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Toujours le Malade imaginaire de Molière, Lectures de Français

C'est le malade imaginaire de Molière c'est une explication linéaire qui vous aidera pour le bac de français

Typologie: Lectures

2022/2023

Téléchargé le 27/03/2023

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2 documents

Aperçu partiel du texte

Télécharge Toujours le Malade imaginaire de Molière et plus Lectures au format PDF de Français sur Docsity uniquement! Document réalisé par Mme Anne-Noellia Carrols, professeure agrégée, lycée Cocteau à Miramas Séquence « Spectacle et comédie» (Le théâtre du XVIIè au XXIè siècle). Explication linéaire n°2 : Molière, Le Malade imaginaire, Acte III, scène 3 Argan est un père de famille en pleine santé mais persuadé d’être malade. Il est devenu complètement dépendant de son médecin M. Purgon et de son apothicaire (pharmacien) M. Fleurant. Ces derniers ont bien compris le profit qu’ils pouvaient tirer des angoisses morbides de leur patient, à qui ils administrent régulièrement des remèdes inutiles mais onéreux. La scène 3 de l’acte III est un dialogue entre Argan et son frère Béralde. Argan. – […] Mais enfin, venons au fait. Que faire donc, quand on est malade ? Béralde.- Rien, mon frère. Argan.- Rien ? Béralde.- Rien. Il ne faut que demeurer en repos. La nature, d’elle-même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée. C’est notre inquiétude, c’est notre impatience qui gâte tout, et presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies. Argan.- Mais il faut demeurer d’accord, mon frère, qu’on peut aider cette nature par de certaines choses. Béralde.- Mon Dieu, mon frère, ce sont pures idées, dont nous aimons à nous repaître1 ; et de tout temps il s’est glissé parmi les hommes de belles imaginations que nous venons à croire, parce qu’elles nous flattent2, et qu’il serait à souhaiter qu’elles fussent véritables. Lorsqu’un médecin vous parle d’aider, de secourir, de soulager la nature, de lui ôter ce qui lui nuit, et lui donner ce qui lui manque, de la rétablir, et de la remettre dans une pleine facilité de ses fonctions ; lorsqu’il vous parle de rectifier le sang, de tempérer les entrailles et le cerveau, de dégonfler la rate, de raccommoder la poitrine, de réparer le foie, de fortifier le cœur, de rétablir et conserver la chaleur naturelle, et d’avoir des secrets pour étendre la vie à de longues années ; il vous dit justement le roman de la médecine. Mais quand vous en venez à la vérité, et à l’expérience, vous ne trouvez rien de tout cela, et il en est comme de ces beaux songes, qui ne vous laissent au réveil que le déplaisir de les avoir crus. Argan.- C’est-à-dire, que toute la science du monde est renfermée dans votre tête, et vous voulez en savoir plus que tous les grands médecins de notre siècle. Béralde.- Dans les discours, et dans les choses, ce sont deux sortes de personnes que vos grands médecins. Entendez-les parler, les plus habiles gens du monde ; voyez-les faire, les plus ignorants de tous les hommes. Argan.- Hoy ! Vous êtes un grand docteur3, à ce que je vois, et je voudrais bien qu’il y eût ici quelqu’un de ces messieurs pour rembarrer vos raisonnements, et rabaisser votre caquet4. Béralde.- Moi, mon frère, je ne prends point à tâche5 de combattre la médecine, et chacun à ses périls et fortune6, peut croire tout ce qu’il lui plaît. Ce que j’en dis n’est qu’entre nous, et j’aurais souhaité de pouvoir un peu vous tirer de l’erreur où vous êtes et, pour vous divertir, vous mener voir sur ce chapitre7 quelqu’une des comédies de Molière. 1 Nous repaître : nous régaler, nous délecter. 2 Elles nous flattent : elles nous font plaisir. 