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Textes_complementaires_Baude..., Examens de Histoire de la Musique

Textes complémentaires-Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne, 1863 ... I-Extrait 1-Dans ce texte, Baudelaire évoque un peintre contemporain ...

Typologie: Examens

2021/2022

Téléchargé le 08/06/2022

Edouard
Edouard 🇮🇹

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Télécharge Textes_complementaires_Baude... et plus Examens au format PDF de Histoire de la Musique sur Docsity uniquement! Textes complémentaires-Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne, 1863 L’intégralité de l’ouvrage : https://www.uni-due.de/lyriktheorie/texte/1863_baudelaire.html I-Extrait 1-Dans ce texte, Baudelaire évoque un peintre contemporain Constantin Guys. III L'ARTISTE, HOMME DU MONDE, HOMME DES FOULES ET ENFANT. 1 (…) Supposez un artiste qui serait toujours, spirituellement, à l'état du convalescent, et vous aurez la clef du caractère de M. G. Or, la convalescence est comme un retour vers l'enfance. Le convalescent jouit au plus haut degré, comme l'enfant, de la faculté de s'intéresser vivement aux choses, même les plus triviales en 5 apparence.(…). L'enfant voit tout en nouveauté ; il est toujours ivre. Rien ne ressemble plus à ce qu'on appelle l'inspiration, que la joie avec laquelle l'enfant absorbe la forme et la couleur. J'oserai pousser plus loin ; j'affirme que l'inspiration a quelque rapport avec la congestion, et que toute pensée sublime est accompagnée d'une secousse nerveuse, plus ou moins forte, qui retentit jusque dans le cervelet. L'homme de génie a les nerfs solides ; l'enfant les a faibles. Chez l'un, la raison a pris une place 10 considérable ; chez l'autre, la sensibilité occupe presque tout l'être. Mais le génie n'est que l'enfance retrouvée à volonté, l'enfance douée maintenant, pour s'exprimer, d'organes virils et de l'esprit analytique qui lui permet d'ordonner la somme des matériaux involontairement amassée. C'est à cette curiosité profonde et joyeuse qu'il faut attribuer l'œil fixe et animalement extatique des enfants devant le nouveau, quel qu'il soit, visage ou paysage, lumière, dorure, couleurs, étoffes chatoyantes, 15 enchantement de la beauté embellie par la toilette. Un de mes amis me disait un jour qu'étant fort petit, il assistait à la toilette de son père, et qu'alors il contemplait, avec une stupeur mêlée de <délices>, les muscles des bras, les dégradations de couleurs de la peau nuancée de rose et de jaune, et le réseau bleuâtre des veines. Le tableau de la vie extérieure le pénétrait déjà de respect et s'emparait de son cerveau. Déjà la forme l'obsédait et le possédait. La prédestination montrait précocement le bout de 20 son nez. La damnation était faite. Ai-je besoin de dire que cet enfant est aujourd'hui un peintre célèbre ? (…) La foule est son domaine, comme l'air est celui de l'oiseau, comme l'eau celui du poisson. Sa passion et sa profession, c'est d'épouser la foule. Pour le parfait flâneur, pour l'observateur passionné, c'est une immense jouissance que d'élire domicile dans le nombre, dans l'ondoyant, dans le 25 mouvement, dans le fugitif et l'infini. Etre hors de chez soi, et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde, tels sont quelques-uns des moindres plaisirs de ces esprits indépendants, passionnés, impartiaux, que la langue ne peut que maladroitement définir. L'observateur est un prince qui jouit partout de son incognito. L'amateur de la vie fait du monde sa famille, comme l'amateur du beau sexe compose sa famille de toutes les beautés trouvées, 30 trouvables et introuvables ; comme l'amateur de tableaux vit dans une société enchantée de rêves peints sur toile. Ainsi l'amoureux de la vie universelle entre dans la foule comme dans un immense réservoir d'électricité. On peut aussi le comparer, lui, à un miroir aussi immense que cette foule ; à un kaléidoscope doué de conscience, qui, à chacun de ses mouvements, représente la vie multiple et la grâce mouvante de tous les éléments de la vie. C'est un moi insatiable du non-moi, qui, à chaque 35 instant, le rend et l'exprime en images plus vivantes que la vie elle-même, toujours instable et fugitive. "Tout homme, disait un jour M. G., dans une de ces conversations qu'il illumine d'un regard intense et d'un geste évocateur, tout homme qui n'est pas accablé par un de ces chagrins d'une nature trop positive pour ne pas absorber toutes les facultés, et qui s'ennuie au sein de la multitude, est un sot ! un sot ! et je le méprise !" 