations spontanées d'autorité, à coup sûr le fonctionne- ment de l'administration en deviendait impossible. Les pouvoirs implicites sont une « prothèse » nécessaire au bon fonctionnement de l'administration. Et s'il ne faut pas exagérer les illustra- tions jurisprudentielles manifestes de la notion de pouvoirs implicites, celle-ci n'en est pas moins « sous-jacente à l'ensemble de la jurisprudence ». Avis CE Sect. 20 mars 1992, Préfet du Calvados, et CE 27 novembre 1992, Fédération Interco CFDT, AJDA 11 1993, p. 208, note F.-X. Aubry ; RFDA 1994, p. 770, note B. Faure
 !10 Il ne s'agit toutefois pas de s'arrêter aux manifestations immédiates de la jurisprudence sur les pouvoirs implicites. En effet, cette jurisprudence semble de manière plus considérable jouer le rôle d'un dévoilement, d'une mise à nu du système de production normative et justifie qu'on l'étudie. Le pluralisme institutionnel Cette jurisprudence fait ressortir que le dispositif d'application dépasse la consistance du dis- positif d'habilitation. Le travail d'application fait naître quelque chose de nouveau qui s'ajoute à l'ordre juridique. Tout se passe comme si l'autorité se voyait reconnaître, au-delà de sa com- pétence d'application, une capacité de création. Mais de quel état de fait procède ce supplément de droit ? Si cette réglementation d'accompagnement n'est plus la concrétisation pure et simple de la loi d'habilitation, elle touve son véritable fondement dans l'institution d'application elle-même et sa mission. Le juge a une formule stéréotypée : l'administration « n'a fait qu'user des pouvoirs dont elle dispose en vue d'un objet conforme à sa mission ». On voit bien que la légalité s'ap- précie moins par un respect rigoureux des règles de compétence que par la réalisation d'un objectif général qui l'englobe. On objectera que ce pouvoir d'innovation peut mieux servir les intentions du législateur. La meilleure application est celle qui dégage toutes les conséquences utiles de la loi. Un souci de bonne exécution motiverait alors la tolérance du juge. Mais, quand bien même le règlement reste exécutif dans sa finalité, il faut convenir qu'il tend à perdre ce caractère dans son origine qui devient l'institution d'application. C'est pourquoi l'explication par l'interprétation (du texte d'habilitation) paraît trop étriquée. Il y a création : le « texte » offre un « prétexte » pour un droit nouveau comblant une lacune juridique de sorte qu'il n'en est plus tout à fait ni la source formelle ni la source matérielle. L'institution d'application peut alors utiliser la source for- melle à ses préoccupations spécifiques, à nourrir son existence propre (jurisprudence sur le socialisme municipal). Peut-on parler de pouvoir d'origine jurisprudentielle ? A vrai dire, le juge constate plus qu'il ne crée de tels pouvoirs qui sont en réalité sécrétés par l'institution pour les besoins de sa mis- sion. La chose jugée n'en est qu'au maximum la source formelle ; au maximum, car on ne sait pas dire si ce droit trouve sa validité avant la reconnaissance du juge ou par la reconnaissance du juge. Et puis, à côté des pouvoirs implicites, la crise du pouvoir réglementaire se manifeste par d'autres symptômes comme la multiplication des compétences réglementaires nouvelles (ju- risprudence constitutionnelle sur les autorités administratives indépendantes) et la progression des compétences discrétionnaires - excepté en matière de libertés - qui peuvent s'analyser comme une anticipation de la nécessité d'admettre tous les pouvoirs utiles à une mission. On se limite alors à définir une compétence par le but à atteindre en abandonnant les marges d'ini- tiative et d'appréciation à l'autorité d'application. Les lois de décentralisation depuis 1982 en !11 ont donné de nombreuses illustrations . Le tout scelle cette crise dans un phénomène général 12 d'élargissement des sources formelles du droit administratif. On pourrait facilement couvrir l'extension et la différenciation des compétences réglemen- taires de la conception du pouvoir réglementaire chez Maurice Hauriou. Pour lui, toute pro- duction normative, qu'elle soit publique ou privée, est naturelle à chaque institution pour don- ner chair à l'« idée d'oeuvre ou d'entreprise » autour de laquelle se forme l'institution. L'insti- tution développe un pouvoir naturel nécessaire à son organisation et à sa mission, pour résu- mer grossièrement. Le pouvoir réglementaire se passe donc d'habilitation parce qu'il est spon- tané et inhérent à l'organisation administrative et sociale . 