3 Docteur : savant, expert dans son domaine. Un docteur est celui qui a soutenu une thèse de doctorat. On peut donc être docteur en médecine (donc médecin), mais aussi docteur en droit (juriste), docteur en lettres, en histoire, en mathématiques, etc… 4 Au sens propre, le gloussement d’une poule. Au sens figuré : tendance au bavardage. 5 Je n’ai pas pour but. 6 A ses risques et périls. 7 A ce sujet. Document réalisé par Mme Anne-Noellia Carrols, professeure agrégée, lycée Cocteau à Miramas Argan.- C’est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies, et je le trouve bien plaisant d’aller jouer d’honnêtes gens comme les médecins. Béralde.- Ce ne sont point les médecins qu’il joue, mais le ridicule de la médecine. Argan.- C’est bien à lui à faire de se mêler de contrôler la médecine ; voilà un bon nigaud, un bon impertinent8, de se moquer des consultations et des ordonnances, de s’attaquer au corps9 des médecins, et d’aller mettre sur son théâtre des personnes vénérables comme ces Messieurs-là. Béralde.- Que voulez-vous qu’il y mette, que les diverses professions des hommes ? On y met bien tous les jours les princes et les rois, qui sont d’aussi bonne maison que les médecins. 8 Impertinent : insolent, qui tient des propos inconvenants, irrespectueux. 9 Ensemble organisé de personnes exerçant la même profession. Document réalisé par Mme Anne-Noellia Carrols, professeure agrégée, lycée Cocteau à Miramas l’autorité des médecins auxquels il délègue le soin de débattre avec son frère : « je voudrais bien qu’il y eût ici quelqu’un de ces messieurs… ». B. conserve toute sa courtoisie et son amabilité à l’égard d’A. qu’il continue à appeler « mon frère ». Il ne cède pas à la surenchère et ne répond pas aux sarcasmes. Mais il met fermement à distance l’autorité des médecins par l’emploi du possessif : « vos grands médecins ». Ainsi, il se désolidarise complètement de l’admiration exprimée par son frère et substitue à l’adjectif « grands » deux autres adjectifs antithétiques : « les plus habiles », « les plus ignorants ». Cette antithèse est complétée par deux autres oppositions : « discours » / « choses », et « parler » / « faire ». B établit ici une distinction entre les mots et les actes. Habiles dans leurs discours, incompétents dans leurs gestes médicaux, les médecins sont montrés comme de beaux parleurs mais de mauvais praticiens. Ils ignorent en réalité les moyens de soigner les hommes et dissimulent leur incompétence derrière de belles paroles. Ainsi, Béralde révèle toute leur duplicité 10 : les médecins sont des charlatans qui se font passer pour ce qu’ils ne sont pas. Ce sont donc des hypocrites et, étymologiquement, des comédiens. Néanmoins, B. refuse d’entrer dans une polémique avec son frère : « je ne prends point à tâche de combattre la médecine ». Il ne prétend pas appartenir à un camp qui voudrait imposer sa vérité à l’autre et affirme bien plutôt une forme de tolérance : « chacun peut croire tout ce qu’il lui plaît ». Par cette déclaration, il fait preuve d’ouverture d’esprit, tout en renvoyant chaque homme à ses responsabilités et à sa liberté d’opinion en précisant : « à ses périls et fortune » : c’est une allusion aux risques que prend Argan en s’en remettant aveuglément aux décisions des médecins. Béralde replace ses propos dans le cadre d’une conversation privée, sans autre enjeu que le simple énoncé d’un avis personnel qui n’engage que lui : « ce que j’en dis n’est qu’entre nous ». Béralde incarne ainsi la modération : il n’a pas la prétention de juger autrui ni de détenir la vérité. 