40 Quand M. G., à son réveil, ouvre les yeux et qu'il voit le soleil tapageur donnant l'assaut aux carreaux des fenêtres, il se dit avec remords, avec regrets : "Quel ordre impérieux ! quelle fanfare de lumière ! Depuis plusieurs heures déjà, de la lumière partout ! de la lumière perdue par mon sommeil ! Que de choses éclairées j'aurais pu voir et que je n'ai pas vues !" Et il part ! et il regarde couler le fleuve de la vitalité, si majestueux et si brillant. Il admire l'éternelle beauté et l'étonnante harmonie de 45 la vie dans les capitales, harmonie si providentiellement maintenue dans le tumulte de la liberté humaine. Il contemple les paysages de la grande ville, paysages de pierre caressés par la brume ou frappés par les soufflets du soleil. Il jouit des beaux équipages, des fiers chevaux, de la propreté éclatante des grooms, de la dextérité des valets, de la démarche des femmes onduleuses, des beaux enfants, heureux de vivre et d'être bien habillés ; en un mot, de la vie universelle. Si une mode, une 50 coupe de vêtement a été légèrement transformée, si les nœuds de rubans, les boucles ont été détrônés par les cocardes, si le bavolet s'est élargi et si le chignon est descendu d'un cran sur la nuque, si la ceinture a été exhaussée et la jupe amplifiée, croyez qu'à une distance énorme son œil d'aigle l'a déjà deviné. Un régiment passe, qui va peut-être au bout du monde, jetant dans l'air des boulevards ses fanfares entraînantes et légères comme l'espérance ; et voilà que l'œil de <M.> G. a déjà vu, inspecté, 55 analysé les armes, l'allure et la physionomie de cette troupe. Harnachements, scintillements, musique, regards décidés, moustaches lourdes et sérieuses, tout cela entre pêle-mêle en lui ; et dans quelques minutes, le poème qui en résulte sera virtuellement composé. Et voilà que son âme vit avec l'âme de ce régiment qui marche comme un seul animal, fière image de la joie dans l'obéissance ! Mais le soir est venu. C'est l'heure bizarre et douteuse où les rideaux du ciel se ferment, où les 60 cités s'allument. Le gaz fait tache sur la pourpre du couchant. Honnêtes ou déshonnêtes, raisonnables ou fous, les hommes se disent : "Enfin la journée est finie !" Les sages et les mauvais sujets pensent au plaisir, et chacun court dans l'endroit de son choix boire la coupe de l'oubli. M. G. restera le dernier partout où peut resplendir la lumière, retentir la poésie, fourmiller la vie, vibrer la musique ; partout où une passion peut poser pour son œil, partout où l'homme naturel et l'homme de convention se montrent 65 dans une beauté bizarre, partout où le soleil éclaire les joies rapides de l'animal dépravé! "Voilà, certes, une journée bien employée," se dit certain lecteur que nous avons tous connu, "chacun de nous a bien assez de génie pour la remplir de la même façon." Non ! peu d'hommes sont doués de la faculté de voir ; il y en a moins encore qui possèdent la puissance d'exprimer. Maintenant, à l'heure où les autres dorment, celui-ci est penché sur sa table, dardant sur une feuille de papier le même regard qu'il 70 attachait tout à l'heure sur les choses, s'escrimant avec son crayon, sa plume, son pinceau, faisant jaillir l'eau du verre au plafond, essuyant sa plume sur sa chemise, pressé, violent, actif, comme s'il craignait que les images ne lui échappent, querelleur quoique seul, et se bousculant lui-même. Et les choses renaissent sur le papier, naturelles et plus que naturelles, belles et plus que belles, singulières et douées d'une vie enthousiaste comme l'âme de l'auteur. La fantasmagorie a été extraite de la nature. Tous les 75 matériaux dont la mémoire s'est encombrée se classent, se rangent, s'harmonisent et subissent cette
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