13 Bien entendu, il n'est pas question d'affirmer un pouvoir qui n'emprunterait pas les voies du droit, un pouvoir sans titre ni limite. Mais, de façon plus intéressante, on découvre chez Mau- rice Hauriou le parti pris d'une inversion dans la chronologie du droit, un renversement de la problématique de « la formation du droit par degrés ». La loi n'est pas le fondement, mais n'exerce qu'une fonction limitative des pouvoirs auxquels prétendent les institutions. Maurice Hauriou résume ainsi la philosophie de l'arrêt Heyriès (CE 28 juin 1918, Lebon p. 651) : « D'abord gouverner et administrer, exécuter ensuite la loi, ce qui signifie : vivre d'abord et en- suite vivre régulièrement ». Pour dire les choses d'une autre manière, la fonction juridique 14 vise à capter, à filtrer ces pouvoirs originaires pour les intégrer à l'ordre juridique positif. Le droit est un phénomène second. A l'image du contrat dont on ne saurait dire qu'il est une exé- cution de l'article 1134 du Code civil. La légalité s'impose face au risque de développement anarchique de l'autorité, mais il s'agit d'une légalité limite non pas d'une légalité création. Or, la reconnaissance de pouvoirs implicites par la jurisprudence administrative identifie pré- cisément une démarche inductive, par rétroaction, de création du droit puisqu'il s'agit d'inté- grer a posteriori au sein de l'ordre juridique des manifestations spontanées d'autorité qui s'étaient affirmées dans le silence des textes supérieurs. Dans le même sens, la jurisprudence constitutionnelle sur les autorités administratives indépendantes (mais transposable à la plu- part des autorités secondaires dans l'Etat) autorisant le législateur à leur concéder des compé- tences réglementaires vaut institutionnalisation et même constitutionnalisation de la pratique des habilitations législatives . 15 Cette constatation est au coeur de la thèse de J.-C. DOUENCE, Recherches sur le pouvoir réglementaire de 12 l'administration, préc. Pour l'exemple d'une réglementation d'application extrêmement développée sur la base d'une loi très laconique : CE 2 février 1983, Union des transports publics urbains et régionaux, préc. ; CE 21 juillet 1989, Association des médecins pour le respect de la vie, préc. ; cf. également à propos des conditions d'organisation et de fonctionnement des services médicaux du travail dans l'agriculture : CE 11 juillet 1986, Caisse centrale de secours mutuels agricoles, préc. M. HAURIOU, La théorie de l'institution et de la fondation. Aux sources du droit (Les Cahiers de la nouvelle 13 journée) 1933, p. 89 et ss. M. HAURIOU, S. 1912, III, p. 49 ; V. également A. HAURIOU, Le pouvoir discrétionnaire et sa justification, 14 Mélanges Carré de Malberg, Librairie Duchemin, 1977, p. 233. On rappelle la décision initiale du 18 septembre 1986 (Lebon p. 41) : l'article 21 de la Constitution ne fait pas 15 obstacle à ce que le législateur habilite des autorités de l'Etat autres que le Premier ministre à « fixer dans un domaine déterminé, et dans le cadre défini par les lois et les règlements, des normes mettant en oeuvre une loi ». !12 La distinction de Charles Eisenmann sur la double approche de la connaissance du droit peut abréger notre propos. La « science juridique » doit, d'une part, définir la « dogmatique juri- dique » : à partir d'un « système de normes générales supposé donné », on indique les solu- tions correctes à adopter ; d'autre part, il faut se placer du point de vue de l'expérience et des données avec pour but l'analyse du « droit effectivement appliqué, pratiqué dans une ou des sociétés données, ce qu'il faut bien appeler le droit positif de ces sociétés ». Et le résultat n'est pas forcément conforme à ce que le législateur et le constituant avaient écrit ou voulu. Document n°3 : FRIER Pierre-Laurent, « Le pouvoir réglementaire local : force de frappe ou puissance symbolique ? », ADHA 2003, p. 559. 18 L'essentiel La révision constitutionnelle affirme l'existence d'un pouvoir réglementaire local. Mais à vrai dire, peu en doutaient. Toutefois ce pouvoir demeure résiduel et subordonné et ne saurait ex- clure la mise en oeuvre du pouvoir général du Premier ministre, fondé sur l'article 21 de la Constitution. Il est, cependant, possible que l'esprit de décentralisation amène le juge à ad- mettre plus souvent que la loi est suffisamment précise pour que les collectivités territoriales puissent décider directement de ses modalités d'application. Le constituant vient-il d'apporter une contribution nouvelle au débat engagé depuis une ving- taine d'années sur la portée du pouvoir réglementaire local ? Dans sa nouvelle rédaction, l'article 72 de la Constitution comporte en effet désormais un troi- sième alinéa selon lequel, « dans les conditions prévues par la loi, (les) collectivités s'admi- nistrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ». Un nouvel alinéa 4 permet, sous certaines conditions, aux collectivi- tés territoriales ou à leurs groupements, « lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, de déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législa- tives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ». Le constituant recon- naît donc expressément à l'ensemble des collectivités territoriales un pouvoir réglementaire 19 qui repose formellement sur l'article 72 de la Constitution, dans sa nouvelle rédaction. Le Conseil constitutionnel avait cependant reconnu un tel pouvoir de façon implicite dans sa dé- cision du 17 janvier 2002 relative à la Corse (Cons. const. 