3 e partie : le dialogue dérive de la question de la médecine vers celle du théâtre. Comprenant qu’un dialogue d’idée avec son frère est impossible, il renonce à le convaincre et propose, comme alternative au débat argumenté, le théâtre : « j’aurais souhaité de pouvoir un peu vous tirer de l’erreur où vous êtes et, pour vous divertir, vous mener voir sur ce chapitre quelque comédie de Molière ». Il tente ainsi de faire diversion et, grâce au divertissement que constitue le théâtre, de détourner Argan de sa vénération pour les médecins. Le théâtre devient ainsi une forme d’argumentation indirecte, que B. espère plus efficace qu’un débat en bonne et due forme face à un esprit aussi borné que celui d’Argan. B. évoque donc une pièce de Molière qui critique les médecins, sans doute Le Malade imaginaire lui-même. Le personnage parle donc de son créateur et brouille ainsi les limites entre la réalité (la pièce et son auteur existent réellement) et la fiction (le personnage qui l’évoque est inventé). Cette mise en abyme (on parle du Malade imaginaire à l’intérieur du Malade imaginaire) permet de réfléchir sur les pouvoirs de la comédie. Argan rejette l’invitation de B. en usant à son tour du possessif qui met à distance dans « votre Molière ». Il s’en prend alors violemment à son propre créateur, qu’il qualifie de termes péjoratifs comme « bon impertinent », « bon nigaud ». Il faut bien saisir ici tout le comique de la situation puisque Molière jouait le personnage d’Argan, et c’est donc lui-même qui prononce les insultes qui lui sont destinées, ce qui est la marque d’une bonne dose d’auto- dérision. Molière, habitué aux polémiques déclenchées par son théâtre, met directement en scène celle que sa pièce sur les médecins pourrait provoquer. Mais il attribue les attaques contre son théâtre à un personnage borné, excessif et de mauvaise foi, ce qui revient à 10 Duplicité : comportement double, variant selon les circonstances, dans le but de tromper et de dissimuler sa personnalité profonde. Document réalisé par Mme Anne-Noellia Carrols, professeure agrégée, lycée Cocteau à Miramas disqualifier ses adversaires et à mettre en évidence leur médiocrité. Au contraire, il confie sa propre défense à un personnage posé, subtil, sage. Argan semble trouver sacrilège de mettre en scène des médecins, comme si c’était porter atteinte à leur dignité. Il désigne les médecins avec des expressions laudatives (= valorisantes) qui signalent toute l’admiration qu’il a pour eux et toute l’influence qu’ils exercent sur lui : « tous les grands médecins de ce siècle », « d’honnêtes gens comme les médecins », « des personnes vénérables comme ces Messieurs-là ». Son admiration pour eux est proche d’un culte religieux, comme le souligne l’adjectif « vénérables » (l. 37). La vénération est, au sens premier, l’adoration d’un croyant pour son dieu. C’est pourquoi A. considère toute critique qui leur est adressée comme blasphématoire. Cela ressort à travers une énumération de verbes à l’infinitif : « contrôler la médecine », « se moquer des consultations et ordonnances, s’attaquer au corps des médecins ». Le verbe « se moquer » renvoie à la dimension satirique des pièces de Molière. Les deux autres suggèrent des intentions hostiles et belliqueuses (« contrôler », « s’attaquer »). A met ici en évidence la dimension polémique et subversive du théâtre de Molière. De même que le théâtre était considéré comme un danger par les dévots de l’Eglise catholique, il est perçu comme tel par Argan, dévot de la médecine et grand adorateur des médecins. D’où son indignation. Béralde tente d’apaiser la situation et de prendre la défense de Molière : « ce ne sont pas les médecins qu’il joue, mais les ridicules de la médecine ». Il établit une rectification : Molière n’incrimine pas les médecins en tant que personnes, mais fait la satire des défauts et des abus de leurs pratiques. Le théâtre n’est donc pas un tribunal qui juge des personnes, mais un divertissement qui veut instruire les hommes, leur enseigner le discernement, l’esprit critique, la lucidité, afin de leur rendre leur liberté de jugement face à tous les discours manipulateurs. Par ailleurs, à travers une question rhétorique, B. montre le théâtre un moyen de représenter la société des hommes et leur condition ordinaire : « Que voulez-vous qu’il y mette, que les diverses professions des hommes ? ». C’est donc à la comédie plus précisément qu’il fait allusion, genre qui met en scène des personnages issus de la bourgeoisie, donc occupant des professions, par distinction avec la tragédie dont les personnages sont « les princes et les rois ». Le comparatif d’égalité avec les rois « qui sont d’aussi bonne maison que les médecins » est humoristique. En effet, B. semble considérer le fait d’être prince ou roi comme une profession ordinaire, alors que c’est un rang et un titre. Ici, il faut distinguer deux sens possibles, en vertu de la double énonciation théâtrale 11 : - Béralde signifie à Argan que si les princes et les rois ne trouvent rien à redire au fait d’être représentés dans les tragédies, les médecins ne doivent pas non plus considérer cela comme une attaque, mais au contraire comme un honneur qui les élève au niveau des princes et des rois. Bien sûr, B. se joue de la naïveté de son frère et feint d’oublier ce qui distingue radicalement la comédie par rapport à la tragédie : le rire et sa force critique. Une tragédie montrera les princes et les rois comme héroïques et admirables ; une comédie montrera ses personnages comme ridicules. - Mais cette ultime réplique de Béralde est avant tout une façon de revendiquer l’égale dignité de la comédie et de la tragédie, alors que la comédie est souvent dépréciée et considérée comme un genre moins prestigieux. B remet donc en question la hiérarchie des genres, revendication qui sera probablement entendue par les spectateurs les plus éclairés, capables de saisir l’allusion (mais certainement pas par Argan, qui n’est visiblement pas au fait de ces débats de l’époque). 11 Double énonciation : au théâtre, chaque phrase énoncée est adressée à la fois aux personnages présents sur scène, et aux spectateurs présents dans le public. Parfois, le sens compris par un personnage n’est pas le même que celui qui est compris par le public. Document réalisé par Mme Anne-Noellia Carrols, professeure agrégée, lycée Cocteau à Miramas Conclusion : Le débat révèle donc l’influence délétère des médecins sur l’esprit d’A en confrontant deux personnages, l’un, raisonnable et tolérant, sachant argumenter, et l’autre dont la folie, l’aveuglement et l’entêtement mettent en échec toute tentative de dialogue. A., sous influence, n’est pas en état d’entendre les arguments de son frère. Béralde dresse un portrait satirique des médecins, présentés comme des charlatans qui profitent de la crédulité et des angoisses de leurs patients pour prendre le pouvoir sur leur corps mais surtout sur leur âme. Face à cette emprise, le meilleur antidote, c’est le théâtre. Ce dialogue oppose donc « le roman de la médecine », discours mensonger et illusoire d’une prétendue science qui n’est en fait qu’une fiction, et le théâtre, une fiction qui a le pouvoir de dévoiler la vérité et de dénoncer les faux-semblants. Alors que la médecine manipule les gens et ne fait que maintenir les patients dans leur crédulité et leurs angoisses de mort, le spectacle théâtral, et la comédie en particulier, a le pouvoir de guérir les angoisses grâce aux vertus divertissantes du rire, et de combattre la crédulité grâce aux pouvoirs révélateurs de la satire qui rend les hommes plus lucides. La pièce entière rend ainsi hommage au pouvoir salutaire du spectacle comique, et critique le pouvoir délétère de cette mise en scène mensongère qu’est la médecine. Molière nous invite donc à méditer un paradoxe : les médecins sont des comédiens puisqu’ils se font passer pour ce qu’ils ne sont pas en s’arrogeant des compétences mensongères. Les comédiens sont des médecins puisqu’ils sont capables de guérir les spectateurs de leurs angoisses et des manipulations dont ils sont victimes.
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