17 janvier 2002, n° 2001-454 DC, AJDA 2002, p. 100, obs. Jean-Eric Schoettl ; RFDA 2002, p. 459, note Michel Verpeaux ; RFD const. 2002, p. 441, obs. Louis Favoreu), puisque, après avoir cité l'article 21 de la Soit les communes, départements, régions, toutes les collectivités à statut particulier, les collectivités 19 d'outre-mer régies par l'article 74, et les nouvelles collectivités qui seraient créées par la loi (art. 72, al. 1 er ). !15 Constitution relatif au pouvoir réglementaire du Premier ministre, il poursuivait par :« toute- fois, l'article 72 de la Constitution dispose que... ». L'utilisation du terme « toutefois » mon- trait donc qu'existait, à côté du pouvoir réglementaire de l'article 21, une autre forme de pou- voir réglementaire reposant sur l'article 72, conséquence nécessaire du principe de libre admi- nistration des collectivités locales. Comme le notait Jean-Eric Schoettl, « les compétences (des) autorités décentralisées ne se réduisent pas [...] à la capacité d'effectuer des opérations matérielles, de passer des contrats ou de prendre des décisions individuelles. L'exercice de la compétence transférée réside souvent dans le pouvoir de fixer des règles générales » (Le Conseil constitutionnel et la Corse, AJDA 2002, p. 100 ). De ce point de vue, le nouvel article 72 de la Constitution est essentiel en ce qu'il explicite le contenu et la portée du principe de libre administration, par ailleurs accrue par une dévolution accentuée de compétences aux col- lectivités. Mais la question essentielle, celle de la distribution du pouvoir réglementaire entre autorités centrales de l'Etat et autorités décentralisées demeure. La révision constitutionnelle permet-elle, enfin, la reconnaissance d'un pouvoir réglementaire initial, ou, à tout le moins, confère-t-elle un domaine réservé au pouvoir réglementaire local ? Si aujourd'hui comme hier les collectivités territoriales ne peuvent invoquer un pouvoir réglementaire initial, demain comme auparavant, le pouvoir réglementaire local d'application des lois demeurera-t-il exclu- sivement résiduel ? Aujourd'hui comme hier, les collectivités territoriales ne peuvent invoquer un pouvoir réglementaire initial Le pouvoir réglementaire local existe ! Innombrables sont les cas où, pour l'exercice de leurs compétences, de nombreuses lois, le plus souvent complétées par des décrets, ont reconnu aux autorités locales le droit d'adopter des actes administratifs à portée générale. Ces actes portent tout d'abord sur l'organisation même des collectivités, avec la possibilité qui leur est notam- ment donnée d'élaborer leur règlement intérieur. Ils permettent ensuite et surtout de prendre des mesures ayant des effets envers les administrés. Outre les compétences générales des as- semblées délibérantes pour fixer les conditions d'organisation et de fonctionnement des ser- vices publics locaux, sont particulièrement significatifs les pouvoirs de police du maire ou du président du conseil général, tout comme la réglementation municipale de l'urbanisme ou les règlements sanitaires. Le code général des collectivités territoriales reconnaît d'ailleurs, à titre générique, ce pouvoir puisque tous les actes réglementaires des collectivités locales liés à leurs compétences doivent, pour être exécutoires, être transmis au préfet, dans le cadre du contrôle de légalité (art. L. 2131-2 pour les communes). A côté de ce pouvoir réglementaire fondé sur des textes exprès, la jurisprudence a également reconnu aux organes dirigeants des collectivités - à l'autorité territoriale, chef de service en particulier - un pouvoir implicite, dans le cadre de la jurisprudence Jamart, afin de prendre les mesures nécessaires à l'organisation interne des services publics, lorsque le règlement national n'y a pas pourvu . 20 CE 13 février 1985, Syndicat communautaire d'aménagement de Cergy-Pontoise, Lebon, p. 37 ; AJDA 20 1985, p. 271, obs. Jacques Moreau ; RFDA 1985, p. 367, note Jean-Claude DOUENCE et obs. Louis FAVO- REU (une loi ne renvoyant pas à un décret d'application, « il appartient, dès lors, à l'organe de la collectivité locale, compétent pour organiser les services de cette collectivité, de fixer les règles d'application » de celle-ci). !16 D'autres situations semblent donner naissance à un pouvoir réglementaire local affirmé. Certes, la mise en oeuvre des dispositions législatives relève souvent, en ce domaine, d'une décision du pouvoir réglementaire général national, « dès lors qu'elles ne sont pas suffisam- ment précises pour que leur application soit possible avant » qu'un décret en détermine les conditions d'application « pour l'ensemble des collectivités territoriales » Pour garantir l'uni- formité du droit sur le territoire, l'intervention d'un décret s'impose très généralement, et le pouvoir local n'intervient qu'en second. Cependant, dans des hypothèses très limitées, le Conseil d'Etat a pu admettre que les autorités locales étaient compétentes pour déterminer, à leur niveau, les conditions générales de mise en oeuvre de compétences que leur avaient attri- buées des dispositions législatives, « dans le respect des critères fixés » par elles, « sans que l'édiction par les autorités de l'Etat d'un texte réglementaire [...] soit nécessaire ». Sans en donner les raisons expresses, le juge accepte une telle intervention immédiate, lorsque la loi est suffisamment détaillée pour que soit garantie l'application de principes uniformes sur l'en- semble du territoire, les collectivités se limitant à une mise en oeuvre au plus près des réalités (rapport René Garrec, Doc. Sénat 2002-2003, n° 27, p. 84). Ces positions classiques, constamment réitérées, ne permettent toutefois pas d'affirmer l'existence d'un pouvoir régle- mentaire local ab initio. Les questions du statut du pouvoir réglementaire local et de sa portée réelle sont depuis long- temps posées. Lors d'un colloque à Angers, en 1983, Maurice Bourjol (in Dossier sur le pou- voir réglementaire local, Cah. CFPC, n° 13, octobre 1983), notamment, a estimé qu'au nom du principe de libre administration des collectivités locales, ces collectivités devaient se voir re- connaître un pouvoir réglementaire initial et autonome, de rang égal au pouvoir autonome des autorités centrales de l'Etat. Sur le fondement direct de l'article 72 de la Constitution, elles pourraient intervenir, sans même qu'une loi ait été prise. Dans une autre conception, moins maximaliste, sans nier la possible intervention du législateur, le pouvoir réglementaire local aurait été seul compétent pour assurer l'exécution de la loi concernant la libre administration des collectivités locales, ne laissant aucune place au pouvoir du Premier ministre (ou du pré- sident de la République). Autrement dit, le pouvoir réglementaire d'exécution des lois aurait été partagé entre celui du Premier ministre et, pour les questions concernant la libre adminis- tration des collectivités locales, celui de ces collectivités qui auraient possédé ainsi un do- maine premier et réservé (V., par exemple, François Luchaire, Les fondements constitution- nels de la décentralisation, RD publ. 1982, p. 1557). A aucun moment la révision constitutionnelle n'a cependant eu pour objet de permettre une intervention du règlement local, en dehors de la loi. Celle-ci reste toujours compétente pour déterminer les principes de libre administration des collectivités territoriales, de leurs compé- tences, de leurs ressources (art. 34 non modifié) et toute dérogation à la loi ne peut résulter que d'une autorisation législative préalable (art. 72, al. 3). On est donc loin d'un « Etat régio- nal » où une collectivité locale disposerait d'un pouvoir normatif - législatif et réglementaire - propre, directement issu de la constitution. Cette réforme de la Constitution n'a guère plus d'incidence quant à l'exécution des lois, à la- quelle les autorités locales participent de ce fait. Les débats, devant le Parlement, ont été vifs sur ce point et certains auraient voulu que le pouvoir réglementaire local soit hissé au même rang que le pouvoir du Premier ministre. Celui-ci serait intervenu pour l'exécution des lois en général, les autorités locales pour celles relatives à leur compétence. Certains amendements !17 modalités d'application de la loi qui le détermine, il n'a « ni pour objet, ni pour effet de mettre en cause le pouvoir réglementaire d'exécution des lois que l'article 21 de la Constitution attri- bue au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République par l'article 13 » (Cons. const. 17 janvier 2002, préc. ; v. en particulier les observations de L. Favoreu, préc.). Il doit respecter, de façon générale, les lois et règlements, sauf adaptation au- torisée par le législateur. A titre général, le pouvoir réglementaire local reste donc résiduel avec un champ d'application restreint et un contenu très encadré. Ainsi, d'une part, il ne saurait s'exercer directement lors- qu'une intervention purement locale pourrait entraîner une inégalité spatiale dans l'exercice des libertés publiques. D'autre part, il est limité par d'évidentes raisons d'uniformité technique. Comment, par exemple, dans le domaine de l'urbanisme, édicter au seul niveau législatif les règles encadrant la compétence des communes, puis ensuite laisser à celles-ci l'édiction de toutes les précisions nécessaires ? Comment imaginer que chacune des 36 000 communes dé- cide de la façon dont elle établit son plan d'urbanisme ? Ne serait-ce que, pour les règles d'élaboration, une procédure largement uniforme sur l'ensemble du territoire est indispensable. Pour certaines questions, seule une décision nationale peut et doit être prise. Toute autre solu- tion supposerait, comme dans les « Etats régionaux », qu'une collectivité telle que la région, par exemple, dispose, à son tour, d'un pouvoir normatif susceptible d'encadrer celui de collec- tivités inférieures. On sait que ce n'est pas le choix fait par le constituant, qui refuse notam- ment toute tutelle d'une collectivité locale sur une autre (al. 5, art. 72 nouveau). Dans le cas de la Corse, le juge constitutionnel a aussi relevé que l'étendue des compétences de la collectivité de Corse ne pouvait avoir pour effet d'instituer une tutelle sur les autres collectivités. Dès lors, seul le pouvoir réglementaire national est susceptible d'intervenir à titre général. En outre la pratique comme la jurisprudence admettent que le pouvoir réglementaire du Pre- mier ministre, fondé sur la Constitution, peut, toujours, intervenir sans que cela porte atteinte au principe de libre administration des collectivités locales. Les lois de « décentralisation » ont ainsi toutes fait l'objet de très nombreux décrets d'applica- tion : les innombrables articles réglementaires du code général des collectivités territoriales en témoignent. De même, la récente loi sur la Corse, avant le train de réformes qui devrait suivre la modification de la Constitution, a adopté des dispositions originales à certains égards, en matière de décentralisation normative, et est complétée, sans même tenir compte des décrets spécifiques, par le décret du 3 mai 2002 relatif à la collectivité territoriale de Corse (n° 2002-283, JO 5 mai 2002). La jurisprudence, pour sa part, a reconnu cette possibilité d'intervention du pouvoir réglemen- taire général du Premier ministre. Il faut, cependant, distinguer ici deux cas de figure. Soit la loi a confié une compétence d'exception au pouvoir réglementaire local, mais le pouvoir ré- glementaire central doit parfois intervenir ; soit la loi est restée muette sur la distribution des compétences pour mettre en oeuvre ses propres dispositions, et en ce cas rien n'interdit au pouvoir réglementaire national d'intervenir, dès lors, bien entendu, qu'il ne formule pas de dispositions mettant en cause les principes fondamentaux de la libre administration des collec- tivités locales. !20 En admettant que la loi ait pu, régulièrement (ou non d'ailleurs car le juge administratif ne peut écarter une loi qui, sur ce point, violerait la Constitution), confier un pouvoir réglemen- taire aux collectivités locales, ceci n'interdit pas - sauf dispositions excluant expressément toute intervention du Premier ministre qui deviendrait de ce fait incompétent - l'édiction d'un décret . Deux décisions récentes sont très significatives de ce point de vue (CE 9 octobre 23 2002, Fédération des personnels des services des départements et des régions CGT-FO et Fé- dération nationale Interco CFDT (2 esp.), AJDA 2002, p. 1404, note Marie-Christine de Mon- tecler ). Alors même que les débats parlementaires avaient expressément supprimé divers amendements gouvernementaux prévoyant qu'un décret préciserait les dispositions législa- tives afin de conférer une compétence exclusive d'intervention au niveau local, le Conseil d'Etat se réfère expressément à l'article 21 de la Constitution pour refuser de considérer le dé- cret, pris pour l'exécution d'une loi modifiant le statut législatif des fonctionnaires territoriaux, comme entaché d'incompétence. Certes le juge se fonde aussi sur un article du statut, antérieur au texte modificatif, habilitant le gouvernement à titre général à prendre les mesures d'appli- cation nécessaires. Mais, conformément à la hiérarchie des normes, le Premier ministre tenant sa compétence générale d'exécution des lois directement de l'article 21 de la Constitution, rien ne saurait lui interdire de prendre de sa propre initiative les mesures nécessaires, s'il n'empiète pas sur le domaine législatif, alors même que la loi ne l'aurait pas « habilité » . Le Conseil 24 constitutionnel a, de même, admis implicitement, en 1984, que le statut de la fonction pu- blique territoriale puisse être complété par la voie du décret (Cons. const. 19 et 20 janvier 1984, n° 83-168 DC). La décision du 17 janvier 2002 va dans le même sens. Le pouvoir ré- glementaire local, tel qu'il découle d'une loi, ne saurait donc exclure, sauf cas très particulier, l'intervention du Premier ministre. Ce pouvoir local ne peut agir que dans le respect des lois des règlements nationaux réguliers, faute de quoi, son intervention serait sanctionnée par le juge pour violation des règles supérieures . 25 La révision constitutionnelle ne modifie pas cette situation : le pouvoir réglementaire national a la possibilité d'intervenir tout d'abord lorsque la loi est muette, puisque le nouvel article 72 En ce sens, V. concl. Jacques Arrighi de Casanova, préc ; CE 1 er avril 1996, Département de la Loire, 23 Lebon, p. 109 ; Dr. adm. 1996, n° 251, obs. R. S. (loi renvoyant à la voie réglementaire, ce qui permet, en toute hypothèse, l'intervention du Premier ministre). dans l'arrêt Préfet du Nord-Pas-de-Calais(préc.), le juge, pour admettre l'intervention des collectivités 24 locales, sans qu'un décret préalable eût précisé la loi, relève que la loi ne prévoit « d'ailleurs pas » cette in- tervention. L'utilisation du terme « d'ailleurs » montre bien qu'il s'agit seulement d'un indice et non d'une condition sine qua non ; la répartition des compétences entre pouvoir réglementaire national et local rele- vant d'abord de la Constitution. CE 5 octobre 1998, Commune de Longjumeau , Petites affiches 1999, n° 94, note Jean-Philippe Brouant : 25 « les communes [...] ont la faculté de définir, par voie de dispositions de portée générale, les [...] règles sur la base desquelles elles entendent formuler des propositions d'attribution de logements, à condition toute- fois qu'aucune atteinte ne soit portée [...] à l'ensemble des prescriptions législatives et réglementaires en vigueur ». !21 ne remet, en aucun cas, en cause le pouvoir réglementaire général du Premier ministre. Le pouvoir réglementaire national pourrait également s'exercer même si une loi était intervenue pour confier son exécution de façon exclusive au pouvoir local : elle pourrait être jugée in- constitutionnelle, si elle tendait à remettre en cause de façon trop importante la compétence de principe du Premier ministre, notamment quant à l'application uniforme des conditions d'exer- cice des libertés essentielles. Au regard du nouveau texte, le Conseil constitutionnel pourrait parfaitement appliquer, et selon le même raisonnement, sa jurisprudence relative à la Corse. Quant au Conseil d'Etat, rien dans la nouvelle version de la Constitution n'est susceptible de remettre en cause sa jurisprudence antérieure. Les débats parlementaires le montrent à l'envie : il n'existe pas de partage de compétence qui mettrait en parallèle les pouvoirs régle- mentaires des articles 21 et 72. Toutefois, il est possible que les nouvelles dispositions consti- tutionnelles permettent à « la loi de renvoyer plus systématiquement au pouvoir réglementaire local et non au pouvoir réglementaire national le soin de fixer les modalités d'application de la loi [...] et de lever un doute quant à la capacité de la loi de disposer d'une réelle latitude afin de confier à une catégorie de collectivités locales le soin de prendre les mesures d'application de la loi » (Patrick Devedjian, JOAN CR 22 novembre 2002). Le juge administratif, pour sa part, tenant compte du nouveau contexte de la décentralisation, en présence d'une loi qui, même sans disposition expresse, aurait eu la claire volonté d'écarter l'intervention du décret, serait sans doute plus sensible à cette donnée, et pourrait accepter l'exclusion voulue par le législateur. Mais, il s'agit ici de prendre en compte en priorité un nouveau contexte politique, une nouvelle ambiance favorable à la décentralisation plus qu'une véritable obligation juri- dique. Malgré les apparences, la réforme constitutionnelle a une portée juridique essentiellement symbolique et ne devrait avoir de ce point de vue que des effets marginaux même si le fon- dement du pouvoir local est désormais précisé. Il résulte, en effet, des jurisprudences concor- dantes que le pouvoir réglementaire local, dans le cadre des dispositions constitutionnelles antérieures à la réforme de l'année 2003, ne pouvait intervenir qu'à titre résiduel, soit en lien avec l'organisation interne des services, soit sur le fondement d'une habilitation législative. Celle-ci, sauf interdiction claire et expresse, n'excluait nullement l'intervention du Premier ministre, fondée sur sa compétence de principe découlant de l'article 21 de la Constitution. Le pouvoir local restait donc second, subordonné et obligé de respecter l'ensemble des décrets en vigueur (sauf éventuelle adaptation autorisée). Cette situation est logique dans le cadre d'un Etat unitaire où la seule source normative à portée générale est nationale. La nouvelle rédac- tion de la Constitution ne modifie guère le statut du pouvoir réglementaire local, qui reste ré- siduel et subsidiaire. Certes, symboliquement, l'existence de ce pouvoir réglementaire - que nul ne mettait en doute - est affirmée et enfin explicitement fondée sur la Constitution, mais son statut reste semblable. Toutefois si ce pouvoir réglementaire continue à être clairement soumis à celui du Premier ministre, leurs champs d'intervention respectifs ne sont toujours pas nettement délimités, et il appartiendra aux juges constitutionnel et administratif de vérifier si la loi n'a pas exagérément étendu la compétence locale, ou à l'inverse si la décision prise à ce niveau ne supposait pas en amont l'édiction préalable d'un décret. On pourrait retrouver à ce niveau une sorte de couple mise en cause - mise en oeuvre. La jurisprudence relative au « partage » du pouvoir réglemen- taire entre le Premier ministre et les autorités administratives indépendantes, notamment, est susceptible, là encore, même avec certaines nuances, de jouer. Une fois la loi votée, les ques- !22 28 Comme on l’a dit ci-dessus, la portée de cette considérable innovation juridique a été limi- tée tant par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État que par la pratique du législateur. Il serait faux de dire aujourd’hui que le Gouvernement est devenu le législateur de droit commun, comme certains se risquaient à l’affirmer en 1958. 29 À côté de ce pouvoir réglementaire autonome, demeure le pouvoir réglementaire dérivé, qui trouve sa source dans la loi. Il s’agit là d’une attribution classique. Il a toujours été admis que le législateur ne pouvait descendre dans le détail des mesures d’application des normes qu’il entendait fixer et qu’il lui était donc loisible de confier ce soin à l’exécutif. C’est norma- lement le Premier ministre qui, par la voie du décret, est chargé de déterminer les mesures d’application de la loi : mais il peut lui-même renvoyer à des arrêtés ministériels le détail de la réglementation après en avoir fixé lui-même l’essentiel. Il suit de là que le régime juridique applicable à telle ou telle activité peut être constitué de dispositions législatives complétées par des dispositions décrétales, elles-mêmes complétées par des arrêtés ministériels. Dans cette cascade de règles, les autorités qui exercent successivement le pouvoir normatif ne dis- posent pas d’une totale liberté. Le législateur ne peut méconnaître sa propre compétence en abandonnant au Gouvernement le soin de déterminer des règles qui relèveraient de ses propres attributions ; de même, le décret ne peut déléguer à l’arrêté ministériel que de menues me- sures techniques. 30 Au pouvoir réglementaire central, dévolu au Premier ministre et, par délégation strictement limitée, aux ministres, s’ajoute un pouvoir réglementaire aux autorités locales. Représentant du pouvoir exécutif dans le département, le préfet peut se voir consentir une parcelle du pou- voir réglementaire. Le domaine d’élection de ce pouvoir réglementaire demeure le pouvoir de police administrative en vertu duquel le préfet peut et doit prendre les mesures préventives nécessaires au maintien de l’ordre public dans le département. Quant aux organes des collec- tivités décentralisées, ils disposent, eux aussi, d’un pouvoir réglementaire, pouvoir autonome lorsqu’il s’agit de pourvoir à l’organisation ou au fonctionnement de leurs propres services, pouvoir délégué lorsque la loi leur a attribué cette compétence. 31 Enfin, des parcelles de pouvoir réglementaire ont pu être placées entre les mains d’établis- sements publics et même entre celles de personnes morales de droit privé chargées de la ges- tion d’un service public. C’est toujours la loi qui détermine l’étendue, en général strictement limitée, de cette compétence réglementaire. Parfois, le pouvoir réglementaire ainsi conféré n’est pas total, en ce sens que les règles édictées par ces organismes ne sont « parfaites » et donc exécutoires qu’après un agrément par une autorité étatique, par exemple par un arrêté ministériel. C’est ainsi que les fédérations sportives, lorsqu’elles ont reçu de l’État délégation pour organiser les compétitions officielles, sont détentrices d’une parcelle de pouvoir régle- mentaire pour fixer les conditions dans lesquelles se déroulent ces compétitions ainsi que les devoirs des personnes qui y participent. 32 Une manifestation récente de la dévolution du pouvoir réglementaire à des autorités ne re- levant pas directement du pouvoir exécutif, qu’il convient de souligner, est à rechercher dans les attributions des autorités administratives indépendantes. Certaines d’entre elles, en effet, ont été dotées d’un pouvoir réglementaire. Or, à la différence des organismes précédemment cités qui n’exercent leurs attributions que dans un cadre bien délimité, les autorités adminis- !25 tratives indépendantes sont des institutions nationales. Les compétences réglementaires dont la loi peut les doter risquent d’entrer en conflit avec le monopole de principe dont jouit le Premier ministre au niveau national, sous réserve des pouvoirs relevant du président de la Ré- publique, en vertu de l’article 21 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a admis la conformité à la Constitution de ce pouvoir réglementaire, non point autonome, mais dérivé de la loi, dès lors qu’il ne porte que sur des mesures de portée limitée tant par leur champ d’ap- plication que par leur contenu. Il s’agit donc d’un pouvoir réglementaire étroitement subor- donné et, surtout, spécialisé. Chapitre 3 : L’État de droit L’expression « État de droit » connaît de nos jours une étonnante notoriété, sans que pour au- tant tous ceux qui s’y réfèrent aient une claire vision de ce que ces trois mots recouvrent. L’É- tat de droit est une notion forgée par certains juristes allemands à la fin du XIX e siècle pour s’opposer à la doctrine bismarckienne selon laquelle la force doit primer le droit et donc pour soutenir l’idée que la puissance publique doit être soumise au droit. 2 Aujourd’hui, dans les États d’Europe occidentale, il ne saurait faire de doute que l’État est bien soumis au droit et qu’il y a toujours un juge pour, le cas échéant, l’y contraindre. 3 La formule a reçu cependant une signification dérivée, plus large, selon laquelle l’État de droit est la société politique dans laquelle règne le droit, dans laquelle les rapports sociaux, et non pas seulement les relations qui confrontent les citoyens aux pouvoirs publics, sont régis par le droit. On se bornera ici à retenir la première acception de la formule. I. – La soumission du pouvoir exécutif au droit 4 L’action de l’administration est régie par le principe de légalité. Les décisions administra- tives et les contrats passés par les services publics doivent respecter les normes qui leur sont supérieures. La légalité est, ainsi, faite d’un ensemble hiérarchisé de règles constitutionnelles, législatives, jurisprudentielles, réglementaires auxquelles s’ajoutent les conventions interna- tionales. 5 La Constitution comprend, notamment, des règles de compétence et de procédure que le pouvoir exécutif doit respecter : attributions respectives du président de la République et du Premier ministre, règles du contreseing par les ministres des actes de l’une et l’autre de ces deux autorités, délimitation des compétences de la loi et du règlement, etc. Comme on l’a vu précédemment, le Préambule contient des principes qui s’imposent aussi au Gouvernement. Vient ensuite l’ensemble d’une ampleur considérable constitué par les lois, qu’elles soient ou non rassemblées dans des codes organisés. En descendant dans la hiérarchie, on trouvera en- suite les principes généraux du droit dégagés par la jurisprudence et qui s’imposent à l’exécu- tif à défaut de loi contraire. Enfin, les autorités exécutives doivent respecter les règlements qui ont une place dans la hiérarchie plus élevée que celle de l’acte à intervenir. Le décret simple doit respecter le décret en Conseil d’État dont il procède. L’arrêté ministériel doit se confor- mer au décret simple. Toute décision individuelle, comme une nomination, une autorisation !26 ou une interdiction, doit respecter le règlement, même si elle émane de l’autorité même qui a pris ce règlement. 6 La place des conventions internationales dans cet ensemble hiérarchisé mérite un examen particulier. À la différence d’autres systèmes juridiques, comme celui de la Grande-Bretagne par exemple, la tradition juridique française, confirmée par la Constitution, veut que les conventions internationales régulièrement ratifiées et publiées soient immédiatement incorpo- rées dans l’ordre juridique. L’article 55 de la Constitution leur confère, alors, une valeur supé- rieure à la loi. Il est donc certain que le pouvoir exécutif est contraint, dans l’ordre interne, de respecter les traités. Dans le cas d’un conflit entre un traité et une loi, même si la loi est posté- rieure au traité, le juge administratif ou judiciaire doit faire prévaloir le traité, en raison même de sa supériorité. Il en va, a fortiori, de même dans le cas d’un conflit entre un traité et un acte réglementaire. En revanche, dans l’ordre juridique interne, un traité ne saurait prévaloir sur une disposition de la Constitution. 7 Un complément à ce qui précède doit être apporté en ce qui touche l’ordre juridique de l’Union européenne. La suprématie de cet ordre juridique sur les actes du pouvoir exécutif bénéficie non seulement aux traités institutifs, mais aussi à ce qu’on appelle le « droit com- munautaire dérivé », c’est-à-dire les règlements et les directives. Est illégal l’acte de droit in- terne qui viole un règlement communautaire ; est également illégal celui qui méconnaît les objectifs d’une directive. 8 Ainsi, comme on le voit, le Gouvernement se trouve enserré dans des contraintes étroites lorsqu’il s’agit pour lui de prendre des décisions. Le juge administratif et, à un moindre égard, le juge judiciaire sont chargés de faire respecter la légalité des actes du pouvoir exécutif. 9 Il existe en France deux ordres de juridictions, l’ordre judiciaire chargé de régler les litiges entre les particuliers et de réprimer les crimes, délits et contraventions, et un ordre administra- tif qui est compétent pour connaître des litiges qui s’élèvent entre les particuliers et les collec- tivités publiques ou qui opposent les collectivités publiques entre elles. Tous les États ne connaissent pas cette dualité d’ordres juridictionnels, la Grande-Bretagne par exemple. Le modèle français, fondé sur une tradition historique forte et ancienne, est cependant partagé par 17 États membres de l’Union européenne et par 80 États environ dans le monde entier. 10 C’est bien évidemment le juge administratif qui joue le premier rôle dans le contrôle de légalité, grâce, essentiellement, au « recours en annulation pour excès de pouvoir » forgé ju- risprudentiellement par le Conseil d’État au cours du XIX e siècle et au début du XX e. La juri- diction administrative est composée à la base de tribunaux administratifs régionaux dont les jugements relèvent en appel de cours administratives d’appel. Au sommet de la pyramide se trouve le Conseil d’État, juge de cassation des arrêts des cours, mais aussi juge en premier et dernier ressort de la légalité des actes les plus importants des autorités relevant de l’exécutif : ordonnances du président de la République, décrets, quels qu’en soient le signataire et le contenu, actes réglementaires des ministres, actes des ministres, même non réglementaires, lorsqu’ils ne peuvent être pris qu’après avis du Conseil d’État. Ainsi, à l’égard des autorités gouvernementales, c’est le Conseil d’État qui joue le rôle essentiel comme gardien de la léga- lité. !27
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